Guide pédagogique

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Guide
pédagogique
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Benoit FALAIZE
Professeur à l’IUFM de Versailles
Nouchka CAUWET
IMF
Avec la collaboration de
Jean-Pierre COSTET
Conseiller pédagogique
Collection dirigée par
Jean HÉBRARD
Les droits d’auteur afférents à la direction de collection sont intégralement versés à l’association
« Vaincre la Mucoviscidose », 181, rue de Tolbiac, 75013 Paris. La mucoviscidose est une affection
génétique grave qui fait souffrir un nombre important de jeunes enfants d’âge scolaire (250 nouveaux cas apparaissent chaque année en France). L’association est un partenaire actif des dispositifs
d’accueil des élèves atteints de maladies chroniques graves. On peut la contacter au 01 40 78 91 91.
Maquette intérieure : Atelier Gérard Finel
Maquette de couverture : Laurent Carré et Atelier Gérard Finel
Mise en pages : Typo-Virgule
Crédits photographiques de la couverture : gauche : Henri Testelin (1616-1695), Portrait de
Louis XIV roi de France, enfant en costume de sacre, 1648, musée du château de Versailles, © Josse ;
droite : détail d’un papyrus égyptien, le dieu Seth, London British Museum, © Josse ; arrière-plan :
François-Auguste Biard, détail de la Proclamation de l’abolition de l’esclavage des Noirs aux colonies
françaises, 1848, musée du château de Versailles, © Josse.
ISBN : 2.01.11.6486.9
© Hachette Livre 2003, 43, quai de Grenelle, 75905 Paris Cedex 15.
www.hachette-education.com
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L. 122-4 et L. 122-5, d’une part, que
les « copies de reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation
collective », et, d’autre part, que « les analyses et les courtes citations » dans un but d’exemple et d’illustration,
« toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses
ayants droit ou ayants cause, est illicite ».
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre
français de l’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris), constituerait donc une
contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
SOMMAIRE
Introduction générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
PREMIÈRE PARTIE
Il était une fois… les femmes et
les hommes dans l’histoire . . . . . . . . . . . . . .
La préhistoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’invention de l’écriture . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les civilisations de l’Antiquité . . . . . . . . . . .
DEUXIÈME PARTIE
L’héritage antique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les Gaulois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La conquête romaine
(57-51 avant notre ère) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les Gallo-Romains (Ier-Ve siècle) . . . . . . . . .
Le déplacement des peuples barbares . . . .
Clovis et Charlemagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La fin de l’Empire de Charlemagne . . . . . .
TROISIÈME PARTIE
Le temps des seigneurs
et des cathédrales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Seigneurs et paysans au Moyen Âge
(XIe-XIVe siècle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les chevaliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’Église au Moyen Âge (XIe-XVe siècle) . .
La Méditerranée au Moyen Âge
(VIIIe-XIIIe siècle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le pouvoir des rois de France
au Moyen Âge (XIe-XVe siècle) . . . . . . . . . . . .
Les crises de la fin du Moyen Âge
(XIVe-XVe siècle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
QUATRIÈME PARTIE
Le temps des découvertes . . . . . . . . . . . . . . .
La découverte d’un nouveau monde . . . . .
Christophe Colomb . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La Renaissance en Europe (XVIe siècle) . .
L’imprimerie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La Renaissance et la royauté française . . .
Les guerres de Religion et Henri IV
(1559-1610) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Louis XIII et Richelieu (1610-1643) . . . . .
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CINQUIÈME PARTIE
La Royauté ou la République ? . . . . . . . .
Louis XIV, roi absolu (1643-1715) . . . . . . .
Le roi est un enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La traite des Noirs au XVIIIe siècle . . . . . . . .
La société d’Ancien Régime
au XVIIIe siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La Révolution française (1789-1795) . . . .
Condorcet :
un homme dans la Révolution . . . . . . . . . . . .
De la Révolution à l’Empire
de Napoléon Bonaparte (1795-1815) . . . . .
À propos du mot « Liberté »
(1815-1848) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1848 : l’esprit de liberté . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Napoléon III (1851-1870) . . . . . . . . . . . . . . . .
La Commune de Paris et la guerre
(1870-1871) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
SIXIÈME PARTIE
L’époque de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . .
La naissance de l’industrie au XIXe siècle .
Les progrès de la démocratie
(1871-1914) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’école . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’Europe et la France
à la conquête du monde (1830-1914) . . . .
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SEPTIÈME PARTIE
Le XXe siècle et le monde actuel . . . . . . . . .
La Grande Guerre (1914-1918) . . . . . . . . . .
Des peintres en guerre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La France entre les deux guerres
mondiales (1919-1939) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les deux France dans la Seconde
Guerre mondiale (1939-1945) . . . . . . . . . . . .
Les enfants d’Izieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Un nouveau monde (1945-1975) . . . . . . . . .
La vie politique et économique
de la France (1945-1975) . . . . . . . . . . . . . . . . .
La France dans le monde d’aujourd’hui . .
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Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
3
INTRODUCTION GÉNÉRALE
On pourrait dire, à la manière de Magritte, que
ceci n’est pas un manuel d’histoire, alors même
que la collection dans laquelle il s’inscrit relève
de cette catégorie. C’est bien évidemment un
manuel scolaire dans la mesure où il est destiné
aux élèves des classes de cycle 3, mais nous
sommes convaincus qu’il s’agit peut-être plus
d’un livre de lecture d’histoire que d’un manuel
tels qu’ils existent à l’heure actuelle sur le marché éditorial. Les instructions officielles indiquent bien qu’il faut faire lire les élèves dans
toutes les disciplines. C’est ce parti pris que
nous avons retenu et assumé, en faisant découvrir aux élèves un récit à la fois accessible et
problématisé de l’histoire.
L’importance scolaire du récit
Nous avons voulu faire de ce manuel à l’usage
des élèves un livre à lire, inspiré des derniers
travaux scientifiques, des dernières thèses et
avancées de la recherche historique, traduits en
« langage d’enfant » pour reprendre l’expression d’Ernest Lavisse. Par notre pratique, corroborée par des recherches sur la lecture comme
en sociologie de l’échec scolaire, il nous a semblé que plus nous étions dans une démarche de
récit, plus les élèves en difficulté scolairement
et démunis socialement et culturellement pouvaient s’y retrouver et y construire du sens. Le
récit aide à comprendre. À l’inverse, ne procéder que par les documents, par une méthodologie savante (que bien souvent, les historiens
professionnels n’ont découverte qu’après trois
ou quatre années de cours magistraux à l’université), peut renvoyer les élèves à un implicite
scolaire, fondé sur un entre soi, entre des enseignants sûrs de leurs exigences et des enfants
déjà cultivés et certains du rôle de l’école. Le
risque peut être, là, fatal pour des enfants de
milieux sociaux défavorisés dont l’école n’a
rien de l’évidence. Le récit est beaucoup moins
sélectif socialement que la mise en activité (parfois artificielle) visant à « l’autonomie » des
élèves.
4
Le récit permet également de concilier le plaisir
de la lecture et celui de l’histoire. De ce fait,
donner à lire de l’histoire, c’est mettre les
élèves en situation de devenir des lecteurs
experts, en leur permettant d’organiser des liens
logiques, des liens entre causes et conséquences, mais aussi en découvrant des notions.
Le récit permet ainsi tant d’aller vers une maîtrise fine de la lecture que de travailler sur un
raisonnement intellectuel à partir d’un savoir. Et
c’est dans l’organisation du savoir que la compréhension a plus sa place que le jugement.
Le récit permet à tous de construire du sens et
permet, en parallèle, de construire le temps historique avec les élèves. Chaque chapitre du
livre de l’élève est relié au précédent ou au suivant, ou à d’autres plus lointains. Les continuités historiques sont valorisées : de l’héritage
antique – qui est, de cette façon, un moyen de
montrer comment Charlemagne innove tout en
se pensant le continuateur de César – aux
Lumières du XVIIIe siècle – qui reviennent dans
presque tous les chapitres sur le XIXe siècle –, en
passant par la présence du penseur médiéval
arabe Averroès dans la Renaissance européenne.
Le récit permet de construire du sens, à condition bien sûr que le récit ne soit pas une fin en
soi, seul garant de la vérité, seul instrument
d’une pensée qui a pu être, sous la Troisième
République, patriotique voire chauvine. Ici, au
contraire, le récit est construit pour ouvrir sur
des débats, d’autres possibles et, au final, sur la
prise en compte de la pluralité. Le récit proposé
ne se veut pas une nouvelle bible, ni la vérité
incarnée. Il offre une vision, parmi d’autres, de
l’histoire et qui n’est pas exclusive.
La place des documents
Pour autant, ce manuel ne se réduit pas à la
seule et nécessaire – fondamentale – pratique de
la lecture. Conformément aux instructions officielles, et aux exigences de la discipline, ce
livre se veut également une première ouverture
à l’originalité méthodologique de l’histoire.
C’est pourquoi nous avons voulu maintenir une
place centrale, ou au moins égale, aux documents.
C’est cet équilibre entre récit et documents qui
guide le livre. Les documents n’ayant aucun
sens sans un récit, et le récit ne pouvant être
rédigé sans les documents authentiques. Nous
les avons voulus variés, permettant l’ancrage
des apprentissages dans d’autres disciplines
(art, littérature…).
Prétendre faire de ses élèves des historiens en
leur laissant, de façon autonome, des documents
(du reste choisis par l’enseignant), en ignorant
que cette histoire-là est complexe et obéit à des
règles méthodologiques et épistémologiques
savantes, c’est sans aucun doute se méprendre
sur les objectifs du cycle 3. En revanche, montrer comment travaillent les historiens et quels
problèmes se posent à eux, dans l’exercice de
leur métier, voilà qui peut intéresser les élèves.
C’est pourquoi, surtout dans les premiers chapitres où des sources suffisantes et fiables peuvent manquer, le récit indique aux élèves que,
là, sur ce point précis, les historiens hésitent
(comme c’est le cas pour le baptême de Clovis :
496, 498, ou 499 ?) ; ce qui est une autre
manière de montrer, dans l’action de la leçon,
que l’essentiel de l’histoire ne réside pas dans
une chronologie chosifiée mais dans le sens que
l’on veut bien lui donner.
Fils rouges et thématique d’ensemble
Le livre s’organise, dans le récit comme dans les
documents, par une série de fils rouges, qui
guide la réflexion d’ensemble.
Les femmes dans l’histoire
L’histoire des femmes figure en bonne place :
non pas dans la construction d’une histoire à
part, mais insérée dans les logiques de l’histoire
globale. De Lucy à la place des femmes dans
nos sociétés, la question du genre est abordée
constamment, chaque fois que cela est nécessaire pour mieux comprendre la période. Car
nous croyons fermement que l’on ne construit
pas la citoyenneté des élèves sans les faire réfléchir dès que possible sur leur inscription
sexuelle dans la société. L’histoire est un bon
moyen d’évoquer la place de chacun.
La question de l’autre
D’une manière plus générale encore, le rapport
à l’autre guide l’ensemble du récit destiné aux
élèves et se retrouve massivement dans les
cahiers d’exercices. Comment se construit le
regard porté sur les autres, à la fois semblables
et dissemblables ? En creux, la question du
racisme ou de l’exclusion affleure souvent. Les
Romains regardent les Gaulois, qui eux-mêmes
regardent les Barbares, qui eux-mêmes regardent les Vikings… une longue chaîne de mépris
et de regards péjoratifs. Déconstruire ces
regards, ou comprendre comment ils fonctionnent, c’est peut-être une façon d’éviter de les
reproduire un jour.
Mémoire coloniale et européenne
Ce n’est donc pas par hasard si le récit de l’élève
aborde sans crainte la question de notre
mémoire nationale et européenne, fondée entre
autres sur la colonisation, l’esclavage et notre
rapport au monde. Dès le XVIe siècle, cette histoire coloniale est présentée afin que tous les
élèves puissent comprendre, dans le contexte de
l’époque, les finalités de la colonisation, ses
occasions manquées, ses ambiguïtés et ses
crimes. Ceci n’est pas fait pour accentuer un peu
plus une mémoire coupable de la France, mais
simplement, au plus près des élèves, pour comprendre comment la France et l’Europe se sont
construites, et expliquer également la diversité
culturelle présente sur le sol de France et dans
l’intimité des classes mêmes. Comprendre l’immigration en France, c’est savoir replacer les
différents moments où la part étrangère de la
nation s’est battue pour la République (la
Révolution française, les deux guerres mondiales, les Trente Glorieuses…). Le récit sonne
moins ici comme une condamnation éventuelle
– l’histoire n’est pas là pour juger – que comme
le rétablissement de la dignité de chacune des
familles vivant en France. C’est sans doute plus
dans la construction nationale et européenne
d’une mémoire collective, scolairement partagée, politiquement et historiquement assumée,
que l’ensemble des familles vivant sur le
5
Introduction générale
territoire national et leurs enfants, issus ou non
d’immigrations du XXe siècle, sentiront, par-delà
la spécificité de chacune des histoires et des
mémoires, l’histoire partagée, ainsi que l’universalité de la condition humaine.
L’écrit et l’école
Dès le chapitre sur l’Antiquité, la question du
rapport à l’écrit et à l’école est affirmée. Ce fil
rouge n’est évidemment pas gratuit et témoigne
d’une volonté délibérée de faire en sorte qu’à
chaque moment de leur apprentissage, les
élèves, et surtout ceux qui ne comprennent pas
le sens de l’école, puissent réfléchir grâce à la
distance apparente que propose l’histoire, à ce
qu’a représenté l’école, la possibilité ou non d’y
accéder, la chance de savoir lire et écrire et la
revendication de son apprentissage. Car derrière
la question de l’école se situe une autre question
autrement plus redoutable, celle de la domination sociale et de la conquête politique par les
plus humbles du droit à la connaissance.
La place faite au XXe siècle
Le XXe siècle est le temps historique le plus
accessible et le plus proche pour l’enfant. C’est
malheureusement le siècle le moins abordé en
classe, soit involontairement parce qu’il est difficile de clore le programme faute de temps, soit
volontairement par souci de ne pas aborder les
« sujets délicats ». Par le récit, et l’évitement de
documents iconographiques trop forts pour la
sensibilité des enfants, nous avons choisi d’insister sur ce siècle important. Car, quand bien
même les enseignants se refuseraient à le traiter
en classe, l’actualité, les médias et les souvenirs
parentaux et familiaux ancrent les élèves dans
ce siècle. Mieux vaut aborder ces questions dans
la classe, avec la rigueur scolaire, plutôt que de
laisser les élèves à la merci d’informations pas
toujours vérifiables et parfois fausses. De même
que pour les événements de l’actualité, aborder
toutes les questions en classe permet de dédramatiser considérablement auprès des enfants ce
qui apparaît à l’adulte comme quelque chose de
trop difficile.
Depuis le début du siècle, les mêmes débats sur
l’apprentissage de l’histoire sont à l’œuvre :
documents ou récits ? comprendre ou émou6
voir ? histoire ou mémoire ? Il nous a semblé
que, là encore, et sans mésestimer la qualité des
échanges autour de ces questions, les apprentissages permettaient d’échapper à ces débats.
L’urgence du passé
L’histoire n’a de sens, surtout à l’âge des élèves,
qu’à la condition qu’elle réponde à des problématiques actuelles. Ce n’est pas l’accumulation
des dates, ni l’assujettissement à des procédures
méthodologiques complexes, qui peuvent aider
les élèves à se construire une représentation du
monde « pour agir sur lui en personne libre et
responsable », comme le disait, avec justesse, le
programme de 1995. Les fondateurs de l’école
historique française, Marc Bloch, Fernand
Braudel et Georges Duby, ne pensaient pas
autrement. Si l’historien doit communiquer
avec ses pairs dans les formes consacrées de la
discipline et faire œuvre d’histoire savante, il a
une mission de mémoire, en vulgarisant ses
savoirs à destination du public : c’est l’histoire
que l’on transmet. C’est bien à partir d’aujourd’hui que nous interrogeons le passé, avec nos
grilles d’analyse actuelles et nos préoccupations
du présent.
En ce sens, il y a une urgence à comprendre le
passé pour comprendre le présent ou, du moins,
le mettre à distance quand ses enjeux se font
pressants. De la même manière, pour reprendre
l’expression de Philippe Joutard, « dans un État
de droit et une nation démocratique, c’est le
devoir d’histoire et non le devoir de mémoire
qui forme le citoyen ». La mémoire doit être
portée par l’histoire savante. Apprendre l’histoire en classe, ce n’est pas apprendre une juxtaposition de mémoires particulières, c’est
comprendre l’histoire commune. Faire œuvre de
mémoire, comme l’entend Marc Bloch, c’est
précisément être dans le récit historique le plus
proche de la réalité, mais le plus accessible également. Apprendre à vivre ensemble, en histoire, c’est accepter que la discipline ne soit
intéressée qu’en tant qu’elle est un combat
civique et démocratique pour l’avenir des
enfants présents au quotidien en classe.
On l’aura compris, ce livre pour les élèves fait
appel au sérieux. Il donne à lire, à penser, mais
aussi à utiliser des outils de réflexion qui
permettent de grandir dans l’intelligence de
l’histoire et du temps présent. Car l’histoire
est grave souvent, trop souvent disent ceux qui
refusent de l’enseigner à de si jeunes enfants ou
qui préfèrent l’aborder sous le seul angle de
l’anecdote. Pourtant, si le langage est adapté
aux élèves, il nous semble qu’il n’y a aucune
raison à ne pas apprendre que la démocratie
est le fruit d’un combat, autrement dit que le
conflit est même nécessaire et fait partie de
l’espace démocratique. La justice, l’injustice,
le pouvoir de celui qui domine, l’humiliation de
celui sans pouvoir, sont des notions que les
enfants comprennent volontiers d’autant mieux
qu’ils peuvent les vivre au quotidien, par
eux-mêmes ou par délégation (parents, amis,
frères et sœurs…). C’est une somme de vie
dans l’histoire que nous proposons ici, respectueuse du passé, de l’histoire et de ses canons
académiques, mais dite simplement, sans
jamais perdre de vue les souffrances et les
espoirs des femmes et des hommes qui l’ont
faite.
Progression
Comme les directives des instructions officielles nous invitent à le faire, nous avons divisé le
programme suivant une progression chronologique entre les trois classes du cycle 3.
Le programme du CE2 se termine avec la fin de l’empire de Charlemagne et l’accession au
pouvoir d’Hugues Capet. Celui du CM1 se termine à la Révolution française. Celui du CM2
s’achève par une évocation de la France dans le monde d’aujourd’hui.
7
Leçons du livre de l’élève
Il était une fois… les femmes et les hommes dans l’histoire
La préhistoire
L’invention de l’écriture
Les civilisations de l’Antiquité
L’héritage antique
Les Gaulois
La conquête romaine (57-51 avant notre ère)
Les Gallo-Romains (Ier-Ve siècle)
Le déplacement des peuples barbares
Clovis et Charlemagne
La fin de l’Empire de Charlemagne
Le temps des seigneurs et des cathédrales
Seigneurs et paysans au Moyen Âge (XIe-XIVe siècle)
Les chevaliers
L’Église au Moyen Âge (XIe-XVe siècle)
La Méditerranée au Moyen Âge (VIIIe-XIIIe siècle)
Le pouvoir des rois de France au Moyen Âge (XIe-XVe siècle)
Les crises de la fin du Moyen Âge (XIVe-XVe siècle)
Le temps des découvertes
La découverte d’un nouveau monde
Christophe Colomb
La Renaissance en Europe (XVIe siècle)
L’imprimerie
La Renaissance et la royauté française
Les guerres de Religion et Henri IV (1559-1610)
Louis XIII et Richelieu (1610-1643)
La Royauté ou la République ?
Louis XIV, roi absolu (1643-1715)
Le roi est un enfant
La traite des Noirs au XVIIIe siècle
La société d’Ancien Régime au XVIIIe siècle
La Révolution française (1789-1795)
Condorcet : un homme dans la Révolution
De la Révolution à l’Empire de Napoléon Bonaparte (1795-1815)
À propos du mot « Liberté » (1815-1848)
1848 : l’esprit de liberté
Napoléon III (1851-1870)
La Commune de Paris et la guerre (1870-1871)
L’époque de l’industrie
La naissance de l’industrie au XIXe siècle
Les progrès de la démocratie (1871-1914)
L’école
L’Europe et la France à la conquête du monde (1830-1914)
Le XXe siècle et le monde actuel
La Grande Guerre (1914-1918)
Des peintres en guerre
La France entre les deux guerres mondiales (1919-1939)
Les deux France dans la Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
Les enfants d’Izieu
Un nouveau monde (1945-1975)
La vie politique et économique de la France (1945-1975)
La France dans le monde d’aujourd’hui
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CE2 CM1 CM2
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P R E M I È R E PA RT I E
I L É TA I T U N E F O I S … L E S F E M M E S
E T L E S H O M M E S D A N S L’ H I S T O I R E
Cette partie est conçue comme une ouverture générale à l’histoire, elle a pour but de
faire découvrir aux élèves ce qui fonde notre héritage mondial commun. C’est-à-dire,
d’une part, l’histoire de l’origine de l’homme – question sans fin, riche d’interrogations pluridisciplinaires pour l’élève –, de la sédentarisation – le début de l’histoire des
hommes en tant qu’elle est l’amorce d’un mode de vie spécifique : l’exploitation sur
un même lieu d’une terre, d’un espace et de ses ressources diverses –, de l’écriture – le
moyen de communication privilégié dans nos sociétés à école – et, d’autre part, l’histoire des grandes expériences de société qui prennent racine, y compris pour nos sociétés occidentales, dans le croissant fertile, c’est-à-dire au Proche et au Moyen-Orient.
Sur le document présenté en ouverture de chapitre, qui concerne des fouilles en Irak,
on peut voir un archéologue exhumer avec une grande minutie une tablette mésopotamienne. C’est dans ces conditions que l’on découvre encore des traces d’un passé très
lointain. C’est l’occasion d’évoquer avec les élèves ce qui fait la particularité du travail archéologique et, surtout, de montrer combien ce travail diffère de celui, plus classique, des historiens confrontés souvent à plus de sources ou, du moins, à des sources
plus explicites. Ici, les archéologues énoncent des hypothèses et confrontent les éléments dont ils disposent. Quel type de traces découvre-t-on (poteries, fossiles, os,
cendres...) ? Avec quels instruments se font les fouilles (de la brosse à dents à la grue
pour l’excavation, de la petite cuillère à la pelle) ? Qu’est-ce qu’un archéologue ?...
Dans le corps du récit destiné à l’élève, nous avons pris le parti d’utiliser comme datation l’expression : « avant notre ère », en lieu de : « avant Jésus-Christ ». Cette modalité d’écriture, que l’on retrouve chez beaucoup d’historiens de l’Antiquité, a le mérite,
à notre sens, de préciser aux élèves comme aux adultes que le comptage n’est que relatif, qu’il inscrit dans l’histoire et qu’il est lié à la civilisation qui l’a pensé. Certes,
toutes les organisations intergouvernementales (ONU, UNICEF, UNESCO…) ou non
gouvernementales ont adopté la datation chrétienne : cette universalisation est incontestable. Pour autant, et peut-être parce que nous sommes en histoire, il n’est pas inutile de dire ou de rappeler que l’on compte à partir de « notre ère » et, qu’effectivement,
il s’agit précisément de la nôtre, étendue aux autres, mais qu’il existe par conséquent
d’autres ères dans le monde. Faire ce travail avec les élèves sur les différents calendriers (musulman, juif…) peut être une excellente introduction à l’histoire, sachant
que l’essentiel n’est pas dans les dates, mais dans ce que font les femmes et les
hommes inscrits dans le temps historique.
9
IL ÉTAIT UNE FOIS… LES FEMMES ET LES HOMMES DANS L’HISTOIRE
La préhistoire
LIVRE PP. 8-15
Notions
Traces du passé, archéologue, nomade, sédentaire, outil, feu, cueillette, pierre taillée,
agriculture, chasse, élevage.
Compétences
• Savoir repérer les grandes ruptures dans la préhistoire (feu, sépultures, arts, sédentarisation…).
• Savoir situer et ordonner ces grandes ruptures.
• Savoir identifier les traces laissées par les femmes et les hommes de la préhistoire.
• Savoir citer les grandes nouveautés du néolithique (agriculture, poterie, domestication
d’animaux…).
Exercices
Cahier CE2 : La préhistoire, pp. 6-7 ; notre ancêtre venue d’Afrique, p. 8 ; la grotte
de Cosquer, pp. 9-10.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Dans la pratique, la préhistoire est un des thèmes
les plus enseignés du cycle 3. Il permet d’aborder
la question de la naissance de l’homme et, en l’occurrence, de la femme si l’on accepte l’idée que
Lucy est notre ancêtre. Toute la difficulté de la
préhistoire est de savoir si les Australopithèques
et Lucy peuvent être considérés comme nos
ancêtres les plus lointains. Lucy appartenait-elle
plutôt au genre animal ou plutôt au genre
humain ? Sur ce sujet, les spécialistes ne sont pas
tous d’accord. En étudiant la préhistoire, on en
vient ainsi à se poser des questions très importantes comme : « Qu’est-ce qu’un homme ? » ou
« Comment est née l’humanité ? » Ces aspects de
la question peuvent être traités également dans le
cadre des sciences de la vie et de la terre.
En histoire, d’un point de vue pédagogique,
l’intérêt de ce sujet réside dans la mise en place
des grandes notions qui marquent le passage de
la préhistoire à l’histoire. On s’attachera donc à
distinguer les grandes ruptures, ainsi que les
périodes qui organisent nos représentations
d’une temporalité presque impensable pour les
enfants – et même pour les adultes – puisqu’il
s’agit ici de millions d’années.
Nous avons fait le choix de ne pas faire apparaître
dans le récit à destination des élèves les mots
10
« paléolithique » et « néolithique ». Le paléolithique correspond à l’ensemble des groupes
humains et des époques préhistoriques où la pierre
taillée, puis la pierre polie sont utilisées (depuis
7 millions d’années jusqu’à 6 000 ans avant notre
ère). Le néolithique correspond à la période postérieure aux chasseurs nomades. C’est l’âge de la
sédentarisation : c’est le début de l’histoire. Ces
mots ne sont pas inutiles ou faux, mais nous
n’avons pas souhaité surcharger par un vocabulaire technique des apprentissages historiques déjà
importants au CE2.
L’objectif central de ce chapitre est bien de mettre
en lumière les principales ruptures de l’époque
préhistorique, plutôt que de marquer des durées,
souvent très complexes à acquérir au cycle 3, y
compris même, parfois, à l’âge adulte. Que peut
signifier pour un enfant de huit ans l’immensité que
représente l’expression : « pendant 900 000 ans » ?
Notre choix est clair : il repose sur des grandes
étapes, sur des moments qui, chacun à leur
manière, ont façonné l’espèce humaine vivant en
société.
Lucy, notre ancêtre bipède
La station debout, également appelée la bipédie,
est la première rupture, la première étape repérée par Yves Coppens au début des années 1970.
La préhistoire
Elle a certainement eu une incidence sur le
mode de vie des Australopithèques qui ont alors
rejoint les arbres pour y dormir ou y cueillir des
fruits et des plantes. Leur régime alimentaire
s’en est trouvé modifié.
Les hommes de Tautavel
et la maîtrise du feu
La seconde rupture concerne les outils qui sont
utilisés de façon systématique et cohérente, ce
qui n’est pas forcément le cas à l’époque de
Lucy et des Australopithèques. Mais aussi, et
surtout, cette seconde étape est liée à la maîtrise
du feu. On sait aujourd’hui que le feu – notamment la foudre – est connu des hommes préhistoriques avant la période dite « des hommes de
Tautavel » (site des Pyrénées orientales) ; mais
on a la certitude de son utilisation permanente et
donc de sa « création » il y a 450 000 années.
Les bifaces, d’abord rudimentaires mais produits d’une fabrication pensée et aboutie, témoignent d’une évolution majeure. De plus, bien
que fondamentalement nomades, ces hommes
ne vivent pas dans des grottes – comme se plaisait à le dire l’école il y a 50 ans – mais très certainement sous des tentes plantées à proximité
de grottes.
Les Néandertaliens et l’apparition
de rites funéraires
L’évolution des outils chez les Néandertaliens et
l’attestation de rites funéraires il y a 120 000 ans
constituent une troisième rupture. L’homme de
Néandertal enterre ses morts dans un lieu
adapté, accompagnés d’outils et d’offrandes
diverses : cette attention nouvelle témoigne, à
n’en pas douter, d’une conscience de la mort ou
d’un au-delà. Le premier site attesté se trouve en
Israël, dans la grotte d’El-Taboun. En France,
c’est en Dordogne, à La Ferrassie, que l’on a
découvert trois enfants, un homme et une
femme.
Les hommes de Cro-Magnon
et la naissance de l’art
Quatrième rupture : la modernité des hommes
de Cro-Magnon se situe d’abord d’un point de
vue morphologique. Leur taille les distingue
des hommes préhistoriques qui les précèdent.
Ils sont grands (1 mètre 80) et ils utilisent
des outils diversifiés (racloirs, harpons...) de
différentes matières (en pierre, en os, en ivoire,
très certainement en bois). On retiendra
surtout de cette période (40 000 ans à 15 000 ans
avant notre ère), la naissance de l’art, en
général, et de la peinture, en particulier, sans
que l’on puisse dire aujourd’hui leurs fonctions exactes. Les grottes de Cosquer, de
Lascaux et de Rouffignac en France, d’Altamira
en Espagne témoignent d’une activité sans
précédent. Les hommes de Cro-Magnon utilisent des techniques élaborées (pochoir, gravure, mélange de coloris, sculpture, modelage)
et pratiquent très certainement la musique
et la danse (voir les documents du livre de
l’élève).
Du paléolithique
au néolithique :
début de l’agriculture
et premiers villages
Le passage du paléolithique au néolithique,
vers 6 000 avant notre ère, est une cinquième
rupture. À dessein, les deux mots ne sont
pas utilisés dans le livre de l’élève, mais ils
peuvent l’être en classe. Le néolithique marque
le passage d’un mode de vie reposant sur la
chasse, le nomadisme et la cueillette, à une première ébauche de société sédentarisée autour
d’un village où l’agriculture et l’élevage dominent. Ici, la création et l’utilisation de poteries,
puis d’outils en fer et en bronze marquent l’élaboration d’une organisation sociétale où s’enracineront les hiérarchies politiques, les
distinctions sociales et la spécialisation du
religieux.
C’est au Proche et au Moyen-Orient que
débute cette révolution néolithique pour
s’étendre progressivement vers l’ouest. C’est
assurément ici que se termine la préhistoire :
avec la naissance des villages et l’apparition de
l’écriture.
11
IL ÉTAIT UNE FOIS… LES FEMMES ET LES HOMMES DANS L’HISTOIRE
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
La Vénus de Brassempouy ou
La Dame à la capuche, pp. 7 et 10
Cette tête de Vénus en ivoire à la chevelure
emprisonnée dans un quadrillage a été découverte à Brassempouy dans les Landes ; c’est une
des premières représentations du visage humain
(entre 29 000 et 22 000 ans avant notre ère).
Pendant près de 10 000 ans les statuettes féminines sont la forme d’art dominante. On en
a retrouvé dans des sites éloignés parfois de
2 000 km en Autriche (Willendorf), en France
(Lespugne), en Russie ou bien encore en
République tchèque. On rencontre des variations de style importantes : certaines silhouettes
sont allongées, d’autres ont des formes rebondies, les statuettes peuvent être en ivoire, en calcaire ou en stéatite ; mais elles ont toutes un
visage à peine esquissé, marqué par l’absence
de bouche.
Principaux sites préhistoriques
d’Europe, p. 8
Jean Chaline nous dit que : « les premiers
hommes ont rapidement colonisé une part beaucoup plus grande de l’Afrique que leurs ancêtres
australopithèques, et ils ont surtout quitté le
continent africain. » Ces grandes migrations les
ont d’abord dirigés vers l’est et l’Asie, certainement pour rejoindre l’endroit où le soleil se
levait. Puis les hommes préhistoriques, toujours
à la recherche de nourriture (végétale et animale), ont colonisé l’Eurasie – certainement en
passant par le Sinaï et Tibériade et en suivant les
côtes de la mer Morte. Puis ils ont progressivement migré vers l’Europe, riche en faune. Sur la
carte, on remarque qu’une grande partie des
sites préhistoriques majeurs se trouvent près de
la mer Méditerranée ou dans le sud de l’Europe.
Ceci peut peut-être s’expliquer par le fait que
les hommes préhistoriques ont connu plusieurs
périodes glaciaires qui ne leur permettaient pas
de remonter trop au nord. Sur les sites européens situés au sud, on sait que les campements
utilisaient le feu il y a près de 350 000 ans. C’est
le cas sur le site de Terra Amata, près de Nice.
Le site hongrois de Vertesszöllös peut être
12
ajouté à la carte, qui peut aussi servir à situer la
Géorgie.
Qu’est-ce qu’un homme ?, p. 9
Claudine Cohen nous aide à mieux comprendre
les enjeux de cette question : « Aujourd’hui, la
rupture unique et radicale qu’on a longtemps
posée entre l’homme et l’animal pour satisfaire
l’esprit, ou l’orgueil humain, est mise en cause.
Comment définir un “Rubicon cérébral” qui
marquerait l’avènement de la pensée
humaine ? » Opérer avec les élèves tout un travail d’hypothèses est un excellent moyen de
réfléchir sur des notions apparemment simples.
On est, ici, dans l’éveil de l’esprit critique.
Les premiers silex, p. 9
Les premiers outils sont des pierres à peine
dégrossies. Une longue et lente évolution des
techniques permet à l’homme de tailler un bloc
de pierre sur ses deux faces de façon parfaitement symétrique, d’obtenir des tranchants effilés et de donner à l’objet la forme et la taille
désirées. Ces outils que l’on nomme « bifaces »
ou « coups de poing » ont la forme d’une
amande équilibrée et harmonieuse. Au-delà de
l’utile, on peut se demander si nous ne sommes
pas en présence d’œuvres d’art : choix du matériau (fin silex d’eau douce, obsidienne, jaspe
diapré…), retouches minutieuses avec des percuteurs en pierre, puis en bois ou en os.
Les mains peintes au pochoir
de la grotte de Cosquer, p. 11
Cette grotte a été découverte en 1991, entre
Marseille et Cassis, au Cap Margiou. Son entrée
est à 37 mètres au-dessous du niveau de la mer.
À côté de nombreuses gravures d’animaux
(bisons, chevaux, chamois, phoques…), on a
relevé 19 mains négatives cernées de rouge et
7 mains cernées de noir. On distingue parfois une
partie de l’avant-bras. Certains doigts sont plus
courts, comme repliés : est-ce pour transmettre
des messages dans un langage par signes ? Ces
mains sont plus anciennes que les gravures
d’animaux de quelques milliers d’années.
La préhistoire
Flûte, p. 12
Il s’agit d’une reconstitution d’une flûte à partir
de fragments qui ont été recollés. Ces flûtes sont
taillées dans des os d’oiseaux cylindriques et
creux. On a également retrouvé des traces de
percussion sur des omoplates de mammouths et
des appeaux qui témoignent de pratiques musicales. On a pu, à partir de répliques de ces instruments, retrouver les sons entendus par nos
très lointains ancêtres.
Les premières villes du monde :
Jéricho et Ur, p. 13
Ces deux villes sont nées vraisemblablement il
y a plus de 5 000 ans avant notre ère. Les premières traces de Jéricho datent même de 8 000
avant notre ère. Mais Jéricho surprend par le
développement important de l’architecture de
pierre. Les fouilles archéologiques ont permis
de faire émerger une muraille de 8 mètres de
long, de 3 mètres de large et haute de 4 mètres,
ainsi qu’une tour, elle aussi très imposante
(10 mètres à la base, 9 mètres de haut), disposant d’un escalier intérieur. Mais la structure
doit nous inciter à la prudence quant à son
caractère de « ville ». La taille de la localité
d’Ur (plusieurs milliers d’habitants), vers 3750
avant notre ère, permet de la considérer comme
une véritable ville. Des activités économiques,
religieuses et administratives y étaient concentrées.
Meule à grains, p. 14
Avec la sédentarisation et le développement de
l’agriculture, l’homme s’alimente différemment.
Il s’affranchit des contraintes de son environnement, ce qui lui permet d’innover sans cesse. La
bouillie et les galettes de céréales constituent la
base de l’alimentation au néolithique. De nouveaux ustensiles de cuisine font leur apparition
comme la meule à grains. Une pierre mobile de
granit (la molette) roule et écrase le grain sous la
pression de la main sur une meule dormante
(pavé de grès taillé à cet effet).
Mégalithes (Stonehenge), p. 15
Ce cercle de pierres a probablement été érigé
vers 3 000 avant notre ère. N’ayant pas d’informations précises sur le sens de ces édifices, le
mystère reste complet. Mais leur importance a
conduit au fil du temps à émettre un certain
nombre d’hypothèses : sanctuaire ? lieu pour
observer le mouvement de la Lune et du Soleil ?
Les dolmens et les menhirs, qu’ils soient isolés
ou alignés, gardent également leur mystère.
Même si, en Angleterre comme en Bretagne, les
alignements semblent être organisés en vue
d’observations astronomiques – comme ceux de
Carnac, par exemple.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Les archéologues nous ont permis de connaître
Lucy, notre ancêtre la plus lointaine née en
Afrique. Il y a 450 000 ans, les hommes maîtrisaient le feu et se servaient de bifaces. Il y a
30 000 ans sur le sol occupé aujourd’hui par la
France, vivaient des nomades qui se nourris-
saient de chasse, de pêche et de cueillette.
C’étaient des artistes. Il y a 7 000 ans, les
hommes cessèrent d’être nomades et ils vécurent dans des villages. Ils devinrent sédentaires.
Puis ils découvrirent les métaux et apprirent à
fabriquer de nouveaux outils comme l’araire.
13
IL ÉTAIT UNE FOIS… LES FEMMES ET LES HOMMES DANS L’HISTOIRE
L’ i n v e n t i o n d e l ’ é c r i t u r e
LIVRE PP. 16-25
Notions
Alphabet, pictogramme, communication, mémoire.
Compétences
• Savoir relier une écriture à une aire géographique.
• Percevoir la diversité des écritures, la performance de chacune et leur concomitance
d’apparition dans le temps.
• Comprendre l’histoire de l’écriture.
Exercices
Cahier CE2 : L’invention de l’écriture, pp. 11-13 ; une géographie des civilisations et
des écritures, pp. 20-21.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
À l’échelle de l’histoire de l’humanité, l’écriture
est une invention récente. Si l’homme semble
utiliser un langage articulé depuis 100 000 ans,
s’il dessine, sculpte ou joue de la musique
depuis 20 000 ans, ce n’est que depuis 5 000 ans
qu’il écrit. L’écriture est indissociable de la
sédentarisation.
La rupture néolithique entraîne toute une série
de conséquences en cascade, notamment la
création d’un système complexe de communication permettant de sauvegarder la parole. Car, si
les hommes du néolithique se sédentarisent, ils
stockent également les fruits d’une nature qu’ils
maîtrisent de mieux en mieux. Ils stockent, ils
transportent aussi, et ils troquent. Pour ces premiers échanges, il faut une mémoire écrite et
vérifiable à tout moment. C’est pour cette raison
que les premières écritures apparaissent presque
au même moment dans deux régions du monde
où l’agriculture, le commerce et les premiers
signes d’urbanisation émergent : la Mésopotamie et l’Égypte.
Pour comprendre, mais aussi organiser, planifier, anticiper des activités de plus en plus complexes, ces sociétés ont besoin de fixer des
repères de propriété, d’établir des listes, de tenir
des comptes, de faire des recensements… Il
s’agit bien, à l’origine, d’une écriture mathématique, comptable. En gardant en mémoire toutes
14
ces données, les sociétés s’organisent. L’accès à
ces données est réservé à un petit nombre de
personnes dont le pouvoir est ainsi garanti.
Cette origine néolithique est très importante :
nous devons éviter de dire devant les élèves que
la naissance de l’histoire, c’est lorsque l’écriture
naît. En fait, la naissance de l’histoire a eu lieu
avant, lorsque les hommes se regroupent en villages et s’organisent en sociétés de plus en plus
complexes. L’écriture n’est qu’une conséquence
de cet événement majeur qu’est la sédentarisation. Parallèlement les mythologies accordent
une origine divine à l’écriture. Nabù en
Mésopotamie et Thot en Égypte ont fait don de
l’écriture aux hommes. C’est par l’écrit que les
hommes et les dieux communiquent.
On peut repérer deux familles dans le monde des
signes. La première regroupe les écritures à
dominante idéographique qui cherchent à représenter le monde (l’écriture cunéiforme, égyptienne, chinoise, précolombienne…). La seconde
regroupe les écritures alphabétiques ou syllabiques qui cherchent à noter de la façon la plus
fidèle possible les sons de la langue (l’écriture
hébraïque, arabe, cyrillique, indienne, grecque,
latine…). Les exemples présentés dans le livre
de l’élève permettent de découvrir des systèmes
d’écriture différents atteignant les mêmes buts :
communiquer et garder en mémoire.
L’ i n v e n t i o n d e l ’ é c r i t u r e
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Nous présentons tout d’abord les documents
appartenant à la famille des écritures idéographiques, puis ceux appartenant à la famille des
écritures alphabétiques.
Texte d’Hérodote, p. 17
Hérodote est un auteur grec (484-vers 420 avant
notre ère), issu d’une famille très riche. Dans les
Histoires, il décrit avec minutie les rapports
entre Orient et Occident, et principalement entre
la Grèce et la Perse. Son style est sobre et très
attaché à l’authenticité des faits observés ou
récoltés après enquête. Son texte a un grand
écho dans le monde savant de l’époque (le
grand historien grec Thucydide s’en inspirera
dans L’Histoire de la guerre du Péloponnèse, au
Ve siècle avant notre ère). Il est perçu aujourd’hui comme le « Père de l’histoire ».
blance avec le dessin figuratif de départ.
Certains pictogrammes ou idéogrammes ont été
utilisés pour représenter des sons. L’écriture est
devenue en partie syllabique et a offert la possibilité de produire des phrases, ce qui a permis
d’enregistrer des documents de plus en plus
complexes, ainsi que des textes littéraires
(comme la fameuse épopée de Gilgamesh).
Mais, d’une certaine manière, la première forme
d’écriture, présentée dans ces tablettes, était une
opération de calcul.
Son récit décrit le choc culturel entre un peuple
de l’écrit, les Perses, et un peuple sans écrit, les
Scythes. Ce texte peut être utilisé en ouverture
de la leçon sur la naissance de l’écriture, afin de
montrer aux élèves pourquoi les hommes ont
jugé utile, à un moment du développement des
sociétés, de consigner par écrit ce qui était dit.
Les questions de compréhension, d’interprétation s’en trouvent pour partie levées. L’écrit permet la négociation et l’échange. Si l’un des
conseillers de Darius, roi des Perses, n’avait pas
eu l’intuition du piège des Scythes, l’absence
d’informations écrites aurait été ici funeste aux
armées perses. Mais, il faut souligner avec les
élèves que le fait de ne pas maîtriser l’écrit n’est
pas le signe d’un manque d’intelligence, ce que
nous montre le texte d’Hérodote.
L’évolution de l’écriture du mot
« oiseau », p. 18
Les signes imprimés avec un calame (roseau à
bout triangulaire) dans de l’argile molle sont
décomposés en segments qui ont la forme de
coins. Peu de temps après les Sumériens, les
Égyptiens inventent un système d’écriture complètement différent, très élaboré dès sa conception regroupant trois types de signes différents :
les logogrammes (signes qui évoquent le sens
du mot), les phonogrammes (un signe correspond à un son, à une consonne) et les déterminatifs (signes qui précisent le sens des autres
signes). L’écriture est une manifestation artistique : la disposition des hiéroglyphes répond à
des préoccupations esthétiques. Le sens de la
lecture est donc variable. Elle est aussi une
manifestation religieuse. Les Égyptiens accordaient un véritable pouvoir magique à l’écriture,
celui de redonner vie à ce qu’elle représentait.
L’écriture est l’œuvre des scribes. Dans une
société où les individus sont majoritairement
analphabètes, ils occupent un rang élevé.
Tablettes sumériennes, p. 17
Les plus anciens signes d’écriture (3 300 avant
notre ère) ont été retrouvés à Ur, l’ancienne
capitale de la Mésopotamie. Les premiers pictogrammes représentent les objets échangés.
L’association de pictogrammes permet d’exprimer des idées ou des actions : ce sont les idéogrammes (par exemple, eau + bouche = boire).
De l’image-mot, l’écriture a évolué vers le
cunéiforme. Les signes ont perdu toute ressem-
Un scribe de Pharaon écrit
sous la protection
du dieu-singe Thot, p. 19
Un singe babouin est assis sur un socle. Il
domine un scribe humblement assis à ses pieds,
la tête courbée en signe de respect. Ce singe est
un dieu : le dieu Thot qui est parfois représenté
avec une tête d’ibis. Les inscriptions que l’on
voit au pied du groupe sont des prières adressées à Thot et des formules divines en faveur du
15
IL ÉTAIT UNE FOIS… LES FEMMES ET LES HOMMES DANS L’HISTOIRE
scribe. Le scribe, que l’on voit ici déroulant un
papyrus, est un personnage important appelé
Nebmertouf. Il cumule les fonctions de prêtre,
d’archiviste et de scribe royal. Il eut le très
grand honneur d’être représenté au côté du pharaon Aménophis III sur les murs d’un temple.
Les caractères chinois, p. 20
Les premières inscriptions pictographiques
découvertes en Chine sur des os ou des écailles
de tortue datent du XIVe siècle avant notre ère.
C’étaient des oracles gravés par les devins.
L’écriture chinoise ne va cesser de s’enrichir.
Au Ier siècle de notre ère, elle compte déjà
8 000 signes. On repère, parmi tous ces signes,
des figures simples (comme « Soleil »,
« Arbre » et « Lune ») et des figures dérivées qui
sont un regroupement logique de deux caractères connus pour en composer un nouveau
(comme « disparaître » et « vie »). D’autres
figures dérivées sont obtenues par la répétition
d’un même caractère pour dégager une notion
nouvelle. En Chine, il existe des dialectes différents : on ne se comprend pas toujours en
parlant, mais on se comprend toujours en écrivant car tous les Chinois utilisent les mêmes
caractères.
Évolution du caractère chinois signifiant
« cheval », p. 20
Le pictogramme initial donne une représentation simplifiée de la réalité. Puis, au cours des
siècles, il prend différentes formes sous la pression de facteurs esthétiques et pratiques.
Destruction des codex par les Espagnols,
p. 21
Des civilisations brillantes se succèdent en
Amérique centrale : les Olmèques, les Mayas et
les Aztèques. Chaque civilisation a son propre
système d’écriture qui ne correspond à rien de
connu. Les Incas, eux, ne connaissent pas l’écriture. Toutes ces écritures n’ont pas encore été
déchiffrées d’autant que beaucoup de manuscrits en caractères idéographiques ont été
détruits au moment de la colonisation. Pour
déchiffrer l’écriture maya, les chercheurs étudient les monuments, les stèles et les céra16
miques. Les stèles et les monuments racontent
l’histoire des rois. Ce sont les textes que nous
sommes le plus en mesure de lire. Le Livre des
Morts transmis par les céramiques reste aujourd’hui encore très énigmatique.
Ce document présente la destruction par le feu
de recueils de textes idéographiques des civilisations lettrées amérindiennes. Après la
conquête espagnole, les peuples aztèques et
mayas ont rapidement assimilé l’alphabet latin
et beaucoup d’auteurs ont rédigé dans un espagnol parfaitement lisible. Ils ont été les témoins
écrits des massacres et des destructions. Cette
scène décrit des religieux espagnols qui accompagnaient la conquête armée et qui voyaient
dans les écrits idéographiques consignés dans
les codex des signes d’idolâtrie. De tels autodafés de livres étaient encore une pratique courante vingt ans après la conquête du Mexique
par les Espagnols.
Différentes façons d’écrire le mot
« soleil », p. 19
L’arabe et l’hébreu s’écrivent de droite à gauche
et seules figurent les consonnes. Le grec s’écrit
de gauche à droite. Outre les consonnes, il
utilise des signes distincts pour figurer les
voyelles.
Évolution des signes de notre alphabet,
p. 23
Avec la famille des écritures alphabétiques,
c’est l’apparition de notre alphabet. Nous avons
vu que les écritures non alphabétiques sont nées
à des époques et dans des lieux différents sous
la forme de systèmes distincts. Au contraire,
l’état actuel des recherches privilégie l’idée que
l’alphabet a une source unique : le ProcheOrient. Les plus anciennes traces d’écritures
alphabétiques connues à ce jour ont été découvertes dans le Sinaï. Les travaux faits à partir de
ces inscriptions ont montré que les lettres ont
été créées selon le principe de l’acrophonie : on
a donné au signe le nom de l’objet représenté et
la valeur phonique du premier phonème du nom
de cet objet. Chaque peuple a adopté le principe
alphabétique en créant son propre système
d’écriture.
L’ i n v e n t i o n d e l ’ é c r i t u r e
Ce tableau analyse les différentes formes que
prennent les signes alphabétiques : des graphies
protosinaïtiques au latin classique. S’il y a filiation entre les divers alphabets présentés, il n’y a
pas pour autant d’évolution linéaire et continue.
Les transformations renvoient à des ruptures et
à une utilisation des alphabets adaptée à chaque
langue. L’écriture alphabétique est un système
simple – avec un petit nombre de signes, on peut
écrire tous les mots d’une langue – et abstrait
– on utilise des signes conventionnels.
Les civilisations de l’Antiquité
et de la diffusion de l’écriture, p. 24
Cette carte peut également être utilisée lors des
chapitres consacrés à la préhistoire (pour la
sédentarisation et les premiers signes de l’urbanisation) et aux civilisations de l’Antiquité. Elle
présente sous une forme simplifiée, mais adaptée aux élèves, le lieu central d’émergence de
l’écriture il y a 5 000 ans environ : le croissant
fertile. On appelle « croissant fertile » cette
vaste région qui s’étend des fleuves du Tigre et
de l’Euphrate à l’Égypte. C’est là que les premières sédentarisations sont attestées il y
8 000 ans. Les villes de Babylone (ziggourats),
Ur ou Jéricho y sont nées. Dans la fertilité des
terres baignées de fleuves irriguant les premières cultures, les hommes ont également, un
peu plus tard, pensé l’écriture. C’est le cœur de
notre civilisation européenne. Voilà un héritage
intéressant à montrer aux élèves : le cœur de
notre monde se situe bien entre Bagdad, la Syrie
et le Caire. Les flèches, approximatives mais
exactes dans l’idée directrice, servent à indiquer
que l’écriture se diffuse toujours plus vers
l’ouest.
Devinette, p. 25
Il ne s’agit pas de poser cette devinette aux
élèves, puisque la réponse est donnée, mais plutôt de reconstruire l’énigme. Qu’est-ce qui fait
que l’école permet d’avoir les yeux ouverts ?
Pourquoi a-t-elle une « base solide » ? des « fondations comme le ciel » ?…
Dialogue d’un scribe avec son fils,
p. 25
Anecdotique – le texte est relié au thème du chapitre par le fait que l’élève grave sa tablette –, le
dialogue renvoie à l’importance sociale que
confère le titre de scribe. Tout un travail de compréhension du texte peut être fait avec les élèves
sur les conseils que donne ce père à son fils. En
quoi l’école est si importante ? Y a-t-il des
indices dans le texte qui permettent de le dire ?
Ce dialogue peut également être une récapitulation des enjeux liés à la naissance de l’écriture. Dans les sociétés complexes qui se
développent sous le néolithique, l’écrit devient
une valeur, non seulement économique, organisationnelle et sociale, mais aussi une valeur
morale essentielle : autant de débats possibles
avec les élèves sur la place de l’école et de
l’écrit aujourd’hui.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
En Mésopotamie, en Égypte et en Chine, les
hommes ont inventé des écritures qui représentent le monde. Dans le Sinaï, les hommes inventent une écriture qui représente les sons de la
parole : c’est l’alphabet. Les Phéniciens ont
adapté cet alphabet à leur langue. Ils n’écrivent
que les consonnes. Les Grecs ont ajouté les
voyelles. Les Étrusques, puis les Latins ont
repris cet alphabet utilisé aujourd’hui pour
écrire plusieurs langues dont le français.
17
IL ÉTAIT UNE FOIS… LES FEMMES ET LES HOMMES DANS L’HISTOIRE
Les civilisations de l’Antiquité LIVRE PP.
26-31
Notions
Civilisation, croyances, polythéisme, monothéisme, religion, légende.
Compétences
• Savoir relier une civilisation à un mode d’écriture.
• Savoir repérer les premiers symboles patrimoniaux des grandes civilisations.
• Savoir situer géographiquement la naissance de la révolution néolithique (le « croissant fertile »).
• Savoir repérer la première religion monothéiste (les Hébreux).
Exercices
Cahier CE2 : Les civilisations de l’Antiquité, pp. 14-16 ; la Grèce, ses héros et ses dieux,
pp. 17-18 ; Rome, sa légende et ses dieux, p. 19 ; Massalia, carrefour
des civilisations, pp. 22-23.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Il serait souhaitable, dans l’idéal, de faire
découvrir aux élèves les richesses des civilisations antiques dans leurs diversités et leurs
différentes aires géographiques. Cela correspondrait à la volonté du programme de faire de
l’histoire de France une histoire largement insérée dans l’histoire européenne et mondiale. Pour
autant, la pédagogie est l’art des choix, surtout
lorsqu’un programme est aussi complet que
celui du cycle 3. Nous avons néanmoins souhaité faire découvrir des aspects essentiels des
civilisations antiques. La Chine et les civilisations asiatiques, l’Afrique sont absentes du livre
de l’élève, par nécessité – scolaire, programmatique et éditoriale –, mais pas dans
l’idée. Les pratiques de classes plurielles y
remédieront.
Dans le pays de Canaan
Avant leur installation en Canaan, les Hébreux
ont connu l’esclavage en Égypte et la traversée
du désert sous la conduite de Moïse – avec
l’épisode du mont Sinaï. Canaan est le pays de
montagnes et de vallées, de collines sillonnées
de ruisseaux promis par Dieu, mais il n’est plus
le territoire faiblement peuplé du temps des
Patriarches. Canaan abrite des places fortes
entourées de puissantes murailles, comme
Jéricho, qui s’opposent à l’entrée des Hébreux.
Ces derniers conquièrent une bonne partie du
pays. Josué est chargé du partage de la terre
entre les tribus. Pour se défendre, ils habitent
dans des villes. À la belle saison ils partent dans
la campagne avec leurs troupeaux.
La Mésopotamie
La Mésopotamie, « pays entre les fleuves », est
un haut lieu de civilisation dès le IVe millénaire.
C’est le lieu par excellence de la naissance de la
sédentarisation, de l’agriculture et de l’écriture.
Les deux fleuves, le Tigre et l’Euphrate, apportent de l’eau et des alluvions fertilisantes. Au
IIIe millénaire, la Mésopotamie a vécu sous le
régime politique de la cité-État. La nécropole
d’Ur nous renseigne sur l’organisation sociale
de la ville. On a retrouvé, au milieu de tombes
banales, des sépultures d’une très grande
richesse.
Pendant trois siècles, ce fut le temps des Juges,
marqué aussi par une période de guerres endémiques. Puis vint le temps des Rois (1020-586).
Le roi David s’empare de Jérusalem dont il fait
sa capitale et installe un véritable gouvernement. Il développe l’élevage, l’agriculture et la
métallurgie du fer. Salomon succède à David et
fait construire le temple à Jérusalem. En 586,
Jérusalem tombe aux mains des Babyloniens, le
temple est détruit et on déporte les populations.
Les juifs sont contraints de cultiver la terre pour
le roi de Babylone et de faire des corvées ; ils
sont considérés comme des étrangers aux droits
limités. Il faudra attendre l’arrivée des Perses à
18
Les civilisations de l’Antiquité
Babylone pour que les juifs soient autorisés à
regagner leur pays.
En Égypte
Il est intéressant de voir avec les élèves que peu
de civilisations ont été autant le fruit de leur
environnement que l’Égypte ancienne, appelée
par Hérodote « don du Nil ». Les fouilles
archéologiques montrent que la plupart des
Égyptiens vivaient dans des oasis riveraines,
arrosées par les crues, ou dans les plaines du
delta du Nil. Les déserts environnants fournissaient des minerais et des pierres. Le IIIe millénaire, c’est le temps des pyramides. Elles
représentent le gouvernement égyptien, dans sa
structure, avec le roi au sommet, puis ses
ministres aux niveaux supérieurs et le peuple à
la base de la hiérarchie. L’Égypte ancienne ne
connut pas d’autres formes de gouvernement
que l’institution monarchique. Le roi devait protéger son peuple. À l’origine le roi est lié au
divin mais cette relation évolua. Incarnation du
dieu du Soleil, Osiris, il devint ensuite son fils.
Le roi a pour tâche de continuer l’œuvre de Dieu
sur la terre en mettant de l’ordre dans le chaos.
Pendant plus de 3 000 ans, les Égyptiens ont
adoré les mêmes dieux. Certains étaient mis en
scène dans des mythes, dans des légendes.
D’autres ne jouaient qu’un rôle secondaire dans
ces récits tels Anubis, le dieu-chacal, patron des
embaumeurs ou Aton, le disque solaire. Bès,
plutôt génie que dieu, représenté sous l’apparence d’un nain grimaçant devait protéger les
hommes du mal en le faisant fuir. On notera,
pour terminer, le culte des animaux qui remonte
à la plus haute Antiquité. Diodore notait avec
étonnement qu’au cours d’une famine les Égyptiens préféraient se manger entre eux plutôt que
de manger des animaux sacrés.
Les Phéniciens
Peuple sémitique, ils se caractérisent par une
intense activité maritime et commerciale et un
goût profond pour les grandes découvertes. Le
pays n’est qu’une bande côtière serrée entre mer
et montagnes. Ils doivent leurs richesses à leurs
ports naturellement bien protégés. Les Phéniciens, en grec « le peuple des palmiers », viennent
d’Arabie. Des villes actives, comme Ougarit,
Byblos ou Tyr, avaient des relations privilégiées
avec l’Égypte et fondèrent de nombreux comptoirs coloniaux. Avant d’être des marins, les
Phéniciens furent d’abord des paysans, qui se préoccupaient d’irriguer leurs plaines pour faire
pousser des céréales, et des artisans renommés
pour leurs teintures et leurs céramiques. Ils excellaient dans l’art du bois, de l’ivoire et du métal et
exportaient surtout de petits objets destinés au
commerce. Pirates sans scrupules ou commerçants habiles, ils sillonnèrent la Méditerranée,
rapportant des métaux précieux et des esclaves.
La religion romaine
Elle se forme au VIIIe siècle avant notre ère, au
temps de la fondation de Rome. Rites et fêtes
comptent plus que la connaissance des dieux :
ils ont pour fonction d’agir sur les dieux. Les
divinités romaines sont très nombreuses. On
peut citer quelques personnalités fortes comme
Jupiter, « maître du jour lumineux », maître de
la foudre et de l’orage, Minerve, protectrice des
artisans, Cérès, divinité du blé, Mars, Diane,
Volcanus… Ces divinités appartiennent au
monde au même titre que les animaux ou les
hommes mais s’en distinguent par leur très
grande puissance.
Les Romains ont également un panthéon privé :
les pénates qui protègent et assurent la stabilité
de la maison, les lares, deux génies tournoyants
qui assurent l’abondance dans la maison, et les
mânes qui représentent les ancêtres. Mais ils
croient surtout aux présages : tout passe pour un
signe. Ils sont particulièrement attentifs au vol
des oiseaux. Cette religion a évolué dans un
monde complexe, ouvert aux influences nombreuses. On y retrouve des éléments indoeuropéens, illyriens, étrusques. Les valeurs religieuses ayant perdu beaucoup de leur efficacité
au fil du temps, le peuple s’en détourne et croit
dans le caractère divin de certains personnages.
César avait compris cette évolution et capta
cette nouvelle tendance à son profit. Il se fit
élire grand pontife et se forgea une image légendaire de divinité. La religion quotidienne est
abandonnée par les élites qui lui préfèrent la
philosophie. Dans les villes se développent des
19
IL ÉTAIT UNE FOIS… LES FEMMES ET LES HOMMES DANS L’HISTOIRE
idées nouvelles et, parmi elles, ce qui devait
devenir le christianisme.
La colonisation grecque
La colonisation est un phénomène récurrent de
l’histoire grecque. On sait très peu de chose sur
la première vague de migrations dans les îles de
la côte ouest de l’Asie Mineure qui eut lieu pendant les « siècles obscurs » (1100-900 avant
notre ère). Par contre les fouilles archéologiques
menées depuis la Seconde Guerre mondiale ont
permis d’avoir une idée plus précise des buts et
des modalités de la colonisation historique la
plus importante (750-550 avant notre ère). Ce
grand mouvement s’explique probablement par
une poussée démographique et un manque de
terre – les terres arables étant occupées par les
grandes familles.
La colonisation est faite par des petits groupes
d’émigrants. La réussite de l’entreprise est liée
à la bonne entente partagée avec les indigènes.
La civilisation grecque a pu non seulement
s’installer sur les bords de la Méditerranée, mais
aussi, les fouilles le montrent, s’enfoncer dans
les arrière-pays. Les Grecs choisissent pour
s’établir un lieu où ils pourront disposer d’un
port protégé par un élément naturel. Les implantations ne se font pas au hasard : elles sont
dictées par des besoins spécifiques, le plus souvent la recherche de métaux. Ainsi les Grecs
partis de Phocée (grand port d’Asie Mineure,
dans le golfe de Smyrne) étaient sans doute
motivés par la quête de métaux. La colonie de
Marseille jouera un rôle essentiel dans la rencontre des Gaulois et des civilisations méditerranéennes.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
L’Étendard d’Ur, p. 26
Les artisans se montrent très habiles dans l’art
figuratif. Ils décrivent dans cette mosaïque en
lapis-lazuli, incrustée de coquillages et de grès
rouge, l’ordre social. De bas en haut, on repère
tout d’abord l’acheminement des marchandises
vers la ville, puis au milieu des personnages qui
guident des animaux chargés de récipients remplis, probablement, de denrées alimentaires destinées à l’élite de la société. Quelques personnages
de l’élite, à qui l’on sert des boissons, et des
musiciens apparaissent dans la partie supérieure.
Bas-reliefs de l’Arc de Titus, p. 27
Titus, fils aîné de l’empereur Vespasien, prit part
à ses côtés aux campagnes en Germanie et en
Bretagne, ainsi qu’à la guerre de Judée. Il s’empara de Jérusalem qu’il ruina (en 70 après notre
ère). L’Arc de Titus commémore cette victoire.
Si les bas-reliefs représentent le cortège victorieux qui rapporte les dépouilles du temple de
Salomon, la voûte évoque la gloire de Titus dont
l’âme est emportée vers les cieux par un aigle.
La pesée de l’âme, p. 28
En lisant le document de gauche à droite, on
découvre tout d’abord Anubis, le dieu-chacal,
20
qui conduit le mort vêtu de blanc devant ses
juges. Il tient dans sa main gauche un signe qui
signifie « vie ». Ensuite Anubis pèse l’âme du
défunt sur la balance de la vérité. Sur l’autre
plateau, il y a une plume d’autruche, symbole de
la déesse de la justice. Thot, à la tête d’ibis (dieu
de l’écriture), inscrit le résultat de la pesée. Le
dieu Seth à tête de crocodile dévorera le mort si
la pesée le condamne. Dans ce document le
mort n’est pas dévoré par Seth. Il est conduit au
royaume des morts où il va être présenté à Osiris
et à sa femme Isis.
Pyramides de Khéops, Khephren et
Mykérinos, p. 28
L’ancienne Égypte est surtout célèbre pour son
architecture majestueuse qui reflète un amour
de la vie et un désir d’éternité. Les pyramides
sont de gigantesques tombeaux que se faisaient
construire les privilégiés et les pharaons. La
plus ancienne pyramide, celle de Djéser,
conjugue deux symboles : la colline primordiale
surgie des eaux et la forme pyramidale,
emblème du plus grand des dieux, Ré, le dieu du
Soleil. La pyramide s’impose dans l’architecture funéraire royale mais toutes ne seront
pas aussi solidement construites en pierre que
celles de Khéops, Khephren et Mykérinos.
Les civilisations de l’Antiquité
Sculptures phéniciennes, p. 29
L’art des sculpteurs s’est surtout développé
dans le domaine du relief, en particulier des
stèles et des panneaux décoratifs. Les bas-reliefs
nous ont permis de connaître les différents
navires utilisés par les Phéniciens : galères de
guerre à la poupe arrondie, avec un éperon
effilé, bateaux de transport aux extrémités relevées, à rames ou à voile, barques de charge
plus lourdes et plus simples. Les statues sont
rares. On a retrouvé quelques effigies de
dieux, d’hommes ou d’animaux, ici d’enfants
jouant de la musique ou dansant. On a
également découvert des sphinx ailés
sculptés où l’on reconnaît l’influence égyptienne.
Ulysse et le cyclope Polyphème, p. 30
L’étude de ce document est l’occasion d’aborder
en classe la légende d’Ulysse et du cyclope
Polyphème. Il permet également de montrer
aux élèves l’importance des amphores comme
véhicule et support de la tradition orale et des
légendes.
La louve romaine, p. 31
Cette statue rappelle la naissance légendaire de
Rome. Dans L’Énéide de Virgile, on apprend de
la bouche de Jupiter que Remus et Romulus
sont de lointains descendants d’Énée et que
Romulus a fondé la ville de Rome qui dominera
le monde. Tite-Live, dans son Histoire de Rome,
raconte comment Romulus s’est débarrassé de
son frère. Après avoir conçu le projet de fonder
une ville là où ils avaient été abandonnés, les
deux garçons se demandent qui des deux va
donner son nom à la ville et prendre le pouvoir.
Ils s’adressent aux dieux et attendent d’être
désignés par les augures. C’est à Remus que
parvient le premier présage sous la forme de six
vautours. Romulus ensuite en aperçoit douze.
Qu’est-ce qui est le plus important ? le premier
désigné par le présage ou celui qui a vu le plus
d’oiseaux ? La dispute éclate. Pour narguer son
frère, Remus franchit d’un bond la nouvelle
muraille. Romulus, dans un mouvement de
rage, le tue. Resté seul, il prend le pouvoir et
donne son nom à la ville.
Des fouilles archéologiques ont mis au jour des
traces d’habitations datant du VIIIe siècle avant
notre ère sur la colline du Palatin, confirmant la
présence de populations dans ces lieux. On a
également découvert une enceinte sacrée qui
réunissait les villages. Rome a donc bien été
fondée au VIIIe siècle avant notre ère comme le
dit la légende.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Les Mésopotamiens et les Égyptiens sont des
agriculteurs. Ils adorent plusieurs dieux. Les
Hébreux, installés au pays de Canaan, croient en
un dieu unique. Les Phéniciens et les Grecs sont
des marins. Ils fondent des colonies sur les
bords de la Méditerranée.
21
D E U X I È M E PA RT I E
L’ H É R I TA G E A N T I Q U E
Cette partie est consacrée à l’histoire de la partie occidentale de l’Europe, de César
à Charlemagne. À travers les deux portraits présentés en ouverture de chapitre,
l’un en bas-relief sculpté, l’autre sur une monnaie, nous voulons insister avec les
élèves sur la continuité de l’idéal qu’a représenté Rome. Cette partie pourrait s’intituler : « De l’Empire (de Rome) à l’Empire (de Charlemagne), à ceci près que
César n’était pas empereur mais qu’il incarne précisément la fin de la République,
aux prises avec un territoire qu’elle ne peut plus contrôler. La crise de la
République romaine s’incarne dans César qui fait de son pouvoir personnel l’objet
le plus attentif de ses soins. Après son assassinat, l’idée d’Empire et du pouvoir
d’un seul peut s’imposer à Rome. Son fils adoptif Auguste est le premier empereur
de l’Empire romain (27 avant notre ère-14 après notre ère).
De César à Charlemagne, malgré les vicissitudes du temps, la déliquescence du
pouvoir politique impérial romain et les bouleversements dus aux grandes migrations de populations barbares, les idées d’Empire, de romanité et le modèle antique
de gouvernement et de civilisation n’ont cessé d’exister. Ces derniers ont été maintenus dans un brouillard de nostalgie politique par, désormais, la seule tenante et
représentante de cette culture romaine : l’Église. C’est à Rome, et pas ailleurs, que
Charlemagne se fait sacrer empereur auguste en 800. Cette continuité-là méritait
une partie en soi.
22
Les Gaulois
LIVRE PP. 34-37
Notions
Artisanat, outils en fer, diversité des peuples celtes, civilisation de l’échange, diversité des
origines, cités gauloises (oppidum).
Compétences
• Repérer et situer l’inscription du territoire des peuples gaulois dans l’Europe des
échanges.
• Savoir l’importance des échanges de l’économie et du commerce.
Exercices
Cahier CE2 : Comment connaît-on les Gaulois ?, pp. 24-26.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Jusqu’à une date assez récente, l’histoire des
Celtes et des Gaulois se faisait essentiellement à
partir des sources écrites grecques ou latines.
Les Gaulois ne nous étaient connus que grâce,
ou par le biais de ce que le monde romain disait
d’eux. Du reste, le mot « Gaulois » n’était pas
utilisé par les Celtes. Ce sont les Romains qui
les désignent ainsi, du mot « gallus » qui signifie coq. C’était l’écriture de l’histoire par l’écrit
des vainqueurs. Car le monde celte est un
monde dont on a gardé très peu de traces écrites
– alors qu’au même moment, le Proche et le
Moyen-Orient sont en pleine révolution de
l’écrit. Cependant, depuis une vingtaine d’années, les recherches archéologiques sont venues
enrichir des connaissances parcellaires et ont
jeté un regard neuf sur ceux que les manuels
d’histoire présentaient comme « nos ancêtres ».
L’objectif de ce chapitre est de montrer aux
élèves que les Gaulois ne sont pas des Barbares,
isolés face au monde « civilisé » romain, non
pas pour surévaluer nos origines nationales,
mais plutôt pour faire comprendre aux enfants
que les notions de « civilisés » et de « barbares »
sont très relatives. Étrangers eux-mêmes au sol
de la France actuelle, les Celtes ne sont « nos
ancêtres » que parmi beaucoup d’autres. De
plus, il est préférable de parler des Gaules celtiques ; le pluriel permet ici d’insister sur l’extrême diversité des royautés celtes, par tribu et
par territoire.
Des Celtes aux Gaulois
Arrivés au IXe siècle avant notre ère, les Celtes
fondent des sociétés complexes qui prennent part
aux échanges internationaux. C’est la civilisation
du Halstatt, du nom d’un site archéologique autrichien. Placés au centre de ce commerce, ils prélèvent des taxes et des droits de passage sur les
marchandises qui circulent. Puis au IVe siècle
avant notre ère, pour des raisons difficiles à
connaître, les tribus celtes vont occuper des territoires de plus en plus étendus. Installés en Gaule,
les Celtes sont désormais appelés les Gaulois.
