Le Coût (Moyen Pondéré) du Capital – CMPC

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Le Coût (Moyen Pondéré) du Capital – CMPC
Cette note pédagogique décrit les fondements théoriques et l’application
pratique du coût du capital.
Ce concept est central en corporate finance, car le CMPC est l’un des piliers sur
lequel se construisent la mesure de la performance financière et l’allocation des
ressources (choix des investissements, évaluation des opportunités stratégiques,
évaluation des activités). S’il est, aujourd’hui, largement utilisé dans les
entreprises, le coût du capital est parfois appliqué sans nuances, ce qui peut
conduire à des décisions non optimales. C’est pourquoi, dans cette note, nous
reprenons théorie et pratique afin de donner au lecteur les outils essentiels de
compréhension de cet instrument de décision fondamental.
Après un rappel des fondamentaux nous permettant de positionner le CMPC au
sein de la finance, nous discuterons les différents aspects du risque mobilisés
dans son calcul, puis présenterons la formule et ses difficultés de calcul. Enfin,
nous évoquerons les limites du modèle et les risques managériaux induits par une
incompréhension du concept.
Le coût du capital dans le corporate finance
La mission de l’entreprise consiste à vendre des biens et services dans le cadre
d’un processus économiquement efficace. Mais, simplement, pour vendre il faut
produire et, afin d’être capable de produire, il a été nécessaire d’investir. Tout
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 1 sur 23
investissement nécessite un financement. Donc, l’entreprise doit convaincre des
investisseurs (actionnaires et créanciers financiers, banquiers et porteurs
d’obligations pour l’essentiel) de participer au financement de l’exploitation et
des investissements. Les apporteurs de fonds sont attirés par une promesse de
rendement, le coût du capital, et une société est rentable si elle a été capable de
remplir ses promesses en dégageant une rentabilité d’exploitation supérieure au
coût du financement.
Deux notes pédagogiques explicitent ce concept de rentabilité. La note
consacrée à la performance financière et introduit le concept des résultat
économique comme différence entre rentabilité des capitaux engagés et coût du
capital. La note consacrée au choix des investissements confronte, dans le même
esprit, retour sur investissement (taux interne de rentabilité) et coût du capital.
Elle ajoute une dimension complémentaire en montrant que la performance
financière est l’unique source de création de valeur.
Prenons un exemple chiffré pour montrer la cohérence de l’approche.
Une entreprise souhaite investir aujourd’hui 100 dans le but de dégager un cashflow de 120 dans un an. La rentabilité intrinsèque de cet investissement apparaît
à l’évidence égale à 20%. Or, il est nécessaire de financer cet investissement.
Mobilisées par l’entreprise, les financeurs potentiels vont examiner les
opportunités de placement de leurs fonds disponibles sur le marché. Ils
constatent que, pour le même niveau de risque, ils pourraient dégager une
rentabilité moyenne de 8%. L’entreprise doit, donc, leur promettre une
rentabilité au moins égale à 8%. Si le projet dégage effectivement 20%, la
rentabilité est acquise, l’investisseur est convaincu et l’entreprise a contribué à
la création de valeur.
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 2 sur 23
Examinons le processus en termes de flux de fonds en calculant ces derniers au
moment où l’investissement est réalisé (année 0) et le moment où il produit ses
fruits (année 1).
Année
0
1
Flux de financement
+ 100
- 100 * (1 + 8%)
Flux opérationnels
- 100
+ 120
Résultat
0
12
Le résultat nul à l’année 0 traduit l’équilibre entre ressources et emplois. Le bilan
de fin de période montre un accroissement égal à 100. L’année 1 permet
d’objectiver la rentabilité de l’investissement et de la traduire en création de
valeur. Les investisseurs attendent de récupérer au minimum 108 d’un
investissement de 100. Or, l’investissement génère 120, ce qui permet de
dégager un surplus économique égal à 12 et qui sera attribué aux investisseurs
propriétaires, les actionnaires. Cet exemple illustre le lien entre rentabilité
(20% est supérieur à 8%) et création de valeur (la valeur créée est égale à 12,
soit le résultat économique par unité monétaire – 12% = 20% moins 8% - multiplié
par le montant des capitaux investis -100- ). Il montre aussi le rôle central joué
par le coût du capital qui permet de mesurer la rentabilité des capitaux investis,
donc d’allouer les ressources de manière efficace, et de calculer la valeur créée.
