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Membre de la Commission européenne, chargé de l'agriculture, du
développement rural et de la pêche
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10. Ost-West Agrarforum Berlin
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Mesdames, Messieurs,
Il y a un siècle, l'économiste américain Richard Ely annonçait déjà: «L'ère des
économies structurées dans un cadre national tire à sa fin. Voici venir le temps de
l'économie mondiale».
Je n'ai pas besoin ici de m'étendre longuement sur la mondialisation de l'économie.
Que nous le voulions ou non, la mondialisation progresse, chacun le sait, et elle
touche l'agriculture comme les autres secteurs: l'agriculteur est devenu un
professionnel hautement spécialisé; ses produits doivent être compétitifs sur le
marché international et, de fait, ils sont vendus dans le monde entier. Nul ne
s'étonne de trouver aux États-Unis du jambon de Forêt-Noire ou du salami
hongrois, tout comme vous pouvez acheter au Japon du roquefort français ou de la
viande de porc danoise. Les pâtes italiennes sont présentes presque partout dans
le monde, tout comme la bière allemande ou les vins européens!
L'agriculture européenne ne peut plus renoncer au marché mondial, pour deux
raisons: si l'on considère globalement les exportations agricoles des 25 pays qui
constitueront demain l'Union européenne, il appart que les pays tiers proprement
dits absorbent d'ores et déjà près d'un cinquième de notre production agricole; en
second lieu, nous sommes tributaires des importations de matières premières que
nous transformons en Europe.
Comment se présente le contexte international dans lequel opère aujourd'hui notre
agriculture? La réponse s'articule selon moi autour de trois questions essentielles:
- Premièrement: quelle est la position de notre agriculture européenne sur le
marché mondial ou, si vous préférez, dans quelle mesure sommes-nous
compétitifs?
- Deuxièmement: comment faire pour que la notion d'agriculture durable se
concrétise dans le monde entier?
- Troisièmement : comment assumons-nous la responsabilité qui nous incombe
vis-à-vis des pays en développement ?
J'en viens tout de suite à la première question: 1. où en est notre agriculture
européenne dans le monde?
Les FKLIIUHV parlent d'eux-mêmes :
L'UE et les dix pays candidats représentent globalement 20 % du marché mondial
des produits agricoles! Quant à notre balance commerciale, elle est pratiquement
équilibrée en ce qui concerne les produits agricoles. Si l'on y regarde d'un peu plus
près, il apparaît que les matières premières représentent 85 % des importations
européennes, alors que les produits transformés entrent pour près de moitié (42 %)
dans la valeur de nos exportations. Cela confirme que les produits transformés de
haute qualité sont ceux qui donnent à l'agriculture européenne sa puissance et ses
meilleures chances non seulement sur le marché intérieur, mais aussi sur le
marché mondial. Quoi qu'il en soit, notre agriculture européenne n'a pas à redouter
la comparaison avec ses rivales sur le plan international !
Il est d'ailleurs instructif à cet égard de regarder nos restitutions à l'exportation,
lesquelles ne représentaient plus guère l'année dernière que quelque 5 % de la
valeur totale de nos exportations agricoles, soit le cinquième seulement du chiffre
enregistdix ans auparavant. Cette évolution, Mesdames et Messieurs, n'est pas
le fruit du hasard; c'est un résultat obtenu de haute lutte grâce aux réformes. Cette
réussite s'explique par le fait que nous sommes allés de l'avant et que nous avons
fixé le bon cap.
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Quant aux nouvelles propositions que nous présenterons dans quelques jours, elles
nous permettront d'obtenir de nouveaux succès. En effet, après la réforme prévue,
notre politique ne provoquera plus de distorsions des échanges et elle ne pourra
plus être attaquée à l'OMC. Pourvu que nous agissions à temps, nous serons
même en mesure de faire accepter plus facilement nos exigences à nos partenaires
commerciaux, j'aurai bientôt l'occasion d'y revenir. N'oublions pas qu'il s'agit en
l'espèce de défendre notre propres intérêts vitaux, et donc en définitive de garantir
l'avenir de nos agriculteurs!
Qu'en est-il de nos exigences dans la perspective des négociations de l'OMC? Fin
décembre, la Commission a fait connaître le contenu des propositions de l'UE à
l'OMC . Nous nous sommes inspirés à cet égard des objectifs fixés par
l'Agenda 2000 et nous nous sommes scrupuleusement conformés à notre mandat.
Voici déjà un peu plus d'un an que la communauté internationale, dans le cycle de
développement de Doha, s'est engagée à faire progresser le processus de
libéralisation du commerce mondial des produits agricoles. Les propositions que
nous présentons aux fins des négociations sont cohérentes avec cette promesse :
- Nous demandons que tous les pays membres de l'OMC réduisent de plus de
moitié (55 %) les subventions agricoles génératrices de distorsions
commerciales.