Du Ve siècle avant notre ère à la conquête romaine,
la civilisation de la Tène (du nom d’un site archéologique suisse) succède, sans changement brutal, à
celle du Halstatt. Durant cette période, les royautés celtes sont en déclin du fait de l’importance des
magistrats (la noblesse), élus au pouvoir pour un
an, qui concurrencent largement le pouvoir royal.
Reposant sur des clientèles familiales, cette
noblesse forme une assemblée, avec le roi, audessus d’une société répartie en trois groupes principaux : noblesse, plèbe et esclaves.
Les druides : facteur d’unité
des peuples gaulois
Cette société dispose d’une armée qui forme,
comme à Rome, une classe à part. De même,
dans le monde celte, on n’entre pas en guerre
sans l’accord des dieux. Les druides sont les
grands prêtres gaulois. Ils constituent le seul
23
L’ H É R I TA G E A N T I Q U E
facteur d’unité des peuples gaulois, sans pour
autant former une classe sacerdotale distincte de
la société. Leurs rencontres dans des temples,
des sanctuaires, près des sources, des étangs et
des grottes renvoient à une liturgie dont les
rituels rappellent ce qui se passe au même
moment dans la religion grecque, où seule la
noblesse participe. Les druides appartiennent
tous en effet à la noblesse d’État, sans coupure
réelle entre leur fonction religieuse et leurs activités politiques. Ils exercent ces charges à tour
de rôle ou à différents moments de leur vie. C’est
par les druides, autorisés et compétents pour lire,
de cette civilisation de la Tène que l’écrit se met
à circuler largement à partir de l’alphabet grec.
Une société prospère
La richesse gauloise vient de son artisanat, très
riche et très développé dans divers domaines : la
métallurgie (fer, bronze, argent, or…), le travail
du bois (charpente, charrons pour les transports…) et le travail de la terre (amphores pour
le transport de la cervoise, du lait et du vin
d’Italie principalement…). On a retrouvé des
amphores fabriquées en Gaule au Ier siècle sur
tout le pourtour méditerranéen, signe de leur circulation intense. Lorsque naît Vercingétorix
(vers 80 avant notre ère), le commerce méditerranéen est intense. Mais il faut rappeler aux
élèves que la société gauloise repose essentiellement sur l’agriculture. L’archéologie aérienne
a permis de mettre au jour de grandes fermes.
L’araire est largement utilisé. L’apparition et
la diffusion massive des oppida, ces centres
urbains et politiques autant qu’économiques souvent placés sur des hauteurs, sont pour
la Gaule un grand changement social et politique.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Le monde celte au Ve siècle
avant notre ère, p. 34
Cette carte présente les trois grands sites historiques et archéologiques du monde gaulois.
D’abord celui de Halstatt en Autriche qui correspond à la première civilisation celte installée
(XIe-VIe siècle avant notre ère) ; celui de La Tène,
ensuite, qui s’étend du Ve siècle avant notre ère
jusqu’à la conquête romaine à la fin du Ier siècle
avant notre ère ; et enfin Vix, principal site
archéologique, longtemps étudié par les historiens, siège d’une royauté princière très riche,
aujourd’hui concurrencé par Bibracte en
Bourgogne, où beaucoup de travaux scientifiques et de fouilles ont encore lieu.
On peut noter sur la carte la situation centrale de
la civilisation celte en Europe, au cœur des
échanges commerciaux, intellectuels et politiques. Dès le IIIe siècle avant notre ère, sans
doute, Massalia (Marseille) doit être considérée
comme une des grandes puissances méditerranéennes : de la Baltique à Rome, de la Bretagne
à la Grèce, les Marseillais sont sur toutes les
routes commerciales du monde connu. Sa vitalité économique se retrouve dans l’archéologie,
comme en témoignent les amphores retrouvées
24
sur tous les lieux commerciaux importants à
l’époque : en Italie, au nord de l’Europe, en
Grèce…
Vase de Vix, p. 35
Ce vase, énorme par sa taille et par son poids, fut
découvert en 1953 au pied de l’oppidum de Vix
dans une tombe princière. Il est exposé au musée
de Châtillon. Dans la chambre mortuaire a été
retrouvé un char démonté. La défunte reposait
dans la caisse du véhicule. Son crâne était enserré
par un diadème d’or de 490 grammes. À côté de
la caisse était posé le cratère, le plus imposant
cratère de l’Antiquité connu à ce jour. Le col du
cratère est décoré d’une frise représentant des
guerriers et des chars tirés par des chevaux guidés par des auriges.
Cette fabuleuse découverte archéologique laisse
bien des questions en suspens. D’où vient ce
cratère ? Comment a-t-il été transporté ? Quel
chemin a-t-il suivi ?… Certains historiens pensent aux ateliers métallurgiques de Sicile. Quoi
qu’il en soit, la présence de ces richesses montre
qu’il y avait en Bourgogne des familles puissantes possédant richesses économiques et
autorité politique. De plus, elles permettent de
Les Gaulois
faire réfléchir les élèves sur la grande compétence, les connaissances et le savoir-faire des
artisans de l’époque, mais aussi sur les échanges
économiques entre l’Europe du Nord et les pays
méditerranéens.
Pour marquer les esprits, il n’est pas inutile de
mesurer sur un mur, ou au tableau, la taille du
vase et de mesurer les élèves à l’aune de cette
toise d’un patrimoine princier. Faire passer
chacun des élèves sous cette toise princière
permet de prendre conscience de l’importance
de l’objet.
Texte de Strabon, p. 35
Strabon est un contemporain de la fin de la
République et de l’avènement d’Auguste
comme empereur (27 avant notre ère). Il entreprend la rédaction d’un volume sur l’histoire
– qui ne nous est pas parvenu – puis d’un autre
sur la géographie qui est conservé. Il s’agit
d’une description du monde connu : de l’Orient
– d’où il est natif – à l’Occident. Dans l’extrait
présenté ici, Strabon témoigne de l’immense
richesse agricole de la Gaule, contrastant avec
d’autres régions du pourtour méditerranéen
qu’il connaît bien. Il note les exportations de
produits gaulois vers l’ensemble des régions de
la Méditerranée, ce qui accrédite l’idée que la
Gaule était insérée dans les échanges internationaux du temps.
Vase et céramique, p. 36
La céramique gauloise est retrouvée partout.
Cette présence et cet essaimage de la céramique
gauloise dans le monde connu de l’époque
témoignent de la diffusion, non seulement, de
celle-ci – et donc de sa qualité et de sa fiabilité
à transporter toutes sortes d’aliments – mais
aussi de la circulation et du commerce des produits agricoles gaulois.
Texte de Jules César, p. 37
Dans le livre VI de La Guerre des Gaules, César
accorde une petite place à la religion. Il insiste
ici sur l’immense savoir des druides, leurs compétences diverses, astronomiques, scientifiques
ou littéraires. Mais ce passage pourrait laisser
entendre que les druides sont dissociés de la
caste des nobles. Ils en font bel et bien partie. En
somme, la fonction qu’occupe Panoramix dans
les albums d’Astérix et Obélix pourrait être
alternativement occupée par lui et par
Abraracourcix, le chef du village, autre noble.
Armes et masque gaulois, p. 37
Les Gaulois étaient d’habiles forgerons. Ils pratiquaient la soudure, le trempage et le rivetage
qui permettaient d’obtenir des armes de grande
qualité : des casques de forme conique dominés
par une crête avec, à la base, une couronne réalisée grâce à un système de rivetage ; des épées
assez longues (65 cm) de deux sortes, les unes
avec un renflement au-dessus de la lame, les
autres s’achevant par une sorte de crochet ; des
pointes de lance, mais aussi des cuirasses, faites
parfois avec une seule feuille de tôle, qui protégeaient la poitrine, des jambières et des boucliers. De plus en plus, le fer, plus léger et plus
résistant, est réservé à la fabrication d’objets utilitaires tandis que le bronze est travaillé pour la
confection d’objets de parure (bagues, agrafes,
fibules…).
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Les Gaulois sont des Celtes. Ils sont de bons
agriculteurs et d’habiles artisans. Les guerriers
sont protégés par des armures de qualité. Les
Gaulois croient que les dieux vivent dans la
nature. Les prêtres sont appelés druides. La
Gaule est riche et bien organisée.
25
L’ H É R I TA G E A N T I Q U E
La conquête romaine
(57-51 avant notre ère)
LIVRE PP. 38-43
Notions
Conquête, siège, diversité du monde gaulois, unité romaine, guerre.
Compétences
• Savoir lire une carte politique.
• Savoir situer Rome dans son empire.
• Savoir confronter différents documents de nature historique diverse.
• Savoir réorganiser l’enchaînement des événements à l’oral ou à l’écrit.
Exercices
Cahier CE2 : Alésia, pp. 27-28 ; Vercingétorix se rend à César, pp. 29-30.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Massalia : un ancien comptoir grec
romanisé
La conquête romaine débute vers 122-118 avant
notre ère par la création de la province de la
Narbonnaise, appelée Transalpine par les
Romains parce qu’elle est située au-delà des
Alpes. Les sources, beaucoup trop lacunaires,
ne permettent pas de connaître avec précision
les conditions de cette conquête ni le statut précis de cette nouvelle province. Nous avons
cependant la certitude que les territoires et le
pouvoir de Massalia s’accroissent. De plus,
c’est autour d’Aix, Narbonne et Toulouse, cités
créées par les Romains, que s’organisent les
échanges commerciaux et les lieux de pouvoir.
Le rayonnement de Massalia s’explique par
l’antériorité de son site portuaire, par l’investissement considérable des Romains sur cet ancien
comptoir grec. L’influence romaine a été très
importante à Massalia, certains historiens parlent même d’une première romanisation : mode
de vie et d’exercice du pouvoir, intégration
des élites locales aux charges romaines, diffusion des cultes religieux et civiques des
Romains…
Origines et déroulement de la conquête
de la Gaule par Jules César
En classe, on recherchera avec les élèves les raisons qui ont poussé les Romains à entreprendre
la conquête de la Gaule. En fait, César souhaite
26
conquérir « la Gaule chevelue ». En effet, l’attrait principal de la Gaule réside dans son intérêt économique majeur et sa position centrale
dans les échanges : l’Armorique pour ses
débouchés vers la Bretagne (l’Angleterre),
l’Aquitaine pour son passage vers l’océan, etc.
Les historiens ont pu parler d’un « eldorado
convoité ».
Une autre raison peut être avancée : les Gaulois
font peur. Le sac de Rome en 390 avant notre
ère par les troupes gauloises de Brennus a laissé
des traces importantes. Pour la société romaine,
le Gaulois est l’archétype du rustre, incapable
d’accéder à la distinction et au raffinement
romains, et surtout le modèle même du peuple
dangereux.
La conquête proprement dite, celle menée par
Caius Julius Caesar, débute en 58 avant notre
ère par la poursuite des Helvètes. De 58 à 53, les
Romains soumettent la Gaule jusqu’en
Armorique et en Belgique. Mais en 52, alors
que César et ses troupes sont en Italie, des chefs
gaulois se révoltent sous l’autorité de
Vercingétorix. César reprend l’offensive, poursuit les troupes coalisées menées par
Vercingétorix jusqu’à Gergovie où les Romains
sont vaincus. Une assemblée réunie à Bibracte
confirme Vercingétorix à la tête de la rébellion.
L’offensive romaine reprend et Vercingétorix
La conquête romaine (57-51 avant notre ère)
conduit ses troupes sur l’oppidum d’Alésia.
C’est la défaite gauloise qui s’achève par la
reddition des principaux chefs. En 51, et même
encore en 50 avant notre ère, César termine la
soumission du territoire par des expéditions
punitives très violentes.
La défaite gauloise
Deux raisons principales sont avancées pour
expliquer la défaite des Gaulois. La première
relève de la discipline des armées romaines,
plus professionnelles et surtout moins divisées
par des luttes entre chefs militaires. La seconde
renvoie à la division de la Gaule, des Gaules, où
près de la moitié des peuples se tiennent à
l’écart du conflit qui est en train de se dérouler.
Il faut bien comprendre, et cela va à l’encontre
du mythe national forgé au XIXe siècle, que les
tribus gauloises sont composées d’aristocraties
qui jouent tantôt l’alliance, tantôt la rupture
avec Rome. Vercingétorix en est un exemple
éclatant.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
La Gaule au début de la conquête, p. 38
Sur la carte, on distingue les trois Gaules,
dont la capitale est Lugdunum (Lyon). La
Narbonnaise (ou Transalpine), conquise et
romanisée depuis plus longtemps (122-118
avant notre ère), occupe une place à part.
À noter que la Bretagne – et donc les Bretons
de l’époque – désigne l’Angleterre d’aujourd’hui. Lorsqu’au Ve siècle, lors des migrations barbares, les Angles et les Saxons
envahissent les deux anciennes provinces
romaines appelées Britannia inferior et
Britannia superior, les Bretons traversent la
Manche vers le sud pour se protéger et s’installent en Armorique : ils lui donnent le nom
de Bretagne.
Statue de Jules César, p. 39
La victoire sur les Gaulois donne à César
le prestige qui lui manquait pour prendre le
pouvoir à Rome. Avoir vaincu les « barbares
gaulois » lui permet d’inspirer crainte et respect à la classe politique romaine. Une propagande autour de sa personne s’organise
très tôt.
Monnaie gauloise, p. 40
Les pièces de monnaies représentant Vercingétorix actuellement retrouvées sont au nombre
de 27 : 25 en or et 2 en bronze. La pièce présentée ici est en or. Le nom « Vercingétorix » est
scindé en deux, coupé par le cou. Son nom
signifie « roi suprême des guerriers » : ouer
signifie « sur » ou « super » ; kuinguès ou kuin-
guet, « guerrier » ou « héros » et riks « roi »
– soit : Ouer-kuinguet-riks. Brigitte Fischer,
spécialiste de la monnaie gauloise, estime que
l’aspect « bâclé » de la réalisation de cette pièce
s’explique par « la pression des événements. Il a
fallu émettre en toute hâte un monnayage d’or ».
Par ailleurs, la pièce permet de voir que
Vercingétorix ne porte pas la moustache et que
ses cheveux ne sont pas longs. Autrement dit,
cela rompt avec l’image traditionnelle des
Gaulois ornés d’une superbe moustache et portant le cheveu long créée au XIXe siècle. Au
contraire, il semblerait que Vercingétorix,
comme la plupart des membres de l’aristocratie
gauloise, se lisse les cheveux, les frise et porte
en fait « une coiffure élaborée, savante, avec des
mèches », loin du cliché et du stéréotype tant
romain, le Gaulois hirsute et poilu, qu’historiographique dans sa version la plus traditionnelle
depuis le XIXe siècle.
Texte de Jules César, p. 40
Il est important d’avoir à l’esprit que les 7 livres,
rédigés par César et intitulés La Guerre des
Gaules, ont été écrits après Alésia, sur la base
des notes et des rapports que César avait
envoyés à Rome pendant toute la campagne
militaire. Même s’il convient d’être prudent sur
les procédés d’écriture de César qui tourne
volontiers à son avantage les situations décrites
– dans un but de propagande bien comprise à
l’égard de Rome –, il est à peu près certain que
son récit est vrai. Nous devons également avoir
présent à l’esprit que plus il dira que
Vercingétorix était cet ennemi vigoureux et
27
L’ H É R I TA G E A N T I Q U E
courageux et plus sa victoire à Alésia paraîtra
méritoire. Dans les sévices qu’inflige Vercingétorix et que décrit César, il faut certainement
voir la mise en scène stéréotypée du Gaulois
brute et barbare – image que l’on partage largement à Rome. Cependant, il est important
d’expliquer aux élèves qu’il est difficile de dire
aujourd’hui si César a raison ou s’il est, à
l’inverse, dans l’exagération stéréotypée.
Pour autant, César ne dit pas que Vercingétorix
fut son allié. Ce dont les historiens sont
convaincus aujourd’hui. Les Arvernes étaient
liés par contrat de fidélité avec les Romains.
Vercingétorix se retourne contre un peuple
auprès duquel il a sans doute combattu – l’organisation de l’armée gauloise et la mise en place
de fortifications à Alésia doivent beaucoup aux
méthodes et aux stratégies militaires romaines.
Pour César, Vercingétorix est avant tout un
traître. Des auteurs parlent même de liens
d’amitié et de fidélité entre les deux hommes.
Maquette des travaux de César
devant Alésia, p. 41
Fin août 52 avant notre ère, Vercingétorix et son
armée de 80 000 hommes rejoignent Alésia (que
l’on situe aujourd’hui près d’Alise-SainteReine) et s’y enferment. César organise le siège
en érigeant de nombreuses fortifications tournées à la fois vers Alésia et vers l’extérieur (ce
sont les contrevallations et circumvallations).
La faim fait de nombreuses victimes :
Vercingétorix doit sacrifier les civils, femmes et
enfants. Le tournant décisif a lieu au début du
mois d’octobre ; l’armée de secours venue de
Bibracte pour délivrer le siège échoue tout
comme les tentatives de percées des armées de
Vercingétorix prises au piège du siège. À la mioctobre, César a gagné. Vercingétorix se rend.
Lionel N. Royer, Vercingétorix jette
ses armes aux pieds de Jules César, p. 42
Ce tableau est caractéristique de la IIIe République et des thèmes historiques abordés dans
son école. La Patrie est née en Gaule. Malgré la
défaite de Sedan, la revanche pourra venir grâce
à l’exaltation du sentiment national : Vercingétorix et Jeanne d’Arc s’affirment comme les
28
hérauts et les héros de l’indépendance nationale.
De 1870 à 1914 une multitude d’œuvres artistiques représentent la grandeur du chef gaulois.
Les manuels scolaires véhiculent cette image.
En ce sens, et c’est la raison pour laquelle nous
avons retenu ce tableau, il s’agit d’un véritable
document du patrimoine français… ce qui ne
veut pas dire qu’il ne doit pas être historiquement critiqué, en précisant que la France de la
IIIe République « redécouvre » des héros nationaux qu’il convient de faire aimer au peuple
nouvellement scolarisé. Vercingétorix porte la
moustache et les cheveux longs, comme les
documents disponibles à la fin du XIXe siècle
dépeignaient les Gaulois à partir des sources
latines. On sait aujourd’hui qu’il s’agit d’une
reconstruction picturale sans rapport avec la
silhouette réelle de Vercingétorix que, du reste,
nous aurions du mal à décrire précisément.
Textes de César et de Plutarque, p. 43
César décrit la scène de la reddition de
Vercingétorix à la troisième personne du singulier. À ce titre, il convient de faire attention à la
bonne compréhension du texte par les élèves.
En effet, à la lecture du texte, il se produit un
changement de sujet sans changement de pronom personnel. Au début, pendant deux paragraphes, César parle de Vercingétorix et ensuite
de lui-même. On peut demander aux élèves les
raisons de ce choix : orgueil ou stratégie, mise
en scène ou volonté d’effacement de soi ?
Il est difficile de contester l’authenticité des
événements décrits. César n’est pas seul en
campagne : écrire des mensonges l’eût discrédité dès la parution du livre à Rome. Pourtant,
ce n’est pas exactement le même récit que celui
de Plutarque, écrivain grec de la seconde moitié
du Ier siècle de notre ère. Dans l’apprentissage
scolaire, on a longtemps isolé cet extrait qui permettait de penser qu’il s’agissait d’une valorisation du chef gaulois. Il a beaucoup servi à
l’école de la IIIe République. Or, si l’on examine
le texte dans son intégralité, on se rend compte
que, dans l’esprit de l’auteur, il n’y a aucun
doute : le vainqueur est bien César. La scène
décrite par Plutarque relève de la mise en scène
littéraire. Cependant, faire réfléchir les élèves
La conquête romaine (57-51 avant notre ère)
aux différentes façons de présenter un même
événement est assurément une manière d’exercer leur esprit critique.
Vignette de Astérix
et le Bouclier averne, p. 43
L’intérêt de ce document (en dehors de son
objectif pédagogique contenu dans les cahiers
d’exercices) est de montrer aux élèves la persis-
tance des faits historiques dans la mémoire
nationale. Uderzo et Goscinny sont nos contemporains et leurs thèmes concernent notre histoire. Il convient de dire aux élèves que
l’histoire peut s’écrire de toutes les manières :
les bandes dessinées et les romans en sont la
preuve vivante et actuelle. Là encore, la
réflexion autour des différents types de récits est
fondamentale.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Jules César attaque la Gaule. Vercingétorix, le
chef des Gaulois, remporte la victoire de
Gergovie, puis il est assiégé par les Romains
avec ses soldats à Alésia. Il est obligé de se
rendre. À la fin de la conquête, la Gaule est
appauvrie. Jules César est riche et glorieux.
29
L’ H É R I TA G E A N T I Q U E
Les Gallo-Romains ( I er - V e siècle)
LIVRE PP. 44-49
Notions
Romanisation, acculturation, langue officielle, urbanisme, mode de vie, persistance du
monde rural, christianisme, ville gallo-romaine, villa, école.
Compétences
• Savoir reconnaître un patrimoine monumental.
• Savoir repérer l’espace des Gaules dans l’Empire romain.
• Savoir situer les grandes étapes de l’histoire de la Gaule romaine, de la conquête à
l’officialisation du christianisme.
Exercices
Cahier CE2 : La vie dans la ville gallo-romaine, pp. 31-33 ; la vie dans l’Empire gallo-romain,
pp. 34-35.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Aborder la romanisation, c’est avoir l’objectif
de faire repérer aux élèves la place de l’influence romaine dans l’histoire européenne et
méditerranéenne, ainsi que ses principales
traces dans le paysage. C’est aussi mettre en
lumière les principales caractéristiques de
l’organisation du monde romain qui, tout autour
du bassin méditerranéen, a fondé une civilisation commune. Pour autant, surtout pour les
trois Gaules et moins pour la Narbonnaise, il
convient de ne pas prendre les traces patrimoniales existantes pour les signes d’un changement radical. La romanisation n’a pas été un
bouleversement des cadres du quotidien. La
civilisation gallo-romaine ne se substitue pas
intégralement à la société celte. C’est plus dans
les continuités que peuvent se comprendre les
changements. Si Auguste (27 avant notre ère14 après notre ère) organise l’Empire et la domination en Gaule, on peut dire que c’est l’empereur Claude (41-54) qui achève l’Empire à
l’ouest en intégrant les élites gauloises et en les
faisant entrer au Sénat. C’est également lui qui
fait de Boulogne le premier camp militaire destiné à envahir la Bretagne (l’Angleterre).
Romanisation et intégration
L’armée a un rôle central dans la romanisation.
D’abord par la Pax Romana qu’elle impose. Il
s’agit bien d’une paix armée qui garantit l’ordre
sur le territoire et la soumission des peuples
30
vaincus. Un soulèvement est réprimé en 21.
Surtout, cette armée protège les frontières. Mais
son rôle est plus large que cela. Elle permet
aussi la création et le développement de l’infrastructure routière par la multiplication des voies
romaines. Le développement du réseau routier
est un puissant facteur d’unification du territoire
de l’Empire. Par sa présence, l’armée permet
également le développement et la création de
villes autour des camps militaires. Enfin, les
engagés dans la légion peuvent acquérir la
citoyenneté romaine.
L’organisation administrative qui se met en
place est également un facteur d’intégration des
provinces gauloises à l’Empire. Un gouverneur
et des légats romains sont nommés afin de surveiller l’organisation des collectes d’impôts ou
des taxes via les procurateurs. Deux éléments
forts sont assurés par la nouvelle administration : le culte impérial (qui est un culte à la fois
public et religieux) et le Conseil des Gaules
régulièrement réuni à Lugdunum, capitale des
trois Gaules. Il faut attendre 212 pour que l’empereur Caracalla décide que, comme tous les
habitants de l’Empire, les Gaulois deviennent
des citoyens romains.
Même s’il s’agit d’un phénomène surtout méridional – où une tradition d’urbanisation déjà
ancienne existait à Marseille, Arles, Aix,
L e s G a l l o - R o m a i n s ( I er- V e s i è c l e )
Narbonne, Nîmes, Fréjus… –, le rôle des cités
romaines est important. Toutes, ou presque,
sont bâties sur le même plan : cardo (voie nordsud) et decumanus (voie ouest-est), au parcellaire orthogonal. Les mêmes bâtiments
(thermes, amphithéâtres, forum, bains, arènes)
s’y retrouvent au sein d’un tissu urbain rationnel, hiérarchisé et intégré aux grands axes de
communication.
Au total, même si la Gaule fait partie à part
entière de l’Empire, il est important d’avoir à
l’esprit que l’intégration de la Gaule à Rome est
à nuancer. D’abord parce que les Gaulois restent
perçus par les Romains comme les descendants
des Gaulois de Brennus : le terror gallicus persiste et incite encore à les désigner comme barbares. Enfin, au nord de la Narbonnaise, le
réseau urbain est resté moins dense et moins
unifié que dans d’autres régions du pourtour
méditerranéen.
La vie économique, sociale et religieuse
Les campagnes sont le secteur d’activité le plus
important. La ferme isolée est la structure principale : la villa, composée de la maison du
maître, des bâtiments d’exploitation, de petits
théâtres et de petits sanctuaires. L’archéologie
aérienne a permis ces dernières années de
mettre au jour un nombre très important de villae inconnues. Le modèle de la villa semble
ainsi s’être très progressivement généralisé, en
continuité avec les exploitations de l’époque
celtique. Les villes et les petites agglomérations
restent très liées à la terre. Elles sont souvent
organisées autour du marché local. De plus, une
grande majorité d’urbains travaillent à la campagne.
La religion est un des points importants de cette
période, réaffirmé par les instructions officielles. Les Romains et les Gaulois sont deux
peuples polythéistes. Une fusion entre les dieux
romains et les dieux gaulois a lieu très rapidement sans que cela ait semblé poser de réelles
difficultés, ni pour les Gaulois dont les cultes
semblent subsister, ni pour les Romains habitués à voir leur panthéon s’élargir à mesure des
conquêtes. Mais, bien entendu, la grande affaire
de la Gaule et de l’Empire aux IIe et IIIe siècles,
c’est l’apparition de toute une série de cultes
orientaux (dès le Ier siècle en fait) et surtout
l’affirmation du christianisme.
Le christianisme
Le christianisme est né en Palestine, région
occupée par les Romains et divisée en deux
provinces : la Judée et la Galilée. Les juifs qui
y vivent attendent le Messie (annoncé par
les Prophètes) qui viendra les délivrer des
Romains. C’est dans ce climat politique de
contestation et de répression que naît et grandit
Jésus de Nazareth. Il se dit roi des Juifs, ce
qui heurte les Romains qui y voient une atteinte
au pouvoir impérial. Il est crucifié à trente-trois
ans. Les fidèles du Christ (« messie » en hébreu)
le disent ressuscité. C’est le début de son culte.
On compte des chrétiens à Rome et dans
l’Empire dès le Ier siècle. D’abord inscrit dans le
monde juif, le christianisme touche en effet des
non-juifs et commence à se diffuser au-delà de
la Judée, vers la Turquie actuelle, la Grèce
et l’Asie (à Antioche, par exemple). Ces propos
de Paul, un citoyen juif romain, y ont certainement contribué : « Il n’y a ni Juif ni Grec ; il
n’y a ni esclave ni homme libre ; il n’y a ni
homme ni femme ; car tous vous ne faites
qu’un dans le Christ Jésus. » Dès lors, des nonjuifs peuvent rejoindre les communautés qui
se réclament du christianisme.
L’empereur Néron rend les chrétiens responsables de l’incendie de Rome en 64. Ils sont
régulièrement persécutés et haïs. Pourtant, il n’y
a pas de loi contre eux dans l’Empire. Mais les
colères populaires s’abattent sur leurs communautés. Les périodes de tolérance succèdent aux
persécutions. Deux grandes répressions ont lieu
en 249, sous le règne de Dèce, et en 303-304,
sous celui de Dioclétien. Constantin proclame la
liberté du culte en 309 ; deux ans auparavant, le
culte avait été autorisé et reconnu dans la partie
orientale de l’Empire. Les élites sont rapidement gagnées par la religion chrétienne. C’est
le temps de l’expansion du christianisme,
au point que Théodose, en 380, légalise la religion chrétienne et la met au rang de religion
d’État.
31
L’ H É R I TA G E A N T I Q U E
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Les trois Gaules dans l’Empire romain,
p. 44
Cette carte situe les trois Gaules dans l’ensemble de l’Empire. Cette réalité géographique
doit nous amener à bien comprendre que, de
l’occident à l’orient, un seul monde existe avec
en son centre la mer Méditerranée. Par l’administration, par les monuments, par le système
impérial et son culte, par la langue écrite et parlée par les élites (le latin), une culture commune
s’est installée durablement, moins peut-être
pour les peuples que pour leurs représentants.
Le souhait de Clovis, de Charlemagne et de
beaucoup d’autres après les dirigeants de
l’Empire sera de retrouver cet espace politique
et culturel d’origine. On peut, avec l’aide de
l’échelle, faire calculer l’ampleur géographique
et kilométrique de l’Empire romain : soit
approximativement 500 km d’est en ouest et
400 km du nord-ouest de l’Écosse à l’Égypte.
Une voie romaine pavée : Via Ostiense,
p. 45
Dans la ville gallo-romaine, la rue remplit un
rôle matériel. La chaussée soigneusement couverte de dalles de pierres est bordée de caniveaux qui drainent les eaux de ruissellement. Le
trafic s’effectue aisément. Des déversoirs en
pierre, régulièrement disposés, permettent
l’évacuation des ordures. Des puits et des fontaines fournissent l’eau potable. Mais, plus
important encore, la rue, lieu de passage et de
transition, assure le tissage des liens sociaux et
architecturaux. Les rues sont larges (7 à 15
mètres en moyenne). Elles sont bordées de portiques qui protègent du soleil et des intempéries
et rendent la vie citadine plus facile. Ces portiques sont également une transition architecturale avec les bâtiments voisins qui souvent
prolongent cet espace en abritant des boutiques.
La « Maison carrée » de Nîmes, p. 45
La Maison carrée de Nîmes est l’un des plus
beaux exemples de l’art sous le règne de l’empereur Auguste (27 avant notre ère-14 après
notre ère). Terminée en 12 avant notre ère, elle
32
est située sur une vaste place. Ce bâtiment est un
témoignage de la religion de l’empereur et du
culte impérial. Il a été construit pour honorer ses
deux petits-fils.
L’amphithéâtre d’Arles, p. 46
Construit en pierre de taille, son mur extérieur
s’élevait à l’origine sur trois niveaux comportant chacun 60 arcades. Les gradins pouvaient
accueillir 20 000 spectateurs. Ceux du bas
étaient réservés aux notables, ceux du milieu
aux autres citoyens et ceux du haut à la plèbe
qui assistait aux jeux en restant debout. Dans les
arènes se déroulaient les jeux : chasses, combats
d’animaux, joutes de gladiateurs. Mais ces jeux
avaient un double sens : ils étaient à la fois une
cérémonie religieuse, le peuple participant au
culte civique, et un exutoire social.
Scène de gladiateurs, p. 46
Parmi les jeux offerts à l’amphithéâtre, les plus
prisés par les Gallo-Romains sont les combats
de gladiateurs. Beaucoup de ces gladiateurs sont
des esclaves ou des condamnés, mais il y a
également des hommes libres liés par contrat,
originaires de Gaule mais aussi de Grèce,
d’Égypte ou d’Espagne. Ces combats très cruels
opposaient souvent un gladiateur légèrement
armé (d’un trident, d’un poignard, d’un filet…)
à un combattant lourdement équipé. Le goût
pour le combat de gladiateurs s’accompagne
d’un goût pour sa représentation. C’est un sujet
qui est souvent traité sur les mosaïques. L’art de
la mosaïque a été importé par Rome en
Narbonnaise dans un premier temps. D’abord
bicolore (noir et blanc), les décors se sont peu à
peu enrichis de couleurs et de motifs variés,
repris et développés par des écoles régionales
(l’école rhodanienne et l’école aquitaine).
Texte d’Ausone, p. 47
Avec les élèves, on peut chercher dans ce texte
du poète Ausone (IVe siècle) les mots qui rappellent les éléments de la cité romaine. L’intérêt de
ce texte réside dans la façon dont un notable
bordelais envisage sa géographie affective : sa
vie à Bordeaux et ses activités sénatoriales à
L e s G a l l o - R o m a i n s ( I er- V e s i è c l e )
Rome. Peut-être n’est-il pas inutile de montrer
aux élèves sur une carte la distance qui existe
entre Rome et Bordeaux et donc le temps pour
la parcourir.
Scène d’école à Trèves, p. 47
Détail d’un monument funéraire, cette scène
montre l’importance accordée à l’apprentissage
de la lecture et de l’écriture indispensables à qui
voulait participer à la vie civique. Sur ce basrelief, on distingue le maître assis (à gauche) et
deux élèves. L’un d’eux est assis, il se prépare à
lire un texte sur un volumen qu’il déroule devant
lui ; l’autre, debout, tenant à la main des
tablettes dans un étui, visiblement en retard,
s’apprête à affronter la colère du maître.
Dans les villes, la langue latine s’impose
comme la langue des élites municipales. Pour
autant, même si l’on ne connaît pas précisément
le nombre de lecteurs dans le monde romain et
particulièrement en Gaule, on sait cependant
qu’à l’époque impériale la lecture se développe
grâce à l’alphabétisation. Si faire des études et
envoyer ses enfants à l’école à la fin de la
République (à l’époque de César) est l’expression d’un privilège social incontestable, ce n’est
certainement pas autant le cas au Ie et au IIe
siècle. La Gaule ne devait pas faire exception à
la règle. On rencontre même dans le monde
gréco-romain un certain nombre d’esclaves ou
d’affranchis lettrés écrivant pour des notables.
Vase en céramique, p. 48
Les principaux ateliers de la Gaule romaine sont
situés à Montans, à La Graufesenque ou à
Lezoux. Cette céramique de couleur rouge est
recouverte d’une fine pellicule lustrée. Le
façonnage de cette poterie s’est effectué à l’aide
d’un moule et d’un tour. Le moule d’argile
épaisse a reçu à l’intérieur, en creux, l’empreinte d’un décor. Ce motif s’imprime à son
tour en relief sur l’argile tendre travaillée par
l’intérieur. Une fois cuit, le vase est ensuite poli
avec un morceau de bois ou de peau, puis il est
recouvert d’un enduit qui lui donne cet aspect
lustré. Ces céramiques sont produites en très
grande quantité. Dans certains fours on pouvait
empiler jusqu’à 30 000 vases. Le four découvert
à la Graufesenque en 1979 est le plus important
mis au jour jusqu’ici. On pense que pendant une
quarantaine d’années plus d’une centaine de
potiers l’ont utilisé pour faire cuire leur production.
Lettre des chrétiens de Lyon
et de Vienne, p. 49
L’épisode des martyrs chrétiens de Lyon, massacrés en 177, semble être un acte spontané de
la population locale contre des croyants honorant une religion étrangère. Ils ont – depuis
Néron et l’incendie de Rome en 64 – toujours
servi de bouc émissaire dans des périodes troublées politiquement ou économiquement.
Mosaïque du IIe siècle, p. 49
Cette mosaïque représente une scène de cirque
au cours de laquelle un martyr est livré aux
lions. C’est le sort qui est réservé aux chrétiens
jusqu’en 309 dans les périodes de persécutions.
D’autres sont brûlés vifs ou crucifiés. Après
309, l’empereur Constantin décide la tolérance
à l’égard des chrétiens.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Les Romains organisent la Gaule, construisent
des routes et des monuments, imposent le latin.
Les Gallo-Romains s’enrichissent grâce au
commerce. Le christianisme se développe et
devient la religion officielle de l’Empire.
33
L’ H É R I TA G E A N T I Q U E
Le déplacement
des peuples barbares
LIVRE PP. 50-53
Notions
Barbares, étrangers, déplacement de population, immigration, invasion, chute de l’Empire
romain, apports culturels.
Compétences
• Repérer les parcours de migrations des peuples barbares.
• Savoir identifier la diversité des origines de la France.
• Exercer un esprit critique sur des documents présentant des points de vue différents.
Exercices
Cahier CE2 : Comment connaît-on les peuples barbares ?, pp. 36-37.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Le Haut Moyen Âge :
une période longtemps méconnue
La période du Haut Moyen Âge s’adresse principalement aux élèves de CE2 et de CM1, alors
même qu’il s’agit d’une des périodes les plus
complexes de l’histoire et, bien souvent, la
moins bien maîtrisée par les enseignants du
primaire comme du secondaire. Cela s’explique
par le fait que cette période, pourtant centrale
– chute de l’Empire romain, installation
des royaumes barbares… –, a souvent été
très mal connue, donc mal aimée.
Les invasions barbares ont tout dévasté ; la
guerre a fait rage sans discontinuité ou presque ;
la forêt a envahi les vallées et les plaines défrichées du temps des Romains ; les terres incultes
ont gagné sur les terres labourables et cultivables ; la culture intellectuelle romaine s’est
effondrée aux dépens de l’inculture générale,
vaguement combattue par quelques hommes
d’Église, témoins isolés de la civilisation
romaine, etc. Les manuels scolaires étaient à
l’unisson : « les invasions barbares ont été un
cataclysme ».
Or, cette histoire est réévaluée depuis une
vingtaine d’années. Car, même si l’histoire
traditionnelle des invasions a ses lettres de
noblesse, son problème principal est un problème de sources. Les derniers travaux scienti34
fiques (fouilles archéologiques et nouvelles
interprétations des documents) sont venus combler les lacunes et permettent de nuancer ce
constat définitif.
Invasions
ou migrations barbares ?
Nous avons décidé de ne pas employer le terme
« d’invasion » dans le titre du chapitre car
les acquis de la recherche mettent en avant
ce que les contemporains de l’époque savaient
parfaitement : les peuples germains qui migrent
massivement à l’intérieur de l’Empire ne
sont pas un corps résolument étranger à la civilisation romaine. La plupart d’entre eux sont des
peuples alliés, voire intégrés à la défense
des frontières impériales. Du reste, comme
le dit l’historien Michel Rouche : « Les vaincus
minimisèrent la portée des événements et
considérèrent les nouveaux venus comme
d’anciens soldats romains. » Ces peuples – c’est
le cas des Francs – sont souvent déjà largement romanisés ou, du moins, connaissent
la civilisation romaine pour l’avoir défendue
sur ses frontières. C’est pour cette raison, de
plus en plus confirmée par les recherches
actuelles, qu’il paraît difficile de faire des
migrations barbares des invasions au sens
strict.
Le déplacement des peuples barbares
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
L’Empire romain et les déplacements
des peuples barbares, p. 50
En 375, les Huns traversent les steppes d’Asie
centrale vers l’ouest et se retrouvent, par raids
successifs, au milieu de l’Europe centrale. Cette
offensive brutale s’explique certainement par le
fait que, devenus trop nombreux, ils ont eu
besoin de conquérir d’autres territoires. Mais les
hypothèses (nombreuses) divergent. Quoi qu’il
en soit, les Alains, les Ostrogoths et les
Wisigoths fuient avec femmes et enfants vers
l’ouest. Ils demandent l’assistance de l’Empire
et sa protection, ce qu’ils n’obtiennent pas,
malgré l’alliance qui les unit. Alaric, leur roi,
persuadé que l’entente passée est caduque,
entraîne ses troupes vers Rome qui tombe
en 410.
Quelque temps avant, en 406, les Germains
(Suèves, Alamans et Vandales) envahissent,
pour les mêmes raisons, la Gaule dégarnie de
troupes. L’Empire est disloqué, l’empereur ne
contrôle plus rien. Quelques années plus tard,
les Huns fixés dans la grande plaine hongroise
(l’Alföld) reprennent les raids vers l’ouest. La
désorganisation est totale, ce dont profitent les
Vandales, alors que les autres peuples restent
dans le cadre d’un système fédéral au sein de
l’Empire ébranlé. Mais en 476, l’armée romaine
d’Odoacre se révolte et dépouille l’empereur de
ses insignes. C’est la fin de l’Empire romain
d’Occident.
Pour autant, faire de l’arrivée et des lentes
migrations barbares (plus d’un siècle en tout), la
seule cause de l’effondrement de l’Empire
romain, ce serait laisser planer l’idée, pour soi,
comme pour les élèves, que l’étranger est source
unique du mal ou de catastrophe – sans compter
l’immigration permanente et régulière qui,
depuis toujours, existe au sein de l’Empire : on
connaît des invasions plus courtes ! Le mot
« migrations » est décidément plus adapté, sans
nier les bouleversements extraordinaires de
l’époque : ce serait également nier l’histoire
telle qu’elle s’est déroulée.
Aux causes externes doivent être confrontées
les causes internes. Lorsque Théodose – l’empereur qui a officialisé le christianisme comme
religion d’État – meurt en 395, l’Empire romain
est immédiatement partagé entre l’Empire
romain d’Orient avec comme capitale
Constantinople et l’Empire romain d’Occident
avec comme capitale Rome. Au sein d’une
société très hiérarchisée, bloquée, souvent
injuste et toujours inégale, les contemporains
vivent les années 350-450 comme une période
désespérante et sans avenir. L’administration
souffre de ses cadres dévoyés et omnipotents
mais au fond impuissants à résoudre les difficultés économiques et sociales. On a parlé aussi
d’une grave crise morale. Le pouvoir impérial
est de plus en plus isolé, concurrencé de facto,
au moins moralement, par l’Église chrétienne
qui, depuis 392, ne cesse de s’affranchir du pouvoir politique. Comme le dit le médiéviste
Robert Fossier : « Les civilisations ne meurent
pas ; elles vieillissent puis se transforment en
une autre. »
Orfèvreries, pp. 51-52
Ces peuples semi-nomades sont de remarquables
orfèvres. Ces bijoux montrent leur habileté technique. On peut observer l’insertion de pierres et
de pâtes de verre colorées dans un métal luimême travaillé et repoussé. Sur le reliquaire (une
boîte ou un coffret contenant des reliques), les
pierres dessinent des figures géométriques
(courbes, segments de droites en étoile…). Ils
fabriquent également des objets en or ou en
argent pour décorer les huttes et les tentes ; les
sujets sont inspirés par la nature ou, comme dans
le livre, puisés dans le monde animalier.
Textes de Priscos, de Constance Chlore
et de Marcellin, p. 53
Ces trois textes sont à faire lire aux élèves et à
comparer. Leur confrontation doit pouvoir montrer que le regard porté sur les Barbares a
changé et n’est pas le même en fonction de
l’angle d’analyse. Ils permettent aussi de réfléchir sur la notion historique et actuelle du mot
« Barbare » (barbaros, en grec, signifie un
35
L’ H É R I TA G E A N T I Q U E
peuple « extérieur » à la citoyenneté romaine).
Cet exercice est essentiel au développement de
l’esprit critique. Il évite le regard unilatéral sur
l’autre, sur l’étranger, pensé et décrit de façon
péjorative lorsqu’il n’est pas explicitement désigné comme ennemi.
Le premier texte, celui de l’empereur Constance
Chlore, est rédigé à une date intéressante : vers
305-306, c’est-à-dire loin des premières « invasions ». Il témoigne des bienfaits de l’apport
d’une main-d’œuvre étrangère à l’économie des
champs et à l’artisanat. Les propos sont élogieux et laissent penser qu’il y a du soulagement
à avoir des Barbares dans l’Empire. Ici, le mot
« barbare » est pris dans sa forme originelle
– tout peuple extérieur à la civilisation
romaine –, c’est-à-dire dénué de tout préjugé
péjoratif. Le texte témoigne également de
l’obligation économique de recourir aux travailleurs immigrés.
Le second texte est l’œuvre d’Ammien
Marcellin, auteur latin de la seconde moitié du
IVe siècle. Il concerne explicitement les Huns.
On peut penser qu’il a été rédigé après la première poussée des Huns, soit après 375. En
effet, il est l’expression d’un sentiment très
répandu à Rome et dans l’Empire d’Occident à
cette époque qui veut que les citoyens se sentent
trop entourés d’étrangers. Le texte est un stéréotype parfait où se devinent le dégoût, la curiosité, l’effarement et le rejet.
Le dernier texte est écrit par Priscos (ou
Priscus), un historien grec, ambassadeur de
l’empereur romain Théodose II auprès d’Attila,
chef des Huns. Il a été rédigé vers 440, c’est-àdire au moment où Attila a infligé une défaite
aux deux empires romains et que sa supériorité
militaire n’est pas encore remise en cause. Là
encore, le regard porté diverge de celui
d’Ammien Marcellin : les Huns ne sont ni
injustes ni brutaux et les plus cultivés des
citoyens de l’Empire peuvent vivre avec eux
paisiblement et, semble-t-il, dans la liberté.
L’analyse de ces trois textes nous permet de
comprendre que les migrations barbares, qui ont
pu prendre à certaines époques la forme d’invasions armées, ne sont pas le fait de personnes
parfaitement étrangères à la romanité. Et surtout, le terme « barbare » a pris un sens aujourd’hui qu’il n’avait pas à l’époque. Sans doute à
partir du moment où l’Église, nostalgique de la
romanité, écrivit l’histoire.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Les Huns, peuple nomade, se déplacent de l’est
vers l’ouest. L’Empire romain s’écroule en 476.
Les Barbares (les étrangers) ont apporté des
36
techniques mais aussi des langues nouvelles qui
deviendront l’anglais et l’allemand.
Clovis et Charlemagne
LIVRE PP. 54-59
Notions
Mérovingiens, Carolingiens, empire, baptême, alliance politique avec l’Église, succession du
royaume, héritage romain.
Compétences
• Confronter des documents de nature différente.
• Analyser l’organisation de l’Empire par rapport à une carte et à d’autres documents.
• Savoir associer deux personnages centraux de l’histoire à leur période respective.
Exercices
Cahier CE2 : Clovis, pp. 38-39 ; Charlemagne, pp. 40-41.
Cahier CM1 : Le baptême de Clovis, pp. 6-7 ; Charlemagne, pp. 8-9.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Avec Clovis et Charlemagne, nous abordons la
question de l’héritage romain. Clovis s’y situe
en se confiant stratégiquement aux évêques et
Charlemagne en recherchant l’appui de la
papauté à Rome pour rétablir un empire aussi
proche que possible, territorialement, de
l’Empire romain, disparu plus de trois siècles
auparavant mais qui reste le modèle politique.
Cette période est très importante car elle donne
son nom à la France ; elle donne également
deux grands personnages à l’histoire, certes
nationale mais aussi européenne. Cette période
permet de montrer aux élèves que la France
n’existe pas de toute éternité, en elle-même,
mais qu’elle est le fruit d’une lente construction.
Clovis et les Francs
Les Francs s’installent dans les environs de
Cambrai et de Tournai vers les années 440. Ces
Francs Saliens (originaires de Salland, petite
région située dans les Pays-Bas actuels) sont
depuis le IVe siècle en alliance avec Rome. Leur
roi Childéric meurt en 481. Il est remplacé par
son fils Chlodweg (Clovis) qui, comme le note
justement l’historien Michel Rouche, se considérait « comme un général romain maître d’un
territoire abandonné ». Ceci est très important
pédagogiquement, car cela va à l’encontre des
façons de traiter l’histoire de France, qui veut
que les Francs, peuple barbare, envahissent la
Gaule. La réalité est, comme pour les « invasions » barbares, beaucoup plus complexe.
Clovis pense son pouvoir dans et au service de
la romanité ou de l’Empire. En 486 à Soissons,
il bat Syagrius, un ancien général romain allié
des Wisigoths (qui défendent un christianisme
hérétique, hétérodoxe : l’arianisme), ce qui fit
dire aux historiens qu’un général barbare romanisé l’avait emporté sur un général romain barbarisé. Ainsi, Soissons ne constitue pas,
contrairement aux stéréotypes scolaires traditionnels, un choc de civilisations entre une
horde barbare et des légions romaines. C’est
tout simplement un conflit pour la domination
d’un territoire laissé sans pouvoir depuis la
chute de l’Empire romain.
Mais Clovis sait que, pour tenir son pouvoir, il
doit avoir le soutien des élites et des populations
gallo-romaines. C’est à ce moment que se situe
la bataille (et la victoire) contre les Alamans à
Tolbiac dont, aujourd’hui encore, on doute de la
date. Quoi qu’il en soit, entre 496 et 499, Clovis
comprend qu’il doit se faire baptiser pour obtenir l’accord politique, essentiel, avec les seuls
garants restants de la légitimité romaine :
l’Église et ses évêques. Une promesse et des
vœux sont faits à Clotilde, l’épouse burgonde de
Clovis, de devenir chrétien en cas de victoire sur
les Alamans. Après Tolbiac (ou avant : 496 ou
498 ?), Clovis scelle son alliance avec l’Église
en se faisant baptiser par l’évêque Remi de
Reims : « Dépose tes colliers Sicambre. Adore
ce que tu as brûlé ; brûle ce que tu as adoré. »
37
L’ H É R I TA G E A N T I Q U E
En 507, fort du soutien de l’Église, Clovis soumet les Wisigoths à Vouillé (507) « avec l’aide
de Dieu ». Paris devient capitale.
Il est difficile de savoir comment évolue la
société sous Clovis. Mais ce qui semble acquis
par la recherche historique, c’est que la domination franque se coule dans l’organisation de
l’Empire romain, sans rupture majeure constatée. Clovis est un successeur plus qu’un conquérant. Il n’y a pas de substitution d’élites locales ;
pas d’encadrement franc. En revanche, les coutumes franques s’affirment au moment de la
mort de Clovis. En 511, le royaume est partagé
suivant la coutume entre ses quatre fils héritiers.
Le moment carolingien
Au début du VIIIe siècle, après Clovis, la Gaule
(que l’on appelle la Francie depuis le VIIe siècle)
est très morcelée et divisée, en proie aux luttes
intestines. Elle connaît une grave crise royale.
Les sources du pouvoir passent progressivement
des mains du roi à celles de la grande aristocratie, tant laïque qu’ecclésiastique, qui capte les
impôts royaux et s’arroge tout ou partie des
pouvoirs régaliens (ceux du roi).
Dans cette Gaule où domine désormais la lingua
rustica romana (le roman), le maire du Palais
(chargé de l’administration du royaume)
Charles Martel soumet progressivement les provinces. De plus, profitant de son pouvoir militaire et politique nouveau, auréolé du prestige
d’avoir repoussé les Sarrasins en 732 (à
Moussais, près de Tours, et non à Poitiers),
Charles Martel tente également de soumettre
l’Aquitaine et la Provence. Ses conquêtes se
font sous le règne de la terreur et de la christianisation forcée, notamment à l’est du Rhin.
Par un coup d’État, le fils de Charles Martel,
Pépin le Bref, devient roi des Francs en 751.
Comme David et Saül, rois de l’Ancien
Testament, il est le premier à recevoir l’onction
du saint chrême (huile sacrée servant aux onctions pendant des cérémonies religieuses et,
notamment, lors du sacre du roi). Sous son
règne, une conquête systématique de la Gaule
du sud est entreprise, notamment de l’Aquitaine
38
et de la Septimanie. Quand il meurt en 768, il
laisse un royaume agrandi et soutenu par la
papauté. Charlemagne qui lui succède poursuit
les conquêtes qui lui attirent autorité, prestige et
grandeur (Carlo Magnus signifie Charles le
Grand ou Charlemagne).
La puissance que procurent les conquêtes territoriales et le poids de son autorité permettent le
sacre à Rome par le pape le 25 décembre 800
(comme Clovis le 25 décembre 496 ou 498). En
effet, pour le pape, c’est la garantie d’un soutien
politique unique et sûr, déjà éprouvé. Pour
Charlemagne, il s’agit de capter l’héritage et le
prestige de l’Empire romain, preuve que son
souvenir hante les élites politiques de
l’Occident chrétien de l’époque. Avec Pépin (le
saint chrême) et plus encore avec Charlemagne,
on assiste aux prémices de la création d’une
monarchie de droit divin. En croyant retrouver
ou refonder l’empire d’Auguste – Charlemagne
ne se fait-il pas appeler Auguste sur les monnaies qu’il frappe ? –, les Carolingiens innovent
pourtant en devenant les représentants de Dieu
sur terre ; ils sont les bienfaiteurs pour bâtir icibas la cité de Dieu.
L’État carolingien est organisé en tant qu’il est
source unique du pouvoir public. La chancellerie
à Aix-la-Chapelle contrôle ou souhaite tout
contrôler. Les comtes dans l’empire sont réunis
trois fois par an. Et les missi dominici (les
envoyés du Seigneur) tentent d’éviter l’arbitraire
des comtes trop éloignés d’Aix-la-Chapelle et
maintiennent le lien direct avec l’empereur. La
paix relative qui s’instaure sous Charlemagne
permet l’organisation des échanges et des campagnes, au travers, notamment, de l’administration des grandes terres de l’empereur (des fiscs
royaux et des grands domaines). La paix permet
également ce que l’on a appelé la « renaissance
carolingienne » : c’est-à-dire une rénovation cultuelle (enluminures, amélioration des manuscrits,
redécouverte du latin, architecture avec, bien sûr,
Aix comme capitale). Dans ce monde carolingien, l’Église garde le monopole de la culture lettrée savante.
Les origines franques de l’histoire de France
sont importantes car c’est le temps de la mise en
Clovis et Charlemagne
place d’une synthèse très subtile entre civilisations barbare, romaine et chrétienne, sans que
ces trois termes s’opposent absolument. Cette
monarchie deviendra monarchie de droit divin,
en faisant de la Gaule et de ses habitants un
peuple élu.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Le royaume de Clovis en 482, p. 54
La carte présente le royaume franc à la mort de
Childéric (482). L’Empire romain est très morcelé. On repère le royaume du général Syagrius
allié à l’immense territoire wisigothique. Cette
carte est à travailler en la comparant avec la
carte du royaume en 511, page 55.
Le royaume de Clovis en 511, p. 55
À la mort de Clovis (511), le territoire franc
s’est considérablement agrandi aux dépens des
Wisigoths. Ce territoire sera disloqué entre ses
quatre fils, conformément à la tradition du partage barbare.
Baptême de Clovis, p. 55
Pour bien saisir l’alliance politique qui se joue
dans ce texte, entre l’Église et Clovis, il
convient de prendre, de préférence, le texte plus
long contenu dans le cahier d’exercices CM1,
page 16.
Par son baptême, Clovis s’attire le soutien des
évêques des territoires dominés par les
Wisigoths dont le christianisme est hérétique
(arien). Il s’attire également le soutien de
Constantinople, capitale de l’Empire romain
d’Orient. Le document est tardif (début XVe
siècle), ce qui doit être indiqué aux élèves. Car
tout le travail des Capétiens et des dynasties suivantes au travers des nombreuses histoires rédigées – c’est le cas ici des Grandes Chroniques
de France –, c’est de montrer le lien monarchique entre eux, Clovis et Charlemagne, même
s’il leur faut déformer ou inventer des filiations.
Ce document permet de comprendre ce que
signifie la monarchie de droit divin, visuellement. Si l’on regarde les personnages, on repère
Clotilde à gauche avec une couronne, Remi la
main levée pour récupérer l’huile sacrée (le
saint chrême) apportée de Jérusalem par la
colombe et, bien sûr, Clovis au centre, légère-
ment surélevé (donc en position de roi, de supérieur). Au-dessus de lui, la voûte céleste fait
évidemment référence à Dieu. Mais, si l’on
regarde bien, il n’y a rien entre lui et le Ciel
(c’est-à-dire Dieu). C’est la définition même de
la monarchie de droit divin : nulle personne en
position intermédiaire, le roi étant en lien direct
avec Dieu.
Texte de Grégoire de Tours, p. 55
La vie de Clovis nous est connue grâce à
l’évêque Grégoire de Tours, qui écrit près de
70 ans après les événements. Cette source
presque unique a longtemps été un frein à la compréhension de l’époque, car Grégoire de Tours
n’est pas contemporain de Clovis. Mais il représente cette aristocratie ecclésiastique sensible au
pouvoir du roi franc. Lu tel quel, le texte peut
laisser penser que Clovis n’est qu’un guerrier
impitoyable et cruel. De plus, le partage du butin
fut longtemps perçu comme une pratique typique
des Barbares. Or, c’est oublier que les légions
romaines opéraient de même. Ensuite, il faut lire
le texte comme la reconnaissance de Clovis par
l’Église d’un homme providentiel, dans des
temps troublés par l’absence d’un pouvoir temporel solide. Grégoire met en scène un homme de
caractère, dans la droite ligne des récits panégyriques des empereurs romains, disposant de la
force, du caractère et du courage.
Sacre de Charlemagne, p. 56
On assiste à une scène de couronnement
conventionnel peinte plusieurs siècles après
l’événement. Le roi agenouillé s’apprête à recevoir du pape Léon III la couronne qui fera de lui
un empereur. Cette représentation gomme les
relations complexes qu’il y avait entre le futur
empereur et Rome. La veille du couronnement,
la date de celui-ci n’était pas encore fixée. C’est
le pape qui a pris la décision de brusquer le
cours des événements.
39
L’ H É R I TA G E A N T I Q U E
Texte d’Éginhard, p. 56
Jeune aristocrate franc, Éginhard (780-840)
entre en 791 à l’école du palais à Aix-laChapelle. Il est éduqué au contact des lettrés et
des savants qui forment une académie internationale autour de Charlemagne. À l’avènement
de Louis le Pieux, Éginhard devient son homme
de confiance et joue un rôle politique important
avant de se retirer en 828 pour mener une vie
éloignée du monde. C’est sans doute pendant
cette période qu’il écrivit la biographie de
Charlemagne, une vie exemplaire et magnifiée,
qui connut un grand succès.
Lettrine, p. 57
Charlemagne encouragea l’ouverture d’ateliers
près des monastères et des églises. Dans ces ateliers les moines recopient des manuscrits.
L’importance accordée à la lecture et l’écriture
fait du livre un objet précieux. Bien écrit, il est
mis en valeur par l’illustration. Le scribe est
aussi un peintre. Les pages commencent fréquemment par une lettre décorée (la lettrine) à
l’intérieur de laquelle figure un petit tableau.
Somptueusement reliés, les manuscrits sont
conservés dans des bibliothèques. Huit mille
manuscrits carolingiens sont parvenus jusqu’à
nous.
Chapelle du palais
d’Aix-la-Chapelle, p. 57
En 790, Charlemagne entreprend de grands travaux dans le palais d’Aix-la-Chapelle. Il fait
construire différents bâtiments réservés à la
résidence royale, à l’administration et au logement de la cour qu’il souhaite avoir près de lui
pour pouvoir la contrôler. Une galerie couverte
en pierre relie les différents espaces entre eux. À
l’une des extrémités de cette galerie se trouve la
chapelle, lieu de culte et salle du trône. C’est un
vaste monument couvert d’une coupole s’élevant à 31 mètres. L’intérieur dessine un octogone. Sur les côtés courent deux galeries,
ouvertes sur le centre par de larges baies et soutenues par deux niveaux de colonnes. Le roi et
la cour occupaient la galerie supérieure. Le
trône, fait de quatre plaques de marbre de
Carrare, était sous un grand porche. Le roi a fait
40
venir de Rome des colonnes, des mosaïques et
des marbres, ainsi que quelques mosaïstes pour
décorer l’intérieur de la coupole. On remarquera
dans les décors la présence abondante d’or et
d’argent, du bronze pour les portes et les balustrades de la galerie haute et une alternance de
marbre blanc, gris et polychrome.
Les missi dominici de Charlemagne
et le Brevet de nomination d’un comte,
pp. 58-59
Les distances dans l’Empire sont telles, qu’il est
presque impossible à Charlemagne de parcourir
l’ensemble de ses territoires. Il le fait à certaines
occasions, mais le plus souvent, c’est depuis
Aix-la-Chapelle qu’il adresse ses ordres ou ses
lois. Cela pose tout le problème du contrôle du
territoire. Absent des comtés, l’empereur est
obligé de faire confiance aux comtes, liés par un
contrat public, administratif, pourrait-on dire,
de fidélité à l’empereur. Ce contrat est composé
d’un brevet, où sont déclinées toutes les obligations du comte, représentant du seigneur dans
l’Empire. Les trous laissés dans le texte étaient
destinés à être remplis par le nom et la région du
comte à qui Charlemagne remettait le comté.
Les comtes et les ducs représentent le roi dans
chaque partie de ce royaume et les évêques
envoient des missionnaires dans les campagnes
pour diffuser la religion chrétienne. Mais bien
sûr, du fait de la distance, les comtes disposaient
d’une autonomie telle qu’ils pouvaient se croire
autorisés à prendre des libertés parfois trop
importantes. C’est pourquoi Charlemagne et ses
conseillers inventent les missi dominici. Ceux-ci
sont des agents de l’empereur, directement rattachés à lui et chargés de vérifier auprès des
comtes la bonne application des directives de
l’empereur. C’est pour Charlemagne autant une
nécessité qu’une garantie. La position des missi
dominici sur le document iconographique
page 58 indique clairement leur lien de subordination et de soumission à l’autorité de l’empereur.
L’Empire de Charlemagne en 814, p. 59
Le territoire de Charlemagne à sa mort est, du
fait des conquêtes militaires, très étendu ; il l’est
beaucoup plus que celui de Clovis. Il est borné
Clovis et Charlemagne
au sud par l’émirat de Cordoue. Le monde
musulman est en pleine construction, après la
mort du prophète en 632. Les Omeyyades
(dynastie régnante de 661 à 1031) glissent vers
l’ouest du Maghreb pour remonter vers la
péninsule Ibérique. Freinés à Moussais en 732
par Charles Martel, ils fondent l’émirat de
Cordoue, visible sur la carte. À partir du IXe
siècle, l’Espagne musulmane connaît un épa-
nouissement politique, économique, intellectuel
et culturel considérable. Mis à part la péninsule
Ibérique, l’Empire de Charlemagne (avec les
territoires qu’il domine) a presque retrouvé les
limites de l’ancien Empire romain d’Occident.
En faisant un travail en classe entre la carte et
les directives données aux comtes, on comprend
mieux la difficulté qu’avait Charlemagne à
contrôler l’ensemble de cet empire.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Clovis, roi des Francs, appartient à la lignée des
Mérovingiens, alliés des Romains. Pour augmenter son pouvoir, il devient chrétien. Pépin le
Bref fonde la dynastie des Carolingiens dont le
plus célèbre, Charlemagne, est sacré empereur.
Son palais est à Aix-la-Chapelle. Les comtes,
installés dans les régions, l’aide à gouverner son
empire.
41
L’ H É R I TA G E A N T I Q U E
La fin de l’Empire
de Charlemagne
LIVRE PP. 60-61
Notions
Partage de Verdun, naissance des châteaux, raids, naissance du pouvoir capétien.
Compétences
• Analyser le bouleversement d’une époque.
• Savoir associer une œuvre patrimoniale (tapisserie de Bayeux) à une période historique.
Exercices
Cahier CE2 : La tapisserie de Bayeux, pp. 46-48.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
La fin de l’équilibre carolingien
Pour expliquer la fin de l’Empire, il faut envisager les deux limites principales de l’équilibre
carolingien. Le péril extérieur ne faiblit pas. Dès
799, avant même le sacre à Rome, les incursions
normandes (les Vikings) commencent. Si l’on
ajoute, plus tardivement, les raids des Hongrois
(depuis l’est) et des Sarrasins (par le sud), on
comprend que le territoire carolingien subit des
secousses très importantes, sur tous ses flancs.
Le contrôle et le mode de transmission héréditaire
du royaume – la patrimonialité dans sa version
barbare, c’est-à-dire le partage entre enfants –
sont des périls qui menacent l’Empire de l’intérieur. « Diviser, morceler, voilà la règle. La
royauté franque, depuis l’origine, en a toujours
usé ainsi : répartir ce que l’on tient entre héritiers
mâles. Chacun a droit à quelque chose. […] Juste
est le père qui partage équitablement », nous dit
Laurent Theis. Le partage de 840 sera fatal. Si
Charlemagne n’a plus qu’un fils à sa mort en 814,
Louis le Pieux, ce n’est pas le cas lorsque celui-ci
meurt en 840. Ses trois fils se disputent alors l’héritage et, malgré une première répartition, se font
la guerre. Le partage définitif a lieu à Verdun en
843 : l’Empire carolingien s’est éteint. Une autre
histoire démarre, celle d’un domaine royal inscrit
dans la féodalité naissante.
L’affaiblissement de l’autorité royale
Le chapitre aborde également la question du
développement des châteaux et de la parcellisation de l’autorité royale.
42
Émergence de la société féodale
Après 843, le pouvoir des rois des Francs de
l’ouest n’est plus ce qu’il était. L’aristocratie a
mis la monarchie « sous tutelle » : elle n’est plus
que l’ombre d’elle-même. Cette période est le
temps de la dislocation de l’autorité royale et du
pouvoir public. Nombreux sont les comtes et
leurs seigneurs qui accaparent une parcelle de
l’autorité publique à des fins privées. Le temps
des invasions qui reprend n’est bien souvent
qu’un prétexte pour construire des mottes castrales, premiers embryons des châteaux féodaux
qui, sous couvert de protection de la population,
deviennent le centre économique d’une nouvelle organisation sociale. Il convient de rappeler que c’est au roi que revient le droit absolu
d’élever des fortifications et des tours. En 862,
au plus fort des incursions normandes, le roi
Charles le Chauve s’alarme : « Tous ceux qui,
ces derniers temps, ont élevé sans notre autorisation des châteaux, des fortifications ou des
palissades, détruisent toute fortification de ce
genre avant le 1er août. » Malgré ses craintes et
ses protestations, les remparts ne disparaissent
pas ou, une fois détruits, sont reconstruits.
Le seigneur domine et fait exploiter la terre par
les paysans rassemblés autour de la butte,
témoin de son nouveau pouvoir, au moment où
la terre (grâce à des conditions climatiques
favorables) donne des produits en abondance.
Les profits liés à l’utilisation et à la possession
de la terre se doublent d’une conjoncture
La fin de l’Empire de Charlemagne
favorable (fin Xe siècle), lorsque le commerce de
l’or et les échanges, dynamisés par la péninsule
Ibérique en plein « boom » économique (surtout
en Catalogne), se développent.
Hugues Capet : un roi élu par ses pairs
La fiction du lien avec le roi ne parvient pas à
cacher la prise d’indépendance décisive des
principautés et des comtés de 850 à 950.
Lorsque Louis V meurt le 22 mai 987, il n’a pas
de successeur. Hugues Capet, le duc des Francs,
d’un lignage royal différent (les Robertiens),
devient roi des Francs, après avoir été élu par les
Grands du royaume, dont beaucoup de ses
fidèles et de ses alliés. Comme l’écrit Laurent
Theis : « Le duc des Francs, fort d’une légitimité propre déjà ancienne, a pris acte, à son profit, d’une vacance de la royauté. Rien de plus.
Osons le mot, cet incident dynastique n’est pas
un événement, c’est comme on dit, un épiphénomène. Rien de plus neutre que cette péripétie,
rien de plus terne que cet antihéros. » En classe,
face aux élèves, on notera que ce faible roi que
fut Hugues Capet est resté dans l’histoire
comme le premier des rois de la dynastie capétienne.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Le partage de Verdun en 843, p. 60
Le partage de Verdun est vu par beaucoup d’historiens comme le début de notre histoire nationale, sans doute du fait de la proximité avec la
France moderne des découpes du territoire à
l’ouest. Après presque deux années de guerre, le
temps de la discussion est venu. On se range à
l’idée d’un partage le plus équilibré possible. Le
traité de Verdun est signé en août 843. C’est la
fin de l’unité impériale telle que l’entendaient
Charlemagne et son fils.
Texte d’Ermentaire, p. 61
Le texte est rédigé par Ermentaire, moine de
l’abbaye de Noirmoutier en Normandie. Il s’agit
d’un des rares textes conservés sur les invasions
et les raids des Vikings. À partir de 830-840, les
Normands interviennent régulièrement sur les
côtes. Ce qui les intéresse, ce sont les richesses
et principalement celles contenues dans les
églises et les monastères, soigneusement et
régulièrement pillés. Les premiers raids impressionnent, mais aussi, et surtout, ceux de 856 où
beaucoup de villes sont touchées dans l’intérieur des terres jusqu’à Amiens, Paris, Meaux,
mais aussi Orléans, Périgueux ou Limoges. Des
révoltes s’organisent, des alliances se nouent.
Le ton du texte est dramatique. Chez les gens
d’Église, on y voit le châtiment de Dieu face
aux péchés du monde. Car les hommes d’Église
sont tués, passés par les armes, ce qui est rare
dans l’histoire et qui est réellement impensable
à l’époque. Mais on ne croit plus aujourd’hui au
fait que les invasions normandes et sarrasines
soient responsables de la chute de la royauté
franque. Car ce sont essentiellement les biens
d’Église qui furent visés. On comprend mieux
les lamentations d’Ermentaire, mais aussi des
historiens, privés par les raids et les destructions
des Vikings de la mémoire écrite accumulée
dans les monastères pendant de longues années
et à jamais disparue.
L’armée normande attaque Rennes, p. 61
Le document du livre de l’élève montre l’attaque d’une place forte édifiée sur une motte
castrale. La motte castrale est une sorte de colline naturelle ou artificielle. Un fossé creusé au
pied de la butte et une palissade installée dans la
partie haute protègent le donjon. Comme le soulignent les historiens, les Normands ne sont pas
équipés pour attaquer et détruire des fortifications élevées. Ce fut souvent suffisant pour
contenir provisoirement l’avancée des Vikings.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Les rois carolingiens sont trop faibles pour protéger le territoire. Les comtes confient leurs
terres à des hommes importants et choisissent
un roi parmi eux, Hugues Capet.
43
T R O I S I È M E PA RT I E
LE TEMPS DES SEIGNEURS
E T D E S C AT H É D R A L E S
Le document iconographique présenté en ouverture de partie illustre magnifiquement le modèle de l’amour courtois qui apparaît dans la France du XIIe siècle.
Georges Duby l’évoque dans un de ses articles du beau volume de l’Histoire des
Femmes consacré au Moyen Âge1. Le dessin rend compte de ce jeu qui se noue
entre une femme et un homme célibataire désigné à l’époque par le mot « jeune ».
Le « jeune » est en bas du bâtiment, il tient un arc ou une arbalète, dont la métaphore est une flèche. Car tout amour courtois part d’un regard jeté. La flèche « pénètre par les yeux, s’enfonce jusqu’au cœur, l’embrase et y porte le désir ». C’est
d’un siège dont il s’agit, comme on assiège une forteresse. La dame est présente
en position haute, à sa fenêtre, ce qui la place socialement au-dessus de lui. Il doit
s’agenouiller pour accomplir des gestes d’allégeance, comme le vassal face à son
suzerain. Le cheval à côté de lui signale qu’il doit être noble. Car, au moins dans
la construction du modèle, il n’y a pas d’amour courtois hors de la noblesse. Mais
la femme est une femme mariée et, comme telle, elle est soumise à la surveillance
des autres. Voler un regard est souvent un exploit qui peut devenir un danger s’il
est aperçu par quelqu’un d’autre. C’est le sens de la présence de la femme à sa
droite dont on peut faire l’hypothèse qu’il s’agit de sa propre mère.
