Extrait de « Rendre la création monétaire à la société civile » Philippe Derudder
Extrait tiré de la première partie du chapitre 1
[…]
Le problème est que les idées achoppent toujours sur le même écueil : « combien ça coûte et qui va
payer ? ». Cette question est synonyme de glas ou du moins explique pourquoi les éléphants
accouchent souvent de souris.
L’économie libérale est présentée aujourd’hui comme la météo. Elle s’impose de l’extérieur comme
s’il était impossible d’y toucher. Or il ne faudrait pas oublier qu’un système économique n’est rien
d’autre qu’un ensemble de règles parfaitement arbitraires, décidées par des hommes pour gérer leurs
rapports et leurs échanges. Les règles de l’économie ne valent ni plus ni moins que celles du football,
des échecs ou du bridge. Mais nous assistons à ce qui se produit souvent dans les organisations
humaines. Un problème se pose. Une solution est trouvée et adoptée. Que se passe-t-il au fil du
temps ? Au lieu de rester considérée comme un simple outil au service des hommes, elle se
transforme en vérité idéologique. Alors, quand survient un nouveau problème dans le même
domaine, les remises en question profondes, qui supposeraient le remplacement ou l’évolution des
anciennes méthodes par de nouvelles pour répondre plus complètement à l’actualité, se heurtent à
l’immuabilité du système en place. Le système, conçu au départ pour répondre à un besoin précis, se
transforme en tyran, au point d’inféoder ceux qu’il devrait servir. Plus question de changer le
pantalon, seul le rapiéçage est permis sous contrôle des organismes garants du dogme fondateur !
N’est-il pas troublant, par exemple, de voir que l’on meurt encore de faim par millions sur terre1,
alors que par ailleurs bon nombre de nations souffrent de surproduction ? N’est-il pas choquant de
constater qu’un milliard de personnes dans les pays pauvres n’a pas accès à l’eau potable, à
l’instruction, aux soins médicaux2non que les biens ou services manquent, mais parce que leurs
revenus ne le leur permettent pas ? On préfère les laisser mourir plutôt que d’imaginer comment il
serait possible de faire évoluer les règles du jeu économique et financier pour leur permettre de
bénéficier de ce qui, pourtant, existe. N’est-il pas absurde de voir d’un côté un champ immense de
besoins à satisfaire et de l’autre un chômage grandissant ? Peut-on parler décemment d’un problème
d’emploi quand il est probable que la main d’œuvre ferait défaut si on décidait de répondre à tous ces
besoins ?
[…]
Voilà posé le défi. Nous n’allons pas aborder les choses d’une façon conventionnelle dans ce livre.
Nous n’allons pas non plus faire abstraction de ce qui existe pour nous lancer dans la peinture
visionnaire d’un monde meilleur. Le but est de mieux comprendre en quoi les règles du jeu ne
répondent plus au monde d’aujourd’hui, emprisonnent les Etats, les entreprises et les individus en les
condamnant à accepter des conditions de vie toujours plus difficiles sous la promesse de lendemains
qui chantent. Quelles règles seraient plus adaptées à l’actualité et comment l’entreprise et le citoyen
d’aujourd’hui pourraient devenir acteurs de l’évolution nécessaire ?
[…]
1 20.000 enfants meurent chaque jour des effets directs ou indirects de la malnutrition - UNICEF
2 Rapport du PNUD Programme des Nations Unies au Développement des peuples.
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