Afin de comprendre comment les investisseurs déterminent le niveau de
rentabilité exigée, il est nécessaire de bien appréhender le concept de risque
financier.
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Risque et variabilité
La base du calcul de la rentabilité exigée est le « taux d’intérêt sans risque » qui,
avec quelques réserves générées par l’actualité économique et financière, est
souvent représenté par le taux à l’émission des obligations d’Etat.
Prenons l’exemple d’un investisseur qui achète une obligation souveraine pour un
montant de 1.000€, distribuant un coupon annuel de 40€ et remboursée
intégralement in fine dans 5 ans. L’investisseur va dégager une rentabilité de 4%
sur la période. Si l’Etat est en mesure de faire face à ses obligations financières
quelle que soit l’évolution du monde, l’investisseur recevra 5 flux de fonds
correspondant à 4 coupons de 40€ et un dernier flux regroupant le coupon de
l’année 5 et le remboursement de l’obligation, soit 1.040€. Le taux interne de
rentabilité de cet investissement est 4% (détail technique : ce calcul présuppose
que les coupons intermédiaires sont réinvestis à ce même taux, ce qui est
rarement vérifié) et il est sans risque, car les flux sont garantis.
En termes de probabilité, nous pouvons dire que la rentabilité de l’investissement
est une variable certaine. Il n’y a pas d’écart entre rentabilité attendue et
rentabilité constatée, pas de variabilité prévisible dans la rentabilité de
l’investissement. La rémunération de l’investisseur correspond à l’immobilisation
des capitaux pendant une période contractuelle, en l’occurrence 5 ans.
A contrario, le risque est attaché à une variable aléatoire. Un investissement
risqué générera un taux de rendement qui sera éventuellement différent de la
prévision initiale de l’investisseur. Autrement dit, le taux de rentabilité constaté
ex post pourra être différent du taux anticipé ex ante.
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Comment caractériser une variable aléatoire ? Les deux paramètres couramment
utilisés pour décrire une variable aléatoire sont l’espérance (la moyenne) et
l’écart-type. La moyenne est un concept « naturel » est s’obtient en pondérant
les valeurs prises par la variable aléatoires par leur probabilité d’occurrence.
L’écart-type est un concept plus « délicat » : il mesure l’écart moyen entre les
valeurs prises par la variable aléatoire et la moyenne calculé de cette même
variable. Ainsi, en jouant à ‘pile ou face’ avec un gain de 1.000€ si la pièce tombe
sur pile et une perte du même montant si elle tombe sur face, on participe à un
jeu de moyenne nulle et d’écart-type égal à 1.000€ (la « distance » entre 0 et un
gain ou une perte de 1.000€ est égale à 1.000€). L’écart-type mesure la
variabilité de la variable aléatoire, donc son risque.
L’écart-type étant une moyenne d’écarts, la formule de calcul fait apparaître le
produit (multiplication) de probabilités par des écarts. Une forme simplifiée
serait : risque (variabilité) = probabilité * distance (écart positif).
Les implications de cette mesure du risque sont considérables pour les
investisseurs en fonction de leur nature.
Prenons, tout d’abord, les créanciers financiers. La banque a conclu un prêt avec
l’entreprise au taux de 5%. La relation qui unit la banque et l’entreprise est de
nature contractuelle et le retour sur investissement constaté par la banque sera
de 5%, sauf si l’entreprise n’est pas en mesure de respecter ses engagements et
tombe en défaut (cessation de paiement, faillite, liquidation). Le risque pris par
la banque est donc la probabilité de défaillance de l’entreprise. Cette dernière
est évaluée avec plus ou moins de bonheur par les agences de notation (rating) et
par les créanciers eux-mêmes. Pour une société robuste et durable, la
probabilité de défaut est très faible, donc le risque du créancier est très faible
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 5 sur 23
et la prime de risque qui s’ajoutera au taux d’intérêt sans risque sera minime,
comprise entre quelques points de base et 1% en conditions normales.
