Le colonel von Stauffenberg, officier d’e
´tat-major,
grie
`vement blesse
´dans les combats de Tunisie (il y
avait perdu un œil et la main droite) puis chef d’e
´tat-
major de l’arme
´edere
´serve, descendant d’une longue
ligne
´e d’aristocrates militaires, qui comme beaucoup
avait cru a
`l’excellence du nazisme, en est l’instrument.
Apre
`slare
´ussite du de
´barquement, les premiers
succe
`s de la campagne de France, l’avance des
Allie
´s en Italie (Rome vient d’e
ˆtre prise), la de
´ba
ˆcle
des troupes allemandes de l’Est ou
`les arme
´es
sovie
´tiques entrent en Pologne, Stauffenberg estime
qu’il ne faut plus attendre, faute de quoi plus rien ne
pourrait e
ˆtre sauve
´. Pour lui, Hitler entraı
ˆne l’Alle-
magne dans un gouffre s’il n’est pas rapidement mis
hors d’e
´tat de nuire. Il rejoint donc les conspirateurs, le
Dr Goerdeler, ex-maire de Leipzig et surtout l’ex-chef
d’e
´tat-major ge
´ne
´ral, le ge
´ne
´ral Beck.
L’e
´chec de l’attentat du 20 juillet 1944 remet
e
´videmment tout en cause et, dans le paysage re
´pressif
ge
´ne
´ral, constitue un facteur aggravant, Hitler tenant
de
´sormais la preuve qu’il ne peut faire confiance a
`son
arme
´e.
Du me
ˆme coup c’est le triomphe pour Himmler, ses
SS et la Gestapo. A Berlin, Himmler au sommet de sa
gloire est a
`la fois ministre de l’Inte
´rieur, de la Sante
´,
chef supre
ˆme de toutes les polices, des services de
renseignements, des services secrets et d’espionnage
civils et militaires, et devient commandant en chef de
l’arme
´edere
´serve
1
.
L’enque
ˆte, confie
´ea
`ses services, lui offre en outre la
possibilite
´de fouiller librement les coffres secrets de la
Wehrmacht et de re
´gler ses vieux comptes.
Dans la re
´pression qui suit, plusieurs mois durant, et
s’e
´tend aux familles des conspirateurs, Himmler et
Kaltenbrunner se de
´chaı
ˆnent. Sous couverture pseudo-
juridique, elle est plus fe
´roce que la purge contre
Roehm et les SA, dans « la nuit des longs couteaux » de
1934 : sept mille arrestations et pre
`s de cinq mille
exe
´cutions en constituent le tragique e
´pilogue. Beau-
coup d’officiers pre
´fe
`rent se suicider pluto
ˆt que d’e
ˆtre
arre
ˆte
´s et juge
´s. Rommel lui-me
ˆme se tue le 14 octobre.
Ces e
´ve
´nements berlinois ont des conse
´quences
importantes a
`Paris, et plus ge
´ne
´ralement en France,
sur le front occidental et dans les diffe
´rentes re
´gions
militaires.
Paris est en effet le sie
`ge des plus proches complices
des conspirateurs. Informe
´s de l’attentat vers 16 heures
le 20 juillet, les conjure
´s parisiens apprennent vers
19 heures que le Fu
¨hrer a e
´chappe
´a
`la mort mais
de
´cident d’aller jusqu’au bout, conside
´rant que rien ne
les empe
ˆche, en France, de se de
´clarer en dissidence.
Vers 21 heures donc, les ba
ˆtiments de la Gestapo de
l’avenue Foch, le domicile d’Oberg, les bureaux de
la rue des Saussaies et du boulevard Lannes sont
investis par des unite
´s de la Garde. La quasi totalite
´
des 1 200 SS cantonne
´sa
`Paris sont neutralise
´s, tandis
que leurs chefs, Oberg et Knochen et les principaux
responsables, regroupe
´sa
`l’Ho
ˆtel Continental, rue de
Castiglione, attendent que leur sort soit fixe
´.
