Données nouvelles D onnées nouvelles La radiofréquence ablative en cancérologie pulmonaire Radiofrequency ablation in lung cancer IP F. Saint-Georges*, E. Dansin**, P. Mulliez* RÉSUmÉ La radiofréquence ablative (RFA) est une technique peu invasive de destruction tissulaire dont le principe repose sur l’émission d’un courant alternatif par une électrode. C’est une technique semi-récente dont les utilisations se diversifient, notamment en cancérologie. La RFA est actuellement présentée comme l’alternative à la chirurgie thoracique pour certains patients atteints de carcinomes bronchiques non opérables. Le taux de complications reste inférieur à 10 % et rejoint le taux de complications des techniques d’investigation scanographique. L’efficacité ainsi que les éventuelles complications sont évaluées et diagnostiquées par le suivi radiologique. L’indication de RFA doit être posée avec soin chez des patients sélectionnés en fonction de critères stricts pour optimiser les résultats et diminuer les taux de complications. Les résultats de la RFA sont plutôt intéressants et peuvent soutenir la comparaison avec ceux des autres traitements à disposition pour le même profil de patients. mots-clés : Radiofréquence - Cancer bronchique - Complications. Summary. RadioFrequency Ablation (RFA) is a mimimal invasive procedure delivering high frequency energy into tumor. RFA can achieve tumoral control by thermal destruction. Electrodes are designed to deliver a pattern of heat throughout the lesion. Indications for this relatively recent technique are extending in cancerology. RFA represents an alternative therapeutic option with thoracic surgery in non operable patients with bronchial carcinoma. Complications rates remain inferior to 10 % close to interventional chest radiology. Imaging follow-up is useful to evaluate efficacy and safety. RFA results are interesting and could be advantageously compare with other adapted treatments for identical patients characteristics. Keywords: Radiofrequency - Lung cancer - Complications. L a radiofréquence ablative (RFA), ou thermo-ablation par radiofréquence, est une technique peu invasive de destruction tissulaire (1). Son principe repose sur l’émission d’un courant alternatif par une électrode. Celui-ci entraîne un échauffement des tissus et une nécrose tissulaire par dénaturation protéique (2). Le principe de l’ablation a été découvert fortuitement * Service de pneumologie, Centre hospitalier Saint-Philibert, Lomme (59). ** Département de cancérologie générale, centre Oscar-Lambret, Lille. 194 à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière en 1977, comme complication d’une exploration électrophysiologique chez un homme de 47 ans (3). Des années plus tard, les techniques de fulguration thérapeutique, puis la radiofréquence ont été mises au point et développées en pratique courante, permettant d’améliorer la prise en charge des patients présentant des arythmies cardiaques (3). Plus récemment, la RFA a été utilisée pour le traitement des tumeurs malignes solides de petite taille chez des patients non candidats à la chirurgie. Cette RFA des cancers se développe surtout pour les cancers primitifs ou secondaires du foie, du poumon, du sein, des surrénales, de la sphère urinaire et de l’os (4). DÉFINITION - PRINCIPE Les premiers essais cliniques de RFA effectués chez des patients atteints de carcinomes thoraciques ou extrathoraciques datent de 2000 (5). Il s’agit d’exposer les cellules tumorales à une température supérieure à 60 degrés, qui, par désactivation enzymatique, provoque une dénaturation protéique cellulaire rapide et irréversible (6, 7). Le diamètre de la nécrose équivaut au produit de l’énergie déposée et des interactions tissulaires, moins la perte de chaleur. Les dimensions de la nécrose sont proportionnelles au diamètre de l’électrode, à la durée de l’application de la RFA, à la température atteinte, à l’énergie utilisée, et dépendent de la composition des tissus environnants (7). Par son absence de spécificité, la RFA détruit tous les tissus (tumoraux ou non) de la même manière (6). Le diamètre maximal de destruction tissulaire est de 1 à 1,5 cm quand on utilise une simple aiguille-électrode. À l’ère de l’imagerie et de ses reconstructions en trois dimensions, il serait préférable de parler de “volume” de destruction ou de nécrose plutôt que de “diamètre”. Ces aspects tridimensionnels sont actuellement peu documentés dans la littérature. La plupart des tumeurs étant généralement de plus gros diamètre, on peut utiliser, pour améliorer les dimensions de destruction tumorale, une aiguille contenant plusieurs électrodes secondairement déployées dans la tumeur cible (6). D’autres auteurs proposent d’utiliser des électrodes plus grosses, d’augmenter l’énergie déposée et d’associer des perfusions de solution saline iso- ou hypertonique d’éthanol ou d’acide acétique concentré (7). La RFA effectuée dans le parenchyme pulmonaire n’a pas les mêmes caractéristiques que celle réalisée dans le parenchyme hépatique, en raison de l’architecture du tissu pulmonaire : les sacs alvéolaires remplis d’air et l’arbre bronchovasculaire pourraient apparaître comme un obstacle à cette technique. La présence La Lettre du Pneumologue - Vol. X - n° 6 - novembre-décembre 2007 d’air en grande quantité modifie la distribution du courant de radiofréquence. Les échanges gazeux ainsi que les mouvements de flux qui l’accompagnent sont autant de pertes potentielles de chaleur. Cependant, l’inertie thermique de l’air est beaucoup plus faible que celle des liquides ou des solides, et l’augmentation de la température pendant la RFA sera plus rapide dans le tissu pulmonaire rempli d’air que dans un autre environnement. Les sacs alvéolaires péritumoraux chauffent plus vite que la tumeur, créant un gradient thermique et jouant le rôle d’un écran limitant la diffusion de la chaleur autour de la tumeur. Ces conditions expliquent que la puissance du courant et l’énergie délivrée sont moindres dans le poumon que dans d’autres organes (8, 9). Cette concentration d’énergie délivrée au centre de la tumeur permet de traiter celle-ci sans crainte d’une lésion du parenchyme pulmonaire adjacent (10). En revanche, pour les tumeurs en large contact avec la plèvre, du fait de la diminution de l’environnement gazeux, les conditions de traitement s’apparentent davantage à celles d’une tumeur hépatique (8). Certains auteurs (8, 11) proposent une liste de conditions à remplir avant d’effectuer une RFA : – retenir les patients répondant aux trois options thérapeutiques que propose la RFA (traitements curatif, symptomatique ou palliatif) ; – récuser les patients porteurs de pacemaker ; – récuser les patients porteurs de tumeurs proches de structures critiques (situées à moins de 1 cm du hile ou proches de la trachée) ; – assurer un “chemin” sécurisé pour accéder à la tumeur ; – vérifier l’absence de contre-indications d’ordre général (physiologique et/ou thérapeutique : traitement antiplaquettaire ou antivitaminique en cours) et respiratoires (par la réalisation systématique d’une exploration fonctionnelle respiratoire) ; – effectuer la RFA après obtention de la preuve anatomopathologique, après information éclairée, sous anesthésie générale, et après étude scanographique en trois dimensions ; – effectuer un suivi en direct par tomodensitométrie ou juste après le geste par IRM thoracique ; – vérifier après la RFA l’absence de complications immédiates (quelques coupes de scanner thoracique ou radiographie thoracique à H1, H4 et J1). plèvre. Pour diminuer le risque de complications (hémorragies alvéolaires et/ou pneumothorax), le trajet de ponction choisi pour le placement intratumoral de l’aiguille-électrode évitera au maximum les scissures et traversera le moins de parenchyme pulmonaire possible. Chez les patients déjà opérés d’une lésion préalable, il est possible de traiter plusieurs lésions par RFA lors d’une même séance : du fait de la symphyse postchirurgicale, le risque de pneumothorax est plus faible. Sur poumon unique, la radiofréquence ablative reste possible, mais, bien évidemment, les conséquences d’une complication respiratoire peuvent être