L’actionnaire est dans une situation très contrastée par rapport au créancier. En
tant que propriétaire de l’entreprise, il est rémunéré par les profits (ou pertes…)
dégagés par l’entreprise : le résultat net, c’est ce qui reste après que toutes les
parties prenantes aient été rémunérées, c’est la rémunération résiduelle de
l’actionnaire. La rentabilité actionnariale est, donc, affectée par l’évolution de la
rentabilité de l’entreprise, qu’elle soit positive ou négative. Cette variabilité
comptable et économique se traduit par une volatilité boursière très
significative, comme en atteste le graphe suivant qui décrit l’évolution de la
rentabilité annuelle totale (évolution de l’indice à laquelle s’ajoute le rendement
généré par le versement des dividendes) de la Bourse de New York, le NYSE. La
période observée est longue (1872 – 2009) et l’indice traverse un certain nombre
de crises que le lecteur pourra aisément identifier : 1929, le premier choc
pétrolier, l’explosion de la ‘bulle internet’ et la crise des subprimes.
Rentabilité totale pour l’actionnaire – NYSE – 1872 - 2009
60%
40%
20%
0%
1872
1922
1972
-20%
-40%
-60%
(sources : Siegel (1872 – 1926) et Ibbotson au-delà)
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 6 sur 23
Le risque apparaît clairement. Si la rentabilité historique moyenne est de l’ordre
de 10%, l’ordre de grandeur de l’écart-type est plutôt de 20%. Une très forte
variabilité historique constatée par les investisseurs en actions conduit ces
derniers à exiger une rémunération largement supérieure à celle qui satisfait les
créanciers financiers.
Le calcul de cette prime de risque actionnarial fait l’objet de la section suivante.
La rentabilité exigée par l’actionnaire
Ce taux de rentabilité est appelé « coût des capitaux propres ». Il ne constitue
pas une charge au sens du compte de résultat, mais un coût d’opportunité : ‘si je
place mes fonds dans cette entreprise, j’abandonne la possibilité de les placer
dans un autre investissement de même niveau de risque et qui m’aurait rapporté
x%’.
La logique de base est identique au calcul du taux d’intérêt exigé par les
créanciers financiers : le coût des capitaux propres est la somme du taux sans
risque et d’une prime de risque qui traduit la variabilité du rendement de
l’investissement actions.
Le calcul de cette prime de risque se décompose en deux étapes :
1- La prime de risque du marché, multipliée par …
2- … un coefficient qui traduit le risque du titre au sein du portefeuille
que constitue le marché.
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 7 sur 23
La prime de risque du marché actions (PRMA pour Prime de Risque du Marché
Actions, ou EMRP pour Equity Market Risk Premium) peut être estimé de deux
manières, en regardant le passé (prime historique) ou le futur (prime anticipée).
La prime historique est calculée à partir, pour l’essentiel, des travaux de Jeremy
Siegel et de Roger Ibbotson (en collaboration avec Rex Sinquefield dans les
publications initiales). Un consensus se dessine au sein du monde professionnel
pour utiliser, dans le calcul du coût du capital, une prime de risque autour de 6%
pour la Bourse de New York et 5% pour la Bourse de Paris. Mais, il ne faut pas
cacher les incertitudes liées au calcul et le débat encore ouvert sur cette prime.
Sans entrer trop profondément dans les questions techniques, il convient de
noter que le chiffre dépend de la base de calcul du taux sans risque (obligations
à court terme –T-Bills- ou à long terme –T-Bonds-) et du mode de calcul
(moyenne arithmétique ou géométrique ?). La littérature, tant académique que
professionnelle, propose un intervalle compris entre 4% et 8% pour la prime
historique. Cet écart est considérable et il est évident que la performance
financière, comme la création de valeur, seront très différentes suivant la prime
choisie. L’estimation de la prime future se fait en observant les cours de bourse
et en les confrontant avec les anticipations de résultats et de flux de fonds. Là
encore, pas de résultat précis et un intervalle compris entre 2% et 6% suivant
les auteurs.
Le calcul du coefficient de risque n’est pas plus précis. Le principe de base est
simple. Un investisseur prudent, sinon rationnel, diversifie le risque (‘on ne met
pas tous les œufs dans le même panier’) en constituant un portefeuille d’actifs.
