en Épilepsie - John Libbey Eurotext

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Infirmier (e) (éducateur (trice),
conseiller(e) de santé)
en Épilepsie :
quelles fonctions pour
ce nouveau métier ?
Bernadette Couffignal
Unité médico-chirurgicale de l’Épilepsie, hôpital Gui de Chauliac Montpellier, France
<[email protected]>
La création de réseaux de soins ville-hôpital pour le suivi des
personnes atteintes d’épilepsie a montré la nécessité de mettre
en place une filière patient-médecin traitant-neurologue-centre
de référence régional en Épilepsie. Toutefois, pour que ces
filières fonctionnent de façon optimale, un maillon manque à
cette chaîne : l’infirmière. Cette infirmière aurait ainsi pour fonction la prise en charge du patient épileptique dans sa globalité
médico-sociale et psychologique. Au sein du réseau, elle assurerait plusieurs rôles : conseils de santé, éducation du patient
et/ou de son entourage, liens avec les différents professionnels
du réseau, formations des personnels paramédicaux, information du grand public… Ces différentes fonctions impliquent
des qualités d’écoute et de communication, des connaissances
solides en Épileptologie, des connaissances en santé publique
ainsi qu’un sens de l’organisation. Cet article présente tous les
aspects de ce nouveau métier, les formations envisageables
pour accéder à ces postes et insiste sur la nécessité d’obtenir
une reconnaissance officielle.
La profession d’infirmière évoque immanquablement la figure
de Janus (figure 1) : une face tournée vers le patient, l’autre vers
le médecin. Pour cette nouvelle entité à créer d’infirmière en
Épilepsie, la mythologie ne nous sera d’aucun secours : il lui
faudrait plus de deux têtes tant seront nombreux ses terrains
d’action. Elle aurait pour fonction la prise en charge du patient
épileptique dans sa globalité médico-sociale et psychologique.
Au sein d’un réseau de soins en épileptologie, elle assurerait
plusieurs rôles ce qui implique des connaissances solides en
épileptologie et en santé publique. Dans cet article, nous aborderons les différents aspects de ce nouveau métier et comment
obtenir une reconnaissance officielle.
tionnement sur le plan médical, des discussions de patients, des
échanges cliniques et des séances de formation pour les médecins. Mais il manque l’étape suivante, médico-sociale et de
réinsertion qui doit faire appel aux compétences des travailleurs
sociaux, des assistantes sociales, des psychologues, des éducateurs… De plus, selon les projets en cours ou les expériences
en place et pour un fonctionnement optimal de ces réseaux,
une infirmière référente s’avère indispensable en permettant de
servir de lien entre les différents professionnels du réseau ; et
aussi aider les patients à accéder aux différents membres de ce
réseau (hôpital, médecins, assistante sociale, psychologue…) :
pour les patients, elle serait la référente et en même temps, elle
serait le « trait d’union » entre tous les intervenants du réseau.
L’action ici ne se déroule plus en unité de soins, mais autour
du lieu de vie des patients. Il ne s’agit pas de malades à
Figure 1. Le dieu Janus : une face tournée vers le patient,
l’autre vers le médecin.
Quelles fonctions pour
ce nouveau métier ?
Dans plusieurs régions françaises, des réseaux de soins autour
de l’épilepsie se sont constitués avec pour certains un bon fonc207
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l’hôpital mais de personnes vivant le plus normalement possible
avec une pathologie chronique. La mission de l’infirmière en
Épilepsie sera d’accompagner ces personnes dans leur univers
familial et socio-professionnel. La deuxième fonction est donc
la « prise en charge du patient dans son univers familial et socioprofessionnel ».
Enfin et surtouts, la mission essentielle portera sur l’aspect
psychologique qui consistera à faire accepter la maladie au
patient et à son entourage en lui (leur) apprenant à vivre normalement avec elle.
Quel rôle et quelles qualités ?
Le rôle d’une infirmière référente en épilepsie est très bien
décrit dans le projet du réseau de soin « Épilepsie-Bretagne »
(http://www.neurobretagne.org ; en voici les grandes lignes).
– Il s’agit d’abord de conseils de santé : conseiller le patient,
l’entourage familial, professionnel ou scolaire sur des
questions d’ordre médical, thérapeutiques, sur les règles
hygiéno-diététiques à observer. Ceci peut se faire dans
l’urgence par téléphone ou lors d’entretiens.
– Éducation : il s’agit de mettre en place des séances
d’éducation à la santé individuelles ou collectives et
d’élaborer des plaquettes d’information dans ce sens.
– Liens et concertation avec les différents professionnels
du réseau : c’est un travail en pluridisciplinarité ; les informations doivent circuler dans tous les sens.
– Mises en place de formations à l’épilepsie pour les
établissements médico-sociaux et pour le personnel de
l’éducation nationale (professeurs, médecins et infirmières scolaires…)
– Liens avec les associations de patients.
On voit ainsi que les deux faces de Janus sont insuffisantes.
Pour jouer ces multiples rôles de conseiller, et d’éducateur de
santé, des qualités sont nécessaires :
– il faut savoir écouter et comprendre les patients et les
familles ;
– inspirer confiance ;
– avoir de la rigueur, un bon sens de la communication et
de l’organisation ;
– avoir des connaissances en santé publique ;
– avoir des connaissances solides en épileptologie ;
– et être capable « d’endosser plusieurs casquettes ».