- Nous voulons aussi que les dépenses budgétaires consacrées à toutes les
restitutions à l'exportation soient en moyenne abaissées de 45 %.
- Nous réclamons une plus grande ouverture des marchés agricoles en proposant
à cet effet que les droits de douane sur les produits agricoles soient réduits en
moyenne de 36 %.
En ce qui concerne les délais de mise en œuvre de ces nouveaux engagements,
nous proposons six ans pour les pays industrialisés et dix pour les pays en
développement. À la différence de celles émanant d'autres membres importants de
l'OMC, nos propositions en matière de réduction de droits de douane sont justes
dans la mesure où elles mettent à contribution tous les membres de l'organisation,
et non pas quelques-uns seulement.
Comme vous pouvez le constater, nous faisons des propositions constructives pour
que l'on puisse accomplir des progrès substantiels dans la voie d'une libéralisation
équitable et équilibrée, mais il faut aussi, nous insistons sur ce point, que les autres
prennent des initiatives allant dans le même sens. En effet, la spécificité de nos
propositions tient essentiellement au fait qu'elles visent à assurer une UpSDUWLWLRQ
pTXLOLEUpH GHV FKDUJHV. À cette fin, il est indispensable et urgent de mettre de
l'ordre dans des domaines comme les crédits à l'exportation, les utilisations
abusives de l'aide alimentaire en vue de la résorption des excédents ou encore le
recours à des entreprises commerciales du secteur public!
- Nous réclamons en conséquence la remise en ordre des crédits à l'exportation.
- Nous voulons également des règles claires dans le domaine de l'aide
alimentaire, car il est permis de s'étonner que bon nombre de pays, comme par
hasard, accroissent systématiquement leur aide alimentaire aux pays en
développement lorsque les prix du marché mondial sont bas, et se montrent peu
généreux à cet égard en période de prix élevés.
- Il s'agit là en réalité d'une politique de résorption des excédents, qui consiste
plus à jeter de la poudre aux yeux qu'à aider véritablement les États qui ont
besoin d'une aide alimentaire.
- Nous demandons aussi l'abolition de la règle de minimis pour les pays
industrialisés!
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- Le délégué américain aura beau jeu d'affirmer que nos propositions visant le
démantèlement des dispositions génératrices de distorsions commerciales ne
vont pas aussi loin que la proposition des États-Unis ... Mais que va-t-il se
passer lorsque la règle de minimis ne pourra plus servir d'échappatoire? Les
États-Unis devront tout à coup répondre de mesures de soutien équivalant à plus
de 20 milliards de dollars. Je serais curieux de voir comment ils vont s'y prendre
pour ramener à moins de 10 milliards de dollars, comme ils l'ont eux-mêmes
suggéré, les dépenses exposées au titre des mesures responsables de
distorsions de concurrence.
Je récapitule: une réduction des subventions agricoles qui provoquent des
distorsions caractérisées des échanges, l'abaissement des droits de douane sur les
produits agricoles, l'abrogation de la règle de minimis, l'encadrement réglementaire
des aides à l'exportation et de l'aide alimentaire, telles sont nos principales
revendications en matière de libéralisation des échanges.
Je ne suis assurément pas de ceux qui présentent péremptoirement la libéralisation
des échanges agricoles comme la panacée susceptible de résoudre tous les
problèmes de l'agriculture dans le monde entier. Hormis la libéralisation, il y a
naturellement d'autres facteurs qui devront être pris pleinement en considération
lors des négociations si nous voulons réformer de manière équitable et effective.
Nous réclamons en conséquence l'établissement de conditions équitables pour
encadrer l'action menée en faveur des pays les plus pauvres et nous demandons
que l'agriculture durable soit reconnue et soutenue partout dans le monde.
Voilà qui m'amène directement à ma 2ème question: Comment faire pour que la
notion d'agriculture durable se concrétise dans le monde entier?
Par «agriculture durable», j'entends une agriculture qui tienne compte non
seulement des aspects économiques, mais aussi des aspects écologiques et
sociaux, c'est-à-dire une agriculture conçue de telle sorte que nous n'hypothéquions
pas nous-mêmes notre avenir en faisant fi de l'écologie ou des considérations
sociales.
