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FASE - 1982
Anne Teresa De Keersmaeker
Fase, four movements to the music of Steve Reich est une œuvre de danse contemporaine de la chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker, créée
en 1982 sur des compositions de musique de phase de Steve Reich. Cette pièce marque le renouveau du lien intense entre la danse et la musique que
développera Anne Teresa De Keersmaeker tout au long de sa carrière.
Après Asch sa première œuvre datant de 1980, l'ensemble Fase est la deuxième chorégraphie produite par Anne Teresa De Keersmaker. Il se compose de
quatre mouvements écrits en réalité en deux temps et en deux lieux différents. Les mouvements Violin Phase et Come Out ont été créés aux États-Unis en
1981 dans le cadre des études d'Anne Teresa De Keersmaeker alors que Piano Phase et Clapping Music furent conçus après son retour à Bruxelles en
janvier 1982.
Steve Reich écrira à ce propos : « Ce n'est qu'en 1998 que j'eus l'occasion de découvrir Fase, le chef d'œuvre qu'elle avait élaboré à l'époque. Jamais je
n'avais vu une telle révélation chorégraphique à partir de mon travail. Elle avait totalement compris l'essence de mes œuvres de jeunesse. »
Fase est une œuvre en quatre mouvements :
1.
2.
3.
4.
Piano Phase
Violin Phase
Come Out
Clapping Music
Elle est constituée de trois duos sous la forme de pas de deux et d'un solo (Violin Phase), pouvant être joués séparemment ou partiellement mais
constituant un tout. Sa durée d'exécution totale est d'environ 50 minutes.
Elle est intimement liée à la musique de phase de Steve Reich que De Keersmaeker a découverte à New York entre 1980 et 1982 lors de ses études à NYU
et qui sera dès lors « le compagnon de route et le point d'ancrage » de la chorégraphe.
Comme la musique qui le supporte, le principe de base de Fase est une écriture chorégraphique épurée voire austère, extrêmement rigoureuse,
mathématique et géométrique avec l'alternance de l'utilisation du cercle et de la ligne droite. Fase est composée de cycles répétitifs de mouvements
simples jouant sur la performance physique de maintien du rythme et la logique du déphasage/rephasage lors des duos.
Bien qu’il s’agisse d’une écriture dite « minimaliste », le mouvement est expansif, utilise la déclinaison autour du motif central, et est techniquement
extrêmement difficile à tenir.
L’éclairage, réalisé par Remon Fromont et Mark Schwentner, est une part essentielle de la mise en scène de Fase puisqu’il donne à voir et décuple,
notamment grace aux ombres générées lors du premier mouvement, les processus de décalages. Par ailleurs, les costumes simples presque austères petites robes grises et mauves, tournoyantes, baskets et soquettes blanches enfantines dans les deux premiers mouvements, puis pantalons et chemises
serrées ensuite - seront eux aussi une marque de fabrique durant de longues années de l’identité visuelle de De Keersmaeker.
Premier mouvement : Piano Phase
Écrite lors de son retour à Bruxelles en 1982, il s’agit probablement de la partie la plus célèbre de l’œuvre, et la plus jouée indépendamment des autres
mouvements. Peut-être aussi la plus spectaculaire car certainement la plus visuelle. Dans cette première partie, De Kersmaeker expose les bases de sa
danse répétitive et donne à voir le processus de phasage/déphasage de la célèbre musique Piano Phase de Reich composée en 1967.
Les deux danseuses, éclairées puissamment par quatre projecteurs latéraux créant leurs ombres individuelles et superposées sur un fond blanc, vont
répéter pendant environ 15 minutes un mouvement de balancier du bras et du corps, associé à une pirouette saccadée ponctuelle et vigoureuse,
entrecoupée d’une montée sur une pointe de pied laissée en suspens avant de reprendre la séquence.
