Ministère de la Culture et de la Communication
Délégation générale à la langue française et aux langues de France
CULTURESFRANCE
Ministère des Affaires étrangères
Direction générale de la Coopération internationale et du Développement
Direction de la Coopération culturelle et du Français
Division de l’Écrit et des Médiathèques
© CULTURESFRANCE janvier 2007
Rédaction :
Graphisme : ÉricandMarie
Impression : Imprimerie nationale
isbn : 978-2-35312-027-7
LES MOTS MIGRATEURS
AMOUR
BIJOU
ABRICOT
BACHI-BOUZOUK
PASSE-PARTOUT
MÈTRE
CHIC
CLOWN
BIZARRE
VALSER
Les mots les plus simples racontent une histoire. C’est souvent
un récit de voyage : au cours des siècles, la langue française
s’est enrichie de milliers de mots venus d’ailleurs, tandis
que les autres langues n’ont cessé à leur tour d’emprunter
au français une partie de leur vocabulaire.
Pour montrer le rôle essentiel des échanges entre
les langues dans la construction du français, mais
aussi pour mettre en évidence les apports du
français aux langues du monde, dix mots ont été
choisis dans le cadre de la Semaine de la langue
française.
Chacun d’eux est une boîte de Pandore, qu’il suffi t
d’ouvrir pour retrouver la trace de ses pérégrinations,
pour découvrir – au l des courants migratoires,
intellectuels ou commerciaux les péripéties
de ses aventures, dans l’espace et dans le temps.
En passant d’une langue à l’autre dans les jurons
des soldats, les élégies des poètes ou les factures
des marchands, au hasard des conquêtes et des
divertissements, les mots se sont métamorphosés
pour s’installer dans l’usage ; d’autres, parfois, n’ont
fait qu’une courte escale avant de repartir plus loin,
transformés…
Ce vagabondage lexical autour de dix mots nous
invite à nous interroger sur notre culture et notre
identité. Car c’est en grande partie au contact
de ses voisines qu’une langue se construit, évolue
et s’enrichit. La capacité du français à accueillir,
à assimiler l’apport des autres langues mais aussi
à essaimer dans la langue des autres est sans doute
le témoignage le plus probant de sa vitalité.
MINISTÈRES DES AFFAIRES
ÉTRANGÈRES
MINISTÈRE DE LA CULTURE
ET DE LA COMMUNICATION
MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION
NATIONALE, DE L’ENSEIGNEMENT
SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
La Semaine de la langue française est organisée en partenariat avec :
LE FRANÇAIS HORS DE SES FRONTIÈRES
LES MOTS VENUS D’AILLEURS
LANGUE FRANÇAISE, LANGUES DE FRANCE
LES EMPRUNTS PAR VAGUES
Crédits iconographiques
AMOUR : Paolo et Francesca, © Photo RMN / DR • Couple
d’amoureux dans un bistrot, rue Saint-Denis, © Estate Brassaï-
RMN / Photo CNAC / MNAM Dist. RMN/Jacques Faujour
Le Baiser, © Photo CNAC / MNAM Dist. RMN / Philippe Migeat,
© Adagp, Paris, 2007 • Carte du Tendre, © Photo RMN/Bulloz
Joueur de luth du temps du Roy Charles V en 1372, © BnF /
Département des estampes et de la photographie • Tenture
de manière et chère aimable, © Rue des Archives.
BIJOU : Bague Cartier, © Cartier/ N. Welsh, collection Cartier
Bretagne, Île de Brehat : La Croix de Saint Michel (Saint-
Michel) et les îlots de Kerponts, © Selva / Leemage • Costumes
traditionnels bretons, © akg-images • Pêche à la mor ue sur le
grand banc de Terre-Neuve, © BnF / Département des estampes
et de la photographie • Les Quatre Bretonnes, © akg-images
Goéland, © Cuboimages / Leemage • Coquille Saint-Jacques,
© Albert J. Copley / Age Fotostock / Hoa-qui • Les Deux Pèlerins,
© Roger-Viollet • Silhouette : Costume masculin du Finistère,
© Selva / Leemage.
