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- Le délégué américain aura beau jeu d'affirmer que nos propositions visant le
démantèlement des dispositions génératrices de distorsions commerciales ne
vont pas aussi loin que la proposition des États-Unis ... Mais que va-t-il se
passer lorsque la règle de minimis ne pourra plus servir d'échappatoire? Les
États-Unis devront tout à coup répondre de mesures de soutien équivalant à plus
de 20 milliards de dollars. Je serais curieux de voir comment ils vont s'y prendre
pour ramener à moins de 10 milliards de dollars, comme ils l'ont eux-mêmes
suggéré, les dépenses exposées au titre des mesures responsables de
distorsions de concurrence.
Je récapitule: une réduction des subventions agricoles qui provoquent des
distorsions caractérisées des échanges, l'abaissement des droits de douane sur les
produits agricoles, l'abrogation de la règle de minimis, l'encadrement réglementaire
des aides à l'exportation et de l'aide alimentaire, telles sont nos principales
revendications en matière de libéralisation des échanges.
Je ne suis assurément pas de ceux qui présentent péremptoirement la libéralisation
des échanges agricoles comme la panacée susceptible de résoudre tous les
problèmes de l'agriculture dans le monde entier. Hormis la libéralisation, il y a
naturellement d'autres facteurs qui devront être pris pleinement en considération
lors des négociations si nous voulons réformer de manière équitable et effective.
Nous réclamons en conséquence l'établissement de conditions équitables pour
encadrer l'action menée en faveur des pays les plus pauvres et nous demandons
que l'agriculture durable soit reconnue et soutenue partout dans le monde.
Voilà qui m'amène directement à ma 2ème question: Comment faire pour que la
notion d'agriculture durable se concrétise dans le monde entier?
Par «agriculture durable», j'entends une agriculture qui tienne compte non
seulement des aspects économiques, mais aussi des aspects écologiques et
sociaux, c'est-à-dire une agriculture conçue de telle sorte que nous n'hypothéquions
pas nous-mêmes notre avenir en faisant fi de l'écologie ou des considérations
sociales.
L'agriculture durable, c'est beaucoup plus que la production agricole et ce n'est pas
non plus une simple «branche de l'économie», puisqu'elle prend notamment en
compte la sécurité alimentaire, la protection de l'environnement, la préservation des
paysages, la sauvegarde de la biodiversité, le développement rural, la protection
des animaux ou l'information des consommateurs. La politique agricole doit
logiquement être conçue de telle sorte que les prestations précitées, qui rendent
service à la collectivité, soient reconnues sous une forme ou sous une autre,
notamment sur le plan financier. En effet, le jeu des forces du marché ne permettra
pas à lui seul de satisfaire ces attentes multiples de la société.
Telle est précisément la raison pour laquelle nous voulons que l'OMC reconnaisse
elle aussi le principe de durabilité. C'est aussi pourquoi nous proposons que nos
mesures de soutien internes, qui se rapportent aux «questions non commerciales»,
ne soient pas visées par les engagements relatifs à la réduction des droits de
douane, étant donné qu'elles n'entraînent pas de distorsions des échanges.
À l'OMC, il ne saurait désormais plus être exclusivement question d'un
démantèlement mécanique des droit de douane et des obstacles commerciaux. Les
droits sociaux fondamentaux, les normes environnementales et sanitaires, la
diversité culturelle, tout cela doit aussi être pris en considération.
J'en arrive ainsi à ma troisième question : Comment assumons-nous la
responsabilité qui nous incombe vis-à-vis des pays en développement ?