dans ce cas dramatiques. Une fois l’aiguille-électrode mise en place au sein de la lésion à traiter, les électrodes sont déployées du centre de la tumeur vers la périphérie. Les électrodes peuvent être déployées au-delà des limites de la lésion pour obtenir un volume de destruction supérieur au volume tumoral et assurer ainsi des marges de sécurité. À ce jour, deux fabricants dominent le marché de la RFA : Rita Medical Systems et Boston Scientific. Les aiguilles-électrodes de Boston Scientific mesurent 15 cm de long ; le calibre est de 14 G, soit environ 2 mm, et le diamètre des électrodes déployées (diamètre baleine) varie entre 3-3,5 cm et 4 cm (électrodes LeVeen CoAccess®). L’aiguille-électrode en place et déployée est ensuite reliée au générateur électrique, qui va Données nouvelles D onnées nouvelles Photo 1. Générateur RF 3000® de Boston Scientific. Au premier plan : aiguille-électrode déployée. TECHNIQUE La destruction thermique tumorale se fait par le biais d’un courant sinusoïdal de 400 à 500 Hz transmis à la lésion par le biais d’une aiguille-électrode. Cette gamme de fréquences est également utilisée en radionavigation ou en radio amateur ; on retrouve le même type d’onde dans les fours à micro-ondes ou dans les téléphones cellulaires, mais à des fréquences différentes (300 MHz à 3 GHz). L’aiguille-électrode est placée au sein de la tumeur sous imagerie. Pour les lésions pulmonaires, on emploie principalement un guidage sous scanner avec visualisation en temps réel de la position de l’aiguille et de la tumeur. La ponction, à l’instar des biopsies transpariétales effectuées à visée diagnostique, doit être perpendiculaire à la La Lettre du Pneumologue - Vol. X - n° 6 - novembre-décembre 2007 a. Aiguille repliée. b. Aiguille déployée (diamètre 3,5 cm). Photo 2. Modèle d’aiguille-électrode LeVeen CoAccess® de Boston Scientific. 195 Données nouvelles D onnées nouvelles produire le courant sinusoïdal de 400 à 500 Hz (photos 1 et 2). Le contrôle du processus de RFA est obtenu soit par suivi de la température de la zone traitée (dans ce cas, les thermocouples incorporés dans l’extrémité des électrodes permettent un contrôle continu de la température tissulaire), soit par la mesure du niveau d’impédance, c’est-à-dire de résistance à la conductivité. Lorsque le courant est transmis dans la lésion tumorale, la zone d’ablation commence au niveau des extrémités des électrodes. Cette zone d’ablation progresse ensuite de l’extérieur vers le centre de la tumeur. Pendant les phénomènes de nécrose tumorale, la conductivité des tissus se modifie et augmente progressivement jusqu’à l’obtention du niveau maximal. À ce stade, la nécrose est obtenue, l’impédance, exprimée en ohms, atteint alors son maximum et le courant ne passe plus dans les tissus. Le générateur de radiofréquence Boston Scientific indique l’impédance spontanée de la lésion, puis sa progression au décours de l’augmentation de température locale et de l’apparition de la nécrose thermo-induite. À l’impédance maximale, le courant n’est plus délivré par le générateur (photo 3). a. Mise en place de l’aiguille-électrode au sein de la lésion tumorale. b. Déploiement de l’aiguille-électrode (recherche de marges de sécurité par déploiement exotumoral des électrodes). b’. Coupe scanner d’une aiguille-électrode déployée dans un carcinome bronchique. c. Processus de RFA (destruction thermique centripète progressive). d. Zone de nécrose thermo-induite par la RFA. e. Indicateur d’impédance (ohms) ; l’impédance maximale témoigne de l’obtention d’une nécrose tissulaire. paliers jusqu’à obtention de l’impédance maximale en respectant les algorithmes de traitement par augmentation progressive de puissance délivrée à la lésion, varie de 15 à 30 minutes (6, 12). Les algorithmes de traitement tiennent compte de la localisation de la tumeur vis-à-vis de la plèvre et vis-à-vis de la taille des électrodes déployées (diamètre baleine). L’ensemble de la procédure (avec le positionnement du patient, le placement de l’aiguille-électrode dans la lésion sous contrôle scanographique, le temps