Une utilisation de la trigonométrie
par les
artilleurs au début du XVIIe siècle
I. Quelques notions de balistique
Quelle est la trajectoire d'un boulet sorti d'un canon ? Plus généralement, quelle trajectoire va
suivre un projectile une fois lancé ? La première réponse à cette question fut donnée par Aristote. Le
projectile est tout d'abord animé d'un mouvement violent : c'est un mouvement rectiligne dû à une
action extérieure au projectile, Aristote pensait que l'air exerçait cette action. Puis après un certain
temps, cette action extérieure cesse ; le projectile n'étant plus soumis à aucune action est alors animé
d'un mouvement naturel qui le ramène vers sa position naturel : ce second mouvement est également
Fig. 1. Trajectoire d'un boulet selon la théorie d'Aristote [Santbech, p. 213]
rectiligne et ramène le projectile au sol (voir la
figure 1). Or en observant des projectile lancé, on
s'aperçoit que la trajectoire suivie n'est pas
exclusivement rectiligne ; pour combler les
insuffisances de cette théorie, la notion d'impetus†
fut développée durant le moyen-âge. C'est ainsi
qu'au XIVe siècle, Albert de Saxe proposa
d'analyser le mouvement d'un projectile en trois
parties : motus violentis ou mouvement violent
(rectiligne), motus mixtus ou mouvement mixte
(curviligne) et motus naturalis ou mouvement
naturel (rectiligne) (voir la figure 2). Dans la
première phase, le boulet se déplace en ligne droite
sous l'action de l'impetus qui lui a été donné par
l'explosion de la poudre dans le canon ; dans la
seconde phase cet impetus s'amenuisant‡, le poids
du boulet tend à le ramener au sol ; enfin, l'impetus
étant épuisé, le boulet suit son mouvement
naturel et tombe verticalement au sol. Cette
analyse sera reprise par Nicolas Tartaglia dans
son ouvrage Nova Scientia, publié à Venise en
1537, qui fut le premier traité d'artillerie. C'est
avec les travaux de Galilée, et la publication en
1638 des Discours et démonstrations mathématiques
sur deux nouvelles sciences, que l'on découvre la
véritable nature de la trajectoire : une parabole.
Les recherches se poursuivront avec Torricelli
et plus tard, Bernoulli, Euler, Legendre, Jacobi
qui étudièrent la trajectoire d'un projectile soumis Fig. 2. Trajectoire d'un boulet selon Tartaglia [Blondel, p. 19]
à un champ de pesanteur uniforme et à une force de frottement fluide, dirigée en sens contraire du
vecteur vitesse et d'intensité proportionnelle à une certaine fonction j(v) de la vitesse absolue. On
† Le terme latin impetus signifie élan, c'est une force intérieure au projectile acquise lors de la mise en mouvement. Cet
impetus s'épuise lors du mouvement, un corps au repos a un impetus nul.
‡ Selon Jean Buridan, la résistance de l'air serait la cause de cette diminution d'impetus.
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