PROBLÈMES MATHÉMATIQUES POSÉS PAR
LA MÉCANIQUE STATISTIQUE DE LA TURBULENCE
J.
KAMPé
DE
FéRIET
1.
La notion de moyenne joue un rôle fondamental dans la Mécanique
Statistique de la Turbulence; les équations, données par
O.
Reynolds, en
1895,
pour les valeurs moyennes des grandeurs définissant le mouvement
d'un
fluide
incompressible, sont la base de presque tous les développements théoriques;
mais,
si Ton examine les calculs par lesquels Reynolds déduit ses équations de
celles de Navrier [7], on voit immédiatement qu'il postule pour la moyenne/
d'une fonction / des propriétés très particulières. Il fallut attendre 1930 [6]
pour le premier examen vraiment critique de ce problème fondamental. Nous
avons,
en 1949, [8] donné une formulation abstraite générale du problème et
appliqué notre méthode à l'anneau des fonctions ne prenant qu'un nombre fini
de valeurs; à G. Birkhoff [2] sont dues plusieurs notions nouvelles notamment
celle des ensembles
T-réduisants
et l'étude du cas des fonctions continues sur
un espace compact, repris ensuite par J. Sopka [13]. Mme
Dubreil-Jacotin
[3]
a introduit la notion importante de transformation régulière et sur un point
(notre Théorème 6 dans [8]), rectifié nos résultats. Mme Shu-Teh Chen Moy
[11]
a établi que, si l'ensemble des fonctions considérées est celui des fonctions
mesurables sur un espace de probabilité, une transformation de Reynolds n'est
autre chose qu'une probabilité conditionnelle: malgré l'élégance de ce résultat,
la restriction aux mesures finies est gênante dans beaucoup d'applications;
nous nous proposons de montrer,
après
avoir rappelé quelques résultats géné-
raux, comment on peut construire des transformations de Reynolds opérant
dans un ensemble de fonctions mesurables lorsque la mesure est seulement
a-finie.
2.
Soit X un ensemble quelconque et
&
un anneau de fonctions f(x) à
valeurs réelles
x
sur X, contenant les constantes
2
/ =
OLCX
a
réel
x)
Le cas des
valeurs
réelles
que
nous
traitons
ici est
évidemment
le
plus
important
pour
les
applications,
mais
le
problème
se
formule
d'une
façon
identique
si les /
prennent
leurs
valeurs
dans
un
corps
®.
2)
Nous
désignons
par
cE(#)
la
fonction
caractéristique
de la
partie
E de X.
237
Définition
1. Une application /
-
Tf de
Ûê
sur une partie de
lui-même
est une transformation de Reynolds si elle vérifie:
(2\)
T(f + g) = Tf + Tg
(r,)
7>/)
=
ar/
(Ts)
T(fTg)
=
TfTg.
En outre lorsqu'une topologie est donnée sur
01,
en désignant un voisinage
de / par V(f)
(T,) geV(f)=>
TgeVÇTf).
La transformation de Reynolds est normalisée si:
(rs)
Tcx
=
cx
Ne considérant ici que les transformations normalisées, nous passerons
toujours
cette qualification sous silence. De
(T3)
et
(T5)
résulte que T est une
projection:
T2f
= Tf
Soit
3Jt^
et
$ftc£
respectivement l'ensemble des fonctions m et n telles que
Tm
= m Tn = 0
Théorème 1. [8] p. 168.
3Jic^
est un sous-anneau de
â$.
Théorème 2. [8] p. 168. m
e
SJt^,
n e
5JÎ^
=> mn
e
Sft^.
Théorème 3. [8] p. 168. Toute
/eSJl
se décompose d'une et d'une
seule manière en: / =
m +
n
(Décomposition de Reynolds: m = moyenne de /, n = fluctuation).
Définition 2. On appelle
T-idempotent
tout idempotent
ceSJÌ^.
Si
cE
est un
T-idempotent,
on dit aussi que la partie E est
T-idempotente.
Exemple: X = droite réelle,
S/t
anneau de toutes les fonctions réelles: Tf =
f (| x |) est une transformation de Reynolds; les
T-idempotents
sont les parties
de X symétriques par rapport à 0.
3.
Donnons nous une
cr-algèbre g
de parties de X) nous nous proposons
d'étudier les transformations de Reynolds de l'anneau
M
des fonctions mesurables
par rapport à
g.
Ordonnons
M
en écrivant /
^
g si f(x)
fg
g(x) pour tout
x
e
X; en guise de condition topologique, introduisons la condition
3.
(T[)
f^0=>Tf^0
3)
C'est G.
BIRKHOFF
[2] qui en a montré l'intérêt et l'importance.
238
Grâce à la décomposition:
/ =
/+-/-
/+ = Sup (/, 0) /_ = Sup (- /, 0)
on définira
4
pour tout / e
M
sa transformée par:
Tf
= TU
-
TU
et on est ramené à étudier la transformée des /
^
0. Soit donc
9JÌ Vensemble
des
fonctions f non négatives
mesurables
par rapport à
$;
(T4)
signifie que
fm=>
TfeWl
Théorème 4. Dans ïïfl, f
^
g
=>
Tf
<^
Tg.
Si on a / < + oo la proposition est évidente; si f(x) =
+ oo
sur un
ensemble non vide, une démonstration a été donnée par Mme Moy [11] p. 51.
Cette proposition donne un sens à la condition:
(T',')
LU=>
Tfn
f Tf
qui nous servira de condition topologique
(T^),
puisque
(T4)
est maintenant
satisfaite d'elle-même. Les transformations que nous considérons sont donc les
applications /
->
Tf de
Wl
sur une partie de lui même
3Ji~,
satisfaisant les
conditions
(7\),
(T2),
(T3),
(T4')
et
(T5).