En effet, « il n’est pas étonnant qu’un personnage féminin soit placé au cœur d’un
dispositif pédagogique visant à discipliner l’activité sexuelle masculine, à juguler
les débordements de la brutalité virile, à pacifier, à civiliser, dans le progrès général et fulgurant du XIIe siècle, la part la plus violente de la société, le milieu des gens
de guerre », c’est-à-dire les chevaliers, nous explique Duby. Dans un siècle où la
violence a été la caractéristique de la mutation féodale (XIe-XIIe siècle), l’amour
courtois s’inscrit dans la pacification généralisée des habitudes guerrières et meurtrières. Véhiculé par les chansons de geste, les poèmes et les divertissements, ce
modèle se diffuse largement et impose un mode de relation aux femmes qui, d’une
certaine manière, les protège largement de l’agressivité masculine non contrôlée en
leur donnant un rôle central dans ce jeu à deux.
1. « Le modèle courtois », in DUBY G. et PERROT M., Histoire des femmes, (tome 2), Plon, 1991.
44
Seigneurs et paysans
au Moyen Âge ( X I e - X I V e siècle)
LIVRE PP. 64-71
Notions
Nouveaux rapports sociaux, féodalité, fief, seigneurie, suzerain, vassal, évolutions
(techniques, agraires, sociales…), foires, commerce, développement des villes.
Compétences
• Savoir lire de façon critique des documents.
• Savoir lire un document iconographique.
• Pouvoir citer les moyens de la dépendance des paysans à l’égard des seigneurs (corvées,
taille, impositions…).
• Savoir utiliser un vocabulaire spécifique et précis.
Exercices
Cahier CM1 : Seigneurs et paysans au Moyen Âge, pp. 10-13 ; Marco-Polo, l’aventurier
marchand, p. 22.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Après la dislocation de l’Empire carolingien, on
assiste à un véritable morcellement du pouvoir.
Le château devient le signe le plus visible du
pouvoir des seigneurs sur les campagnes qu’ils
contrôlent. La disparition d’un pouvoir public
fort et reconnu, garant de l’unité du royaume, et
l’amélioration des productions agricoles sont
deux facteurs qui aiguisent les appétits…
Une société féodale
La parcellisation et le large morcellement du
territoire royal rendent possible l’installation de
la société féodale. Elle s’organise autour de l’indépendance prise par les grands du royaume et,
à chaque niveau, par ceux qui ont des ambitions.
Ainsi, à chaque échelon de l’exercice du pouvoir, l’autorité publique (la justice, le pouvoir
militaire, l’ost, la récolte des impôts…) est
« captée » par des personnes privées. Le symbole de cette captation des prérogatives royales
et de la militarisation de la société, c’est le développement des mottes castrales, c’est-à-dire des
mottes de terre où sont dressées des palissades
et progressivement une tour. Au fil du temps ces
tours deviennent des donjons et enfin de véritables forteresses. Le château a un double rôle :
protéger et dominer. Car la société des Xe et
XIe siècles est une société d’insécurité. Les
hommes libres (alleux) cherchent ou sont
contraints de se confier à des hommes plus forts.
C’est la disparition de la société d’hommes
libres (sauf peut-être dans le sud de la France) et
la très large diffusion des petites seigneuries
indépendantes. Ce vaste mouvement de regroupement des hommes dans des villages autour
d’un symbole fort du pouvoir local (le château)
a été appelé par les historiens « l’encellulement
des hommes ». Car ce regroupement, s’il a pu
être volontaire à certains moments, s’apparente
très souvent également à une obligation et à une
véritable « terreur seigneuriale » – le terme est
de Bonnassie.
Le lien vassalique
Avec la présence nouvelle du château, le lien
vassalique organise aussi la société féodale. La
vassalité est un contrat par lequel un homme
devient le dépendant d’un autre : le suzerain. Il
s’agit bien d’une relation réciproque, « Je te protège, tu me sers », mais toujours d’une relation
de dépendance. La cérémonie de l’hommage et
le serment de fidélité prononcé au moment de
cette cérémonie indiquent que le vassal s’engage non seulement à ne pas nuire au suzerain,
mais à le défendre ou, le cas échéant, à se battre
pour lui. En échange, le suzerain lui concède un
45
L E T E M P S D E S S E I G N E U R S E T D E S C AT H É D R A L E S
fief, matériel (une terre) ou immatériel (un droit
de douane au passage d’un pont) et l’assure de
sa protection. Dans la pratique, on peut être vassal de plusieurs seigneurs mais avec le privilège
uniquement pour un : c’est l’hommage lige. Ce
modèle hiérarchique s’étend à toute la société
noble : c’est le féodalisme, c’est-à-dire un mode
de pouvoir, de domination et de contrainte. Au
sommet de la hiérarchie féodale se trouve le roi,
même si, au XIe siècle, cette supériorité est très
théorique. Le roi, pendant toute la période féodale (XIe-XVe siècle), tente de redonner du sens
au lien féodal, purement formel dans la pratique
au début du XIe siècle.
L’essor du monde rural
Au cœur du féodalisme, les campagnes sont en
plein essor jusqu’au XIIIe siècle. Cette croissance
s’observe dans l’accroissement des défrichements. De plus, les paysans rassemblés en village développent une organisation cohérente de
l’exploitation des sols avec l’assolement. Des
techniques agraires nouvelles apparaissent. La
charrue, qui creuse plus profondément le sol,
remplace l’araire. Ces progrès se font contre les
paysans qui sont obligés de payer des taxes pour
utiliser le moulin ou le pressoir du seigneur.
Non seulement le seigneur bénéficie de l’amélioration des récoltes, mais en plus, par son pouvoir de domination (le ban), il exige des paysans
des taxes, des impôts et des corvées importantes. C’est le grand développement de la seigneurie dite « banale ».
Plus tard, au XIIIe siècle, des seigneurs plus libéraux organisent très souvent des villages nouveaux : des bastides, des villes neuves qui ont
laissé dans la toponymie des noms comme
Villeneuve, Villefranche… – notamment dans
l’Aquitaine anglaise des Plantagenêts. Pour attirer à leur service le plus grand nombre de paysans, ces seigneurs leur proposent l’exonération
de certaines taxes ou corvées. En retour, ils
espèrent retirer des bénéfices de la vente de
leurs produits sur les marchés.
Les villes s’animent
Les villes médiévales, si importantes soientelles dans le dynamisme de cette société féodale, ne sont que des « kystes » dans le paysage,
d’après l’heureuse expression de Robert
Fossier. Leur taille reste petite. Avec l’expansion des campagnes, les villes constituent pourtant une autre expression du dynamisme
économique de cette période. Deux facteurs
principaux l’expliquent : d’une part la croissance démographique et d’autre part l’expansion agricole qui offre des surplus à
commercialiser. C’est l’époque du grand développement du commerce terrestre et maritime
où la Méditerranée s’affirme grâce aux villes
florissantes de l’Italie du Nord.
Deux facteurs expliquent cette prospérité
urbaine. D’une part la ville domine par le fait
qu’elle dispose de fonctions spécifiques par rapport à l’ensemble de la société profondément
rurale – des fonctions urbaines économiques :
artisanat, commerces, foires… où les corporations de métiers occupent une place très importante, des fonctions religieuses avec les évêchés
et des fonctions intellectuelles avec les universités naissantes qui sont très liées. D’autre part, la
ville est un espace privilégié. Les villes obtiennent en effet très tôt (1080) des franchises et des
chartes des seigneurs qui leur accordent exemption d’impôts et de taxes ainsi que des libertés.
Les bourgeois (habitants des villes) profitent
ainsi du fait que les seigneurs ont tout intérêt à
voir se développer ces centres économiques et
commerciaux. Ce qu’ils perdent en exonérant
certaines taxes, ils le récupèrent par l’enrichissement global de la ville et le développement de
ces échanges.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Naissance et évolution
d’un château fort, p. 64
Le dessin est la reconstruction type d’une évolution, parmi d’autres, du passage de l’érection
46
d’une motte à la construction d’un château. Tout
d’abord les villageois libres (les alleux), isolés
ou regroupés, cultivent la terre sans contrainte
autre que les conditions et les calamités naturelles
S e i g n e u r s e t p a y s a n s a u M o y e n  g e ( X I e- X I V e s i è c l e )
et les dévastations épisodiques des raids barbares (1.). Au moment de l’affaiblissement du
pouvoir public de l’État carolingien, des seigneurs profitent de l’insécurité du temps – lorsqu’ils ne sont pas eux-mêmes facteurs de cette
insécurité à l’égard des paysans – pour élever
des mottes de terre protégées de palissades et de
fossés où se dresse une tour, symbole du nouveau pouvoir récemment acquis (2.). L’ensemble est en bois et devient le point de départ du
rassemblement des paysans autour de la motte
castrale. Puis la forteresse se pérennise pour
devenir un ensemble fortifié toujours en bois,
sauf dans sa partie centrale où le donjon en
pierre se dresse (3.). Le château fort peut naître.
Le château fort de Bonaguil, p. 65
Le château de Bonaguil dans le Lot-et-Garonne
est à la fois absolument typique, dans sa
construction, du château médiéval traditionnel
et atypique du fait qu’il est assez tardif. Sa
construction débute au XIIIe siècle et se termine
au XIVe siècle. Détruit en partie pendant la
guerre de Cent Ans, il fut reconstruit en tenant
compte des dernières avancées techniques. De
ce fait, il réunit l’ensemble des caractéristiques
architecturales du château : douves, donjon,
mâchicoulis, barbacane, murs d’enceinte, pontlevis, tours d’enceinte… Le seigneur y habitait
avec sa cour. Il y rendait la justice et recevait ses
vassaux, entouré de sa famille et de ses gardes.
Cérémonie de l’hommage, p. 66
Ce document montre, et il est intéressant de le
voir avec les élèves, que le modèle féodal de
l’hommage est un modèle européen. Dotée de
grandes cours princières, l’Espagne médiévale
n’échappe pas à la règle. La cérémonie qui met
en scène Alphonse II d’Aragon (1164-1196)
s’inscrit sur le modèle de toutes les cérémonies
de ce type au Moyen Âge. Trois moments
importants constituent la cérémonie entre le
suzerain et le vassal : d’abord le vassal (ici les
vassaux) se met à genoux et donne ses mains
jointes au seigneur, puis il se relève et les deux
personnages se donnent le baiser ; ensuite le
vassal prête serment sur un objet sacré en jurant
fidélité au suzerain ; enfin, dernière étape, le
suzerain donne au vassal un morceau de terre,
ou un objet qui symbolise le fief qu’il lui remet.
Il s’agit d’une terre et parfois d’argent, par l’intermédiaire d’un droit de péage, de douane ou
d’une taxe à prélever sur les paysans dont le
vassal pourra garder un pourcentage. Car, dans
les devoirs de réciprocité du suzerain, il y a
l’obligation d’entretenir le vassal et de le protéger en cas d’agression d’un autre seigneur.
Texte de l’hommage
d’après Galbert de Bruges, p. 66
Ce document doit être étudié en comparaison
avec le document iconographique représentant
le roi Alphonse II. Il reprend sous une forme
écrite la plupart des informations données
visuellement par l’enluminure du manuscrit
médiéval aragonais, mais en plus, il précise que
le vassal doit observer cet hommage « de bonne
foi et sans fraude », ce qui, à cette époque, n’est
pas une figure de style. Dans la redéfinition des
pouvoirs de force, les félons (c’est-à-dire
ceux qui ne respectaient pas leurs devoirs)
étaient légion, les conflits incessants et les
guerres entre seigneurs nombreuses. Ce texte
fait parler le document iconographique du dessus : en ce sens, ils sont indissociables dans leur
analyse.
Organisation de la seigneurie, p. 67
Ce dessin n’est que la construction théorique
d’une seigneurie banale traditionnelle. De
manière générale, le finage d’une seigneurie
s’organise de la façon suivante : il est composé
de deux parties distinctes, la réserve et les
tenures paysannes. La réserve appartient au seigneur. C’est la partie occupée par ses habitations, son château, les terres cultivées par les
corvées paysannes ou par des serfs, les forêts où
le seigneur est le seul à avoir le droit de chasser.
Cette réserve permet au seigneur de consommer
tout ce qu’il croit nécessaire pour affirmer son
appartenance à la noblesse, elle lui permet aussi
d’entretenir des troupes et une cour. Les tenures,
quant à elles, sont composées de terres, cultivées par les paysans, et du village. Le moulin et
le pressoir, comme le four à pain, appartiennent
au seigneur : les paysans doivent payer pour
pouvoir les utiliser.
47
L E T E M P S D E S S E I G N E U R S E T D E S C AT H É D R A L E S
Miniature sur les défrichements, p. 69
Cette enluminure est une magnifique expression
de la dualité de la société féodale entre le monde
des seigneurs (à gauche) et le monde paysan (à
droite). Deux personnages (un suzerain et son
vassal ? un seigneur et son conseiller ou son
intendant ? un seigneur et un abbé ?) grands par
la taille – la symbolique médiévale est importante et renvoie à la position sociale de chacun –
assistent aux travaux des champs (moisson et
défrichements) réalisés par des paysans plus
petits et plus nombreux. Ces derniers travaillent
pour les premiers, près de la demeure seigneuriale. Peut-être même s’agit-il de corvées.
L’analyse de ce document peut se faire en isolant chacune des deux parties et en les dévoilant
l’une après l’autre.
La ville de Saint-Pourçain, p. 70
Le développement des villes se fait souvent de
façon anarchique. Le bâti est dense, avec l’église
en son centre. La ville de Saint-Pourçain est
délimitée par des remparts qui attestent de leur
rôle militaire et défensif. Au pied des remparts,
le faubourg s’étend, composé de vignes, de
potagers, de champs et de petites fermes. Dans
Dossier
L E S C H E VA L I E R S
À l’origine les chevaliers sont des cavaliers,
c’est-à-dire des hommes à cheval, qui sont
désignés par le seigneur à la protection des
donjons érigés en bois ici et là. Progressivement, dès la fin du XIe siècle et plus sûrement
au XIIe siècle, les cavaliers vont être intégrés à
la noblesse. Un rite initiatique est créé et
prend la forme de l’adoubement.
Cette double page vise à présenter les principaux éléments de la chevalerie médiévale
(adoubement et aspects religieux, notamment
par les croisades) tout en permettant aux
élèves de comprendre qu’il y a un fossé entre
le mythe de la chevalerie vertueuse et courtoise et la réalité d’un monde d’hommes rustres
le plus souvent, violents toujours. Le récit
48
ce type de gravure, on perçoit les prémices de
l’expansion urbaine, d’abord circonscrite dans
les limites des remparts, puis dépassant les
murailles pour gagner les faubourgs.
Le commerce en Europe
au XIIIe siècle, p. 71
Sur cette carte sont situées les principales aires
géographiques dominantes du commerce européen. On peut, à partir de cette carte, réfléchir
avec les élèves sur la place centrale des foires de
Champagne (Lagny, Bar-sur-Aube, Provins et
Troyes), mais également sur leur ancrage européen, à l’heure où le programme incite fermement à sortir de l’histoire hexagonale. Cette
carte permet également de montrer les flux
commerciaux de l’époque vers la Baltique et la
Méditerranée et surtout vers la Chine – la route
de la soie ayant été ouverte par des commerçants italiens tels que Marco Polo. On insistera
sur les produits échangés et la place des foires
les plus centrales (l’espace rhénan et les foires
de Champagne), centres dynamiques et florissants de l’Occident médiéval, concurrents et
compléments directs de l’Italie du Nord et de
Venise.
PP. 72-73
vient donner d’autres informations à mettre en
relation avec les documents, mais aussi permet aux élèves de percevoir combien l’image
que nous avons de la chevalerie médiévale est
largement issue d’un mythe que les romans de
chevalerie ont construit et imposé avec succès
dans l’Europe occidentale tout entière. C’est
la poésie de cour qui impose cette image
mythifiée d’une chevalerie portée au secours
de la veuve et de l’orphelin. Dans cette littérature, les chevaliers sont l’exact opposé des
« vilains », c’est-à-dire des hommes du
peuple, paysans, mendiants, qui y sont décrits
comme sales et laids. Il s’agit d’une véritable
idéalisation des chevaliers, qui va à l’encontre
de la réalité historique. Or, comme l’écrit
l’historien D. Barthélemy : « Consécration des
S e i g n e u r s e t p a y s a n s a u M o y e n  g e ( X I e- X I V e s i è c l e )
uns, disgrâce des autres. Tout éloge de la chevalerie comporte une grande complaisance à
l’égard des puissants et, à l’égard des faibles,
un injuste dédain. »
Adoubement d’un chevalier, p. 72
Le rite de l’adoubement s’est très tôt imposé à
l’ensemble des cavaliers destinés à entrer dans
la noblesse féodale. À l’origine, il devait
s’agir d’une épreuve de sélection pour départager ceux des paysans riches qui pourraient
défendre le seigneur et son donjon. Très vite
ne subsiste que le rite lui-même, qui consiste
en une cérémonie pendant laquelle le seigneur, ou le parrain du chevalier, frappe le
futur chevalier de la paume ou de l’épée sur
la nuque ou l’épaule. Sur cette miniature du
XIVe siècle (petite scène décorant les manuscrits
anciens), les différents temps de l’adoubement
sont représentés, comme en contraction ; car
l’adoubement pouvait prendre deux jours,
entre la veillée de prières qui précédait la
cérémonie proprement dite. Au centre, dans
une position de prière, se tient le futur chevalier. L’Église sacralise cet acte en intervenant
de plusieurs manières : d’abord par la veillée
de prières, avant le jour dit, ensuite en bénissant les armes et en demandant aux impétrants
de prêter serment sur les Évangiles. Pendant
qu’il effectue sa prière et son serment tourné
vers Dieu (port de tête relevé), le nouveau
chevalier se voit remettre son épée, mais aussi
ses éperons, signe certain d’une évolution
notable (éperons et étriers apparaissent au
siècle). Derrière lui, des camarades
d’armes s’apprêtent à lui remettre le heaume
destiné à protéger la tête pendant les combats
ainsi qu’un écu (un bouclier frappé à ses
armes) lui permettant de se protéger des
coups. Sur la gauche du document, on peut
voir les troubadours (des chanteurs-jongleurspoètes qui vont de château en château)
accompagnant l’ensemble de la cérémonie.
Car ce jour sera chanté partout en fonction de
la renommée du nouveau chevalier. Ces troubadours témoignent également du fait que, au
fur et à mesure que l’adoubement se codifie,
la cérémonie est suivie d’un banquet et de
festivités.
XIe
Un chevalier et sa monture, p. 73
Archétype du chevalier au service de Dieu, ce
chevalier, un genou à terre, un étendard sur
l’épaule, le cheval lui-même en position de
prière, s’adresse à Dieu. La croisade décidée
par Urbain II en 1095 (voir livre de l’élève,
pp. 78-79) rassemble tous les cadets de famille sans terre et sans biens, tous les chevaliers
aventuriers en mal de terrains de combat. Au
nom de dieu, les croisades provoquent des
dégâts considérables. Urbain II a promis aux
chevaliers partant en croisade la rémission de
leur péchés et l’absolution pour tous leurs forfaits, occasion unique pour une classe militaire très indisciplinée, y compris à l’égard des
biens de l’Église dont ils convoitaient sans
relâche les richesses.
Éléments pour une synthèse
Les chevaliers choisis par le seigneur pour
protéger son domaine sont souvent violents.
Dans les chansons de geste, ils deviennent des
héros courageux ayant de bonnes manières.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
La société féodale se met en place avec des
suzerains et des vassaux. Un nouvel espace s’organise autour du château, la seigneurie. Grâce
au commerce, on vit mieux dans les campagnes
et les villes se développent.
49
L E T E M P S D E S S E I G N E U R S E T D E S C AT H É D R A L E S
L’ É g l i s e a u M o y e n  g e
( X I e- X V e s i è c l e )
LIVRE PP. 74-79
Notions
Art roman, art gothique, église, cathédrale, monastère, papauté, croisade, intolérance, pèlerinage, les trois ordres, affirmation de l’Église.
Compétences
• Analyser et identifier l’organisation de la société en trois ordres.
• Savoir identifier des styles architecturaux.
• Pouvoir isoler des éléments, des indices confirmant la place de l’Église dans la société.
Exercices
Cahier CM1 : L’Église au Moyen Âge, pp. 14-15.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Il faut replacer l’histoire de l’Église dans le
contexte troublé de la mutation féodale des XIe et
XIIe siècles. Face aux exactions seigneuriales et
au brigandage, l’Église est la seule puissance à
pouvoir proposer des règles de vie commune
suite à la disparition de l’autorité publique. Car
l’Église est, par tradition, attachée au pouvoir
public. En effet, ses règles sont édictées par les
grands évêques issus de la plus grande aristocratie du temps. Les liens familiaux entre les
grands princes, les rois et ces évêques sont nombreux. Il s’agit bien du même monde social.
Vers la paix de Dieu
Pour imposer son autorité sur le monde et pacifier les excès de la période, surtout du fait des
seigneurs en armes et des chevaliers sans scrupule, l’Église tente d’imposer, et y parvient, des
« paix de Dieu », des « trêves de Dieu » afin de
canaliser l’ardeur guerrière des seigneurs. Car
elle est elle-même une puissance terrienne, un
gros propriétaire de terres très riches et, de ce
fait, constitue une très forte puissance économique, notamment par ses principaux monastères (Cluny, Cîteaux, Moissac…). N’ayant pas
d’armes, les ecclésiastiques disposent du regard
de Dieu et peuvent prononcer des excommunications ou des interdits contre des seigneurs
accapareurs de terres, ce qui, à l’époque, est très
grave. Beaucoup de communautés ecclésiastiques créent des sacrariae, c’est-à-dire des
50
terres protégées symboliquement par des croix
délimitant le territoire qui doit rester inviolé par
les incursions des « brigands ». La toponymie
des campagnes d’aujourd’hui garde des traces
de ce mouvement de rassemblement de paysans
dans un territoire protégé par l’Église : sauveterre, sauvetés…
La réforme monastique
Cluny, fondé en 909 par Guillaume le Pieux,
duc d’Aquitaine, représente la richesse de
l’Église, avec ses terres, ses bâtiments, l’immensité de son abbatiale et son influence européenne, jusqu’à Rome. Par opposition au luxe
de l’Église, un mouvement de retour aux valeurs
et aux sources du christianisme et de JésusChrist se développe au XIIe siècle. De nouveaux
ordres monastiques naissent dans le respect de
l’idéal de pauvreté et de chasteté, preuve que
ces deux idéaux pouvaient ne pas être si fréquents. Bernard de Clairvaux fonde l’abbaye de
Cîteaux, en Champagne, et celle de Fontenay,
en Bourgogne, qui essaiment à leur tour des
abbayes partout en Europe. L’idéal cistercien
repose sur la pureté et la simplicité des formes
architecturales, répondant ainsi aux vœux très
stricts prononcés par les moines de cet ordre.
Retirés dans l’austérité, la rigueur et la solitude
d’une forêt, d’une clairière ou d’un champ loin
des villages, les moines prient pour les malheurs
et les péchés du monde mais retrouvent aussi le
L’ É g l i s e a u M o y e n  g e ( X I e - X V e s i è c l e )
goût du travail, oublié par les frères clunisiens
enfoncés dans le vice du luxe. À ce titre, pour un
seigneur, disposer d’une abbaye à proximité,
fonder une succursale d’ordre monastique, pouvait lui assurer le salut. En effet, les moines ont
le monopole de la prière légitime, c’est-à-dire
qu’ils sont au XIIe siècle les mieux placés pour
assurer le salut.
L’appel à la croisade
C’est de l’évêque Adalbéron, de famille proche
du pouvoir royal, que nous est venu le premier
document (fin XIe siècle) concernant la répartition de la population en trois ordres. Par son
intermédiaire, l’Église a figé l’explication du
monde terrestre dans la plus pure tradition indo-
européenne d’une trifonctionnalité : ceux qui
prient, ceux qui combattent, ceux qui travaillent.
C’est par rapport à ces deux éléments – exactions des cadets de famille sans terre désireux de
se tailler une part des terres de l’héritage de
l’aîné par les armes et imposition d’une doxa
explicative du monde – qu’il faut comprendre
l’appel à la croisade d’Urbain II (cité dans le
récit de l’élève, p. 79). Par cet appel prononcé à
Clermont, une chance est offerte à l’aristocratie
laïque d’assurer son salut sans renoncer à sa
vocation militaire. Car la récompense de la croisade, c’est « l’indulgence plénière » – l’expression est d’André Vauchez –, c’est-à-dire le
pardon des fautes commises.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
L’abbaye de Sénanque, p. 75
Le monastère de Sénanque, dans le Vaucluse,
est fondé en 1148 au moment du grand renouveau spirituel incarné par Cîteaux et Bernard de
Clairvaux. Le cloître permettait les déambulations méditatives, les discussions théologiques
ou sur la vie quotidienne du monastère entre
moines. (Voir le site Internet de l’abbaye de
Sénanque à l’adresse suivante : http://senanque.fr)
L’église de Vézelay, p. 76
À l’origine, un monastère fondé en 857 fut
déplacé sur les hauteurs pour échapper aux
incursions normandes. Mais la construction de
la basilique romane et de son chœur caractéristique, avec son alternance de pierres blanches et
rouges, date de 1104. L’église est une véritable
bible de pierre : des décors sculptés sur les chapiteaux racontent la vie de Jésus, la création du
monde et la fin des temps. Ainsi, de très nombreux croyants apprennent le christianisme. C’est
à Vézelay que Bernard de Clairvaux prêcha la
deuxième croisade, le 31 mars 1146. Cette basilique fut à la fois, et est encore, une église de
moines et une église destinée aux pèlerins. Elle
fut longtemps le point de rassemblement et de
départ d’un des chemins du pèlerinage de
Compostelle. (Voir le site Internet de l’église de
Vézelay à l’adresse suivante : http://vezelay.cef.fr)
Dessins d’architecture, p. 76
Dans l’espace symbolique que représente une
église, se déploie un double mouvement : une
progression d’ouest en est, des ténèbres vers la
lumière, et une élévation du parvis vers l’autel, de
la terre vers le Ciel. Le parvis est une petite place
d’où l’on entre dans l’église, son nom vient du
mot « paradis ». L’entrée de l’église franchie, on
arrive dans la nef, du mot latin navis, « vaisseau », réservée aux fidèles. Les transepts forment une croix avec la nef et marquent la limite
entre l’espace laïc et le chœur réservé au clergé.
L’abside, partie en demi-cercle qui termine le
chœur, abrite le sanctuaire où s’élève l’autel. Les
laïcs ne pouvaient y pénétrer. Le sanctuaire richement meublé et très éclairé contraste avec la nef.
Allégorie de la religion juive, p. 77
La cathédrale de Strasbourg, dont la construction s’étend sur plus de deux cents ans
(1176-1449), illustre richement l’histoire de la
sculpture gothique. De part et d’autre du portail
sud se trouvent les statues allégoriques les plus
célèbres de la cathédrale : L’Église et La Synagogue. Ces statues ont été réalisées au début du
XIIIe siècle par des artistes venus de Chartres.
Ces deux jeunes femmes symbolisent la vérité
(l’Église) et l’erreur (la Synagogue). Tout au
long du Moyen Âge, les chrétiens ont avec les
51
L E T E M P S D E S S E I G N E U R S E T D E S C AT H É D R A L E S
juifs un dialogue qu’ils interrompent par des
périodes de persécutions et de massacres. Cet
antijudaïsme rampant se transforme en antisémitisme au XIIIe siècle. Cela explique cette
représentation de L’Église triomphante et de La
Synagogue aux yeux bandés. Dans un travail
avec les élèves, on peut leur demander, à l’inverse, d’imaginer, de dessiner ou de représenter
sous une forme ou sous une autre, comment les
artistes ont pu sculpter l’Église triomphante.
Portail roman et portail gothique, p. 78
Ces deux photos ont l’intérêt de permettre aux
élèves de retrouver sur de vrais portails les dessins théoriques de la page 76 avec l’arc roman
de plein cintre et l’arc brisé en ogive. On peut
faire décrire aux élèves la simplicité dépouillée
du portail roman, comparé au portail gothique
d’architecture plus complexe et orné de sculptures et de détails dans le travail de la pierre.
L’art gothique s’est imposé au milieu du XIIe
siècle, car il permet l’élévation des églises. Les
croisées d’ogives permettent de répartir le poids
non plus sur les murs (ce qui permet l’apparition
des vitraux), mais sur les piliers eux-mêmes
aidés par les contreforts disposés à l’extérieur.
La première croisade, p. 78
Plutôt que d’entrer dans les détails inutiles des
différentes croisades, il est utile avec les élèves de
considérer attentivement la carte de la première
croisade prêchée par Urbain II à Clermont. On
distingue trois chemins, trois trajets différents,
selon d’où l’on part et selon le seigneur que l’on
suit. Les trois personnages importants sont indiqués. Cette première croisade est un succès du
fait, selon Barthélémy, de trois raisons objectives :
d’une part la division des forces musulmanes et
l’entraînement intensif des armées chrétiennes,
après un siècle ou presque de combats permanents et, d’autre part, la terreur que suscite leur
présence après le massacre de Jérusalem en 1099.
Histoire anonyme
de la première croisade, p. 79
Le massacre des habitants de Jérusalem a été
raconté par des chroniqueurs chrétiens qui
accompagnaient les troupes de croisés. De cet
extrait, on n’a retrouvé que le texte et rien sur
l’auteur. Le document de l’époque, sans doute
écrit par un témoin, décrit la défaite des
Sarrasins (musulmans) dans toute sa cruauté.
Mais, par l’écriture et l’utilisation des pronoms
personnels (« notre », « nos »…) et le fait qu’ils
pleurèrent de joie, le texte indique clairement sa
dimension prochrétienne. On est dans le récit
d’un « miracle » : on passe par des épreuves,
mais celles-ci sont inévitables et justes car la
récompense est au bout du voyage.
Texte d’Ibn Al-Athir, p. 79
Dans ce texte au contraire, on connaît l’auteur.
Chroniqueur musulman, il décrit le même événement, mais pas tout à fait de la même manière. On
peut, avec les élèves, envisager un tableau comparatif. Au préalable, un travail sur le vocabulaire
devra être fait pour les mots comme « ascète »
(personne qui vie une existence austère, tout
entière tournée vers la méditation et le dépouillement), « dévot » (qui respecte avec un zèle important les règles religieuses), « imam » (responsable
religieux dans l’islam) et « candélabre » (chandelier de grande taille à plusieurs branches). Le
tableau met en évidence le fait que les mêmes protagonistes sont concernés, dans les même lieux
(mosquée d’Al-Aqsa), même si le texte d’AlAthir est plus précis sur le nombre de victimes et
la richesse volée par les croisés. Là où le sang qui
ruisselle est évoqué avec complaisance face à ce
nécessaire sacrifice dans le texte chrétien, au
contraire une grande pudeur s’observe dans le
texte musulman. Deux civilisations s’affrontent
dont l’une, l’islam, est infiniment plus raffinée
que l’autre, la chrétienté, à la même époque. Ce
massacre fut un grand choc dans le monde arabe.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Au Moyen Âge, l’Église est puissante et riche.
Elle fait construire de grands monastères et
des cathédrales. Elle est présente dans
chaque moment important de la vie de l’homme
52
(naissance, éducation, souffrance, mort). Elle
demande aux seigneurs et aux chevaliers
de se battre contre ceux qui ne sont pas chrétiens.
La Méditerranée au Moyen Âge LIVRE PP.
( V I I I e - X I I I e siècle)
80-85
Notions
Civilisation, la Méditerranée comme espace de civilisation, les sciences, les arts, tolérance,
monde arabo-musulman, Islam.
Compétences
• Savoir repérer dans un document les éléments de richesse d’une civilisation.
• Savoir confronter des documents les uns aux autres.
Exercices
Cahier CE2 : La naissance de l’islam, pp. 42-45.
Cahier CM1 : La Méditerranée au Moyen Âge, pp. 16-17.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
La Méditerranée : une zone de libre
échange commercial et intellectuel
Voilà un sujet qui n’était pas abordé à l’école
élémentaire, si ce n’est sous une forme biaisée :
les croisades ou les invasions arabes. Il ne restait dans l’esprit des élèves que deux choses
stigmatisantes, au fond. La première était que
Charles Martel avait arrêté les Arabes à Poitiers
vers 732, sans que l’on explique précisément ce
que les armées arabes faisaient là ; la seconde
était que les chrétiens, pris de passion pour le
tombeau du Christ, étaient allés « libérer »
Jérusalem de l’occupation des Turcs
Seldjoukides. Or, cette vision très scolaire était
d’autant plus étonnante que, comme l’ont montré tous les grands historiens depuis Fernand
Braudel et Georges Duby, la Méditerranée de
cette époque était une vaste zone de libreéchange commercial et intellectuel, où le monde
arabo-musulman dominait de sa culture
brillante et réputée.
Il est important de faire comprendre aux élèves
que, bien que de religions différentes, les trois
espaces de la Méditerranée (Occident chrétien,
Byzance, monde arabo-musulman) font partie à
part entière de notre héritage culturel. C’est tout
l’objet de ce chapitre. Ce que nous devons aux
Arabes se situe, entre autres, à cette époque
charnière pour le monde politique, religieux,
intellectuel et culturel au sens large. Cette vision
des choses n’aurait pas été démentie par Albert
Camus qui voyait dans la Méditerranée, « de
Florence à Barcelone, de Marseille à Alger,
tout un peuple grouillant et fraternel, être nourri
de ciel et de mer » (Noces). Il est important
d’avoir à l’esprit également que ce chapitre se
prête aisément à des extensions pluridisciplinaires (en musique, mathématiques, poésie,
sciences…).
Dans la construction d’une mémoire nationale
dont participent les manuels scolaires et le programme d’histoire en particulier, il était impensable que cette culture arabo-méditerranéenne
d’échanges et de contacts divers, tolérante et
infiniment riche, échappe aux apprentissages.
Définir la France et l’Europe d’aujourd’hui,
c’est aussi, et de plus en plus, l’urgence de rappeler l’histoire des enrichissements successifs.
Comme le dit Philippe Joutard, il s’agit moins
d’un devoir de mémoire que d’un devoir d’histoire. L’enracinement des enfants (de tous les
enfants présents sur le sol français) dans une
mémoire scolaire et sociale partagée et acceptée, passe absolument par là.
La Méditerranée arabo-musulmane
La Méditerranée, au Moyen Âge, est un des
espaces dominants du monde. L’héritage romain
a été enrichi par les dynasties arabes et byzantines du pourtour méditerranéen. Au début du
53
L E T E M P S D E S S E I G N E U R S E T D E S C AT H É D R A L E S
XIe siècle, l’Empire byzantin est, avec sa capitale
Constantinople, un empire gardien de la romanité, directement héritier de l’Empire romain
d’Orient. Véritable conservatoire de la culture
gréco-latine, il est néanmoins en déclin. Venise
le concurrence d’un point de vue commercial et
ses frontières sont attaquées à l’ouest, par les
Normands qui s’installent à Bari en 1071,
comme à l’est, par les Turcs seldjoukides qui
prennent Mantzikert la même année.
En revanche, l’espace arabo-musulman méditerranéen est en plein âge d’or. Son essor date de
la naissance de l’islam et de la mort du prophète
Mohammad (Mahomet) en 632. En moins d’un
siècle, l’islam, troisième religion monothéiste
après le judaïsme et le christianisme, se répand
très rapidement. Au XIIe siècle, cet espace arabomusulman est composé de trois espaces régionaux rassemblés autour d’une capitale (califat).
Le califat de Bagdad, cœur de l’Islam et de la
culture écrite, est rapidement au XIe siècle miné
par les Turcs seldjoukides. Le califat du Caire,
plus à l’ouest, est à l’interface des échanges
entre les chrétiens byzantins de Constantinople,
les Arabes du califat de Bagdad et les chrétiens
commerçants de Venise et d’ailleurs. Le Caire
règne sur les échanges des IXe-XIIe siècles.
Enfin, plus à l’ouest, installés en Espagne, après
avoir franchi en 711 le détroit de Gibraltar,
les Omeyyades ont fondé la très brillante
société d’Al-Andalus autour du califat de
Cordoue, dans la tolérance des trois religions
monothéistes du temps. Le califat de Cordoue,
c’est ce que l’on a appelé « l’Espagne des trois
religions ».
Une société riche et tolérante
Cette société de Dar-al-Islam (la « Maison de
l’Islam »), éclatée en trois califats distincts, se
distingue par un pluralisme important du fait
des multiples interprétations qui sont faites des
paroles du prophète Mohammad (Mahomet).
Entre libéraux et doctrinaires, les débats sont
intenses. L’absence de clergé organisé et de hiérarchie religieuse permet ces controverses à la
fois théologiques et érudites. De la même
manière, juifs et chrétiens sont tolérés, même
s’ils doivent payer un impôt spécifique de
54
reconnaissance de la supériorité de la foi musulmane. Mieux, juifs et chrétiens participent très
souvent aux échanges théologiques et intellectuels de l’époque, dans le respect de l’hospitalité
musulmane présente dans le Coran (dhimma).
Cette tolérance, jusque dans les années 1100-1130,
a été à la source d’une « osmose culturelle »,
pour reprendre George Jehel, ou d’une synthèse
culturelle tout à fait remarquable. La culture
antique est traduite par les intellectuels juifs,
arabes ou byzantins, dans des interprétations qui
portent toujours à la confrontation d’idées ;
les arts et les sciences bénéficient de cette
émulation intellectuelle permanente.
Cet espace est le règne de la philosophie, du
droit et de la poésie. C’est tout cela qu’il faut
mettre en regard de la société gallo-romaine ou
franque en pleine dislocation depuis le Ve siècle.
Les « Barbares » n’étaient pas au sud du VIIIe au
XIIe siècle, mais bien au nord. On sait aujourd’hui
avec précision comment l’élite ecclésiastique
chrétienne de Cluny se rend systématiquement
en formation intellectuelle dans les capitales
(Tolède principalement) possédant les librairies
indispensables à la construction d’une solide
éducation. Et cette culture, c’est par les Arabes
de Sicile ou d’Espagne Al-Andalus qu’elle
passe.
La fin de « l’âge d’or » méditerranéen
Les temps changent au XIIe siècle, lorsque les
recompositions politiques et dynastiques perturbent cet « âge d’or » méditerranéen. Déjà les
pouvoirs des califats avaient été remis en cause
au XIe siècle – même dislocation du pouvoir
public qu’en Occident chrétien. Mais avec la
dynastie des Turcs seldjoukides à l’est (prise de
Bagdad en 1055, puis de Jérusalem), celle des
Almoravides au Maghreb (1039-1147) et des
Almohades (1130-1267) au Maghreb comme en
Espagne musulmane, le raidissement politique
et idéologique de ces nouveaux pouvoirs est
manifeste et se traduit par la suppression des
libertés et des tolérances traditionnelles du
monde arabe médiéval. De plus, confrontées
aux offensives chrétiennes (Reconquista en
Espagne, croisades), ces dynasties sombrent
dans la guerre et le reflux. En 1130 déjà, la
L a M é d i t e r r a n é e a u M o y e n  g e ( V I I I e- X I I I e s i è c l e )
Sicile musulmane est dominée par un comte
normand ; en 1204, Constantinople est prise par
les croisés. La bataille de Las Navas de Tolosa
(1212) et la prise de Cordoue (1236) annoncent
la presque entière reconquête de l’Espagne où il
ne reste, en 1257, que le royaume des Nasrides
(1230-1492) de Grenade pour témoigner de la
splendeur de l’art musulman.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Le bassin méditerranéen
au XIIe siècle, p. 80
On distingue sur cette carte les trois grands
espaces politiques et religieux de la Méditerranée et de l’Europe au XIIe siècle qui sont en
lieu et place de l’ancien grand Empire romain
du temps de son unité : l’Occident chrétien,
l’Empire byzantin (les chrétiens d’Orient) et
les États musulmans. On peut remarquer
l’immensité de ce dernier territoire et son
emprise sur la façade sud de la Méditerranée.
À l’ouest, la frontière passe à Tolède, prise aux
musulmans en 1085 par les troupes chrétiennes
de la Reconquista sous la direction d’Alphonse VII
de Castille. La ville a connu et connaîtra
encore un essor très important, sous l’influence
des trois religions. Ville intellectuelle, elle
recèle des trésors de bibliothèques dont aucun
membre cultivé de l’Église chrétienne
d’Occident ne mésestime le poids. Devenir
pape, c’est d’abord aller à Tolède se confronter
à cette richesse livresque, scientifique et théologique. Ce fut le cas notamment du pape de l’an
mil, Sylvestre II. De plus, on peut noter que
la Sicile est déjà redevenue chrétienne (1130).
Il s’agit donc d’une carte inscrite dans une
dynamique déjà bien amorcée de reflux de
la terre d’Islam, face au renouveau chrétien
médiéval.
L’Alhambra de Grenade, p. 81
Le grand moment de la reconquête espagnole
s’arrête provisoirement en 1257 ; le royaume
des Nasrides possède encore, en terre
d’Espagne, le royaume de Grenade avec les
deux cités de Malaga et de Grenade. C’est à
cette époque que débute, au XIIIe siècle, la
construction d’un des joyaux de l’architecture
musulmane. Le royaume de Grenade va
rester, jusqu’à sa disparition en 1492, un
conservatoire des mœurs, des arts et des
échanges culturels de ce que fut la civilisation brillante d’Al-Andalus, faite de syncrétisme entre arabes, chrétiens arabisés et
juifs.
Manuscrit d’un prince syrien, p. 82
Ce texte livre une vision très intéressante de
la façon dont les musulmans ont vu arriver
les croisés. Il peut servir à montrer aux élèves
à quel point les musulmans, qui n’appartenaient pas au rigorisme religieux des Turcs
seldjoukides, ont été surpris de l’attitude des
chrétiens croisés. Ousama Ibn Mounkiak,
gentilhomme et guerrier syrien mort en 1188,
un des membres les plus importants de l’aristocratie, proche de Saladin, a écrit son autobiographie. Dans cette Vie d’Ousama, le récit
met en lumière les difficiles rapports entre
musulmans et croisés. Ni les croisades, ni
l’établissement des croisés en Orient n’ont
favorisé la connaissance réciproque des deux
civilisations. L’intérêt des Francs de Palestine
pour le monde arabe reste le fait de quelques
individus connaissant l’arabe, mais ils sont
rares.
Dessin de pompe à eau, p. 82
Ce document est extrait du célèbre traité d’automates d’al Djazari. Cet auteur connaissait très
bien les mécaniciens grecs d’Alexandrie. Il
cherche à les dépasser en apportant des perfectionnements à ces mécaniques. Ce document
témoigne également de la volonté des Arabes de
conserver les techniques présentes dans les
régions qu’ils occupaient ou de réactiver celles
qui avaient progressivement disparu au fil des
siècles, en particulier dans le domaine de l’hydraulique. Ainsi ils ont relancé des systèmes
pour l’irrigation (pompe à eau et roue à jante
creuse animées par des buffles, irrigation par
noria…).
55
L E T E M P S D E S S E I G N E U R S E T D E S C AT H É D R A L E S
L’observatoire de la tour de Galata, p. 83
Dans le monde arabe, l’astronomie se développe
comme une science exacte avec la connaissance
des textes grecs de Ptolémée (ils seront traduits
en arabe autour des années 820). Deux observatoires sont construits en 826-827 à Bagdad et à
Damas pour vérifier les résultats obtenus par
Ptolémée. Les Arabes restent dans la tradition
géocentrique de Ptolémée mais, de plus en plus,
ils cherchent à réaliser une œuvre originale. Des
observatoires sont créés à Maragha (à la frontière
entre l’Iran et la Turquie actuelle) au XIIe siècle, à
Samarkand au XVe siècle, à Istanbul au début du
XVIe siècle avec l’élaboration de mappemondes
et de portulans. Ces observatoires ont la charge
de mettre au point de nouveaux modèles pour
expliquer le mouvement des planètes. Mais,
pour aller plus loin, il faut attendre une autre
révolution qui aura lieu non pas dans le monde
arabe, mais en Pologne avec Copernic. La scène
présentée dans le document renvoie également à
l’intense pratique de l’enseignement. Il n’y a pas
de science arabe sans enseignement systématique. Avicenne et Al-Khawarizmi (qui fonde
l’algèbre moderne) peuvent être considérés
comme des symboles de cette période historique
majeure.
La mosquée de Cordoue, p. 84
Cette mosquée a été construite dès le début de
l’implantation des Omeyyades, à partir de 785.
Elle ne va pas cesser d’être agrandie, améliorée,
reconstruite et réaménagée, jusqu’en 966, par
les différents émirs de la ville. Construite sur
le modèle « arabe » inauguré à Damas dès le
VIIIe siècle, elle comportait à l’origine 11 nefs
orientées vers la Mecque et ouvrant sur le jardin
des Orangers. À la fin du Xe siècle, elle compte
19 nefs. La capitale de l’Occident musulman
médiéval est donc Cordoue, cité de près de
500 000 habitants. Musulmans, juifs et chrétiens
arabisés (mozarabes) contribuent à faire de cette
ville, dès le VIIIe siècle, un espace de tolérance et
de développement des arts et des sciences.
Portrait d’Averroès
et statue de Maïmonide, p. 85
Averroès (1126-1198) est né à Cordoue, lieu
d’une activité intellectuelle brillante. Ce philosophe fut aussi médecin et juriste. Il servit
comme juge à Séville et à Cordoue. Plus tard il
devint médecin en chef du calife Abn Yaquib
Yusuf. Il s’est également intéressé à l’astronomie
et à la grammaire. Mais c’est surtout comme
commentateur d’Aristote qu’Averroès fut connu
des Latins. L’un des points clés de ses écrits est
que la philosophie et la religion sont en accord.
Philosophique ou symbolique, ainsi sont les
deux modes d’expression d’une même vérité. Il
fut banni de la cour pour hérésie et connut l’exil.
Rappelé au bout de trois ans, il mourut peu
après. Traduite en latin au XIIIe siècle, son œuvre
est au cœur du débat philosophique jusqu’audelà de la Renaissance. On étudie Aristote en utilisant les commentaires d’Averroès.
Maïmonide (1135 ou 1138 ?-1204) est né lui
aussi à Cordoue. Il étudie la Bible et le Talmud
(ensemble de textes interprétant la bible et
fixant les règles de la vie civile et religieuse
dans la religion juive) et s’adonne aux études
scientifiques. Quand les Almohades prennent le
pouvoir à Cordoue (1165), Maïmonide et sa
famille quittent la ville, fuyant les persécutions
religieuses. Il s’installe à Alexandrie puis au
Caire. C’est là que Maïmonide écrivit, en arabe,
Le Guide des égarés. C’est par ses écrits qu’il se
fit connaître dans le monde juif et reconnaître
comme un maître spirituel. Il fut aussi médecin
à la cour de Saladin. Mort en Égypte, il fut
inhumé à Tibériade en terre d’Israël.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
À partir du VIIIe siècle, se développent en Orient
deux civilisations brillantes : Byzance et
l’Islam. Dans l’Espagne musulmane, les
sciences, les arts et la poésie sont très dévelop-
56
pés. Cordoue est une ville très tolérante. Deux
savants célèbres, l’un musulman, Averroès, et
l’autre juif, Maïmonide, sont les derniers représentants de ce moment de civilisation très riche.
Le pouvoir des rois de France
au Moyen Âge ( X I e - X V e siècle)
LIVRE PP. 86-89
Notions
Extension du domaine royal, affermissement du pouvoir royal, dynastie capétienne,
exclusion des femmes du trône.
Compétences
• Savoir caractériser l’évolution du royaume à l’aide de cartes.
• Situer les grands moments et les grands repères de la construction du royaume en y
associant le nom des principaux personnages et rois.
Exercices
Cahier CM1 : Des héritiers mais pas d’héritières, pp. 18-20 ; le pouvoir des rois de France
au Moyen Âge, p. 21.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Un pouvoir royal fragile
L’histoire de la monarchie française de l’avènement d’Hugues Capet (987) à Louis XI (1483),
c’est l’histoire d’une lente construction de
l’État monarchique et d’une lente reconquête
du pouvoir public. Lorsque Hugues Capet
prend le pouvoir après avoir été élu par son
clan, il ne cesse d’être contesté par un membre
de la famille carolingienne revendiquant
l’hérédité sur l’élection (Charles), mais aussi
par les grands du royaume non présents à
l’élection.
Si Hugues Capet devient roi, c’est qu’il a la réalité du pouvoir entre ses mains. Mais, à cette
époque, le pouvoir du roi est peu de chose,
concurrencé qu’il est par les prétentions des
grands, les rivalités aristocratiques et l’immense
parcellisation du pouvoir seigneurial. De plus,
son cadre territorial, le domaine royal, est
très restreint (voir les différentes cartes proposées dans le livre de l’élève). En effet, le
domaine que domine le roi capétien au tournant
de l’an mil est limité à l’Île-de-France, non
sans difficulté du reste car les seigneurs voisins sont prompts à demander une taxe
d’entrée en seigneurie à chacun de ses passages.
Le duc de Bourgogne, par exemple, est à
cette époque beaucoup plus puissant territorialement.
La reconquête du pouvoir public
par les premiers Capétiens
La priorité des premiers Capétiens au XIe siècle
va donc être de consolider leur position très fragile – les fils du roi n’hésitent pas eux-mêmes à
fragiliser encore un peu plus, si cela est possible, le pouvoir royal en réclamant, avant la
mort de leur père, une part ou l’intégralité du
titre royal. Cela signifie rétablir l’ordre, lutter
contre le brigandage et les exactions seigneuriales, mais aussi, et surtout, affirmer un pouvoir
royal supérieur à tous les autres pouvoirs seigneuriaux. À la question de savoir si les premiers rois capétiens sont, ou non, des seigneurs
comme les autres, luttant pour la souveraineté
de leur domaine et les prétentions de seigneurs
plus puissants, on pourrait répondre à la fois oui
et non. Oui, car la réalité de leur pouvoir est
telle qu’ils sont placés dans l’obligation de
défendre pied à pied leur pouvoir, comme n’importe quel seigneur du temps. Non, car les
Capétiens inventent, avec l’aide de l’Église, un
moyen idéologique destiné à asseoir durablement leur pouvoir : la consécration religieuse.
Le sacre
Être roi, c’est presque une fonction sacerdotale
en des temps où les symboles religieux sont des
armes. Le sacre confère un prestige inégalé,
avec la cérémonie de l’onction (avec l’huile de
57
L E T E M P S D E S S E I G N E U R S E T D E S C AT H É D R A L E S
la sainte Colombe), le costume du sacre, la
remise des emblèmes royaux et l’acclamation.
En souvenir de Clovis, avec qui on crée une
lignée acrobatique au travers de l’étude des
généalogies, on est sacré à Reims et inhumé à
Saint-Denis. Se développe également ce que
Marc Bloch a magnifiquement étudié, à savoir
le pouvoir thaumaturgique des rois : le roi est
marqué par Dieu de son empreinte et peut, de ce
fait et par délégation, disposer d’un pouvoir
guérisseur.
Le roi au sommet de la hiérarchie vassalique
Placés du même coup au sommet de la hiérarchie féodale, les rois vont reconquérir un pouvoir au-dessus des autres seigneurs en recevant
les hommages des plus grands seigneurs. Ils
font jouer le système féodal à leur profit et limitent du même coup l’indépendance des grands
vassaux par l’hommage lige, c’est-à-dire l’hommage préférentiel accordé au roi. Ce fut un des
moyens de contraindre les grands du royaume à
l’obéissance.
Hérédité de la royauté et continuité dynastique
Un autre moyen pour consolider leur pouvoir va
être d’établir l’hérédité de la royauté avec la
succession du fils aîné. Les Capétiens rompent
ici avec la patrimonialité des Barbares, source
de dilapidation irrémédiable du patrimoine. Mais,
bien entendu, pour que cette opération politique
réussisse, il a fallu des circonstances généalogiques étonnantes et imprévisibles : que chaque
roi ait un fils aîné, ce qui fut le cas jusqu’au
début du XIVe siècle ! Cette donnée particulière
a favorisé l’éclosion d’un pouvoir royal prêt à
entreprendre l’extension du domaine royal.
Le royaume s’agrandit
Les rois capétiens étendent le royaume par leur
rôle de suzerain : confiscation des terres (en cas
de désobéissance), récupération de fiefs (en cas
de succession impossible), stratégies matrimoniales (si les femmes ne servent pas à être
reines, elles servent à faire revenir, par mariage,
des terres dans l’escarcelle familiale). Mais
c’est surtout au XIIIe siècle et au début du
XIVe siècle que les souverains agrandissent le
royaume. D’abord grâce au règne de Philippe
58
Auguste (1180-1223) qui remporte la célèbre
bataille de Bouvines contre son vassal le comte
de Flandres, allié des Anglais. Le roi utilise la
guerre et fixe la capitale à Paris qui se retrouve
entourée de remparts imposants (enceinte
Philippe Auguste).
Émergence de l’État monarchique
moderne
Enfin, les rois capétiens jettent les bases d’un
État moderne. Louis IX – que la papauté canonisera immédiatement après sa mort en croisade
sous le nom de Saint Louis – a une grande
importance dans cette histoire d’affermissement
du pouvoir royal. On connaît l’image que
l’école de la IIIe République et celle plus récente
ont perpétuée : celle d’un roi sage et humble
assis sous son chêne pour rendre la justice. Mais
la justice royale est une justice seigneuriale qui
affirme là encore un pouvoir contre les autres
justices seigneuriales. Ce sera pour Louis IX
un de ses moyens d’action politique majeur.
Car, au fur et à mesure de l’agrandissement du
royaume, apparaît la nécessité de faire respecter
le roi dans ses provinces. L’exercice de la justice
(attribut du pouvoir royal) se double de la mise
en place d’une administration où sénéchaux et
baillis représentent le roi.
En 1314, les premiers états généraux du
royaume réunissent des représentants des trois
ordres. L’État monarchique moderne se met en
place. Louis IX rattache à la couronne le
Languedoc et Toulouse. Lorsque Philippe le Bel
meurt en 1314, il ne reste plus que quatre grands
fiefs indépendants du domaine royal : la
Bretagne, la Bourgogne, les Flandres ainsi que
la Guyenne (Aquitaine) que possèdent les
Anglais.
Le chapitre destiné aux élèves évite les détails
superflus et s’attache aux grandes figures de
cette problématique de l’affermissement du
pouvoir royal en en donnant les grandes lignes.
Bien sûr, le choix d’étude peut se porter sur un
autre roi, plus conforme à l’histoire locale.
Louis XI, par exemple, est un roi qui mériterait
un sort meilleur que celui que l’historiographie
et l’école lui ont trop longtemps réservé. En
L e p o u v o i r d e s r o i s d e F r a n c e a u M o y e n  g e ( X I e- X V e s i è c l e )
effet, et sans occulter la part sombre de son
règne, dans les temps troublés qui sont les siens
(contre les grands du royaume et principalement Charles le Téméraire), le roi a mis toute
son énergie à faire son « métier de roi », proté-
geant la fonction et assurant par une politique
fiscale et commerciale originale une situation
de quasi-prospérité dans le royaume, après
les malheurs de la guerre, de la peste et des
famines.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Évolution du royaume de France,
cartes, pp. 86, 87 et 89
• Carte du royaume en 987 : le domaine royal
est un ensemble confus d’éléments disparates
dont il est difficile de faire l’inventaire. Il est
groupé autour d’Orléans, d’Étampes, de Paris,
sur le cours moyen de la Seine et dans la vallée
de l’Oise.
• Carte du royaume en 1224 : pendant son règne,
Philippe Auguste sort victorieux du conflit avec
la maison d’Anjou. À la bataille de Bouvines, il
triomphe de ses adversaires. Toutes les possessions anglaises au nord de la Loire deviennent
possessions du roi. Le domaine royal couvre un
tiers de la France actuelle.
• Carte du royaume en 1270 : en 1229 prend fin
la croisade des Albigeois. Toulouse est rattachée
à la couronne. Louis IX négocie la paix avec
Henri III, roi d’Angleterre. Ce dernier renonce à
la Normandie. Il traite également avec le roi
d’Aragon et assure une mainmise sur le
Languedoc.
• Carte du royaume en 1314 : Philippe le Bel
continue d’agrandir le domaine royal en
annexant Lyon et en incorporant la Champagne.
• Carte du royaume en 1429 : alors que l’entrevue de Jeanne d’Arc et de Charles VII se prépare, le territoire français est divisé en trois :
– la France occupée par les Anglais : la
Normandie, le Nord et Paris (la frontière n’est
pas facile à définir : elle évolue au gré d’une
guerre confuse) ;
– la France restée fidèle à Charles VII réfugié à
Bourges : le Midi et l’Anjou ;
– la France dominée par la Bourgogne (liée au
pouvoir anglais).
Aliénor d’Aquitaine, p. 87
Aliénor d’Aquitaine est née vers 1122. C’est la
fille d’un des plus grands personnages du
royaume de France, le dernier duc d’Aquitaine
(la Guyenne), Guillaume X, qui régnait de façon
indépendante du roi sur le sud-ouest du
royaume. À l’âge de quinze ans, elle est mariée
au futur Louis VII, roi de France, avec en dot les
immenses fiefs de la Guyenne, la Saintonge, la
Gascogne et le Poitou qui, de ce fait, réintègrent
la couronne royale. Femme de caractère, participant activement aux affaires politiques, elle
est répudiée par Louis VII en 1152. C’est alors
qu’elle se remarie avec Henri de Plantagenêt,
futur roi d’Angleterre (1154). Du même coup,
l’intégralité, ou presque, du duché d’Aquitaine
passe sous la domination seigneuriale des
Plantagenêts, princes anglais. Son troisième fils,
connu sous le nom de Richard Cœur de Lion, fit
construire, contre Philippe Auguste, le château
fort de Château-Gaillard. Sur le document, on
voit Aliénor sur un cheval, signe de sa position
de chevalier ou de seigneur. Dans les conflits
qui l’opposent à son premier mari, Louis VII,
comme avec son second mari, Henri II, elle fut
une femme politique de première importance.
Texte de Guillaume le Breton, p. 88
Ce texte, qui est un plaidoyer pour le roi
Philippe Auguste par un de ses chroniqueurs
royaux, est à déclamer. Il est important de passer un peu de temps sur ce document pour faire
comprendre un procédé d’écriture hagiographique. Comment témoigner d’une action
d’éclat exceptionnelle ou comment faire qu’une
bataille devienne une référence de légitimation
du pouvoir royal ? C’est tout l’enjeu du texte de
Guillaume le Breton après la victoire de
Philippe Auguste à Bouvines, qui se trouve dans
le Nord.
59
L E T E M P S D E S S E I G N E U R S E T D E S C AT H É D R A L E S
La bataille de Bouvines en 1214, p. 88
Au XIIIe siècle, on diffuse et on traduit en français des récits historiques jusqu’ici écrits en
latin. C’est ainsi que l’on traduit une histoire des
croisades, une histoire de Charlemagne et de
l’histoire ancienne. Ces textes sont accessibles à
un public laïc. De ce mouvement naît l’idée de
mettre en français une histoire de France quasi
officielle que l’on nomme les Grandes chroniques de France. Cette œuvre a un tel succès
qu’elle est poursuivie jusqu’au début du
XVIe siècle. C’est dans le prolongement de ces
chroniques que prend place le récit de
Guillaume Le Breton consacré à la bataille de
Bouvines. D’origine modeste, Guillaume a
quitté la Bretagne à douze ans, après avoir
appris à parler, lire et écrire. Parvenu à s’introduire dans l’entourage du roi, il s’y rend indispensable. Bouvines fut sa chance. Il perçut le
premier l’importance de cet événement et en fit
aussitôt un compte rendu aussi brillant que
démesuré.
Dès que le duc de Normandie devient roi
d’Angleterre, les relations entre le roi Philippe
Auguste et son riche vassal se tendent. À la première occasion, Philippe Auguste s’empare de la
Normandie et de l’Anjou. Déshérité, le roi
d’Angleterre forme une coalition conduite par
l’empereur Otton IV. Les deux armées composées de chevaliers et de sergents à pied vont
s’affronter un dimanche, le 27 juillet 1214. Dans
un premier temps, l’aile droite française s’engage.
Trois heures plus tard les Flamands sont vaincus
et leur chef, le comte Ferrand, gravement blessé
est fait prisonnier. Le document iconographique
évoque cet épisode de la bataille. Ensuite les rois
eux-mêmes sont, chacun à leur tour, mis en
péril. Les sergents impériaux parviennent à
désarçonner Philippe. Il doit la vie sauve à ses
chevaliers. Une contre-attaque atteint à son tour
Otton IV qui parvient à s’enfuir. L’aile gauche
des coalisés s’incline bien plus tard. La nuit
approche, la victoire est alors complète. Philippe
Auguste se fait acclamer par le peuple le long de
la route qui le ramène à Paris.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Les rois parviennent à agrandir leur domaine
par des mariages, des négociations ou en
faisant des guerres. La guerre contre le roi
d’Angleterre, qui voulait prendre la place du roi
60
de France, dura plus de cent ans. Quand
Louis XI meurt, le pouvoir du roi est plus
fort, le royaume de France est très étendu.
Les crises de la fin
du Moyen Âge ( X I V e - X V e siècle)
LIVRE PP. 90-93
Notions
Guerre de Cent Ans, famine, peste, guerre.
Compétences
• Savoir lire un document iconographique synthétisant les notions centrales de la période.
• Savoir associer un grand personnage historique (Jeanne d’Arc) à une période historique.
Exercices
Cahier CM1 : Les crises de la fin du Moyen Âge, pp. 23-24 ; Jeanne d’Arc, pp. 25-26.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Le retournement de la conjoncture
Après trois siècles d’expansion démographique
et de développement économique, l’Occident
chrétien médiéval connaît au début du XIVe
siècle des signes de crises. Ralentissement des
échanges, baisse du prix des grains et du revenu
des seigneurs, montée du prix des grains en
ville, premières formes de chômage artisanal et
révoltes sporadiques sont des signes, depuis la
fin du XIIIe siècle même, qui indiquent un retournement de tendance économique. Les premières
grandes famines, qui avaient disparu depuis
longtemps, réapparaissent au tournant du siècle,
notamment dans le Languedoc et vers 1306-1310
en Europe. Certaines famines reviennent régulièrement tous les dix ou quinze ans.
À cette crise, qui révèle par ailleurs les carences
dans l’administration encore hésitante du royaume
(ravitaillement défectueux, transports peu pratiques…), s’ajoute la peste noire (1348-1349).
Venue par les rats transportés par les bateaux, la
peste atteint très rapidement l’ensemble du
continent européen. Toutes les villes commerçantes d’Europe sont touchées la première
année, puis très rapidement, en moins de trois
ans, l’intérieur des terres. On estime qu’un tiers
de la population de l’Europe disparaît en cinq ans.
La guerre de Cent Ans
Les origines du conflit
Dans cette conjoncture économique et sociale
bouleversée, se surajoute un problème dynas-
tique français très particulier, symbole du fragile équilibre du pouvoir royal et témoin du
fonctionnement de la féodalité, qui va avoir une
influence désastreuse : la guerre de Cent Ans
(1337-1453).
Lorsque le roi de France Philippe le Bel meurt
en 1314, le pouvoir est confié à son fils,
Louis X, pratique qui remonte à 987 dans la
dynastie capétienne. Mais il meurt deux ans plus
tard (1316) et n’a, fait exceptionnel depuis
Hugues Capet, aucun garçon en descendance.
Le pouvoir est transmis d’abord à l’un de ses
frères Philippe V, puis à la mort de celui-ci, en
1322, à son autre frère, Charles IV qui meurt à
son tour en 1328 sans descendance. Dès lors, la
seule à pouvoir prétendre à la couronne de
France, c’est le quatrième enfant de Philippe le
Bel : Isabelle. Mais elle est mariée à Édouard II,
roi d’Angleterre avec qui elle a un fils :
Édouard III. Pour éviter le départ de la couronne
dans les mains anglaises, les juristes du temps et
de l’entourage royal mettent en place et codifient en 1328 la loi salique qui interdit désormais aux femmes d’hériter du trône. Isabelle est
donc écartée et le pouvoir remis au neveu de
Philippe IV : Philippe VI, comte de Valois. Une
nouvelle branche de la dynastie capétienne
émerge alors : les Valois.
Tout d’abord, la guerre dite de Cent Ans a
duré plus de cent ans (de 1337 à 1453).
Cependant, il est important de comprendre que
61
L E T E M P S D E S S E I G N E U R S E T D E S C AT H É D R A L E S
la guerre ne s’est pas déroulée en continu. Les
opérations militaires, qui ne se déroulaient pas
tous les ans, n’avaient lieu qu’au printemps,
quand la saison le permettait, pour finir en
octobre. Cette guerre est donc une longue suite
de batailles plus ou moins coûteuses en hommes
et en argent.
Déroulement du conflit
La guerre commence lorsque Édouard III, au
nom de sa mère Isabelle, réclame la couronne
de France au moment de son avènement au
trône d’Angleterre en 1337. Pour montrer son
indépendance au roi de France, il rompt l’hommage qu’il lui devait pour la Guyenne. Une
première série de défaites affectent les armées
du roi (Crécy en1346 et Poitiers en 1356), mais
s’ensuit une lente reconquête des territoires
perdus (1356-1380) grâce au commandant en
chef des armées royales, le connétable Du
Guesclin.
La troisième phase de la guerre est à l’initiative
des Anglais qui profitent de la guerre civile en
France qui oppose Bourguignons et Armagnacs,
au moment où le « roi fou », Charles VI, gouverne. La bataille d’Azincourt livre la France
aux Anglais. Sa femme, la reine Isabeau de
Bavière, reconnaît le roi d’Angleterre comme
héritier du trône de France par le traité de
Troyes. Après ce traité, la France est coupée en
trois parties : au sud règne le futur Charles VII,
dauphin répudié par Isabeau, au nord les
Anglais et, au centre-est, le duc de Bourgogne
allié des Anglais.
L’épisode de Jeanne d’Arc
C’est à ce moment précis de l’histoire de
France qu’intervient Jeanne d’Arc. En trois ans
(1429-1431) son ascension et sa chute sont fulgurantes. Elle délivre la ville d’Orléans et fait sacrer
Charles VII à Reims en 1429. Elle meurt au
bûcher de Rouen, brûlée par les Anglais, en 1331,
après un procès en sorcellerie monté de toutes
pièces, qui cache mal un authentique procès politique. Son influence est très forte dans l’entourage
royal, en permettant l’affirmation d’un courant
« français » (jusque-là très flou) dans la définition
de la couronne. C’est cette raison qui fit de Jeanne
d’Arc, au XIXe siècle, l’outil et le symbole (avec
Vercingétorix) de la construction du sentiment
national. La guerre de Cent Ans se termine en
1453, lorsque les troupes royales reprennent le
fief de Guyenne aux Anglais. Incontestablement,
cette guerre a servi à consolider le pouvoir royal,
en permettant, pour financer la guerre, de lever
des impôts permanents : aides (sur les denrées) et
tailles (impôts directs sur les bourgeois et les paysans, la noblesse en est exemptée).
Famines, peste noire, guerre, la trilogie dramatique des XIVe-XVe siècles marquera à jamais
l’image du Moyen Âge, dont les historiens nous
rappellent sans cesse que, derrière cette image,
se cache une réalité plus complexe et moins
noire qu’il importe de faire découvrir aux élèves.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Progression de la peste noire
en Europe, p. 91
Cette carte rend compte de la propagation de
la peste noire. Au début d’octobre 1347 des
vaisseaux génois venus de Crimée débarquent à
Messine leur cargaison, leurs malades et des rats
noirs porteurs de bacilles. Toute l’Italie est
contaminée dans les semaines qui suivent. En
décembre, c’est à Marseille qu’un autre bateau
apporte la maladie. La contagion est favorisée
par l’arrivée de la chaleur. En juin 1348, la
maladie est à Paris. En décembre, elle atteint
62
la Manche et les Pays-Bas sont contaminés.
En 1349, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et
l’Autriche sont touchées à leur tour. En
décembre 1349, elle ravage l’Écosse et la
Scandinavie, et se répand en Europe atlantique,
dans les Pyrénées et en Espagne. Elle réapparaît
avec brutalité en 1360, puis de 1368 à 1370, en
1378, de 1380 à 1383, puis de façon récurrente
jusqu’en 1441. Cent ans de peste ! Après une
relative rémission pendant la Renaissance, la
peste resurgit en force au XVIe siècle. Les dernières grandes pestes en Occident sont celles de
Londres en 1665 et de Marseille en 1720. La
L e s c r i s e s d e l a f i n d u M o y e n  g e ( X I V e- X V e s i è c l e )
disparition de la peste en Europe au XVIIIe siècle
reste mal expliquée.
Texte sur la peste, p. 91
La contagion est imparable : l’haleine à quelques
mètres suffit pour contracter la maladie, à plus
forte raison le toucher. Les habits des malades,
les cadavres gisant dans les rues propagent le
fléau. La maladie frappe surtout ceux qui demeurent dans les villes et ne peuvent les quitter. Les
pauvres moins nourris mais aussi plus entassés
dans de petits logements sont les plus atteints.
Face à ces épidémies, la médecine est totalement
impuissante. Les méthodes les plus efficaces restent la mise en quarantaine, voire l’exclusion. Le
seul moyen d’échapper à la maladie, c’est de la
fuir en quittant la ville ou de s’emmurer dans sa
maison. De nouvelles études minimisent aujourd’hui le rôle des rats. On fait également l’hypothèse qu’un virus aurait pu être à l’origine de la
peste en Occident, sans que l’on puisse réellement le décrire encore.
Trois portraits de Jeanne d’Arc, p. 92
Trois portraits de Jeanne d’Arc illustrent la
leçon consacrée à la guerre de Cent Ans. Le premier est presque contemporain de Jeanne d’Arc.
Le second est réalisé au XIXe siècle, dans l’exaltation nationale du siècle. Le troisième est tiré
d’un des nombreux films consacrés à l’héroïne
d’Orléans au XXe siècle ; ici, il s’agit du film de
Jacques Rivette dans lequel Sandrine Bonnaire
incarne la Pucelle. L’intérêt pédagogique de ces
trois documents est de faire prendre conscience
aux élèves de la postérité du personnage.
Personne réelle au XIVe siècle (alors que beaucoup de zones d’ombre ne sont pas encore
levées historiquement sur qui elle était avec précision), elle est mythifiée au XIXe siècle et
devient un personnage de cinéma au XXe siècle.