de RFA jusqu’à l’impédance maximale) peut prendre entre 1 et 2 heures. INDICATIONS Après ses résultats satisfaisants dans les tumeurs hépatiques, la RFA s’est développée dans le cadre des carcinomes bronchiques ou des métastases pulmonaires de certains carcinomes extrathoraciques (principalement sarcomes et cancers urodigestifs). En raison de leurs comorbidités, de leur état général et/ou de leur âge, seul un tiers des patients sera candidat à la chirurgie curatrice pour un cancer de stade précoce (9). Comparativement à la chimiothérapie et à la radiothérapie, non dénuées d’effets néfastes, la RFA paraît intéressante. Elle peut être réalisée dans plusieurs situations (7, 9, 13) : soit dans le cadre du traitement curatif d’un carcinome pulmonaire non à petites cellules de stade précoce chez un patient récusé chirurgicalement, soit dans le but palliatif d’obtenir une réduction tumorale en cas de manifestation clinique douloureuse, hémorragique ou dyspnéique dépendant de la localisation. P.N. Chhajed (14) propose ce traitement dans la prise en charge des métastases pulmonaires multiples et/ou bilatérales des tumeurs solides principalement d’origine colique ou sarcomateuse. Lorsque la chirurgie est possible, les résections même itératives offrent de bonnes chances de survie (2) ; il en serait de même pour la RFA si le patient n’était plus candidat à une chirurgie d’exérèse. Si les localisations métastatiques intraparenchymateuses pulmonaires sont bilatérales, il est recommandé de traiter un seul coté à la fois (6). Une sélection minutieuse et discriminante des patients est primordiale pour optimiser la RFA et diminuer le taux de complications. D’après la littérature (1, 9, 14), la taille tumorale est l’élément majeur discriminant pour espérer obtenir une nécrose complète. Pour L.J. Herrera et al. (15), cette taille limite est de 5 cm. Il est bien établi, actuellement, que la taille de 3 cm est hautement prédictive de l’obtention d’une nécrose complète (6, 9) et de l’efficacité du geste. Photo 3. Les différentes étapes de la RFA. COmPLICATIONS La procédure de RFA s’effectue en salle de scanner, de préférence sous anesthésie générale. Une plaque de dispersion du courant doit être posée sur un membre du patient pour faire office d’électrode de retour et éviter ainsi les brûlures. La durée d’une séance de RFA, c’est-à-dire la montée du courant par 196 Si la taille de la tumeur est un élément déterminant pour l’obtention d’une nécrose complète, la localisation du ou des nodules à traiter est également importante et prédictive de complications éventuelles. On distingue les complications majeures, qui nécessitent une hospitalisation ou une La Lettre du Pneumologue - Vol. X - n° 6 - novembre-décembre 2007 prolongation de l’hospitalisation prévue, et les complications mineures, qui n’entraînent pas d’hospitalisation prolongée et peuvent être gérées en externe (16). Les complications sévères comprennent le pneumothorax complet, l’hémothorax, l’hémorragie intraparenchymateuse et l’hémoptysie massive ; elles sont plus fréquentes chez le sujet âgé (4). Selon les auteurs, le pourcentage de ces complications majeures varie entre 10 et 34 % (6, 9, 16). Si le pneumothorax iatrogène est rencontré dans 40 à 54 % des cas, un drainage pleural est nécessaire dans seulement 10 à 20 % des cas (1, 6, 9). Une localisation tumorale centrale, et a fortiori proche du hile pulmonaire, ainsi qu’un long trajet intraparenchymateux des électrodes exposent à un risque accru de pneumothorax et d’hémorragie pulmonaire par rapport aux nodules périphériques (1, 6, 17). Cependant, ce risque dû à la localisation intraparenchymateuse de la tumeur est superposable aux complications rencontrées au cours des ponctions transthoraciques (4). Après positionnement de l’électrode, les atteintes péricardiques et œsophagiennes ainsi que les fistules bronchopleurales sont potentiellement graves mais restent exceptionnelles (1, 7). Un paramètre tel que le VEMS est aussi à prendre en compte dans la tolérance de la RFA : les équipes n’ont pas rencontré de complications respiratoires