Ce processus conserve le rendement des actifs dans le portefeuille et en réduit
la variabilité, donc contribue à la création de valeur. Les risques (sources de
variabilité du rendement) qui disparaissent grâce à la diversification sont
qualifiés de spécifiques, ceux qui subsistent sont dits systématiques. Un bon
exemple de risque spécifique est la météo – sensibilité. Il est évident que des
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sociétés comme L’Oréal et Coca-Cola voient leurs ventes et leurs profits
affectés par la température extérieure et l’ensoleillement. Il a été démontré
que la majorité des entreprises du CAC40 étaient « météo – sensibles ». Mais, le
CAC40 lui-même est insensible aux fluctuations météorologiques. Donc, ce risque
est spécifique. Comme cette source de variabilité des profits disparaît au sein
d’un portefeuille diversifié, les investisseurs, selon la théorie financière, ne vont
pas l’incorporer dans le calcul de la prime de risque. Par contre, lorsque
l’économie d’un pays connaît une dépression, toutes les entreprises vont être
affectée, peu ou prou, ce qui fait qualifier ce risque de systématique. L’évolution
de
l’économie
est,
même,
considérée
comme
le
seul
risque
vraiment
systématique ; ont disparu de la liste historique des risques systématiques les
catastrophes naturelles et les guerres, car il existe des actifs financiers
(sociétés de construction et d’équipements de travaux publics, sociétés
d’armement) dont la rentabilité est négativement corrélée à de tels évènements.
Le risque d’un investisseur en actions réside, donc, dans la plus ou moins grande
sensibilité de l’entreprise à l’économie. Il est évident que certaines firmes sont
peu affectées par une crise : pour l’essentiel, on retrouve les biens de première
nécessité comme la consommation alimentaire de base, l’eau et l’électricité, et la
pharmacie (le risque technologique est fort –R&D- mais c’est un risque spécifique
mutualisé par l’investisseur). Parmi les risques élevés, on trouve le luxe (mais pas
les produits destinés aux ‘Ultra High Wealth Individuals’), l’automobile et ses
sous-traitants.
Le calcul du coefficient de sensibilité est délicat, car il nécessite de comprendre
la sensibilité d’une entreprise à l’économie et de calculer celle-ci relativement
aux autres entreprises opérant dans le même contexte économique. Afin de
simplifier le calcul, la théorie financière (MEDAF : Modèle d’Evaluation Des
Actifs Financiers) suggère de remplacer l’économie par l’indice boursier et
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 9 sur 23
l’entreprise par son cours de Bourse. Ce processus est clairement réducteur,
mais le modèle a été décrit par l’académie comme « imperfect, but useful ».
Prenons les exemples suivants : le tableau montre la réaction historique moyenne
des actions des entreprises A et B à une évolution de l’indice boursier.
Quand le CAC 40 évolue … le cours de la société …
de ….
A bouge de ….
et
le
cours
l’action B de …
+ 2%
+ 4%
+ 1%
- 1%
- 2%
- 0,5%
2
0,5
Le coefficient de risque est
de
Le coefficient de risque systématique est appelé le ß. La formule statistique
traduisant le calcul intuitif présenté précédemment est la suivante :
ßi = Cov (Ri ; Rm) / Var (Rm)
« Cov » signifie Covariance, « Var » Variance, Ri est la rentabilité du titre
numéro i et Rm est la rentabilité de l’indice boursier.
De nombreuses publications, papier et électroniques, proposent des estimations
de ß pour des entreprises et des industries. Avant d’explorer certaines d’entre
elles, nous allons évoquer quelques difficultés techniques liées à l’estimation du
paramètre.
La première difficulté est d’ordre statistique. Le ß est obtenu à partir de
l’observation
de
données
statistiques.
Le
chiffre
obtenu
dépend
considérablement de choix de calcul, la durée de l’observation (1 mois, 6 mois, 5
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 10 sur 23
ans ?) et sa fréquence, appelée le pas statistique (journalière, hebdomadaire,
mensuelle). Empiriquement, le ß obtenu à partir de rentabilités quotidiennes
observées sur une période de 6 mois sera très différent du résultat de 5 années
d’observations mensuelles. Il n’y a aucun consensus théoriquement fondé sur la
méthode de calcul, même si une sorte de convergence semble se dessiner vers le
calcul « 5 ans, rentabilités mensuelles ».
