la lettre de lInstitut Danone
N°96 – Juin 2010
DOSSIER
Sommeil et
régulation du poids
TRIBUNE
Nutrition et
polyhandicap
Pr. Frédéric Gottrand
Pr. Karine Spiegel
TRIBUNE
(installation, orthophonie), symptomatiques
(traitement du reflux gastro-œsophagien, de la
spastici..), et des adaptations de l’alimentation
(eau gélifiée, épaississants, compléments
nutritionnels) rend nécessaire une nutrition
entérale, le plus souvent par gastrostomie. Les
faibles besoins caloriques de ces patients, du fait
de la limitation de l’activité physique, créent un
risque de surpoids si la nutrition enrale n’est
pas rapidement adaptée après la phase
de rattrapage ponral initial.
Les déficits nutritionnels
qualitatifs en micronutriments,
vitamines, minéraux et oligo-
éléments, sont probablement
très fréquents dans cette
population (alimentation
sélective, limitée quantitativement),
mais ils n’ont pratiquement pas été
étudiés, à part quelques études sinressant à
la masse osseuse, au calcium et à la vitamine D.
Bon nombre de ces patients vivant à domicile et
n’ayant pas forment de suivi scialisé, la
prévention et la prise en charge de la dénutrition
doivent être une préoccupation des équipes
soignantes et des médecins libéraux, à la fois
dans un objectif de soin et de qualité de vie. C’est,
avec le devenir respiratoire, un des enjeux
majeurs de la transition de ces patients vers lâge
adulte.
On estime actuellement à 15 000 le nombre de
patients polyhandicapés âgés de moins de 20 ans
dans notre pays. Les progrès dans leur prise en
charge globale ont permis une augmentation de
lesrance de vie, mais souvent au prix d’une
dénutrition (entre 14 et 78%).
Les causes en sont multiples : problèmes
digestifs(refluxgastro-œsophagien, constipation),
ORL (grosse langue, malocclusion dentaire,
hyper-salivation, troubles de la
déglutition), douleur (spasticité,
luxation de hanche), atteinte
neurologique centrale (troubles
cognitifs, inappétence, lenteur
des repas, dépendance), effets
secondaires des médicaments,
dépression… Lévaluation de l’état
nutritionnel est difficile et repose
sur la mesure du poids et de la taille
(parfois très malaie à réaliser du fait des
rétractions) et, en l’absence de courbe spécifique
à cette population, sur d’autres signes plus
subjectifs : fragilité cutanée voire escarre,
réduction de lappétit, altération de la qualité de
vie.
Le traitement nutritionnel doit singrer dans la
prise en charge globale. Les repas sont pour
certains des moments de plaisir et d’échanges
qu’il faut préserver et favoriser (installation
confortable, environnement calme, aliments
appétents et de texture adaptée aux gts et
possibilités). En revanche, pour d'autres, le repas
est peu agréable, voire source de stress ou de
fausses routes, ou tellement long quil réduit le
temps dévolu à d'autres activités relationnelles
ou d’éveil. L’échec des mesures rééducatives
Pr. Fric GOTTRAND
Unité de Gastroentérologie, Hépatologie
et Nutrition, Pôle enfant, Hôpital Jeanne
de Flandre.
CHU de Lille, Faculté de médecine,
Université de Lille 2
Nutrition et
polyhandicap
D O S S I E R
Phénomène de plus en plus courant, la réduction du temps consacré au
sommeil touche touteslestranches dâge de tous lespays industrialisés. Au
cours de la deuxième moitié du 20ème scle, l’augmentation rapide de la
prévalence de lobésité aux Etats-Unis s'est développée parallèlement à la
diminution progressive du temps consacré au sommeil. Les études
épidémiologiques et expérimentales accumulées au cours des 15 dernières
annéessuggèrentquuneduréedesommeilcourtepourraitêtreunfacteurde
risque comportemental et environnemental de maladies métaboliques
(obésité, diabète et syndrome métabolique), au même titre qu'une
alimentationinappropriéeouqu'unmanqued'activitéphysique.Ilsembledonc
primordialdinformerlapopulation,et notammentlespersonnesprésentant
une surcharge pondérale, sur les conséquences dun manque de sommeil.
Sommeil et régulation du poids
Pr. Karine Spiegel
INSERM / UCBL - U628
Physiologie intégrée du système d'éveil
Département de Médecine Expérimentale
Université Claude Bernard, Lyon 1
4
D O S S I E R
La réduction du temps
consacré au sommeil touche
toutes les tranches d’âge de
tous les pays industrialis.
Aux Etats-Unis, le temps
alloué au sommeil a diminué
d’environ 1h30 au cours des
50 dernres années et près
de 30% des adultes âgés de
30 à 64 ans dorment moins
de 6 h par nuit. Bien que le
besoin de sommeil ne
change pas au cours de
l’adolescence (environ 9h),
les adolescents américains
dorment en moyenne 8.4h à
11-12 ans et 6.9 h à 17-18
ans. En France, 17% des
personnes âgées de 25 à
45 ans accumulent une dette
chronique de sommeil cor-
respondant à la perte heb-
domadaire d’une nuit com-
plète de sommeil et 33%
des 18-55 ans dorment 6
heures ou moins en
semaine. Enfin, 78% des
adolescents français dor-
ment 8h ou moins en
semaine.