à type d’insuffisance respiratoire aiguë transitoire quand le VEMS était supérieur à 1 l/sec (6, 18), mais le taux de ces complications pouvait atteindre 33 % quand le VEMS était inférieur à 1 l/sec (5, 6, 9). Les complications majeures infectieuses abcédées et/ou à germes multirésistants sont également très peu fréquentes, mais leur tableau clinique est toujours inquiétant car survenant le plus souvent chez des patients fragilisés et immunodéprimés (19). Enfin, un risque potentiellement grave a été évoqué par deux équipes, belge et nord-américaine : l’embolie gazeuse systémique et cérébrale (11, 20). Au cours des RFA pour tumeurs hépatiques, un nuage échogénique temporaire a été observé, révélant des microbulles qui s’échappaient dans le système vasculaire. L’équipe de Rose (20) a effectué un monitorage des artères carotidiennes pour chaque RFA pulmonaire pendant une minute, avant et après obtention du niveau d’impédance maximale : entre 2 et 50 microembolismes ont été enregistrés mais sans conséquences cliniques ni scanographiques. Si le risque de présenter un accident vasculaire cérébral embolique est pour l’instant théorique, les auteurs estiment que le patient doit en être informé (11). En dehors de ces complications majeures, les études relèvent toutes les mêmes autres complications (6, 7, 9, 16, 21, 22). Ces complications “mineures” ne nécessitent pas de prolongation de l’hospitalisation et leur pourcentage varie entre 15 % et 60 % selon les auteurs (6, 9, 16). La variation du pourcentage de pleurésie post-RFA, en fonction des séries, est probablement due à la durée de la surveillance postprocédure. Gilliams (1) ne retrouve que 10 % de pleurésies sur la tomodensitométrie effectuée en post-RFA immédiate, un taux similaire au travail de De Baere (6) dans les premières 24 heures. Cependant, il atteint 60 % si le scanner de contrôle est effectué 24 à La Lettre du Pneumologue - Vol. X - n° 6 - novembre-décembre 2007 48 heures (6) après la RFA. D’autres complications sont encore moins fréquentes (< 10 %) : hyperthermie d’origine non infectieuse pendant une semaine après le geste ablatif, brûlure cutanée, toux, pleurodynies, exacerbation de bronchite chronique et complications infectieuses. La toux est d’ordre irritatif et peut nécessiter l’arrêt de la RFA. Elle apparaît quand l’énergie délivrée est supérieure à 100 W ; une diminution à 80 W permet de terminer le geste ablatif (9). Le mécanisme reste incertain mais pourrait être initié par une stimulation électrique ou thermique des récepteurs de la toux au niveau des voies aériennes supérieures (9). Le développement d’un abcès ou d’une pneumonie infectieuse est parfois décalé dans le temps, survenant plus volontiers après une RFA pour une tumeur de gros diamètre (> 5 cm) [23], mais le traitement prophylactique par antibiothérapie destiné à éviter les complications infectieuses n’a pas fait ses preuves (4). Ces complications respiratoires sont diagnostiquées au décours de la RFA par un suivi clinique et radiologique. Données nouvelles D onnées nouvelles RÉSULTATS EN TERMES D’EFFICACITÉ Si les indications initiales retenaient essentiellement la RFA comme le traitement palliatif des cancers pulmonaires primitifs ou des localisations intraparenchymateuses secondaires, les études plus récentes la présentent aujourd’hui comme l’alternative à la chirurgie pour certains patients non opérables de stades I et II. Certains auteurs proposent même une association de la RFA avec la radiothérapie (9, 16, 24). Ces nouvelles orientations thérapeutiques découlent des bons résultats des études réalisées depuis 2000 (1, 4, 7, 9, 16, 21). L’évaluation de l’efficacité de la RFA reste délicate pour diverses raisons : les effectifs sont limités ; les indications et/ou les modalités d’estimation de la réponse varient d’un essai à l’autre ; la RFA est parfois associée à des traitements complémentaires. Des études rapportent toutefois des résultats en termes de survie médiane, réponse complète, intervalle libre jusqu’à progression avec un recul allant parfois jusqu’à 20 mois (25). Lee et