Personnage central de l’histoire de France, les
élèves savent souvent beaucoup de choses sur
elle, y compris ce qui relève de la légende (les
voix, la simple bergère…). C’est ce sur quoi il
est important de travailler. Au lieu de faire une
leçon qui ne ferait que redire la légende (invérifiable), il est central de montrer aux élèves et de
les faire réfléchir sur ce que l’on peut savoir historiquement, scientifiquement (voir le récit pour
l’élève, p. 92) et ce qui relève du mythe. Un
autre intérêt de ces trois documents est de montrer, qu’exceptionnellement, une femme est
habillée et se comporte en chevalier, fonction
masculine s’il en est.
Le triomphe de la mort, p. 93
La mort triomphe dans l’imaginaire social de la
fin du XVe siècle, alors que la période des malheurs
est terminée. L’impact dans les consciences est
tel que des générations après, on se souvient,
par la tradition orale, des « malheurs du
temps ». Ici, la mort, qui roule inexorablement
sur son chariot, n’épargne personne, ni le soldat
(la guerre), ni le pauvre (la famine), ni même le
seigneur (la peste) dont on devine la demeure
qui surplombe le paysage de désolation.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Une série de malheurs s’abat sur le royaume : la
famine due aux mauvaises récoltes, la peste
transmise par les rats et la guerre de Cent Ans
qui, à chaque bataille, saccage les campagnes.
La peste fait très peur car on ne sait pas comment elle se propage.
63
Q U AT R I È M E PA RT I E
L E T E M P S D E S D É C O U V E RT E S
Le document présenté en ouverture de partie représente une carte datant du
XVIe siècle. Nous avons choisi de ne retenir que la partie américaine de cette carte,
symbole d’un des événements majeurs de la fin du XVe siècle : la découverte des
Amériques, qui ne sont jamais mentionnées, bien évidemment, sur les cartes du
XVe siècle. C’est une véritable rupture dans les représentations du monde.
Désormais, comme le dit Paul Valéry, le monde fini commence. C’est-à-dire que,
comme du reste les nouveaux programmes le précisent explicitement, l’idée que
les hommes maîtrisent la connaissance d’un monde désormais connu dans sa globalité fait son apparition.
Pour les historiens, l’année 1492 marque en effet la fin du Moyen Âge et le début
de l’ère moderne (jusqu’en 1789). Pour autant, si la découverte de l’Amérique est
une rupture fondamentale, cette année est aussi importante en raison du fait que
plusieurs événements majeurs ont lieu dans le même temps. En 1492, les armées
espagnoles prennent Grenade et mettent fin à la Reconquista et au dernier royaume musulman sur la terre d’Espagne. Signe que l’époque n’est plus à la tolérance
prônée par l’Espagne médiévale des trois religions, la reine Isabelle la Catholique
expulse de son royaume de Castille les Juifs d’Espagne et, avec eux, toute la
culture médiévale tolérante arabe et juive.
64
La découverte
d’un nouveau monde
LIVRE PP. 96-99
Notions
Civilisation, rencontre entre deux mondes, génocide, massacre, conquistadores, colonie,
conquête, conséquences des grandes découvertes.
Compétences
• Analyser une période historique à travers le regard de l’autre.
• Savoir analyser des documents iconographiques.
• Repérer les principaux voyages de découverte (Magellan, Vasco de Gama, Colomb…).
Exercices
Cahier CM1 : À l’époque des grandes découvertes, pp. 27-28 ; la découverte d’un nouveau
monde, pp. 29-30.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Une rencontre entre deux mondes
D’abord, il s’agit d’un événement sans précédent
et unique. Deux systèmes de civilisations coexistaient sur le globe sans que jamais aucun des
deux ait eu connaissance de l’autre, même si
aujourd’hui il faudrait nuancer cette affirmation
– de nombreux signes montrent que les Vikings
du IXe siècle ont poussé suffisamment loin leurs
expéditions pour atteindre les côtes américaines.
Pour autant, ce que l’on appelle la découverte
des Amériques, c’est bien le moment où, à la
fois, l’on découvre et l’on prend conscience de
l’importance de l’événement. En ce sens il s’agit
bel et bien d’une rencontre. Christophe Colomb
découvre les Caraïbes et les Antilles ; Cabral le
Brésil (1500) ; Cortés se lance à la conquête de
l’Empire aztèque en 1519 et Pizarro dans celle de
l’Empire inca (1530). La surprise des Espagnols
n’a d’égale que celle des Amérindiens. Il s’agit
d’un moment exceptionnel de l’humanité. Dans
le découpage traditionnel de l’histoire, cette date
de 1492 correspond à l’avènement de l’époque
moderne. La même année, la Reconquista
(action de reconquête entreprise par les chrétiens
aux dépens des terres musulmanes d’Espagne)
est accomplie, alors que la reine Isabelle la
catholique expulse les juifs de son royaume.
Les Européens circulent de mieux en mieux sur
les mers grâce aux portulans (cartes maritimes)
qui leur permettent de s’éloigner davantage des
côtes, au gouvernail d’étambot qui permet une
navigation plus souple et plus précise, mais
aussi grâce à la construction de la caravelle aux
voiles adaptées à la haute mer. Les récits de
Marco Polo (commerçant vénitien) inspirent
ceux qui veulent rallier l’Asie par voie maritime. Les marins cherchent de l’or, denrée rare
en Europe, pour dynamiser les échanges. La
vente des esclaves finance les voyages. Les
Indes sont un objectif pour ces voyageurs navigateurs, avides de trouver la voie maritime des
épices, plus rapide que la voie terrestre. C’est
dans cette quête qu’interviennent le voyage de
Christophe Colomb et sa rencontre avec les
Amérindiens.
Une tragédie pour le Nouveau Monde
Mais cette rencontre constitue une authentique
tragédie. Comme le dit Le Clézio, il s’agit de la
rencontre entre un rêve ancien (le retour des
dieux, nostalgie des origines) et un rêve moderne
(désir de puissance et de conquête). Pour beaucoup d’historiens, la découverte se solde par l’un
des plus grands génocides de l’histoire de l’humanité. En à peine quarante ans, des millions
d’hommes et de femmes des civilisations mayas,
incas, aztèques ou quichuas disparaissent. Massacres, mises en esclavage et rupture de l’équilibre
épidémiologique sont les trois éléments de cette
65
L E T E M P S D E S D É C O U V E RT E S
tragédie. Lorsque Christophe Colomb arrive sur
les côtes des Caraïbes et des Antilles, il découvre
une population de près d’un million d’Indiens.
Lorsque Las Casas, principal pourfendeur de la
domination catholique dans les nouveaux
mondes, évoque la population amérindienne des
Antilles et des Caraïbes, il parle de 8 000 habitants tout au plus… La puissance européenne
(coloniale, économique et politique) s’est faite
sur la ruine de riches et savantes civilisations. Et
c’est pour cela que la date de 1492 est importante : le monde le plus puissant militairement et
le plus riche a détruit des civilisations qui
n’étaient pas du tout prêtes à faire face aux armes
des conquistadores. Pour longtemps, l’Europe se
construit ainsi un empire colonial et un système
reposant sur l’esclavage outre-Atlantique.
La découverte des Amériques va relancer un
mode de fonctionnement presque totalement
abandonné dans l’Occident chrétien : l’esclavage. Dans un premier temps, on envisage l’arrivée en Espagne d’Amérindiens. Mais le projet
échoue après une expérience malheureuse en
1495. De plus, du fait du choc microbien, les
Indiens disparaissent très vite. Une maind’œuvre de remplacement est trouvée avec les
peuples africains. Le premier « voyage » de
déportation d’esclaves vers les terres colonisées
par les Espagnols a lieu en 1502. D’abord limité
en raison des faibles capacités de transports, le
nombre d’esclaves déportés ne cesse d’augmenter. Les chiffres avancés par les historiens font
état de plus d’un million d’Africains transportés
entre 1502 et 1650.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Massacre des Amérindiens
et d’Atahualpa, pp. 97 et 98
Avant la conquête, l’histoire aztèque s’écrit par
des dessins stylisés et des pictogrammes joints à
un texte, sans être une illustration. Ils ont leur
logique propre. Après la conquête, ce système de
notation se perpétue, pour mieux témoigner de
son temps. La plupart des témoignages aztèques
de la conquête nous sont parvenus par l’intermédiaire des Espagnols et notamment des religieux.
C’est l’histoire de la conquête vue par les vaincus. Sur tous, on y lit la cruauté du massacre, les
profanations de lieux religieux et l’incompréhension des Amérindiens ayant cru accueillir
leurs dieux (voir les extraits de textes contenus
dans le récit de l’élève). Sur le dessin de la
page 97, on repère très bien les larmes jaillissant
des yeux de la population civile amérindienne et
le regard presque amusé ou impassible du
conquistador qui met le feu à la maison devenue
piège. Sur celui de la page 98, on peut noter égaDossier
CHRISTOPHE COLOMB
Dans cette double page, il s’agit de percevoir
ce qui, dans l’aventure de Christophe Colomb,
appartient au passé et au présent. Christophe
66
lement que le supplice qu’infligent les conquistadores aux Indiens d’Amérique se double d’une
volonté de christianisation. Atahualpa doit mourir, mais avec un crucifix entre les mains.
Combats entre conquistadores
et Aztèques, p. 99
La guerre est omniprésente sur les codex. Ces
documents révèlent également que la réalité historique ne fonctionne pas en noir et blanc : les
bons et les mauvais, comme les élèves y sont
naturellement portés. Ce document vient nuancer le texte mis à disposition des élèves et doit
lui être confronté. Des Amérindiens ont pu être
utilisés comme supplétifs des armées catholiques contre d’autres peuples. Cette réalité ne
doit pas être occultée, ce qui ne justifie aucunement, en retour, la conquête et ses atrocités. Il
s’agit simplement de construire chez l’enfant
une compréhension à la fois simple et nuancée
d’une situation historique.
PP. 100-101
Colomb est encore un homme du Moyen Âge.
Superstition, imaginaire féodal sont présents
dans son récit. Mais c’est aussi un homme
La découverte d’un nouveau monde
de son temps, un humaniste prêt aux découvertes les plus extraordinaires.
Un autre aspect transparaît dans le récit : celui
de la tolérance a priori de Christophe Colomb
pour les hommes et le peuple qu’il découvre.
Effectivement, Colomb, arrivé aux Antilles,
ne porte pas de regard dégradant sur les
Amérindiens qu’il continue à voir comme des
Indiens. Quand il écrit qu’ils sont beaux et que
leurs cheveux sont lisses, c’est certainement
comme s’il faisait le récit de la découverte du
Paradis. Ce n’est qu’à son retour en Europe et
lors de ces trois autres voyages que le navigateur a pris conscience des richesses et des
profits que ces nouvelles terres allaient apporter. La mise en esclavage des premiers
Amérindiens dès 1497-1498 s’inscrit dans
cette prise de conscience européenne des
richesses promises.
Christophe Colomb aborde
le Nouveau Monde, p. 100
Pour comprendre ce document, il convient de
se souvenir des récits indigènes de la rencontre que l’on trouve aux pages 97 et 98 du
livre de l’élève. Le malentendu est total.
La gravure de Théodore de Bry raconte cent
ans plus tard (1594) l’arrivée de Christophe
Colomb dans une île des Antilles (Haïti). Dans
ce tableau, l’artiste a fait un condensé du journal de bord de Christophe Colomb. Les
mêmes émotions y sont décrites. On mènera
une réflexion avec les élèves sur les attitudes
de chacun des personnages. Les Indiens
offrent un objet en or à Christophe Colomb.
L’artiste a accordé de l’importance aux personnages qu’il présente de façon conventionnelle et aux caravelles qu’il place dans un
décor imaginaire.
Les grandes découvertes
maritimes, p. 101
On retrouve sur la carte le premier voyage de
Christophe Colomb en 1492-1493 : parti de
Palos au Portugal, il est arrivé à Cuba puis à
Haïti. Amerigo Vespucci entreprend des expéditions pour explorer le Nouveau Monde
découvert par Christophe Colomb à sa suite
pour le compte du Portugal. En 1502-1503, il
cartographie la côte du Brésil et démontre que
Christophe Colomb n’a pas atteint les Indes
mais un nouveau continent. Vasco de Gama
quitte le Portugal le 8 juillet 1497, contourne
l’Afrique, franchit le cap de Bonne-Espérance
et se dirige à l’est, vers l’Inde. Il aborde près
de Calicut en 1499. En 1519, Magellan décide
de faire le tour du monde. Il quitte l’Espagne
et se dirige vers l’ouest, longe l’Amérique du
Sud, la contourne par un détroit qui, depuis,
porte son nom et débarque aux Philippines
après avoir navigué dans le Pacifique. Il est
tué aux Philippines, mais son équipage traverse l’océan Indien, contourne l’Afrique et
revient en Espagne en 1522.
Éléments pour une synthèse
À la recherche d’un chemin plus rapide pour
atteindre l’Inde, Christophe Colomb part vers
l’ouest et découvre l’Amérique. Il ne trouve
pas d’or mais des plantes inconnues en
Europe : des avocats, du cacao, des tomates et
du maïs.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
En 1492, Christophe Colomb arrive en Amérique et découvre des peuples inconnus des
Européens. Les Amérindiens comprennent que
les Espagnols sont venus pour les conquérir
et piller leurs richesses. Ils sont considérés
comme des esclaves. De grandes civilisations
disparaissent. Les premières colonies se développent.
67
L E T E M P S D E S D É C O U V E RT E S
L a R e n a i s s a n c e e n E u r o p e LIVRE PP.
(XVIe siècle)
102-107
Notions
Renaissance, catholiques, protestants, rayonnement culturel (Italie), artistes, perspective,
livre imprimé.
Compétences
• Savoir repérer les grandes ruptures entre le Moyen Âge et la Renaissance
(humanisme, perspective, diffusion des connaissances par le livre, lecture individuelle
de la Bible…).
• Avoir une lecture fine de documents iconographiques.
• Savoir confronter des documents.
Exercices
Cahier CM1 : La Renaissance, pp. 31-32 ; la Renaissance en Europe, p. 33.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Le XVIe siècle s’affirme comme le siècle des
« novelletés ». Les bornes chronologiques que
l’on peut avoir en tête vont de 1453 (fin de la
guerre de Cent Ans) à 1572 (massacre de la
Saint-Barthélemy). Durant cette vaste période,
on assiste à des changements culturels rapides et
radicaux. La période qui s’étend de 1450 à 1570
est une période d’expansion économique. Les
excédents financiers sont captés et utilisés par le
roi et la noblesse, y compris par l’Église, mais
aussi par une bourgeoisie en plein essor. De
1450 à 1570, on assiste également au renforcement des États partout en Europe. Ce renforcement de l’autorité royale s’explique par le rôle
nouveau de l’idéologie royale et de la propagande ; par le poids de plus en plus important de
l’administration et de la centralisation ; et aussi,
en France comme en Europe (voir le dossier sur
l’imprimerie, pp. 108-109), par la diffusion du
français – ou des langues dites vulgaires – comme
langue officielle. D’autre part, de 1450 à 1570,
c’est aussi l’époque de la diffusion accélérée
des idées et des arts, grâce à l’imprimerie,
aux universités et aux échanges intellectuels.
C’est en Italie, centre principal de la
Renaissance, qu’est développée l’idée d’une
« Rinascità », vécue comme un retour à l’âge
d’or de l’Antiquité.
68
L’humanisme
L’humanisme émerge au XVe siècle en Italie,
grâce à la reprise d’anciens débats médiévaux
déjà connus sous Averroès, dans l’Espagne
musulmane et dans toutes les capitales arabes,
concernant les rapports entre la foi et la raison,
la croyance et la science. Maïmonnide, Averroès
et Thomas d’Aquin, voilà l’héritage médiéval.
Parallèlement, on redécouvre l’Antiquité grâce
à de nouveaux travaux de traduction. On lit
Plaute, Cicéron et surtout Platon. Dans ce
renouveau intellectuel européen, des personnalités émergent. Pietro Pomponazzi (1462-1525),
par exemple, fait l’hypothèse d’une humanité
sans Révélation, sans au-delà, indépendante du
Mystère chrétien, sans Vérité suprême : une
humanité posée là. Pour lui, on ne peut
connaître Dieu, donc soyons humains en reconnaissant nos faiblesses et nos doutes – la même
démarche avait valu à Averroès de sérieux
ennuis avec la censure du nouveau pouvoir.
L’humanisme est une esthétique, c’est-à-dire
que les humanistes considèrent que la contemplation du beau est un moyen de connaissance à
part entière, sachant que la « plus parfaite créature de Dieu », c’est la beauté humaine.
L’humanisme est aussi une foi dans la science
comme moyen de connaissance. Cette science
La Renaissance en Europe (XVIe siècle)
nouvelle s’exprime pleinement à travers l’architecture (proportions équilibrées des masses, harmonies…), les mathématiques, la géométrie,
l’astronomie – Copernic publie la thèse de la
rotondité de la terre et de l’héliocentrisme à
Nuremberg en 1543 : la Terre tourne autour du
Soleil –, la physique et la chimie mais aussi à
travers les sciences de la vie. De ce fait, l’humanisme offre au XVIIe siècle et à des personnalités comme Galilée et Descartes des intuitions
audacieuses et décisives. Mais, plus sûrement
encore, l’humanisme est une éthique. L’homme
est au centre des réflexions. Il peut tout
connaître et, partant, approcher la perfection.
Car l’humanisme favorise l’esprit de liberté,
indispensable à la découverte de la vérité. Par
l’usage de la réflexion, les humanistes consacrent l’esprit critique, notamment par la lecture
individuelle, à commencer par celle de la Bible.
On comprend ainsi que l’humanisme est une
vaste entreprise de remise en cause des hiérarchies terrestres instituées et, principalement, de
celle de l’Église. Car si les humanistes sont
chrétiens, très fermement, de leurs positions
intellectuelles découlent pourtant deux conséquences majeures. D’une part, il faut que la
Parole de Dieu soit enseignée, lue et comprise
dans sa forme exacte ; c’est ce à quoi s’attachent
les nouvelles traductions : retrouver la Parole
vraie, qui n’est pas nécessairement celle de
l’Église. D’autre part, la religion est affaire
d’amour et une affaire personnelle. L’Église
doit être une « mère » qui conseille, non une institution qui ordonne et punit. Les humanistes
prêchent la sincérité de la foi contre la quotidienneté froide de la pratique : chez les clercs,
c’est un séisme.
L’imprimerie : moyen de diffusion
de cette nouvelle culture laïque
La diffusion de l’humanisme se fait par l’imprimerie née dans le second centre important de la
Renaissance européenne : l’Allemagne (en
1500, 236 villes européennes possèdent au
moins un atelier). Ces textes imprimés sont
réservés à une élite intellectuelle sachant lire
dans le texte le latin et le grec. Du même coup,
l’imprimerie va développer ce que l’on pourrait
appeler une authentique « internationale humaniste » avec Pomponazzi, Budé, Érasme et
d’autres, autour de lieux très courus comme
Florence, Venise, Paris, Cracovie ou Nuremberg. On se lit, on s’écrit, on traduit et on
échange. Le parcours intellectuel d’Érasme est
également un parcours géographique : né à
Rotterdam, il change de ville au gré des rencontres et des propositions d’échanges et
d’études (il séjourne successivement à Cambrai,
Paris, Oxford, Cambridge, Rome, Florence,
Padoue, Venise et Bâle). La révolution est là :
avec la naissance du livre que l’on peut avoir
chez soi. Ceux qui peuvent lire vont pouvoir
apprendre par eux-mêmes, loin de toute tutelle.
Véritable affranchissement par rapport à l’Église qui jusque-là avait le monopole de l’écrit,
de sa lecture légitime, de son interprétation et de
son écriture (moines copistes, exégètes,
prêtres...). Pour autant, savoir lire reste le privilège d’une élite sociale. La grande majorité des
Européens est analphabète.
La renaissance artistique
Mais la Renaissance, c’est aussi, bien sûr, les
arts. La péninsule italienne fut le « grand atelier » autour du quattrocento. La renaissance
artistique est liée à l’humanisme car, si l’art
médiéval avait pour objectif de proclamer les
vérités de l’Église, l’art de la Renaissance a
pour mission de proclamer les vérités de
l’homme. On recherche la réalité, on dessine et
on peint en fonction de son œil : c’est la naissance et l’affirmation de la perspective et de la
proportion. Deux artistes qui font figure de
précurseurs doivent être cités : Brunelleschi
(1377-1446), fondateur de l’architecture nouvelle (dôme de la cathédrale de Florence), et
Donatello (1386-1466), sculpteur à Florence et
ami de Brunelleschi. Mais aussi Giotto, Piero
della Francesca, Mantegna… Mis à part en
France, d’autres foyers européens existent aux
Pays-Bas, où vivent Jérôme Bosch et Pierre
Bruegel l’Ancien, ou dans l’Allemagne du Saint
Empire avec Albert Dürer et Hans Holbein.
Le protestantisme
Dans ce grand bouleversement intellectuel du
début du XVIe siècle, un autre séisme devait
69
L E T E M P S D E S D É C O U V E RT E S
atteindre l’Église. Issu de cette renaissance spirituelle, le protestantisme qui éclate en
Allemagne en 1517 avec Luther, doit être vu
comme le fruit de cette remise en cause humaniste. En effet, si le premier texte de Luther (les
95 thèses parues en 1517) est une violente
charge contre les Indulgences, c’est-à-dire un
système de corruption au plus haut niveau de la
papauté, la Confession d’Augsbourg de 1530
signe les débuts théoriques du protestantisme.
Luther met en valeur la Foi contre la confession
(c’est devant Dieu que l’on se confesse, pas
devant un homme, de toute façon imparfait),
l’Évangile contre la doctrine de l’Église, Dieu
contre le Pape. De plus, Luther prône l’égalité
de tous devant Dieu, quel que soit le grade dans
l’Église ou le statut dans la société. Enfin, nul
besoin du prêtre pour comprendre ce que Dieu
dit et veut : par la lecture en langue vulgaire (pas
en latin) de la Bible, je peux accéder, et tous
avec moi, à la vraie Parole.
Dès lors, on comprend pourquoi le livre est au
centre de ce séisme : il joue un rôle essentiel
dans la diffusion du protestantisme. La Bible est
traduite d’abord en allemand (1522), puis dans
toutes les langues européennes et, du même
coup, accessible à un plus grand nombre. C’est
Calvin qui assure le succès de la Réforme protestante en France et aux Pays-Bas.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
nombreux plis, porte le Christ mort. Elle a le
visage penché vers le Christ nu et une main
ouverte en offrande. Le corps du Christ est dans
la position d’abandon du cadavre. On remarque
une étrange jeunesse de Marie : le temps ne peut
la marquer. Elle accueille toute la souffrance
humaine.
Deux peintures de Venise, pp. 102 et 103
« L’œil du quattrocento », l’expression est de
Michael Baxandall, c’est cette rupture qui est
présentée dans la comparaison, à faire avec les
élèves, entre deux tableaux de Venise : l’un du
XIIIe siècle et l’autre, de Carpaccio, en pleine
Renaissance artistique. Dans le premier tableau,
les proportions des personnages répondent à
l’ordre symbolique de leur poids dans la Cité
voulue par Dieu : les magnats (à droite) sont
plus grands que d’autres personnages pourtant
plus proches. L’image se lit de haut en bas, sans
perspective. L’espace ainsi représenté est un
espace symbolique des rapports sociaux où le
désir de vérité est remplacé par le souci de correspondre à l’organisation du monde voulu par
Dieu. En revanche, dans le second tableau, le
peintre Carpaccio s’autonomise par rapport à la
représentation du monde voulue par Dieu. Il
dessine ce que lui voit, en accord avec les lois
de la perspective.
Texte de Léonard de Vinci, p. 104
À la Renaissance apparaît la perspective géométrique linéaire qui s’organise à partir de l’œil
du spectateur. La représentation de la profondeur est donnée par la diminution de la taille des
objets et la convergence de lignes, en un point
de fuite situé sur la ligne d’horizon. Léonard de
Vinci va franchir un pas décisif en élargissant la
définition de la perspective à la notion de couleur et à celle de ligne. Déjà perceptible dans ses
premiers paysages, c’est dans le tableau de la
Cène qu’il explore les trois dimensions de la
perspective : la taille, les nuances de couleur, la
précision.
La Pietà par Michel-Ange, p. 104
Qu’est-ce qu’une pietà ? C’est un tableau ou
une sculpture représentant la Vierge tenant sur
ses genoux le corps du Christ descendu de la
croix. Cette pietà se trouve à l’intérieur de la
basilique Saint-Pierre de Rome. C’est une
sculpture faite à partir d’un seul bloc de marbre.
Marie, jeune femme assise vêtue d’une robe à
Le système de Copernic, p. 105
Astronome polonais, Copernic est le premier à
décrire un univers héliocentrique dans lequel la
Terre tourne autour du Soleil et autour de son
axe. Il commence ses études à Cracovie où il
s’intéresse à l’astronomie. Replongeant dans
les manuscrits des philosophes de l’Antiquité,
il découvre qu’une tradition héliocentrique
70
La Renaissance en Europe (XVIe siècle)
existait déjà à cette époque. De plus, il a certainement pris connaissance des travaux des astronomes arabes. Ses observations personnelles et
ses calculs finissent de le convaincre de la
justesse de son point de vue. Il consigne ses
idées en 1514 dans un traité qui va profondément modifier la pensée philosophique et scientifique. Sur la gravure du XVIIe siècle, on perçoit
très nettement le Soleil au centre autour duquel
tourne la Terre. À chaque rotation, la Terre est
représentée quatre fois, présentant chaque fois
une face différente.
Couverture d’un roman
de chevalerie, p. 106
Le mot « roman », avant d’évoquer un genre littéraire, est d’abord utilisé pour désigner une
langue : la langue vulgaire par opposition à la
langue savante, le latin. Le genre et la langue
sont donc liés. Les premiers romans sont inspirés par des sujets antiques (Le Roman de Troie,
Le Roman de Thèbes…). Parallèlement, se
développe une littérature romanesque dont les
héros appartiennent au monde de la chevalerie.
Certains romans de chevalerie, comme Amadis
de Gaule qui servira de modèle à Don
Quichotte, connaîtront un grand succès au XVIe
et au XVIIe siècle.
Protestants et catholiques
face à face, p. 107
Il s’agit d’une gravure protestante. En analysant
chaque élément de la gravure, on peut faire
deviner le camp auquel appartient l’auteur. Un
autre moyen pédagogique peut être de dire aux
élèves que cette gravure a été réalisée par des
protestants et que l’objet de l’étude du document
Dossier
L’ I M P R I M E R I E
La double page consacrée à l’imprimerie a
pour objectif principal de mettre en avant la
nouveauté considérable et la rupture essentielle
que constitue l’apparition du livre dans
l’Europe occidentale de la fin du Moyen Âge
et de la Renaissance. Nous entendons faire
est de trouver pourquoi on le sait. Deux parties fixent la scène. À gauche, on peut voir
l’Église, faite de hiérarchies terrestres, des
gens à genoux devant celui qui semble être
le pape, des couronnes, des bijoux, de la
richesse. À droite au contraire, la sobriété des
vêtements tranche avec le blanc et les ornements du groupe de gauche, nulle hiérarchie
apparente, la simplicité des positions et la
tranquillité affichée par des discussions discrètes. Au centre enfin, se tient une balance –
que les élèves repèrent vite comme étant celle
de la justice ou de la Justice divine, ce qui est la
même chose pour les protestants. Les personnages de gauche tentent à tout prix – y compris
par la triche et par la présence d’un diable –
de faire pencher la balance de leur côté alors que
le groupe de droite, sûr de sa victoire,
contemple les vains efforts catholiques. Car
qu’y a-t-il sur la balance côté protestant ? La
bible, la simple bible posée sur un des plateaux
qui, contre toute évidence physique, devrait être
moins lourde que l’acharnement catholique, la
triche, le diable, la papauté et sa hiérarchie,
ainsi qu’un volume d’écrits (sans doute des
bulles papales : des décisions du pape consignées par écrit). La Parole de Dieu vaut
infiniment plus que tout le reste. Apprendre
à lire, c’est donc bien se moquer des hiérarchies prétentieuses. C’est aussi à peu près
dans les mêmes termes que s’exprimaient
les rédacteurs des programmes de l’école
publique sous le ministère de Jules Ferry, dans
les années 1874-1875 (voir le dossier consacré à
l’école, pp. 184-185)… Ou comment une gravure du XVIe siècle peut devenir un sujet de
discussion d’éducation civique sur le rôle de la
lecture.
PP. 108-109
distinguer aux élèves un « avant » et un
« après ». Les deux documents sont là pour
insister sur cette évolution majeure.
Vers 1450, un peu partout en Europe, on voit circuler des livres qui, dans leurs aspects immédiats,
71
L E T E M P S D E S D É C O U V E RT E S
semblent identiques aux autres. Mais l’on dit
d’eux qu’ils sont « imprimés » avec l’aide d’une
presse et des caractères mobiles. S’ouvre alors
une époque nouvelle pour la production et la
diffusion des livres. Des ouvrages patiemment
rédigés à la main, le plus souvent dans des
monastères, détenteurs du monopole légitime de
la parole divine, on passe à une véritable industrie
du livre qui bouleverse non seulement le mode de
fabrication mais aussi la diffusion du livre, les
usages de la lecture et la place du latin dans les
sociétés européennes au bénéfice des langues
dites « vulgaires », c’est-à-dire des langues nationales.
Mais, plus que tout, c’est le rôle social de la
lecture qui est privilégié dans le récit : qu’estce que lire ? À quoi cela sert-il ? Pourquoi estil important d’apprendre à lire ? Tous ces
enjeux propres à cette époque où l’on s’affranchit de la tutelle de l’Église peuvent être
compris aujourd’hui par les élèves de CE2 ou
de CM confrontés à la construction de cet acte.
Moine copiste, p. 108
Dans l’isolement et la retraite de sa cellule
monastique, le moine recopie à la main les
ouvrages. Dans le chapitre consacré à la naissance de l’écriture, on a pu constater que les
scribes de Mésopotamie ou de l’Égypte
ancienne avaient un grand pouvoir ou étaient
des artistes reconnus. Ce n’est pas le cas des
moines copistes du Moyen Âge. Cependant,
ils vont développer l’art de la calligraphie.
Progressivement, ils vont abandonner le papy-
rus, cher et fragile, et lui préférer le parchemin
en peau de veau ou de mouton. Le vélin est un
parchemin de très grande qualité obtenu à partir de peau de veaux très jeunes, il restitue
admirablement l’éclat des couleurs utilisées
dans les éléments décoratifs. Les feuilles de
parchemin sont reliées. C’est ainsi que sont
nés les premiers livres. Autre avantage non
négligeable du parchemin, les moines copistes
ont pu troquer le roseau qui offrait peu de possibilité contre la plume d’oie. Ils disposent
d’un pupitre incliné et ils mènent souvent
deux manuscrits de front. La décoration (lettrines, enluminures, miniatures) est généralement confiée à des spécialistes.
Un atelier d’imprimeur, p. 109
Dans cet atelier, un travail d’équipe s’organise.
Un ouvrier prépare la page à imprimer en plaçant les caractères dans l’ordre dans une forme
(l’ouvrier du milieu, à droite, sur le document).
Il a sous les yeux un manuscrit qui lui sert de
modèle. À gauche, deux ouvriers s’occupent
de l’impression : encrer les caractères, placer
la feuille, actionner le chariot pour qu’il se
place sous la presse et serrer la presse au
moyen d’une barre de fer. La pression de la
platine produit une impression sur la feuille.
On remonte la platine et on retire la feuille
imprimée, puis on recommence l’opération.
L’ouvrier, au fond à droite, vérifie la qualité de
l’impression de chaque feuille tandis que celui
qui est au premier plan range les feuilles pour
organiser le livre en cours de fabrication.
Éléments pour une synthèse
L’imprimerie est inventée par Gutenberg en
1455 en Allemagne. De nombreux ateliers
s’ouvrent à Lyon et à Paris. Les livres sont
fabriqués plus vite et sont moins chers.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
La Renaissance est une période marquée par le
développement des arts surtout en Italie, des
sciences avec Copernic, des lettres avec
Rabelais. Avec l’imprimerie, la Bible est diffu-
72
sée traduite dans différentes langues. Une nouvelle religion, le protestantisme, apparaît. Elle
est expliquée par Luther en Allemagne et Calvin
en France.
La Renaissance
et la royauté française
LIVRE PP. 110-113
Notions
Architecture, évolution des styles architecturaux, mécénat, cour, le français, langue officielle,
affirmation du pouvoir royal.
Compétences
• Savoir comparer un château du Moyen Âge avec un château de la Renaissance.
• Savoir associer des personnages historiques en lien avec une époque historique (Léonard
de Vinci, François Ier…).
Exercices
fichier CM1 : La Renaissance française, pp. 34-36.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Vers une monarchie absolue
Avec les règnes de Louis XII (1498-1515) et de
son gendre François Ier (1515-1547), la monarchie française connaît une mutation majeure et
s’achemine vers une monarchie absolue. Par
son mariage avec Claude de France (la reine
Claude qui donna son nom, dans les jardins
d’Amboise, à une variété de prune), fille de
Louis XII et d’Anne de Bretagne, François Ier
agrandit le royaume par l’acquisition définitive
de la Bretagne. Reprenant la tradition inaugurée
par Louis XI en matière d’unification du
royaume et de centralisation des pouvoirs, il
poursuit le développement des postes royales, là
où, sous Louis XI, elles n’étaient qu’à leur état
embryonnaire et quasi privées. Tout le souci de
François Ier est la consolidation de la royauté.
L’extension du français dans tous les actes officiels par l’ordonnance de Villers-Cotterêts
(1539) va dans ce sens. La langue d’oïl parlée
au nord de la Loire, celle de la Cour, devient la
langue officielle contre le latin de Rome. Mais il
convient d’être prudent : cette langue officielle
n’est pas la réalité linguistique de la France du
début du XVIe siècle. Les Français parlent la
langue de leur région, voire de leur microespace (vallée, terroir…).
La royauté bénéficie en ce début du XVIe siècle
d’une conjoncture économique tout à fait remarquable, condition sine qua non de l’union du
peuple au souverain. L’économie est prospère et
l’on ne note pas de famine. Plus que jamais,
l’agriculture est la première richesse de la
France. De plus, le développement du commerce
s’affirme avec vigueur. L’afflux des métaux précieux comme l’or et l’argent dynamise les
échanges ainsi que l’industrie et l’artisanat. Les
villes citées dans le récit destiné à l’élève sont
tournées vers le commerce atlantique. Il peut
être utile en classe de faire le lien avec les
grandes découvertes. L’établissement des colonies, et les conséquences humaines qui en
découlent (exploitation, asservissement...), a
fait notre richesse européenne.
François Ier et la Renaissance en France
Au cours du XVIe siècle, la France est le lieu
d’enracinement d’une Renaissance singulière.
C’est en France que la Renaissance italienne et
allemande va avoir l’influence la plus profonde.
La tradition scolaire a voulu faire de Marignan
(1515) l’incarnation de la splendeur militaire de
ce jeune roi empreint de l’esprit chevaleresque
persistant. Certes, Marignan est la réappropriation d’un long héritage royal de guerres menées
en Italie – préparées et conduites dès 1492-1494
par Charles VIII et Louis XII, les deux prédécesseurs de François Ier – afin de conquérir le
royaume de Naples et le duché de Milan. Mais,
si Marignan est une victoire – provisoire, car la
défaite à Pavie, en 1525, suit de près –, c’est
73
L E T E M P S D E S D É C O U V E RT E S
aussi l’événement qui permet aux Français de
découvrir les splendeurs de la Renaissance italienne. Dès cette date, des œuvres sont achetées
ou volées, copiées ou moulées (pour les sculptures) ; mais surtout, François Ier entame une
politique de mécénat sans pareil à l’époque pour
un prince royal, préfigurant ce que sera l’âge
d’or du mécénat au XVIIe siècle dans les monarchies européennes en pleine affirmation.
Véritable carrefour entre l’action politique et la
création littéraire, le mécénat est utilisé par
François Ier comme un outil à part entière de la
gloire royale. Il invite en France, à la cour,
l’élite artistique de l’Italie. Léonard de Vinci en
est l’exemple le plus illustre. L’influence sur
l’art français est telle que, de toutes parts en
Europe, on rejoint « l’école de Fontainebleau »
où se côtoient artistes et mécènes privés.
Mais cette politique conjointe de mécénat et de
consolidation de la puissance royale française
est indissociable des conditions géopolitiques
du temps. De 1519 à 1559, la France est
confrontée à l’empire Habsbourg de Charles
Quint, dont les possessions (royaume
d’Espagne, toute l’Europe centrale à l’est des
frontières françaises, y compris les Pays-Bas
espagnols, la Franche-Comté et l’Italie du
Nord) encerclent le royaume. Le retrait politique de Charles Quint pour un monastère en
1556 et le traité de Cateau-Cambrésis de 1559
mettent fin provisoirement au conflit francoespagnol.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
(pour de faux) une forteresse : voilà les jeux des
jeunes seigneurs. Le prince, devenu roi, perpétuera cette tradition chevaleresque au cours des
guerres d’Italie.
L’ordonnance de Villers-Cotterêts, p. 110
Il s’agit de la première francisation des actes
officiels. L’article 111 est très célèbre mais il a
néanmoins besoin d’être resitué en classe dans
le contexte de l’époque. Il est rédigé principalement pour éviter tout doute et toute ambiguïté
lors des procès et des actes de justice. C’est
donc un souci d’efficacité juridique et administrative qui préside à sa rédaction, mais aussi une
volonté de rendre plus évidente l’autorité
royale, moins soumise à discussion, du fait
d’une unification des procédures au moment où
l’écrit, grâce à l’imprimerie, supplante l’oral.
Cette francisation s’inscrit également dans le
mouvement humaniste de ce début du XVIe
siècle, où la langue maternelle s’affirme aux
dépens du latin et du grec.
Chambord, pavillon de chasse
de François Ier, p. 112
Ce château constitue une rupture avec les modes
de construction des règnes précédents. Même
s’il garde un donjon, des douves et quatre tours
seigneuriales ornées de coursières en encorbellement – ce qui le rattache aux forteresses
médiévales –, le château de Chambord est une
sorte de manifeste artistique de la Renaissance.
Il a été construit sur l’ordre de François Ier. Orné
de salamandres et des initiales du roi, il est l’expression de la gloire du roi et de sa puissance.
Portrait de François Ier, p. 111
François Ier incarne l’idéal chevaleresque de
l’aristocratie du XVIe siècle, à l’heure où, précisément, cet esprit chevaleresque est en déclin,
où la pacification progressive des seigneurs
(loin de l’agitation féodale des XIe-XIVe siècles)
et la discipline des corps et des mœurs (quoique
relative…) s’enracinent. Né en 1494, François
est élevé à Amboise, son éducation est à la fois
intellectuelle, physique et sportive. Jouer à la
guerre, savoir monter à cheval, savoir prendre
Ce château est percé d’innombrables ouvertures.
Son harmonie, ses fenêtres à carreaux, ses galeries à larges ouvertures, la profusion de cheminées, les tourelles chargées de sculptures et les
symétries révèlent les influences des architectes
italiens. On doit sans doute à Léonard de Vinci
la conception de l’escalier à double révolution,
pièce maîtresse du château. Commencée en
1519, la construction se prolonge jusqu’en
1533. On est très loin du « simple » pavillon
de chasse qu’il devait être à l’origine et dont
74
La Renaissance et la royauté française
témoignent les tentures du château. La démesure de cet édifice (440 pièces, 84 escaliers,
365 cheminées…) explique également qu’il ne
sera jamais un château d’habitation. On y venait
pour les chasses ou les grandes réceptions.
François Ier lui-même y a vécu moins de six
semaines (42 jours) en trente-deux ans de règne…
occupations : peindre l’âme et atteindre la perfection. Cette double tension, liée à une technique parfaitement maîtrisée, le conduit à
réaliser le visage et le paysage complètement
idéalisés de La Joconde. Léonard de Vinci
meurt au Clos-Lucé le 2 mai 1519 dans les bras
de François Ier, selon la légende.
Croquis de Léonard de Vinci, p. 112
Léonard, peintre, sculpteur, savant, ingénieur,
architecte est né à Vinci en 1482, d’où son nom :
Leonardo da Vinci. Dès l’âge de quatorze ans, il
apprend la peinture, la sculpture, l’orfèvrerie
mais aussi les mathématiques, la perspective et la
géométrie à Florence dans l’atelier d’un maître
célèbre : Verrocchio. Durant cette période, il réalise avec la participation de divers artistes, et
peut-être de Verrocchio lui-même, ses deux premiers chefs-d’œuvre : L’Annonciation et Le
Baptême du Christ. Déjà célèbre en 1483, il est
appelé à Milan par le duc Sforza.
François Ier recevant un tableau, p. 113
François Ier montre tout au long de son règne de
l’intérêt pour les artistes et leurs œuvres. Il
cherche à enrichir les collections d’œuvres d’art
laissées par ses prédécesseurs. Il entend par
ailleurs embellir les différentes demeures qu’il
occupe avec la Cour en s’entourant d’artistes
principalement italiens. Il invite Léonard de
Vinci qui sera l’un des architectes de Chambord.
Dès 1527, un groupe d’artistes entreprend
l’aménagement du château de Fontainebleau.
Dans cette équipe, architectes, maçons, peintres,
sculpteurs et décorateurs travaillent ensemble. Ce
groupe prendra le nom d’ « école de Fontainebleau ».
Son insatiable curiosité le pousse à traiter tous
les sujets dans ses dessins : études de la nature,
dessins du corps humain, esquisses scientifiques
(l’homme volant), études d’architecture (escalier à double circulation), études de monstres
fantastiques et de machines de guerre… Sa
connaissance de l’anatomie, de la lumière et de
diverses réactions chimiques le conduisent à
mettre au point une nouvelle technique de peinture : le « sfumato ». Il superpose des couches
de peinture de couleurs transparentes (des glacis) qui lui permettent de rendre très subtilement
le modelé des visages. Il est hanté par deux pré-
La scène représentée dans ce tableau nous
montre le roi au moment où il reçoit La Sainte
famille de François Ier réalisé par Raphaël
(1518). Avec Michel-Ange et Léonard de Vinci,
Raphaël est l’un des trois « Titans » de la
Renaissance – selon le mot de Vasari. Cette
même année 1518, le pape Léon X offre à
François Ier Saint Michel terrassant le dragon
peint également par Raphaël. L’archange
Michel, protecteur des rois de France, symbolise l’entente de François Ier et du pape.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Pendant les guerres d’Italie, François Ier découvre
les artistes italiens. Le roi devient un mécène. Il
achète des œuvres d’art et s’entoure d’artistes
venus de toute l’Europe. Léonard de Vinci a vécu
les dernières années de sa vie au bord de la Loire
qu’il a cherché à rendre navigable.
75
L E T E M P S D E S D É C O U V E RT E S
Les guerres de Religion
et Henri IV (1559-1610)
LIVRE PP. 114-117
Notions
Protestantisme, guerre civile, tolérance/intolérance, absolutisme, abjuration.
Compétences
• Savoir commenter une image en la confrontant à un autre document.
Exercices
Cahier CM1 : Les guerres de Religion et Henri IV (1559-1610), p. 37.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Après la mort accidentelle d’Henri II, le fils de
François Ier, dans un tournoi en 1559, la France,
qui pouvait croire à une période de paix après la
signature, la même année, du traité de paix
franco-espagnol de Cateau-Cambrésis, plonge
dans une grave guerre civile. Elle ne trouve sa
résolution qu’à la toute fin du siècle avec le roi
Henri IV. D’un point de vue pédagogique, il
n’est pas utile d’étudier les guerres de Religion
en détail : c’est un moment très complexe
d’alliances politiques et de retournements de
situations. Pour autant, il est important d’insister sur cette période centrale de l’histoire de
France où l’intolérance religieuse s’impose.
Face à cette intolérance, nous avons choisi
d’évoquer Michel de L’Hospital dans le récit
de l’élève. En effet, Michel de L’Hospital
(1507-1573) fut l’une des plus hautes personnalités de l’époque. Chancelier de France de
1560 à 1573, il fut un des artisans du rapprochement entre catholiques et protestants. Il ne
ménagea aucun effort pour parvenir à une solution négociée et équitable. Il est à l’origine d’un
certain nombre de « pacifications » pendant
les guerres de Religion, ce qui lui vaut la haine
des Guises. Ceux-ci parviennent à l’écarter de
la cour dès 1568, sans que son influence
ne diminue pour autant. Auteur de plusieurs
ordonnances de pacification (1563, 1566), son
influence sera grande également au moment de
la rédaction de l’édit de Nantes qui s’inspire de
son travail inscrit dans la tolérance, la liberté et
le respect.
76
Origines des guerres de Religion
Les origines des guerres de Religion sont de
trois ordres. Tout d’abord on observe la montée
en puissance de la religion protestante, principalement calviniste en France, parmi une frange
influente de l’aristocratie. Ensuite, le corps guerrier des nobles n’est plus en guerre et ne trouve
plus à s’employer depuis la fin des conflits avec
la maison Habsbourg. En effet, CateauCambrésis a démobilisé des milliers de soldats
et de seigneurs rompus depuis des années à la
vie de garnison et aux exactions de la guerre.
Retourner à la vie civile est pour eux impossible.
Ils chercheront et parviendront pleinement à
s’engager dans de nouveaux conflits. Un événement vient cristalliser les tensions existantes : le
massacre de protestants à Vassy, en Champagne,
en 1562, par les troupes de François de Guise.
Enfin, dernière cause, la situation économique et
sociale du pays va favoriser l’exacerbation des
passions politiques – famines à répétition ;
disettes fréquentes ; appauvrissement du monde
paysan qui se tourne vers les villes, lesquelles
connaissent une détérioration de leurs rapports
sociaux ; chômage dans l’artisanat et nombreuses révoltes… Un parti huguenot se forme
alors et, d’un conflit religieux, va déboucher un
conflit authentiquement politique entre deux
factions, représentant deux manières de considérer le pouvoir et l’État royal.
Le massacre de la Saint-Barthélemy
Parmi les grands seigneurs protestants, on
trouve l’amiral de Coligny qui, avec une partie
Les guerres de Religion et Henri IV (1559-1610)
de l’entourage royal dominé par Catherine de
Médicis, tente une réconciliation entre les deux
partis. Ces tentatives de réconciliation débouchent sur le projet de mariage entre Henri de
Navarre, duc de Bourbon (prince cousin des fils
de Catherine de Médicis, protestant), avec
Marguerite de Valois (fille de Catherine et de
Henri II, catholique). Les festivités sont prévues
à Paris pour la consécration religieuse. Mais
l’assassinat de Coligny par le parti catholique
marque le début du massacre de la SaintBarthélemy (24 février 1572). C’est l’entourage
du jeune roi Charles IX et de sa mère Catherine
qui, pris de court par les événements, décide de
céder au parti catholique. Tous réunis à Paris,
les grands nobles protestants subissent l’assaut
des hommes des troupes royales et du peuple.
Ce massacre constitue un séisme majeur, une
fracture que doit affronter Henri III, de 1574 à
1589. La France, divisée en deux, connaît des
guerres sporadiques. D’un côté, le parti protestant sous la responsabilité de Henri de Navarre,
et de l’autre, le parti catholique (la « SainteLigue ») sous la direction de la famille de
Guise et notamment du duc de Guise, Henri le
Balafré.
C’est au moment de l’assassinat d’Henri III que
le conflit est au plus fort. Le seul héritier de la
couronne est Henri de Navarre, plus proche cousin d’Henri III mort sans enfant. Henri de
Navarre décide alors de se faire baptiser dans la
confession catholique après avoir abjuré la foi
protestante. Cet événement doit être moins vu
comme une capitulation devant le parti catholique que comme l’affirmation du souci de sauvegarder l’unité de l’État royal. La guerre se
termine sur la victoire des armées d’Henri de
Navarre qui devient roi en 1594 sous le nom
d’Henri IV.
L’édit de Nantes
Mais le moment central de la leçon sur Henri IV
est bien l’explication de l’édit de tolérance
rédigé et ratifié à Nantes, acte royal essentiel,
qui proclame une tolérance à l’égard des protestants sur le royaume de France (1598). De plus,
cet édit offre aux protestants la possibilité
d’avoir des places fortes, c’est-à-dire des villes
qui assurent leur sécurité, comme La Rochelle,
Cognac, Montpellier, Nîmes, Montauban…
Aujourd’hui, les historiens considèrent que l’édit
de Nantes est inséparable d’une reconstruction de
l’État royal, conçu à la fois comme absolu et arbitral, au-dessus des factions, garant de l’intérêt
commun. L’édit d’Henri IV procède d’un double
mouvement : d’une part il reconnaît une sphère
privée aux personnes vivant sur le sol de France,
et d’autre part, l’État affirme sa pleine autorité sur
les affaires publiques. Autrement dit, la reconnaissance, même limitée, de la liberté de
conscience n’a pas été opposée à la construction
absolutiste du pouvoir : elle en fut même une des
conditions nécessaires. La paix retrouvée dans le
royaume a été un outil de consolidation du pouvoir d’Henri IV en présentant celui-ci comme un
roi miraculeux, au sens chrétien et au sens fort du
terme, à une époque où la crainte du jugement de
Dieu est très forte.
L’accueil de l’édit de Nantes est hostile dans les
milieux catholiques encore proches de la
« Sainte-Ligue » défaite. Le parlement de Paris,
par exemple, ne veut pas enregistrer l’édit.
Henri IV va le défendre le 7 janvier 1599 et finalement l’impose. L’enregistrement de l’édit fut
long à travers les différents parlements de province : Grenoble en septembre 1599, Toulouse et
Dijon en janvier 1600, Bordeaux en février 1600,
Aix au mois d’août 1600 et Rouen… en 1609.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Mariage d’Henri de Navarre
et de Marguerite de Valois, p. 114
Cette gravure anonyme s’inscrit dans la volonté
de réconciliation du parti catholique et du parti
protestant. Involontairement, par naïveté du
trait, le document présente une scène de mariage
où aucune joie et aucun plaisir ne se lisent, et
renseigne par là même sur la véritable nature de
la transaction matrimoniale. Le mariage est un
mariage politique. Il s’agit de se réconcilier
77
L E T E M P S D E S D É C O U V E RT E S
avec une partie de la famille royale, les
Bourbons, acquis à la religion protestante.
Marguerite est « sacrifiée » sur l’autel de la raison d’État.
premières victimes désignées du massacre.
C’est Besme, un mendiant à la solde du duc de
Guise, qui se charge de le tuer. Besme sera luimême tué en 1575 par les protestants.
Massacre de la Saint-Barthélemy, p. 115
L’atmosphère est très lourde en ce mois d’août
1572. Le 22, quelqu’un que l’on repère comme
un proche du clan des Guises tente de tuer
Coligny d’un coup de feu manqué. Le roi
Charles IX et la reine mère Catherine de
Médicis sont assaillis par le parti huguenot qui
menace de se venger durement si le roi ne punit
pas les coupables. C’est là que se produit l’étincelle : la royauté épouse, dans la panique et la
tension la plus extrême, les positions ultracatholiques. Ordre est donné d’exterminer les
protestants réunis pour le mariage. Dans la soirée du 23 août, les exécutions commanditées par
le roi commencent. Elles sont le signal pour la
milice de Paris et la population de l’autorisation
par le roi de massacrer les huguenots : « Les
témoins, même catholiques, même extrémistes
dans leurs convictions, en sont horrifiés, leurs
récits se recoupent et permettent d’imaginer les
gestes d’une foule chauffée à blanc par le fanatisme religieux et les rancœurs matérielles. »
(Janine Garrisson)
Arbre généalogique, p. 116
Cet arbre aide à mieux comprendre le rapport
dynastique qui unit la maison des Bourbons à
celle des Valois. Il est intéressant de constater
que les guerres dites de Religion sont tout autant
des guerres de famille. C’est entre soi, entre
clans aristocratiques, tous liés les uns aux autres, que l’on se combat. La question est la maîtrise du pouvoir et l’idée que l’on se fait du
pouvoir royal. On peut noter que, lorsque la
lignée royale n’a plus de descendant direct, la
crise dynastique débouche sur une crise de
régime. Ce fut le cas lorsque Louis X, en 1316,
n’eut pas de fils pour lui succéder. Après les
Valois, ce sont les Bourbons qui dirigent la
France jusqu’à la fin de la monarchie absolue
(1792).
L’assassinat de Coligny, p. 115
Point de départ de la Saint-Barthélemy, Coligny
n’est pas tué le 22 août – la tentative d’assassinat n’ayant pas abouti – mais le 24 au matin,
pendant le massacre. Il s’agit d’un des personnages politiques très importants du règne de
Henri II. Il ne se convertit au protestantisme
qu’en 1558. Après être devenu un des chefs
militaires huguenots, il retrouve la cour et son
influence entre 1570 et 1572, en vue d’une
réconciliation des deux partis. Il est l’une des
Entrée de Henri IV à Paris, p. 117
Le 16 mai 1593, Henri IV annonce sa décision
de renoncer à la religion réformée. Le 25 juillet,
il abjure solennellement le protestantisme à
l’abbaye de Saint-Denis. Les ralliements au roi
converti se multiplient. Parmi ceux-ci, le gouverneur de Paris et le prévôt des marchands. Le
22 mars 1594, Henri IV fait son entrée sans
combat dans la capitale tandis que les troupes
du roi d’Espagne évacueront Paris quelques
mois. Cette scène inaugure une période d’un
demi-siècle de calme pour la ville. L’œuvre
reproduite dans le livre de l’élève a été réalisée
deux cents ans plus tard. Le peintre François
Gérard, qui en est l’auteur, a connu une certaine
renommée de son vivant.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
La France est divisée entre catholiques et protestants qui se font la guerre. En une nuit
5 000 nobles protestants sont tués. C’est le massacre de la Saint-Barthélemy. Henri IV, prince
78
protestant et futur roi, renonce à sa religion et
devient catholique. Par l’édit de Nantes, il autorise les protestants à pratiquer leur religion.
Louis XIII et Richelieu
(1610-1643)
LIVRE PP. 118-119
Notions
Raison d’État, régence, ministre du roi, fiscalité, absolutisme.
Compétences
• Associer deux personnages importants à une période historique.
• Confronter deux documents de nature différente.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
La raison d’État
Oubliés aujourd’hui des manuels scolaires,
Richelieu et Louis XIII occupaient une place
importante dans l’histoire faite à l’école.
Flanqués, dans nos mémoires scolaires, de la
traditionnelle iconographie de Richelieu regardant les flots démontés sur des pieux de bois,
pendant le siège de La Rochelle, nous avons
oublié de garder pour les élèves ce qui fait l’importance de ce règne : la montée en puissance et
l’affirmation de la monarchie absolue au
XVIIe siècle. Sans ces deux personnages importants, Louis XIV n’aurait pu imposer avec
autant d’assurance sa puissance et, au-delà de
lui, la puissance de l’État monarchique.
La raison d’État, celle qui ne souffre aucune
contestation, est au centre de la leçon. Marqué
par la guerre de Trente Ans (1618-1648), le
règne de Louis XIII est le moment par excellence de l’affirmation de l’autorité royale dans
des temps très difficiles. L’augmentation des
impôts, la recherche de ressources financières et
la mise au pas des grands du royaume récalcitrants et toujours prêts à contester l’autorité
royale – la guerre civile, dite de Religion, n’est
pas si éloignée, quelques années à peine – amènent l’État et son principal ministre, Richelieu,
à subordonner toute décision à l’autorité du roi.
Les débuts du règne de Louis XIII
Louis XIII s’affranchit une première fois de la
tutelle de sa mère, Marie de Médicis, et de son
« fidèle » Concini, en 1617. Jusque-là, le
royaume sous la régence est dominé par une
politique pro-espagnole ce qui, en langage du
temps, signifie pro-catholique. Les protestants
s’inquiètent ouvertement de cette rupture avec
la politique du défunt Henri IV. Lorsque
Louis XIII, à seize ans, affirme sa volonté de
diriger le pays avec son fidèle Luynes, les protestants ne sont pas plus rassurés. Plusieurs opérations militaires de représailles sont menées
contre eux par le roi.
Richelieu
De 1624 à 1630, un autre personnage s’affirme
dans les couloirs du pouvoir après s’être fait
remarquer aux derniers états généraux du
royaume (les derniers réunis avant 1789) :
Richelieu, devenu cardinal en 1622. Il devient
petit à petit le principal allié et conseiller du roi.
C’est sur lui que s’appuie le roi. Principal
ministre, il assure la consolidation du pouvoir
royal à l’intérieur comme à l’extérieur. C’est
Richelieu qui permet à Louis XIII de s’affranchir une nouvelle fois, et définitivement, de la
tutelle maternelle lors de la « journée des
dupes ». Marie de Médicis est de plus en plus
inquiète de la politique extérieure de Richelieu,
prêt à combattre les puissances catholiques.
Louis XIII, contre l’avis de sa mère, garde
Richelieu contre le parti dévot, très catholique.
Le renforcement de la monarchie
À l’intérieur, Richelieu oriente l’ensemble de la
politique royale. C’est le sens de cette phrase
extraite du récit des élèves (p. 118) : « Il exige
l’obéissance de tous : grands nobles mécontents, femmes accusées de sorcellerie, protestants de La Rochelle, paysans révoltés ou
79
L E T E M P S D E S D É C O U V E RT E S
voleurs de grand chemin […]. » La politique
royale à l’égard des grands nobles s’explique
par le fait que Richelieu souhaite réduire la
noblesse prête à l’action politique et à la conspiration, souvent réunie autour du propre frère du
roi, Gaston d’Orléans. Les femmes accusées de
sorcellerie et les brigands font partie de ces personnes que la société du XVIIe siècle a eu tendance à criminaliser de plus en plus, comme
personnes déviantes et perturbantes pour l’ordre
social. Les protestants, quant à eux, disposent,
avec les places fortes obtenues à l’occasion de
l’édit de Nantes de 1598, de bases de soulèvement jugées dangereuses, surtout avec la montée de l’inquiétude qui suit, rappelons-le,
l’assassinat du roi Henri IV. La Rochelle a noué
des relations importantes avec les Anglais,
ennemis de la royauté française. En 1628, après
un siège terrestre et maritime mené par
Richelieu, la cité doit se rendre. Il mate ainsi
nombre de révoltes protestantes, et dans le
même temps fait signer par le roi l’édit d’Alès,
en 1629, qui supprime toutes les places fortes,
mais maintient la tolérance exprimée par l’édit
de Nantes.
L’absolutisme de guerre : la guerre de Trente Ans
À l’extérieur, depuis 1618, la grande affaire,
c’est la guerre de Trente Ans. En Europe, la
division religieuse a débouché sur un conflit
généralisé entre États protestants et États catho-
liques. Jusqu’en 1635, la France tente de se
maintenir à l’écart tout en participant aux activités diplomatiques incessantes dans lesquelles
s’affirme déjà un jeune Italien, émissaire du
pape, Jules Mazarin. Mais, en 1635, la France
est entraînée dans la guerre européenne. La
guerre contre la maison des Habsbourg (catholique) oblige l’État à trouver les moyens de son
ambition européenne autant qu’internationale.
L’État utilise un recours classique : le développement des impôts. Les charges ne cessent de
s’alourdir, d’année en année, sur les populations
qui s’en prennent aux collecteurs d’impôts (et
notamment de la gabelle). Des révoltes importantes éclatent (les Croquants, les Va-nupieds…), toutes sévèrement réprimées.
Dans sa volonté « absolue » de faire plier les
grands du royaume ainsi que la population tant
à l’obéissance au roi qu’aux impératifs de
guerre, l’État monarchique conduit par Richelieu et Louis XIII a engagé une révolution des
modalités de son action politique. L’autorité de
la monarchie absolue ne supporte plus aucune
remise en cause. Entre 1610 et 1643, date de la
mort du roi, quelque chose a définitivement
changé dans la culture politique française. La
toute-puissance du roi s’est affirmée.
L’instauration d’un régime de guerre et de la
répression, au nom de la raison d’État, y a
contribué.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Louis XIII en armure, anonyme
d’après Philippe de Champaigne,
et Richelieu, de Philippe
de Champaigne, pp. 118-119
Il s’agit de deux toiles monumentales peintes
pour l’Hôtel de la Vrillière. Dans le livre,
comme dans le salon de l’Hôtel de la Vrillière,
les deux personnages se font écho. Le roi et son
ministre, Richelieu, regardent le spectateur en
une posture presque identique. Le roi se tient
debout de trois quarts vers la droite ; le ministre
de même, mais tourné vers la gauche. Ils s’imposent par le regard qui tient sous sa domination
le reste de l’univers.
80
La tradition veut que le roi soit représenté en
militaire ou avec les instruments du pouvoir. Ici,
il est en armure. Il porte l’écharpe et le collier de
l’ordre du Saint-Esprit, l’épée au côté, le bâton
de commandement en velours bleu piqué de
fleurs de lys dans la main droite. La main
gauche est posée sur un casque empanaché.
Casque, épée, armure : autant de symboles qui
affirment le pouvoir sur la vie et la mort. La
composition de l’ensemble s’organise autour de
verticales qui accentuent l’impression de carcan. Le roi sort d’une période troublée qui l’a
contraint à parcourir son royaume d’une frontière à l’autre pour maintenir l’ordre. Le voilà
maintenant retiré à Fontainebleau.
Louis XIII et Richelieu (1610-1643)
Contrairement à la tradition qui voulait que les
gens d’Église soient représentés assis, Richelieu
se fait peindre debout en homme d’action, en
homme d’État plutôt qu’en prince de l’Église.
Le tableau représente le ministre drapé dans un
immense manteau écarlate, au sommet de sa
puissance. La main gauche ordonne. La tête
apparaît au sommet d’un échafaudage de plis
qui dessinent une pyramide. Le visage condense
toutes les lignes de force. Comme la main, le
visage exprime une volonté d’agir. Cette représentation en miroir du roi et de son ministre est
troublante au point qu’on ne sait plus qui détient
réellement le pouvoir. C’est l’image même du
pouvoir bicéphale.
Gravure de Jacques Calot, p. 119
Le peintre et graveur français Jacques Callot est
connu pour ses petites scènes détaillées. En
1633, deux ans avant sa mort, il publie Les
Misères et les malheurs de la guerre qui
regroupe une série de planches de dessins sur
les conséquences de la guerre dans les campagnes et les villes françaises. Ces dessins
représentent les conséquences d’une politique à
peine amorcée. La précision du trait donne un
témoignage irremplaçable sur cette époque.
Sous chaque dessin, il composait un texte. Voici
celui qui correspond à l’image que nous présentons dans le livre de l’élève :
« Ceux que Mars entretient de ses actes meschans
Accommodent ainsi les pauvres gens des champs
Ils les font prisonniers ils bruslent leurs villages,
Et sur le bestail mesme exercent des ravages
Sans que la peur des Loix non plus que le devoir
Ny les pleurs et les cris les puissent esmouvoir. »
Le texte qui peut, bien entendu, être travaillé
avec les élèves, indique les ravages que les gens
de guerre font subir aux populations pendant
leur passage sur leurs terres, car les armées doivent se nourrir et se loger. Au poids des impôts
en augmentation, la présence de plus en plus
fréquente des armées françaises ou étrangères
(ici il n’y a aucune différence) pèse de plus en
plus sur les conditions d’existence des populations rurales.
Cette gravure peut être étudiée en détail accompagnée du texte de l’Intendant (c’est-à-dire
du représentant du roi) de Provence, cité
en légende. Cet ensemble de témoignages
illustre les raisons du développement des
révoltes paysannes toujours plus nombreuses
de 1630 à 1643.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Louis XIII gouverne avec son ministre
Richelieu. Le roi fait des guerres coûteuses.
Richelieu augmente les impôts. Les paysans se
révoltent. Les révoltés sont punis sévèrement.
81
C I N Q U I È M E PA RT I E
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
Brisant quelque peu les cadres chronologiques consacrés, il nous a semblé préférable de réunir sous une même problématique la période s’étalant du règne de
Louis XIV à l’avènement de la IIIe République. En effet, il nous semble qu’il y a là
une cohérence que les élèves comprennent fort bien. Certes, la monarchie absolue
de Louis XIV est l’apogée d’une construction étatique à l’œuvre depuis plusieurs
siècles. Certes encore, de François Ier à Louis XVI, il y a ce que les historiens appellent « une histoire moderne de l’État et du pouvoir ». Ce qui se tisse dans les allées
de Fontainebleau et dans la construction de Chambord se développe dans la splendeur versaillaise d’un Louis XIV, plus discrètement d’un Louis XV, et ouvertement
d’un Louis XVI. Pourtant, s’il s’agit d’un apogée, le siècle de Louis XIV est aussi
le modèle politique à partir duquel toute la vie politique, économique, sociale et
culturelle s’organise. Dès la mort de Louis XIV, lorsque le jeune Louis XV prend le
pouvoir hérité de son arrière-grand-père, son règne s’inscrit dans une redéfinition
intellectuelle du politique, au travers du siècle des Lumières, dans une alternative
sans cesse repensée entre critique et défense du régime. En divisant les appartements de Versailles en petits cabinets, loin de la pompe louis-quatorzienne,
Louis XV construit lui-même un rapport au pouvoir différent.
C’est pour cette raison également que nous avons retenu le tableau de Delacroix intitulé La Liberté guidant le peuple, tant il nous semble qu’à partir des dernières années
du règne de Louis XIV, avec Vauban et d’autres encore, la question du peuple, de son
respect, de sa pauvreté et de sa liberté, vient au cœur des débats politiques. De plus,
à la fin de l’Ancien Régime, sous la Révolution, sous Napoléon, au moment de la
Restauration, en 1848 comme en 1871, c’est cette tension-là, entre idéal monarchique
et idéal républicain, qui organise l’ensemble des enjeux révolutionnaires ou conservateurs.
Delacroix réalise ce tableau en 1831, suite aux journées révolutionnaires qui chassent un roi (Charles X) pour en placer un autre (Louis-Philippe). Ce dernier achète
le tableau pour l’exposer, puis le retire très rapidement des regards afin de ne pas
susciter le retour de tels événements. Expression d’une peinture romantique où
dominent les couleurs et le mouvement, l’extrait choisi ici insiste sur le caractère
allégorique de l’œuvre : une femme-liberté, un bonnet phrygien sur la tête et brandissant le drapeau tricolore. À son côté se tient un enfant, expression de l’innocence
et du bien selon Rousseau, immortalisant du même coup les enfants de Paris, partie
prenante de tous les mouvements révolutionnaires ou de toutes les révoltes pour la
liberté. Hugo en fera un Gavroche et un martyr contre l’idéal et le pouvoir monarchiques.
82
L o u i s X I V, r o i a b s o l u
(1643-1715)
LIVRE PP. 122-127
Notions
Royauté absolue, intolérance religieuse, démographie, la Cour, l’étiquette, les finances,
guerre, inégalités sociales.
Compétences
• Savoir analyser des documents iconographiques de différentes natures.
• Associer plusieurs personnages à une période précise (Molière, Colbert, Louis XIV…).
• Confronter des documents différents sur un même thème.
Exercices
Cahier CM1 : Louis XIV et les protestants, pp. 38-39.
Cahier CM2 : Louis XIV, roi absolu (1643-1715), p. 6.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
L’idéologie absolutiste
Ce chapitre sur Louis XIV, Roi-Soleil, doit être,
plus qu’un autre, celui consacré à la question
de l’absolutisme. La leçon doit donc être à
la fois une leçon concrète, pleine de détails
comme le récit de l’élève le propose, et en
même temps, une leçon qui ne perd pas de vue
sa problématique essentielle : qu’est-ce qu’un
roi absolu ?
L’idéologie de l’absolutisme se construit progressivement, mais ne se théorise réellement
dans les textes qu’à partir de Henri IV, reconnu
comme roi traditionnel (roi protecteur et garant
de la paix) et roi très chrétien. Le roi de la
monarchie moderne est aussi roi justicier, roi
thaumaturge (celui qui guérit) et bien sûr, lieutenant de Dieu sur terre, son représentant direct
en quelque sorte, et son seul juge in fine.
Comme le dit le théoricien de la monarchie
absolue, Bossuet : « Aussi Dieu a-t-il mis dans
les princes quelque chose de divin. »
La symbolique du pouvoir s’exprime à l’occasion de toute une série de gestes rituels et
d’actes cérémoniels : le sacre à Reims (le roi est
élu de Dieu), son enterrement à Saint-Denis
(« Le roi est mort. Vive le roi ! »), sa présence
physique (par les « entrées du roi » dans les
villes, les cortèges et le Te Deum chanté à
l’église) et sa juridiction (le roi en majesté
pendant les lits de justice). Mais, depuis le
XVIe siècle, la Cour devient un instrument et un
symbole de son pouvoir absolu. À partir de cette
époque, la noblesse ne peut éviter les séjours
à la Cour, des séjours d’autant plus longs que
s’affirme le pouvoir royal. C’est le lieu où il faut
être.
La Cour : instrument
du pouvoir de Louis XIV
Louis XIV fera de la Cour le moyen de contrôle
par excellence de toute la noblesse. 8 000 à
10 000 personnes y vivent. C’est une cour toujours en mouvement, qui suit le roi, jusqu’à ce
que Louis XIV se fixe à Versailles en 1682. À
partir de cette date, Versailles – et en particulier
la chambre du roi où s’organise une cérémonie
quotidienne et prisée du lever et du coucher –
devient le lieu vers lequel on va. Louis XIV ne
se déplace plus qu’exceptionnellement. Les
seuls déplacements qu’effectue le Roi-Soleil
concernent surtout la guerre. La Cour constitue
une représentation publique et quotidienne de
son pouvoir ; dans ce cadre formel, il s’agit de
mesurer la faveur du roi pour tel(le) ou tel(le).
L’objectif désormais pour les nobles et tous les
courtisans, c’est de passer du statut d’observateur à celui d’acteur du cérémonial. Car la
participation au cérémonial sert assurément
83
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
d’indicateur de position dans une hiérarchie très
subtile et très instable que seul le roi domine. La
Cour sert de contrôle d’une noblesse que l’on
sait toujours prête à la sédition.
Aussi, sous Louis XIII et Louis XIV, le cérémonial s’alourdit, pour ne plus laisser place qu’aux
courtisans. Les compagnons du roi dont
aimaient s’entourer François Ier et ses successeurs jusqu’à Henri IV disparaissent. À leur
compagnie masculine, bruyante et virile succède un entourage qui fait de l’apparence (perruques, poudres et fards) son objectif principal.
Ceci s’explique par l’alourdissement parallèle
du travail administratif royal. Dans cette mise
en scène du pouvoir subtil et ostentatoire, la
noblesse doit en effet vivre chaque jour la distance qui la sépare du roi, tout en s’offrant le
sentiment de sa propre distinction, « d’en être »,
face à ceux qui ne côtoient pas ce faste et ses
intrigues : la noblesse sans fortune de province,
la bourgeoisie et le peuple.
