Steve Reich
Né le 3 octobre 1936 à New York, Steve Reich partage son enfance entre New York et la Californie. Il étudie le piano puis se tourne
vers la percussion après avoir entendu le baeur Kenny Clarke accompagner Miles Davis. Il entre à la Cornell University en 1953
et obent une licence de philosophie en 1957. Reich approfondit aussi sa connaissance de l’histoire de la musique (de Bach au
XXe siècle) en assistant aux cours de William Ausn.
PARCOURS DE SON ŒUVRE
La musique de Steve Reich jouit d’un rare privilège : celui d’être parvenue à aeindre une large au-
dience dépassant le cercle restreint des amateurs de musique contemporaine sans avoir pour au-
tant jamais cédé à la facilité. Ancrée dans les préoccupaons sociopoliques, philosophiques,
spirituelles autant qu’arsques de son époque, la pensée musicale reichienne s’est élaborée, rigoureusement, par réajustements successifs,
remises en queson des modèles, par une ré-interrogaon du présent et du passé, de l’ici et de l’ailleurs, du populaire et du savant, donnant
toute sa cohérence, son style, à un discours musical tonal et pulsé régénéré.
Les premiers essais de composion de l’Américain Steve Reich (né en 1936)datent de la n des 50’s. Il vient de renoncer à poursuivre des études
de philosophie à Harvard pour entrer à la Juilliard School. Sa culture musicale est encore lacunaire ; ses goûts éclecques. Il s’inie en 1962
à la musique africaine par la lecture de Studies In African Music de A. M. Jones et, un peu plus tard, à la musique indonésienne par celle de
Music in Bali de Colin Mc Phee. L’œuvre de Bartók, et notamment les derniers quatuors, vont également constuer une expérience majeure
en développant sa connaissance de la musique modale et de l’écriture canonique. Les musiques anciennes – les organa de Péron en par-
culier — mais aussi l’œuvre de Bach — lui ouvrent de nouvelles perspecves contrapunques. Reich trouvera également dans la musique de
Stravinsky, dont il avait découvert le Sacre du printemps à l’adolescence, l’écho de ses propres préoccupaons : la recherche d’un matériau
mélodico-rythmique opérant par répéons dans un langage tonal/modal.
Le goût pour les musiques populaires et pour le jazz vient également se conjuguer de façon naturelle avec son intérêt pour les musiques
« savantes » du vingtième siècle. Il joue dans les clubs de jazz new-yorkais de Downtown et subit fortement l’influence de
Coltrane. La stabilité de la pulsaon sera, comme dans le jazz, l’épine dorsale de sa musique, tout comme sa tonalité/modalité en sera la
substance. En 1958, le séjour en Californie, où Reich se rend pour poursuivre ses études au Mills College, montre un compositeur encore
à la recherche de sa voie. Avec Luciano Berio, il étudie y alors non seulement la musique du maître mais aussi celle de Webern, Boulez ou
encore Maderna. Reich porte alors une aenon parculière au sens de l’économie des moyens du viennois, à son inclinaon pour l’écriture
canonique et à sa tendance à la répéon de certaines hauteurs, un aspect qui n’a pas échappé non plus aux autres membres du courant
minimaliste. Avec Berio, il étudie les Structures pour deux pianos de Boulez, un compositeur qui, bien que diamétralement éloigné de son
esthéque, l’intéressera toujours, sans doute en raison de sa rigueur composionnelle dans laquelle il se reconnaît.
Une approche singulière que l’on peut qualier de pré minimaliste, Four Pieces, composée en 1963 comme pièce d’examen, montre un
langage hybride tentant de concilier des éléments de jazz avec cee approche répéve de la série, quelque chose, selon l’auteur, « entre
Reich, Bill Evans et l’opus 11 de Schönberg ». L’œuvre ne sera donnée qu’une fois avec le compositeur au piano qui, par sa parcipaon,
manifeste son aspiraon à la fusion du compositeur et de l’interprète.
Reich fait alors une rencontre cruciale : celle de Terry Riley avec qui il parcipe à la créaon de In C, en 1964, et pour laquelle il préco-
nise d’ailleurs de rajouter une pulsaon. Cee pièce ouverte comprenant 53 gures pouvant être jouées par n’importe quel nombre de
musiciens constue une approche radicalement nouvelle de la composion qui marque profondément Reich au point qu’il envisage de
composer dans ce style. Le minimalisme de La Monte Young, Riley et Glass séduit Reich car il apparaît alors comme une alternave autant
à la disconnuité et à la non-harmonie de la musique sérielle des années soixante qu’à l’indéterminisme de Cage. Il est aussi une réponse
au néoclassicisme et au néoromansme qu’il réprouve.