al. (9) présentent une série de 30 patients avec 32 tumeurs traitées. Cette étude retrouve une nécrose complète, estimée sur des critères radiologiques, pour chacune des 6 tumeurs de moins de 3 cm, mais pour seulement 23 % des tumeurs de plus de 3 cm. La survie à 6 mois est de 100 % pour les tumeurs inférieures à 3 cm (5 patients) et de 56 % pour les tumeurs supérieures à 3 cm (25 patients). La survie moyenne est de 18,6 mois (± 2,2) et de 11,3 mois (± 1,8) selon que la taille tumorale est inférieure ou supérieure à 3 cm. En 2005, Nguyen (26) retient la taille de 2 cm pour définir deux groupes de patients traités par RFA. Il obtient une réponse histologique complète dans 50 % des cas si la tumeur est inférieure à 2 cm (3 patients). Pour les autres tumeurs (5 patients), il observe plus de 80 % de cellules carcinomateuses non viables après vérification histologique et un seul cas avec moins de 80 % de cellules carcinomateuses non viables. Cependant, cette étude a été menée sur une petite série de 8 patients. Avec un recul de 18 mois, De Baere (18) présente 197 Données nouvelles D onnées nouvelles des résultats particulièrement intéressants concernant une série de 60 patients avec 100 tumeurs pulmonaires ayant subi 163 RFA pendant 74 procédures. Pour les tumeurs inférieures ou égales à 2 cm, il obtient une réponse complète radiologique dans 95 % des cas (87 % pour les tumeurs supérieures à 2 cm). La survie globale à 18 mois est de 76 % pour les cancers pulmonaires primitifs, avec un taux de 93 % de contrôle local. De plus, la survie sans progression à 18 mois est de 34 %. Le taux de réponse radiologique chute à 50 % dès que la tumeur est supérieure à 5 cm (6). Pour Ambrogi et al. (25), sur une série de 63 lésions chez 54 patients, le taux de réponse complète, sur critères radiologiques, est atteint pour 39 des 63 lésions (62 %). Avec un suivi moyen de 23,7 mois, 24 des 54 patients (54 %) étaient toujours vivants et contrôlés localement. La survie globale médiane est de 17,3 mois. D’autre part, il existe une différence significative entre la survie globale médiane des tumeurs inférieures à 3 cm (19,7 mois) et celle des tumeurs supérieures ou égales à 3 cm (12,1 mois). L’intervalle libre sans progression est de 15,8 mois pour une tumeur inférieure à 3 cm et de 6,6 mois pour des tumeurs supérieures ou égales à 3 cm. Grieco et al. (16) se sont intéressés à la RFA complétée par une radiothérapie dans les CBNPC de stades I et II non opérables avec un suivi médian de 19,5 mois (1 à 73 mois). Ils rapportent des résultats concordants avec les données de la littérature : les taux de survie globale sont de 97,6 % à 6 mois, 86,8 % à 1 an, 70,4 % à 2 ans et 57,1 % à 3 ans. La durée de survie moyenne est de 42,2 mois (± 5,2). Sur les 17 patients présentant une tumeur de moins de 3 cm, cette durée de survie moyenne est de 44,4 mois (± 5,4) ; elle diminue à 34,6 mois (± 7) pour les 24 patients ayant une tumeur supérieure ou égale à 3 cm. Enfin, on assiste à une reprise évolutive à 45,6 mois (± 4,1) pour les tumeurs inférieures à 3 cm et à 34 mois (± 7,8) pour les tumeurs supérieures ou égales à 3 cm (tableau). Tableau. Résultats en termes de contrôle local et de survie de la RFA. Auteurs (réf.) Nécrose comPatients Taux de survie Survie médiane/ plète (modalité (n) (seuil) moyenne (mois) d’évaluation) Lee (9) 30 100 % [T < 3 cm] 100 % [T > 3 cm] 18,6 [T > 3 cm] 23 % [T > 3 cm] 56 % [T < 3 cm] 11,3 [T < 3 cm] (imagerie) (6 mois) Nguyen (26) 8 50 % [T < 2 cm] (histologie) De Baere (18) 60 95 % [T < 2 cm] 87 % [T > 2 cm] (imagerie) Ambrogi (25) 54 62 % (imagerie) Grieco (16) 41 (RT adj.) 76 % (18 mois) 19,7 [T < 3 cm] 12,1 [T > 3 cm] 70 % (24 mois) T : taille tumorale. RT adj. : radiothérapie adjuvante à la RFA. NA : non atteinte. 