ABRICOT : Prunus Armeniaca/« Abricotier commun »,
© akg-images • Astrolabe gothique du XIV e siècle, © Leemage
Nymphéas, © Electra/Leemage • Girafe femelle, âgée
de 2 ans 1/2, dessinée au Jardin du Roi en juillet 1827,
© Photo RMN/Jean Schormans • Fennec, © Selva / Leemage
• Silhouette : Cueillette des abricots, © Alinari/Roger-Viollet.
BACHI-BOUZOUK : Bachi-bouzouks, © Roger-Viollet • Tintin
et le mystère de la toison d’or, © Rue des Archives / CSFF
Caftan attribué au Sultan Ibrahim Ier, © Photo RMN / H.
Cangökce /C. Cetin • Roustan (1780-1845) mamelouk de
Napoléon Ier, © Albert Harlingue / Roger-Viollet • Offi cier de
Hussard. Armée française sous Louis XVI, © Roger-Viollet
Croissant, © Jupiterimages / Burke / Triolo Productions
Sultan Mahomet (1387-1421), © Bridgeman Art Library
Yaourt, © A.J.J. Estudi /Age Fotostock / Hoa-qui • Silhouette :
Cosaque irrégulier de l’armée russe au début du XIXe siècle,
© Roger-Viollet.
VAL SE R : Valse bleue, © akg-images • Bal du 14 juillet, © Roger-
Viollet • Edelweiss, © Jim Harding / Age Fotostock / Hoa-qui
Portrait de Jaime Sabartés (Le bock), © akg-images / Erich
Lessing, © Succession Picasso 2007 • Les sept types de
chromosomes humains, © BSIP / Cavallini James • Les Trois
Musiciens, © akg-images, © Adagp, Paris, 2007.
BIZARRE : Bizzarie di varie fi gure, © BnF/ Réserve des livres
rares • Jeune garçon mangeant des spaghettis, © akg-images/
ullstein bild • Portrait de la princesse Turandot, © Mary
Evans / Keystone-France • Deux dialogues du nouveau langage
françois italianizé et autrement desguizé, principalement
entre les courtisans de ce temps, © BnF/ Gallica, bibliothèque
numérique • « La Barbe-Bleue, tenant un grand coutelas… »,
© BnF/Département littérature et art.
CLOWN : Masques de clowns célèbres (détail), © Bridgeman
Art Library • Fou du roi, © Rue des Archives / The Granger
Collection NYC • Fabrice Santoro, © AFP/ Jacques Demarthon
Ticket de métro parisien, © AFP Photo / RATP • Le Cirque,
© Photo RMN/Hervé Lewandowski • Parlez-vous franglais ?,
© Éditions Gallimard, 1973 • Publicité pour le bouillon Maggi,
© Rue des Archives / PVDE • Silhouette : Bouffon dansant,
© Photo RMN / Thierry Le Mage.
CHIC : Le Menuet, © akg-images • Création de Christian Lacroix,
© AFP/ Pierre Verdy • Le Comte Robert de Montesquiou,
© akg-images / Erich Lessing • Offi cier de dragon à pied,
© Paris-musée de l’Armée / Dist. RMN/Hubert Josse • Bonbons,
© De Country/Hoa-qui • Chanel no 5, © AFP/ Kjell Ostberg
• Silhouette : Costumes parisiens : le journal des Dames et des
modes, © Photo RMN/Gérard Blot.
MÈTRE : Leçon de géométrie et de mathématiques, © Rue
des Archives/Gregoire • Mètre ruban, © DR • Mètre-étalon,
© DR • Usage des nouvelles mesures, © Bridgeman Art
Library • Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen,
© Rue des Archives • Le Sans-Culotte, © Photo RMN/Bulloz
Système métrique. Mesures de capacité, © UB / Roger-Viollet
• Silhouette : Mètre menuisier, © Fototeca / Leemage.