La musique de Reich connaît aussi une avancée décisive lorsqu’il fréquente le San Francisco Tape Music Center et adopte la bande magné-
que. À la diérence de l’avant-garde, qui ulise majoritairement les sons synthéques, Reich préfère les sons naturels de la musique
concrète qu’il a découverte à travers des pièces de Pierre Schaeer ou de Pierre Henry. Après s’être livré à des essais d’enregistrements
mis en boucle puis de superposion de ces boucles à elles-mêmes, sur le modèle des œuvres pour bande de Riley, Reich inaugure avec
It’s Gonna rain (1965) une nouvelle technique sur laquelle vont reposer ses composions jusqu’en 1971, celle du déphasage progressif.
Deux magnétophones parfaitement synchronisés jouent connûment à l’unisson le même fragment. Au bout d’un moment, Reich ralen-
t très progressivement une des deux boucles en appuyant sur une bobine, créant ainsi une désynchronisaon. Le déphasage génère de
nouveaux éléments rythmiques, mélodiques et mbriques « résultants » qui enrichissent considérablement l’écoute.
De retour à New York, il va ressenr rapidement la nécessité de sorr du champ restreint de la musique pour bande magnéque seule
et va appliquer le principe de phasage/déphasage à la musique instrumentale.
Cee évoluon vers le domaine instrumental correspond avec la fondaon en 1966 de son propre ensemble, Reich and Musicians,
avec lequel Reich va jouer sa propre musique. Four Organs (1970) témoigne de la volonté de Reich d’explorer la technique de
déphasage de façon non unidireconnelle. Pour Reich, qui prend alors ses distances avec les disposifs électroniques dont
la perfecon de l’exécuon est rigide et non musicale, « ce sont en fait les inmes variaons inigées à cee pulsaon par
des être humains en jouant des instruments et en chantant, qui donne vie à la musique ».
Bien qu’elle soit aussi fondée sur le principe de la répéon, la pensée musicale de Reich va s’éloigner de celle des
minimalistes dont elle ne partage pas, entre autres, l’absence de concepts solides. Ceux qui régissent la musique ins-
trumentale de Reich se caractérisent alors par un matériau mélodique tonal/modal limité à quelques notes jouées
sur un rythme simple reposant sur une pulsaon constante, un cycle de déphasage de ce matériau par rapport
à lui-même, une prédilecon pour les sonorités percussives et l’emploi de mêmes mbres. Reich nourrit sa ré-
exion dans une prospecve géographiquement large. Pour lui, « c’est la musique non-occidentale en général
et en parculier les musiques africaine, indonésienne et indienne qui fourniront de nouveaux modèles
structuraux aux musiciens occidentaux. Mais elles ne constueront pas de nouveaux modèles sonores ».
Convaincu de la nécessité d’apprendre à jouer ces musiques, il part étudier les percussions africaines
au Ghana pendant l’été 1971. L’expérience africaine conrme son intuion que les instruments acous-
ques peuvent être ulisés pour produire une musique authenquement plus riche en sonorités
que celle des instruments électroniques, de même qu’elle conrme son inclinaon naturelle pour
les instruments à percussion. Reich compose alors Drumming (1971), pour percussions, 2 voix
de femme, siements et piccolo. La simplicité des moyens de producon sonore de la mu-
sique africaine, comme les claquements de mains, inspirent sans doute la composion de
deux pièces rythmiques : Clapping Music (1972), pour 2 exécutants, qui se souvient aussi
de la musique de amenco, et Music for Pieces of Wood (1973), pour 5 paires de claves.
En 1973-74, Reich travaille également la technique des gamelans balinais à l’Université de l’Etat de Washington à Seale. L’in-
uence balinaise est déjà notable dans les sonorités chatoyantes des glockenspiels et des marimbas de Music for Mallet Instru-
ments, Voices, and Organ (1973). Music for Eighteen Musicians (1974-76), témoigne d’une évoluon du langage vers une plus
grande prise en compte de l’harmonie. La musique de Reich gagne progressivement en complexité. Un intérêt croissant pour
les grands eecfs culmine avec Music for a Large Ensemble (1978), tandis que les Variaons for Winds, Strings and Keyboards
(1979) laissent apparaître des lignes mélodiques plus longues. Le principe de variaon sera récurrent dans les années 2000 avec
You Are (2004), pour ensemble amplié et voix, Variaons for Vibes, Pianos, and Strings (2005) et les Daniel Variaons (2006).