198 NA [T < 3 cm] 21 [T > 3 cm] Si on compare la RFA aux autres traitements utilisés seuls ou en association dans la même situation pour les patients non opérables, les taux de réponse varient entre 13 % et 73 % (6). Dupuy (24) rappelle que, pour des patients sans traitement antérieur et ayant bénéficié d’un traitement chirurgical curateur, la survie à 5 ans est estimée à 63-67 % pour les stades IA, à 46-57 % pour les IB, à 52-55 % pour les IIA et à 33-39 % pour les stades IIB. Les auteurs présentent, pour les stades IA et IB confondus, des taux cumulatifs en survie de 83 % à 1 an, 50 % à 2 ans et 39 % à 5 ans. Pour les stades IA seuls, ces taux sont respectivement de 92 %, 62 % et 46 % et, pour les stades IB seuls, de 73 %, 42 % et 31 %. La chirurgie reste le traitement de référence des stades précoces, mais il faut rappeler que seuls 25 % des patients peuvent bénéficier de ce traitement. Par conséquent, les résultats obtenus par RFA restent corrects pour des patients fragiles non opérables et, d’après Grieco (16), devraient certainement s’améliorer avec l’association radiothérapie-radiofréquence (RT-RFA). Rappelons que la radiothérapie est cytotoxique par l’intermédiaire de l’oxygène : les dégâts au niveau de la tumeur sont d’autant plus importants que les cellules sont bien oxygénées, car la combinaison des radicaux libres avec l’oxygène engendre la formation de molécules hyperoxygénées hautement cytotoxiques. À l’inverse, l’hypoxie des cellules au centre des tumeurs augmente la radiorésistance et contribue à la croissance tumorale pendant et après la radiothérapie. D’autre part, après la RFA, le tissu tumoral périphérique est susceptible de contenir des cellules tumorales viables. La RFA, pratiquée en premier lieu dans le traitement RT-RFA, permettrait une hyperhémie, avec augmentation de la PO2 locale, diminution de l’hypoxémie relative dans les cellules tumorales centrales et amélioration de la sensibilité à la radiothérapie. Cette dernière permettrait également de traiter le tissu tumoral périphérique, lieu de reprise évolutive dans la plupart des cas après RFA. Cependant, la séquence de traitement entre la RFA et la radiothérapie est encore incertaine. SUIVI PAR L’IMAGERIE Les résultats de la RFA sont d’interprétation difficile car, contrairement à la chirurgie d’exérèse qui est complétée par une étude anatomopathologique et un examen des marges de résection, ses résultats sont appréciés sur des images radiologiques. En post-traitement, la tumeur restant en place, il est impossible d’utiliser les critères OMS ou RECIST pour évaluer la réponse tumorale fondée sur la seule diminution de la taille de la tumeur. Nous disposons de trois examens (TDM thoracique avec et sans injection, IRM et tomodensitométrie par émission de positons [TEP]) pour apprécier l’efficacité supposée de la RFA, détecter les complications, étudier l’évolution et repérer les reprises évolutives locales. En pratique, la TDM thoracique est le plus facilement et le plus souvent utilisée. Rose (7), Lee (9), Kishi (10) et Suh (12) ont proposé des critères TDM à partir desquels la RFA peut La Lettre du Pneumologue - Vol. X - n° 6 - novembre-décembre 2007 être considérée comme effective avec de bonnes chances de succès. La RFA est jugée correcte s’il existe une nécrose homogène de la totalité de la tumeur et d’une couronne de parenchyme de 1 cm d’épaisseur comparable aux marges de sécurité lors d’une résection chirurgicale (il est donc observé en posttraitement une “cicatrice” de dimensions plus importantes que la tumeur initiale). Cette nécrose doit être entourée d’une plage de verre dépoli, synonyme d’œdème inflammatoire et d’hémorragie locale. Gadaleta (27) ajoute que le geste a été concluant s’il apparaît une cavité à la place de la tumeur initiale. Ces trois examens (TDM, IRM et TEP) sont complémentaires et permettent de repérer les nécroses tumorales partielles induisant un risque important de reprise évolutive. En effet, Hataji (28) fait état de cellules tumorales viables en périphérie de la tumeur initiale et particulièrement proches des axes bronchovasculaires. Ces plages de cellules tumorales viables en post-traitement se trouvent intriquées aux plages nécrotiques elles-mêmes, correspondant, au niveau de l’imagerie scanographique, aux opacités en verre dépoli périphérique. Cette observation souligne la faible sensibilité du scanner pour déterminer la