PASSE-PARTOUT : Composition aux clés, © Photo RMN /
Michèle Bellot, © Adagp, Paris, 2007 • Scie passe-partout à
deux poignées (no d’artefact 74-1214, no d’image D2005-10534),
© Musée canadien des civilisations • Premier rendez-vous,
© Gusman / Leemage • Chaises longues sur une plage, © Roger-
Viollet • Passoire, © DR • Scènes avec Passepartout et Phileas
Fogg en Inde, © Selva / Leemage • Passepor t européen, © DR.
LES MOTS MIGRATEURS
Cette exposition est réalisée dans le cadre de la Semaine de la
langue française, organisée chaque année autour de la Journée
internationale de la francophonie par le ministère de la Culture
et de la Communication en collaboration avec les ministères des
Affaires étrangères et de l’Éducation nationale, de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche.
[amuY] n. m. Sentiment d’affection profonde
qu’un être éprouve pour un autre.
Le sens moderne du mot est né sur la terre d’oc,
cette partie de la France située au sud de la Loire.
L’amour courtois, la fi n’amor, sublime la noblesse
des sentiments et impose un nouveau code
de conduite, un art d’aimer qui transcende
conventions sociales et préceptes religieux.
AMOUR
Une vague d’emprunts
amène amadouer
de la famille de l’occitan
amar, « aimer » –, affrioler,
s’esclaffer, badaud,
farfadet, ou encore
accolade, pimpant,
traquenard
Le français s’est nourri au
cours des siècles des langues
parlées sur son territoire.
L’apport de l’occitan, langue
romane, est sensible dès la
n du XIe siècle, mais surtout
à partir du XVIe siècle.
« L’expérience de l’amour
Glanée à la mosaïque des délires
Oriente notre devenir »
René Char, « Les Asciens », in Le Marteau sans maître, Paris, Éd. surréalistes / Librairie José Corti, 1931.
1
LANGUE FRANÇAISE, LANGUES DE FRANCE
En langue d’oïl, parlée
au nord de la Loire, le latin
amor est devenu amur, plus
tard ameur, avec le sens fort
de « délité ». Il va prendre
sa valeur affective dans
la poésie des troubadours
et amour, forme occitane
du mot, s’imposera.
Paolo et Francesca, Jean-Auguste-Dominique Ingres, huile sur toile, 1819, Angers, musée des Beaux-Arts.
Couple d’amoureux dans un bistrot, rue Saint-Denis, Halasz Gyula (dit) Brassaï,
épreuve argentique, 1931, Paris, musée national d’Art moderne.
Le Baiser, Constantin Brancusi, sculpture sur pierre calcaire brune,
1923-1925, Paris, musée national d’Art moderne.
Joueur de luth du temps du Roy Charles V en 1372, dessin,
Paris, Bibliothèque nationale de France.
Carte de Tendre, illustration extraite de M. de Scudéry, Clélie, histoire romaine,
Paris, A. Courbé, 1654-1660, Paris, Bibliothèque nationale de France.
Tenture de manière et chère aimable, enluminure extraite de René d’Anjou,
Livre du Cœur et d’Amour épris, vers 1480-1485, Paris,
Bibliothèque nationale de France.
… sans oublier troubadour,
mot à mot « celui qui
trouve », qui compose,
inspiré par l’amour.
[biFu] n. m. Petit objet ouvragé et précieux,
servant à la parure.
Le mot vient du breton bizou, un dérivé de bîz,
« doigt », qui désigne la bague.
Le français a ainsi enrichi son lexique au cours
des siècles en empruntant aux langues de France :
breton, alsacien, catalan, basque, corse…
BIJOU
Les affamés peuvent se jeter
sur une cotriade, soupe
de poissons préparée avec
oignons et pommes de
terre. Cotriade vient du
breton kaoteriad, « contenu
d’un chaudron », traduction
du charentais chaudrée,
« contenu d’une chaudière ».
Autrefois, les pêcheurs
des bancs de Terre-Neuve et
de Saint-Pierre-et-Miquelon
« faisaient chaudière »,
cuisinant une partie
de leur pêche pour en
faire un repas. Chaudière
a donné l’anglais américain
chowder, et ainsi,
en Nouvelle-Angleterre,
on peut déguster la soupe
de palourdes, clam
chowder… grâce aux
marins français.