Ces infirmières spécifiques existent-elles hors
de nos frontières et quel est l’état actuel
de la situation en France ?
Nous avons trouvé des métiers équivalents au Canada et au
Royaume-Uni. Ce sont les infirmières praticiennes : « infirmières plus » qui sont spécialisées en épilepsie et qui ont de
plus un rôle de prescripteur (rôle délégué). Il existe au total
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90 spécialités au Royaume-Uni ; ceci est en partie lié aux
difficultés d’accéder aux soins dans ce pays.
En France, seulement trois spécialités sont reconnues depuis
1991 : puéricultrice, infirmière de bloc opératoire et infirmière
anesthésiste.
Notre formation de base d’infirmière autorise la fonction d’éducateur de santé : cela fait partie de notre rôle propre dans le décret
de compétences. Les formations spécifiques pour une discipline
particulière se font sur la base de l’adaptation à l’emploi.
En ce qui concerne l’épilepsie, les infirmières des services de
soins en neurologies ne reçoivent pas d’enseignement particulier sur cette pathologie (sauf si des cours sont organisés dans le
service). Par le biais des formations permanentes, elles peuvent
avoir accès à des formations ciblées. Mais les budgets sont
restreints, l’accès en nombre d’agents et en temps octroyé par an
et par agent est très limité ne permettant pas des acquis suffisants.
Le congrès national de l’association française des infirmières en
neurologie (AIN) a pour thème en 2006 « Les épilepsies », mais
il s’agit ici d’un événement ponctuel. Les personnels des laboratoires d’EEG peuvent recevoir un enseignement théorique qui
est effectué à l’hôpital Val-de-Grâce à Paris sous la forme d’un
certificat. Cet enseignement aborde l’épilepsie sur le plan électroencéphalographique. La Ligue française contre l’Épilepsie
participe à l’enseignement des personnels paramédicaux sous la
forme de séminaires : « Epiformation ». Les journées françaises
de l’Épilepsie accueillent chaque année une session où des
infirmières et techniciens EEG présentent leurs travaux. Mais
il n’existe aucune reconnaissance nationale de ces formations et
aucune n’est « diplômante ».
Comment assurer une formation optimale
d’infirmière en épilepsie ?
Pour assurer correctement les différentes fonctions de ce
nouveau métier, il faut obtenir une compétence en épilepsie.
Cette compétence doit être reconnue et ceci passe donc par le
biais de diplômes. Au sortir des instituts de formation en soins
infirmiers, les connaissances sont nettement insuffisantes : une
à trois heures (maximum !) sont consacrées à l’épilepsie dans
un cursus de 3 ans. Souvent les infirmières diplômées ne savent
pas qu’il existe plusieurs types de crises d’épilepsie. Ce savoir
ne peut être acquis qu’après une formation théorique solide et
une expérience professionnelle pratique dans un service qui a
une spécialisation en Épileptologie. L’idéal est ainsi d’avoir
un personnel qualifié avec des diplômes reconnus sur le plan
national. Nous avons essayé de lister quelles sont les formations
existantes qui pourraient être utiles à l’exercice de la profession
d’infirmière en épilepsie.
1. Diplôme interuniversitaire d’épileptologie. Il s’agit
d’un enseignement complet en matière d’épileptologie
qui se déroule sur 2 ans. Il y a un enseignement théorique
et des stages pratiques à valider. Les infirmières peuvent
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accéder à ce diplôme après accord du conseil pédagogique.
L’apprentissage de l’EEG occupe une partie importante de
l’enseignement. Toutefois cet enseignement EEG de haut
niveau n’est peut-être pas indispensable pour l’infirmière
en épilepsie.
Les sessions d’épiformation sont une alternative intéressante. Elles abordent la pathologie épileptique dans ses dimensions médicales mais aussi sociales et psychologiques.
Ces sessions ne donnent pas lieu à un diplôme. Elles
restent cependant une bonne base pour l’apprentissage de
l’épilepsie.
Le diplôme universitaire d’éducation à la santé. Ce
diplôme enseigne l’éthique, la déontologie, la moralité. Il
n’est pas spécifiquement dédié à l’épilepsie.
Formation hospitalière d’éducation à la santé. Il s’agit
d’une formation plus courte, non diplômante, spécifique à
chaque CHU.
Formation d’infirmière clinicienne. En Suisse, en
Allemagne et au Canada, il existe une formation univer-
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sitaire sur 2 ans avec la possibilité de spécialisation dans
une pathologie. L’infirmier clinicien conçoit des projets de
soins et d’enseignement pour des patients ; il est le réfèrent
d’une équipe soignante. En France, le terme d’infirmier
clinicien correspond à une sorte de reconnaissance
d’expertise sans diplôme et sans formation universitaire.
En conclusion, le projet d’infirmier éducateur, conseiller de
santé en Épilepsie n’est pas une utopie. Il constitue un réel
besoin du fait de la fréquence de cette maladie et des difficultés
que présentent les patients dans leur vie de tous les jours. Ce
nouveau métier est un enjeu pour les différents réseaux de soins
en épilepsie. Il appartient à chaque réseau de choisir la ou les
formations les plus performantes pour en permettre la création.
Il faut certainement privilégier les formations universitaires
pour aller dans le sens des nouvelles dispositions ministérielles. On pourrait également imaginer des passerelles au sein
des diplômes interuniversitaires et universitaires dans le but de
créer une vraie profession diplômante.
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