persistance de cellules tumorales viables et, surtout, la complexité d’interprétation des images obtenues après RFA et au cours du suivi. Dans le suivi précoce des tumeurs par scanner thoracique injecté, la tumeur est rehaussée mais de manière moindre par rapport aux autres structures prenant le contraste. Dans certains cas, on peut également observer un rehaussement périphérique. Hataji (28) souligne bien la complexité d’interprétation de ce rehaussement : il pourrait correspondre à une zone inflammatoire induite par la RFA. Pour certains auteurs (12, 27), une RFA effectuée avec succès ne doit pas s’accompagner de rehaussement périphérique, lieu de présence de cellules tumorales encore viables alimentées par la néovascularisation favorisant la reprise évolutive à moyen terme. Pour d’autres auteurs (9, 12), cet anneau rehaussé, s’il existe en post-traitement immédiat, doit disparaître dans les 3 mois et laisser place à une cicatrice. S’il persiste au-delà de 3 mois, il est licite de demander un complément d’investigation, la présence de cellules tumorales viables étant alors hautement suspectée. L’IRM a été relativement peu évaluée dans le suivi des RFA. Si l’étude de Hataji et al. en 2005 (28) a permis de repérer une reprise évolutive plus précoce que la TDM, l’utilisation de l’IRM est plutôt limitée dans l’ensemble (29). La TEP voit ses indications s’élargir et trouver une place dans le suivi des tumeurs en post-traitement. Pour certains auteurs, elle aurait même une sensibilité plus importante et une plus grande spécificité que la TDM dans la détection précoce des reprises évolutives (30). L’accumulation éventuelle de 18-FDG dans les tissus normaux autour de la zone traitée apparaît temps-dépendante et suggère que la TEP devrait être réalisée au moins 4 semaines après la RFA (31) : après une TEP préthérapeutique de référence, une fixation résiduelle ou un SUV persistant avec une diminution de 60 % par rapport au SUV initial doivent être considérés comme suspects (32). La Lettre du Pneumologue - Vol. X - n° 6 - novembre-décembre 2007 CONCLUSION La technique de radiofréquence ablative est une technique semi-récente dont les utilisations se diversifient. Une sélection des patients susceptibles de bénéficier de ce traitement est indispensable pour optimiser les résultats et diminuer les taux de complications. Actuellement, il est bien établi qu’il existe deux groupes de patients (la taille de 3 cm pour la tumeur étant discriminante) dont les résultats en termes d’obtention de nécrose complète et de survie sont tout à fait différents. Les indications de la RFA ont sensiblement changé en moins de 10 ans, pour s’intéresser aux cancers bronchiques de stade précoce sans recours chirurgical possible. Même si le suivi médian pour apprécier l’efficacité de cette technique est de 2 ans, les résultats sont plutôt intéressants et peuvent soutenir la comparaison avec les autres traitements à disposition pour le même profil de patients (6). Les complications restent inférieures à 10 % et rejoignent le taux de complications des techniques d’investigation scanographique (13, 22). Le suivi par imagerie permet de détecter dans certains cas les reprises évolutives précoces, mais les examens complémentaires que sont la TDM thoracique et la TEP ne doivent pas être réalisés trop tôt sous peine de mettre en évidence des anomalies dont l’interprétation est difficile. Il semble que l’avenir de l’imagerie soit à l’association TDM-TEP, permettant d’affiner la sensibilité et la spécificité de chacun d’eux. ■ Données nouvelles D onnées nouvelles RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Gillams AR. The use of radiofrequence in cancer. Br J Cancer 2005;92:1825-9. 2. Denys A, Doenz F, Qanadi SD et al. Destruction tumorale par radiofréquence : du foie au poumon en passant par le rein. Rev Med Suisse 2005;1:1774-8. 3. Savouré A, Verdonck A, Ouali S et al. Méthodes ablatives. Encyce Méd Chir (éd. Elsevier, Paris), Cardiologie 11-036-D-10, 2003, 15p. 4. Dupas B, Frampas E, Leaute F et al. 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