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livre se veut également une première ouverture
à l’originalité méthodologique de l’histoire.
C’est pourquoi nous avons voulu maintenir une
place centrale, ou au moins égale, aux documents.
C’est cet équilibre entre récit et documents qui
guide le livre. Les documents n’ayant aucun
sens sans un récit, et le récit ne pouvant être
rédigé sans les documents authentiques. Nous
les avons voulus variés, permettant l’ancrage
des apprentissages dans d’autres disciplines
(art, littérature…).
Prétendre faire de ses élèves des historiens en
leur laissant, de façon autonome, des documents
(du reste choisis par l’enseignant), en ignorant
que cette histoire-là est complexe et obéit à des
règles méthodologiques et épistémologiques
savantes, c’est sans aucun doute se méprendre
sur les objectifs du cycle 3. En revanche, mon-
trer comment travaillent les historiens et quels
problèmes se posent à eux, dans l’exercice de
leur métier, voilà qui peut intéresser les élèves.
C’est pourquoi, surtout dans les premiers cha-
pitres où des sources suffisantes et fiables peu-
vent manquer, le récit indique aux élèves que,
là, sur ce point précis, les historiens hésitent
(comme c’est le cas pour le baptême de Clovis :
496, 498, ou 499 ?) ; ce qui est une autre
manière de montrer, dans l’action de la leçon,
que l’essentiel de l’histoire ne réside pas dans
une chronologie chosifiée mais dans le sens que
l’on veut bien lui donner.
Fils rouges et thématique d’ensemble
Le livre s’organise, dans le récit comme dans les
documents, par une série de fils rouges, qui
guide la réflexion d’ensemble.
Les femmes dans l’histoire
L’histoire des femmes figure en bonne place :
non pas dans la construction d’une histoire à
part, mais insérée dans les logiques de l’histoire
globale. De Lucy à la place des femmes dans
nos sociétés, la question du genre est abordée
constamment, chaque fois que cela est néces-
saire pour mieux comprendre la période. Car
nous croyons fermement que l’on ne construit
pas la citoyenneté des élèves sans les faire réflé-
chir dès que possible sur leur inscription
sexuelle dans la société. L’histoire est un bon
moyen d’évoquer la place de chacun.
La question de l’autre
D’une manière plus générale encore, le rapport
à l’autre guide l’ensemble du récit destiné aux
élèves et se retrouve massivement dans les
cahiers d’exercices. Comment se construit le
regard porté sur les autres, à la fois semblables
et dissemblables ? En creux, la question du
racisme ou de l’exclusion affleure souvent. Les
Romains regardent les Gaulois, qui eux-mêmes
regardent les Barbares, qui eux-mêmes regar-
dent les Vikings… une longue chaîne de mépris
et de regards péjoratifs. Déconstruire ces
regards, ou comprendre comment ils fonction-
nent, c’est peut-être une façon d’éviter de les
reproduire un jour.
Mémoire coloniale et européenne
Ce n’est donc pas par hasard si le récit de l’élève
aborde sans crainte la question de notre
mémoire nationale et européenne, fondée entre
autres sur la colonisation, l’esclavage et notre
rapport au monde. Dès le
XVI
e
siècle, cette his-
toire coloniale est présentée afin que tous les
élèves puissent comprendre, dans le contexte de
l’époque, les finalités de la colonisation, ses
occasions manquées, ses ambiguïtés et ses
crimes. Ceci n’est pas fait pour accentuer un peu
plus une mémoire coupable de la France, mais
simplement, au plus près des élèves, pour com-
prendre comment la France et l’Europe se sont
construites, et expliquer également la diversité
culturelle présente sur le sol de France et dans
l’intimité des classes mêmes. Comprendre l’im-
migration en France, c’est savoir replacer les
différents moments où la part étrangère de la
nation s’est battue pour la République (la
Révolution française, les deux guerres mon-
diales, les Trente Glorieuses…). Le récit sonne
moins ici comme une condamnation éventuelle
– l’histoire n’est pas là pour juger – que comme
le rétablissement de la dignité de chacune des
familles vivant en France. C’est sans doute plus
dans la construction nationale et européenne
d’une mémoire collective, scolairement parta-
gée, politiquement et historiquement assumée,
que l’ensemble des familles vivant sur le