Baragouin serait d’origine
bretonne : formé de bara,
« pain », et gwin, « vin », deux
mots employés par les
pèlerins bretons tentant
de se faire comprendre
pour demander l’hospitalité
sur les chemins de Saint-
Jacques-de-Compostelle.
De quoi calmer leur fringale,
altération de f(r)aimvalle,
dont le second élément serait
le breton gwall « mauvais ».
LANGUE FRANÇAISE, LANGUES DE FRANCE
2
Le breton a fourni des mots désignant
des réalités locales (dolmen, biniou,
kouign-amann…), mais également cohue,
darne ou goéland.
Bretagne, Île de Brehat : La Croix de Saint Michel (Saint-Michel)
et les îlots de Kerponts, carte postale, début du XXe siècle.
Costumes traditionnels bretons, Joseph Watter, gravure sur bois, 1875,
Berlin, Archiv für Kunst und Geschichte.
Pêche à la morue sur le grand banc de Terre-Neuve, Louis Lebreton, estampe,
XIXe siècle, Paris, Bibliothèque nationale de France.
Les Quatre Bretonnes, Paul Gauguin, huile sur toile, 1886,
Munich, Nouvelle Pinacothèque de Munich.
Les Deux Pèlerins, Jacques Callot, eau-forte, XVIIe siècle,
Paris, Bibliothèque nationale de France.
Bague, Cartier Paris, 1946. Or godronné, platine, diamants taille brillant, un rubis taille rose de 2,95 carats.
[abYiko] n. m. Fruit de l’abricotier.
Contrairement à ce que pourrait suggérer son
nom scientifi que, Prunus armeniaca, mot à mot
« prunier d’Arménie », le mot abricot remonte
à l’arabe al-barqûq, al birqûq, adaptation du grec
praikokion, qui est emprunté au latin praecoquum,
« précoce ».
ABRICOT
Les Arabes ont été
de grands passeurs
de savoirs et de mots,
notamment au Moyen Âge,
comme en témoigne le
lexique français. Ce sont
notamment des noms
scientifi ques et techniques,
alchimie, algèbre, arsenal,
chiffre, et le précieux
zéro, des noms de fruits,
de fl eurs ou de plantes,
artichaut, coton, épinard,
nénuphar, orange,
ou encore d’animaux,
fennec, gazelle, girafe.
Mot et fruit ont voyagé
ensemble. Ils sont passés
par l’espagnol albaricoque
ou par le portugais albricoque
avant de donner notre
abricot et l’anglais apricot.
Puis le français a donné
le néerlandais abrikoos,
à l’origine de l’allemand
Aprikose et du russe abrikos,
tandis que l’anglais
a probablement fourni
au japonais
apurikotto.
Les emprunts d’une langue à une autre
ne sont pas unilatéraux. Ainsi le français
a emprunté à l’arabe le mot familier
toubib, et l’arabe, en retour, a emprunté
au français le mot docteur.
albaricoque
espagnol
albricoque
portugais
apricot
anglais
abrikoos
néerlandais
Aprikose
allemand
abrikos
russe
apurikotto
japonais
abricot
français
3
LES MOTS VENUS D’AILLEURS
Prunus Armeniaca /« Abricotier commun », lithographie non datée
d’après une illustration d’Acara, 1860.
Astrolabe gothique du XIVe siècle
Nymphéas (détail), Claude Monet, huile sur toile, 1906,
Rome, Galleria nazionale dell’arte.
al-barqûq
arabe
Girafe femelle, âgée de 2 ans 1/2, dessinée au Jar din du Roi en juillet 1827,
Prévost, lithographie, 1827, Paris,
musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.
Fennec, extrait de James Bruce, Voyage en Nubie et en Abyssinie entrepris
pour découvrir les sources du Nil pendant les années 1768 à 1772, vol. 1,
Paris, 1790, Le Caire, Bibliothèque des Jésuites.
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