Suivant la musique et son principe de décalage de phase, l’une des danseuses va accélérer son mouvement d’un douzième de phase, décalant ainsi par
rapport à sa partenaire sa séquence, jusqu’à l’opposition de phase, et au rephasage complet après quelques minutes. Les deux danseuses restent
alignées dans un même plan, mais vont progressivement et insensiblement bouger vers l’avant de la scène en créant un déplacement diagonal (avec
notamment deux passages dans un plan perpendiculaire au plan initial, face spectateurs), continuer leur séquence sur ce nouveau plan, avant de
regagner le plan initial à la fin de l’œuvre musicale retrouvant une nouvelle fois la synchronicité du début de la pièce.
Deuxième mouvement : Violin Phase
C’est le solo de l’ensemble, dansé par De Keersmaeker cette fois dans un cercle giratoire sur Violin Phase, œuvre que Steve Reich a composée en 1967.
Cette partie, d’une durée de 15 minutes, est en réalité la première écrite par la chorégraphe et donnée en avril 1981 dans le cadre du Festival of the Early
Years de Purchase dans l’état de New York.
De Keersmaeker utilise également un motif de pirouette proche de celui de Piano Phase en joignant les différents points cardinaux du cercle imaginaire
autour duquel évolue la danseuse de manière centrifuge. Seule l’épure du geste et des mouvements du corps sont montrés dessinant au sol une rosace
fictive de la pointe du pied (celle-ci est explicitement montrée avec les dessins dans le sable que trace De Keersmaeker dans la vidéo de Thierry De Mey de
2002). La rotation des figures et de la danseuse, amplifiée par celui de la robe légère, font également référence à la circumambulation spirituelle et
physique de la danse Samâ' des derviches tourneurs soufiques. Certains des mouvements de cette partie deviendront des motifs typiques, des
signatures, des chorégraphies ultérieures de De Keersmaeker telle l'utilisation de la spirale que la chorégraphe considère comme le « mouvement
absolu ».
Dans ce mouvement, De Keersmaeker démontre que la danse ne peut être qu'une simple illustration de la musique. Pour elle, son travail consiste en
réalité à aborder un aspect essentiel de l'écriture musicale et d'en faire un fondement de sa grammaire chorégraphique, que ce soit par l'utilisation de
l'espace, du temps ou du geste lui-même. Ainsi la partition de Violin Phase, qui est structurée en rondo, implique par analogie l'utilisation du cercle pour
la composition chorégraphique.
Troisième mouvement : Come out
Ce mouvement d'environ 11 minutes a été écrit avec Jennifer Everhard et joué indépendamment de l'ensemble pour sa première en octobre 1981 à la
Tisch School of the Arts de NYU. Sous deux lampes suspendues, les danseuses, assises sur leurs tabourets, répètent leurs mouvements de bras et de
bustes, sans se lever, de manière extrêmement saccadée et chaotique, mais en tournant progressivement au rythme de la phrase enregistrée « Come out
to show them » de Come Out, la seconde œuvre écrite par Reich en 1966. Cette partie est une illustration assez figurative du contexte historique de la
composition de Reich, écrite dans à la suite des émeutes de la population afro-américaine réclamant l'application des droits civiques. En particulier, les
mouvements des danseuses miment la phrase initiale : « I had to, like, open the bruise up and let some of the bruise blood come out to show them »
(signifiant : J'ai du ouvrir mes bleus et laisser le sang couler pour leur prouver) sous la lumière crue de deux lampes rappelant un interrogatoire dans un
poste de police.
Quatrième mouvement : Clapping Music
Également écrit lors de son retour à Bruxelles en 1982, ce mouvement final est constitué par le déplacement en diagonale des deux danseuses au travers
de la scène sur la base d’un simple mouvement synchrone/asynchrone de leurs pieds allant des demies-pointes aux pieds à plat sur le sol, avec flexion
brusque des genoux en tension accompagnée d'un mouvement opposé des bras. Il dure 4 à 5 minutes sur les battements de mains de Clapping Music
(1972) réalisé en direct par deux personnes (dont Steve Reich en 1985).