Après être retourné au judaïsme en 1974, Reich étudie les formes tradionnelles de canllaon des écritures hébraïques (1976-
77) et compose Tehillim (1981), pour voix et ensemble, sur des psaumes bibliques. Le retour à la musique vocale se poursuit avec
The Desert Music, (1984), pour chœur amplié et orchestre.
City Life (1995), pour instruments et samplers, marque une évoluon dans l’ulisaon technologique : deux claviers jouent en
direct des fragments de paroles et des bruits urbains échanllonnés. Avec The Cave (1989-1993), conçu autour d’Abraham, père
des trois religions, et composé pour un ensemble instrumental accompagnant la projecon d’une vidéo réalisée par son épouse
Beryl Korot, Reich se lance dans la créaon mulmédia. Il poursuit dans cee voie avec son opéra vidéo Three Tales (2002) traitant
de la dominaon technologique du XXème siècle à travers trois épisodes : le crash du Zeppelin en 1937 (Hindenburg), les essais
nucléaires américains dans le Pacique de 1946 à 1952 (Bikini) et la brebis clone conçue en 1997 (Dolly).
L’Orchestre Symphonique Perpignan Méditerranée
L’Orchestre Symphonique Perpignan Méditerranée a été créé en 1983 et réalise depuis plus de 30 ans une mission de créaon et
de diusion en France et à l’étranger. Outre les reprises des répertoires tradionnels, il a défendu la jeune créaon sur le territoire
catalan de façon radicale. Cee phalange de 50 à 70 musiciens, interprète un large répertoire qui s’étend de la musique baroque à la
musique contemporaine. Réputé pour son haut niveau, l’orchestre accompagne régulièrement les plus grands solistes naonaux de
notre temps, comme Anne Queélec, Pierre Amoyal, Régis Pasquier, Laurent Korcia, Brigie Engerer, Wilhelmenia Fernandez, Julia
Migenes... et beaucoup d’autres arstes talentueux.
Récemment l’Orchestre Symphonique Perpignan Méditerranée a interprété des œuvres de John Adams et Steve Reich. Son implanta-
on perpignanaise l’implique aussi dans le monde du jazz, des musiques actuelles (notamment avec Cali) et des musiques tradion-
nelles (notamment avec les cobles catalanes). Cet ensemble réunit les meilleurs musiciens régionaux qui développent pour la plupart
une acvité pédagogique. Ce symphonique intègre aussi dans son plan de formaon des jeunes étudiants ayant obtenu leur diplôme
terminal au CRR Perpignan Méditerranée. C’est dans cee émulaon des jeunes au contact des plus âgés que perdure cee amme
parculière dans l’ensemble des programmes de concerts.Un orchestre symphonique sang et or.
Le Collegium Vocal
Fondé il y a quelques années au cours des précédents fesvals Aujourd’hui Musiques le Collegium Vocal du Conservatoire à Rayon-
nement Régional Perpignan Méditerranée s’est produit surtout dans le cadre de créaons ou de reprises d’œuvres du XXe siècle. Cet
ensemble vocal, constué d’une vingtaine de musiciens professionnels, ne se contente pas de s’adonner au répertoire du XXe siècle.
Dans le cadre d’interprétaons d’œuvres de la renaissance, il souligne les évidentes relaons entre le chant grégorien et la musique
contemporaine, ce, en restuant le contexte liturgique ou profane et musical, par lequel les œuvres ont été conçues. Le Collegium Vocal
cherche ainsi à replacer l’œuvre dans les condions qui ont présidé à son élaboraon et à sa réalisaon, tout en créant le lien indispen-
sable avec les hommes et les femmes d’aujourd’hui. Cee démarche s’appuie sur une recherche musicologique en collaboraon avec
plusieurs disciplines arsques théologiques ou historiques. Après son interprétaon du Llanto por Ignacio Sanchez Mejias de Maurice
Ohana, son travail autour des œuvres sacrées de Stravinsky suit cee droite ligne. L’ensemble des professionnels qui constuent le Col-
legium Vocal enseigne au Conservatoire à Rayonnement Régional Perpignan Méditerranée. C’est donc un facteur fabuleux d’unité d’un
corps enseignant au cœur de cee superbe structure pédagogique ouverte à tous.
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Daniel Tosi © Hervé Louvet
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l’Orchestre Symphonique © Hervé Louvet