Pendant ce temps, le ge
´ne
´ral Gu
¨nther von Kluge, par
peur, opportunisme ou les deux a
`la fois, se de
´robe et
de
´nonce a
`Berlin son colle
`gue von Stu
¨lpnagel (Carl
Heinrich), qui me
`ne la fronde. Vers trois heures du
matin, alors que la re
´pression commence a
`Berlin, les
militaires rebelles sont contraints de rela
ˆcher leurs
prisonniers. Le lendemain, les parisiens ne soupc¸on-
nent me
ˆme pas les e
´ve
´nements qui ont marque
´la nuit
du 20 au 21 juillet.
Stu
¨lpnagel, convoque
´a
`Berlin le 21, comprend qu’il
est perdu. Il tente de se suicider, se blesse et
n’e
´chappe finalement pas au terrible Tribunal du
Peuple. Devenu aveugle, il est pendu avec les autres
conjure
´s dans la cour de la prison de Plo
¨tzensee a
`
Berlin. Le ge
´ne
´ral Boineburg, commandant du « Grand
Paris », ayant obe
´i aux ordres de Stu
¨lpnagel, est
remplace
´par von Choltitz, proche du Fu
¨hrer.
Oberg, Knochen, les agents du SD et de la SS remis
en liberte
´, voient leur influence et leurs pouvoirs
conforte
´s. L’enque
ˆte qui leur incombe est toutefois
perturbe
´e par les de
´veloppements rapides de l’offen-
sive allie
´e, avec la perce
´e vers Avranches le 24 juillet,
la prise de Coutances et Granville le 28, d’Avranches
le 30, de Rennes le 3 aou
ˆt, de Nantes et Angers le 10.
Ils rec¸oivent d’Himmler instruction de soutenir les
mouvements politiques franc¸ais pro-nazis, et singu-
lie
`rement de s’appuyer sur Darnand et Doriot. Ils
poursuivent leur action de re
´pression, envoyant vers
l’Allemagne les derniers convois de de
´portation, vidant
le camp de Compie
`gne, le fort de Romainville et bien
d’autres prisons ou
`s’entassaient encore quelques
milliers de prisonniers. Les derniers de
´parts se font
pratiquement au milieu de la bataille, sous les
bombardements ae
´riens et au total dans des conditions
aggrave
´es. Dans le convoi parti le 2 juillet de Compie
`gne
en pleine canicule, les conditions sont telles que des
sce
`nes de rixes et de folie opposent les de
´tenus entre eux
et que, quelques kilome
`tres seulement apre
`s Com-
pie
`gne, il y a de
´ja
`des morts. Pre
`s de neuf cents de
´tenus
pe
´rissent ainsi avant l’arrive
´e du convoi a
`Dachau.
L’avance des Allie
´s, de plus en plus proches de la
capitale, impose aux responsables allemands des
mesures destine
´es a
`assurer la liberte
´de mouvement
des services au moment ultime de leur de
´crochage. Il
est clair par ailleurs que la population et les groupes de
Re
´sistance, ope
´rant de
´sormais presque au grand jour,
feront tout pour entraver la retraite des derniers
e
´le
´ments.
Oberg fait donc arre
ˆter pre
´ventivement toutes les
personnes qu’il estime aptes a
`prendre la te
ˆte d’une
action de cette nature. Le 10 aou
ˆt 1944, de nombreux
pre
´fets, sous-pre
´fets, inspecteurs des Finances, offi-
ciers, banquiers, avocats et professeurs, sont arre
ˆte
´set
1. Au printemps 1945, les forces de re
´serve repre
´sentent 38 divisions,
4 brigades, dont la SS Freiwilligen Sturmbrigade Charlemagne compose
´ede
miliciens franc¸ais et hollandais volontaires et 10 bataillons de Waffen SS.
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´MOIRE VIVANTE – NUME
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