La seconde difficulté provient de la nature même du calcul. Les données sont
historiques, donc décrivent le passé. Mais, le coût du capital sert, notamment, à
actualiser des flux futurs et il est raisonnable de considérer que le ß actuel
d’une société ne donne qu’une estimation imprécise du ß de cette même
entreprise dans le futur. Les industries évoluent et le ß des entreprises
accompagne les changements. Ainsi, un secteur fragmenté comme l’équipement
automobile a vu son ß significativement diminuer en se transformant
progressivement en oligopole. L’analyste financier, l’investisseur et le directeur
financier doivent, donc, davantage estimer le ß avec leur connaissance du secteur
et de l’entreprise, et leurs anticipations sur le futur que croire aveuglement à un
calcul statistique fragile. Il est important de comprendre que le ß est une
opinion.
La question se pose des sociétés non cotées. Comme le ß est calculé à partir de
données boursières, il semblerait, a priori, que les sociétés privées ne dispose
pas de ß. Il n’en est rien, mais clairement le fait de ne pas être coté ne simplifie
pas le processus. Pour estimer le ß, il faut alors calculer ( = avoir une opinion sur
…) le coefficient de sociétés dites « comparables » (difficulté évidente de
détermination identique à celle rencontrée pour évaluer une entreprise) et
appliquer ce coefficient à l’entreprise étudiée. Si le ratio d’endettement diffère
sensiblement, la formule d’Hamada est très utile. Cette dernière fait le lien,
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 11 sur 23
théorique et pratique, entre le ß d’une société endettée (ß u) et le ß de l’actif ou
le ß de la même société si elle n’était pas endettée (ßl).
ßl = ßu * ( 1 + (1 – Tis) * D / CP) )
Tis représente le taux d’imposition des bénéfices, D l’endettement financier net
et CP les capitaux propres. Ainsi, à partir du ß d’une entreprise endettée, on
détermine le ß non endetté ; on applique le coefficient à la société dont on
cherche à calculer le coût du capital en appliquant le ratio d’endettement de
cette dernière.
Le tableau suivant reprend les coefficients fournis par des sources diverses.
En France, l’ouvrage dit « Vernimmen » du nom de son auteur initial et le site
associé au livre permettent d’avoir une opinion sur bon nombre d’entreprises.
Sociétés
ß Vernimmen
Air Liquide
0,87
Danone
0,52
France Telecom
0,43
L’Oréal
0,64
Saint - Gobain
1,66
Sanofi – Aventis
0,49
Société Générale
1,50
(source : Vernimmen 2011)
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Une source intéressante de ß américains est le livre publié annuellement par
Standard & Poor’s consacré aux 500 entreprises de l’indice dont il décrit
l’activité économique et boursière. Le ß des sociétés est donné dès que
l’entreprise appartient à l’indice depuis au moins 5 ans, durée d’observation
requise par S&P pour calculer le coefficient.
Le tableau suivant permet des comparaisons avec les ß fournis par Vernimmen et
relatifs aux entreprises françaises.
Sociétés
ß Standard & Poor’s
Air Products
1,16
Sara Lee
0,91
AT&T
0,67
Estée Lauder
1,16
PPG Industries
1,15
Pfizer
0,73
JP Morgan Chase
1,16
(source : S&P 2010 edition)
On constate à la fois convergence et disparité dans les résultats, ce qui
s’explique par le fait que toutes ces sociétés sont différentes dans leurs
portefeuilles de produits et dans leurs processus de management et d’allocation
des ressources, même lorsqu’elles appartiennent au même secteur d’activité.
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 13 sur 23
Le seul ß dont le calcul soit certain est l’indice boursier, dont le coefficient est
structurellement égal à l’unité, car il est parfaitement corrélé à lui-même…
Pour les autres titres, il est nécessaire de prendre en compte des paramètres
liés à l’activité de l’entreprise et à son financement.
Ainsi, une société opérant dans un secteur cyclique tend à avoir un ß élevé,
Une société à coûts fixes élevés tend à avoir un ß élevé,
Corollaire du commentaire précédent et lien avec la formule d’Hamada, une
société fortement endettée aura un ß plus élevé que ses concurrentes à levier
faible,
Une société capable de transférer à ses clients l’augmentation de ses coûts de
revient (matières premières, par exemple) tend à avoir un ß faible,
La taille joue une rôle significatif dans l’estimation du ß et une société à part de
marché relative supérieure à 1, donc leader sur son marché, tend à avoir un ß plus
faible que celui des ses concurrents,
Plus le marché est fragmenté, plus le ß est élevé, à l’inverse d’un marché
structuré en oligopole, voire en monopole, dont le ß sera faible.