TRAVAUX
ÉPIDÉMIOLOGIQUES
De nombreuses études épi-
démiologiques (transversales
et longitudinales) rapportent,
après ajustement des fac-
teurs de confusion, une asso-
ciation entre une durée de
sommeil courte et un Indice
de Masse Corporelle (IMC)
élevé (42 études sur les 47
ayant examiné ce lien).
L’impact d’un sommeil de
durée insuffisante sur le
risque d’osité semble plus
important chez les enfants
que chez les adultes, et plus
important chez les adultes
jeunes que chez les adultes
plus âgés.
Parmi les 38 études trans-
versales, 34 ont trouvé une
association entre une durée
de sommeil courte et un
IMC élevé (21 sur 25 chez
les adultes et 13 sur 13 chez
les enfants). Les études
transversales ne permet-
tent pas de déterminer si le
manque de sommeil est
une cause ou une consé-
quence du surpoids.
Les études longitudinales
suggèrent un lien de cau-
salité (8 études positives
sur 9 : 4 sur 5 chez les
adultes et 4 sur 4 chez les
enfants). Elles montrent
que les personnes dormant
F O C U S
La diminution du temps
consacré au sommeil est
essentiellement, chez les
adultes, d'origine
professionnelle et
sociale. Chez les plus
jeunes, elle est liée au
veloppement d’Internet
et à la multiplication des
programmes tévisés.
vision, ordinateur,
jeux vio et téphone
mobile ne devraient pas
avoir leur place dans les
chambres des enfants et
des adolescents.
L’Institut National du
Sommeil et de la
Vigilance met à
disposition sur son site
internet un « passeport
sommeil » prodiguant
des conseils pour mieux
dormir (www.institut-
sommeil-vigilance.org).
Très pédagogique, il
permet également aux
decins généralistes et
aux spécialistes d’évaluer
les habitudes de sommeil
de leurs patients.
Objectif Nutrition - Sommeil et régulation du poids
peu prennent plus de poids
que celles dormant 7 à 8h
par nuit.
Deux méta-analyses ont
tenté de quantifier le lien
entre sommeil court et
risque d’obésité en analy-
sant les données recueillies
auprès de 600 000 adultes
et 30 000 enfants de divers
pays industrialisés. La pre-
mière rapporte un risque
relatif groupé global de 1,89
chez les enfants dormant
10h ou moins et de 1,55
chez les adultes dormant
5h ou moins. La deuxième
fait état chez les enfants
ayant une durée de som-
meil écourtée, d'un risque
relatif d'obésité augmenté
et croissant lorsque la
durée de sommeil diminue
(Figure 1). Ces sultats
évoquent l’existence d’une
relation dose-effet entre la
durée du sommeil et le
risque d’obésité.
TRAVAUX
EXPÉRIMENTAUX
• Leptine et ghréline
Quelques travaux expéri-
mentaux ont récemment
évalué limpact de priva-
tions partielles répétées de
sommeil sur les concentra-
tions d’hormones impli-
quées dans la régulation de
la balance énergétique : la
leptine (hormone sécrétée
principalement par les adi-
pocytes) qui inhibe l’appétit
et stimule la dépense éner-
gétique, et la ghréline (hor-
mone sécrétée essentielle-
ment par l’estomac) qui
stimule l’appétit et l’adipo-
génèse. La Figure 2 montre
les profils diurnes de ces
hormones obtenus chez des
hommes jeunes en bonne
santé après 2 nuits de 4h au
lit et après 2 nuits de 10h au
lit. Bien que l’apport calo-
rique, l’activité physique, et
le poids étaient identiques
dans les deux conditions
expérimentales, les concen-
trations de leptine étaient
diminuées de 18% chez les
sujets qui avaient eu 4h
d’opportunité de sommeil,
par rapport à 10h, alors que
les concentrations de ghré-
line étaient augmentées de
28 %. En condition de res-
triction de sommeil, la faim
était augmentée de 24% et
l’appétit pour des aliments
riches en matières grasses
et en glucides de plus de
5
RR: Risque Relatif IC : Intervalle de Confiance
Figure 1 : Risque relatif d’obésité en fonction de la durée de sommeil chez les
enfants (d’après Chen et al.)
Durée de sommeil par rapport aux recommandations
Excessivement écourtée
(plus de 2h en moins) Très écourtée
(de 1h à 2h en moins) Modérément écourtée
(de 0 à 1h en moins)
RR IC 95 % RR IC 95 % RR IC 95 %
1.92 1.15, 3.20 1.60 1.22, 2.10 1.43 1.07, 1.91
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