JFE 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Infirmier (e) (éducateur (trice), conseiller(e) de santé) en Épilepsie : quelles fonctions pour ce nouveau métier ? Bernadette Couffignal Unité médico-chirurgicale de l’Épilepsie, hôpital Gui de Chauliac Montpellier, France <[email protected]> La création de réseaux de soins ville-hôpital pour le suivi des personnes atteintes d’épilepsie a montré la nécessité de mettre en place une filière patient-médecin traitant-neurologue-centre de référence régional en Épilepsie. Toutefois, pour que ces filières fonctionnent de façon optimale, un maillon manque à cette chaîne : l’infirmière. Cette infirmière aurait ainsi pour fonction la prise en charge du patient épileptique dans sa globalité médico-sociale et psychologique. Au sein du réseau, elle assurerait plusieurs rôles : conseils de santé, éducation du patient et/ou de son entourage, liens avec les différents professionnels du réseau, formations des personnels paramédicaux, information du grand public… Ces différentes fonctions impliquent des qualités d’écoute et de communication, des connaissances solides en Épileptologie, des connaissances en santé publique ainsi qu’un sens de l’organisation. Cet article présente tous les aspects de ce nouveau métier, les formations envisageables pour accéder à ces postes et insiste sur la nécessité d’obtenir une reconnaissance officielle. La profession d’infirmière évoque immanquablement la figure de Janus (figure 1) : une face tournée vers le patient, l’autre vers le médecin. Pour cette nouvelle entité à créer d’infirmière en Épilepsie, la mythologie ne nous sera d’aucun secours : il lui faudrait plus de deux têtes tant seront nombreux ses terrains d’action. Elle aurait pour fonction la prise en charge du patient épileptique dans sa globalité médico-sociale et psychologique. Au sein d’un réseau de soins en épileptologie, elle assurerait plusieurs rôles ce qui implique des connaissances solides en épileptologie et en santé publique. Dans cet article, nous aborderons les différents aspects de ce nouveau métier et comment obtenir une reconnaissance officielle. tionnement sur le plan médical, des discussions de patients, des échanges cliniques et des séances de formation pour les médecins. Mais il manque l’étape suivante, médico-sociale et de réinsertion qui doit faire appel aux compétences des travailleurs sociaux, des assistantes sociales, des psychologues, des éducateurs… De plus, selon les projets en cours ou les expériences en place et pour un fonctionnement optimal de ces réseaux, une infirmière référente s’avère indispensable en permettant de servir de lien entre les différents professionnels du réseau ; et aussi aider les patients à accéder aux différents membres de ce réseau (hôpital, médecins, assistante sociale, psychologue…) : pour les patients, elle serait la référente et en même temps, elle serait le « trait d’union » entre tous les intervenants du réseau. L’action ici ne se déroule plus en unité de soins, mais autour du lieu de vie des patients. Il ne s’agit pas de malades à Figure 1. Le dieu Janus : une face tournée vers le patient, l’autre vers le médecin. Quelles fonctions pour ce nouveau métier ? Dans plusieurs régions françaises, des réseaux de soins autour de l’épilepsie se sont constitués avec pour certains un bon fonc207 jleepi00150_cor7.indd 207 Épilepsies vol. 18, n° 4 octobre, novembre, décembre 2006 1/24/2007 10:34:48 AM JFE 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. l’hôpital mais de personnes vivant le plus normalement possible avec une pathologie chronique. La mission de l’infirmière en Épilepsie sera d’accompagner ces personnes dans leur univers familial et socio-professionnel. La deuxième fonction est donc la « prise en charge du patient dans son univers familial et socioprofessionnel ». Enfin et surtouts, la mission essentielle portera sur l’aspect psychologique qui consistera à faire accepter la maladie au patient et à son entourage en lui (leur) apprenant à vivre normalement avec elle. Quel rôle et quelles qualités ? Le rôle d’une infirmière référente en épilepsie est très bien décrit dans le projet du réseau de soin « Épilepsie-Bretagne » (http://www.neurobretagne.org ; en voici les grandes lignes). – Il s’agit d’abord de conseils de santé : conseiller le patient, l’entourage familial, professionnel ou scolaire sur des questions d’ordre médical, thérapeutiques, sur les règles hygiéno-diététiques à observer. Ceci peut se faire dans l’urgence par téléphone ou lors d’entretiens. – Éducation : il s’agit de mettre en place des séances d’éducation à la santé individuelles ou collectives et d’élaborer des plaquettes d’information dans ce sens. – Liens et concertation avec les différents professionnels du réseau : c’est un travail en pluridisciplinarité ; les informations doivent circuler dans tous les sens. – Mises en place de formations à l’épilepsie pour les établissements médico-sociaux et pour le personnel de l’éducation nationale (professeurs, médecins et infirmières scolaires…) – Liens avec les associations de patients. On voit ainsi que les deux faces de Janus sont insuffisantes. Pour jouer ces multiples rôles de conseiller, et d’éducateur de santé, des qualités sont nécessaires : – il faut savoir écouter et comprendre les patients et les familles ; – inspirer confiance ; – avoir de la rigueur, un bon sens de la communication et de l’organisation ; – avoir des connaissances en santé publique ; – avoir des connaissances solides en épileptologie ; – et être capable « d’endosser plusieurs casquettes ». Ces infirmières