Lorsque nous disposons du taux sans risque, de la prime de risque du marché des
actions et du ß de l’entreprise, nous pouvons estimer l’exigence de rendement
des actionnaires.
E(Rcp) = Ro + PRMA * ß
Ainsi, le coût des capitaux propres de la Société Générale est estimé à :
E(Rcp) = 3,5% + 5% * 1,50 = 11%
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 14 sur 23
Ce paramètre est central dans le calcul du CMPC qui prend en compte l’attente
de rendement des investisseurs en actions et des créanciers financiers.
Le calcul du coût du capital (CMPC)
Le CMPC représente l’attente moyenne des investisseurs, c’est la promesse qui
leur a été faite lorsqu’ils ont accepté d’apporter leur concours au financement de
l’exploitation.
Prenons un exemple à partir duquel nous expliciterons la formule. Une société est
financée comme suit :
Capitaux Engagés (CE)
= 100
Capitaux Propres (CP)
= 75
Endettement financier net (D) = 25
Les CP représentent 75% du financement et la dette les 25% résiduels.
L’entreprise opère dans un environnement financier où le taux sans risque est de
5%, elle est cotée à Paris (PRMA = 5%) et son ß est estimé à 1,4. La banque
accepte une prime de risque de défaut de 1%, le taux d’imposition des bénéfices
est de 33,33%, soit un tiers.
Le coût des CP s’établit à E(Rcp) = 5% + 5% * 1,4 = 12%
Le coût de la dette après impôt est égal à (5% + 1%) * (1 – 1/3) = 4%
(Rappelons que les frais financiers sont déductibles du résultat imposable)
Le CMPC se calcule comme suit :
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 15 sur 23
CMPC = 75% * 12% + 25% * 4% = 10%
Ceci nous conduit à la formule générale :
CMPC = CP(%) * E(Rcp) + D(%) * Id * (1 – Tis)
Cette formule appelle des questions qui, à première vue, sont d’ordre technique,
mais qui appellent des réponses dont l’impact managérial est considérable et
parfois mal compris des entreprises. Ce sera l’objet de notre dernière section.
Coût du capital et management de l’entreprise
Nous allons successivement traiter des questions suivantes :
-
Dans le calcul des parts respectives de la dette et des capitaux
propres, doit-on utiliser les valeurs comptables ou les valeurs de
marché ?
-
Comment calculer le coût du capital lorsque l’endettement net est
négatif ?
-
L’entreprise doit-elle calculer un coût du capital identique pour toutes
ses activités, tous ses projets et toutes ses catégories d’actifs ou
doit-elle au contraire le différencier en fonction de leur risque
systématique ?
-
Quel est l’impact de la structure financière sur le CMPC et quel est le
niveau d’endettement optimal ?
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 16 sur 23
-
L’entreprise doit-elle « arrondir le CMPC à l’unité supérieure » pour
prendre en compte l’incertitude sur les cash-flows et le coût des
investissements non rentables ?
Valeur comptable ou valeur de marché ?
Si la valeur comptable apparaît plus simple dans le calcul et plus stable dans le
résultat, c’est bien la valeur de marché qui est la plus fondée. En effet, la raison
d’être du coût du capital est de donner un objectif de rentabilité aux capitaux
investis. Supposons qu’une entreprise dispose d’un Euro de cash. Comment va-telle l’employer ? Si elle dispose d’une opportunité d’investissement dégageant une
rentabilité supérieure au coût du capital, elle va mobiliser cette ressources
financière pour investir. Dans le cas contraire, elle va restituer les fonds à ses
investisseurs au pro rata des leurs contributions respectives au financement de
l’entreprise. Elle remboursera ses créanciers financiers à la valeur actuarielle de
la dette, non à sa valeur nominale. Elle procédera à un rachat d’actions à la valeur
de marché (boursière ou gré-à-gré) des titres. Comme les investisseurs pourront
employer les fonds reçus à un taux de rendement au moins égal aux pourcentages
utilisés dans le calcul du CMPC, tout se passe comme si cet Euro avait été investi
au coût du capital. On voit que l remboursement s’effectue au pro rata des
valeurs de marché. Ce sont ces valeurs qui doivent, donc, être utilisées pour
calculer le CMPC. Clairement, ce principe conduit à quelques difficultés de calcul
lorsque les cours de bourse sont très volatils et il n’est pas conseillé de modifier
le coût du capital trop souvent. On peut, alors, prendre une valeur cible pour le
levier financier correspondant à la stratégie financière de l’entreprise pour le
long terme.