Louis XIV est né en 1638 et devient roi avant
l’âge de six ans en 1643 à la mort de son père.
Il attend la mort de Mazarin (1661), ministre de
sa mère, successeur de Richelieu aux affaires
(de 1643 à 1661), pour prendre les rênes du pouvoir. Il s’entoure de ministres sans titre de
noblesse particulier, qui lui doivent tout. Colbert
représente bien ces ministres dévoués dont le roi
ne peut socialement rien craindre. Ils ne sont pas
des grands du royaume et ne peuvent lui faire
d’ombre.
Les difficultés de la fin du règne
Le texte destiné aux élèves insiste sur trois
dimensions centrales du règne de Louis XIV : sa
politique religieuse, son goût de la guerre et la
situation préoccupante des campagnes.
Les affaires religieuses
La politique religieuse est l’histoire d’un raidissement doctrinal sur la question de la tolérance
à laisser aux protestants. Le roi entend renouer
avec l’unité religieuse du pays. Il fait révoquer
l’édit de Nantes (par l’édit de Fontainebleau de
1685). Cette décision est catastrophique non
seulement pour les protestants, obligés de fuir
84
vers les Pays-Bas principalement, de se cacher,
ou de se convertir de force ; mais elle est aussi
dramatique pour toute la France qui voit une
partie de l’économie disparaître, par la fuite des
savoir-faire protestants et d’une partie de l’élite
intellectuelle. Des révoltes causent des soucis à
la royauté au moment où celle-ci cherche à sortir victorieuse de ses guerres à l’extérieur (la
révolte des Camisards dans les Cévennes en
1702-1705).
Affirmation de la puissance
du roi de France en Europe
« J’ai trop aimé la guerre », dit Louis XIV sur
son lit de mort à son arrière-petit-fils, le futur
Louis XV. Pour sa gloire (Nec Pluribus Impar :
rien de mieux à part moi), et le prestige de la
France, « fille aînée de l’Église », Louis XIV
ne ménage pas ses efforts – et Colbert non
plus pour réunir les fonds. Gloire personnelle,
affirmation de la France comme puissance
européenne, fortification et agrandissement du
territoire furent les mobiles profonds de ces
guerres. Il en a mené quatre principales contre
l’Empire des Habsbourg, bien affaibli, et
l’Angleterre, sans compter un nombre important
de coups de force et d’opérations militaires
limitées : la guerre de Dévolution (1667-1668),
la guerre de Hollande (1672-1678), la guerre
de la Ligue d’Augsbourg (1689-1697) et
la guerre de la Succession d’Espagne
(1702-1713). Trente années de guerres pour
quarante-quatre années de règne : le bilan est
lourd.
Les difficultés financières et économiques
D’un point de vue économique, la situation de la
France s’est considérablement dégradée à partir
des années 1680. En effet, deux facteurs se
conjuguent étroitement. D’abord la guerre qui,
comme sous Louis XIII, grève le budget royal,
impose des choix draconiens et oblige à alourdir
sans cesse et le poids de la fiscalité et la puissance de l’administration royale garante de la
paix civile. Ensuite le refroidissement du climat : les récoltes qui gèlent en terre, les fleuves
qui se transforment en glace plusieurs mois de
l’année, les villes affamées (1693), la misère des
campagnes partout visible. L’année terrible est
L o u i s X I V, r o i a b s o l u ( 1 6 4 3 - 1 7 1 5 )
bien 1709 : terrible par son hiver, par le niveau
déplorable du ravitaillement, par l’incapacité
apparente du roi à résoudre la crise, tout occupé
qu’il est à faire la guerre. Pour les historiens,
il y a bien Louis XIV et sa Cour, coupés de
20 millions de Français (Goubert). Bien que
forte et caricaturale, cette image insiste pourtant
justement sur le gouffre qui oppose le faste et le
luxe versaillais, les sommes d’argent prises à
faire la guerre et la souffrance quotidienne du
peuple aux prises avec la famine et la misère. La
crise de 1709 et la guerre persistante ont certainement contribué à faire naître les premières
contestations contre le pouvoir de Louis XIV
(Vauban, Fénelon) et à structurer une forme
d’opposition intellectuelle, tout en finissant par
lézarder le pacte paternel qui unissait le souverain à ses sujets.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Représentation du Malade Imaginaire
à Versailles, p. 123
Le Malade imaginaire est une comédie ballet.
Dans cette scène (scène 5, acte II), Molière traite
le thème amoureux sous forme d’une parodie,
moyen pour lui de se moquer de Lully avec qui
il était fâché. Lully était, à cette époque, considéré comme un grand maître dans l’art de
l’opéra. Conformément aux nouveaux programmes, cette scène peut être étudiée en classe.
Louis XIV et sa cour dans sa chambre
à Versailles, p. 124
Ce tableau, conservé au Musée de Versailles, est
le seul tableau historique réalisé par François
Marot (1666-1719). Il représente Louis XIV
dans sa chambre à Versailles, créant les premiers chevaliers de l’ordre de Saint-Louis. Les
premiers rois ont eu très tôt le souci de créer des
distinctions pour honorer leurs sujets. Louis XIV
a créé cet ordre en 1693 pour récompenser les
services rendus à l’armée. Ceux qui étaient
décorés percevaient ensuite une pension.
Dans une pièce d’un style classique et pompeux,
on distingue le roi, le plus grand de tous par
convention, le seul avec un chapeau sur la tête,
portant le grand collier bleu de l’ordre du SaintEsprit. Parmi les courtisans, il y a à droite ceux
qui regardent, à gauche ceux qui assistent le roi
pendant la cérémonie et au centre ceux qui sont
faits chevaliers. Ils sont tous à genoux, l’un
admire son cordon tandis qu’un autre est touché
du plat de l’épée sur l’épaule. Cette cérémonie,
comme tous les actes qui rythment la vie du roi,
est minutieusement mise en scène par le maître
des cérémonies (personnage au premier plan à
droite). Chaque geste est pensé pour affirmer la
supériorité du roi sur tous ses sujets.
Le roi accorde des marques de faveur aux courtisans les plus soumis. Cette vie de cour, le roi
l’a voulue ainsi pour amener la grande noblesse
à vivre à Versailles afin de mieux pouvoir
contrôler ses agissements. Pour mieux faire
comprendre aux élèves cette relation
maître/courtisan et les obligations qu’elle
implique de part et d’autre, on pourra prolonger
la réflexion sur ce thème par la lecture de la
fable de La Fontaine Le Loup et le Chien.
La conversion forcée
des protestants, p. 125
La gravure met en scène « les moyens sûrs et
honnêtes » pour convertir les hérétiques à la foi
catholique. Sur l’injonction d’un représentant
de l’État royal, un protestant s’agenouille en
signe de soumission, face aux « moyens sûrs et
honnêtes » : la prison, le fouet, les galères, le
feu, la pendaison et la roue. À ces six moyens il
manque les « dragonnades » infligées par les
dragons des forces royales dans les provinces.
Cette gravure est ironique et on sait combien
l’ironie peut être difficile à saisir à l’âge des
élèves de cycle 3. Pourtant, en menant une description minutieuse du document, on arrive au
contraire de ce qui est dit dans le titre. La question de savoir qui est l’auteur du document peut
suivre : un protestant ou un opposant à la révocation de l’édit de Nantes ? Car, si on veut
convertir ou convaincre quelqu’un de quelque
chose, on peut penser que les moyens mis en
œuvre ne peuvent que l’en dissuader.
85
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
Portrait équestre de Louis XIV
couronné par la Victoire, p. 126
Louis XIV est couronné par la Victoire, allégorie louis-quatorzienne de la guerre. Souvent, et
en particulier dans le décor de Versailles, les
représentations des dieux de la mythologie
romaine (Apollon, Hercule, Mars) et leurs attributs (lauriers, lyre…) se mêlent aux portraits et
aux emblèmes royaux. Les portraits royaux
montrent souvent Louis XIV dans une scène
militaire. Car le prestige du roi passe encore au
XVIIe siècle par la gloire militaire. Louis XIV en
fait le but de son règne : régner sur une France
dominante en Europe.
Texte de D’Aguesseau
et Lefèvre d’Ormesson, p. 127
D’Aguesseau et Lefèvre d’Ormesson sont deux
magistrats dont les familles ne cessent de se préoccuper du « bien public ». Ils témoignent ici de
ce que rapportent tous les intendants du roi dans
les provinces, à savoir des conditions réelles
d’existence de la population. Ne venant plus
qu’exceptionnellement dans les provinces, le roi
s’y fait représenter par des intendants aux pouvoirs accrus sous son règne. Ils sont les exécutants de la politique royale, chargés d’exécuter
les ordres de Versailles. Mais ils renseignent
également la Cour de la situation dans les provinces, des relations qu’ils entretiennent avec la
noblesse et les notables bourgeois locaux,
comme de ce que pense ou ressent la population
Dossier
Les Mendiants, p. 127
Des mendiants rassemblés dans un décor de
ruines romaines demandent l’aumône aux passants, une femme et son enfant, un conducteur
de charrette… Sébastien Bourdon (1616-1671),
peintre et graveur, après avoir vécu quelques
années à Rome, s’est mis à peindre à son retour
des scènes de la vie populaire et quotidienne. Ici
la présence des ruines ajoute à l’accablement
des plus démunis. Mais surtout, dans ce
contexte, elles prennent une valeur symbolique.
On peut les ressentir comme dessinant la frontière entre puissants et démunis, entre la ville
culturellement privilégiée et la campagne.
L’arrivée de pauvres de plus en plus nombreux
dans les villes inquiète les notables. Des systèmes d’assistance et des institutions nouvelles
(Chambre des pauvres, Bureau des pauvres…)
vont être mis en place pour s’occuper de la charité publique.
L E R O I E S T U N E N FA N T
Dans ce dossier où le roi enfant est présenté
en costume de sacre, l’accent est mis sur
l’hérédité du « métier de roi ». Le pouvoir
est héréditaire en ligne masculine depuis
le Moyen Âge, quel que soit l’âge. En cas
d’incapacité liée à l’âge, comme c’est le
cas de Louis XIV à cinq ans, une régence est
assurée par sa mère, Anne d’Autriche qui
confie à son ministre Mazarin la charge
des affaires du royaume et l’éducation de son
fils.
86
au sens large. Leur rôle est considérable à ce
titre : ils sont l’expression de Versailles et son
œil. Bien souvent, loin de la cour, les Intendants
dans les provinces n‘hésitent pas, malgré leur
charge royale, à prendre de la distance par rapport à la politique royale, confrontés qu’ils sont
à la distance considérable qui existe entre la réalité de la Cour et la réalité sociale. En 1687, la
situation sociale et économique se dégrade
considérablement. Ce texte en est le témoignage.
PP. 128-129
Car être roi est un métier qui s’apprend. À
travers l’éducation de Louis XIV, c’est toute
l’éducation des rois de France depuis François Ier qui peut être évoquée avec les élèves.
Rien n’est négligé : primus inter pares (« premier seigneur entre tous »), le roi doit être le
meilleur dans tous les domaines – arts, sports
(équitation, car il est le premier chevalier de
tous), armes, sciences et techniques… Le
roi doit pouvoir tenir son rang en toute occasion. Car la personne du roi est sacrée. Quand
L o u i s X I V, r o i a b s o l u ( 1 6 4 3 - 1 7 1 5 )
Louis XIII meurt, on crie, comme toujours
à chaque décès de souverain : « Le roi est
mort, vive le roi ! », signe de la perpétuation
de la monarchie. La sacralité de sa personne
est manifestée à tous par le sacre et par la
pompe royale qui l’entoure. Les élèves
savent déjà cela de Louis XIV. C’est le
moment, par le récit, de leur expliquer
précisément comment l’ostentation royale se
développe sous Louis XIV. Car, sous le RoiSoleil, l’ostentation royale est portée à son
zénith.
Portrait du roi enfant
en costume de sacre, p. 129
Sur ce portrait, Louis XIV est âgé de cinq ans
et il est roi. À quoi le voit-on? Il faut observer
l’attitude, le costume et rechercher les symboles, ce qu’il tient dans la main gauche (le
sceptre, le bâton de commandement), dans la
main droite (une couronne). La cape est parsemée de fleurs de lys, plus exactement de
bouquets de lys, troisième emblème de la
royauté. Roi de 1643 à 1715, ce sera le plus
long règne de l’histoire de France.
Éléments pour une synthèse
Louis XIV devint roi à cinq ans. Il est un élève
médiocre. Il aime surtout jouer à faire la
guerre. Il apprend le métier de roi avec
Mazarin. Pendant les premières années de son
règne, il partage son temps entre les fêtes
somptueuses et le travail.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Louis XIV gouverne seul depuis la cour de
Versailles. Il décide de supprimer l’édit de
Nantes. Il fait des guerres qui coûtent cher. Le
pays s’appauvrit. Les paysans sont accablés par
la guerre, la famine et les impôts.
87
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
La traite des Noirs
au XVIIIe siècle
LIVRE PP. 130-135
Notions
Traite, esclavage, commerce triangulaire, colonie, importance des colonies dans l’économie européenne.
Compétences
• Analyser des documents iconographiques.
• Savoir confronter des documents.
Exercices
Cahier CM1 : La traite des Noirs au XVIIIe siècle, pp. 40-42.
Cahier CM2 : La traite des Noirs au XVIIIe siècle, pp. 7-8.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
L’esclavage est une donnée universelle et historique qui a touché tous les continents et les
touche encore. Né dans l’Antiquité, il existe
aujourd’hui sous des formes multiples, dans les
pays riches comme dans les pays en voie de
développement*. Pourtant, au tout début du
XVIe siècle, à l’occasion de la découverte et des
projets d’exploitation des terres américaines,
une forme particulière d’esclavage prend naissance : la traite négrière, indissociable de l’emprise coloniale des puissances européennes sur
les nouvelles contrées récemment découvertes
par eux. Car ici, les esclaves vont servir de marchandises transportables dans le cadre d’un
commerce triangulaire organisé.
Le commerce triangulaire
Partis d’Europe (Portugal, Espagne, France,
Angleterre, Hollande), les navires négriers
transportent des marchandises (barils de poudre,
laine, fusils, alcool, objets en fer…) qu’ils
échangent et vendent contre des esclaves aux
chefs de tribus. Puis les captifs, enchaînés et
entassés dans des conditions invraisemblables
dans les cales des bateaux, filent vers le Brésil
et les Antilles, et plus tard, au XVIIIe siècle, vers
les treize colonies américaines du nord. Les survivants et les plus en forme sont vendus à des
propriétaires qui les achètent par lots. Une fois
les affaires faites, les négriers peuvent retourner
en Europe, avec beaucoup d’argent et des pro-
duits tropicaux (sucre, cacao, café…). Le trajet
moyen de cette traite négrière, d’Europe à
Europe, prenait près de 16 à 18 mois.
Le chapitre proposé aux élèves suit le chemin
des esclaves : de la capture à la mort ou au travail dans les plantations. Le texte débute par le
récit d’Olaudah Equiano, né au Biafra en 1745.
Il est enlevé par des négriers pour le Bénin, d’où
il part pour la Barbade, puis la Virginie, et enfin
l’Angleterre où, une fois affranchi, il rédige son
autobiographie qui devient un texte de référence
pour les abolitionnistes anglais. Ce texte est un
patrimoine indispensable à la compréhension de
cet événement historique. Il est très important
de faire remarquer aux élèves que nous ne disposons qu’à de très rares occasions (comme
pour Equiano) de témoignages directs et écrits
des principaux intéressés : les esclaves. Le souvenir de l’esclavage ne perdure que grâce à la
transmission orale de génération en génération
comme c’est le cas aux Antilles, par exemple. Il
nous a semblé qu’avec ce récit, les élèves pouvaient mieux percevoir l’horreur qu’a constitué
ce commerce. Mais, pour dire l’horreur, il est
essentiel de décrire le détail des conditions de
cette traite avec les élèves.
La capture d’abord, souvent en alliance avec les
chefs de tribus ou les rois africains. Des fortunes
noires s’organisent du fait de la traite négrière ;
• La loi du 10 mai 2001 reconnaît la traite des Noirs et l’esclavage comme crime contre l’humanité.
88
La traite des Noirs au
mais cette traite n’existe que, parce que, à l’origine, l’Europe a besoin de cette « marchandise ». Christophe Colomb avait tenté de
ramener des Indiens vers l’Europe, mais ceux-ci
furent trop faibles ; les Portugais durent envisager
autre chose. De plus, au même moment, les Indiens
d’Amérique commençaient à mourir en masse
du fait des répressions et du choc microbien.
L’histoire de cette traite est une histoire de la
déshumanisation au bénéfice du profit commercial : la capture, les conditions de transport, les
morts inévitables, prévues dans les calculs d’investissement et de perte, et la vente sur les marchés d’esclaves une fois à destination. C’est
aussi une histoire de la violence. L’homme n’est
plus un homme, il devient un objet que l’on
vend, que l’on achète : blessé, malade, « inutilisable », il est sacrifié ou vendu dans un lot d’esclaves valides afin d’amortir les frais engagés
pour le transport par les négriers. Ce commerce
est très lucratif.
La vie dans les plantations
Une fois dans les plantations (de canne à sucre
essentiellement), les esclaves effectuent des
travaux exténuants et dégradants, des heures
durant sous un soleil de plomb, sous le fouet
du maître ou de son commandeur. Les dangers
sont nombreux, les risques physiques également. Le travail dure de l’aube à la nuit. Pour
les historiens, les taux de mortalité de la population noire approchent les 5 à 6 % par an et
par plantation. Dans ces conditions, les révoltes
éclatent aussi souvent que les forces physiques
des esclaves et l’audace d’affronter la peur
permanente le permettent. Exécutions, supplices
(fouet, tortures multiples…) sont monnaie
courante. Pour éviter les évasions, les esclaves
portent des crochets et des fers. Car la fuite
est la seule solution, précaire, pour quitter
cet enfer esclavagiste : c’est le marronage, et
les esclaves qui fuient dans les mornes
(petites collines) sont appelés « nègres marrons ».
Ampleur de la traite
Véritable aubaine pour les villes portuaires
d’Europe, pour les négriers et les multiples
XVIIIe
siècle
intermédiaires locaux et indigènes de la traite
négrière, ce trafic humain a concerné plusieurs
millions d’hommes sur les trois siècles de son
existence (XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle). Si les
départs vers les Amériques représentent un
nombre peu élevé – 6 000 esclaves par an ! – au
XVIe siècle du fait de la taille des bateaux,
l’amélioration des techniques maritimes est une
catastrophe humaine supplémentaire – près de
40 000 hommes par an au début du XVIIe siècle
et des centaines de mille à la fin du XVIIIe
siècle –, d’autant que l’augmentation toujours
croissante des surfaces cultivées et de la taille
moyenne des exploitations nécessitent un
nombre supplémentaire de travailleurs.
En France, le véritable début de la traite peut
être daté du règne de Louis XIV (1673), lorsque
Colbert veut bâtir une politique maritime pour
la France. Peu après, le Code noir (1685) régit
l’esclavage en proclamant la religion catholique
unique religion des colonies françaises. Il prévoit toute la panoplie répressive à l’égard des
esclaves en cas de sédition, de fuite et de vol.
L’article 44 entérine son statut de « bien
meuble ». En ce sens, la loi le porte à être vendu
comme tout autre « objet » et le laisse démuni
de tout moyen d’action contre son maître, par
exemple.
Protestations contre
la traite des Noirs
Pourtant, même si le sujet est douloureux,
la traite porte en elle les conditions de sa contestation. Alors même que la traite s’organise, la
protestation contre le commerce des hommes
se développe en parallèle. De Bartolomé de
Las Casas à Victor Schœlcher, en passant par
la Société des amis des Noirs, les conditions
esclavagistes ont toujours fait l’objet d’une
protestation importante. Les abolitions de la
traite et de l’esclavage sont réclamées. La traite
négrière est abolie en 1808 en Angleterre,
en 1812 aux États-Unis et en 1827 en
France. Devant les corruptions et la poursuite
clandestine de la traite, il faut attendre 1833
en Angleterre, 1848 en France et 1865 aux
États-Unis pour que l’esclavage lui-même soit
aboli.
89
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Marchand d’esclaves de Gorée, p. 130
Gorée est située dans la baie de Dakar. Il s’agit
d’une île au large des côtes africaines, véritable
centre de traite français au Sénégal. Sur la gravure, on peut faire remarquer aux élèves les
exploiteurs, marchands blancs et marchands
noirs, réunis dans un dialogue marchand,
habillés richement. Le marchand noir porte une
pique et fume du tabac, marchandises échangées à l’occasion de la transaction contre des
esclaves livrés aux Blancs. Au second plan, on
perçoit de jeunes esclaves noirs (sans doute des
adolescents), très peu vêtus, attachés par les
pieds l’un l’autre et chargés de fers.
Le commerce triangulaire, p. 131
Le commerce triangulaire permet d’amener la
main-d’œuvre nécessaire pour exploiter les
colonies tout en ne voyageant jamais les cales
vides. Démarrée tardivement, la traite française
se développe au XVIIIe siècle. La France, après
l’Angleterre, a le triste privilège d’être la
deuxième nation de traite (voir les conditions de
son développement à la page précédente).
Coupe d’un navire négrier, p. 132
Les navires sont composés de cales à esclaves.
L’espace en hauteur est très bas : jamais plus
d’1,50 mètre. La construction des navires
négriers répond à des impératifs stricts : faire
entrer le plus d’esclaves possible. Sur cette
coupe, on peut voir la rationalisation savante
opérée dans le « rangement » des esclaves et
dans l’exploitation maximum de l’espace. C’est
au XVIIe siècle, et plus encore au XVIIIe siècle,
que les navires, plus larges, plus grands, plus
rapides, réalisent leurs plus forts taux de déportation. Au total, on estime à au moins
11 millions le nombre de personnes déportées
pendant toute l’histoire de la traite.
Une plantation de sucre
aux Antilles, p. 133
Cette gravure est issue de l’ouvrage du père
Jean-Baptiste du Tertre, botaniste et voyageur
français du XVIIe siècle. Le dessin représente la
90
réalité de la plantation sucrière et de son organisation. On peut y voir deux niveaux principaux.
D’une part, en arrière-plan, un moulin destiné à
broyer les tiges de canne à sucre fraîchement
coupées. D’autre part, au premier plan, les fours
qui servent à cuire le jus de canne obtenu par le
broyage. On a là une partie du processus de
fabrication du sucre de canne. Élément central
du dessin, le commandeur veille sur l’ensemble
de la production et semble menacer un esclave
de son bâton.
Châtiment des esclaves fugitifs, p. 134
Sur ce dessin, on peut voir un collier de cou à
longues tiges recourbées. Les fers utilisés dans
les plantations visent à empêcher les esclaves de
fuir hors de la plantation en se cachant dans les
fourrés. Ainsi appareillés, les esclaves n’ont
aucune chance de gravir les mornes : soit ils
meurent étranglés, soit ils sont rattrapés alors
qu’ils tentent de se détacher des branches qui les
rendent prisonniers. De plus, on peut faire
remarquer aux élèves que les maîtres n’hésitaient pas à mettre des clochettes aux bras et au
cou des esclaves pour les entendre se déplacer,
et contrôler ainsi leur évasion éventuelle. Sur
cette gravure, on dit qu’il s’agit de récidivistes,
ce qui est loin d’être sûr. La sanction en cas de
fuite est juridiquement organisée par le Code
noir : le nègre marron a les oreilles coupées et
une fleur de lys marquée sur l’épaule gauche ;
s’il récidive, il est mutilé au mollet. Aussi, cette
gravure indique plus le sort réservé aux esclaves
avant évasion que le sort réservé à ceux qui se
sont évadés.
Bien à vendre, p. 133,
et texte de Diderot, p. 135
Le texte de Diderot est très important car il
reconnaît l’humanité des Noirs en mettant en
question le rapport de propriété qu’un homme
peut avoir sur un autre (ce qu’illustre l’inventaire de la plantation, p. 133). Il souligne par son
interrogation le fait que tout homme est l’égal
d’un autre et qu’il ne peut en être la propriété.
En étendant sa réflexion aux femmes, aux
enfants comme aux sujets, aux domestiques, il
La traite des Noirs au
s’inscrit dans la philosophie qui inspire la
Révolution française et la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen. À travers la critique
de la propriété de l’homme sur l’homme,
Diderot parle de la liberté inaliénable de l’individu quel qu’il soit.
Texte de Voltaire, p. 135
Voltaire (1694-1778) dénonce l’esclavage dans
Candide. Il montre à quel prix humain se paye
le fait de manger du sucre en Europe. Candide
est un roman de formation qui mêle, avec la biographie du héros, l’histoire d’un voyage. Le
XVIIIe
siècle
héros, Candide, est sensible et pleure souvent
sur les malheurs de l’humanité. Il confronte sans
cesse les réalités du monde aux enseignements
de son maître Pangloss qui s’obstine à penser
que « tout est pour le mieux dans le meilleur
des mondes ». L’épisode de la rencontre avec
l’esclave s’inscrit dans cette leçon de lucidité et
de courage dont il faut faire preuve pour appréhender le réel tel qu’il est, sans idées préconçues. C’est l’occasion pour Voltaire de critiquer
l’esclavage sur le plan humain, économique et
philosophique.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Pour travailler dans les colonies, les Européens
vont chercher des esclaves en Afrique. Ils les
vendent en Amérique et reviennent en Europe
avec leurs bateaux chargés de produits colo-
niaux : du café, du tabac, du sucre ou du coton.
La vie des esclaves dans les plantations est très
cruelle. En France, des écrivains condamnent
l’esclavage.
91
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
L a s o c i é t é d ’ A n c i e n R é g i m e LIVRE PP.
au XVIIIe siècle
136-141
Notions
Ancien Régime, inégalités, privilèges, crise de la monarchie, Lumières, L’Encyclopédie,
philosophes.
Compétences
• Analyser une caricature.
• Comprendre une époque à partir du point de vue d’un étranger.
• Analyser et confronter des documents.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
La notion d’Ancien Régime est née dans les
brochures qui accompagnent la Révolution française. Elle a des limites car il s’agit d’abord
d’une définition politique privilégiant le seul
aspect politique avec comme rupture 1789.
De ce fait, elle ne tient pas compte des persistances économiques et sociales qui existent jusqu’au milieu du XIXe siècle. Certains
historiens insistent plus sur la notion d’Ancien
Régime économique et social en privilégiant
la période 1750-1840 : développement des
transports, unification linguistique, unification
et centralisation de l’administration d’État,
unification juridique, recul de la piété,
déchristianisation et surtout révolution démographique.
Pourtant, cette notion d’Ancien Régime a un
mérite pratique et pédagogique, car elle décrit
une société tout entière, ses pouvoirs, ses traditions, ses mœurs, ses institutions et ses mentalités. Quelle est donc cette société définie par le
fait qu’elle constitue un ordre ancien par rapport
à l’ordre nouveau mis en place par la
Révolution ?
L’accroissement démographique
de la fin du XVIIIe siècle
C’est d’abord une société où la vie, pour l’immense majorité des personnes, se déroule dans
le cadre de la paroisse. Du XVIe siècle au début
du XVIIIe siècle, ces femmes et ces hommes
représentent à peu près 20 millions d’habitants
92
du royaume, ce qui fait de la France un des pays
d’Europe les plus peuplés. C’est une époque où
le royaume connaît des catastrophes démographiques, c’est-à-dire des épisodes très courts,
mais très réguliers (tous les 15 ou 20 ans), de
pics de mortalité. Les mauvaises récoltes en
sont souvent la cause. La vie est fragile et la
mort permanente à l’échelle d’un village où tout
le monde se connaît.
Cependant, en 1789, la population passe à
26 millions d’habitants, soit un saut très important. Cela s’explique par la disparition progressive des grandes catastrophes démographiques
en partie liée au réchauffement climatique.
Une société d’ordre
Cette société française est une société d’ordre
qui repose sur la trifonctionnalité médiévale : le
clergé, la noblesse et le peuple de ceux qui travaillent, le tiers état. C’est une société de privilèges, de droits seigneuriaux et d’inégalités
fondés sur le sang. Clergé et noblesse sont
exemptés de la plupart des charges, sauf celle de
la capitation (impôt par tête créé en 1695 pour
financer les guerres de Louis XIV). La naissance prime sur le mérite. Ce système se justifie
notamment par le fait que la noblesse est réputée verser l’impôt du sang, c’est-à-dire qu’elle a
le « privilège » (vestige médiéval et féodal) de
faire la guerre. En réalité, au XVIIIe siècle, seuls
10 % environ de la noblesse font encore la
guerre.
La société d’Ancien Régime au
Dynamisme économique
Contrairement à une idée souvent répandue, la
société de la fin du XVIIIe siècle est une société
en plein dynamisme, reposant sur le développement des manufactures, des transports et de la
réflexion économique grâce aux physiocrates.
On y vit certainement mieux qu’au début du
siècle. Cependant, le contraste ville/campagne
est très fort. De plus, à la campagne, les situations sociales sont très hétérogènes entre les
laboureurs, les manœuvriers et les errants. Par
leur travail et les charges qu’ils payent, les
paysans supportent le poids de la société. En
ville, des écarts de fortune encore plus grands
s’observent.
Pour toutes ces raisons, à la fin du XVIIIe siècle,
cette société d’ordre éclate sous le poids des
réalités sociales. Au sein du tiers état se retrouvent des personnes avec des fortunes colossales
comme des miséreux sans espoir, n’ayant rien à
voir entre eux. La bourgeoisie, de son côté, vit
de plus en plus mal le fait de « n’être rien dans
l’ordre politique » par rapport à la noblesse. Elle
n’a pourtant rien à lui envier en termes de train
de vie, de consommation ou de richesse, si ce
n’est son statut. Les paysans, quant à eux, supportent de plus en plus mal la précarité des
conditions de vie et on accuse de plus en plus
volontiers le roi d’incompréhension à l’égard
des problèmes réels alors qu’à Versailles, les
paysans sont perçus comme de plus en plus
ingrats à l’égard du souverain. Pour des problèmes de subsistance, une subversion est en
marche : la désacralisation de la royauté et la
suspension de l’obéissance absolue au
monarque.
De nouveaux lieux de sociabilité
C’est sans conteste dans le domaine des mentalités que les choses évoluent le plus vite. Les
villes sont le lieu de l’émergence des idées nouvelles, mais surtout le lieu de leur diffusion. On
assiste à un progressif déplacement des instances de consécration artistiques et littéraires.
Auparavant, les gloires se faisaient à la cour, à
XVIIIe
siècle
Versailles. De plus en plus, vers le milieu du
siècle, elles se font en ville, et principalement à Paris. Les nouveaux lieux sont les
salons, les clubs et les cafés où les élites se
retrouvent autour des produits coloniaux (tabac,
café, chocolat…). Les discussions y sont libres
et critiques, on y lit des libelles et des pamphlets
sur la royauté.
XVIIIe
Ces idées nouvelles vont progressivement
désacraliser la monarchie. Il s’agit bien d’une
« érosion de l’autorité » (Roger Chartier) à
laquelle chacun assiste à partir des années 1750.
Parmi les publications qui comptent, on peut
citer L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert :
ils réunissent les contributions des penseurs du
temps dans un grand dictionnaire de plusieurs
volumes – 17 volumes de texte et 11 volumes de
planches. Les pamphlets connaissent eux aussi
un succès clandestin très important, mais aussi
des textes très surprenants comme la publication
en 1781 du budget de l’État par le ministre
Necker, qui connaîtra 17 rééditions. Les intellectuels de l’époque y lisent le poids considérable de la guerre, de la Cour et de son faste, et
le coût de la famille royale dans le déficit chronique du budget.
Dans cette société en pleine ébullition, deux
catégories de personnes se distinguent : les avocats et les écrivains. Il s’agit de deux figures
radicales, politiquement, qui associent la déception d’une large fraction des intellectuels, l’érosion de l’autorité monarchique et l’imputation
des malheurs sociaux au pouvoir souverain. Ces
deux catégories rêvent d’une ère nouvelle reposant sur le bien public. L’idéal monarchique est
supplanté par l’idéal public. Parallèlement, les
élites politiques et aristocratiques se montrent
incapables de comprendre les bouleversements
en cours. Les réformes sont impossibles, avec la
noblesse et le clergé figés sur leurs privilèges.
La situation de banqueroute de l’État en 1788
amène Loménie de Brienne, ministre de
Louis XVI, à annoncer la réunion des États
Généraux.
93
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
La Veillée paysanne, p. 136
Cet intérieur paysan, immuable pendant plusieurs siècles, montre la pièce unique qui est une
pièce à vivre. On y mange, on y reçoit, on s’y
réchauffe, on y dort aussi. La cheminée est le
lieu de la sociabilité des soirées, espace de
chaleur unique pour la pièce et l’étage (s’il y en
a un), autour duquel s’organise la veillée. Cette
gravure a l’intérêt de montrer la densité de personnes dans le monde rural de la société
d’Ancien Régime. Les campagnes sont un
monde plein, comme disent les géographes,
c’est-à-dire un espace très densément peuplé. Et,
dans cette société rurale très majoritaire, une différenciation des espaces s’observe par sexe. Les
sociabilités paysannes sont sexuées. On observe
à gauche sur la gravure les femmes faisant des
travaux de veillée (laine, vannerie, tri des noix,
couture…), entourées des enfants. La rumeur se
colporte dans ces veillées et la tradition orale s’y
transmet. À droite, l’espace masculin où les
hommes discutent des affaires du village, de la
contrée, et de plus en plus souvent au XVIIe et au
XVIIIe siècle, des affaires politiques et du roi. Ces
espaces ne sont pas hermétiques, mais ils sont
néanmoins inscrits dans l’espace de la pièce,
témoins de la répartition des tâches entre les
hommes et les femmes.
Textes d’Arthur Young, p. 137
Arthur Young est un agronome anglais qui se
rend en France à trois reprises de 1787 à 1789.
Il parcourt la France avec l’œil d’un étranger
cultivé, mais extérieur aux enjeux politiques
français. Ce recul lui permet de décrire un pays
qu’il découvre. Agronome, il s’intéresse plus
particulièrement aux questions d’ordre économique. Comparée à ce qu’il connaît en
Angleterre, la vie rurale lui semble très pauvre,
peu développée du point de vue des techniques
agraires qui sont au contraire très avancées dans
son pays. C’est une description très parlante
pour les élèves et très importante car elle est
rédigée dans le cadre d’un journal de route tenu
au jour le jour, quelques mois avant la
Révolution française.
94
Le tiers état portant le clergé
et la noblesse, p. 138
De nombreuses caricatures datant de la fin du
XVIIIe siècle dénoncent la société inégalitaire
dont le poids pèse sur les épaules du tiers état.
Elles expriment la lassitude de cette situation.
Sous l’une d’entre elles, on peut lire : « A faut
espérer q’eu se jeu là finira bientôt ». Plusieurs
gravures de ce type évoquent le tiers état écrasé
sous la charge des deux ordres privilégiés. Soit
il s’agit d’une pierre énorme, soit de sacs d’impôts pesants. Mais, toujours, le tiers état porte
littéralement le clergé et la noblesse. Il faut
noter qu’il est souvent, voire toujours, représenté sous les traits d’un paysan. Il convient de
ne pas perdre de vue que la contestation de la
monarchie absolue reposant sur les privilèges
vient également pour une grande part des bourgeois sans naissance.
Texte d’Arthur Young, p. 140
Ce texte, rédigé pendant son deuxième voyage
en France, laisse entendre que, entre 1787 et
1788, quelque chose a changé. La crise est désormais palpable, l’annonce des états généraux
a transformé les conditions d’expression du
politique. Il n’est pas inintéressant de montrer
aux élèves que c’est dans une ville que Young se
rend compte du changement dans les esprits, et
surtout, qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle
ville. Nantes a connu son succès grâce au commerce outre-Atlantique et notamment grâce à la
traite négrière. De plus, ce fut la ville portuaire
la plus concernée par la révolution américaine.
C’est de là que sont parties les armées royales
de soutien aux révoltés américains et c’est par
ce port que transitèrent les informations concernant la toute nouvelle république.
Le salon de Madame Geoffrin, p. 140
En 1755, philosophes et artistes sont réunis dans
le salon de Madame Geoffrin (troisième personne à droite, au premier rang) pour la première lecture d’une tragédie de Voltaire,
L’Orphelin de la Chine. Le tableau a été réalisé
par le même artiste que le tableau représentant
La société d’Ancien Régime au
XVIIIe
siècle
François Ier (p. 113 du livre de l’élève). Il s’agit
de Lemonnier (1743-1824).
principes de liberté et d’égalité qui sont indissociables.
Les invités sont répartis de part et d’autre du
buste de Voltaire placé au centre du tableau.
Debout, dans l’angle de droite, de face, encadré
par deux autres participants, on reconnaît Denis
Diderot, philosophe, écrivain et critique d’art, le
principal animateur de L’Encyclopédie dont il a
assuré la publication. Devant, la main posée
sur le pupitre recouvert de velours, le personnage, dont on ne voit que le buste, est Jean
d’Alembert, mathématicien, astronome et physicien, auteur de nombreux articles dans
L’Encyclopédie célébrant le progrès scientifique. Au fond, à la droite du buste de Voltaire,
en conversation avec un autre convive, on distingue Jean-Jacques Rousseau. Écrivain, il collabore lui aussi à L’Encyclopédie. Il défend les
Signature et texte de la Déclaration
d’indépendance des États-Unis, p. 141
La Déclaration d’indépendance des États-Unis
d’Amérique est signée le 4 juillet 1776. Le
texte, fruit du travail de Thomas Jefferson, est
amendé et voté par les représentants des treize
colonies réunis en Congrès. Dans cet extrait du
préambule, deux filiations intellectuelles sont
présentes : d’une part la tradition de la philosophie des Lumières, reposant sur les droits naturels, la liberté et l’égalité et d’autre part la
religion qui a une place importante dans le texte.
Dès l’origine, Dieu protège la constitution américaine. La déchristianisation n’a pas concerné
les pionniers américains.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Au XVIIIe siècle, il y a beaucoup d’inégalités
entre les villes et les campagnes, entre ceux qui
sont privilégiés et ceux qui ne le sont pas. Des
idées nouvelles apparaissent exprimées par des
philosophes comme Voltaire. Dans les salons on
les discute et on critique de plus en plus le gouvernement.
95
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
La Révolution française
(1789-1795)
LIVRE PP. 142-149
Notions
Citoyenneté, Droits de l’homme, États Généraux, cahiers de doléances, révolution, abolition
des privilèges, esclavage, Terreur, République, Assemblée nationale, égalité, fraternité,
liberté.
Compétences
• Savoir comprendre et restituer la logique de l’enchaînement des événements révolutionnaires à partir d’un récit.
• Savoir analyser de façon critique des documents.
• Savoir associer des personnages et des situations historiques (Toussaint Louverture,
Robespierre…).
• Savoir repérer les symboles (cocarde, drapeau tricolore…).
Exercices
Cahier CM1 : 1789 : une année capitale, pp. 43-44 ; Condorcet : un homme dans la
Révolution, pp. 45-46.
Cahier CM2 : La Révolution française (1789-1795), pp. 9-10 ; les femmes dans la Révolution,
pp. 11-12 ; une galerie de portraits, p. 43.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Enseigner la Révolution française au cycle 3,
c’est obligatoirement faire des choix et, bien sûr,
des choix douloureux. On hésite souvent entre les
événements (trop nombreux !) à sélectionner.
Lesquels retenir, lesquels mettre en valeur ou au
contraire ignorer ? Bien entendu, on pourra privilégier tel ou tel aspect, retenir tel autre personnage non cité dans le récit de l’élève et
développer tel autre point central régionalement
ou localement, voire même au niveau national si
l’actualité s’y prête ou si l’enseignant le désire.
Le récit est, là encore, non un enfermement pour
la classe, mais la garantie d’avoir une vision large
des événements de 1789 à 1795. Cela est acquis,
tout le reste peut être fait.
Nous avons fait le pari que le récit destiné aux
élèves suffise presque en lui-même, suivant
deux impératifs principaux. Le premier vise à
donner aux enfants une histoire générale de
cette période infiniment complexe, loin des
détails superflus et, au contraire, au plus près de
la compréhension du déroulement des événements, afin de rendre intelligible la logique
96
d’ensemble de la période révolutionnaire. Le
deuxième impératif était celui de rester
conforme à l’esprit des nouveaux programmes,
à savoir d’envisager la Révolution dans la
continuité du siècle des Lumières, et dans une
problématique large laissant toute sa place aux
notions centrales de liberté et d’égalité. Nous
n’avons pas tout dit ? C’est évident. Quel professeur de collège, de lycée et même d’université peut tout dire de la Révolution française ?
Clé de voûte de l’idéal républicain, la
Révolution donne des symboles civiques essentiels à la France (Bastille, hymne, drapeau, fête
nationale…). Elle offre également un modèle
historique vécu sur la question générale de
l’émancipation politique. En cela elle est irremplaçable scolairement.
Les causes de la Révolution
Il faut toujours débuter par la question des
causes de la Révolution. Trois causes principales peuvent être retenues : une cause financière, immédiate (la banqueroute), qui oblige le
roi à convoquer les États Généraux ; une cause
La Révolution française (1789-1795)
économique, car depuis deux à trois ans, en
dehors des inégalités sociales criantes, se profile
une récession qui rend la vie chère, le prix du
grain élevé, la disette présente et le chômage
urbain important ; et enfin une cause liée à
l’image de la royauté dont nous avons déjà
expliqué les ressorts dans le chapitre sur
l’Ancien Régime (érosion de l’autorité royale).
De l’ouverture des États Généraux
à la proclamation de la monarchie
constitutionnelle
Puis, on passe avec les élèves du temps long de
l’Ancien Régime au temps très court du politique : l’événement a toute sa place. L’ouverture
des États Généraux a lieu le 5 mai. Le 17 juin,
le Tiers État, qui n’obtient pas le vote par tête,
se proclame Assemblée nationale. Le 20 juin,
devant les portes closes de leur salle de réunion,
les députés du tiers accompagnés de députés
d’ordres différents rejoignent la salle d’un jeu
de paume pour y proclamer leur serment. Le
23 juin, le roi casse la décision du 17 juin et
engage le rapport de force – c’est le jour où
Mirabeau se distingue en expliquant que
l’Assemblée ne sortira que sous la pression des
baïonnettes. Le 27 juin, le roi capitule ; le
9 juillet, l’Assemblée devient Assemblée constituante. Le 11 juillet, le roi renvoie Necker, ce qui
provoque le soulèvement de Paris ; le 14 juillet,
la Bastille, symbole de l’arbitraire royal, est
prise. Le roi cède à nouveau et rappelle Necker.
Dans la nuit du 4 août est décidée l’abolition des
privilèges ; le 26 août, la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen est proclamée. La fête
de la fédération le 14 juillet 1790 semble réconcilier tous les Français.
Crise de la monarchie constitutionnelle
et proclamation de la République
Mais cette monarchie constitutionnelle entre en
crise en 1791. Le 20 juin de cette année, le roi et
sa suite quittent Paris et sont arrêtés à Varennes.
La confiance avec le peuple est rompue. La
guerre avec les puissances aristocratiques coalisées contre la Révolution démarre en avril 1792.
La mobilisation commence. Le manifeste de
Brunswick, du nom du chef des armées autri-
chiennes, sonne le début des hostilités. Il s’agit
d’un ultimatum au gouvernement révolutionnaire visant à le faire revenir sur les acquis de la
Révolution. La réaction est immédiate. On
soupçonne l’entourage royal et MarieAntoinette d’avoir demandé de l’aide. Le 10 août
1792, la monarchie est abolie ; la République
proclamée le 22 septembre 1792, deux jours
après la retentissante victoire des Français à
Valmy. Dans ce climat de guerre, la suspicion
est généralisée. Louis XVI est guillotiné le
21 janvier 1793. Dès lors, l’engrenage de la
Terreur s’installe. Le Comité de salut public
multiplie les censures, les arrestations et les
décisions – toutes sont prises dans un climat
martial – au nom de la patrie en danger. Les
Blancs de Vendée font les frais de leur opposition à la politique révolutionnaire. Mais, devant
la violence de la période, Robespierre et avec lui
le gouvernement de salut public tombent en
juillet 1794, le 9 Thermidor. Le péril aux frontières persiste, ainsi que le péril intérieur.
Devant un coup de force royaliste prévu contre
le Directoire tout juste installé, la République
demande à Bonaparte de s’y opposer le
13 Vendémiaire (le 5 octobre 1795).
Voilà pour l’événementiel. Trois thèmes sont
développés dans le livre, parallèlement au récit.
Le premier touche à la guerre, omniprésente dès
1792. Faire de l’histoire avec les élèves, ce n’est
pas les amener à juger mais à comprendre. La
menace extérieure permet de comprendre l’état
d’esprit de ceux qui gouvernent et de ceux qui
souhaitent sauvegarder, à tout prix, la
République. Le second concerne les esclaves
comme nous y incitent explicitement les nouveaux programmes. La place des colonies dans
la Révolution permet de comprendre, en miroir,
la logique générale d’émancipation, comme ses
limites. L’étude des articles de la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen est essentielle même si elle n’est pas présentée dans le
livre (par choix, en fonction des contraintes de
place, nous avons privilégié des documents
moins souvent présents dans les manuels et
moins disponibles que la Déclaration du 26 août
que l’on peut trouver sans difficulté). À travers
le débat sur l’esclavage, se pose toute la question
97
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
de l’égalité. Cette problématique générale est
renforcée par l’autre axe du programme, à
savoir la place des femmes dans la Révolution
française. Peut-on être femme et citoyenne ?
Oubliées de l’émancipation politique de cette
période, réprimées et censurées, elles sont
reléguées de plus en plus dans l’espace du
privé.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Un cahier de doléances, p. 142
Après la convocation des États Généraux prévus
dès 1788 par le ministre Loménie de Brienne, le
roi fait savoir à ses sujets, en janvier 1789, qu’il
désire recevoir leurs doléances. Chaque ordre,
par bailliage (c’est-à-dire par circonscription
administrative d’encadrement du territoire ; voir
les bailliages et les sénéchaussées dans le chapitre sur le pouvoir des rois de France au Moyen
Âge, pp. 86-89), entreprend donc la rédaction de
cahiers de doléances, destinés directement à la
personne royale. Très souvent, le clergé comme
la noblesse adressent directement leur cahier au
roi, sans filtre. Leur maîtrise de l’écrit et des
procédures administratives les met à l’abri de
toute réécriture. En revanche, du fait de l’analphabétisme d’une partie importante de la population française et principalement du tiers état,
des synthèses régionales sont faites très souvent. Quoi qu’il en soit, alors que les états généraux n’avaient pas été réunis depuis 1614, les
Français prennent la parole. Partout, chacun
veut dire ce qu’il pense de la situation du
royaume. On a gardé dans les archives, tant
nationales que locales, la trace de près de
50 000 cahiers. À lire les cahiers, on est frappé
par l’amour pour le roi qui s’en dégage. Le
divorce avec l’autorité monarchique n’est pas
encore consommé. Beaucoup pensent également que le roi risque d’être bien surpris d’apprendre des informations qu’on (les intendants,
les nobles, les ministres) lui cache.
Comme on peut s’en douter, les cahiers se répartissent entre ceux rédigés par le tiers état et ceux
de la noblesse et du clergé réunis. Ils sont
contradictoires, car seuls ceux du tiers état
réclament des réformes importantes : une
constitution, une justice garantie et sans arbitraire, la suppression des droits seigneuriaux, la
baisse des impôts et leur répartition équitable en
98
fonction des revenus, et non en fonction de
l’ordre. Les cahiers de la noblesse, quant à eux,
font valoir leurs « droits honorifiques », leur
« distinction naturelle » pour réclamer la poursuite de leur exemption de charges. Quand, en
mai 1789, les États Généraux ouvrent leurs
portes, le divorce entre le Tiers État qui « est
tout » mais « rien dans l’ordre politique »
(Siéyès) et la noblesse est total. Il s’exprime dès
la première séance, dans l’étiquette et l’ostentation de la cérémonie et dans la mise en scène
humiliante pour le Tiers : le roi est au centre, sur
son trône, la noblesse à sa gauche et le clergé à
sa droite. Les députés du Tiers État sont devant
lui, au fond de la salle, loin de lui, ce qui vise à
montrer aux députés du Tiers qu’ils ne sont
décidément « rien dans l’ordre politique ».
Le Serment du Jeu de paume, p. 143
Cette scène a lieu le 20 juin 1789. Le Tiers État
a dû se réunir dans la salle du Jeu de paume car
la salle des Menus Plaisirs qui leur était accordée est fermée sur ordre royal. Le roi et son
entourage n’ont pas accepté l’idée que le Tiers
se déclare Assemblée nationale le 17 juin.
Empêchés d’entrer, les députés, auxquels se
sont joints des députés des deux autres ordres
hostiles aux décisions royales, se réunissent
dans la salle du Jeu de paume. Un député du
Dauphinois (Mounier) propose de faire prêter
serment aux 577 députés présents.
Dès l’événement, de nombreux dessins et gravures circulèrent, immortalisant la scène qui
entérinait le conflit ouvert avec le roi. En 1791,
David peignit la scène après avoir confronté plusieurs témoignages. Une raquette et des balles
laissées à gauche dans le tableau permettent de
reconnaître le lieu. On peut voir sur le tableau le
député Bailly, monté sur une table, lisant le serment, la main droite levée. Devant lui se tiennent
trois personnages : l’abbé Grégoire en noir, Dom
La Révolution française (1789-1795)
Gerle en blanc et le Pasteur Rabaud de SaintÉtienne. Cette scène centrale symbolise la fraternisation de tous les clergés, réformé, monastique
et régulier. Le peuple présent en haut, balayé par
le vent de l’orage (révolutionnaire) et de l’histoire, salue ce moment d’unité nationale. Toutes
les lignes de construction du tableau mènent vers
la main blanche de Bailly. Le doute est encore
possible, les hésitations certaines – on le voit à
certains personnages refusant de prêter serment.
Par ailleurs, il faut noter avec les élèves l’invraisemblance de la scène, Bailly tournant le dos à la
salle. Il s’agit d’un souci quasi pédagogique :
montrer l’enthousiasme d’une diversité de personnages réunis là, sans plus de références au
passé monarchique. David témoigne d’un sentiment nouveau qui émerge : on peut faire sans le
roi.
La fuite de la famille royale, p. 144
Cette carte a pour intérêt d’expliquer pourquoi
Louis XVI et son entourage (sa femme, ses
enfants et la Cour) se rendent incognito vers la
frontière est de la France. Le roi souhaite quitter
la France afin de retrouver les armées aristocratiques autrichiennes dont Marie-Antoinette est
proche par sa famille. Arrêté à Varennes,
reconnu par un aubergiste, le couple royal
échoue. Mais cet épisode a l’avantage pour les
révolutionnaires de leur faire prendre
conscience que la frontière représente dès lors
un danger imminent. L’Europe aristocratique
coalisée tente, dès le manifeste de Brunswick
(25 juillet 1792), de renverser la Révolution.
C’est donc dans la guerre qu’est proclamée la
République. Ce contexte influence toutes les
décisions politiques de l’époque révolutionnaire
à partir de 1792. Comprendre ce fait, ce n’est
pas chercher une justification quelconque à la
Terreur ; c’est simplement comprendre que la
Ire République a dû, dès l’origine, se défendre
contre une volonté de renversement et de rétablissement de la monarchie.
Un sans-culotte, p. 145
Les sans-culottes sont appelés ainsi parce qu’ils
ne portent pas de culottes utilisées par les
hommes des élites, mais un simple pantalon. Ils
sont la plupart du temps boutiquiers ou artisans,
compagnons, ouvriers ou apprentis. Ils représentent le peuple de Paris, réuni en section, dans la
période où la monarchie s’effondre (10 août 1792).
De 1792 à 1794, les sans-culottes dominent le
monde politique parisien en faisant pression sur
les députés.
Portrait de Robespierre, p. 145
Robespierre est né à Arras. Il fait partie de ces
jeunes avocats dont on a vu le rôle dans la désacralisation de la monarchie et de l’Ancien
Régime à la fin du règne de Louis XVI. En tant
que député du Tiers État, il combat pour l’avènement d’une société nouvelle, harmonieuse, fondée sur des principes d’égalité de droits, sur la
quasi-infaillibilité du peuple. Orateur inlassable,
il réclame le suffrage universel, s’oppose à la
répression brutale des manifestations populaires
et défend des positions contre la peine de mort. Il
gagne l’admiration de Saint-Just. Il est jacobin et
membre de la Commune de Paris. Il contribue à
la chute du roi et combat les girondins qu’il juge
trop bourgeois et de ce fait hostiles au peuple.
Membre du Comité de salut public, il parvient à
mettre en place un gouvernement d’exception :
la Terreur. Il jouit d’un grand prestige auprès
des jacobins, des démocrates et des sansculottes de Paris, ce qui lui permet d’imposer
ses vues. Convaincu d’avoir raison, les opposants ne peuvent être que des traîtres à la cause
du peuple. Ainsi furent éliminés les hébertistes
et les dantonistes. Dans le contexte du temps, il
devient partisan de la peine de mort et vote,
notamment, la mort de Louis XVI.
Mais l’inquiétude grandit et Robespierre et ses
amis sont de plus en plus isolés. Le blocage des
prix des denrées alimentaires et des salaires les
rend impopulaires. Les victoires à l’extérieur rendent moins justifiables la terreur. Intervenant à la
Convention le 26 juillet 1794, Robespierre n’est
pas suivi. Arrêté avec Saint-Just et Couthon, ils
sont guillotinés tous les trois sans jugement.
Le calendrier révolutionnaire, p. 146
Le 24 octobre 1793, la décision est prise d’adopter un calendrier républicain. Il est le fruit
d’un mouvement de déchristianisation lancé par
99
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
la Révolution. Des astronomes ont proposé un
nouveau découpage de l’année composée désormais de 12 mois de 30 jours divisés chacun en
3 décades auxquels on ajoute des jours complémentaires (5 ou 6) pour que l’année ait une
durée moyenne de 365 jours. C’est un poète,
Fabre d’Églantine, qui imagine les noms des
mois (vendémiaire, brumaire, frimaire, nivôse…).
Les noms des jours de la semaine ont disparu
avec la semaine. À l’intérieur de chaque décade,
les jours ont le nom de leur position : primidi,
duodi, tridi, quartidi, etc. Disparaissent également les noms des saints remplacés par le nom
d’une plante, d’un outil agricole ou d’un animal.
Ce calendrier fut utilisé jusqu’en décembre
1805 et supprimé par Napoléon alors qu’il était
tombé en désuétude.
Portrait d’Olympes de Gouges, p. 147
Olympe de Gouges est née en 1748 à
Montauban. Elle a quarante et un ans lorsque
débute la Révolution. Malgré son nom qui laisse
supposer une origine noble, Olympe était en fait
la fille d’un boucher, et s’appelait Marie Gouze.
Elle arrive à Paris et se crée un personnage plus
romanesque que ce que son origine sociale lui
imposait. Elle se lance dans la vie littéraire et
compose d’abord pour le théâtre, mais elle se
brouille avec Beaumarchais. Parallèlement, elle
rédige des brochures patriotiques très enthousiastes, pleines de générosité. Pourtant, elle est
attachée à la royauté et demeure modérée.
Féministe, elle rédige la Déclaration des droits
de la femme et de la citoyenne, prenant modèle
sur celle de 1789, très masculine. Les femmes
sont oubliées, dit Olympe. Elle se fait beaucoup
d’ennemis dans le camp révolutionnaire. Si la
fuite du roi à Varennes finit par lui donner des
sentiments républicains affirmés, elle s’oppose
pourtant à son exécution. Après un pamphlet
publié en juillet 1793, elle est arrêtée et guillotinée le 3 novembre 1793. Son délit était d’avoir
pris position politiquement plusieurs fois contre
le gouvernement révolutionnaire.
Le Club patriotique des femmes, p. 147
Ce document iconographique, représentant des
femmes en réunion, fait partie d’un ensemble de
81 gouaches des frères Lesueur réunies au musée
100
Carnavalet à Paris. Il s’agit d’une œuvre singulière, où la Révolution est envisagée depuis le
peuple. On y voit des scènes de la vie quotidienne : « là où d’autres s’expriment au fil des
pages d’un journal, ceux-ci [les Lesueur] l’ont fait
par l’image. » (Michel Vovelle) Ces femmes sont
assemblées pour une discussion politique. La clochette tombée au sol, et brisée, laisse entendre
que les débats, comme dans les clubs masculins,
sont parfois très animés. Cette gouache a l’intérêt
de montrer, d’une façon neutre, la participation
des femmes aux débats politiques et aux débats
d’idées.
Au moment des événements républicains de
1792, de plus en plus de femmes s’inscrivent dans
des clubs patriotiques. Quand la guerre éclate,
elles désirent partager les risques du combat, au
même titre que les hommes. Mais, jusqu’en 1793,
les clubs sont mixtes, et notamment ceux des
sans-culottes. Ce n’est qu’en 1793 que des
femmes (notamment Pauline Léon dont il est
question dans le récit de l’élève) décident de créer
un club exclusivement féminin : la Société des
citoyennes républicaines révolutionnaires – la
gouache en porte témoignage. Les clubs de
femmes sont interdits en novembre 1793 sous le
prétexte que : « Les femmes sont peu capables de
conceptions hautes, de méditations sérieuses. […]
Les femmes sont disposées par leur organisation,
à une exaltation qui serait funeste dans les affaires
publiques, les intérêts de l’État seraient bientôt
sacrifiés à tout ce que la vivacité des passions peut
produire d’égarement et de désordre. » (Extrait
des débats à la Convention, novembre 1793)
Autre personnage cité dans le corps du récit,
Théroigne de Méricourt est une des adeptes de la
participation violente à la Révolution. Elle comprend l’importance des clubs dans le débat révolutionnaire et défend le droit des femmes à porter
les armes, à l’égal des hommes.
Portrait de Toussaint Louverture, p. 148
Toussaint Bréda, dit Toussaint Louverture, a quarante-huit ans environ lorsque débute la
Révolution. Il est créole et ancien esclave de la
plantation Bréda dans la colonie française de
Saint-Domingue (Haïti). Il est affranchi par son
propriétaire et entre ainsi dans la classe des
La Révolution française (1789-1795)
« libres ». Sachant lire et écrire, il prend la tête de
la révolte des esclaves en 1791. Ceux-ci réclament la fin du régime de servitude. Lorsqu’en
1794 l’abolition de l’esclavage intervient, il
devient général des armées républicaines et combat les Espagnols et les Anglais désireux de
s’installer sur l’île. Lorsque Napoléon rétablit
l’esclavage en 1802, il mène la lutte pour la souveraineté de l’île avec Dessalines qui proclamera
l’indépendance en 1804. Toussaint meurt le 23
août 1803 en captivité.
Texte de Condorcet, p. 148
Dans le débat qui agite les révolutionnaires
autour de la question de savoir si les Noirs sont
des hommes à part entière et s’il faut leur appliquer la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen, et donc les libérer de l’esclavage, les
arguments qui justifient le maintien du régime de
servitude sont les suivants. Tout d’abord, les
Noirs doivent être maintenus en esclavage en
raison de leur « nature », comme le disent
Mirabeau et Malquet dans le document du livre
de l’élève. Ensuite des arguments économiques
sont développés, notamment par le club Massiac
qui réunit les grands propriétaires coloniaux.
Pour eux, les frais ruineraient les plantations si
les esclaves devenaient des salariés libres.
Face à ce courant antiabolitionniste, se trouve la
Société des amis des Noirs dont font partie
l’Abbé Grégoire, Sieyès et Condorcet. Ce dernier, dans le texte, renverse les arguments sur la
nature pour montrer que c’est là la responsabilité de l’esclavage. Mais attention, au sein
même de la Société, des désaccords existent,
notamment avec Mirabeau, plus modéré. Très
peu sont radicaux, à l’image de Diderot mort en
1784. Condorcet fait de l’abolition de l’escla-
vage un de ses objectifs politiques principaux.
Quand il écrit : « ils vaudront beaucoup mieux
que nous », cela signifie que les esclaves devenus libres, dans l’esprit de Condorcet, seront les
premiers à se battre pour la France.
Allégorie de l’abolition
de l’esclavage, p. 149
Cette allégorie vante les bienfaits de l’abolition
de l’esclavage, adoptée le 4 février 1794. Deux
affranchis se prosternent devant le soldat de la
République apportant la nouvelle et devant la
République elle-même. Le texte est illisible,
mais on peut penser qu’il suggère que c’est
grâce à la Convention que ce texte a été adopté.
Il faut faire remarquer aux élèves la position des
corps des trois personnages : la soumission des
deux affranchis malgré la décision, et la mise en
scène de la remise du « cadeau », de l’offrande,
par une France généreuse qui leur octroie cette
liberté. Le geste du soldat le montre : ils lui doivent leur liberté. Ce document est d’autant plus
intéressant qu’il tait les nombreux débats et
hésitations des révolutionnaires français.
L’Assemblée constituante refuse l’abolition de
l’esclavage en 1790. Il faut attendre le 4 février
1794 pour qu’elle soit acceptée. Mais là encore,
avec des sous-entendus lourds : la France est
menacée dans ses îles et ses colonies par les prétentions coloniales anglaises, espagnoles et hollandaises regroupées dans la coalition
contre-révolutionnaire. Rendre les esclaves libres peut permettre, c’est du moins ce que l’on
espère à Paris, d’en faire d’excellents défenseurs de la République, ce qu’ils seront
d’ailleurs. C’est ce à quoi renvoie sans aucun
doute la présence du soldat de la République,
prêt à les enrôler, en échange de l’abolition.
PP. 150-151
Dossier
CONDORCET : UN HOMME DANS LA RÉVOLUTION
L’intérêt principal de ce dossier est d’incarner
les idées révolutionnaires et des principes fondamentaux de notre société d’aujourd’hui
dans un personnage réel. Trop souvent, les
élèves sont confrontés à des abstractions
(République, libertés fondamentales, l’égalité…) sans qu’ils en perçoivent les enjeux
réels. Par la personne de Condorcet, que les
programmes réinstallent comme un des personnages fondamentaux de l’histoire de la
101
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
pensée européenne, les élèves sont amenés à
réfléchir sur les débats de l’époque, qui sont
aussi souvent les grandes questions d’aujourd’hui : place des femmes, place de l’école,
l’esclavage, les inégalités politiques, la peine
de mort, les inégalités sociales…
Cette leçon est l’occasion de faire de l’éducation civique dans le cadre de l’heure
d’histoire en abordant avec les élèves à la fois
les raisons et les continuités des combats de
Condorcet (Lumières, 1789, 1792 et l’avènement de la République) pris dans leur
contexte historique, ainsi que dans leur résonance d’aujourd’hui.
Portrait de Condorcet, p. 150
Né en 1743, ce philosophe et mathématicien
se sent concerné par l’injustice dès 1765. Il
dénonce les privilèges des nobles qui les autorisent à exiger des paysans des journées de travail sur leurs terres, une partie des récoltes et
des taxes qui les conduisent souvent au bord
de la misère : « Qu’y a-t-il de noble dans le
droit de forcer des paysans à nous donner leur
travail quand ce travail est la vie de leurs
enfants? » À ces usages coutumiers, « cela
s’est toujours fait ainsi », Condorcet oppose
les bienfaits de l’égalité entre les hommes.
Il poursuit son combat contre toutes les injustices avec encore plus d’intensité pendant la
Révolution française. En 1789, porte-parole
de la Société des amis des Noirs, il demande
l’abolition de l’esclavage. Il rédige une déclaration des droits de l’homme. Les hommes de
la Révolution s’inspireront de ses écrits sur la
République, les lois et l’instruction publique.
Le 13 mars 1794, Condorcet est considéré
comme hors-la-loi par la Convention. Il tente
de fuir mais est finalement arrêté et placé en
détention. Alors que la guillotine lui est promise, il meurt dans sa cellule le 29 mars.
La Prise de la Bastille, p.151
La forteresse de la Bastille est un donjon féodal
flanqué de huit tours. Construite entre 1369 et
1383, Louis XIII en avait fait une prison d’État.
Sur simple lettre de cachet, on pouvait être
emprisonné. Voltaire y fit plusieurs séjours.
Même si en 1789 elle n’abritait plus qu’une poignée de prisonniers, elle continuait cependant à
représenter l’arbitraire royal. Il y avait dans les
tours des canons braqués sur la ville et, à l’intérieur de la forteresse, des armes et des munitions en grande quantité. Des manifestations
commencèrent. Il fallait des armes. La foule se
rendit à la Bastille pour en obtenir. De Launay,
le gouverneur de la Bastille, fit feu sur la foule
faisant une centaine de morts et des dizaines de
blessés. La lutte s’engagea. De Launay capitula
rapidement. Parmi les assaillants, on distingue
des bourgeois (en habit à culotte), des soldats en
uniforme et le peuple des faubourgs parisiens.
Au centre du tableau, on repère un groupe de
trois personnes. On assiste sans doute à l’arrestation du gouverneur De Launay. Conduit à
l’Hôtel de Ville, il sera décapité.
Éléments pour une synthèse
Condorcet combat toutes les injustices. Il
dénonce l’esclavage. Il est contre la peine de
mort. Il veut une école gratuite qui accueille
tous les enfants. Pour lui l’instruction donnée
à tous est le meilleur moyen de lutter contre
l’inégalité.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Les députés se proclament Assemblée nationale
avec la tâche de donner une constitution à
la France. Puis l’Assemblée rédige la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le
roi ne veut pas partager le pouvoir. Il appelle
102
à l’aide les princes étrangers. Le peuple se
sent trahi. Le roi est emprisonné, la République
proclamée. Les esclaves obtiennent la liberté
mais les femmes n’ont toujours pas le droit de
vote.
De la Révolution
à l’Empire de Napoléon
Bonaparte (1795-1815)
LIVRE PP. 152-155
Notions
Coup d’État, plébiscite, impérialisme, répression, censure, organisation administrative,
empereur, conquête, liberté.
Compétences
• Comprendre la complexité d’un personnage historique.
• Savoir argumenter.
• Savoir lire une carte historique.
• Confronter des documents de natures différentes.
Exercices
Cahier CM1 : Napoléon Ier et l’Allemagne, pp. 47-48.
Cahier CM2 : Napoléon : tyran ou libérateur ? (1795-1815), p. 13.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Pour bien comprendre comment Bonaparte a pu
apparaître comme le sauveur et l’homme providentiel en 1799, au moment où il prend le pouvoir
par un coup d’État, il faut avoir à l’esprit la situation du Directoire (1795-1799). Le pouvoir de la
République bourgeoise est faible et de plus en plus
soumis aux pressions, tant des royalistes que des
révolutionnaires radicaux. De plus, la Révolution
française a laissé la société très lasse et fatiguée de
tant de bouleversements parfois douloureux.
Du Consulat à l’Empire
Le Consulat se veut d’abord et avant tout une
entreprise de restauration de l’autorité de l’État.
Pour y arriver, Bonaparte utilise la voie de la
constitution, qui lui donne la réalité du pouvoir.
En nommant des préfets dans les départements,
il s’assure que chacune des décisions du gouvernement trouvera son application directe et
immédiate. De plus, il s’emploie à faire la paix
avec les puissances ennemies traditionnelles de
la Révolution. Il signe des traités avec
l’Autriche après Marengo (1800) et l’Angleterre
à Amiens (1802), ou encore avec le pape par le
Concordat, en 1801, qui met fin aux conflits
religieux nés de la Révolution. De ce fait, il
pose les bases d’une reconstruction de l’économie, condition sine qua non de la paix civile.
L’organisation de la France doit reposer sur des
« masses de granit », aime-t-il à dire. C’est
pourquoi Bonaparte amorce les travaux, dirigés
par Portalis, en vue de la rédaction du Code
civil qui sera promulgué en mars 1804. Ce travail juridique unique en son genre entérine
l’égalité civile en proposant une même loi pour
tous. C’est un texte majeur, car il marque une
rupture avec l’Ancien Régime en faisant disparaître les distinctions et privilèges de toutes
sortes.
L’Empire fondé en 1804, après le sacre, relève
des mêmes lois et des mêmes juridictions que
n’importe quelle ville ou région française. La
France de 1811 compte 130 départements.
Partout en Europe, les idées de la Révolution
française se diffusent, ce qui révolutionne le
vieux continent qui connaît encore le servage
(progressivement aboli) et l’absence de liberté
de culte.
Partout pourtant, le pouvoir de Napoléon s’affirme de manière dictatoriale. Grâce à son fidèle
ministre de la police, Fouché, Napoléon fait surveiller les courriers, la presse (par une censure
draconienne), les spectacles et les réunions
publiques. Une politique de glorification de
103
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
l’empereur est même explicitement réclamée
par Napoléon lui-même. L’adoption d’un « catéchisme impérial » renforce l’aspect de plus en
plus monarchique du régime.
Un Empire européen
Organisation du blocus continental
À l’extérieur, la politique internationale de
Napoléon est dominée par l’antagonisme
franco-anglais. Si Napoléon étend sa domination en Europe par des conquêtes et des victoires militaires décisives, l’Angleterre
s’inquiète de plus en plus de l’emprise continentale de l’empereur français. C’est sur les
mers que les Anglais affirment leur primauté.
Pour éviter la commercialisation des produits
anglais sur le sol continental, Napoléon organise
le blocus européen, c’est-à-dire l’interdiction
aux bateaux anglais d’accoster sur les côtes
continentales. La concurrence commerciale
avec l’Angleterre détermine à la fois les implications diplomatiques et militaires de l’évolution du régime sur le continent et, partant, de
toute l’histoire européenne de 1800 à 1815,
mais elle conditionne aussi d’autres enjeux
situés outre-mer.
En 1802, Napoléon rétablit l’esclavage supprimé en 1794, prenant pour prétexte la révolte
qui menace la colonie française de SaintDomingue (Haïti). Napoléon restaure la traite
négrière et l’esclavage, fort du succès de la
paix d’Amiens qui lui permet de retrouver un
contact maritime avec les colonies. Napoléon
supprime aux gens libres de couleur leurs droits
politiques et civils qui leur avaient été accordés
en 1792.
La campagne de Russie et la fin de l’Empire
Mais l’Angleterre n’est pas le seul pays à avoir
affaibli, à terme, la domination continentale de
Napoléon. Les peuples soumis à l’autorité française se révoltent comme en Prusse ou en
Espagne (1808). Le mécontentement fermente
alors que Napoléon décide d’aller attaquer la
grande puissance européenne non encore soumise : l’Empire russe. En 1812, la défaite
104
devant Moscou et la retraite des grognards dans
l’hiver russe annoncent la fin de l’Empire français. La Bérézina, c’est-à-dire le franchissement
du cours d’eau russe, est devenu en français le
synonyme d’un fiasco retentissant. Et ce fut le
cas. Après la retraite, ce fut la défaite de Leipzig
(1813). Le 6 avril 1814, Napoléon abdique une
première fois. C’est la restauration du pouvoir
monarchique avec Louis XVIII. Exilé sur l’île
d’Elbe, Napoléon tente un retour qui coalise
l’Europe entière contre lui. C’est la période dite
des Cent-Jours (mars-juin 1815). Après les
Cent-Jours, Napoléon doit de nouveau capituler,
cette fois-ci définitivement.