Soit
^fa.
l'ensemble des parties
T-idempotentes
de X: F e
^
si et seule-
ment si
TcF
=
cF.
Théorème 5. Mme Moy [11] p. 54:
g^C^
est une
cr-algèbre.
Mme Moy suppose,s le début, que X est un espace de probabilité, c'est à dire
qu'on a défini sur
^
une mesure
/a
telle que
ja(X)
=
1 ;
mais ceci ne joue aucun
rôle dans la démonstration qu'elle donne de cette proposition, ainsi que de la
suivante:
Théorème 6. Mme Moy [11] p.
65:
Pour tout
/eSSJt,
Tf est mesurable
par rapport à
g-..
4.
On nomme fonction simple, toute fonction de la forme
s(x) =
Sj
OLS
cEj,
Ei
e
g,
QLj
> 0, n fini
Toute fonction
/eäR
est la limite d'une suite croissante de fonctions
simples
sn
et réciproquement; comme:
Ts =
£?
a,-
TcE.
il est clair que T est définie pour tout /
e SUI
quand on connaît
TcE
pour tout
4)
Comme nous admettons que
Tf+
et Tf- prennent la valeur
-f
oo, Tf ne sera définie
qu'aux points, au moins, l'un des deux nombres sera fini.
239
Théorème 7. [9] p. 789. Pour que l'ensemble des
TcE,
E e
%
définisse
une transformation de Reynolds dans
3JÎ
il faut et il suffit que:
(Tb)
Tcx = cx
et que pour tout E
e g
et tout F e
Qfa.
:
(C,)
O^TcE^l
(C2)
TcE
=
SI00
TcEn
E =
Ut™
En, En
disjoints
(^3)
TcEnF=
cFTcE
5.
Le théorème 7 permet de construire effectivement des transformations
de Reynolds dans des cas très généraux, en particulier lorsque X est un espace
de mesure (X,
g
,
JU)
a-fini
5
Théorème 8. Soit une or-algèbre
^fa,
C
$;
à toute mesure v définie sur
g
et telle que:
(1) v(F)
= fi(F)
pour tout F e
^
wows
pouvons faire correspondre une transformation de Reynolds dont l'ensemble
des T-idempotents est
§«,.
En effet choisissons un ensemble E
€$
et considérons:
vE(F)
=v(EHF)
vE
est une mesure définie sur
g-
et absolument continue par rapport à
ju
sur
%%;
car, sur
g^:
^(F) =0=>
v(F) = 0 =>
i/£(F)
=
0.
D'après le théorème de Radon-Nikodym
6,
pour chaque E
e%,
il existe
donc une fonction de x,
XX(E)
^
0, mesurable par rapport à
^ ten"e
clue
7
(2)
JFAB(£)^
=
^(F),
pour tout
Fe%%.
Lorsque E est donné, la fonction de x,
kx(E)
est unique, à une équivalence
près modulo
ja.
En posant:
TcE
=
XX(E)
pour tout E
eg,
nous définissons une transformation de Reynolds
T
dans
3R;
pour le prouver,
il suffit de démontrer que
TcE
satisfait les conditions du théorème 7.
5)
[à{E)
est une fonction d'ensemble définie pour tout E e
%,
non négative, com-
plètement additive et telle qu'il existe un recouvrement
dénonbrable
X C
C/j
En,
avec
f*[En)
< + 00.
6)
On a le droit de l'appliquer parce que
/x
est
tr-finie.
7)
Dans cette intégrale et dans toutes celles qui suivent, E est fixe, la variable d'in-
tégration est x.
240
Pour
(Ci),
(C2)
et
(T3)
(qui peuvent
s'interpréter
en disant que pour
chaque x,
XX(E)
définit une mesure de probabilité sur
g)
la démonstration est
immédiate; il suffit donc d'établir que
(C3)
est satisfaite. Or de (2) nous tirons:
jxZx(E)d[t=v(E)
d'où:
(3)
fxZ.(EnF)dfi=v(EnF)
En remplaçant E par E
Hi
F dans (2), on obtient:
(4)
fFl.(EnF)dp=i>(EnF)
Fegj
Le rapprochement de (3) et (4) montre que:
(5)
Àx(EnF)=0
si
A;
e
F'
D'autre part en retranchant (4) de (2):
jF[A.{E)
-
l.(E
n
F)-]df*
=
0
mais comme pour chaque x,
hx(E)
est une mesure:
ÀX(E)
^
XX(E
D F) donc:
(6)
XX(E
O
F) =
4(F)
si
*
e F.
Les relations (5) et (6) sont bien équivalentes à
(C3).
Remarque: Lorsque
XX(E)
est connue, on a pour toute
/e9K
r/
=
Jjr/{y)«.(y)
6. Exemple: Soit X la droite réelle,
ja
la mesure de Lebesgue; posons:
Fk
= {x : k
fg
x < k + 1},
&
entier oo <
ß
< + oo;
soit
gc£
l'ensemble des parties de X qui sont des unions finies ou dénombrables
de
Ffc.
Donnons nous une fonction
cp(x)
telle que: (a)
cp ^
0 (b)
cp
est
integrable
J
ÄH-1
cp(x)dx =
1
pour tout entier
k.
Si nous prenons:
v(E) = j
E<p(x)dx
£eg
v
satisfait à (1); la transformation de Reynolds correspondante est donnée par:
r/=2^[J*+1/(*M*)^]^
C'est une transformation régulière d'après la terminologie de Mme
Dubreil-
Jacotin [3].
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