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 17 sur 23
Endettement net négatif ?
Cette situation traduit un excédent de trésorerie par rapport à la dette
financière. Rappelons que l’endettement financier net se calcule comme la
différence entre la dette financière (long terme + court terme) et la trésorerie
active. Le bilan se présente comme suit :
Capitaux Engagés (CE)
= 100
Capitaux Propres (CP)
= 120
Endettement financier net (D) = (20), ou Cash = 20
Quelle est la rationalité d’une telle structure financière ? Permettre à
l’entreprise de capturer des opportunités de business, d’exercer des options de
croissance en réalisant des investissements massifs qui exigent une certaine
souplesse (flexibilité) financière. On pourrait être tenté de calculer le CMPC
avec un D(%) négatif, mais ce serait surévaluer le coût de financement de l’outil
d’exploitation en place et pénaliser l’investissement. Il est préférable de
considérer que les CE sont financés à 100% par les capitaux propres (donc :
CMPC = E(Rcp)) et de considérer que la trésorerie excédentaire est financée par
les capitaux propres, ce qui représente le coût de la flexibilité financière (il est
évident que le taux de rentabilité dégagé par le placement de la trésorerie est
inférieur à la rentabilité exigée par les actionnaires). On pourrait même, en
poussant le raisonnement, calculer un CMPC prenant en compte un levier
financier cible.
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 18 sur 23
Coût du capital identique ou individualisé ?
La première partie de cette note pédagogique montre que la création de valeur a
pour unique source la différence entre la rentabilité dégagée par les fonds
investis et la promesse faite aux financeurs. Cette promesse varie à l’évidence
en fonction du risque, plus précisément en fonction de sa composante
systématique. L’entreprise calcule un coût du capital global à partir de sa vision
macroéconomique de son activité et de son financement. Mais, notamment au sein
d’un groupe exerçant des activités différentes, on peut constater une pluralité
des niveaux de risque. Prenons l’exemple du secteur de l’assurance. Un assureur
généraliste peut vendre de l’assurance vie et de l’assurance dommages sans pour
autant être perçu comme un conglomérat. Le CMPC de ces deux activités est
différent et la compagnie devra, alors, calculer un CMPC individualisé pour
optimiser son processus d’allocation des ressources et donner à chacune des
activités des objectifs « normaux » de rentabilité économique. Dans le cas
contraire, elle risque fort de perdre des opportunités d’investissements
rentables ou, au contraire, d’investir dans des projets qui dégagent une
rentabilité absolue significative, mais inférieur à ce qui rémunère le risque pris
par les investisseurs. Il en est de même pour l’investissement dans des projets
dont le niveau de risque n’est pas le même que le risque moyen de l’entreprise.
Enfin, il est clair que le coût du capital applicable, par exemple, à un
investissement dans un actif incorporel tel qu’un fonds de commerce est
différent du taux applicable aux constituant du BFR. Ce dernier exemple montre
qu’une entreprise qui réduit ses stocks pour financer sa croissance (et payer un
goodwill) réalise un arbitrage intéressant au niveau du financement, mais retire
de son bilan financier un poste à coût faible pour le remplacer par un autre qui
exige une rentabilité largement supérieure. Ceci conduit certaines entreprises à
calculer un coût du capital par projet en affectant à chaque poste du bilan
financier de l’investissement une certaine quantité de capitaux propres en
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 19 sur 23
fonction du risque de l’actif (exemple : fonds de commerce financé à 100% par
des CP, stocks financés à 20% par des CP) et en déduisant le coût moyen de
financement du projet. Le calcul du capital économique requis pour le projet est
un point de passage nécessaire, ce qui conduit les opérationnels à se mobiliser
pour estimer le risque total du projet.
Structure financière et CMPC, endettement optimal ?