Napoléon : un personnage controversé
Les débats autour de Napoléon sont à la mesure
de l’intérêt qu’il suscita de son vivant et après sa
mort. Fut-il le sauveur de la Révolution ou un
dictateur fossoyeur des principes révolutionnaires ? A-t-il mis fin à la Révolution comme il
le proclamait au moment du coup d’État de
Brumaire en 1799 ? ou fut-il celui qui a permis
aux principes révolutionnaires de s’enraciner
dans la société française et européenne, grâce
notamment au Code civil ? Fut-il sans scrupule
à l’extérieur des frontières et un tyran à l’intérieur ? ou fut-il celui qui voulait et qui, seul,
pouvait garantir les acquis révolutionnaires en
France et promouvoir la diffusion des idéaux de
liberté et d’égalité à travers toute l’Europe ?
Fut-il celui dont la gloire personnelle importait
à tel point qu’il lui fallait agrandir l’empire sans
cesse ? ou fut-il celui qui fut guidé par les événements, pris par le contexte international du
temps, obligé de défendre la France contre
l’Angleterre et plus globalement contre toute
l’Europe aristocratique ? Jusqu’à quel point
Napoléon savait-il ce qu’il faisait ? Et pouvaitil faire autrement ?
L’analyse de sa légende – ogre ou génie ? –
témoigne de la même ambivalence. Construire
l’histoire avec les élèves, c’est aussi construire
un esprit d’analyse capable d’apercevoir le
complexe, à défaut de toujours pouvoir le
résoudre.
De la Révolution à l’Empire de Napoléon Bonaparte (1795-1815)
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Portrait de Napoléon Bonaparte, p. 152
Ce tableau montre Bonaparte en 1799, dans
toute sa jeunesse – il a à peine trente ans –, au
moment où il s’impose au Directoire affaibli.
Les raisons de son succès sont liées au fait que
la France est en proie à une crise très grave, sans
issue politique apparente. Bonaparte apparaît
comme le véritable sauveur, l’homme providentiel, courageux, intègre, loin de la corruption du
temps et surtout apte à remettre de l’ordre grâce
à l’armée. Car, avant le 18 Brumaire, Bonaparte
avait l’avantage d’être loin des enjeux politiques quotidiens et souvent corrupteurs. En
Égypte, il continuait de bénéficier de ses
anciens soutiens issus de la Révolution, mais
aussi de son prestige de jeune général vainqueur
des Anglais à Toulon. Son pouvoir est militaire.
Dans le marasme politique et économique de la
fin du Directoire, Bonaparte, aidé de son frère
Lucien et de Sieyès, parvient à prendre le pouvoir par un opportunisme très martial. Aux yeux
de ses contemporains, il s’impose comme le
seul capable de mettre fin à la crise de régime.
Sa gloire aux frontières, sa jeunesse – qui
intrigue, comme son caractère – et sa détermination implacable font la décision.
Le Sacre de Napoléon Ier, p. 153
Le tableau de David présente le sacre de
Napoléon Ier et de son épouse l’impératrice
Joséphine de Beauharnais. Mais le sacre du
2 décembre 1804 n’a pas la même signification
que sous les Capétiens. Pour Napoléon, il doit
même lui être exactement opposé. Il demande,
dans le courant de l’année, l’avis du peuple par
un plébiscite : la légitimité populaire précède le
sacre. C’est pourquoi il se couronne lui-même,
malgré la présence du pape, afin de montrer à
tous qu’il ne doit son pouvoir que de lui-même et
de la Nation qu’il représente. David entame la
réalisation de la scène du couronnement en
décembre 1805. Dans un premier temps, le
tableau doit représenter Napoléon se couronnant
tout seul. Mais ce projet est abandonné car le
geste pouvait être mal perçu une fois fixé sur la
toile. Le couronnement de Joséphine est finale-
ment retenu. Plusieurs esquisses du tableau sont
maintes fois corrigées en raison des susceptibilités des uns ou des autres. Le tableau est terminé
en décembre 1807 et est très apprécié du couple
impérial. Par l’utilisation franche de l’effet lumineux, le jeu subtil des regards, les postures des
personnages à peine décalées les unes par rapport
aux autres dans chaque groupe, le peintre a donné
à l’ensemble une calme grandeur.
L’Europe de Napoléon, p. 154
La France est très étendue en 1812 : de
Hambourg, au nord, à Rome, au sud, sans compter les provinces illyriennes à l’est de la mer
Adriatique. Les villes de Hambourg, Rome,
Bruxelles, Amsterdam, Nice… sont des villes
françaises au même titre que Limoges ou Brest.
C’est un immense empire : l’Europe unie (ou
presque) par anticipation. Presque, car cette carte
politique ne dit rien des résistances locales et
nationales. De Hambourg à l’ouest de l’Espagne,
de Trafalgar au royaume de Naples, la France a
organisé le blocus continental : il s’agit
d’étendre à l’ensemble de l’Europe continentale
un régime douanier draconien à l’égard des produits manufacturés et commerciaux anglais.
L’idée est de bloquer l’accès des navires de commerce anglais aux ports européens par des taxes
prohibitives et parfois par la force.
Par un jeu de confrontation de cartes actuelles de
Londres et de Paris, on peut faire avec les élèves
le jeu de la mémoire napoléonienne qui consiste
à voir qu’à Paris, les principaux axes de communication (avenues, gares, boulevards…) gardent
la mémoire des victoires de l’empereur
(Austerlitz, Wagram, Iéna…) là où les Anglais ne
se souviennent que de Trafalgar (square) ou de
Waterloo (station). Inscrits sur une carte actuelle,
ce « jeu » mémoriel permet, au-delà de l’aspect
géographique, de réfléchir avec les élèves sur une
des nombreuses traces de l’histoire.
Le Trois Mai, p. 155
Fransisco de Goya y Lucientes (1746-1828) est
un peintre espagnol qui vit la guerre avec la
France de façon particulière. La guerre
105
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
d’Espagne se déroule de 1807 à 1814. Il fait partie de ces Espagnols qui accueillent avec bienveillance la France des Lumières à travers les
troupes impériales françaises qui envahissent
l’Espagne en 1807. Goya noue de nombreux
liens avec l’administration d’occupation et
notamment avec le nouveau roi d’Espagne
(1808-1813), Joseph Bonaparte, frère aîné de
Napoléon. L’empereur installe effectivement sa
famille à la tête de toute l’Europe. Ce népotisme
fut une des raisons de sa chute et de son impopularité dans plusieurs pays d’Europe. Cette
collaboration artistique de Goya lui vaudra le
titre de chevalier de l’Ordre royal d’Espagne
institué en 1811 par les forces françaises. Cette
position pour le moins ambiguë amène les autorités espagnoles à entreprendre une enquête sur
le peintre, en 1814, pour collaboration avec les
forces françaises d’occupation.
C’est dans ce contexte très personnel que Goya
propose au roi Ferdinand VII de réaliser deux
tableaux sur les méfaits du « tyran de
l’Europe ». Ferdinand VII vient juste de revenir
d’exil après le retrait des troupes napoléoniennes en février 1814. Ces deux tableaux – El
Dossier
À PROPOS DU MOT « LIBERTÉ » (1815-1848)
Plutôt que d’entrer dans les détails historiques
de la restauration de la monarchie française,
de 1815 à 1848, le choix a été fait de montrer
l’importance en Europe de la Révolution française et de ses principes. Louis XVIII devient
roi de France en 1814. Charles X lui succède
en 1815, après les Cent-Jours de Napoléon, et
tente de réintroduire une monarchie absolue et
autoritaire. La révolte dite des « Trois Glorieuses », en 1830, chasse Charles X du pouvoir qui est pris par Louis-Philippe. Mais en
1848, la République est de nouveau proclamée. Les historiens parlent d’une monarchie
impossible, celle qui court de 1815 à 1848,
tant l’entourage des monarques ne peut installer un régime stable, et débarrasser les esprits
de l’héritage omniprésent de la Révolution.
Plus que pour toute autre période, le choix à
106
Dos de Mayo (affrontement des Espagnols et
des Français) et El Tres de Mayo (2 et 3 mai
1808) – témoignent d’une occupation qui ne fut
jamais acceptée par une partie des élites espagnoles comme par la population. Soulèvements,
combats et répressions rythment en effet la présence française en Espagne, ce dont témoigne la
terrible nouvelle de Balzac, El Verdugo. Les
deux tableaux sont des œuvres patriotiques qui
mettent en évidence la brutalité des combats et
de la répression qui s’ensuivit. Dans Le Trois
Mai, l’innocence espagnole est un martyr. Bras
levé comme un Christ issu du peuple révolté,
l’homme au centre est éclairé par une tache
blanche. Il meurt sous le feu des forces françaises dont on ne voit pas le visage. Elles sont
alignées en ordre, face au désordre du désespoir,
dans une nuit sans étoiles. Le contraste entre la
nuit noire et la lumière blanche impose une
scène où la rectitude du peloton d’exécution fait
face à chacun des hommes renvoyés, grâce au
sombre de leurs vêtements, à leur solitude
désespérée. Ce tableau reste le témoignage
patrimonial majeur de la souffrance espagnole
face à la répression française.
PP. 156-157
cette époque se situe bien entre deux possibilités : la Royauté ou la République. Il faut
mettre en évidence ici les continuités historiques : des humanistes épris de liberté de
pensée et de conscience jusqu’aux révolutionnaires de 1848, en passant par les Lumières et
la Révolution française – continuité des
idéaux, mais dans des formes différentes.
Au XIXe siècle, s’affirme un romantisme politique perceptible dans l’art et la littérature,
dont Hugo et Delacroix sont des témoins de
choix. Au-delà du bicentenaire de la naissance
de Victor Hugo célébré en 2002, la double
page est l’occasion de confronter une même
aspiration (la liberté), une même révolte pour
la liberté, une même exaltation à deux langages artistiques, la peinture et la poésie.
De la Révolution à l’Empire de Napoléon Bonaparte (1795-1815)
Scènes des massacres de Scio, p. 156
Ce tableau représente un épisode dramatique de
la guerre d’indépendance grecque : le massacre
des habitants de l’île de Scio par les Turcs en
avril 1822. Ce massacre a fait des milliers de
morts ; les rescapés, peu nombreux, devinrent
des esclaves. Delacroix a recueilli des témoignages pour réaliser cette œuvre. Il a aussi
puisé son inspiration dans les poèmes de
Byron. Ému par le destin de ces hommes et de
ces femmes, Delacroix s’éloigne de la peinture
classique pour exprimer de façon très libre ses
impressions personnelles.
Pour faire découvrir la composition de
l’œuvre aux élèves, il serait intéressant de
confronter le tableau de Delacroix au Radeau
de la méduse et au Chasseur de la garde de
Géricault. Les échos entre ces différents
tableaux permettront le repérage, au premier
plan, de la position des corps, de l’expression
des visages, de la détresse et de leur immobilité en contraste avec le groupe de droite qui
s’organise autour du cavalier, saisi dans le
mouvement. L’ensemble de la scène se découpe
sur un paysage désolé. Le ciel dont l’opacité
ferme l’horizon symbolise la situation de cette
île coupée du monde, repliée sur son malheur.
« L’enfant » de Victor Hugo, p. 157
Là-bas, au fond, au milieu des ruines, il y a un
enfant aux yeux bleus, que le poète interroge.
Le poète, c’est Victor Hugo. Il va lui aussi
évoquer le même événement que Delacroix.
Comme le peintre, il utilise des effets de
contraste entre un univers paradisiaque et un
univers de violence pour mettre en évidence
les méfaits de la guerre, en particulier pour les
enfants. Les paroles symboliques de l’enfant
montrent que le poète est du côté des opprimés.
Les Misérables de Victor Hugo, p. 157
Ce texte est à confronter avec le tableau de la
page 120 du livre de l’élève, La Liberté guidant le peuple. Gavroche a été abandonné par
ses parents et vit dans la rue. Victor Hugo a
imaginé ce personnage dans son roman
Les Misérables en regardant le tableau de
Delacroix et en souvenir des enfants qui
étaient souvent des héros pendant les insurrections. Les gamins des rues apparaissaient pieds
nus le plus souvent ; ils aidaient les insurgés,
portaient les pavés sur les barricades, participaient à la fabrication des cartouches ou se
faufilaient pour récupérer celles des soldats
morts. Victor Hugo a choisi de faire mourir
Gavroche sur une barricade en héros.
Éléments pour une synthèse
Des artistes partagent le combat des hommes
pour la liberté en leur dédiant des œuvres.
Delacroix peint les malheurs des Grecs qui
luttent pour se libérer des Turcs dans un
tableau Les massacres de Scio. Dans un
poème L’Enfant et dans un roman Les
Misérables, Victor Hugo présente des héros
qui sont des enfants.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Bonaparte devient l’empereur Napoléon Ier en
1804. Il conquiert une grande partie de
l’Europe. Libérateur pour les uns, tyran pour
d’autres, il veut conquérir la Russie. Il échoue.
Il doit s’exiler sur l’île d’Elbe puis à SainteHélène. Il reste un personnage de légende.
107
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
1848 : l’esprit de liberté
LIVRE PP. 158-161
Notions
Héritage révolutionnaire, esclavage, citoyenneté, coup d’État, arbre de la Liberté, suffrage
universel masculin.
Compétences
• Analyser des documents iconographiques.
• Situer l’enchaînement des événements sur une frise chronologique.
• Savoir préciser le rôle de Victor Schœlcher.
Exercices
Cahier CM2 : 1848 : l’esprit de liberté, pp. 14-16 ; une galerie de portraits, p. 43 ; l’art et
l’histoire, pp. 46-48.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
L’intérêt pédagogique de ce chapitre est de faire
comprendre aux élèves la construction politique
de notre modèle démocratique dans le cadre de
luttes politiques et sociales parfois très violentes. Il faut amener les élèves à percevoir également que le débat entre Monarchie et
République n’est toujours pas réglé.
De 1814 (date de la première restauration de
Louis XVIII) à 1852 (date de l’abolition de la
République par Louis Napoléon Bonaparte
devenu Napoléon III), la question qui se pose à
chaque gouvernement, c’est celle de la nature du
régime : monarchie absolue ? monarchie constitutionnelle ? république modérée ? république
sociale ? Tout semble à construire et à inventer.
En effet, toute cette période subit le poids d’une
monarchie qui ne parvient plus à s’imposer tant
l’héritage révolutionnaire est vivant, renforcé
par l’héritage politique bonapartiste. Pour
autant, le retour à une république jacobine
semble lui aussi écarté comme en témoignent
les débats au sein même des républicains de
1830 à 1851. Le souvenir de la Terreur persiste.
La révolution de 1848
Le rêve de la démocratie directe fut expérimenté
par les insurgés de 1848, parisiens ou provinciaux. La révolution de 1848 pose, sous une
forme inédite, la question de la politique et de la
place à laisser à l’action du peuple, du citoyen,
de la citoyenne éventuelle… C’est pourquoi
108
cette période est si importante : 1848 est l’année
par excellence de ces débats politiques et
sociaux. Cette révolution a été vue par Karl
Marx comme une période lumineuse de trois
mois, brisée par trois ans d’une remise en ordre
et au pas toute libérale et bourgeoise. Pour
d’autres au contraire, comme Tocqueville, elle
fut un temps où le réalisme politique imposait
aux gouvernements successifs de rappeler le
peuple à la raison et de faire en sorte que le respect minimal de l’ordre social soit respecté. À
côté de ces deux thèses classiques, une troisième, de l’historien Maurice Agulhon, insiste
plus sur le laboratoire d’idées politiques, la fantastique construction théorique et pratique qui a
pris place en quelques années, définissant un
véritable réservoir d’idées pour la fin du XIXe et
du XXe siècle (travail fourni à partir des ateliers
nationaux, indemnisation du chômage, définition du rôle de l’école publique, suffrage universel…).
L’instauration du suffrage universel
Le bouleversement politique réside dans la
déclaration du suffrage universel. C’est un des
grands acquis du combat démocratique du
XIXe siècle, et une date de référence pour les
élèves. À travers la conquête du suffrage universel, les révolutionnaires font en sorte de faire
accepter au peuple que le conflit doit désormais
avoir sa place dans l’espace démocratique mais
sans le fusil. Car depuis 1789, le fusil fait le
1848 : l’esprit de liberté
citoyen. Le suffrage universel (masculin) s’impose à la faveur d’une révolution en un temps
où le droit de vote est capacitaire, c’est-à-dire
qu’il est réservé à ceux dotés de capitaux économiques et/ou intellectuels reconnus.
Beaucoup de républicains restent méfiants à
l’égard du peuple. Pourtant, Ledru-Rollin,
Arago ou encore Schœlcher parviennent à
convaincre le gouvernement provisoire de
l’égalité civique et de l’équité politique que le
suffrage universel masculin représente.
Victor Schœlcher ou l’incarnation
de l’esprit de liberté
D’un point de vue pédagogique, rien de mieux
sans doute que d’incarner les idées dans le parcours d’une personne. C’est pourquoi il n’est
pas inutile d’accorder une place importante à
Victor Schœlcher, qui traverse toute la période
1830-1890. Ardent défenseur des esclaves, du
suffrage universel, de la République et de la
démocratie, il lutte à la fin de sa vie pour le vote
des femmes et l’abolition de la peine de mort.
Ses textes rédigés dès les années 1830 sur les
colonies lui donnent un rôle central dans le processus très long d’abolition de l’esclavage.
Dans le reste de son travail, il s’inscrit dans un
contexte où la France demeure la seule grande
nation européenne, après l’Angleterre, à mainte-
nir l’esclavage. Nier aux Noirs leur humanité
relève du scandale pour Schœlcher : la liberté
est inaliénable, l’humanité indivisible. De deux
choses l’une, pose Schœlcher, si les Noirs font
partie de l’humanité, ils sont nos égaux ; s’ils
n’en font pas partie, il faut en tirer toutes les
conséquences. L’auteur pointe ici indirectement
un des débats de cette période sur l’anthropophagie, régulièrement imputée aux « sauvages ». Combien même les colonies seraient
pourvoyeuses de la totalité de la richesse nationale, si cette richesse provient d’une action
injuste, il faut accepter l’idée de se débarrasser
des colonies. C’est toute l’histoire coloniale qui
est ici en jeu : apprendre aux élèves l’abolition
de l’esclavage, rendre compte des conditions
qui ont permis son décret, c’est parler de l’aspect lumineux et terminal des choses. C’est
pourquoi ce chapitre est inséparable de l’étude
de la traite des Noirs en tant que telle.
En 1851, la République est agonisante. Les
républicains modérés freinent toute réforme
sociale et tolèrent les atteintes aux libertés fondamentales définies en 1848 (liberté de la
presse, liberté de réunion). Le pouvoir est prêt à
tomber dans les bras du parti bonapartiste et de
son représentant le plus illustre : Louis
Napoléon Bonaparte. La République disparaît
en 1852.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Le suffrage universel, p. 159
Sur cette lithographie de Sorrieu réalisée en
1850, à une époque où le camp républicain comprend déjà sa défaite à venir, Ledru-Rollin, le
« père » du suffrage universel (il a été en tant
que ministre de l’Intérieur chargé d’organiser
les premières élections au suffrage universel)
alors en exil, est adossé au pied d’un arbre de la
Liberté pour observer le fruit de son combat
politique. Au centre de la lithographie se trouvent une urne, les Droits de l’homme et la
presse tenue par la déesse de la Liberté qui
éclaire la scène de son flambeau, ainsi qu’un
révolutionnaire de 1848 en blouse de travail. À
gauche, les citoyens, très nombreux, toutes
classes confondues, viennent déposer le bulletin
de vote. À droite, le parti de l’ordre est représenté par Montalembert (député en 1848, il
glisse à la droite de l’échiquier politique après
les Journées de juillet, soutient le prince-président et approuve le coup d’État du 2 décembre)
et Thiers, auxquels se sont joints des militaires
et des membres de l’Église.
L’abolition de l’esclavage, p. 160
Réunissant une sous-commission dans laquelle
siègent Schœlcher, des planteurs et des membres du gouvernement sous la responsabilité
d’Arago, le gouvernement provisoire s’est
donné les moyens de régler une des questions
109
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
les plus graves du colonialisme français. Le
gouvernement républicain issu de la révolution
de février 1848, celui de Lamartine et Arago,
décide l’abolition de l’esclavage le 27 avril 1848.
Les arguments sont ceux de Schœlcher, et principalement ceux qui ont trait à l’égalité, à la
liberté et à la dignité humaine, autrement dit à la
fraternité.
esclaves se révoltent beaucoup, surtout après la
réintroduction de l’esclavage par Napoléon
(1802) et grâce au modèle d’indépendance de
Saint-Domingue (Haïti), première colonie française à s’être affranchie de la tutelle de la métropole. L’abolition de l’esclavage est aussi leur
propre victoire, avant d’être celle des républicains métropolitains.
Le tableau de François-Auguste Biard montre
des hommes noirs qui se redressent, comme des
hommes à part entière, après l’annonce fraternelle d’un représentant de la République.
L’abolition de l’esclavage s’est imposée grâce à
l’action des esclaves eux-mêmes et à leurs
révoltes contre les injustices et les mauvais traitements, relayés par des esprits éclairés comme
Schœlcher, au fait du contexte local, national et
international. On est face à une radicalité politique qui ne souffre aucune nuance et aucune
attente. Schœlcher, à l’inverse de Tocqueville
sur la même question, explique que, si le principe est mauvais, alors il faut le supprimer sans
attendre. C’est une question de principe, or on
ne peut pas transiger avec les principes.
Aux citoyens français, p. 161
Le texte de Jeanne Deroin, ouvrière devenue institutrice, s’inscrit dans une tradition politique
républicaine et saint-simonienne de lutte pour
les aspirations du peuple. Son texte est aussi une
prise de distance vis-à-vis des républicains qui
refusent d’envisager le suffrage comme pouvant
être réellement universel. Jeanne Deroin critique
la discrimination politique et civique dont souffrent les femmes, exclues du champ politique
depuis la Révolution française. La critique centrale du suffrage universel réside dans le fait
qu’il ne se dit pas masculin. Pour Jeanne Deroin,
comment un gouvernement qui libère des privilèges, ne libérerait-il pas du dernier : celui de
l’homme sur la femme en la rendant citoyenne à
part entière ? L’auteur pointe une contradiction
majeure dans l’absence de volonté politique
pour reconnaître les femmes comme partie prenante de la nation. Les hommes (« ils ») sont au
banc des accusés. C’est la question de l’égalité
qui est posée. Comment peut-on être pour l’égalité politique en excluant la moitié de la nation ?
Écrit en 1848, ce texte s’adresse au gouvernement républicain qui, depuis le 5 mars, a déclaré
le suffrage universel (masculin).
Avec ces deux documents, il manque la parole
des victimes. Du fait de la condition des
esclaves, il existe très peu de documents permettant d’entendre leur voix. Les récits des
révoltes sont souvent (toujours, ou presque)
rédigés par des personnes partageant le préjugé
de couleur ou des personnes parlant pour les
révoltés. C’est un des sujets à aborder avec les
élèves : le silence des sources. Pourtant, les
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
La révolution de 1848 chasse le roi LouisPhilippe. La IIe République est proclamée. Grâce
aux révoltes et à Schœlcher, l’esclavage est aboli.
Le droit de vote est accordé à tous les hommes
110
mais pas aux femmes. Louis Napoléon, neveu de
Napoléon Ier, est élu président de la République.
Par un coup d’État, il prend le pouvoir seul et se
débarrasse de l’Assemblée nationale.
Napoléon III (1851-1870)
LIVRE PP. 162-163
Notions
Plébiscite, urbanisation, droit de grève, exil.
Compétences
• Lire une caricature.
• Associer un personnage historique à la transformation des grands centres urbains.
Exercices
Cahier CM2 : Napoléon III (1851-1870), pp. 19-20.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Le chapitre consacré à Napoléon III n’est pas
destiné à creuser les logiques d’un régime impérial qui intéresse encore largement les débats
des historiens, tant il surprend par son aspect à
la fois libéral et autoritaire. Il s’agit avant tout,
avec les élèves, de repérer à quel point l’expérience napoléonienne du début de siècle a laissé
un modèle politique singulier ainsi que des
traces dans les mémoires des Français. En effet,
celui que Zola appelait le « sphinx » était héritier de la légende napoléonienne et s’en proclamait ouvertement. Napoléon III rétablit le
plébiscite (pure tradition bonapartiste : faire
appel directement à l’assentiment du peuple)
dès l’avènement de l’Empire, le 2 décembre
1852. Non pour rappeler le coup d’État du
même jour l’année passée, mais bien pour inscrire son nouveau pouvoir dans la gloire
obsédante du sacre et d’Austerlitz.
conséquences désastreuses de l’industrialisation
pour le peuple des ouvriers. C’est ce qui
explique qu’il prend des mesures sociales
comme la loi du 25 mai 1864 sur les coalitions,
qui accorde un droit de grève aux ouvriers, à
condition « qu’elle ne porte pas atteinte à la
liberté du travail ». Les préfets reçoivent dans
les années 1864-1866 des recommandations à la
tolérance pour les associations d’ouvriers et les
grèves éventuelles qu’ils pourraient mener.
Un régime autoritaire
Napoléon III souhaite « fermer l’ère des révolutions en satisfaisant les besoins légitimes du
peuple » (proclamation du 2 décembre 1852).
Ce qui anime tout son gouvernement, c’est à la
fois des prises de position très libérales en
matière économique et un retour à l’ordre politique. Victor Hugo, Victor Schœlcher ou Eugène
Sue sont contraints à l’exil. La plupart des libertés sont suspendues, la presse est étroitement
surveillée. Mais s’il n’hésite pas à réprimer parfois durement les contestations au début de son
règne, Napoléon III veut, à partir des années 1860,
favoriser le progrès et le développement des
entreprises tout en souhaitant éviter certaines
Difficile donc de caractériser un régime dont la
politique alterne entre libéralisme et autoritarisme, entre bienveillance à l’égard du peuple et
répression de toute opposition. Il s’agit d’une
forme de césarisme paternaliste. Comme Louis
Napoléon le dit en 1851, avant le coup d’État :
« La France ne veut ni le retour à l’Ancien
Régime, ni l’essai d’utopies funestes et impraticables. » La définition de cette politique, qui se
veut un juste milieu, se fait au mépris des libertés fondamentales.
Par ailleurs, le pouvoir reste tout entier concentré dans les mains de l’empereur, face au seul
jugement du peuple, consulté régulièrement par
plébiscite. Le suffrage universel existe, mais
pour un « corps de députés » (et non pas une
« assemblé nationale ») réduit à moins de
300 personnes, sans pouvoir réel et dans l’impossibilité de rendre publics ses travaux.
L’antagonisme franco-prussien
Napoléon III engage la France dans la guerre en
1870 alors que l’Allemagne, sous l’autorité de
111
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
Bismarck, affirme son unité et sa puissance
naissantes. Les raisons de la déclaration de
guerre française aux autorités allemandes sont
difficiles à bien comprendre, d’autant que le
dernier plébiscite (1870) avait consolidé le pou-
voir de l’empereur. Il semble qu’il s’agisse
d’une provocation diplomatique réussie de
Bismarck prêt, lui, à la guerre et la souhaitant
pour consolider l’unité allemande. La guerre
sonne le glas du régime.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Sénatus-consulte
du 7 novembre 1852, p. 162
Il s’agit de l’article 1 du texte de loi rédigé
par l’entourage du prince-président Louis
Napoléon, et proposé aux Français pour le plébiscite des 21 et 22 novembre 1852. Le « oui »
est massif : « Le peuple est allé aux élections
comme le bétail aux abattoirs », dit Hugo, de son
exil. Le 2 décembre, le sénatus-consulte est promulgué par décret : l’Empire est proclamé officiellement. Le recours au plébiscite fait partie de
la tradition napoléonienne. C’est l’occasion de
passer par-dessus tous les corps constitués de la
nation, en s’adressant à tous les Français.
Caricature anglaise, p. 162
Ce document est issu de la grande tradition de la
caricature anglaise du XIXe siècle. De nombreux
journaux exploitent cet art subtil de dérision
politique. Depuis la Révolution française, mais
surtout sous Napoléon Ier, les caricaturistes
anglais exercent souvent leur talent sur la vie
politique française. Napoléon Ier avait été une
cible de choix, et fut très fréquemment visé par
la presse anglaise. Mais le conflit militaire était
présent en permanence tout le long du règne de
l’empereur. Sur Napoléon III, alors que le
conflit est inexistant, la caricature est plus ironique, ridiculisant sans cesse le restaurateur de
l’Empire en France.
Le titre de la caricature n’est pas indiqué dans le
livre et peut être trouvé par les élèves. Il renvoie
à la fable de Jean de La Fontaine, La Grenouille
et le Bœuf. C’est l’occasion de lire et de travailler en classe sur cette fable, en la reliant au
règne de Napoléon III, tel que les Anglais le
voyaient : un empereur sans cesse dans l’imitation de son oncle prestigieux. On peut pousser
l’analogie avec la fable jusqu’à la chute de
112
Sedan, au moment où la grenouille éclate de tant
de prétention. C’est en tout cas le sens de cette
caricature, hommage posthume et paradoxal à
l’empereur français du début de siècle. Les caricaturistes anglais ne furent pas les seuls à considérer Napoléon III comme un plagiaire, ce fut le
cas également de Karl Marx.
Victor Hugo va lui aussi utiliser le contrepoint
qu’offre le mythe de Napoléon Ier pour fustiger,
railler, rabaisser Napoléon III tout au long du
recueil des Châtiments. Dans ce recueil satirique de 6 000 vers, l’empereur est tantôt un
nain méprisable, tantôt un effroyable tyran, toujours un usurpateur.
Les travaux d’Haussmann, p. 163
Conformément aux conceptions hygiénistes de
l’époque, il faut que tout circule pour l’assainissement de Paris : les échanges, les personnes,
les eaux usées et l’air. « Il faut satisfaire aux exigences d’une circulation toujours plus active »,
dit Haussmann, préfet de Paris depuis 1853. En
1861, lorsque l’empereur inaugure un arc de
triomphe boulevard Malesherbes, il est écrit sur
le fronton : « Paris assaini, agrandi, embelli ».
En 1852, une loi plus souple facilite les expropriations dans Paris, en vue de la transformation
rapide de la capitale. De larges avenues sont
percées à travers des quartiers populaires
anciens aux rues enchevêtrées, dangereux du
point de vue tant des épidémies que des révoltes
possibles – avec barricades, le souvenir de 1848
n’est pas loin. De grandes voies sont aménagées
pour recevoir des appartements de standing et
des locaux commerciaux d’un nouveau type.
C’est le début des grands magasins et des
grandes banques.
Secondé par un ingénieur, Eugène Belgrand,
Haussmann va également se préoccuper de la
Napoléon III (1851-1870)
distribution de l’eau potable. L’eau de la Seine
s’étant révélée impropre à la consommation et
un vecteur redoutable d’épidémies de choléra
ou de typhoïde, Haussmann fit adopter par le
conseil municipal son projet de dérivation des
sources de bonne qualité de la Champagne
crayeuse. Les travaux de capture des eaux étant
réalisés, l’eau est acheminée par deux aqueducs
et stockée dans les réservoirs de Ménilmontant
et de Montsouris. Ce modèle de transformation
urbaine s’étend à la province. Le même souci
hygiéniste domine afin, comme à Lyon, d’y
« porter le mouvement, l’air, la lumière ». La
dimension stratégique n’est pas absente non
plus des préoccupations urbanistiques. Car dans
les quartiers populaires vivent ceux que l’on
nomme désormais les « classes dangereuses », à
savoir les ouvriers, toujours prêts à la sédition.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Napoléon se montre très autoritaire. Schœlcher
et Victor Hugo sont obligés de s’exiler. Puis le
régime s’assouplit. Les ouvriers obtiennent le
droit de se réunir et de faire grève.
Avec les travaux d’Haussmann (percement
d’avenues, constructions d’immeubles), Paris
devient une ville moderne.
113
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
La Commune de Paris
et la guerre (1870-1871)
LIVRE PP. 164-167
Notions
Siège, Commune, école gratuite, répression, barricades.
Compétences
• Savoir caractériser une période singulière.
• Savoir repérer dans le récit les continuités historiques (de 1789 à la Commune).
• Analyser des documents historiques.
Exercices
Cahier CM2 : La Commune de Paris et la guerre (1870-1871), pp. 17-18.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
La guerre engagée par Napoléon III est un échec
pour la France. Elle sonne le glas du régime
impérial. L’armée française est moins importante en hommes que celle de Bismarck et dispose d’un encadrement peu compétent et peu
préparé. Débutée le 19 juillet 1870, la guerre
conduit la France impériale très rapidement à la
défaite. En août, les défaites s’accumulent. Les
armées françaises et l’état-major sont encerclés
dans la cuvette de Sedan. C’est la capitulation
inévitable le 1er septembre. Napoléon III est fait
prisonnier. Le régime tombe quelques jours plus
tard, remplacé par un gouvernement républicain
de défense nationale. Les armées allemandes
vont s’installer autour de Paris et l’encercler.
Gambetta tente de rejoindre Tours en ballon
pour organiser la défense mais la guerre semble
perdue. Un armistice est signé le 28 janvier
1871. L’élection du 8 février 1871 apporte la
victoire aux monarchistes.
L’opposition à Thiers
C’est de cette humiliation de la défaite que naît
le mouvement parisien de la Commune, dont
nous proposons un récit pour les élèves. Elle
s’explique aussi par le fossé qui existe entre cette
assemblée élue au suffrage universel masculin
où les monarchistes ont été majoritairement élus
par les ruraux, soucieux d’éviter le désordre et
de sauvegarder la paix, et le peuple de Paris. À
cela s’ajoute, pour les Parisiens majoritairement
désireux de poursuivre la guerre, les souffrances
114
du siège de Paris dues aux privations qui rendent
la situation très tendue. Installé à Versailles (lieu
symbolique pour le peuple parisien), Thiers tente
de récupérer les armes présentes dans Paris. Le
18 mars 1871, c’est la révolte. La Commune
s’installe. Un gouvernement révolutionnaire
dirige le conseil municipal alors que les modérés
quittent la ville. La guerre civile entre Versaillais
et Communards va durer deux mois (avril-mai)
pour se terminer par la « semaine sanglante »
(21-28 mai). Les armées versaillaises, plus puissantes notamment grâce à Bismarck (voir le récit
pour l’élève), exécutent et répriment pendant
que les Communards désignent des otages à exécuter. Cette semaine fait au moins 20 000 morts.
Les derniers combats ont lieu au cimetière du
Père-Lachaise, où les derniers Communards
insurgés sont exécutés.
L’esprit de la Commune
Pendant la Commune, les Parisiens ont à la fois
revécu l’année 1793, la démocratie directe et le
radicalisme politique républicain, et innové en
définissant des pistes nouvelles d’actions politiques (émancipation des travailleurs, secours
aux indigents, une école laïque, gratuite et obligatoire, l’égalité homme/femme…) tout en se
référant aux révolutions et aux barricades de
1848. L’ancien et le nouveau se mêlent dans une
ambiance de liberté populaire qui laissera des
traces dans l’histoire du mouvement ouvrier
français. En très peu de jours (54 au total), la
La Commune de Paris et la guerre (1870-1871)
Commune a accompli un travail municipal
conséquent : annulation des quittances de loyers
et réquisitions des logements vacants pour les
plus démunis, réforme de l’enseignement, abrogation de la conscription pour la remplacer par
des milices populaires, organisation de bourses
de travail… En voulant faire vivre une
république idéale, démocratique et sociale, les
communards ont sans doute aussi ouvert la voie
à la IIIe République.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Menu de Noël d’un restaurant
parisien, p. 165
Paris est assiégé par les armées prussiennes le
19 septembre 1870. Le siège va durer 138 jours,
en plein hiver, dans des conditions parfois
atroces. À deux reprises, le Paris patriote qui ne
se résout pas à la défaite tente une percée : fin
octobre 1870 sous le commandement de Le
Bourget et en janvier 1871 avec Buzenval. Pour
survivre dans une ville assiégée, les expédients
sont légion. Lors du repas de Noël et du
réveillon du nouvel an, les grands restaurants
offrent aux clients les animaux du jardin zoologique de Vincennes. Au-delà de l’anecdote, il
est important de montrer aux élèves que, malgré
le siège, les Parisiens font en sorte que la vie
continue. De plus, cela permet d’expliquer aux
enfants ce que représente exactement un siège :
l’absence de ravitaillement, les entrées de la
ville bloquées, le sentiment terrible d’enfermement et la pénurie.
Texte de Delescluze, p. 166
Delescluze a soixante et un ans au moment de la
Commune. Il fait partie des 79 membres élus
qui siègent à la Commune de Paris. Il s’agit
d’un républicain, ancien de 1848. « Il procédait
des grands révolutionnaires de 93, évoquait le
souvenir de Robespierre », disait-on alors de lui.
Delescluze signe un certain nombre d’articles
où il explique la position de la Commune. Il
prononce le discours présenté aux élèves le jour
même de son accession au poste de délégué à la
guerre. C’est un appel au peuple de Paris, où on
reconnaît des accents révolutionnaires du temps
où la patrie était en danger. L’offensive versaillaise avait réellement débuté le 11 avril.
Depuis un mois, les communards subissaient
revers sur revers, malgré une résistance
acharnée. Le fort d’Issy tombe aux mains
des Versaillais dans la nuit du 8 au 9 mai.
La situation est critique pour la Commune.
Devant l’offensive finale des Versaillais
durant la « semaine sanglante », Delescluze se
fait tuer volontairement, signe de la fin des
espoirs.
L’Incendie de l’Hôtel de Ville, p. 167
Paris brûle de toutes parts pendant la « semaine
sanglante ». Deux raisons à cela : d’une part les
bombardements incessants des Versaillais
depuis le mont Valérien, auxquels répondaient
les batteries de canons des communards situées
sur les Buttes-Chaumont. D’autre part, parce
que les communards estiment, comme
Delescluze : « plutôt Moscou que Sedan »,
c’est-à-dire qu’il vaut mieux brûler la ville
(comme les Russes devant l’avancée des
troupes napoléoniennes) que de capituler. Les
Tuileries sont brûlées le 23 mai et l’Hôtel de
Ville le 24 mai. L’événement fit sensation.
L’historien Michelet dira : « Quand on s’est
appelé la Commune de Paris, on n’en détruit pas
le vivant symbole. » Car l’Hôtel de Ville représente le lieu d’où était proclamée chaque
annonce de république. C’est de là que Bailly
proclama l’alliance du roi Louis XVI et du
peuple de Paris pendant la Révolution française.
La photographie est signée d’Alphonse Justin
Liébert, photographe depuis 1853 qui a commencé sa carrière aux États-Unis. Elle est réalisée avec les techniques de l’époque : plaques de
verre au collodion pour le négatif et développement de l’image au bain d’argent sur papier
albuminé. Cette technique permettait de mettre
en valeur les détails et augmentait la précision
de l’image. Cette photographie fait partie de
tout un ensemble de clichés pris juste après l’écrasement de la Commune. Les ruines de Paris
forment alors un ensemble esthétique particulier
115
L A R O YA U T É O U L A R É P U B L I Q U E ?
puisque plusieurs personnes n’hésitèrent pas à
faire le déplacement pour Paris, afin de contempler ces ruines de guerre. La photographie se
fait ici témoin de la brutalité des combats, des
flammes destructrices et de l’idéal de la
Commune parti en fumée.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
1870 : c’est la guerre, l’empereur est fait prisonnier. La IIIe République est proclamée ; les
soldats prussiens encerclent Paris. Les Parisiens
souffrent de la faim et du froid. Le gouvernement abandonne la lutte et renonce à l’Alsace et
116
à la Lorraine. Les Parisiens organisent la
Commune, réquisitionnent des logements pour
ceux qui sont dans la misère et promettent une
école gratuite, obligatoire et laïque. La
Commune fait peur. Elle est écrasée.
S I X I È M E PA RT I E
L’ É P O Q U E D E L’ I N D U S T R I E
L’époque de l’industrie qui, à bien des égards, fonde notre modernité rassemble
trois chapitres importants. L’industrialisation modifie considérablement le rapport
au travail, initie une des modifications majeures du XXe siècle, à savoir l’urbanisation de la société européenne, et fait entrer le monde dans une ère technologique et
industrielle inédite, riche en bouleversements économiques et sociaux. C’est dans
cette période de bouleversements que s’inscrit le développement de la démocratie
en France, à la fois portée par les élites éclairées, pleines encore de références à
1789, mais aussi par le bas de la société, aux prises avec les modifications issues
de l’industrialisation. Les progrès de la démocratie sont inséparables des combats
sociaux pour l’amélioration des conditions de travail et d’existence. Parallèlement,
sûre de sa puissance et de sa supériorité, l’Europe est engagée dans la conquête
coloniale.
Le chemin de fer et la locomotive sont les symboles de cette période où se conjuguent progrès techniques, essor des villes, mutations des formes du travail, développement des transports de marchandises et développement des échanges entre des
femmes et des hommes ainsi que des idées. Les artistes sont attirés par ce monde en
mouvement. Leur imaginaire, modelé par les mutations de l’environnement, les
incite à quitter les ateliers pour aller planter leur chevalet en plein air, pour voir
comment les heures, le temps, les saisons modifient la lumière, les objets, la matière, sa texture et son volume. Monet fut l’un des premiers peintres à s’intéresser à
ces changements du monde et à vouloir saisir avec son pinceau ces impressions
fugitives. Fasciné par les gares, il décide dans l’année 1877 de peindre ces nouveaux édifices. Quand on regarde ses tableaux, on a le sentiment qu’ils traduisent
des impressions immédiates, des instantanés. Pourtant, ils sont le résultat d’une
composition soigneusement étudiée, parfois d’une véritable mise en scène.
Monet a restitué l’atmosphère mouvante de la gare Saint-Lazare à travers des
touches de couleur fondues les unes dans les autres. Placé dans l’axe d’arrivée du
train, notre œil est attiré par un réseau de lignes (obliques de la verrière, obliques
fuyantes des rails, verticales des poteaux et des bâtiments à droite et à gauche du
tableau) qui définissent la structure de surface de l’œuvre. Les fausses lignes de
fuite des rails nous guident vers la lumière du fond. La profondeur est accentuée par
le contraste ombre et lumière, entre le dehors et le dedans. Les volutes de fumée,
les gouttelettes de vapeurs irisées, les reflets sur les immeubles animent et magnifient l’espace. L’artiste, par des moyens picturaux, donne à voir à travers cet
édifice une cathédrale moderne.
117
L’ É P O Q U E D E L’ I N D U S T R I E
L a n a i s s a n c e d e l ’ i n d u s t r i e LIVRE PP.
au XIXe siècle
170-179
Notions
Usine, industrialisation, hauts fourneaux, exode rural, chemin de fer, urbanisation, ouvriers,
patrons, travail des enfants, mines, droits sociaux, syndicats, développement technique et
scientifique.
Compétences
• Analyser et confronter des documents.
• Savoir percevoir les changements propres à une époque.
• Savoir repérer les inégalités sociales.
• Mettre en relation, à travers le récit et les documents, des personnages et des découvertes
scientifiques (Pierre et Marie Curie).
Exercices
Cahier CM2 : Une nouvelle société : villes et chemin de fer au XIXe siècle, pp. 21-23 ;
le monde ouvrier au XIXe siècle, p. 24 ; l’art et l’histoire ; pp. 46-48.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Révolution industrielle
ou industrialisation ?
La « révolution industrielle », ou l’industrialisation, désigne le phénomène de développement
de l’industrie autour des années 1760-1880 en
Europe. C’est le passage d’une économie reposant presque exclusivement sur la terre et son
travail, à une société organisée autour d’une utilisation de plus en plus intensive des machines.
Les débats historiques sont très nombreux
concernant cette période clé de l’histoire européenne. Nous préférerons le terme « industrialisation » à celui de « révolution industrielle »
tant ce processus s’est déroulé sur plusieurs
décennies et sous des modalités parfois très irrégulières. Pour les élèves, le terme « révolution »
intervient juste après l’étude de la Révolution
française et détient une connotation axée sur le
temps court. Ici, c’est le temps long qui est à
mettre en valeur.
Derrière les événements politiques de la fin du
XVIIIe siècle, se profile une transformation
importante et irréversible des structures économiques et sociales. Débuté en Angleterre, le
phénomène s’étend sur le continent européen
jusqu’à la fin du XIXe siècle. Lorsque la France
118
entre en révolution en 1789, l’Angleterre est la
première puissance manufacturière au monde.
L’industrialisation provoque une mutation de la
société tout entière.
Les causes du processus
d’industrialisation
Les explications concernant ce processus d’industrialisation sont nombreuses et plusieurs
théories ont été présentées et défendues.
Aujourd’hui, tous les historiens s’accordent
pour dire que l’industrialisation ne relève pas
d’une cause unique, mais d’un ensemble de facteurs concourant au développement de l’industrie en Europe. Parmi ces facteurs, on note
l’expansion globale des marchés. C’est la
demande qui crée l’offre. L’augmentation progressive de la population européenne à la fin du
XVIIIe siècle entraîne des modifications de l’état
du marché qui amènent le développement de
tout un ensemble de nouveaux produits, notamment en ville. L’évolution des techniques a bien
sûr sa place dans l’explication du phénomène.
Héritée du siècle des Lumières, la réflexion
intellectuelle et scientifique pour l’amélioration
des rendements dans l’agriculture, pour une
rationalisation des objets et des moyens de
La naissance de l’industrie au
produire, constitue une des causes de l’industrialisation. Bien entendu, la révolution des
transports est très importante. Elle est à la fois la
conséquence de l’industrialisation et une des
causes, chaque élément se combinant dans le
cadre d’un large processus cumulatif. Enfin, la
révolution agricole est considérée aujourd’hui
comme une des causes majeures. En dégageant
des surplus de produits et en libérant de la terre
des hommes et des femmes désormais sans
emplois, la révolution agricole a sans aucun
doute permis l’apparition d’une main-d’œuvre
dont les villes manufacturières et industrielles
allaient se servir abondamment.
On le comprend, il n’y a pas une cause mais une
série de facteurs qui s’emboîtent les uns dans les
autres. L’industrialisation, c’est tout ceci à la
fois : une révolution agricole qui permet de
meilleurs rendements et une productivité plus
importante ; ce qui libère une main-d’œuvre
nouvelle disponible sur les nouveaux lieux de
production manufacturière ; le développement
des usines qui permet d’améliorer l’outillage
agricole et qui renforce encore un peu plus la
révolution agricole et la mécanisation des campagnes, avec les conséquences sociales que l’on
sait (premier exode rural). En parallèle, il faut
ajouter que les crises dites « d’ancien régime »,
c’est-à-dire les crises de subsistances (disette,
famine) régressent jusqu’à disparaître tout à fait
au milieu du XIXe siècle. Du coup, la demande
globale est orientée à la hausse, entraînant la
production vers une accélération décisive.
L’Angleterre est le premier pays à connaître
ce processus d’industrialisation et devient la
première puissance industrielle en Europe
(1760-1830). Une deuxième phase permet
l’extension du processus à l’Europe continentale (1830-1870) et notamment en Belgique, en
France et en Allemagne.
Émergence d’une nouvelle société
Une nouvelle société émerge sous le triple effet
de la transformation du monde agricole, de
l’essor urbain et de l’apparition d’une classe
ouvrière. Car la caractéristique de cette société
réside dans son caractère capitaliste et urbain.
XIXe
siècle
Le capitalisme est un système économique
et social dans lequel les moyens de production,
les outils, n’appartiennent pas à ceux qui
travaillent contrairement au système économique d’ancien régime où le paysan et l’artisan
détenaient leurs outils propres. Dans l’espace
nouveau et embelli que constitue la ville, le
bourgeois devient la figure centrale, ce qui
s’accompagne d’un développement très rapide
des banques, de la bourse et du négoce. La
famille et le foyer sont glorifiés. Les loisirs
s’inscrivent de façon très codifiée entre les
bains de mer (développement des stations balnéaires), le théâtre et les concerts. Une vie
brillante se développe alors que l’espace urbain
consacre les ségrégations sociales. Aux quartiers riches s’opposent les quartiers populaires
miséreux.
Le monde ouvrier
Les ouvriers, quant à eux, représentent un
monde très divers. Impossible d’avoir une
image unifiée de leurs conditions de vie.
Certains sont proches de la misère et d’autres
bénéficient d’un plus gros salaire, car ils sont
rattachés aux grosses entreprises sidérurgiques,
par exemple. Mais, dans l’ensemble, leurs
conditions de travail comme de vie restent très
précaires et très difficiles. D’une manière générale, le monde ouvrier connaît une légère et
lente amélioration de sa condition au fil du
XIXe siècle. D’une part en participant aux revendications sociales et syndicales qui se structurent tout le long de l’industrialisation, et d’autre
part sous l’effet d’une législation sociale qui
évolue tout le long du siècle. Citons parmi les
avancées sociales les dates suivantes : 1840,
publication du rapport du docteur Villermé ;
1841, première loi sur le travail des enfants ;
1848, publication du Manifeste du parti communiste par Marx et Engels ; 1864, reconnaissance
du droit de grève et de coalition ; 1884, loi sur
les syndicats ; 1895, fondation de la CGT ;
1898, institution du repos dominical ; 1910, loi
sur les retraites ouvrières. De cette mutation
industrielle, l’Europe tout entière tirera sa
puissance pour s’imposer au monde via la
colonisation.
119
L’ É P O Q U E D E L’ I N D U S T R I E
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Une forge des ateliers
Derosne et Cail, p. 171
L’atelier représenté ici est celui de l’établissement Derosne et Cail, du nom de leurs entrepreneurs, situé à Grenelle, un ancien village de la
proche banlieue de Paris rattaché à Paris sous
Napoléon III. Dans un vaste atelier construit
en bois, beaucoup d’hommes travaillent en
équipes de 3 ou 5. Les produits fabriqués sont
des roues métalliques visibles au centre (sans
doute pour du matériel roulant tel que des locomotives ou des wagons), mais aussi des axes
forgés par des machines à vapeur (à droite).
Ce dessin nous renseigne sur les conditions de
travail épuisantes, la faible aération (voir au
fond les fenêtres entrouvertes), le danger
permanent par le feu, le désordre ainsi que la
violence du travail (marteau, marteau-pilon…).
Si la machine tend à se substituer aux hommes,
la force des ouvriers est encore largement
nécessaire. L’homme est désormais au service
de la machine et non l’inverse. C’est cela la
mutation essentielle des relations du travail
au XIXe siècle. Les écrits sociaux de l’époque
décrivent les « corps broyés » par le travail
harassant.
Le Creusot, p. 171
Dans Le Tour de France par deux enfants
destiné à la lecture des élèves de cours moyen
de la IIIe République, trois idées fortes se dégagent. D’abord, on évoque la nouveauté des
équipements industriels et la monstruosité qui
lui est liée. Ensuite, le fait que la machine
remplace l’homme. On passe au XIXe siècle
d’une énergie humaine (force du bras) à une
énergie mécanique – même si elle ne se passe
pas de la force pendant encore longtemps. Et
enfin, une nouvelle organisation du travail où
les hommes semblent être au service de ce
monstre industriel. Le Creusot est la plus
grande entreprise sidérurgique d’Europe au
milieu du XIXe siècle. Elle constitue à elle seule
une ville.
120
La France industrielle dans la deuxième
moitié du XIXe siècle, p. 172
Le charbon et le textile sont les deux symboles
de la production industrielle en plein essor. En
effet, les premiers foyers de l’industrialisation
s’établissent autour des premiers centres de l’industrie textile, historiquement situés au nord-est
de la France. Lorsque se développent les industries métallurgiques et sidérurgiques, les
implantations industrielles épousent les lieux
d’extraction du fer et du charbon. Les usines
s’installent à proximité immédiate des gisements de matières premières. En regardant la
carte avec les élèves, on peut leur faire remarquer la localisation fortement orientée au nord,
nord-est, selon une ligne Le Havre/Marseille
qui oriente toute la géographie française (voir le
programme de géographie).
Texte de Victor Hugo, p. 173
Même si les routes se développent, suivant le
procédé de l’Écossais Mac Adam visant à stabiliser les routes, le symbole par excellence de la
révolution des transports, c’est le chemin de fer.
C’est l’alliance des machines à vapeur perfectionnées et de la sidérurgie triomphante. La première locomotive date de 1829, elle a été
construite par un Anglais (Stephenson et la
locomotive Rocket). À partir du milieu du
XIXe siècle, l’Europe va se couvrir d’un réseau
ferré de plus en plus dense, organisé autour des
principales villes et des lieux de production
industriels et financé par des entreprises privées.
C’est surtout au début de la seconde moitié du
XIXe siècle que le chemin de fer connaît une véritable extension. Il devient possible de relier des
villes éloignées sans changement : BayonneParis-Lille-Dunkerque, par exemple. On assiste
aux premières liaisons internationales : entre la
France et la Belgique, entre l’Allemagne et les
autres États voisins… De grands travaux sont
entrepris pour franchir les obstacles naturels : le
pont de Kehl sur le Rhin en 1861, le tunnel du
mont Cenis entre la France et l’Italie en 1871.
Victor Hugo est particulièrement sensible à la
La naissance de l’industrie au
vitesse qui modifie sa perception des formes et
des couleurs des paysages. (En 1839, une diligence mettait 14 heures pour parcourir les 130 km
séparant Paris de Rouen tandis que le train, cinq
ans plus tard, ne mettait plus que 4 heures.)
Le Train du dimanche, p. 173
Cette scène, réalisée par un peintre réaliste de la
fin du XIXe siècle, témoigne de l’usage désormais
courant du chemin de fer. Au premier plan, une
foule se presse pour prendre le train. Le colporteur vêtu d’une blouse vend des journaux, le chef
de gare et la fillette embrassant une parente resteront seuls sur le quai après le départ du train.
La locomotive crache une fumée chargée de
poussières et d’escarbilles. Les wagons sont
courts et n’offrent pas tous le même confort. On
peut repérer trois classes différentes. Le wagon
de première classe (à droite) est spacieux et a un
seul étage. Le wagon à impériale compte deux
classes : la deuxième classe en bas dans des
compartiments moins hauts mais fermés, la troisième classe en haut dans l’impériale ouverte à
tous vents à laquelle on accède par un escalier
très raide situé au bout du wagon. C’est la sortie
du dimanche, les costumes sont élégants. À la fin
du XIXe siècle, les compagnies cherchent à attirer
les clients en créant « les trains de plaisir » qui
proposent des tarifs réduits en fin de semaine et
les jours de congé. Pour un tarif réduit de
moitié, les voyageurs peuvent passer une journée
à la campagne ou à la mer et revenir le soir.
Texte de Georges Navel, p. 174
La littérature du XIXe siècle regorge de témoignages de trajectoires sociales ascendantes. Les
auteurs y expliquent leur propre ascension
sociale, en remontant aux origines de leur famille
et à l’histoire de leurs parents. C’est le cas, avec
beaucoup d’autres, de Georges Navel qui, dans ce
texte, présente aux lecteurs ses origines paysannes. L’intérêt de ce court extrait pour les élèves
est de montrer comment, en une génération, des
paysans
sans
terre
rejoignent
un site de production industrielle (Pont-àMousson). Ici, il n’y a pas d’exode rural à proprement parler. C’est plutôt une usine implantée dans
le monde rural, dont une large partie de la population va perdre sa vocation exclusivement agri-
XIXe
siècle
cole pour travailler en usine. Dans le récit pour
l’élève, on retrouve l’histoire des parents de
Georges Navel (page 176) décrivant leurs conditions de travail et le temps de travail. Ce monde
de l’usine est encore très proche de la terre. Le travail de la terre, comme ouvrier agricole, constitue
souvent un revenu d’appoint pour les hommes
recevant un salaire faible dans l’entreprise.
Affiche publicitaire
« La Française », p. 174
L’essor du machinisme dans les campagnes
passe par les moissonneuses. L’affiche est destinée à faire acheter la machine présentée en plein
centre de l’image. On notera la présence encore
des chevaux, force motrice indispensable. De
même, les anciens outils sont placés par terre, à
gauche et à droite du bas de l’affiche, comme on
aurait jeté négligemment des outils dépassés.
C’est le sens même de ce document iconographique que l’on peut faire analyser aux élèves
très simplement. La modernité des campagnes
passe par l’abandon de formes de travail agricole traditionnelles. Désormais, avec le machinisme, on a besoin de moins de personnes pour
cultiver la terre. Ce document est une bonne
introduction à l’idée d’exode rural.
Développement des villes en France
en 1830 et 1900, p. 175
Le développement urbain et la transformation
des villes sont un phénomène européen. Au
XIXe siècle, la population urbaine européenne est
multipliée par huit. Ce n’est pas tant la croissance naturelle des urbains qui est en cause que
l’exode rural intense qui s’y déploie. La ville
attire des migrants, soit saisonniers, soit définitifs. L’exode rural fait augmenter le nombre
d’urbains et fait grossir la superficie des villes et
des banlieues. Car c’est souvent dans les banlieues que se créent les principales industries ou
ateliers de construction. Une population ouvrière
disparate s’y retrouve, vivant souvent dans des
conditions très difficiles. Toutes les villes françaises, et principalement les plus importantes
déjà au XVIIIe siècle, sont concernées. Seul Paris
dépasse le million d’habitants et semble écraser
l’armature urbaine française. On retrouve sur les
121
L’ É P O Q U E D E L’ I N D U S T R I E
cartes le développement de la ligne Le HavreMarseille, qui se structure également à partir de
l’axe Paris-Lyon-Marseille à qui la ligne de chemin de fer « PLM » donne son nom et son éclat.
On notera aussi avec les élèves que la carte de
1900 est « amputée » (pour reprendre les termes
de l’époque) de l’Alsace et de la Lorraine, territoires perdus pendant la guerre de 1870-1871.
Rapport du docteur Villermé, p. 175
Ce texte est extrait du Tableau de l’état physique
et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, publié par
le docteur Villermé en 1840. C’est l’Académie
des sciences morales et politiques du règne de
Louis-Philippe qui avait chargé Villermé de se
pencher sur le cas d’une population ouvrière dont
on perçoit les conditions d’existence désastreuses. En dehors du travail, Villermé s’intéresse également dans son enquête aux conditions
de logement et d’existence globale des ouvriers
qu’il a l’occasion de rencontrer. La publication
de ce rapport est un choc considérable. On
estime alors que l’industrie ne peut pas tout faire,
sans contrôle. Le libéralisme doit être contrôlé
par une législation sociale. Concrètement, le
rapport Villermé débouche sur la loi sociale du
22 mars 1841 sur le travail des enfants.
Travail des enfants dans les mines, p. 176
L’industrie au XIXe siècle utilise le charbon comme
source essentielle d’énergie. Il est extrait à la
main. Le ramassage du charbon abattu se fait lui
aussi à la main. Le transport est assuré à l’aide de
bennes poussées sur des rails par des manœuvres.
Les galeries étant basses et étroites, on fait appel à
des adolescents, voire à des enfants, pour tirer et
pousser les wagonnets. Obligés de ramper, en permanence courbés, ces enfants ont des malformations de la colonne vertébrale. Respirant la
poussière de charbon, ils attrapent de graves
maladies pulmonaires. D’autres enfants sont
employés dans l’industrie. Femmes et enfants
constituent une main-d’œuvre à bon marché.
Loi de 1841 sur le travail
des enfants, p. 176
Issue du débat qui entoura la publication du rapport du docteur Villermé, cette loi du 22 mars 1841
122
interdit le travail des enfants de moins de huit ans,
ce qui signifie implicitement que ce travail existait. Elle interdit également le travail de nuit pour
les enfants de moins de treize ans et limite la
durée de travail journalier. Obligation est par
ailleurs faite aux entreprises de créer des écoles
pour apprendre aux enfants à lire et à écrire. Le
travail avec les élèves consiste, en dehors de lire
les principales mesures, à deviner les implicites.
Si la loi est si précise, c’est que les conditions
de travail des enfants sont celles que la loi interdit. Autrement dit, les enfants de moins de huit
ans travaillent souvent plus de huit heures par
jour. Ceux entre huit et treize ans travaillent, y
compris la nuit, de huit à douze heures. En réalité,
cette loi sera très peu respectée. D’une part, et
surtout, par le fait des patrons qui ne veulent – et
parfois ne peuvent, à cause de la concurrence
acharnée que se livrent les différentes entreprises – se priver d’une main-d’œuvre à si bon
marché, si flexible et docile, et pouvant faire des
travaux que des adultes ne peuvent faire étant
donné leur taille ou leur agilité. D’autre part, parce
que les familles ouvrières dépendent dans leur
existence même du faible travail des uns et des
autres. Chaque salaire compte, même le plus petit.
Un budget ouvrier, p. 177
Pour illustrer la précarité et les conditions
d’existence des familles ouvrières au XIXe siècle,
on peut faire calculer aux élèves ce petit budget
ouvrier. La somme des dépenses correspond aux
salaires de la famille. Mais ce budget met en
lumière deux aspects majeurs : d’une part
l’obligation à tous les membres de la famille
(enfants compris) de travailler, sous peine d’une
impossibilité à vivre et à se nourrir. On imagine
aisément le drame personnel et familial que
représentait l’accident du père ou de la mère
dans l’usine. C’était un manque à gagner considérable, et souvent fatal à l’équilibre financier
précaire de l’ensemble de la famille. D’autre
part, il faut faire réfléchir les élèves sur la partie
dépense de la famille, et arriver à la conclusion
que les dépenses ne servent qu’au strict nécessaire : aucun superflu, une nourriture minimale
et le pain comme denrée essentielle. Ce budget
est aussi l’occasion de faire réfléchir les élèves
sur le fait que les conditions de vie sont, au
La naissance de l’industrie au
siècle, une des raisons pour lesquelles les
ouvriers se battent et revendiquent. La contestation sociale s’ancre dans le quotidien le plus
tyrannique : vivre, travailler et manger dans la
dignité.
XIXe
La grève au Creusot en 1870, p. 178
Le Creusot est une ville industrielle du XIXe
siècle qui regroupe différentes activités (mines
de charbon, exploitation du minerai de fer, hauts
fourneaux, forge, atelier mécanique…). Le
document représente une grève de mineurs en
1870. Les conditions de travail dans les mines
sont dangereuses et comportent de nombreux
risques : risque d’explosion, danger d’inondation, risque d’aspirer de l’air vicié dû à une
mauvaise ventilation, danger de silicose… Les
mineurs ont mené des luttes revendicatives très
déterminées pour demander des augmentations
de salaire mais surtout de meilleures conditions
de travail et de sécurité. Dans les mines, le sentiment d’appartenir à une même classe sociale
s’est affirmé très tôt.
Pierre et Marie Curie
dans leur laboratoire, p. 178
Les noms de Pierre et Marie Curie sont attachés
à l’histoire de la radioactivité. Ils partagèrent le
prix Nobel de physique avec Henri Becquerel
en 1903. Marie Curie eut le prix Nobel de chimie en 1911. Certains éléments possèdent la
propriété de se transformer spontanément en
produisant de l’énergie. Cette radioactivité avait
été découverte avec l’uranium. Les Curie parviennent à isoler deux éléments encore plus
actifs, le polonium et le radium. C’est avec du
matériel de mesure de précision, mis au point
par son mari, que Marie Curie entreprend ses
recherches. Il lui faudra une année de travail
acharné pour isoler le premier élément radioac-
XIXe
siècle
tif, le polonium en juillet 1898, suivi quelques
mois plus tard du radium. La découverte de la
radioactivité a ouvert des voies nouvelles dans
la connaissance de la constitution de l’atome et
du noyau atomique. Elle a trouvé des applications en chimie, en biologie et dans de nouveaux
traitements du cancer.
La Galerie des machines
de l’Exposition Universelle, p. 179
À travers l’Exposition Universelle de 1889, la
IIIe République célèbre le centenaire de la
Révolution. Elle espère que cet événement sera
capable de rassembler les Français. Les têtes
couronnées d’Europe se montrent réticentes
quant à leur participation.
Les journaux français et étrangers vont se faire
l’écho de deux réalisations qui rencontrent un
vif succès auprès des visiteurs : la Galerie des
machines et surtout la tour Eiffel ; deux événements qui symbolisent l’ère de l’industrie, l’âge
du fer. La Galerie des machines est une
immense nef métallique effleurant à peine le sol
de la pointe de ses supports. Deux ponts roulants mus par l’électricité sont à la disposition
des visiteurs pour admirer les machines disposées dans la partie centrale de la nef. Cette
Galerie, malgré la prouesse technique qu’elle
représentait, est détruite dans la plus grande
indifférence en 1909. Le destin de la tour Eiffel
est très différent. « L’ombre de l’odieuse
colonne de tôle boulonnée » alimente une polémique. Cette intruse métallique est ressentie par
certains comme une agression de l’industrie
dont les constructions en pierre et la volonté
haussmannienne les avaient protégés. Cependant sa gloire ne cessa de s’accroître. Pour donner à cette exposition un air de fête, il y eut une
autre nouveauté : l’électricité.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Des usines financées par des banques se développent. Elles utilisent de nouvelles sources d’énergie : le charbon et la vapeur. Les marchandises
sont transportées par le réseau de chemin de fer
qui relie Paris à toute la France et à l’Europe. Les
ouvriers ont une vie très pénible. En luttant, ils
obtiennent le droit de grève. À la fin du XIXe
siècle, on découvre le pétrole et l’électricité. De
nouveaux métiers apparaissent occupés par les
femmes des ouvriers.
123
L’ É P O Q U E D E L’ I N D U S T R I E
Les progrès de la démocratie LIVRE PP.
(1871-1914)
180-183
Notions
Démocratie, liberté de la presse, justice/injustice, Belle Époque, progrès scientifique, école,
patrie, égalité.
Compétences
• Savoir associer des œuvres artistiques à une période historique.
• Retrouver dans un récit la logique d’une erreur judiciaire.
• Faire une lecture critique de documents iconographiques.
Exercices
Cahier CM2 : La IIIe République, pp. 25-27 ; une galerie de portraits, p. 43.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Apprendre aux élèves l’avènement de la démocratie, c’est leur apprendre qu’elle est le fruit
d’un combat. Le conflit d’idées est au cœur de
l’idéal démocratique. La naissance de la
IIIe République permet d’illustrer cette
constante de l’histoire nationale, européenne et
mondiale. En abordant dans le récit de l’élève
la place des libertés et de l’école dans la
construction du modèle français, il était important également de montrer comment l’affaire
Dreyfus avait pu cristalliser tous les débats
de l’époque sur la question de la justice et de
l’injustice, du droit de l’homme contre l’antisémitisme, de la démocratie enfin contre la
censure.
En 1879, l’ensemble des deux chambres
(Assemblée et Sénat) est aux mains des républicains. Leurs premiers gestes s’orientent immédiatement vers la consolidation de la
République. Les libertés et les principes de 1789
sont confirmés et valorisés ; mais en plus, les
droits sociaux que les ouvriers et les syndicats
ont commencé, tout le long du XIXe siècle, à
obtenir sont adoptés par la loi. Les syndicats et
les associations professionnelles sont désormais
reconnus. Pourtant, une crise politique majeure
éclate de 1886 à 1889, après l’élection du général Boulanger à Paris et sa fuite hors de France.
Là encore, le conflit était au cœur de la
construction démocratique ; Boulanger dénon124
çait les impuissances du gouvernement républicain face au chômage et à l’instabilité ministérielle. L’Exposition Universelle de 1889 qui se
déroule à l’occasion du centenaire de la
Révolution française permet de détourner les
Français de cette crise en célébrant unanimement la République, la science, la Révolution et
l’école.
L’école de la République
Car, pour assurer l’avenir républicain et démocratique de la France, le gouvernement a souhaité étendre l’instruction à l’ensemble de la
nation par l’intermédiaire d’une école publique
gratuite (loi Ferry de 1881), obligatoire et laïque
(1882). Le souci de Ferry est de soustraire
les enfants à l’autorité de l’Église. En ce sens il
s’agit bien d’une mesure anticléricale, mais
ces lois vont bien au-delà – en consacrant un
enseignement à l’exact opposé de celui que
propose l’Église à l’époque. Le débat est bien
entre une école de la foi et de la tradition, face
à une instruction de la science et du libre
examen critique pour l’ensemble des Français.
De 1880 à 1900, l’école gagne l’ensemble,
ou presque, de la population scolarisable.
Pendant ce temps, sa fréquentation et l’assiduité s’améliorent lentement mais sûrement.
Car on peut être inscrit à l’école sans pour
autant la fréquenter assidûment. En majorité
rurale, l’école de la République doit tenir
Les progrès de la démocratie (1871-1914)
compte des résistances locales comme des travaux des champs.
Pourtant, contrairement à une idée encore largement répandue, l’école de la IIIe République n’a
pas été une entreprise d’éradication des particularismes régionaux et des langues locales. Bien
mieux, comme le montrent les derniers travaux,
l’école de la République a valorisé les « petites
patries » que constituaient les différentes
régions de France afin qu’elles prennent place
dans un ensemble plus vaste : la grande patrie,
celle de tous. « Servir la patrie, c’est d’abord
connaître, faire connaître et cultiver la merveilleuse diversité du territoire national. »
(A.-M. Thiesse) Si l’école de la République
réussit, c’est aussi parce qu’elle assure ou promet l’assurance d’une élévation sociale. La
« communale » permet la promesse d’un affranchissement de son milieu et constitue pour
beaucoup de Français le lieu d’expression d’une
dignité et d’une fierté.
Pourtant, des limites peuvent être citées au bilan
de l’œuvre de scolarisation française. D’abord,
il existe des disparités encore très fortes entre
les villes et les campagnes. Ensuite le fait que
cette école a formé des élèves dans le culte de la
patrie, ce qui les aurait entraînés au « sacrifice
patriotique » de la Grande Guerre. Enfin, les
distinctions sociales qui s’établissent entre les
enfants des élites et les enfants du peuple, inscrits dans un dualisme scolaire marqué. Le primaire supérieur pour les élèves du peuple qui ne
peuvent poursuivre leurs études qu’en très petit
nombre, grâce notamment aux écoles normales et
aux bourses, et le secondaire supérieur pour les
élèves des milieux sociaux privilégiés qui
connaissent et le lycée et l’accès à l’université.