spécifiques existent-elles hors de nos frontières et quel est l’état actuel de la situation en France ? Nous avons trouvé des métiers équivalents au Canada et au Royaume-Uni. Ce sont les infirmières praticiennes : « infirmières plus » qui sont spécialisées en épilepsie et qui ont de plus un rôle de prescripteur (rôle délégué). Il existe au total Épilepsies vol. 18, n° 4 octobre, novembre, décembre 2006 jleepi00150_cor7.indd 208 90 spécialités au Royaume-Uni ; ceci est en partie lié aux difficultés d’accéder aux soins dans ce pays. En France, seulement trois spécialités sont reconnues depuis 1991 : puéricultrice, infirmière de bloc opératoire et infirmière anesthésiste. Notre formation de base d’infirmière autorise la fonction d’éducateur de santé : cela fait partie de notre rôle propre dans le décret de compétences. Les formations spécifiques pour une discipline particulière se font sur la base de l’adaptation à l’emploi. En ce qui concerne l’épilepsie, les infirmières des services de soins en neurologies ne reçoivent pas d’enseignement particulier sur cette pathologie (sauf si des cours sont organisés dans le service). Par le biais des formations permanentes, elles peuvent avoir accès à des formations ciblées. Mais les budgets sont restreints, l’accès en nombre d’agents et en temps octroyé par an et par agent est très limité ne permettant pas des acquis suffisants. Le congrès national de l’association française des infirmières en neurologie (AIN) a pour thème en 2006 « Les épilepsies », mais il s’agit ici d’un événement ponctuel. Les personnels des laboratoires d’EEG peuvent recevoir un enseignement théorique qui est effectué à l’hôpital Val-de-Grâce à Paris sous la forme d’un certificat. Cet enseignement aborde l’épilepsie sur le plan électroencéphalographique. La Ligue française contre l’Épilepsie participe à l’enseignement des personnels paramédicaux sous la forme de séminaires : « Epiformation ». Les journées françaises de l’Épilepsie accueillent chaque année une session où des infirmières et techniciens EEG présentent leurs travaux. Mais il n’existe aucune reconnaissance nationale de ces formations et aucune n’est « diplômante ». Comment assurer une formation optimale d’infirmière en épilepsie ? Pour assurer correctement les différentes fonctions de ce nouveau métier, il faut obtenir une compétence en épilepsie. Cette compétence doit être reconnue et ceci passe donc par le biais de diplômes. Au sortir des instituts de formation en soins infirmiers, les connaissances sont nettement insuffisantes : une à trois heures (maximum !) sont consacrées à l’épilepsie dans un cursus de 3 ans. Souvent les infirmières diplômées ne savent pas qu’il existe plusieurs types de crises d’épilepsie. Ce savoir ne peut être acquis qu’après une formation théorique solide et une expérience professionnelle pratique dans un service qui a une spécialisation en Épileptologie. L’idéal est ainsi d’avoir un personnel qualifié avec des diplômes reconnus sur le plan national. Nous avons essayé de lister quelles sont les formations existantes qui pourraient être utiles à l’exercice de la profession d’infirmière en épilepsie. 1. Diplôme interuniversitaire d’épileptologie. Il s’agit d’un enseignement complet en matière d’épileptologie qui se déroule sur 2 ans. Il y a un enseignement théorique et des stages pratiques à valider. Les infirmières peuvent 208 1/24/2007 10:34:48 AM JFE 2006 2. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. 3. 4. 5. accéder à ce diplôme après accord du conseil pédagogique. L’apprentissage de l’EEG occupe une partie importante de l’enseignement. Toutefois cet enseignement EEG de haut niveau n’est peut-être pas indispensable pour l’infirmière en épilepsie. Les sessions d’épiformation sont une alternative intéressante. Elles abordent la pathologie épileptique dans ses dimensions médicales mais aussi sociales et psychologiques. Ces sessions ne donnent pas lieu à un diplôme. Elles restent cependant une bonne base pour l’apprentissage de l’épilepsie. Le diplôme universitaire d’éducation à la santé. Ce diplôme enseigne l’éthique, la déontologie, la moralité. Il n’est pas spécifiquement dédié à l’épilepsie. Formation hospitalière d’éducation à la santé. Il s’agit d’une formation plus courte, non diplômante, spécifique à chaque CHU. Formation d’infirmière clinicienne. En Suisse, en Allemagne et au Canada, il existe une formation univer- 209 jleepi00150_cor7.indd 209 sitaire sur 2 ans avec la possibilité de spécialisation dans une pathologie. L’infirmier clinicien conçoit des projets de soins et d’enseignement pour des patients ; il est le réfèrent d’une équipe soignante. En France, le terme d’infirmier clinicien correspond à une sorte de reconnaissance d’expertise sans diplôme et sans formation universitaire. En conclusion, le projet d’infirmier éducateur, conseiller de santé en Épilepsie n’est pas une utopie. Il constitue un réel besoin du fait de la fréquence de cette maladie et des difficultés que présentent les patients dans leur vie de tous les jours. Ce nouveau métier est un enjeu pour les différents réseaux de soins en épilepsie. Il appartient à chaque réseau de choisir la ou les formations les plus performantes pour en permettre la création. Il faut certainement privilégier les formations universitaires pour aller dans le sens des nouvelles dispositions ministérielles. On pourrait également imaginer des passerelles au sein des diplômes interuniversitaires et universitaires dans le but de créer une vraie profession diplômante. Épilepsies vol. 18, n° 4 octobre, novembre, décembre 2006 1/24/2007 10:34:48 AM