La question de la structure financière qui maximise la valeur de la firme a fait
l’objet de nombreuses réflexions et publications, mais reste ouvert. Le calcul du
CPMC contribue à cette problématique tant théorique que pratique.
Dans la section précédente, nous avons donné un exemple de calcul qui
aboutissait à :
CMPC = 75% * 12% + 25% * 4% = 10%
En modifiant les parts respectives des CP et de la D pour atteindre 50%, nous
obtenons, en première analyse, un CMPC largement inférieur :
CMPC = 50% * 12% + 50% * 4% = 8%
Ce calcul est inexact, car il prend pour hypothèse que la rentabilité exigée par
les financeurs est indépendante de la structure financière. Or, en augmentant le
levier financier, on augmente les coûts fixes (frais financiers), le risque, le ß (cf.
formule d’Hamada) et la prime de risque de défaillance. En pratique, le graphe
suivant montre comment le ratio d’endettement impacte le CMPC :
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 20 sur 23
L’observation
du
graphe
montre
que
deux
stratégies
financières
sont
envisageables :
1- Minimiser le CMPC en choisissant un ratio d’endettement (D/CP)
compris entre 0,7 et 1 approximativement ;
2- Accroître la flexibilité financière de l’entreprise pour lui permettre de
réaliser des investissements massifs (acquisition) au détriment de la
minimisation du CMPC : un ratio d’endettement de 0,3 conduit à un
CMPC de 8%, alors que l’entreprise pourrait réduire ce dernier à
hauteur de 7,6% avec un levier de 0,7.
Il est très difficile de conclure sur la stratégie financière qui maximise la valeur.
A l’évidence, l’entreprise, qui souhaite être flexible, ne doit pas se contenter de
Dominique Jacquet – note pédagogique – CMPC – ne pas reproduire – page 21 sur 23
disposer de cette arme stratégique, elle doit l’utiliser effectivement et à bon
escient, en réalisant des investissements rentables.
« Arrondir à l’unité supérieure » ?
Clairement, lorsqu’une entreprise calcule son coût du capital et obtient le chiffre
de 7,96%, compte tenu des incertitudes sur les paramètres, il est naturel
d’arrondir à 8%, ceci relève du bon sens.
Une situation différente est la suivante : après avoir estimé son coût du capital,
par exemple 7,5%, une entreprise décide d’introduire le chiffre de 10% dans ses
procédures d’évaluation des investissements avec le double objectif de
compenser les évaluations optimistes réalisées par les opérationnels qui envoient
des demandes d’investissements, d’une part, et de dégager une rentabilité
supérieure à partir des investissements rentables afin de compenser l’absence
de rentabilité de projets qui n’ont pas vocation à l’être (imposés par la législation
sur la protection de l’environnement, par exemple), d’autre part.
Le premier objectif nous conduit à raisonner en asymétrie d’information. Le
contrôleur financier en charge des investissements reçoit une proposition et doit
calculer la Valeur Actuelle Nette. Si cette dernière et positive, l’investissement
est rentable, contribue à la création de valeur et doit être accepté. La pratique
montre que la VAN dépend de certains paramètres qualifiés de « sensibles » et
que l’optimisme des opérationnels qui veulent faire « leur » investissement
conduit à exagérer certaines valeurs au détriment de la création de valeur.
Augmenter le taux d’actualisation en espérant que la différence compense
l’optimisme opérationnel relève davantage de l’abandon de poste que de la bonne
gestion financière. Il nous semble que le contrôleur financier, en réalisant
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l’analyse de sensibilité en interaction avec les opérationnels et en mettant en
œuvre un suivi financier efficace de l’investissement, résout le problème en
jouant son rôle d’animateur financier de l’allocation des ressources.
Le second objectif avait déjà fait l’objet d’un cas célèbre de la Harvard Business
School des années soixante-dix, Enzone Petroleum ! Cette question provient de la
confusion entre l’analyse microéconomique des projets, qui exige l’utilisation du
« vrai » coût du capital, et la vision macroéconomique de l’entreprise qui, à partir
de concepts tels que le ROCE ou le résultat économique (voir note pédagogique
consacrée à la mesure de la performance financière), conclue sur la rentabilité
globale de l’entreprise. Il y a une différence significative entre décider ex ante
si un investissement est rentable et constater ex post si la politique d’allocation
des ressources de l’entreprise est efficace du point de vue économique.
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