L'agriculture durable, c'est beaucoup plus que la production agricole et ce n'est pas
non plus une simple «branche de l'économie», puisqu'elle prend notamment en
compte la sécurité alimentaire, la protection de l'environnement, la préservation des
paysages, la sauvegarde de la biodiversité, le développement rural, la protection
des animaux ou l'information des consommateurs. La politique agricole doit
logiquement être conçue de telle sorte que les prestations précitées, qui rendent
service à la collectivité, soient reconnues sous une forme ou sous une autre,
notamment sur le plan financier. En effet, le jeu des forces du marché ne permettra
pas à lui seul de satisfaire ces attentes multiples de la société.
Telle est précisément la raison pour laquelle nous voulons que l'OMC reconnaisse
elle aussi le principe de durabilité. C'est aussi pourquoi nous proposons que nos
mesures de soutien internes, qui se rapportent aux «questions non commerciales»,
ne soient pas visées par les engagements relatifs à la réduction des droits de
douane, étant donné qu'elles n'entraînent pas de distorsions des échanges.
À l'OMC, il ne saurait désormais plus être exclusivement question d'un
démantèlement mécanique des droit de douane et des obstacles commerciaux. Les
droits sociaux fondamentaux, les normes environnementales et sanitaires, la
diversité culturelle, tout cela doit aussi être pris en considération.
J'en arrive ainsi à ma troisième question : Comment assumons-nous la
responsabilité qui nous incombe vis-à-vis des pays en développement ?
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Dans ces pays, l’agriculture fait vivre 70 % de la population alors que, selon les
statistiques de l’ONU, 25 000 personnes y meurent de faim chaque jour! Voilà
pourquoi il importe que nous devenions plus conscients de la responsabilité que
nous confère notre statut de pays dits développés!
Nous devons mettre à profit ce cycle de négociations internationales pour donner
de véritables chances aux pays en développement, mieux que nous ne l'avons fait
jusqu'à présent. Nous pouvons nous demander à cet égard s'il n'existe pas une
corrélation entre l'insuffisance des règles du jeu au niveau international, d'une part,
et la spéculation financière mondiale, d'autre part, ou encore si les pays en
développement n'auraient pas tout intérêt à la transparence et à des règles de
concurrence applicables à tous les États.
Il n'existe pas de réponses simples à ces questions, ou plutôt les réponses ne
peuvent relever que d'une solution mondiale, d'où la nécessité à mes yeux de
renforcer l'OMC. Or cette dernière ne pourra pas déployer toute son efficacité tant
que dans d'autres secteurs (finances, aide au développement, environnement, etc.)
nous ne nous serons pas mis d'accord sur des règles du jeu communes dans le
monde entier.
Je ne prétends d'ailleurs pas que les pays en développement se porteraient mieux
si nous libéralisions totalement les échanges. En effet, même si nous décidions
d'ouvrir complètement nos marchés et de supprimer toutes nos subventions et tous
nos droits de douane, rien ne dit que cela serait bénéfique aux pays en
développement. Bien au contraire, comme on a pu le constater durant les dix
dernières années, ces mesures profiteraient surtout aux agriculteurs les plus
compétitifs ou les plus subventionnés.
Il convient d'ailleurs de préciser à cet égard que les pays en développement
bénéficient aujourd'hui de régimes préférentiels sur le marché communautaire,
avantage qu'ils perdraient si l'on démantelait les aides et mesures de protection de
l'Union européenne!
Ce qu'il faut, ce sont à mon avis des mesures spécifiquement adaptées à ces pays.
Et c'est précisément ce que nous réclamons lors des négociations de l'OMC. Nous
proposons un ensemble de mesures qui permettront aux pays en développement
d'accéder plus facilement au marché et d'améliorer la sécurité de leur
approvisionnement alimentaire.
- Nous demandons à tous les pays industrialisés de soutenir notre initiative « Tout
sauf les armes » et d'autoriser l'importation en franchise de droits de tous les
produits agricoles provenant des pays les plus pauvres du monde.
- Nous demandons en outre à tous les pays industrialisés de veiller à ce qu'un
droit de douane «zéro» s'applique à 50 % au moins de leurs importations
agricoles en provenance des pays en développement.
- En ce qui concerne la sécurité de l'approvisionnement alimentaire, nous sommes
d'accord pour ne pas soumettre aux réductions de taux les mesures de soutien
internes, ciblées, des pays en développement.
- Nous voulons aussi que lors de la transposition du calendrier de Doha, les pays
en développement obtiennent un taux de réduction plus bas et une période
d'exécution plus longue en ce qui concerne leurs engagements.
Comme vous le constatez, nous tenons à apporter une réponse vraiment adaptée
aux besoins spécifiques des pays en développement. Nous sommes disposés à
aller plus loin encore, pourvu que d'autres pays membres de l'OMC assument la
part de responsabilité qui leur incombe.
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