L’affaire Dreyfus
L’affaire Dreyfus constitue un autre moment de
crise, où la démocratie se construit. Le capitaine
Dreyfus est condamné à tort en 1894 pour
espionnage au profit de l’Allemagne, sur la base
d’un bordereau portant son écriture (ou une écriture similaire). Le contexte est alors à l’espionnage tous azimuts avec l’Allemagne, la France et
l’Italie. Dreyfus est déporté au bagne de Cayenne
en Guyane. Le récit de l’élève en dresse l’histoire. Picquart, le responsable des renseignements généraux des armées, est convaincu que le
coupable est Esterhazy qui aurait construit un
faux pour compromettre Dreyfus. Picquart est
alors destitué. C’est pourquoi Zola, le 13 janvier
1898, intervient dans la presse avec son J’accuse
retentissant. La société politique et civile française est partagée : les dreyfusards d’un côté
(avec la création de la Ligue des droits de
l’homme) et les antidreyfusards de l’autre (avec
la Ligue de la Patrie française). Après un second
procès à Rennes où la justice et l’armée se ridiculisent en tentant de sauver la face, le président
de la République Émile Loubet accorde la grâce
à Dreyfus qui la refuse. Les propos contenus
dans le récit de l’élève éclairent le sentiment
d’honneur et de dignité que ce geste de refus peut
avoir. C’est en 1906 que l’innocence de Dreyfus
est définitivement reconnue.
Ce moment de la vie républicaine a sans aucun
doute permis aux républicains de définir autrement, et plus précisément, les exigences d’une
vie démocratique, fondée sur la vérité (la presse
est en plein développement, sans censure), la
justice et la libre expression. Parmi les dreyfusards, il faut citer Anatole France et Bernard
Lazare, ce journaliste ami de la famille Dreyfus
et qui consacra toutes ses forces à défendre le
capitaine. Charles Péguy, dans Notre jeunesse,
véritable manifeste dreyfusard et républicain, en
fait un portrait magnifique. Zola jusqu’en 1898
avait une attitude beaucoup plus ambivalente.
La force du journaliste aura attaché son nom à la
défense de la justice alors que le nom de
Bernard Lazare ne figure presque jamais dans
les manuels scolaires. Cette crise politique et
judiciaire, mais aussi sociale, met en lumière un
antisémitisme largement partagé dans la société
française de la fin du siècle.
La Belle Époque
L’expression de « Belle Époque » désigne la
France de 1880 à 1914. Cette expression doit
être nuancée. Certes, la France rayonne dans le
monde, affiche ses principes républicains et sa
réussite scolaire, devient le phare artistique du
monde et profite des progrès technologiques et
125
L’ É P O Q U E D E L’ I N D U S T R I E
scientifiques tels que l’électricité (la « fée »
électricité de l’Exposition Universelle de 1889),
les débuts de l’automobile ou du cinématographe. Cependant, cette embellie ne profite pas
à tout le monde. La classe ouvrière reste très en
dehors de cette société brillante. La misère n’est
jamais loin, et la CGT affirme au congrès
d’Amiens que la « grève générale » est un des
moyens de sortir de « l’esclavage » industriel
qu’impose le patronat. Les droits sociaux sont
moins développés que ceux des Allemands par
exemple, dont le pays menace les intérêts commerciaux, industriels et coloniaux de la France.
Poincaré, lorrain et patriote, président de la
République en 1913, obtient une loi sur le service militaire porté à trois ans (juillet 1913). La
guerre est proche. C’est aussi cela le climat de
la Belle Époque.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
La conquête de Metz et Strasbourg :
les enfants soldats face à la carte
de la « vraie » France, p. 181
Au moment où sont votées les lois portant gratuité, laïcité et obligation scolaire (1881-1882),
sont créés également les bataillons scolaires.
Ces bataillons sont facultatifs et concernent les
jeunes garçons de plus de 12 ans à qui l’on
remet un fusil de bois. Instaurée par les républicains, cette mesure qui fut de courte durée
(pas plus d’une dizaine d’années, jusqu’en
1891-1892) témoigne de deux choses. D’une
part de la continuité du sentiment républicain de
défense nationale tel qu’il s’était exprimé en
1870-1871 pendant la guerre contre les
Prussiens et la Commune ; d’autre part du sentiment très intense de perte des territoires
d’Alsace et de Lorraine. Ce sentiment irrigue
chacun des enseignements de la communale,
des cours d’histoire et de géographie (avec l’apprentissage des frontières naturelles, dont le
Rhin…) aux dictées et aux exercices de calcul,
et bien sûr de morale. C’est le sens de la phrase
de l’inspecteur général d’histoire Ernest Lavisse
contenue dans la même page au sein du récit de
l’élève. Être citoyen, c’est défendre la
République et la patrie en danger. Valmy est la
référence. Pourtant, les bataillons furent abandonnés rapidement en raison des contestations
qu’ils soulevaient au sein même des républicains, inquiets du sentiment martial que l’on
voulait donner trop tôt aux enfants.
La une du Petit Journal, p. 182
Ce journal populaire vendu un sou connaît un
grand succès – un million d’exemplaires en
126
1886. Choisissant délibérément de favoriser le
sensationnel, il donne à tout événement une
allure de fait divers. La une du 13 janvier 1895
est intitulée « Le Traître » et représente le
moment de la dégradation de Dreyfus qui a eu
lieu dans la grande cour de l’École militaire le
5 janvier à 8 h 45. Au général Darras qui prononce la dégradation, Dreyfus répond en hurlant : « Soldats, on dégrade un innocent, soldats,
on déshonore un innocent. Vive la France ! Vive
l’Armée ! » Puis un soldat de la Garde républicaine arrache les galons et brise le sabre. De
retour dans sa cellule, Dreyfus écrit à sa
femme : « Je te raconterai plus tard, quand nous
serons de nouveau heureux, ce que j’ai souffert
aujourd’hui. […] Je me demandais ce que je faisais là, pourquoi j’étais là, il me semblait que
j’étais le jouet d’une hallucination ; mais hélas
mes vêtements déchirés, souillés, me rappelaient brutalement à la réalité. »
Les articles publiés dans Le Petit Journal, pétris
de stéréotypes et de préjugés, contribuent à diffuser les thèmes antidreyfusards. Plus globalement, la presse qui est en plein essor et en plein
renouvellement, tant de ses cadres que de ses
moyens d’investigation, va jouer un rôle important dans le déroulement de l’affaire Dreyfus. Et
ce d’autant plus qu’elle s’affranchit par ailleurs
progressivement des censures diverses, de l’État
comme de l’Église. La Libre Parole, quotidien
antisémite d’Édouard Drumont, se déchaîne.
L’Aurore, dont l’éditorialiste est Georges
Clemenceau, entre dans la bataille le 13 janvier
1898 en publiant la lettre de Zola au président
de la République : J’accuse. 300 000 exemplaires sont vendus en quelques heures.
Les progrès de la démocratie (1871-1914)
Autoportrait aux sept doigts,
par Marc Chagall, p. 183
Le peintre Chagall arrive de Russie à Paris en
1910. Il est témoin du poids culturel de Paris et
du fait que, pendant la Belle Époque, Paris est un
des centres du monde artistique avec Vienne en
Autriche. L’Autoportrait aux sept doigts (1913)
est un tableau qui apparaît comme la représentation d’un rêve éveillé. Chagall se voit en dandy,
en peintre ayant du succès. Il termine une toile
posée sur un chevalet avec « ses sept doigts »,
c’est-à-dire très vite (réminiscence yiddish). Le
Dossier
L’ É C O L E
Cette double page s’inscrit une fois encore
dans la continuité des principes et des idéaux
de la Révolution française et de ses antécédents humanistes et des Lumières. Bâti sur
l’idée d’un avant et d’un après, ce chapitre
doit montrer aux élèves la nouveauté que
représentent les lois de Jules Ferry sur l’école
de 1881 et 1882. On retrouve Condorcet et
l’idéal révolutionnaire des Lumières, l’idée de
faire de l’école un lieu pour tous, un espace
d’émancipation intellectuelle.
L’école devient, à la fin du XIXe siècle, le plus
sûr vecteur d’unification linguistique du pays.
Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’école
est parfois perçue comme une entreprise
d’aliénation notamment aux dépens des cultures et langues régionales et des patois.
Aujourd’hui, grâce aux recherches effectuées
par Anne-Marie Thiesse ou Jean-François
Chanet, entre autres, on s’aperçoit que parler
français était au contraire vécu par les familles
comme le plus sûr moyen de l’ascension
sociale. Les mêmes chercheurs mettent également en évidence que les cultures régionales
n’ont pas été niées, bien au contraire. Elles ont
même été valorisées dans le cadre des apprentissages.
La liberté est au cœur du projet de Jules Ferry
et de Ferdinand Buisson. Ferdinand Buisson
défend la liberté d’esprit : « L’école doit
tableau dans le tableau, le rêve dans le rêve n’est
autre que La Russie aux ânes et aux autres, collage d’images évoquant le shtelt (un village juif).
Au-dessus apparaît l’image d’une église orthodoxe émergeant de nuées, vision symétrique de la
tour Eiffel se découpant dans une fenêtre. Le
tableau est couronné de deux mots écrits en lettres hébraïques : Paris à gauche, Russie à droite.
Dans son langage onirique, Chagall saisit au passage, intègre avec une infinie liberté et légèreté la
géométrisation du cubisme, les architectures
futuristes et les rencontres surréalistes.
PP. 184-185
apprendre à être libre. » Cette idée doit être
travaillée avec les enfants, non dans le sens
d’un relativisme à l’égard de toute autorité,
mais bien dans l’idée que nous sommes tous
responsables de nos connaissances et de nos
ignorances ; et que l’autorité ne se décrète
pas : elle se vérifie chaque jour davantage.
Une classe au milieu
du XIXe siècle, p. 184
La chaire de l’enseignant, directement sous le
crucifix, la plume d’oie et le matériel scolaire
indique un très léger progrès des conditions
scolaires et d’étude. La présence du crucifix
montre l’influence de l’Église sur l’école. Le
maître est aidé dans sa tâche par un moniteur
choisi parmi les élèves les plus avancés. On ne
voit qu’un groupe d’élèves. Du haut de sa
chaire, le maître surveille le travail des différents groupes.
Une classe de garçons en 1910, p. 185
Dans ce document, on observera l’organisation de la classe : position relative du maître et
des élèves (ici que des garçons), deux
tableaux qui symbolisent le double souci de
l’école : la morale et les savoirs. La leçon de
morale du jour – l’alcoolisme et le danger
qu’il représente pour la santé – invite à prendre conscience des devoirs envers soi-même ;
on apprendra aussi à reconnaître les devoirs à
127
L’ É P O Q U E D E L’ I N D U S T R I E
l’égard des autres, de la famille et de la patrie.
La liberté est à ce prix. Du côté des savoirs, on
repérera dans la classe la présence d’un globe
terrestre, d’un compas, de livres, d’affichages
techniques et scientifiques très nombreux
– l’image devient l’élément central de la
pédagogie. La pédagogie fait des progrès. De
plus, la présence de ce matériel, de cette organisation pédagogique palpable, donne au
maître un statut de professionnel respecté.
Éléments pour une synthèse
Tous les enfants vont à l’école apprendre à lire
et à écrire le français. Ils vont apprendre à
réfléchir par eux-mêmes pour devenir des
citoyens libres. Mais tous les enfants n’auront
pas la chance de faire des études longues trop
coûteuses.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
La IIIe République reprend les idées de 1789
et crée l’école obligatoire, gratuite et laïque.
La France est secouée par une crise. Le capitaine Dreyfus est accusé en 1894 de trahison
pour le seul fait d’être juif. Deux camps se
128
font face et utilisent la presse pour exprimer
leur point de vue. En 1906, l’innocence de
Dreyfus est reconnue. Mais c’est aussi la Belle
Époque où l’on découvre le cinéma, la photo et
l’automobile.
L’ E u r o p e e t l a F r a n c e
à la conquête du monde
(1830-1914)
LIVRE PP. 186-191
Notions
Colonies, colonisation, conquêtes coloniales, injustices, métropole, spoliation, débat,
mépris, racisme.
Compétences
• Savoir lire une carte.
• Savoir lire une caricature.
• Savoir associer un document à un récit.
Exercices
Cahier CM2 : L’Europe et la France à la conquête du monde (1830-1914), pp. 28-29.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Dans la longue définition d’une histoire et d’une
mémoire commune et partagée, la colonisation
nous semble un axe de travail essentiel à traiter
en classe. Non seulement parce que beaucoup
d’histoires familiales des enfants confiés à
l’école relèvent de cette histoire-là, mais aussi
parce que les colonies, et la société qui lui est
liée, font partie intégrante de notre histoire commune. S’il ne fallait citer que la présence actuelle
des territoires et des départements d’outre-mer
au sein de la République, cela serait une raison
suffisante à cet enseignement. Prétendre vouloir
comprendre la France et l’Europe, en faire une
histoire scolaire sans prendre en compte leur part
coloniale, c’est passer à côté d’une de leurs
caractéristiques historiques centrales. C’est aussi
négliger l’histoire des régions soumises.
Colonialisme et impérialisme
Il faut d’abord définir ce qu’est une colonie : il
s’agit d’un espace soumis et organisé au bénéfice d’un pays plus puissant économiquement et
militairement. De ce fait colonial préalable
découle une situation d’inégalité politique. Les
personnes de cet espace n’ont pas les mêmes
droits que les colons. À cette inégalité première,
s’ajoute l’inégalité économique. L’objectif de la
colonisation, c’est l’exploitation des terres et
des sous-sols. De ce fait, les indigènes sont
exclus de l’exploitation, sauf en tant que main-
d’œuvre. Dans les terres conquises, le mode de
vie traditionnel est bouleversé ; un régime de
l’arbitraire et du non-droit s’installe alors.
Un autre mot est associé au colonialisme : c’est
« l’impérialisme », une forme de domination d’un
État sur un autre ou sur un territoire habité. Cette
domination peut être militaire, politique, économique ou culturelle. L’impérialisme colonial
réunit l’ensemble des formes de dominations.
Les origines de la colonisation datent du
XVIe siècle et de la conquête espagnole en
Amérique. 1492 marque le début de la conquête
du monde par l’Europe. Le commerce triangulaire organise un espace commercial entre trois
continents, fondé principalement sur l’exploitation des terres et des hommes. Au cœur de ce
dispositif, l’esclavage a toute sa place.
Les facteurs de la colonisation
au XIXe siècle
La pression démographique
Les facteurs de la colonisation au XIXe siècle
sont multiples. La pression démographique,
d’abord, pousse les Européens à s’embarquer
vers des contrées lointaines. Le XIXe siècle est
une période de très forte émigration européenne,
ce qui contraste avec le XXe siècle où l’Europe
129
L’ É P O Q U E D E L’ I N D U S T R I E
devient terre d’immigration. L’émigration du
XIXe siècle est facilitée par le fait que les
Européens maîtrisent, depuis trois siècles, les
moyens de communication intercontinentaux.
Le facteur économique
L’explication économique peut également être
retenue. Pour les entreprises, les colonies
constituent des marchés captifs où écouler leurs
produits. De plus, les matières premières exploitées dans les colonies permettent également la
poursuite de l’essor économique. Par exemple,
la moitié des échanges et des investissements
anglais se font dans l’empire. La puissance économique européenne, qui est en plein bouleversement du fait de la révolution industrielle,
débouche sur la croyance en la supériorité des
races et notamment de la race blanche. La toutepuissance de l’Europe au XIXe siècle est alimentée par un renouveau missionnaire : des
missions catholiques ou protestantes s’installent
partout dans les colonies pour évangéliser et
propager le christianisme. Ce double aspect,
science et religion, assure la légitimité et l’argumentaire des expéditions très nombreuses. La
supériorité de « l’homme blanc » ne fait aucun
doute dans beaucoup de milieux politiques, économiques et intellectuels.
Le facteur politique
Le facteur politique a bien sûr une importance
considérable en ce qu’il fait de la conquête et de
l’exploitation coloniale un argument de puissance nationale. C’est ce qui explique pourquoi
les rivalités coloniales européennes sont très
aiguës. Elles seront du reste une des causes de la
Première Guerre mondiale. L’avance et la supériorité technique européennes permettent des
conquêtes militaires faciles, malgré les nombreuses résistances indigènes.
L’empire français
La France occupe une place spécifique dans la
colonisation. En 1848, elle est un petit pays
colonial ; au début du XXe siècle, elle est la
deuxième puissance mondiale. À partir de la
conquête de l’Algérie (1830), la colonisation
devient un des grands secteurs de l’activité
nationale qui engage des intérêts essentiels et
l’honneur même du pays. Deux impulsions
130
majeures sont à mettre en lumière : la politique
impériale de Napoléon III (1851-1870), mais
surtout la politique coloniale de la IIIe République après le traumatisme de 1870. Il s’agit de
retrouver la gloire et le prestige perdus après la
défaite de Sedan. Gambetta (conquête de la
Tunisie en 1881) et Jules Ferry (conquête de
Madagascar et du Tonkin en 1883) incarnent la
politique coloniale française de la République.
Dans leur esprit et leurs propos, l’éducation des
Français et l’exportation de la civilisation française aux peuples indigènes relèvent d’une
même ambition généreuse et bienfaitrice.
L’empire français a une superficie de 10 millions
de km2 en 1914 avec le Maghreb, l’AfriqueOccidentale et l’Afrique-Équatoriale françaises.
Cet empire ne constitue que 10 % environ des
échanges et des investissements nationaux. Le
rôle de l’empire est d’abord et avant tout politique, idéologique et stratégique. La France
invente une forme coloniale fondée sur le
rayonnement des valeurs et de la culture françaises. Elle se pose en modèle de civilisation.
Pourtant, de nombreux débats agitent la classe
politique partagée en deux camps : les tenants
du parti colonial et les anticolonialistes. Après la
guerre de 1870-1871, les anticolonialistes réclament plus d’attention à la « ligne bleue des
Vosges », vers l’Allemagne de Bismarck, c’està-dire qu’ils souhaitent que la France s’intéresse
plus à la récupération des territoires « perdus »
(Alsace et nord de la Lorraine). Puis, progressivement, vers les années 1890-1910, lorsque les
conflits avec l’Angleterre d’abord (conflit
autour de Fachoda, colonie anglaise convoitée
par la France en 1898) et l’Allemagne ensuite
(crise de 1905 au sujet du Maroc, colonie française convoitée par l’Allemagne) sont très prégnants, le parti colonial s’affirme face aux
protestations de plus en plus vigoureuses tant
d’hommes politiques (Clemenceau) que d’intellectuels (Anatole France) qui refusent de voir
une quelconque supériorité de l’homme blanc à
l’échelle de la planète. Ce débat important est
contenu dans le récit pour l’élève. Il peut faire
l’objet d’un travail, par la recherche d’arguments (pour et contre la colonisation) contenus
dans le récit.
L’ E u r o p e e t l a F r a n c e à l a c o n q u ê t e d u m o n d e ( 1 8 3 0 - 1 9 1 4 )
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Les possessions coloniales
européennes en 1914, p. 187
Du fait de son avancée technologique, financière et militaire, l’Europe du XIXe siècle connaît
une « course aux colonies ». En 1914, l’Europe
se partage le monde, même si les premières possessions coloniales européennes ont acquis leur
indépendance. C’est le cas des républiques
d’Amérique latine notamment. Mais l’Europe
coloniale n’est pas unie. Deux empires importants s’opposent : celui de l’Angleterre (Canada,
Égypte, Indes, Australie…) et de la France
(AOF, AÉF, Algérie, Maroc, Madagascar,
Indochine…). Ces deux puissances connaissent
également la concurrence d’autres pays comme
l’Italie (Libye…), la Belgique (Congo…) et surtout l’Allemagne (sud-ouest africain et
Tanzanie) avec qui les conflits, à propos du
Maroc notamment, provoquent une crise internationale considérable en 1905. Sur la carte
n’apparaît pas le fait que la Chine est elle-même
partagée en zones d’influence entre Allemands,
Français ou Britanniques.
Condamnation de la colonisation, p. 188
La caricature publiée dans L’Assiette au beurre
illustre le débat engagé entre colonialistes et
anticolonialistes. Elle dénonce les contradictions entre les volontés affichées dans le discours d’une République française qui se
présente comme « une mère » et les injustices
qu’elle engendre. On fera avec les élèves l’inventaire des méfaits de la colonisation. Il n’y a
plus d’esclavage, mais les colonisateurs, qui
bien souvent ont pris les meilleures terres, exigent des populations colonisées des corvées de
portage ainsi que des impôts. Le Noir qui vient
de se faire rosser s’insurge contre ces modes de
vie nouveaux qu’on lui impose au nom de la
civilisation. Ses habitudes de vie dans le village,
au sein d’une grande famille bien structurée,
sont bouleversées. Des produits nouveaux apparaissent créant des besoins nouveaux. La vie est
de plus en plus chère. Il est obligé d’accepter de
travailler dans les plantations ou sur les chantiers de construction dirigés par les Blancs.
Dans la ville, il connaît la solitude et l’humiliation. Il doit apprendre à être « individualiste ».
Voilà donc la civilisation promise ! C’est l’occasion d’un débat avec les élèves.
Publicité pour la Compagnie
des Antilles, p. 190
De nombreuses représentations des colonies
existent sous forme de croquis de voyages, de
tableaux ou encore de publicités. Pour vendre
des produits, les entreprises définissent, comme
les autres représentations, une vision du monde.
Ici, l’homme blanc est au centre, crayon à la
main (car il est lettré et détenteur de la civilisation), habillé en blanc, portant le chapeau du
chef. Il observe le travail de quatre hommes
noirs courbés, dont un semble dans une attitude
de soumission et de crainte, et d’un cinquième
un panier sur les épaules. La supériorité de
l’homme blanc de la République n’a plus besoin
de fouet pour être reconnue. Elle est naturelle
comme l’est la différence entre les peuples. La
Compagnie des Antilles organise et commercialise les distilleries de rhum antillais. Les habitations qui se sont transformées en usines, sont
entièrement tenues par des Blancs descendants
des colons. La publicité concerne les Antilles,
c’est-à-dire la Martinique et la Guadeloupe,
deux « vieilles colonies » avec La Réunion et la
Guyane. À cette époque, la canne (avec laquelle
sont faits le sucre et le rhum) représente plus
de 60 % des terres, 60 % de la main-d’œuvre
et fournit plus de 75 % des exportations coloniales.
Carte postale d’une exploitation
de cannes à sucre, p. 191
La carte postale est un art photographique qui se
développe à la fin du XIXe siècle. Elle a une vertu
essentielle : promouvoir les régions de France,
les « petites patries » au sein de la grande patrie
française. Il témoigne de l’exaltation des régions
dans le discours patriotique français. De la
même manière que la géographie des écoles de
la République vante les diversités régionales,
conçues comme de véritables richesses, l’art de
131
L’ É P O Q U E D E L’ I N D U S T R I E
la carte postale s’inscrit dans un mouvement de
revalorisation de la diversité des paysages français. Cette politique de reconnaissance des
« petites patries » a aussi pour objectif de désarmer les conflits possibles. Il s’agit de donner une
image harmonieuse de la synthèse française,
capable de faire adhérer au drapeau tricolore tant
de diversités de climats, de reliefs, d’hommes et
de femmes aux aspects si différents.
Sur la carte postale présentée dans le livre, le
personnage habillé de blanc et au chapeau est un
contremaître blanc. Il est sur un cheval en position surélevée, signe de supériorité. Les
hommes noirs posent pour le cliché, comme le
contremaître. La scène se situe sur une plantation de cannes à sucre à La Réunion, ancienne
« vieille colonie ». La canne à sucre représente
à cette époque la principale ressource agricole
de l’île, comme aux Antilles. Elle n’est plus
viable économiquement, concurrencée par la
betterave à sucre cultivée en métropole, mais
son exploitation est maintenue car elle emploie
plus de la moitié de la population réunionnaise
de l’époque. Les conditions de travail demeurent difficiles, même si l’esclavage est aboli
depuis 1848. Ainsi, les lois sociales ne s’appliquent pas aux colonies de la même manière
qu’en métropole. L’usine a remplacé l’habitation comme unité de production agricole. Ce
nouveau cadre de travail élève la productivité
mais nécessite une main-d’œuvre importante.
Les propriétaires d’usines à sucre font venir de
la main-d’œuvre supplémentaire des Indes
britanniques. Cela a pour effet principal de
maintenir les salaires au plus bas.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Les pays d’Europe et la France en particulier
s’enrichissent en constituant un empire colonial.
Ces conquêtes sont faites par la force. Les colonisateurs s’emparent des meilleures terres et
132
méprisent les indigènes. Des révoltes éclatent.
En France, des députés dénoncent les méfaits de
la colonisation.
S E P T I È M E PA RT I E
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
L’esquisse de Picasso, Femme à l’enfant mort sur une échelle, de 1937, inaugure
la septième partie du livre, jalonnée de récits de guerres et de souffrances humaines
(« l’enfer » de la Première Guerre mondiale, le génocide arménien, la répression
sanglante des républicains espagnols…). Mais surtout, cette pietà moderne annonce, dans un cri de douleur, la tragédie de la Seconde Guerre mondiale qui marque
une rupture fondamentale dans l’histoire du XXe siècle. Mélange de sacré (disposition des corps qui rappelle la Pietà de Michel-Ange, présence de l’échelle qui fait
songer à l’échelle de Jacob…) et de profane (visage de la femme déformé par la
souffrance qu’elle tente de fuir), cette pietà, cette mater dolorosa, en appelle au
Ciel destructeur. Malgré de relatives accalmies, la télévision fait résonner dans
chaque foyer, depuis plus de cinquante ans, des cris de souffrance venant de
différents points du globe. Désormais, nous ne pouvons plus être indifférents à
l’avenir du monde. En ce sens, l’œuvre de Picasso est prophétique en témoignant
de la violence du siècle présente et à venir.
Picasso réalise cette étude alors que Guernica est anéantie sous les bombes et que
l’école maternelle de Getafe (banlieue sud de Madrid) est détruite au cours d’une
attaque ennemie (173 enfants morts). Il puise son inspiration aux sources les plus
variées (dans la mythologie grecque, mais aussi chez Poussin, Géricault,
Delacroix, Goya…). Classique dans la construction, réaliste dans l’expression,
cubiste dans l’utilisation de la géométrie de l’espace, Picasso apparaît comme le
dernier des anciens et le premier des modernes.
133
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
La Grande Guerre
(1914-1918)
LIVRE PP. 194-199
Notions
Tranchées, gaz, guerre totale, usine d’armement, obus, tanks, mutineries.
Compétences
• Percevoir la proximité des sentiments entre les soldats des deux camps.
• Savoir lire un tableau chiffré et en tirer des informations.
• Confronter les informations tirées de différents documents.
• Mettre en relation les récits des « poilus » avec les documents.
Exercices
Cahier CM2 : La Grande Guerre (1914-1918), pp. 30-31.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Le déclenchement de la Première Guerre mondiale marque le début réel du XXe siècle. La
guerre imprime sa marque et grave les corps et
les esprits au-delà de ce que l’on pouvait imaginer. Plus rien ne sera désormais comme avant.
C’est à partir de cet angle d’analyse qu’il
convient de présenter la guerre aux élèves :
comme un événement dont l’intensité n’a
jamais été égalée jusqu’alors. Du reste, les
contemporains l’appellent dès la fin des hostilités la Grande Guerre, comme si elle devait rester le modèle de l’horreur absolue. Le reste du
XXe siècle nous a appris qu’en 1918, le monde
de l’horreur n’en est qu’à ses débuts. Bien la
comprendre, c’est mieux percevoir les raisons
de la Seconde Guerre mondiale.
évoque les conflits latents depuis 1908.
Concurrence au Maroc entre la France et
l’Allemagne, contentieux important entre
l’Angleterre et l’Allemagne au Proche-Orient :
les causes sont nombreuses au moment où les
pays d’Europe semblent prêts à se partager le
monde des colonies.
Les origines du conflit
Il est important de souligner avec les élèves
la diversité des causes du conflit. Les origines en sont nombreuses et ne peuvent être
réduites au seul conflit franco-allemand et
au désir de revanche des Français dans leur
quête de l’Alsace et du nord de la Lorraine,
perdus en 1871. On peut distinguer des origines structurelles et des causes plus conjoncturelles.
En effet, les rivalités économiques assombrissent encore un peu plus le tableau
international de l’avant-guerre. Il s’agit principalement de la concurrence accrue des puissances industrielles triomphantes (RoyaumeUni, Allemagne et France). Les revendications
nationales, dont l’Alsace-Lorraine n’est
qu’un des aspects, complètent le panorama
des périls. L’invasion autrichienne de la BosnieHerzégovine en 1908 déstabilise la région
des Balkans sous prétexte de la contenir. Une
série de crises entre l’Empire ottoman et les
pays balkaniques, entre 1912 et 1913, perturbe
encore un peu plus le fragile équilibre diplomatique européen. D’autant que la course
aux armements a débuté dès la fin du siècle
précédent. On dit à cette époque que l’Europe
est sur un baril de poudre. Pour filer la
métaphore, on peut dire qu’il ne manquait que
l’étincelle.
Les origines structurelles
Les origines conjoncturelles
Les origines structurelles du conflit s’inscrivent
dans les rivalités coloniales. Le récit de l’élève
Les origines conjoncturelles ont aussi leur
place. L’archiduc héritier d’Autriche, François-
134
La Grande Guerre (1914-1918)
Ferdinand, est assassiné à Sarajevo le 28 juin 1914
par Prinzip, un jeune nationaliste serbe. L’Autriche déclare la guerre à la Serbie. Cet assassinat,
en des temps moins troublés, aurait certainement trouvé un règlement diplomatique, mais
en 1914, « l’engrenage des alliances » européennes se met en route. Alliée de la Serbie,
la Russie mobilise. L’Allemagne, alliée de
l’Autriche (avec l’Italie), mobilise à son tour le
1er août ; la France, alliée de la Russie et de
l’Angleterre, le 2 août.
Le nom de Jean Jaurès, responsable du parti
socialiste d’avant-guerre (SFIO), est cité dans
le récit de l’élève pour montrer que, dans
cette conjonction de facteurs et cet engrenage
martial, des pacifistes ont défendu des positions
antibelliqueuses au péril de leur vie. Cela révèle
également la montée profonde des patriotismes
dans chacun des pays impliqués dans
le conflit. Un nombre important de personnes
(intellectuels ou autres) ont mis en cause
l’entrée en guerre, sans pour autant pouvoir
l’arrêter. L’écrivain autrichien Stefan Zweig,
mentionné au début du récit, est là pour
rappeler que le monde artistique européen
est divisé. Si une partie, conséquente, épouse
un patriotisme d’époque, une autre est dépassée
par les passions guerrières de ses contemporains.
2e phase : la guerre de tranchées,
de 1915 à mars 1918
Les fronts stabilisés, on assiste à un enlisement
du conflit. Les tranchées sont le véritable symbole de cette guerre. Des percées succèdent aux
reflux. Les batailles sont parfois terribles :
celles de la Somme et de Verdun en 1916 occasionnent des pertes humaines considérables
dans les deux camps, sans véritable succès définitif pour l’un et l’autre. Des avions, des gaz et
de l’armement lourd sont utilisés massivement.
La guerre se joue au front mais également à
l’arrière avec la mobilisation des opinions
publiques : la mobilisation des consciences (dite
« bourrage de crâne ») et le travail des femmes
dans les champs et dans les usines. L’économie
tout entière est portée vers l’effort de guerre. On
retrouve cette même logique de victoire partout
en Europe, même si les résistances s’affirment :
soldats récalcitrants, critiques à l’arrière, protestations contre les censures de la presse. Les
mutineries éclatent chez tous les belligérants et
sont partout réprimées. Cette guerre est également mondiale par la participation des colonies
au conflit. Pour la première fois de l’histoire de
l’humanité, il s’agit d’une guerre totale. Ce dernier aspect du conflit est à développer avec les
élèves.
3e phase : la guerre de mouvement,
de mars à novembre 1918.
Une guerre longue
La guerre, que tous les pays européens envisagent comme courte en 1914, s’installe. On
pourra détailler en classe les différentes phases
qui alternent guerre de mouvement et guerre de
tranchées.
L’entrée en guerre des États-Unis (avril 1917)
aux côtés de la Triple-Entente décide du sort de
la guerre, malgré le retrait du conflit et de la
coalition alliée de la Russie devenue bolchevique (octobre 1917). L’armistice du 11
novembre 1918 met fin à la guerre.
1re phase : la guerre de mouvement,
de 1914 à 1915
Bilan du premier conflit mondial
Les conséquences sont terribles, surtout du point
de vue du bilan humain effroyable (« la grande
boucherie »). Une mutation dans les mentalités
européennes intervient. En France, elle prendra
la forme d’un désenchantement national, malgré
la victoire. Économiquement, l’Europe est affaiblie et les États-Unis affirment leur nouvelle
puissance. La carte européenne est profondément
bouleversée. L’Empire austro-hongrois disparaît.
De nombreux pays émergent : Tchécoslovaquie,
Les armées allemandes pénètrent sur le territoire français et menacent Paris. Cette agression
permet l’union sacrée, c’est-à-dire une relative
unanimité sur les buts de guerre. La bataille
de la Marne (9-13 septembre 1914), menée
par Foch, permet la stabilisation du front.
Les Allemands sont arrêtés sur le front ouest
alors qu’à l’est, ils battent les Russes à
Tannenberg.
135
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
Yougoslavie, États baltes, Pologne. La France
récupère l’Alsace et la Lorraine.
Le conflit laisse des traces indélébiles. Sur les
soldats d’abord, ils restent profondément meurtris quand ils ne sont pas mutilés (plus d’un million en France seulement, des millions en
Europe). C’est pourquoi nous avons fait le choix
de privilégier les paroles de soldats, allemands
(Franz Marc) ou français, qui témoignent pour
tous, afin de donner une dimension humaine et
universelle à cette expérience unique qui fonde
notre modernité européenne. Ils témoignent
tous de l’horreur. Une culture européenne de la
guerre est à analyser avec les élèves ; celle qui
s’installe lorsque la société tout entière est
tournée vers une entreprise de guerre. Cette
entreprise a fait perdre à l’Europe son leadership mondial, au profit des États-Unis. Une nouvelle ère s’ouvre dans le monde.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
L’Europe en 1914, p. 195
La Triple-Alliance est élaborée par Bismarck,
chancelier allemand, en 1882. Elle comprend la
Prusse, l’Autriche-Hongrie et l’Italie. À l’origine cette alliance est secrète et est dirigée à la
fois contre la Russie et contre la France.
Bismarck avait réussi à se rapprocher de la
Russie en 1887, mais après son départ en 1890,
la France mène toute une série d’initiatives
diplomatiques qui débouchent sur les traités
franco-russes. La Russie devient l’alliée de la
France en 1893. L’alliance de la France et de
l’Angleterre est plus tardive et résulte des
craintes britanniques devant les désirs d’expansion coloniale de l’État allemand. Inquiète des
progrès allemands dans le domaine commercial
et maritime, une Entente cordiale est signée
entre la France et l’Angleterre en 1904. Elle formera la base de l’accord de Triple-Entente avec
la Russie, en 1907, face aux prétentions économiques et territoriales allemandes.
Cette carte présentée aux élèves a le mérite de la
simplicité. Elle montre notamment la position
stratégique de la Triple-Entente prenant en
tenailles les empires centraux. Elle ne dit pas la
multitude de petits traités diplomatiques unissant tel pays à tel autre et qui sera une des
causes conjoncturelles de la guerre. À noter que
l’Italie, dès 1915, quitte la Triple-Alliance pour
rejoindre la France et la Grande-Bretagne. On
lui promet des territoires alors autrichiens. Au
moment des traités de paix et notamment des
négociations du traité de Versailles, l’Italie
comprend que ses espoirs sont vains et que les
136
Alliés ne lui céderont aucun des territoires
demandés. Cette humiliation diplomatique
nourrira en partie le développement du phénomène fasciste.
Les soldats dans les tranchées, p. 196
Le document présente une tranchée française
avant l’attaque. Il permet de découvrir avec les
élèves ce qu’est une tranchée et d’en faire la
description. Elle est étroite, creusée dans la terre
à hauteur d’homme, le sol est couvert de caillebotis de fortune pour protéger de la boue. On
voit des barbelés fixés à des branches et des sacs
de terre dans le fond pour se préserver des éclats
d’obus. Les soldats sont tendus, prêts à attaquer.
Leur équipement se réduit à un fusil à baïonnette et à une réserve de cartouches. Ils sont protégés par un casque et un masque à gaz. En
effet, ils craignent les gaz asphyxiants que les
Allemands ont employés dès 1915.
À partir de là, on peut imaginer ce que fut la
guerre de tranchées, sa tactique, son armement,
son rythme, ses dangers, les bombardements, les
mitrailleuses mais aussi les réseaux de barbelés
que chaque camp avait installés le long de ses
lignes. Si le terrain n’avait pas été préparé par des
brèches ouvertes avant l’assaut, les soldats mouraient en restant accrochés aux pointes de métal
avant même d’avoir pu tenter de les franchir.
Les soldats revenant du « feu », p. 197
Il s’agit de soldats après une offensive en 1917.
Ces trois combattants montrent leur épuisement
à la fois physique et moral. Cette lassitude
La Grande Guerre (1914-1918)
profonde se généralise. Cette guerre d’usure,
ces attaques meurtrières et ratées, apparaissent
de plus en plus comme inutiles. Elles entraînent
des refus d’obéissance qui se transforment, du
côté français comme du côté allemand, en véritables mutineries.
Lettre de Franz Marc, p. 197
En août 1914, Franz Marc, un peintre allemand,
se porte soldat volontaire. Mais, de mois en
mois, son opinion sur la guerre se modifie. Le
1er janvier 1916, il écrit à sa femme : « Le
monde s’est enrichi de l’année la plus sanglante
de son histoire. » Le 4 mars, il est touché par un
obus à Verdun au cours d’une mission de reconnaissance et meurt. Pendant toute cette période,
Marc qui ne peut pas peindre s’exprime par
écrit. Il rédige de nombreuses lettres à sa femme
qui sont publiées dès 1920. La lettre reproduite
dans le livre est écrite au début de l’offensive
allemande à Verdun. Comme dans la précédente, le peintre est sidéré par la violence inouïe
des attaques. Et, pourtant, le pire – « l’enfer » de
Verdun – ne fait que commencer. Cette « guerre
d’usure » va durer de février à juin. Malgré le
sacrifice de 240 000 hommes, les Allemands ne
parviennent pas à anéantir l’armée française ; en
face 260 000 morts et, de part et d’autre, un cortège d’horreurs et de souffrances.
ainsi au mouvement d’internationalisation de la
Première Guerre mondiale. Les troupes coloniales reçoivent un statut définitif en 1900. Elles
sont composées de toutes les parties de l’empire
colonial français, dont les « Sénégalais » – en
réalité des hommes de toute l’Afrique noire
française – comme le montre la photographie.
Mais il est très important d’avoir à l’esprit que
ces troupes ne sont pas composées de citoyens à
part entière, mais de « sujets de l’empire français ». Cette distinction est centrale, car comme
tous les citoyens métropolitains ou issus des
« vieilles colonies » (Guyane, Martinique,
Réunion et Guadeloupe), ils participent activement à la défense de la France. Ils sont venus se
faire tuer dans les tranchées pour le « pays » et
la République, sans avoir pour autant de reconnaissance civique.
Usine de munitions
pendant la guerre, p. 198
Dans la logique de la guerre totale, et vu le
degré de mobilisation et les besoins en hommes
du front, tous les pays européens font appel à la
contribution des femmes. Celles-ci viennent
remplacer les hommes dans les usines transformées en usines d’armement. Ce mouvement est
européen et concerne la guerre à partir de 1915.
Dans les campagnes, les femmes remplacent
également les hommes. On dispose de nombreux témoignages de soldats s’inquiétant
auprès de leur épouse de l’état du cheptel, des
soins vétérinaires et des moissons.
Les premiers contingents arrivent dès le mois
d’août 1914, signe que la France compte dès le
début sur cette ressource inestimable en
hommes que sont les colonies, véritables
« réservoirs » de soldats. L’Afrique-Occidentale
française (AOF) et l’Algérie sont les plus
concernées par l’importance des mobilisations
et des recrutements. Bien souvent, surtout à partir de 1915, les recrutements se font d’autorité
et des révoltes importantes éclatent. Plus de
600 000 hommes au total furent mobilisés sous
les drapeaux de la mère patrie. Plus de 62 000
moururent au champ d’honneur. Rappeler cela
en classe, permet de prendre en compte la spécificité de l’histoire française engagée dans la
colonisation. Entretenant un rapport paternaliste
et autoritaire avec les peuples coloniaux, la
métropole peut les considérer comme inférieurs
et « sujets » quand l’expansion et l’exploitation
coloniales l’imposent, et comme ses « enfants »
quand la patrie est en danger. Ce sacrifice pour la
puissance colonisatrice sera un des ingrédients
de la contestation indépendantiste qui s’affirme à
partir des années 1930 en AOF d’abord, mais
surtout en Algérie et dans tout le Maghreb.
Des soldats venus
des colonies françaises, p. 198
Les Français sont les premiers à utiliser les
hommes de leur empire colonial, participant
Bilan des morts
de la Première Guerre mondiale, p. 199
Tous les pays européens ne sont pas mentionnés
dans ce tableau. Le chiffre total dépasse
137
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
9 millions de tués. On compte près de 17 millions
de blessés ou d’invalides. Le tableau présente
le nombre de morts rapporté à la population
globale. De ce point de vue, la France est le
pays d’Europe le plus touché. On parle, pour
la France notamment, de « saignée démographique ». Le bilan humain s’explique, en partie,
par le nombre de mobilisés de part et d’autre et
par le nombre important de fronts militaires partout en Europe, même si les plus meurtriers ont
été le front ouest et le front est. Le bilan s’explique aussi par l’utilisation de nouvelles armes
Dossier
DES PEINTRES EN GUERRE
Pour aborder la guerre avec les élèves, le
choix a été fait de mener une réflexion à
partir d’œuvres d’art, comme nous y incitent
les nouveaux programmes. Beaucoup de
peintres, en tant que citoyens de leur pays,
succombèrent dans les tranchées. C’est le cas
notamment de Franz Marc dont on peut lire un
extrait d’une lettre adressée à sa femme dans
le livre page 197. D’autres survivants de la
« boucherie » vont se sentir presque incapables de rendre compte de ce qu’ils ont vécu
et vu. C’est le cas de Fernand Léger. Pour lui :
« La guerre est une chose tout à fait grise et
incolore », le champ de bataille « un désert de
terre brune uniforme ». Il ajoute : « L’Argonne
est bourrée de troupes et tu ne vois rien, c’est
très curieux. »
L’intérêt de ce travail mené avec les élèves est
triple. D’abord, c’est l’occasion de montrer
que la tragédie humaine, côté alliés ou côté
allemand et autrichien, est la même : même
douleur, même sentiment d’inutilité et de
gâchis. Il y a en gestation une conscience
européenne endolorie par cet événement traumatisant qui aura des conséquences sur tout le
XXe siècle. L’histoire européenne s’écrit ici,
dans cette guerre dramatique pour les contemporains. C’est ensuite montrer aux élèves que
sur un même sujet, et avec la même intention
de condamnation, des langages artistiques
s’expriment différemment. Par-delà l’unicité
138
(obus de plus forte puissance, grenades, gaz,
avions, tanks, chars…). Mais à ce bilan humain,
il faut ajouter deux autres facteurs qui vont
durablement miner les démographies européennes après-guerre. Un déficit des naissances
intervient pendant la guerre en raison de l’absence des hommes et du climat général. De plus,
juste après la guerre, la « grippe espagnole »
fait des ravages en Europe et tue presque
20 millions de personnes affaiblies par la
guerre, les restrictions alimentaires et les conditions sanitaires.
PP. 200-201
de l’événement et du moyen retenu (la peinture), la guerre peut être dite de deux manières
différentes. C’est enfin l’occasion d’introduire
la notion d’histoire de l’art, toujours inscrite
dans les événements historiques, même si son
objectif explicite est de se détacher du réel.
La Partie de cartes, Fernand Léger, p. 200
Pour Fernand Léger, « La guerre fut grise et
camouflée ». Les rares dessins peints en noir
et blanc mi-réalistes, mi-cubistes rapportés du
front attestent de cette impossibilité de représenter cette guerre de taupes. Le même désarroi atteignait Franz Marc qui n’a réalisé que
quelques croquis avant d’être fauché par la
mort. Pour Léger la couleur revient quand la
guerre s’éloigne. Le cubisme lui donne le
moyen d’exprimer le chaos du champ de
bataille qui sert de table de jeu aux trois poilus mutilés, médaillés, complètement désarticulés qui jouent aux cartes : des soldats robotisés, gris comme la lumière du lieu qui les
abrite. Le souvenir de cette guerre de
machines, les bombardements réguliers, la
pluie d’obus resurgissent dans sa mémoire et
vont modeler sa vision du monde moderne.
Invalides de guerre
jouant aux cartes, Otto Dix, p. 201
Otto Dix utilise l’expressionnisme pour peindre la cruauté, l’horreur, les paysages détruits,
La Grande Guerre (1914-1918)
les cadavres dans les tranchées, les corps
mutilés, les survivants infirmes. Il ne se
contente pas de peindre les atrocités sur les
visages, il annonce les catastrophes à venir. La
peinture n’est plus peinture d’histoire mais
lieu où l’histoire est prise en compte, questionnée inlassablement, objet de critiques
exemplaires. De ce point de vue, Invalides de
guerre est une peinture amère de dérision et
d’accusation.
Éléments pour une synthèse
Deux peintres sont engagés dans la guerre.
L’un, Fernand Léger, est du côté français.
L’autre, Otto Dix, est du côté allemand. À
l’issue du conflit, tous deux peignent les
mêmes horreurs de la guerre.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Cette guerre devait être courte ; elle fut longue
et meurtrière. Dans les tranchées, les soldats souffrent du froid, de la faim, de la peur de mourir.
Ceux qui se révoltent sont exécutés. La guerre
est mondiale. Les peuples colonisés participent
aux combats. Avec l’aide des Américains, les
Français et les Anglais remportent la guerre
contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie.
139
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
L a F r a n c e e n t r e l e s d e u x LIVRE PP.
guerres mondiales (1919-1939)
202-207
Notions
Deuil national, égalité hommes-femmes, citoyenneté, monuments aux morts, extrême droite,
nazisme, front populaire, grève, congés payés, diplomatie, chômage, crise économique.
Compétences
• Savoir comparer des cartes politiques de l’Europe.
• Identifier une période à l’aide de documents iconographiques.
• Identifier une forme de production artistique symbolisant la période.
Exercices
Cahier CM2 : La Tchécoslovaquie face à Hitler, pp. 32-34 ; l’art et l’histoire, pp. 46-48.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
La reconstruction et les « années folles »
1919-1930 est une période marquée, en France,
par la reconstruction et le retour d’une relative
prospérité (les « années folles »). Les destructions dues à la guerre sont très importantes.
Elles ont touché les champs cultivables, mais
surtout, au nord-est de la France, une zone particulièrement industrialisée : les mines sont
inondées, les usines partiellement ou totalement
détruites, les voies de communication atteintes.
Les dégâts mettront plus d’une décennie à être
réparés. La France est obligée d’emprunter massivement aux banques étrangères et notamment
américaines. Les dégâts sont tels, dans les villes
et les esprits, que l’on comprend pourquoi la
France s’attache autant à défendre l’idée de
réclamer et de fixer des « réparations » à
l’Allemagne, déclarée responsable de la guerre
au traité de Versailles (28 juillet 1919).
L’économiste John Maynard Keynes, qui a participé aux négociations de paix à Versailles,
juge, dès 1919, qu’il est impossible à l’Allemagne d’honorer les réparations prévues.
La guerre a bouleversé la société française et
fait progresser l’idée d’émancipation des
femmes, notamment grâce à leur participation
massive à l’effort de guerre. Dès 1919 pourtant,
elles retournent dans leur foyer, massivement
également, afin que les vétérans puissent réintégrer leur place au travail, comme dans la famille
140
– en situation de chef de famille. Cependant,
l’idée de leur accorder le droit de vote est
proche d’aboutir. La Chambre des députés vote
« oui », mais le Sénat refuse.
La crise des années 1930
Après le krach boursier de Wall Street d’octobre
1929, la crise mondiale secoue la France. Crise
économique, chômage et fermeture d’usines
caractérisent les années 1930. La crise est
longue, même si elle est moins forte que dans
d’autres pays européens, comme l’Allemagne
notamment. Devant l’incapacité des gouvernements à résoudre la crise et face à l’instabilité
ministérielle, la crise politique et antiparlementaire s’installe. Des menaces pèsent sur la
République, par l’intermédiaire des ligues
nationalistes, antisémites et xénophobes
(Action française, Croix de feu, la Cagoule...).
Le 6 février 1934, une grande manifestation
des ligues tourne à l’émeute et aux combats
de rues. La gauche mobilisée et unie fait face
aux émeutiers. On dénombre 16 morts. On a
pu penser que les ligues avaient comme objectif
de prendre le pouvoir par la force. En fait,
il semble qu’elles cherchaient essentiellement
à provoquer une crise de régime et à faire
tomber le gouvernement Daladier (qui démissionne le 7 février). Le 6 février 1934 constitue
un choc pour la gauche et les républicains
qui voient le risque, à tort ou à raison, d’une
La France entre les deux guerres mondiales (1919-1939)
dérive fasciste ou dictatoriale à l’italienne ou à
l’allemande.
Le Front populaire
Le Front populaire, alliance des gauches (PC,
SFIO et radicaux), est élu en mai 1936. Le
6 juin 1936, Léon Blum (SFIO) devient président
du Conseil. Cette victoire est inséparable de la
crise et du péril extérieur. Hitler, au pouvoir
depuis 1933, a fait quitter à l’Allemagne la
Société des Nations (SDN). Les coups de force
de l’Italie mussolinienne (Éthiopie) et de
l’Allemagne hitlérienne (réoccupation de la
Sarre, rétablissement du service militaire…)
divisent le pays devant les mesures à prendre. Le
Front populaire semble plus ferme.
Les grandes grèves de l’été, qui accompagnent
les premières semaines du Front populaire au
pouvoir, se soldent par les accords de Matignon
(7-8 juin). La semaine de travail est portée à
40 heures ; deux semaines de congés payés
(12 jours ouvrés) sont accordées. C’est le début
des congés payés, impensables pour les patrons
prompts à dénoncer la « paresse » du monde
ouvrier. Une augmentation des salaires accompagne les mesures sociales, ainsi que l’obligation
scolaire qui est portée à quatorze ans.
L’expérience du Front populaire reste un moment
de rêve pour ses électeurs. Elle constitue un
moment fort de la mémoire nationale par les
conquêtes sociales qui lui restent attachées.
La marche à la guerre
Le Front populaire est battu en 1938. C’est un
échec relatif, face aux pressions du patronat, à
l’hostilité féroce (et parfois antisémite) à l’égard
de Léon Blum de la part des mouvements d’extrême droite. Les pressions internationales
(guerre d’Espagne, montée du danger nazi) et la
division des trois partenaires au gouvernement
expliquent en partie la chute du Front populaire.
À l’extrême droite, on crie : « Plutôt Hitler que
Blum ! » Face aux périls internationaux, Blum
hésite à engager la France pour la défense de la
République espagnole (les radicaux y sont hostiles), mais fait adopter un plan militaire de réarmement visant à rattraper l’Allemagne.
Quand l’Allemagne annexe l’Autriche par
l’Anschluss (12 mars 1938), le gouvernement
français ne réagit pas. Dans la foulée expansionniste de l’Allemagne hitlérienne, le chancelier du Reich demande les Sudètes, région en
territoire tchécoslovaque. La crise semble
menacer la paix. C’est le tournant de la conférence de Munich (29-30 octobre 1938). La
France de Daladier et l’Angleterre de
Chamberlain acceptent le dépeçage de la
Tchécoslovaquie, malgré les accords de
Locarno protégeant la Tchécoslovaquie indépendante de Masaryk. On croit avoir évité la
guerre. C’est un soulagement en Europe, sauf
pour ceux qui ont compris qu’il s’agissait du
début de l’engrenage fatal. Désormais Hitler sait
qu’il a les mains libres.
C’est cela Munich, la capitulation devant la
force aveugle et sans principe. Les diplomaties
française et anglaise ont reculé devant Hitler, au
mépris de leurs propres principes. « Ils ont
voulu éviter la guerre dans le déshonneur ; ils
auront et la guerre et le déshonneur », dit
Churchill. Hitler annexe et disloque la
Tchécoslovaquie. C’est la faillite des démocraties. Daladier est inquiet de la dislocation à
venir de la Tchécoslovaquie, bien qu’il soit le
principal artisan de la reculade des démocraties
devant Hitler. Il retrouve Paris juste après la
conférence de Munich. Il est acclamé, à sa
grande surprise, à l’aéroport du Bourget, aux
cris de : « Vive la paix ! Vive Daladier ! » Sartre
lui fait murmurer alors : « Les cons ! »
Pour comprendre cette période en classe, il
faut resituer le poids de la Grande Guerre dans
les mentalités collectives. Elle imprègne tout
l’entre-deux-guerres. Le traumatisme est terrible, dans les esprits comme dans les corps.
On voit les mutilés, on mesure les deuils dans
toutes les familles. C’est ce traumatisme dans
les esprits qui inspire un fort courant pacifiste,
résolument hostile à toute idée de nouveau
conflit. Si Aristide Briand incarne dans les
années 1920 la recherche de la paix à travers
la SDN, les années 1930 sont marquées par
la montée du péril fasciste et nazi en Europe.
1938 s’explique principalement par ce pacifisme hérité de la guerre. Tout plutôt que la
guerre.
141
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Manifestation de femmes
pour le droit de vote, p. 203
La participation des femmes à l’arrière, pendant
le conflit mondial, incite des parlementaires à
proposer, en 1919, le droit de vote aux femmes.
Aristide Briand se fait le porte-parole de cet
appel civique. La Chambre des députés vote le
texte, mais les débats s’enlisent au Sénat et finalement la loi n’est pas adoptée en novembre
1922. Plusieurs mouvements de femmes continuent de défendre l’idée, mais toutes les
démarches échouent. Sur la photo, il s’agit
d’une manifestation du groupe de Louise Weiss,
fondatrice de la Femme nouvelle, en 1934. Avec
son mouvement, elle mène une série de manifestations spectaculaires et remarquées où les
femmes s’enchaînent pour dénoncer leur condition civique et juridique (selon le Code civil, la
femme mariée est mineure). Ces mouvements
s’inspirent de celui des suffragettes en
Angleterre. Mais Louise Weiss elle-même disait
sa déception devant l’impossibilité de parvenir à
gagner les consciences, y compris chez les
femmes. Le féminisme français, comme le
féminisme anglais à la même époque, est en
reflux. Les résistances sont très fortes dans la
population française. Même le Front populaire
ne donne pas le droit de vote aux femmes. Léon
Blum nomme néanmoins trois femmes comme
sous-secrétaire d’État : avancée considérable
pour les uns, mesure symbolique pour les
autres.
Un monument aux morts
de la Première Guerre mondiale, p. 203
Dans toutes les communes de France vont être
élevés des monuments aux morts de la Grande
Guerre. Pierre, marbre ou granit vont servir de
support à une liste de sacrifiés, où l’on retrouve
plusieurs fois les mêmes noms : litanies de
familles détruites et endeuillées. Cette « statuomanie » du martyr, pour reprendre l’expression
de Maurice Agulhon, témoigne de la volonté de
souvenir, dans une France très patriote, célébrant pour l’éternité, dans le deuil, la gloire de
la victoire. Le monument lillois est caractéris142
tique, par sa taille et le nombre de noms inscrits,
du tribut qu’a payé la région du nord et du nordest à la défense de la France. Repérer avec les
élèves le monument de la commune de leur
école, c’est voir avec eux ce que fut le champ
d’honneur : des familles entières décimées dans
leur partie masculine, des villages privés
d’hommes en moins de cinq années.
Cependant, cette génération de « martyrs du feu »
marque toute la société de l’entre-deux-guerres et
explique également le développement d’un très
fort pacifisme. Au patriotisme triomphant de
l’école de la République d’avant 1914 succède un
désenchantement national perceptible dans les
pratiques scolaires. La paix remplace la patrie au
panthéon de l’idéal scolaire (Olivier Loubes). On
peut noter qu’il existe très peu de monuments
« pacifistes », dédiés aux morts « inutiles », où
l’on peut lire : « maudite soit la guerre ». Le pacifisme ne s’installe qu’après l’euphorie et le soulagement de la victoire.
Ravitaillement des grévistes
de la Samaritaine, p. 204
Lorsque le Front populaire gagne les élections,
les ouvriers sentent que c’est le moment pour
eux de revendiquer leurs droits auprès d’un gouvernement dans lequel ils se reconnaissent. Dès
la victoire les premières grèves éclatent.
Partout, chez les ouvriers comme les salariés
des grands magasins parisiens (ici la Samaritaine) ou de province, les protestations se font
avec le sentiment que désormais les patrons et
les contremaîtres n’auront pas le dernier mot.
Sur la photo, on assiste à une grève avec occupation du magasin par les salariés, comme les
ouvriers occupent leurs usines. La même solidarité s’organise pour le ravitaillement. La photo
montre bien l’aspect festif et profondément
joyeux des occupations. L’accordéon, instrument de musique très populaire, est partout et
rythme les événements. Après les accords de
Matignon, les grèves continuent. Il faut l’intervention de Maurice Thorez, premier secrétaire
du parti communiste français – « Il faut savoir
arrêter une grève » –, pour que, très progressi-
La France entre les deux guerres mondiales (1919-1939)
vement, le travail reprenne. La grève aura été
générale (sauf chez les fonctionnaires), et surtout nationale.
Les premiers congés payés, p. 206
La loi instituant les congés payés est adoptée le
11 juin 1936 et ses décrets d’application sortent
le 31 juillet. Mais Léo Lagrange, sous-secrétaire
d’État aux Sports et aux Loisirs, obtient une
réduction de 40 % du billet de train pour les
congés payés de la part des différentes compagnies ferroviaires privées. Ce jeune couple a
choisi le tandem, avec remorque et matériel de
camping. Il se prépare à partir pour la première
fois. Ils vont rejoindre la foule des autos, motos,
vélos et tandems qui se précipite sur les routes
au moment des congés payés. Peut-être vont-ils
s’installer à Bonneuil-sur-Marne. Plus qu’un
camp, c’est une véritable petite ville de toile qui
s’est édifiée en quelques heures. Les vacanciers,
lassés de faire leur cuisine, ont même installé un
restaurant. Peut-être vont-ils faire une halte en
route dans une auberge de jeunesse. Introduites
en France en 1929, elles se développent pendant
le Front populaire grâce à Léo Lagrange. Les
congés payés sont un séisme social considérable. Comme le dit Jacques Kergoat : « Réduction du temps de travail, congés payés,
naissance du week-end : c’est le statut même du
travail et de sa fonction dans la vie humaine qui
se trouve en fait posé. »
Guernica, par Picasso, p. 207
En juillet 1936, des militaires espagnols, avec à
leur tête le général Franco, se révoltent contre la
République espagnole gouvernée par le Front
populaire élu au suffrage universel. Une longue
guerre civile éclate. Les républicains sont vite
dépassés par les combats très violents qui s’engagent. L’Allemagne d’Hitler et l’Italie de
Mussolini soutiennent les militaires révoltés en
fournissant armes et aviation. Le 1er mai 1937, la
légion Condor, composée de bombardiers allemands, attaque Guernica, petite ville du Pays
basque espagnol. Il s’agit d’un raid de terreur,
puisque la ville ne possède aucune armée républicaine ni installation militaire. 1 700 civils
sont tués. Picasso va s’emparer de cet événement tragique et l’évoquer dans une vaste com-
position en noir et blanc. « La guerre d’Espagne
est le combat des forces réactionnaires contre le
peuple et la liberté. J’ai exprimé clairement mon
horreur du groupe de militaires qui a fait sombrer l’Espagne dans un océan de douleur et de
mort » dit Picasso.
Sur le tableau, nous ne voyons pas les bombes
tomber mais on peut ressentir la puissance du
souffle qui projette hors de la maison éventrée,
devenue la proie des flammes, tous les occupants. L’unité se fait autour d’un immense cri
qui traverse toute la scène et réunit tous les morceaux disloqués du puzzle. La composition
évoque celle d’un triptyque avec deux femmes
implorantes symétriquement disposées à droite
et à gauche. Celle de droite rappelle les bras
levés du fusillé du Tres de Mayo de Goya. Son
appel restera sans écho, la fenêtre éclairée est
désespérément vide. À gauche, on reconnaît la
femme tenant dans ses bras son enfant mort
(voir l’ouverture de partie, p. 192). L’échelle a
disparu ainsi que les couleurs pour atteindre
dans le dépouillement ce qu’il y a d’universel
dans la douleur. La proximité de la calme indifférence du taureau donne encore plus de force
au sentiment de désespoir de cette femme. Cette
présence massive, du reste, agit par contraste
sur l’ensemble du tableau. Elle en accroît la violence. Que représente ce taureau qui condense
tous les regards ? le peintre ? l’Espagne ?
La partie centrale se découpe dans un triangle.
Au sommet de ce triangle, on peut voir une tête
de cheval déformée par la souffrance qui
dénonce l’absurdité de la guerre. Le guerrier,
gisant sur le sol, dont la tête ressemble à un personnage de l’Apocalypse de saint Sever (XIe
siècle), a le corps d’une statue éclatée en plusieurs morceaux. Il représente la cause bafouée
des républicains. Le corps du cheval est recouvert de signes typographiques.
La guerre d’Espagne s’inscrit dans un climat de
guerre civile larvée en France, après le 6 février,
et après la victoire du Front populaire rejeté par
la droite nationaliste. La guerre va radicaliser
les positions entre le Front populaire (y compris
de beaucoup de personnes appartenant au
143
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
courant des démocrates chrétiens) et son opposition de droite. Léon Blum a choisi la stratégie
de la prudence. Confronté aux radicaux, dans
son propre gouvernement, il ne peut prendre la
responsabilité, « la mort dans l’âme », de faire
éclater son gouvernement. Pourtant, au sein
même du gouvernement, certains de ses ministres, dans leur ministère, organisent officieusement un soutien aux républicains. C’est le cas
par exemple de Pierre Cot, ministre de
l’Aviation, aidé par son chef de cabinet, âgé de
trente-sept ans, Jean Moulin.
Hitler agrandit le territoire allemand
entre 1937 et 1939, p. 207
Dès 1933, Hitler multiplie les provocations à
l’égard de la SDN et des démocraties. En 1933,
l’Allemagne quitte la SDN. En 1934, la Sarre
redevient allemande par plébiscite. Le service
militaire, interdit par le traité de Versailles (juin
1919), est rétabli en 1935. En 1936, Hitler remilitarise la Rhénanie, contrairement, là encore, au
traité de Versailles. Il annule unilatéralement les
réparations et réalise l’Anschluss aux dépens de
l’Autriche en avril 1938. Mais Hitler réclame
également le rattachement au Reich de la région
des Sudètes appartenant à la Tchécoslovaquie,
pays allié de la France et de l’Angleterre,
membre de la SDN. On sait aujourd’hui qu’il
s’agissait d’un test pour Hitler afin de mesurer
la capacité de réaction des démocraties et principalement de la France et de l’Angleterre, d’autant qu’à cette date l’Allemagne n’est pas
encore prête militairement pour la guerre.
Placée hors du cadre des négociations de la
SDN, la conférence de Munich entérine l’annexion pure et simple : la Tchécoslovaquie (sans
participer à la conférence) est amputée des
Sudètes. Pour Hitler, ce n’est que le début d’une
dislocation intégrale. Les troupes allemandes
entrent à Prague en avril 1939. Une autre partie
de la Tchécoslovaquie est placée sous protectorat allemand (une grande partie de la
Slovaquie). La Hongrie, alliée de l’Allemagne,
intègre le reste de la Slovaquie à son territoire.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
De plus en plus de gens sont mécontents du
gouvernement à cause du chômage. Face au
danger de voir arriver une dictature comme en
Italie ou en Allemagne, les partis de gauche se
réunissent et le Front populaire est élu en 1936.
Le gouvernement donne 15 jours de congés
144
payés aux ouvriers et réduit la semaine de travail à 40 heures. Mais la France et les autres
pays d’Europe n’aident pas la République espagnole et laissent Hitler envahir la Tchécoslovaquie.
Les deux France
dans la Seconde Guerre
mondiale (1939-1945)
LIVRE PP. 208-217
Notions
Occupation, exode, résistance, déportation, collaboration, capitulation, étoile jaune, camp
de concentration, camp d’extermination, Libération, dénonciation.
Compétences
• Savoir lire des documents iconographiques.
• Savoir faire les liens entre des documents.
• Savoir interpréter un discours politique et le comparer à un autre.
• Exercer son esprit critique sur des documents iconographiques et écrits.
• Identifier les principaux principes de Vichy et de la résistance.
Exercices
Cahier CM2 : La résistance, pp. 35-37 ; les enfants d’Izieu, pp. 38-40 ; une galerie
de portraits, p. 43.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Aborder la Seconde Guerre mondiale, c’est
aborder un des événements majeurs du XXe siècle, ainsi qu’un des enjeux politiques et historiques parmi les plus considérables du
programme scolaire – peut-être parce qu’il est
encore présent dans les mémoires familiales des
élèves. Les grands-parents et arrière-grandsparents, qui sont de plus en plus nombreux
démographiquement, peuvent encore témoigner, soit dans le cadre de la famille, soit même
en classe. Ils peuvent aussi se taire. Souvent ce
thème n’est pas traité en classe afin d’éviter de
toucher la sensibilité des enfants. Nous pensons
au contraire qu’il faut l’aborder car, de toutes les
façons, les élèves sont et seront amenés à en
entendre parler. Autant que l’école en donne une
vision ancrée dans des apprentissages.
L’éducation civique n’est, évidemment, jamais
très loin. Mais, là encore, ce n’est pas tant à un
devoir de mémoire que doit répondre cette
leçon, mais bien à un devoir d’histoire.
Une chronologie de la défaite
Afin de donner une compréhension et une cohérence d’ensemble à ce sujet, il est important
d’avoir à l’esprit les accords de Munich, qui ont
laissé le champ libre à Hitler en Europe. Il est
bon également d’avoir quelques dates en tête
afin de redonner un cadre chronologique des
événements.
Le 23 août 1939 le pacte germano-soviétique
permet l’invasion allemande en Pologne, le
1er septembre, et le dépeçage de ce pays. Côté
français, une « drôle de guerre » s’installe entre
septembre 1939 et avril 1940, où les armées
françaises attendent dans l’immobilité l’offensive allemande. Sur cette drôle de guerre et son
atmosphère très particulière, le livre de Julien
Gracq, Un balcon en forêt, donne un éclairage
saisissant. Puis c’est l’offensive fulgurante. Les
Allemands sont à Paris le 14 juin 1940 ; le
16 juin, Pétain remplace Reynaud à la tête de
l’État et, dès le lendemain, il demande et signe
l’armistice du 17 juin 1940. Repliés à Vichy, le
gouvernement et les députés tentent de réorganiser un pouvoir politique pour la zone sud. Le
10 juillet 1940, les pleins pouvoirs sont accordés à Pétain qui abolit la République et décide la
rédaction d’une nouvelle constitution : celle de
l’État français. C’est la révolution nationale. Le
régime de Vichy a duré jusqu’à l’été 1944.
145
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
La nature du régime
Le récit de l’élève met en avant plusieurs thèmes
importants. D’abord il évoque la collaboration
française du régime de Vichy avec les troupes
d’occupation. Ensuite, il aborde une des conséquences les plus tragiques de cette collaboration,
à savoir la destruction des juifs de France. Vichy
a bien participé au processus d’extermination
mis en place par les nazis en anticipant même sur
les demandes allemandes. De plus, une place
importante est consacrée à la résistance. Loin
des aspects militaires de la guerre mondiale, en
Europe ou dans le Pacifique, que l’on peut traiter si on le souhaite, le manuel propose une
réflexion avec les enfants sur ce que signifient
les notions dont ils peuvent entendre parler par
ailleurs dans les médias ou en famille : la Shoah,
le génocide des juifs (sans oublier celui des tsiganes, des malades mentaux, la répression des
homosexuels et des résistants), Vichy, Papon,
Pétain… Autant de mots qui ne sont pas
neutres, ce que les enfants perçoivent parfaitement. Ils sont aujourd’hui encore des enjeux
de mémoire. Ne pas les aborder, c’est peutêtre prendre le risque de les laisser dans le
flou de l’absence d’explication. Un flou qui
peut être même la base de contre-vérités historiques.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Exode en 1940, p. 208
Les troupes allemandes passent à l’offensive le
10 mai 1940 sur le front ouest et franchissent les
frontières hollandaises, belges et luxembourgeoises, pour passer par les Ardennes, oubliant la
ligne Maginot, inutile, plus au sud-est. En
France, cette période constitue une débâcle militaire sans précédent. En un mois, les armées allemandes atteignent Paris qui est prise le 14 juin.
Le gouvernement se réfugie d’abord à Tours,
puis à Bordeaux avant de devoir rejoindre Vichy.
La photo proposée sur l’exode se situe à ce
moment précis où près de 8 millions de personnes fuient le nord-est de la France et l’avancée des troupes allemandes, pour se réfugier au
sud. Sur les routes prises d’assaut par des convois
de civils apeurés et exténués, emportant avec eux
leur maison tout entière sur des chariots, des voitures ou des vélos, les avions ennemis n’hésitent
pas à tirer. Par ailleurs, l’encombrement des
routes est tel, la panique et la désorganisation à
un tel point, que cela rend difficile toute intervention d’une quelconque réaction de l’étatmajor, tout à fait dépassé par ailleurs. Ces
sentiments se lisent sur la photographie. La petite
fille se retourne comme pour surveiller l’avancée
des ennemis, ou pour vérifier que le reste de la
famille est encore là. L’exode fut un traumatisme
considérable qui permet d’expliquer pourquoi
l’annonce de l’armistice du 17 juin demandée par
146
Pétain fut accueillie le plus souvent avec un
intense sentiment de soulagement.
La France est occupée, p. 209
Depuis le 10 juin, à l’avancée des troupes allemandes s’ajoute l’offensive des armées de
Mussolini par les Alpes. Pétain réclame l’armistice et la cessation des combats. « C’est le cœur
serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat », explique-t-il dans un discours
radiodiffusé. Les conditions de l’armistice sont
particulièrement difficiles car, de façon unilatérale, les Français doivent supporter tous les frais
des troupes d’occupation. Paul Reynaud, qui
avait dû laisser son poste de président du
Conseil à Pétain, et son sous-secrétaire d’État à
la Guerre, Charles de Gaulle, refusent l’armistice et dénoncent la capitulation française. Il
doit démissionner le 16 juin.
L’armistice découpe la France en deux zones
principales. Au nord, en zone occupée, les autorités allemandes s’installent en pays conquis.
On peut noter que toute la façade atlantique est
occupée par les Allemands. La GrandeBretagne est toujours en guerre et pourrait
constituer un danger naval important. Au sud, la
zone qui n’est pas occupée, s’organise la révolution nationale à travers le régime de Vichy.
Sur la carte présentée aux élèves, n’est retenue
que cette division pratique pour comprendre.