Steve Reich, né Stephen Michael Reich le 3 octobre 1936 à New York, est un musicien et compositeur américain de renommée internationale. Il est
considéré comme un des pionniers du minimalisme et de la musique répétitive. Pour caractériser son œuvre, et spécialement ses compositions de la
période 1965-1976, il préfère utiliser l'expression musique de phases (traduite de l'américain) pour la différencier de la musique répétitive
Biographie
Steve Reich est né dans une famille juive de New York en 1936. Il suit d'abord des études de philosophie, obtenant son diplôme de la Cornell University
en 1957, puis poursuit des études de musique de 1957 à 1958 à la Juilliard School of Music de New York, essentiellement dans les classes de piano et de
percussions. De 1961 à 1963, il étudie également la composition avec Darius Milhaud et Luciano Berio au Mills College à Oakland en Californie où il
obtient son Master of Art. En novembre 1964, il participe en tant que musicien à la création de In C de Terry Riley, œuvre fondatrice du courant
minimaliste.
Ses deux premières œuvres It's Gonna Rain (1965) et Come Out (1966) sont très expérimentales et partiellement le fruit d'un hasard technique lui faisant
utiliser le principe du phase/déphase. Elles sont également le reflet d'une conscience politique notamment en faveur du mouvement des droits civiques
aux États-Unis. Steve Reich poursuit toutefois son apprentissage musical, en particulier des percussions africaines, à l'Institut d'études africaines de
l'Université du Ghana où il passe l'été 1970, puis du gamelan indonésien en Californie de 1973 à 1974. En 1971, il fonde son propre ensemble Steve
Reich and Musicians pour la recherche et l'exécution de sa première pièce d'envergure, Drumming.
Parallèlement à ces années d'apprentissage, il compose une œuvre originale basée sur la technique de la répétition et l'utilisation de bruits de la vie
quotidienne. Il ne délaisse pas pour autant les instruments traditionnels pour lesquels il compose de nombreuses pièces instrumentales ou orchestrales.
Son œuvre est reconnue dès 1971, avec l'enregistrement de Drumming chez la Deutsche Grammophon, faisant de lui une des figures de la musique
contemporaine américaine et, particulièrement, de l'école de la musique dite répétitive, aux côtés de Terry Riley et Philip Glass. S'écartant de ses
recherches musicales antérieures pour s'orienter vers un travail sur le rythme, la pulsation, et la « notion de variation timbrique de surface », il compose
quelques-unes de ses œuvres les plus connues dans les années 1970-80, comme Music for 18 Musicians (1976), Eight Lines (1979), The Desert Music
(1984) ou Different Trains (1988).
Technique musicale
Steve Reich déclare que ses influences musicales fondamentales sont les œuvres de Bach, Bela Bartók (dont Mikrokosmos), Igor Stravinsky et le jazz avec
en particulier les compositions de John Coltrane (dont Africa/Brass). Il écrit également que l'autre grande influence sur sa musique vient du cantus
firmus, mélodie des organums de Pérotin, compositeur de l'École de Notre-Dame de Paris au XIIe siècle. Les premières œuvres de Steve Reich (au milieu
des années 1960) sont construites sur le principe du décalage graduel de l'exécution des motifs musicaux, créant par phasage/déphasage, des sonorités
nouvelles. Il a l'idée de faire passer en continu deux boucles du même son, jouées simultanément au départ, puis accélérées progressivement l'une par
rapport à l'autre. Ce procédé, issu de son travail sur bande magnétique, a pour effet de générer de nouvelles figures sonores à partir du même matériau
musical. Il est utilisé pour la première fois dans la pièce fondatrice It's Gonna Rain en 1965, puis dans Come Out et Melodica en 1966. Il est aussi
appliqué aux instruments (Piano Phase, Violin Phase et Reed Phase en 1967).
La musique de Reich procède alors souvent par récupération de sonorités quotidiennes, comme par exemple des annonces et des sirènes de trains dans
Different Trains (1988) ou des sirènes de voitures de secours et des alarmes de voitures dans City Life (1995). Le discours articulé occupe également une
place importante, souvent sous une forme répétée comme pour The Cave (1990) ou Three Tales (2002). Une forme de chant discontinu constitue ainsi
une partie importante de son œuvre.
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