Car en fait, l’Alsace-Lorraine est réannexée au
Les deux France dans la Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
Reich par Hitler ; il existe une zone dite « interdite » qui rassemble au nord les régions autour
d’Arras et de Dunkerque et une zone « réservée » autour de Metz, Nancy et Épinal. Les
clauses de l’armistice laissent un empire colonial intact, d’où Reynaud et de Gaulle auraient
souhaité organiser la contre-offensive.
Le monde dans la Seconde
Guerre mondiale, p. 209
Cette carte du globe en 1942 présente un double
intérêt : d’abord d’observer le monde sous une
autre forme que le planisphère classique. Cela
met mieux en lumière la proximité géographique dans l’aire pacifique qui devient, après
Pearl Harbor (7 décembre 1941), une des principales zones de combat de la Seconde Guerre
mondiale entre le Japon et les États-Unis. Enfin,
elle dresse l’état des camps en 1942. Japon et
Allemagne nazie sont alliés. Leurs offensives
respectives déstabilisent à leur profit, jusqu’en
1942, les cartes européenne et asiatique. Le
camp allié, quant à lui, est composé des ÉtatsUnis, de la Grande-Bretagne héroïque qui ne
cède pas malgré les bombardements allemands,
et de l’Union soviétique. Parmi les Alliés, il faut
compter également la Chine, inquiète de l’impérialisme nippon. Le 1er janvier 1942, après
l’attaque japonaise sur les troupes navales américaines de Pearl Harbor, les États-Unis organisent la signature d’une coalition appelée les
Nations Unies, et qui préfigure ce que seront
l’après-guerre et l’ONU.
Message radiodiffusé
du maréchal Pétain, p. 210
Laval, un des principaux soutiens de Pétain,
rencontre Hitler le 22 octobre 1940 pour préparer la rencontre de Hitler et de Pétain le 24
octobre à Montoire. Celle-ci donne lieu à une
poignée de main devenue le symbole de la collaboration entre la France et l’Allemagne.
Pétain considère que la guerre est définitivement perdue et qu’un nouvel ordre européen se
met en place sous l’autorité de l’Allemagne. Il
espère que la collaboration avec le Reich permettra à la France de tirer son épingle du jeu au
moment d’un hypothétique traité de paix. C’est
sur l’initiative de Pétain qu’une collaboration
politique avec Hitler est engagée. L’objectif à
court terme est de permettre le retour d’une partie au moins des quelque 2 millions de soldats
prisonniers. Le pacte conclu à Montoire scelle la
collaboration à la française. Suite à l’armistice,
la collaboration est d’abord économique. C’est
ce que Marc-Olivier Baruch appelle un pillage
légal des richesses agricoles et industrielles
françaises. L’essentiel des productions est destiné à l’Allemagne. De nombreux prélèvements
ont lieu, sans compter les prises de participation
des Allemands à bon nombre d’entreprises souvent « aryanisées ». La collaboration est aussi
politique et idéologique, contre les communistes, les résistants et les juifs.
Dans l’extrait du texte de Pétain proposé aux
élèves, Pétain donne les raisons qui l’ont amené
à prendre la décision de collaborer. Il dresse la
liste de ce que son gouvernement attend et termine par cette phrase : « C’est moi seul que
l’histoire jugera. » Il est important d’étudier le
discours de Pétain idée par idée et de voir si les
souffrances des Français ont diminué, si les prisonniers sont revenus, si fut atténuée la charge
des frais d’occupation. À toutes ces questions la
réponse historique est « non ».
Consommation, par habitant,
de produits alimentaires, p. 210
Ce tableau chiffré peut être confronté directement
au texte de Pétain sur la collaboration. Ici, nous
avons les conséquences en termes de conditions
de vie sur les Français de la collaboration économique avec l’Allemagne. On assiste à une chute
régulière de tous les indices de 1938 à 1944. Si la
guerre peut être invoquée pour les années 1939 et
1940, il reste que la consommation globale sous
Vichy ne se relève pas, loin s’en faut. Il faut y
voir le poids des ponctions allemandes et ce
pillage légal organisé conjointement par Vichy et
l’Allemagne nazie. On peut noter que, dès 1944,
il y a un léger sursaut. Cela est dû à la Libération
et au retrait des forces allemandes du territoire
français. Ce tableau permet également de
comprendre pourquoi la pénurie de matières de
première nécessité a favorisé l’apparition de tickets de rationnement et du marché noir.
147
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
Un jardin d’enfants, p. 211
Ce document est à mettre en relation avec le
récit de Robert Bober page 212. Les mesures
d’exclusion qui frappent les juifs se font chaque
jour plus précises, la volonté de les exclure de
France plus forte. Peu de temps après avoir
obligé les juifs des deux sexes dès l’âge de six
ans à porter l’étoile jaune cousue sur leurs vêtements (le 29 mai 1942), une nouvelle ordonnance allemande ( 8 juillet 1942) apporte un
nouveau lot d’interdictions ou de restrictions.
Interdiction est faite aux juifs de fréquenter les
lieux publics (bains publics, restaurants, cafés,
théâtres, cinémas, cabines téléphoniques,
musées, bibliothèques, manifestations sportives,
champs de course, parcs…). Ils ont également
obligation de faire leurs achats dans un grand
magasin, dans une boutique ou chez un artisan
entre 15 et 16 heures.
À partir d’un lieu que les enfants connaissent, qui
leur est réservé, les élèves vont pouvoir réfléchir
à la notion d’exclusion symbolisée par la barrière. Que signifie exclure d’un espace qui appartient à tous une catégorie d’enfants ? On va
pouvoir progressivement prendre la mesure de
l’extrême gravité de ce geste et de quelle catastrophe il est porteur. L’étude de ce document
accompagnée d’un débat, complétée par des
informations supplémentaires, va éclairer le texte
de Robert Bober, permettre aux enfants de comprendre d’emblée ce qui se trame entre le gardien
et l’institutrice, les sentiments qui les animent et
l’effet désastreux de cette soumission.
Récit de Robert Bober, p. 212
Rober Bober est écrivain et ami de Georges
Perec. Il raconte dans ce livre, Berg et Beck,
l’itinéraire d’un jeune garçon juif qui perd son
ami pendant la guerre, déporté avec ses parents.
Il décrit ce que sont les maisons d’accueil aprèsguerre des orphelins juifs de père et de mère. Si
sur la couverture du livre il est écrit roman, il est
évident que nous avons affaire là à un témoignage d’un enfant de l’âge du CM, aux prises
avec les événements historiques. C’est un des
moyens d’arriver à faire l’histoire de cette
période douloureuse, en restant à l’échelle
affective d’un enfant.
148
Le texte démarre par une référence de date, le
lendemain de l’obligation de l’étoile jaune. On
est donc le 30 mai 1942. Bober décrit, avec les
yeux de son enfance, les événements qu’il a
vécus, qui font qu’il ne peut entrer dans le jardin public en raison de l’ordre qu’a reçu le gardien du square Choisy. En dehors de tout un
travail de français et d’éducation civique sur le
pourquoi de l’exclusion de tel ou tel élève, sur
l’attitude des adultes, sur ce que la maîtresse
pouvait faire ou dire, il est important de voir que
cette exclusion de l’espace public est symbolique de l’exclusion des juifs de l’espace français. Cet événement à hauteur d’enfant
préfigure le pire à venir.
Hélène, 7 ans, et Émile, 3 ans, p. 212
La destruction des juifs de France, pour reprendre
l’expression de l’historien américain Raul
Hilberg, a son histoire propre. Dès la mise en
place du régime de Vichy, la loi du 3 octobre 1940
« portant statut des juifs » exprime un rejet de
l’autre tout à fait caractéristique du nouveau
régime qui entend reconstruire la France à partir
de la recherche de bouc émissaire à la défaite.
L’antisémitisme est partout présent dans le nouveau gouvernement. Cette loi fixe un numerus
clausus pour les professions et une interdiction
pure et simple pour la fonction publique notamment. Cet antisémitisme d’État est confirmé le
lendemain dans la loi sur les ressortissants juifs
étrangers du 4 octobre. En 1941, le gouvernement
français organise les camps de Beaune-laRolande et de Pithiviers afin de rendre effectives
les mesures décidées dans le cadre de la loi du
4 octobre 1940. Les juifs étrangers (seulement les
hommes) sont arrêtés et regroupés dans le Loiret.
Ils sont plus de 3 700. Dans le cadre de la politique raciale d’extermination du Reich élaborée à
Wansee le 20 janvier 1942, les premiers convois
partent des camps du Loiret en juin et juillet 1942.
Dans le cadre de la collaboration avec l’Allemagne, l’ordonnance du 29 mai 1942 oblige les
juifs étrangers et les juifs français à porter
l’étoile jaune. Cette mesure s’applique à tous.
Chaque enfant doit aller à l’école avec son
étoile cousue sur un vêtement, ce que raconte
Robert Bober dans son roman.
Les deux France dans la Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
Plus de 75 000 juifs sont déportés en direction
des camps d’extermination et de concentration.
La seule rafle du Vel’ d’Hiv’ planifiée sous
l’ordre de René Bousquet, responsable de la
police du gouvernement de Vichy, concerne au
moins 13 152 personnes, femmes et hommes
dont 4 115 enfants. C’est un tournant pour la
collaboration des polices allemande et française. La complicité de Vichy dans l’extermination est désormais parfaitement établie. C’est
Vichy qui livre les enfants que les Allemands ne
réclamaient pas. Drancy devient un camp de
transit, avant la déportation vers Auschwitz
principalement. Le texte de Frossard témoigne
parfaitement du caractère inouï de l’entreprise
d’extermination : « Sous Hitler, nulle échappatoire. Le juif n’avait même pas la permission de
se renier. […] Son tort était d’exister, son sort
était sans issue. […] La seule pièce de son dossier était son acte de naissance. […] Le crime
contre l’humanité, c’est tuer quelqu’un sous
prétexte qu’il est né. » (André Frossard, Le
Crime contre l’humanité, Robert Laffont, 1987.)
Derrière son apparente banalité, cette photographie est absolument tragique. « Même si un instantané ne fixe, par définition, qu’un moment
éphémère, les mots résumeraient mal la richesse
de son contenu. Souvent, il ne venait même pas
à l’esprit d’un témoin de mentionner les particularités que le manipulateur d’un appareilphoto saisissait automatiquement. Cela vaut
pour toutes les photographies que la scène ait
été préparée ou surprise d’un coup d’œil.
Chacune est révélatrice, chacune raconte une
histoire. » (Raul Hilberg, Holocauste : les
sources de l’histoire, Gallimard, 2001.) Chacun
des clichés raconte une histoire singulière, familiale, comme il y en a à toutes les époques, s’il
n’y avait l’horizon de la guerre qui nous y fait
voir, a posteriori, le drame à venir.
Déportation des parents
et des enfants, p. 213
Lorsque a lieu la rafle du Vel’ d’Hiv’, les autorités françaises expriment le souhait, par l’intermédiaire de Laval et de Leguay, de voir les
enfants également déportés. Du 19 au 22 juillet,
les familles et leurs enfants sont envoyés dans
les camps de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers
en attendant que les autorités allemandes prennent leur décision face à cet événement qu’ils
n’avaient pas prévu. C’est ce contexte que décrit
Annette Müller arrêtée à 9 ans avec son petit
frère et sa mère le 16 juillet 1942. La déportation qui suit le Vel’ d’Hiv’ se fait en deux temps.
D’abord les parents, du 31 juillet au 7 août 1942,
car les autorités allemandes ne répondent toujours pas au sujet des enfants. Vichy décide
de commencer la déportation des parents dans
des conditions de déchirements intenses, ce
dont témoigne le texte. Le 13 août, les
Allemands accèdent à la requête française : du
17 au 31 août 1942, quatre convois emportent
les enfants vers la mort. Le témoignage
d’Annette Müller est unique dans la mesure où
grâce à diverses interventions, notamment de
son père, elle a pu être sauvée avec son frère
Michel. La lecture d’un texte met à distance la
violence de l’événement, sans l’annuler. Aucun
document frappant pour le regard n’a été choisi
volontairement. C’est en passant par le regard
d’enfants de leur âge que les élèves peuvent
approcher ce que fut cette période.
Le général de Gaulle à Londres, p. 214
Charles de Gaulle (1890-1970) est issu d’une
famille monarchiste « à regret », catholique
mais dreyfusarde. Il entre à Saint-Cyr. Mobilisé
en 1914, il est blessé en 1916. En 1922, le capitaine de Gaulle entre à l’École supérieure de
guerre. En 1934, il est affecté au Secrétariat
général permanent du Conseil supérieur de la
Défense. Dans différents ouvrages publiés avant
guerre, Charles de Gaulle s’oppose à la hiérarchie militaire en se faisant le défenseur de
l’arme blindée, de l’armée de métier et de la
guerre de mouvement. Le 5 juin 1940, il est
nommé par le président du Conseil, Paul
Reynaud, sous-secrétaire d’État à la Défense
nationale et à la Guerre. Partisan d’une lutte à
outrance contre l’Allemagne nazie et du départ
du gouvernement français pour l’Afrique du
Nord, il s’envole pour l’Angleterre le 17 juin
1940, ayant appris l’imminence de la constitution d’un gouvernement Pétain. À Londres, il se
retrouve le seul membre du dernier gouvernement de guerre. Le 18 juin 1940, il lance à la
149
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
BBC un appel aux Français pour refuser l’armistice demandé la veille par Pétain et continuer le combat aux côtés de l’Angleterre. Le
28 juin, il est reconnu par le gouvernement britannique dirigé par Winston Churchill comme
« chef de tous les Français libres, où qu’ils se
trouvent, qui se rallient à lui pour la défense de
la cause alliée ».
Affiche de l’appel du 18 juin 1940, p. 214
Démissionné le 16 juin de ses fonctions ministérielles, de Gaulle rejoint Londres et utilise les
ondes de la BBC pour s’adresser aux Français sur
le continent. Très peu de personnes ont entendu ce
message. Mais à le lire, on est frappé par l’aspect
prophétique et son caractère de galvanisation.
Quand de Gaulle parle des forces qui n’ont pas
encore donné, il pense bien sûr aux États-Unis
dont l’attitude en 1940 est encore à la prudence et
au non-engagement. En tout point ce discours
s’oppose à ceux de Pétain à la même époque.
On peut remarquer avec les élèves que ce texte
est en double, traduit en anglais, et faire repérer
les mos semblables ou approchant (voir les programmes et la place des langues vivantes à
l’école primaire). On peut également remarquer
l’adresse, située à Londres, preuve que cette
affiche reprenant une partie du discours radiodiffusé de De Gaulle est d’abord destinée à être
placardée dans les villes anglaises. Car de
Gaulle doit se faire reconnaître comme chef des
Français qui s’opposent à Vichy et à la capitulation. Le Premier Ministre anglais Churchill
reconnaît très vite de Gaulle comme chef des
« Français libres ». Cette affiche sera distribuée
sous le manteau et sous forme de tracts en
France occupée. En zone sud les journaux régionaux diffusent dès le 19 juin cet appel de
Londres. À cette date, la censure de Vichy n’a
pas encore eu le temps de se mettre en place. Ce
n’est qu’après le 10 juillet, date de la dissolution
de la République, que le régime de Vichy s’installe dans tous ses aspects dictatoriaux.
L’« affiche rouge », p. 215
Il s’agit d’une affiche de propagande allemande
diffusée très largement avant le procès à Paris
d’un réseau de résistants appartenant au Ftp-moi
150
(Francs-tireurs et Partisans et Main d’œuvre
immigrée, proche du parti communiste clandestin). Tous seront condamnés à mort. Ce réseau
résistant est fondé en 1942 avec à sa tête Boris
Holban et rassemble des agents étrangers qui se
battent contre le nazisme. Après plusieurs attentats et actions réussies, le réseau est pris en main
par Missak Manouchian, Arménien qui oriente le
groupe vers des actions de plus en plus périlleuses
et qui minent les autorités allemandes. Dénoncés,
ils sont arrêtés par la Gestapo le 16 novembre 1943.
Cette affiche a pour but de donner une image
négative de la résistance, alors que les autorités
allemandes sont harcelées par des actions
qu’elles appellent des actions « terroristes ».
Galerie de portraits de résistants, p. 216
• Jean Moulin (1899-1943)
À la déclaration de guerre, Jean Moulin qui est
préfet d’Eure-et-Loir manifeste le désir d’être
versé dans une unité combattante ; sa hiérarchie
refuse d’accéder à cette demande, préférant le
maintenir à son poste de préfet. En mai 1940,
devant l’avancée des troupes allemandes, Jean
Moulin reste à son poste, soucieux de protéger
la population civile des exactions de l’occupant.
Son premier acte de résistance se situe le
17 juin 1940 lorsqu’il refuse de signer un
document préparé par les nazis visant à accuser
les troupes noires de l’armée française de
massacres sur les civils. De crainte d’avoir à
céder sous les coups qui lui sont infligés, il tente
de se suicider en se tranchant la gorge. De cette
blessure, il gardera une cicatrice qu’il dissimulera sous une écharpe nouée autour de son cou.
Le 2 novembre 1940, le gouvernement de Vichy
le révoque en raison de son passé politique. Il
entre dans la résistance. Il prend alors contact
avec les différents groupes de la zone sud. En
octobre 1941, il parvient à gagner Londres. Se
présentant comme le porte-parole des trois principaux mouvements qu’il connaît (Combat,
Francs-tireurs et Libération-Sud), il rencontre
Charles de Gaulle à qui il rend compte de l’état
politique des forces et des besoins de la résistance intérieure française. À l’issue de ce premier contact, le chef de la France libre le
désigne comme son délégué auprès de la
Les deux France dans la Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
résistance. Jusqu’à son arrestation, Jean Moulin
travaille à l’unification, l’organisation et la centralisation de la résistance intérieure. Son travail
aboutit notamment à la création des Mouvements unis de la résistance (MUR) dont il préside le première réunion du Comité directeur en
janvier 1943.
Le 21 juin 1943, il est arrêté lors d’une réunion
à Caluire. Il est rapidement identifié comme le
représentant du général de Gaulle. Torturé par le
chef de la Gestapo de Lyon, Klaus Barbie, il ne
parle pas ; en témoigne le fait qu’aucun membre
de son entourage proche ne sera arrêté. C’est
sans doute lors de son transfert en Allemagne
qu’il meurt le 8 juillet 1943.
• Jean Cavaillès (1903-1944)
Fils d’officier de tradition républicaine, Jean
Cavaillès est un ancien élève de l’École normale
supérieure. Agrégé de philosophie et docteur ès
lettres, il est nommé en 1938 maître de conférences à la faculté des lettres de Strasbourg. En
raison de nombreux voyages faits en Allemagne
durant les années 1930, Jean Cavaillès est
conscient du péril national-socialiste. Mobilisé
en septembre 1940, il se porte volontaire pour
rejoindre une unité combattante. Prisonnier, il
s’évade et rejoint la zone sud où il reprend son
poste au sein de l’Université de Strasbourg
repliée à Clermont-Ferrand.
Refusant l’armistice et s’opposant au gouvernement de Pétain, il participe à Clermont-Ferrand à
la création de ce qui deviendra le mouvement de
résistance Libération-Sud. Nommé en mars 1941
professeur à la chaire de méthodologie et de
logique des sciences de la Sorbonne, il continue
ses activités de résistance au sein de la direction
du mouvement Libération-Nord. En avril 1942,
il fonde le réseau de renseignements Cohors.
Après un départ raté pour Londres en septembre
1942, Jean Cavaillès est interné à Saint-Pauld’Eyjeaux, dont il s’évade fin décembre.
Révoqué par le gouvernement de Vichy, il entre
dans la clandestinité. Arrêté le 28 août 1943, il
quitte la prison de Fresnes pour Compiègne le
18 janvier 1944. Il sera fusillé, devenant « l’inconnu n° 5 » du carré des fusillés d’Arras.
• Lucie Bernard, dite Lucie Aubrac (1912)
Fille de cultivateurs mâconnais, Lucie Bernard
est née le 29 juin 1912. Reçue au concours
d’institutrice, elle démissionne et milite dans
les années 1930 au sein des Jeunesses
Communistes tout en préparant le concours
d’agrégation de professeur d’histoire qu’elle
obtient en 1938. Nommée à Strasbourg, elle
y rencontre Raymond Samuel, ingénieur
des Ponts et Chaussées, qui deviendra son
mari en 1939. À l’automne 1940, elle rencontre à Clermont-Ferrand Jean Cavaillès.
C’est avec lui, Emmanuel d’Astier de la Vigerie,
Georges Zérapha et quelques autres que se
constituera un premier noyau de ce qui
deviendra Libération-Sud. Nommée à
l’Assemblée consultative pour y représenter ce
mouvement de résistance, elle refuse de partir
pour Alger. C’est son mari qui la remplacera.
Après la guerre, elle reprend son métier de
professeur d’histoire qu’elle a exercé jusqu’à
sa retraite.
• Germaine Tillion (1907)
Chercheuse à l’Institut d’ethnologie, Germaine
Tillion est en Algérie à la déclaration de la
guerre, où elle mène depuis 1934 des études sur
les Berbères en vue de sa thèse. Elle revient à
Paris après la débâcle. C’est à la suite du discours de Pétain du 17 juin 1940 qu’elle décide
de « faire quelque chose ». Ce sera la naissance
du réseau Hauet-Vildé, plus connu sous le nom
du « réseau du Musée de l’Homme ». Arrêtée en
1942 à la suite d’une trahison, elle est déportée
à Ravensbrück. Après la Libération, elle poursuit son engagement, enquêtant sur les crimes
de guerre nazis (Ravensbrück), dénonçant les
camps soviétiques en 1951, s’opposant à la torture et à la poursuite de la guerre en Algérie et
initiant l’enseignement dans les prisons pour les
internés.
L’intérêt de ces biographies est, d’abord, de permettre de resituer la place des femmes dans la
résistance (elles y gagnent leurs galons pour le
droit de vote en 1944) ; elles sont représentatives aussi de la résistance de la première heure
– en 1943, les mouvements nés en 1940 sont le
plus souvent décapités sauf si les principaux
151
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
agents rejoignent Londres, comme le font Lucie
Aubrac et son mari. Ces biographies sont représentatives aussi de la résistance tant en zone sud
qu’en zone nord – Cavaillès ayant connu les
deux, l’une jusqu’en 1941 (Libération-Sud),
puis l’autre jusqu’en 1943 (Libération-Nord.
Elles sont représentatives enfin des différents
types de résistance (résistance de propagande
politique dans les mouvements, résistance
militaire faite de renseignements et de sabotages au sein des réseaux). De plus, ces biographies représentent la résistance intérieure
sans laquelle la France n’aurait pas retrouvé sa
totale souveraineté après la libération du joug
nazi.
Dossier
L E S E N FA N T S D ’ I Z I E U
Il s’agit dans cette double page d’aborder la
Seconde Guerre mondiale en s’attachant au
sort d’un groupe d’enfants et de leurs familles.
Les élèves, proches par l’âge des enfants
d’Izieu, seront d’autant plus sensibles à cette
tragédie. Le manuel propose un montage
texte/photo pour s’imprégner de l’atmosphère
du lieu, sentir les événements se précipiter
vers le désastre final, sans jamais présenter de
documents trop difficiles.
• Mise en correspondance des six premières
lignes du récit et de la première photo : découvrir le paysage familier des enfants d’Izieu
(lecture d’image : situer le village, la route, la
maison, les montagnes : protection naturelle
ou piège ?). Que sécrète l’immobilité de l’environnement ? l’isolement ? la sérénité ou
l’inquiétude ? Autre contradiction, le lieu
paraît paisible alors que la guerre résonne dès
la deuxième ligne du texte, ce dont on peut
débattre avec les élèves.
• 2e photo et fin du premier paragraphe : l’arrivée des Allemands et l’arrestation des enfants
(bruits, confusion, mouvements saccadés,
cris…). La route sur la deuxième photo prend
alors une valeur emblématique : elle a vu l’arrivée des Allemands et le départ des enfants.
152
Libération de Paris, p. 217
Un peu partout dans Paris explosent le
26 août 1944 des scènes de joie pour fêter la
libération par la 2e D.B. avec le soutien des
forces américaines. De l’Arc de Triomphe à la
Concorde, « une foule immense est massée de
part et d’autre de la chaussée. Peut-être deux
millions d’âmes. Les toits sont noirs de monde.
À toutes les fenêtres s’entassent des groupes
compacts pêle-mêle avec des drapeaux. Des
grappes humaines sont accrochées à des
échelles, des mâts, des réverbères. Si loin que
porte ma vue, ce n’est qu’une houle vivante
sous le soleil… » (De Gaulle, Mémoires de
guerre, Librairie Plon, 1956.)
PP. 218-219
• Fin du texte et 3e photo : la maison vide,
silencieuse, comme frappée d’étonnement, sidérée, est le seul témoin de la fin
du voyage. Ces enfants, qui n’étaient que de
passage à Izieu, rassemblés par les circonstances, d’origines géographiques différentes
(Allemagne, Belgique, Autriche…) s’éloignent.
On fera réfléchir les enfants sur cette
question : pourquoi tuer des enfants ?
11 500 enfants juifs sont partis de France pour
être gazés et brûlés dans les camps nazis. On
estime à 1,5 million le nombre d’enfants juifs
tués pendant la Seconde Guerre mondiale.
Dans la logique d’extermination nazie,
l’enfant représente le dernier maillon de la
chaîne qu’il faut détruire. Mais, au-delà du
projet monstrueux des nazis, il y a à s’interroger avec les élèves sur le regard que l’on
porte sur l’autre, sur le degré de responsabilité de chacun, de son engagement – les
nazis ont été guidés sur cette route si tranquille ! On évoquera différentes attitudes
(résistance, indifférence, peur de la différence,
haine de l’autre qui conduit à la dénonciation…) que nous fournit l’histoire de cette
période.
Les deux France dans la Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
Cet anéantissement des habitants de la maison
d’Izieu a été perpétré par le chef de la Gestapo
lyonnaise Klaus Barbie qui sera jugé à Lyon et
condamné à perpétuité en 1987 pour « crime
contre l’humanité ». Il est décédé en prison en
1991. Quant à la maison d’Izieu, elle est devenue un musée mémorial, un lieu de mémoire
pour conserver le souvenir des enfants et des
adultes qui les entouraient, un lieu de réflexion
sur la notion de crime contre l’humanité.
La Maison d’Izieu
Mémorial des enfants juifs exterminés
01 300 Izieu
Téléphone : 04 79 87 21 05
Adresse Internet : http://izieu.alma.fr
Il existe également un opéra : Les Enfants
d’Izieu, livret de Rolande Causse et musique
de Nguyen-Thien-Dao.
Éléments pour une synthèse
Dénoncés par un habitant du village, les
enfants d’Izieu sont arrêtés par la Gestapo,
envoyés à Auschwitz, brûlés et gazés pour le
seul fait d’être juifs.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
L’Allemagne envahit la Pologne et la France. Le
régime de Pétain décide de collaborer avec
l’Allemagne nazie. Pétain adopte des lois contre
les juifs qui leur interdisent de nombreuses professions. Les juifs doivent porter l’étoile jaune.
Ils sont arrêtés en très grand nombre et déportés.
C’est la rafle du Vel’ d’Hiv’. Certains Français
avec le général de Gaulle refusent de collaborer
avec Hitler. C’est la résistance. Avec l’aide des
États-Unis et de l’Union soviétique, l’Allemagne et ses alliés sont battus.
153
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
Un nouveau monde
(1945-1975)
LIVRE PP. 220-225
Notions
Paix, ONU, bombe atomique, construction européenne, indépendance, colonies, métropole,
torture.
Compétences
• Savoir lire une carte en reliant les informations qu’elle donne au récit.
• Analyser un discours politique, parlementaire, en le replaçant dans son contexte historique.
Exercices
Cahier CM2 : Les déclarations des droits de l’homme et des droits de l’enfant, pp. 41-42.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
Bilan de la guerre
La fin de la Seconde Guerre mondiale laisse le
monde dans un état de chaos jamais atteint
jusque-là. Le conflit mondial aurait fait entre
40 et 50 millions de victimes dans le monde.
Les pertes et les conséquences démographiques
sont extrêmement graves. Rien qu’en Europe,
territoire le plus touché, on compte au moins
30 millions de morts. À cela s’ajoutent les destructions matérielles et des pertes financières
sans commune mesure. L’Europe, une fois
encore, sort exsangue du conflit. L’Asie est
durablement touchée aussi. Mais, surtout, la
guerre a laissé des traces non encore cicatrisées
à l’aube du troisième millénaire, dans les
consciences collectives mondiales.
La capacité de l’homme au désastre est révélée
et mise en pleine lumière par la volonté de destruction de groupes humains entiers ; la science,
jusqu’alors perçue comme lieu par excellence
de progrès, est devenue outil de fabrication de
mort industrielle (camps d’extermination, expériences sur cobayes humains, bombes atomiques…). On se demande comment l’humanité
a pu aller aussi loin dans l’horreur et l’on se
demande dans le même temps comment éviter
que tout cela se reproduise. De plus, l’idée que
la planète puisse être détruite par l’effet de
l’homme, sur simple pression d’un bouton, ne
cesse plus de hanter les esprits des négociateurs
diplomatiques internationaux. Un monde nouveau s’est ouvert brutalement.
154
Mise en place de l’ONU
L’ONU et la plupart des organisations intergouvernementales sont conçues avec ce souci de
garantir la paix et la sécurité. L’ONU est fondée
en avril-juin 1945 par une cinquantaine d’États.
Deux principes sont affirmés : les droits de
l’homme et le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes. Cinq pays vainqueurs font partie
du Conseil de sécurité et disposent d’un droit de
veto : l’Union soviétique, la Chine, les ÉtatsUnis, la Grande-Bretagne et la France – grâce à
la participation de la résistance à la libération du
territoire. Mais l’heure est déjà à la mise en
place de la guerre froide. 1947 marque le début
de la scission entre vainqueurs. Les partis communistes gagnent des élections en Europe et
Truman définit sa doctrine d’endiguement du
communisme. C’est dans le cadre de cette politique américaine que doivent être comprises les
mesures d’aides financières et économiques
prévues par Marshall en 1947.
Le plan Marshall
et la construction européenne
L’Europe se reconstruit grâce au plan Marshall,
plan d’aide financière accordée à l’Europe tout
entière et que refuse l’URSS, et avec elle les
pays de l’Est. Mais surtout, l’Europe définit
progressivement les bases d’une intégration
commune, indépendante des États-Unis, d’abord au sein d’un Conseil de l’Europe réunissant 6 pays (France, Allemagne de l’Ouest,
Un nouveau monde (1945-1975)
Luxembourg, Pays-Bas et Italie) en 1949,
puis au sein d’un accord sur l’acier et le charbon
(Communauté Européenne du Charbon et de
l’Acier : CECA) en 1951. Cette Europe économique est renforcée en 1957 par le traité de
Rome qui fonde la Communauté économique européenne. Désormais, par phases successives, de nouveaux pays intègrent le Marché
commun.
L’essor des nationalismes
La France fait donc partie du club très fermé des
membres du Conseil de sécurité de l’ONU, participe activement à la construction européenne
et organise, en partenariat avec la RFA, les
bases d’un rapprochement franco-allemand.
Mais, très vite, elle est confrontée, comme les
autres pays coloniaux en Europe, à la question
coloniale inscrite dans un des deux fondements
de l’ONU : à savoir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Un nouveau partenaire
émerge sur la scène internationale : le tiers
monde.
Dès les années 1920 et 1930, l’« homme blanc »
était discrédité du fait de sa responsabilité dans
la « grande boucherie » de 14-18. Cet aspect est
renforcé par la fin de la domination européenne
sur le monde au XXe siècle : le prestige des
anciennes puissances coloniales est terni. De
plus, les coloniaux ont fait la guerre pour
l’Europe sans en retirer de fruits politiques particuliers (autonomies, indépendances...).
L’intransigeance des puissances coloniales
radicalise les mouvements nationalistes. Enfin,
pendant la Seconde Guerre mondiale, on
assiste partout à une montée des revendications
nationales. La colonisation est dénoncée ;
c’est le développement de l’anticolonialisme.
Les principes défendus par l’ONU offrent aux
peuples colonisés un socle sur lequel bâtir la
légitimité de leurs revendications. Dans les
territoires dominés par les Anglais, l’Inde de
Gandhi devient indépendante en 1947. Ceylan
(Sri Lanka) et la Birmanie accèdent eux
aussi à l’indépendance sans conflits notables
dans les mois qui suivent l’indépendance
indienne.
La fin de l’empire français
Dans l’empire français, l’après-guerre est marqué par des revendications autonomistes ou
indépendantistes. Les répressions sont très
dures : le 8 mai 1945 à Sétif et à Guelma
(Algérie), la police fait plusieurs centaines
de morts. La répression de 1945 aurait fait
12 à 15 000 tués dans le Constantinois par
l’armée française. C’est le cas également en
Indochine à Haiphong (1946), au Maroc à
Casablanca (1947), à Madagascar (1947-1948)
– 50 000, 89 000 morts ? difficile encore aujourd’hui d’avoir une idée précise – ou encore en
Côte-d’Ivoire (1949-1950). Après une guerre
éprouvante pour l’armée française, l’Indochine
accède à l’indépendance en 1954. Puis c’est au
tour de la Tunisie et du Maroc (1956) et de
l’Afrique noire (1960). Mais le cas de l’Algérie
reste à part.
La guerre d’Algérie
L’Algérie colonisée, c’est l’archétype du colonialisme à la française fondé sur les inégalités
économiques et sociales. Les premières revendications d’autonomie (de Fehrat Abbas ou de
Messali Hadj), toujours formulées au nom de la
République et des principes de 1789, mais aussi
au nom de la démocratie et de la laïcité, n’ont
jamais été acceptées ni entendues. L’Algérie
faisait partie de la République grâce à ses trois
départements ; s’en séparer semblait inenvisageable.
L’Algérie se révolte dès 1954 ; c’est le début de
ce que la presse de l’époque appela les « événements » d’Algérie (1954-1957). Troubles et
manifestations sont réprimés par des exactions
et la torture des forces militaires françaises. Le
Front de libération national (FLN) et l’Armée
de libération nationale sont créés. Des mesures
d’exception sont appliquées aux départements
algériens. Arme traditionnelle, et non conjoncturelle de l’armée française sous la colonisation,
la torture s’y déploie malgré des protestations
publiques vite censurées.
Ce combat de décolonisation toujours interprété
comme une crise politique interne amène le
retour de De Gaulle au pouvoir (1958). La
155
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
« question algérienne » a entraîné la chute de la
IVe République. La guerre en Algérie trouve son
écho en France par l’intermédiaire des travailleurs et familles immigrés mobilisés pacifiquement pour manifester contre la politique
française en Algérie. La répression est organisée
par la préfecture de police de Paris dirigée par
Maurice Papon. Lors d’une de ces manifestations, le 17 octobre 1961, de nombreux corps
d’Algériens sont retrouvés dans la Seine. Les
historiens débattent encore du nombre exact de
victimes cette seule soirée-là.
L’Algérie devient indépendante par les accords
d’Évian (18 mars 1962). Pour les nostalgiques
de l’Algérie française, la crise continue par l’intermédiaire de l’OAS (Organisation armée
secrète, avec l’attentat du Petit Clamart contre
de Gaulle) ou contre l’OAS. La décolonisation
algérienne pose alors un problème spécifique à
la France, celle de l’accueil des rapatriés, qu’ils
soient « pieds-noirs » (Français d’Algérie) ou
harkis (Algériens attachés au maintien de
l’Algérie dans la République française). Tout
comme la destruction des juifs d’Europe, la
question de la guerre d’Algérie reste un des
enjeux de mémoire importants de la société
française contemporaine. L’enseigner sereinement est sans conteste un des moyens de
répondre à ce que l’historien Philippe Joutard
appelle « le devoir d’histoire », en lieu et place
du devoir de mémoire. Le récit présent dans le
livre de l’élève nous semble à la fois assez long
et assez allusif pour pouvoir laisser une large
autonomie aux enseignants pour l’aborder.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Hiroshima après la bombe
atomique, p. 220
La photographie présentant les ruines
d’Hiroshima est un symbole de la nouvelle ère
diplomatique et militaire qui s’ouvre en 1945.
La guerre est terminée en Europe depuis le
8 mai 1945, mais les combats se poursuivent
dans le Pacifique. En juin, l’île de Okinawa est
prise par les Américains qui peuvent désormais
atteindre le Japon par voie aérienne. Préparée
dans les laboratoires de Los Alamos, village
isolé des déserts du Nouveau-Mexique aux
États-Unis, par les meilleurs scientifiques du
moment (Richard Oppenheimer, Richard
Feynman ou Philip Morrison), la bombe atomique n’est pas encore prête lorsque la guerre
contre le régime nazi se termine en mai 1945.
Elle sera utilisée et larguée la première fois à
Hiroshima le 6 août 1945 et le 9 août à
Nagasaki. Le 2 septembre 1945, le Japon finit
par capituler. On estime que la bombe a fait près
de 150 000 victimes. Les destructions furent
considérables. Surtout, elles marquent le temps
où il y avait un « avant » l’atome et un « après ».
Affiche de l’Unicef, p. 221
Le 11 décembre 1946, l’ONU a créé une organisation spécialisée dans l’aide d’urgence à
156
l’enfance : l’UNICEF (United Nations International Children’s Emergency Fund). On est au
lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Cette organisation s’occupe des enfants et des
adolescents qui ont souffert de la guerre.
Pendant trois ans, l’action et les finances seront
dirigées vers les pays d’Europe dévastés par la
guerre (secours aux enfants, distribution de
matières premières, programme de vaccination).
À partir de 1950, son action s’ouvre aux pays en
voie de développement avec le souci de se préoccuper de l’éducation, de la santé et de l’alimentation des enfants.
Déclaration universelle
des droits de l’homme, p. 221
En 1948, les Nations Unies adoptent La Déclaration universelle des droits de l’homme dont
René Cassin fut l’un des principaux artisans.
L’élaboration de ce texte a nécessité deux ans de
travail au sein d’un comité de rédaction composé de représentants de différents États. Le
texte est inspiré de La Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789 pour ce qui est
des droits civils et politiques et fait référence
aux droits économiques, sociaux et culturels.
Cette déclaration qui n’est qu’une simple résolution des Nations Unies a une force morale par
Un nouveau monde (1945-1975)
l’universalité de son message et inspire des
constitutions nationales. Deux pactes vont compléter et expliciter certains aspects de la déclaration des droits de l’homme : la Convention
internationale sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale (1965) et la
Convention sur l’élimination de discrimination
à l’égard des femmes (1979).
Dans La déclaration des droits de l’homme de
1948, l’enfant est implicitement présent dans
tous les articles où il est question des droits et
des libertés de « tous les membres de la famille
humaine », mais il l’est explicitement dans deux
articles seulement (les articles 25 et 26). Les
besoins spécifiques de l’enfance ont conduit la
communauté internationale à élaborer et adopter
une Déclaration des droits de l’enfant le
20 novembre 1959. Cette déclaration est diffusée
par affiche par le comité français pour l’Unicef
reproduite dans le manuel. Elle est développée
et complétée par la convention de 1989.
L’Europe en 1948, p. 222
On distingue sur la carte le partage de l’Europe
en deux camps antagonistes. La guerre froide a
fait baisser son « rideau de fer » (l’expression
est de Churchill à propos des pays communistes). En 1948, la situation se fige entre
l’Union soviétique et les États-Unis. À la politique de l’endiguement du communisme prônée
par le président américain Truman, répondent
les coups politiques des partis communistes de
chaque pays de l’Est sous la dépendance de
Staline. Avec l’Allemagne comme symbole de
cette partition idéologique, l’Europe de l’Ouest
recouvre tous les pays concernés par le plan
Marshall et l’aide américaine. En 1948 à
Prague, en 1949 à Budapest, les partis communistes accèdent légalement au pouvoir. De 1946
à 1949, le pluralisme politique disparaît dans
tous les États d’Europe centrale et orientale. La
guerre froide s’installe, laissant planer la crainte
permanente, réelle ou entretenue, d’un troisième
conflit mondial.
Texte d’Adenauer, p. 222
Konrad Adenauer est l’un des fondateurs du
parti chrétien-démocrate (CDU) en 1946 en
Allemagne occidentale. Il est élu chancelier de
la République fédérale allemande en 1949 et
dirige le pays jusqu’en 1963. Sa longévité politique lui permet de donner une cohérence à sa
politique de redressement de l’Allemagne.
Grâce à sa politique d’alignement sur les ÉtatsUnis et à sa recherche constante de rendre à
l’Allemagne un honneur diplomatique, la RFA
entre dans la Communauté européenne en 1951,
communauté qui s’organise alors autour du
couple franco-allemand et de sa réconciliation.
En 1963, il signe avec le général de Gaulle le
traité franco-allemand qui scelle le rapprochement définitif entre les deux nations.
Le court extrait présenté aux élèves relève du
constat. En devenant chancelier, Konrad
Adenauer s’inscrit d’emblée dans la logique
européenne en relevant qu’aucun pays ne
pourra, isolément, faire face aux deux blocs en
construction. C’est la première des raisons de la
construction européenne : les intérêts économiques de chacun des pays de l’Europe de
l’Ouest. La seconde, et pas la moindre, relève de
l’ambition affichée de faire en sorte que la paix
soit désormais au cœur du continent européen,
après deux guerres désastreuses pour ses peuples, son prestige, sa puissance et son économie.
Discours d’Aimé Césaire, p. 223
Aimé Césaire est né en 1913 à la Martinique. Il
entre à l’École normale supérieure de la rue
d’Ulm en 1935 et participe au mouvement surréaliste en développant une voie particulière de
la poésie. Il rédige Cahier d’un retour au pays
natal où se lit la voie poétique de la négritude,
c’est-à-dire une poésie qui « bouscule les structures de la poésie française traditionnelle », en y
projetant une autre réalité historique, celle de la
traite des Noirs, de la colonisation et des rapports de force et de violence dont les Noirs sont
les victimes. Césaire dit qu’il n’aurait jamais
développé le thème de la négritude si les Noirs
avaient été un peuple dominateur. En cela, sa
poésie ne se veut pas un retour sur le particularisme, mais bien une poésie de la souffrance
universelle. Professeur agrégé de lettres, il
revient à la Martinique pour enseigner juste
avant la Seconde Guerre mondiale. Il est élu
157
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
député en 1945 sur la liste communiste (il rompt
avec le parti communiste en 1956 après
Budapest). C’est en tant que député et rapporteur du projet de loi qu’il s’exprime à
l’Assemblée le 12 mars 1946, lors du débat sur
la départementalisation des quatre « vieilles
colonies » (Martinique, Réunion, Guadeloupe et
Guyane). Il dresse un tableau très sombre des
conditions de vie de la population antillaise, et
principalement martiniquaise. Ce tableau correspond à la réalité sociale et économique de ces
territoires qui ont encore le statut de colonies en
1946. Césaire considère que la transformation
de ces colonies en départements à part entière
doit assurer l’égalité des droits et des chances
pour tous ses citoyens. La loi est adoptée le
12 mars 1946. Il ne s’agit pas d’une loi d’assimilation culturelle, mais d’un texte visant à
étendre à ces territoires l’ensemble des droits
sociaux dont bénéficient leurs concitoyens
métropolitains en matière de protection sociale
et de droit du travail.
L’évolution des colonies françaises
de 1945 à 1977, p. 224
La carte présente l’empire français après guerre.
Différentes dates jalonnent son histoire. On y
distingue les décolonisations pacifiques comme
la Tunisie et le Maroc (1956), ou encore
l’Afrique noire (1960), mais aussi les guerres de
décolonisation. Ce fut le cas pour l’Indochine en
1954. Après le bombardement français
d’Haïphong en 1946, la guerre éclate. En mai
1954, le camp français de Diên Biên Phû tombe.
Mendès France, investi président du Conseil le
18 juin, signe les accords de Genève en juillet
1954. On y voit également la place à part de
l’Algérie, comparée à celles de la Tunisie et du
Maroc. Le cas de Djibouti est encore à part. La
côte française des Somalis devint une colonie
française en 1896. En 1946, elle devient territoire
d’outre-mer, acquiert une autonomie relative en
1957 et devient parfaitement indépendante en
1977. La France n’a plus, officiellement et juridiquement, aucune colonie en 1977.
Discours du député Saadane, p. 225
Ahmed Saadane est député d’Alger, élu au sein
du collège des électeurs français musulmans
158
non-citoyens (collège séparé du corps électoral
créé en 1944, rassemblant tous les Algériens de
plus de vingt et un ans), représentant le parti du
Manifeste. À ce titre, il est signataire du
Manifeste du peuple algérien publié en février
1943 par Ferhat Abbas, qui réclame « une
Algérie libre et unie à une France libre ». Au
nom des principes mêmes de la République
française, Ahmed Saadane dresse une critique
de la colonisation française en Algérie. L’intérêt
du texte réside dans le fait qu’il souligne le
décalage qui existe entre les principes avancés
par la France et la réalité coloniale. Son discours
reprend chacun des points que vante traditionnellement l’œuvre de la colonisation : la
richesse apportée ? C’est l’appauvrissement et
la misère qui dominent, dit Saadane.
L’instruction pour tous ? C’est l’analphabétisme
et l’ignorance. La richesse culturelle d’une civilisation reposant sur l’harmonie des peuples ?
La langue arabe est méprisée et contestée.
Contrôle d’identité
dans les rues d’Alger, p. 225
La bataille d’Alger, en janvier 1957, marque un
tournant dans la guerre d’Algérie. Depuis deux
ans, le FLN harcèle les autorités militaires
d’Alger par des séries d’attentats ou d’assassinats ciblés. La répression s’intensifie sans que
cela empêche le renforcement des bases FLN
sur le terrain. À la fin de l’année 1956, le terrorisme algérien se déchaîne à Alger. Guy Mollet,
chef du Gouvernement à Paris, confie alors, le
7 janvier 1957, le pouvoir au général Massu,
commandant de la 10e division de parachutistes,
ayant connu l’« humiliation » de Diên Biên Phû.
Désormais, la guerre change de nature. La
répression est systématique et tous les Algériens
sont suspectés. La torture, toujours présente,
véritable réalité coloniale, s’intensifie et est justifiée par les autorités militaires par la recherche
d’informations.
La photographie prise au cours d’un contrôle
d’identité renvoie une image fidèle, et sans prise
de position, de ce que fut la guerre d’Algérie.
Un militaire au visage caché vérifie la présence
d’armes sur le corps d’une femme voilée, revenant du marché avec un jeune garçon qui pourrait être son fils. Son visage est inquiet même si
Un nouveau monde (1945-1975)
sa main droite est prête à se lever pour se protéger ou se défendre. L’ambiguïté de l’image, à
analyser avec les élèves, relève de la situation
elle-même : des armes pouvaient effectivement
être cachées par des enfants ou des femmes voilées. La question n’est pas de savoir si le soldat
est méchant ou juste. Il applique les ordres, dans
des rues où se croisent dans la peur des hommes
et des femmes réunis par la guerre et la suspicion. La violence est latente. Pour Raphaëlle
Branche, la bataille d’Alger, c’est « le règne de
la torture ».
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
Après la Seconde Guerre mondiale, l’Organisation des Nations Unies est créée pour veiller au
maintien de la paix dans le monde. La déclaration des droits de l’homme puis celle de l’enfant
sont adoptées. L’Europe essaie de se réunir pour
empêcher la guerre. Certaines colonies deviennent départements français (Guadeloupe, Martinique, Réunion et Guyane). D’autres obtiennent
leur liberté en négociant. D’autres enfin sont
obligées de faire la guerre (Algérie, Viêt-nam).
159
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
La vie politique
LIVRE PP.
et économique de la France
(1945-1975)
226-229
Notions
Trente Glorieuses, immigration, exode rural, mode de vie, émancipation des femmes.
Compétences
• Caractériser une époque à l’aide d’un récit et de documents iconographiques.
• Identifier la place nouvelle des femmes dans la société française de la fin du siècle, à l’aune
des combats menés depuis le début du siècle.
Exercices
Cahier CM2 : Moi, dans l’histoire, p. 44-45.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
L’intérêt est de dresser, avec les élèves, une
sorte d’inventaire des profondes modifications
de la société française durant les Trente
Glorieuses (1945-1975), cette période de forte
croissance économique. Le relèvement de la
France en ruine est le premier impératif des
gouvernements successifs au sortir de la guerre.
La situation économique est désastreuse du fait
de la collaboration et de l’occupation allemande. L’hyper-inflation sévit et le marché noir
persiste. Ce sont l’intervention de l’État dans
l’économie (planification, création de la SNCF,
nationalisations nombreuses, création de la
sécurité sociale…) et l’aide américaine du plan
Marshall qui permettent le relèvement de la
France. Les efforts d’équipement menés autour
des secteurs stratégiques du charbon, de l’électricité ou de l’acier vont s’adosser à la construction européenne (CECA). De 1945 à 1975, la
France s’ouvre au monde en abolissant son
protectionnisme et en découvrant les bienfaits
du vaste marché européen. Les échanges internationaux dopent l’économie française. La
croissance est constante, entraînant des modifications profondes des modes de vie.
Une société de consommation
Du fait de l’amélioration du niveau de vie global, la consommation est en plein « boom ».
L’équipement des ménages se développe,
notamment dans l’électroménager, et concerne
160
également les produits jusque-là réservés aux
plus fortunés. La voiture est le symbole même
de la croissance. Pourtant, celle-ci se fait de
façon inégale. Pire, les inégalités sociales tendent à s’aggraver. L’écart des salaires entre les
cadres et les ouvriers se creuse. Les petits commerçants souffrent de plus en plus du développement des supermarchés situés aux périphéries
des villes, aux prix plus bas, que la voiture permet d’atteindre, rapportant provisions à mettre
dans un réfrigérateur et bientôt un congélateur.
Les mutations de l’agriculture
Autre phénomène majeur, la restructuration de
l’agriculture française doit être replacée dans le
cadre de la politique européenne. On assiste à
une concentration des terres laissant les plus
petits exploitants largement démunis. La baisse
des prix agricoles ne permet pas, sauf pour les
plus gros, de compenser les investissements réalisés afin de moderniser l’outil de production.
L’exode rural s’intensifie. En 1945, presque
30 % des Français vivent de la terre et de l’agriculture. En 1975, ils ne sont plus que 10 %. Le
nombre d’exploitants est en chute libre. Mais,
parallèlement, la France devient la première
puissance agricole d’Europe, et la seconde au
monde du point de vue de la production et de ses
exportations (voir le programme de géographie). En contrepartie, les villes gonflent, au
point que des plans d’urgence sont recherchés
La vie politique et économique de la France (1945-1975)
pour construire en hâte des cités d’accueil en
marge des agglomérations. Dans beaucoup de
grandes villes, ces cités nouvelles marquent un
réel progrès social et d’hygiène.
Immigration et impératif industriel
Dans le récit de l’élève, on insiste sur la part de
l’immigration dans l’effort industriel d’aprèsguerre. Le manque de main-d’œuvre a amené
les entrepreneurs français à organiser de véritables campagnes de recrutement dans les colonies d’Afrique du Nord, choisissant de
préférence une main-d’œuvre analphabète et
rurale, réputée plus docile. La vie de ces immigrés (plus d’un million en quelques années seulement) reste à écrire complètement. Ils furent
les soutiers sans gloire d’une industrie en plein
essor. Affectés aux tâches les plus pénibles, les
immigrés d’Afrique du Nord sont partie prenante de la réussite française des Trente
Glorieuses. Leur rendre mémoire en classe,
c’est certainement faire une histoire sereine.
De la IVe à la Ve République
D’un point de vue politique, la France se dote
d’une IVe République le 21 octobre 1945. Son
pouvoir est instable et la « valse des ministères »
s’explique par l’absence de majorité fiable à
l’Assemblée. Parfois, un gouvernement n’est
nommé que pour quelques mois voire quelques
semaines, obligé de démissionner. La crise
ministérielle s’installe lorsque débute la guerre
d’Algérie qui met en lumière les dysfonctionnements de la machine politique française, son
impuissance et son discrédit dans l’opinion.
Arrivé au pouvoir en pleine crise algérienne, de
Gaulle fait rédiger une nouvelle constitution
adoptée par référendum le 28 septembre 1958.
La Ve République est née. En 1962, après les
accords d’Évian qui entérinent l’indépendance
algérienne et la fin de la guerre, de Gaulle fait
voter par référendum la réforme importante de
l’élection du président de la République au suffrage universel. L’exécutif est renforcé, tout en
maintenant un régime d’assemblées. La
IVe République est bien morte. À l’élection présidentielle de 1965, De Gaulle l’emporte avec
55 % des voix. Sous la conduite du Premier
ministre Georges Pompidou, le régime « gaullien » semble solide.
Les événements de mai 68
Pourtant, la crise politique éclate au printemps
1968. D’abord une révolte étudiante, la crise
s’étend aux syndicats (grève générale) et aux
partis politiques de gauche qui déposent une
motion de censure contre le gouvernement
Pompidou. Les « événements » durent tout le
mois de mai. Le 30, afin de régler la crise, de
Gaulle dissout l’Assemblée et convoque de
nouvelles élections pour fin juin. C’est un
triomphe pour sa majorité. Les interprétations
sont nombreuses et dépendent de qui les
donne… Crise de croissance, crise de la société
de consommation, révolte contre le formalisme
gaulliste, contre l’autorité, conséquence de la
libération des mœurs, carcan d’une société
trop rigide qui éclate ? Toutes les explications
contiennent du vrai. N’oublions pas qu’il s’agit
d’un mouvement européen. À Prague, le printemps est soldé par l’Armée Rouge. Révolution
utopique ou soubresaut d’une société de
consommation en surchauffe depuis plus de vingt
ans ? Quelle que soit l’interprétation qu’on lui
donne, la crise de mai 68 laissa des traces profondes dans la société française et continue de
rester une date marquante pour beaucoup.
La place des femmes dans la société
Le récit de l’élève aborde enfin un dernier point
et pas le moindre : la place des femmes.
Citoyennes à part entière en 1945, la seconde
moitié du XXe siècle marque une phase d’émancipation aussi importante pour l’historien
Georges Duby, que la sédentarisation ou la
découverte de l’Amérique. Pourtant, les acquis
des Trente Glorieuses (1945-1975) pour les
femmes doivent être nuancés. Même si la
période de plein-emploi et d’entrée massive des
femmes sur le marché du travail annonce en
partie leur émancipation, leur participation les
relègue souvent à des postes de plus en plus largement féminisés et donc dévalués. Cependant,
et parallèlement, les filles intègrent massivement le système scolaire. Un long processus
semble enclenché.
161
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
Un appartement en Bretagne
dans les années 1950, p. 227
Parmi les symboles des nouveaux modes de vie
et de loisirs, la télévision a une place à part. Les
innovations techniques des entrepreneurs et
industriels sont dopées par la reprise de la
consommation. Si à la fin des années 1950 on
recense à peine 300 000 postes dans les foyers,
soit à peine 2,5 % des foyers équipés, en 1974,
84 % des ménages disposent d’un poste chez
eux. Mais surtout, l’eau chaude se généralise,
ainsi que les équipements de salle de bains. La
baignoire ou la douche tendent à se généraliser
(65 % des ménages en disposent en 1975, contre
seulement 10 % en 1945), les toilettes d’intérieur également (70 % en 1975, 27 % en 1945).
Il est très important d’avoir ces points de comparaison à proposer aux élèves, afin qu’ils puissent tenter d’approcher la vie de leurs
grands-parents et arrière-grands-parents.
Dans ce travail qu’ils peuvent poursuivre chez
eux (et pourquoi pas lancer une mini-enquête
sociologique anonyme en classe ou dans
l’école ?), les élèves construisent sûrement le
temps historique, à une autre échelle que la frise
de l’histoire « de la préhistoire à nos jours » le
permet. Dans ces aspects de vie quotidienne, les
enfants perçoivent qu’ils se situent eux-mêmes
dans un moment de l’évolution des sociétés.
Parmi les nouveaux modes de loisirs, on peut
signaler les vacances qui s’allongent (4
semaines de congés payés en 1968 puis 5 en
1982) et qui tendent à se généraliser et les stations de sports d’hiver qui se multiplient.
Parallèlement, la création des Maisons de la culture, sous l’impulsion de Malraux alors ministre
de la Culture, définit un nouveau rapport à la
culture.
Affiche du « planning familial », p. 229
Depuis 1920, une loi interdisait la contraception. Suite à la loi Neuwirth de 1967 qui autorise
la contraception pour les femmes, sans en autoriser la publicité, des associations de femmes
s’organisent pour informer et accompagner les
162
femmes dans la contraception, et dirigent les
femmes qui le peuvent vers les pays pratiquant
légalement l’avortement. Cette affiche est le
témoin des revendications féministes des années
1960 et 1970, qui mettent en avant la maîtrise
du corps par les femmes, de leur sexualité et de
la maternité. Le régime démographique et le
contrôle des naissances par les femmes ellesmêmes portent en eux un bouleversement des
rapports entre les sexes. Cette « révolution
contraceptive » redéfinit les rapports de couple,
défie la loi de l’Église. Elle est inséparable de
l’émancipation des femmes par le travail. La
femme ne se définit plus par la maternité uniquement, mais aussi par la place qu’elle entend
occuper, et occupe, activement dans la société.
Travailler avec les élèves sur le slogan de l’affiche, c’est sans doute contribuer à réfléchir
avec eux sur la répartition du travail et des
tâches domestiques entre les hommes et les
femmes. Devenir citoyen(ne), c’est aussi accepter de réfléchir dès l’école aux grandes questions des adultes que les élèves sont amené(e)s
à devenir, et que l’école doit préparer à être.
Simone Veil
à l’Assemblée nationale, p. 229
Le 26 novembre 1974, Simone Veil présente
devant l’Assemblée nationale un projet de loi
autorisant dans certaines conditions l’interruption de grossesse. C’est une revendication des
femmes qui a atteint son point le plus fort en
1972 au procès de Bobigny. Gisèle Halimi, présidente de l’association Choisir et avocate,
obtient pour « Marie-Claire », jeune fille
accusée d’avortement, l’acquittement. Au second
procès ouvert pour juger une voisine et la mère
de Marie-Claire impliquées dans cette affaire
d’avortement, Gisèle Halimi profite de cette tribune pour demander la révision de la législation
dans ce domaine. Simone Veil, seule mais déterminée, doit affronter des débats à l’Assemblée
parfois très violents. Le projet est voté par
l’Assemblée pour une période de cinq ans. La
loi est reconduite définitivement le 31 décembre
1979 et le remboursement de l’IVG par la
Sécurité sociale intervient trois ans plus tard.
La vie politique et économique de la France (1945-1975)
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
La France se modernise. Les Français vont vivre
en ville. De nouveaux loisirs se développent :
le cinéma et la télévision. Beaucoup de travailleurs immigrés viennent en France car il
n’y a pas assez d’ouvriers. La place de la
femme a changé dans la société. Elle obtient le
droit de vote. Elle peut exercer toutes sortes
de métiers, faire des études supérieures et
choisir ou non d’avoir un enfant et quand elle le
désire.
163
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
La France dans le monde
d’aujourd’hui
LIVRE PP. 230-233
Notions
Europe politique et économique, euro, chômage, mondialisation, commerce et concurrence
international, inégalités Nord/Sud, développement technologique.
Compétences
• Lire une carte de l’Europe politique et économique.
• Identifier les documents caractéristiques de l’époque contemporaine.
• Caractériser, grâce au récit et aux documents, les enjeux majeurs du XXIe siècle (faim dans
le monde, inégalités Nord/Sud, l’Europe…).
Exercices
Cahier CM2 : Moi, dans l’histoire, p. 44-45.
I N F O R M AT I O N S P O U R L’ E N S E I G N A N T
La France : puissance moyenne
à vocation mondiale
La France est aujourd’hui une puissance
moyenne qui doit sa puissance à sa place stratégique dans la construction européenne.
Ancienne puissance coloniale, elle n’a plus forcément les moyens de ses ambitions, mais les
territoires et départements d’outre-mer répartis
sur l’ensemble du globe lui permettent de maintenir une présence significative (NouvelleCalédonie, la base de Kourou en Guyane, etc.).
Des contestations, qui s’apparentent bien à des
luttes contre un néocolonialisme latent, émergent aux Antilles françaises et chez les Kanaks
de Nouvelle-Calédonie. Les autorités françaises
estiment que l’intégration de ces territoires dans
l’Europe économique et sociale pourrait être
une des solutions aux mécontentements sociaux
qui s’expriment parfois très durement.
Une place centrale est réservée à la France dans
les décisions de l’ONU du fait, depuis 1945, de
son siège permanent de membre du Conseil de
sécurité avec droit de veto. Reste à savoir
aujourd’hui si l’ONU est bien le centre des
régulations des tensions internationales ou si les
États-Unis, rendus libres d’agir depuis la chute
du mur de Berlin (1991), entendent maintenir
leur leadership sans partage ni surveillance. Là
encore, l’Europe joue ou pourrait jouer un rôle
164
de premier plan dans la diplomatie mondiale.
Première puissance économique, concurrente
des États-Unis et du Japon, l’Europe a des
atouts de grande puissance, sans avoir de politique unie, notamment militaire. Les crises en
ex-Yougoslavie (1990-1998) et en Afghanistan
(2001) en sont le témoignage frappant. D’un
point de vue des relations étrangères, la France
dispose d’une politique à l’égard des pays
arabes qui lui laisse une possibilité d’intervenir
diplomatiquement dans le conflit israélopalestinien.
Puissance moyenne, la France l’est aussi du fait
d’une crise héritée de la déstabilisation des économies occidentales du fait de l’augmentation
du prix du pétrole (1973). Depuis cette date,
malgré des années de croissance indéniable, le
taux de chômage s’il reste stable (autour de
3 millions de chômeurs) ne baisse pas significativement malgré de nombreuses mesures prises
en ce sens. Les restructurations des années 1970
et les concurrences économiques dans lesquelles sont engagées les entreprises françaises
chargées de faire face à la mondialisation des
économies laissent des traces dans le paysage.
Les mutations de la société française
L’évolution sanitaire et sociale de la France
depuis les années 1950 est remarquable. La
La France dans le monde d’aujourd’hui
santé, l’hygiène, l’âge moyen de mortalité, le
faible taux de mortalité infantile sont des
indices sûrs d’un développement élevé comme
pour l’ensemble des pays développés. Les questions de santé n’ont jamais été autant au centre
des débats politiques alors que jamais la sécurité
sanitaire n’a été aussi forte. Ce paradoxe, qui se
retrouve aussi pour le taux très élevé d’alphabétisation alors que l’on s’insurge de plus en plus
de la persistance de l’illettrisme, s’explique par
une volonté très moderne de « risque zéro ». Du
même coup, la mort devient impensable et intolérable, là où il n’était pas rare pour les élèves
des années 1930, 1940 ou 1950 d’avoir un de
leurs camarades qui disparaisse pendant l’année
scolaire frappé par une maladie terrassante
(comme la coqueluche, par exemple).
Autre modification sociale de taille, depuis les
années 1960, les femmes travaillent de plus en
plus à l’extérieur de chez elles. Pour autant la
question de leur émancipation reste posée. Les
femmes subissent encore des injustices : pour le
même travail et à poste égal, elles disposent
d’un salaire en moyenne un tiers inférieur aux
hommes (sauf dans la fonction publique). Elles
sont massivement soumises à la double journée,
ou deux journée en une. Le travail et les tâches
domestiques leur reviennent majoritairement.
En vingt ans, l’INSEE recense… 10 minutes de
plus par jour de tâches domestiques accomplies
par les hommes. Surtout, la prise en charge des
enfants est très majoritairement de la responsabilité et de la gestion des femmes. Lorsque la
crise des années 1970 éclate, les femmes sont
les premières victimes des restructurations ou
des méthodes de flexibilité de l’emploi. Temps
partiels et emplois précaires sont majoritairement féminins. Les inégalités homme/femme
persistent dans la fin du XXe siècle, mais elles
semblent moins se voir. D’un point de vue politique, même si une femme accède pour la première fois au poste de Premier ministre (Édith
Cresson), le pourcentage de femmes au
Parlement est un des plus faibles d’Europe.
Une crise permanente issue de 1973 et de la
crise du pétrole subsiste malgré des années
récentes de croissance. Le chômage est devenu
structurel là où on le pensait conjoncturel à la
crise de 1973.
Vers un nouvel ordre mondial
Tous les rapports confirment que le fossé entre
pays riches et pays pauvres ne cesse de se creuser.
Alors qu’en 1971 il y avait 27 pays dont le PNB par
habitant était inférieur à 900 dollars (1035 euros)
par an, ils sont aujourd’hui au nombre de 49.
Dans ces pays, la grande majorité des habitants
vivent avec moins de deux dollars (2,30 euros)
par jour et traînent avec leur misère une cohorte
de maux qui ne font que s’aggraver (faim, problèmes de santé, pas d’accès à l’éducation…).
Ce déséquilibre entre le Nord et le Sud peut
se décrire autrement. En 2000, le monde a produit 30 000 milliards de dollars de richesses
(35 000 milliards d’euros) ; 24 milliards de dollars sont produits par les pays riches, situés
essentiellement dans l’hémisphère Nord. Cela
signifie en fait que 20 % du monde gèrent 80 %
des richesses de la planète.
E X P L I C AT I O N D E S D O C U M E N T S
L’Union européenne, p. 231
La carte de la construction européenne présente
60 ans de cette histoire. Après la création de la
CECA par les six premiers États membres qui
signent le traité de Rome en 1957, le RoyaumeUni, l’Irlande et le Danemark intègrent la « maison commune » en 1972. En 1981, c’est
l’Europe des 10 avec l’entrée de la Grèce.
L’élargissement à 12 pays a lieu lorsque, en
1986, le Portugal et l’Espagne font leur entrée
dans la Communauté européenne. En 1992 par
le traité de Maastricht, la Communauté économique européenne devient l’Union européenne.
En 1995, l’Union compte de nouveaux membres : la Finlande, la Suède et l’Autriche.
Cette date marque une nouvelle ère, celle de la
fin de la guerre froide, puisque ces trois nouveaux adhérents sont diplomatiquement
« neutres ».
165
LE XXe SIÈCLE ET LE MONDE ACTUEL
Le 1er mai 2004, dix nouveaux pays rejoignent
l’Union européenne : Chypre, l’Estonie, la
Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la
Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie
et la Slovénie. L’entrée de la Turquie est pour
l’instant en suspens et fait l’objet d’un intense
débat au sein de l’Union.
Le robot joueur de piano, p. 232
Troisième puissance mondiale, le Japon
s’éveille au monde par son industrie remarquable durant la période de 1950 à 1973.
L’innovation technologique est au cœur de son
développement industriel. À la fin de 1999, le
Japon concentre à lui seul la moitié des robots
industriels utilisés de par le monde.
Aujourd’hui, les chercheurs japonais orientent
leurs travaux vers des robots à utiliser dans les
maisons et les bureaux. Certains chercheurs ont
mis au point un robot capable de reconnaître la
voix humaine même dans un endroit bruyant et
bondé. Il est apte à devenir standardiste ou
guide. Un autre robot de ce type est capable,
dans un groupe, de tourner sa figure vers celui
qui lui parle. Une autre équipe a mis au point un
amusant robot chiot.
Les usines Renault
sur l’île Seguin, pp. 232-233
Les restructurations, pour la plupart entamées à
la fin des années 1960 et surtout dans les années
1970 (dans les secteurs de l’automobile, de la
sidérurgie, des mines…), ont laissé des traces
dans le paysage industriel de la France. On
pourrait citer les friches industrielles du nord et
du nord-est de la France. Mais, en plein cœur
d’agglomération, les usines Renault de
Boulogne-Billancourt témoignent bien de ce
phénomène européen de désindustrialisation.
En 1998, l’industrie de la région Île-de-France
perdait près de 28 000 emplois par an. Répartie
sur 11 hectares, l’usine Renault de BoulogneBillancourt fut le symbole de la croissance française dans les années 1950 et 1960.
En 1969, année de plus forte production, le
site industriel de l’île Seguin comprenait
22 000 ouvriers. Ville dans l’agglomération, le
site avait ses traditions, son histoire, ses conflits
166
sociaux, ses luttes et ses enjeux politiques, et ses
joies. C’est tout un patrimoine ouvrier qui disparaît lorsque la dernière voiture sort en 1992
du site de l’île Seguin. Cet espace aujourd’hui
abandonné représente 1 million de m2 à
construire. Des voix se font entendre pour sauvegarder quelque chose de ces mémoires
ouvrières de Billancourt. Jean Nouvel, architecte, a pris position pour la sauvegarde du site
au nom d’une conception élargie du patrimoine.
« Ce qui caractérise un espace, c’est la quantité
de temps de vie qu’il a pu contenir », dit Nouvel
en citant le philosophe Gaston Bachelard. Car,
pour les élèves, le patrimoine, c’est aussi les
lieux investis par leurs parents, grands-parents
et arrière-grands-parents. Des lieux moins
« nobles » peut-être que les cathédrales ou les
musées mais répondant tout autant à la définition du patrimoine : un bien qui vient des
ancêtres, que l’on possède en héritage.
Bourse de Hong Kong, p. 233
L’histoire du monde est une histoire du développement grâce aux échanges. Des premiers
trocs aux constructions de routes, la vie économique s’organisait par les marchandises transportées (Massalia, le Rhône, Venise, les foires
de Champagne, Cordoue, Nantes, les ports américains,
les
villes
industrielles
du
XIXe siècle, New York…). Aujourd’hui le monde
est régi par un ensemble de flux de marchandises, comme jamais l’humanité n’en a échangé.
Et parmi ces flux, les informations sont aujourd’hui les « marchandises » invisibles les plus
stratégiques et les plus rémunératrices. En
temps réel, des millions d’informations électroniques transitent chaque jour par les ordinateurs. Cette nouvelle sphère économique est
devenue la plus importante dans les échanges
mondiaux. C’est à la fois un pouvoir et un enjeu
commercial et économique. Si les États-Unis
dominent cette nouvelle économie informatique
et numérique, l’Asie et les principales capitales
politiques et économiques forment une armature
financière et d’information qui se met en place
depuis une vingtaine d’années. Les bourses en
sont un exemple frappant. Par les ordinateurs, le
monde des échanges boursiers ne ferme plus et
La France dans le monde d’aujourd’hui
travaille dans le monde l’ensemble des 24
heures. Au fur et à mesure de la rotation de la
terre, les bourses nationales ferment ou ouvrent
alternativement, avec un flux d’échanges permanent.
ÉLÉMENTS POUR UNE SYNTHÈSE
La France est engagée dans la construction de
l’Europe. Elle est le quatrième pays le plus riche
du monde. Cependant, il y a à l’intérieur de ses
frontières des gens très pauvres à cause du chô-
mage. On peut aujourd’hui communiquer avec
le monde entier mais ces progrès n’empêchent
pas des enfants de mourir de faim, d’autres de
ne pas pouvoir aller à l’école.
167
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