À PROPOS DE L’ŒUVRE
Opéra tragique en trois actes, Lucia di Lammermoor fut créé en 1835 au Teatro di San Carlo de Naples.
Grand succès du compositeur italien Gaetano Donizetti, Lucia s’est imposé comme un classique du
bel canto. L’amour et la mort rythment cet opéra qui décrit l’union impossible de Lucia et Edgardo
dont les familles sont ennemies. Les deux passages les plus connus sont la longue "scène de la folie"
où Lucia sombre dans la démence et le grand ensemble de l’acte II, page maîtresse de l’ouvrage qui
prégure ceux de Verdi. Notons aussi l’air d’Edgardo au dernier acte d’une funèbre beauté, à l’origine
d’une nouvelle forme de bel canto. Si le tragique de cette fable nous illumine toujours c’est bien sûr
par la musique mais aussi par le destin d’une femme dans un monde d’hommes. La femme est ici un
objet de négociation et d’échange. À aucun moment on ne l’écoute. On la marie par raison d’État. C’est
ensuite la descente en enfer... l’enfer de la folie, l’enfermement en soi pour échapper aux hommes
dont elle est l’objet.
Ce qu’il ne faut pas manquer, les épisodes du drame les plus décisifs…
En Ecosse, les Ashton (Enrico et sa sœur Lucia) vouent une terrible haine à leur rival, Edgardo, hériter de la
famille Ravenswood.
Acte I : Les deux amants. Enivrés par leur amour, Edgardo et Lucia s’abandonnent à la langueur extatique
(duo Sulla tomba)
Acte II : Le mariage forcé. C’est l’acte de la manigance, celle du frère sadique Enrico et de son com-
plice Raimondo qui forcent Lucia à épouser un bon parti : Arturo Bucklaw. Les deux intrigants réalisent
leur projet en faisant croire à Lucia qu’Edgardo l’a trahie pour une autre. Le sextuor nal est le plus
impressionnant : face aux agents du complot (Enrico, Raimondo, Arturo) se dressent les amants hier
unis, à présent désunis : Edgardo jette l’anneau que lui avait remis Lucia à l’acte I.
Acte III : La folie de Lucia. Alors qu’Edgardo et Enrico se sont donné rendez vous pour se battre,
surgit Lucia démente, errant dans le château encore animé par les murmures de la fête nuptiale : elle
vient de tuer Arturo, sa robe maculée de sang (scène de la folie : Il dolce suono…). Alors qu’il allait se
battre avec Enrico, Edgardo en apprenant la mort de Lucia, se poignarde.
LUCIA, LE RÔLE QUI FASCINE
Par Joël-Marie FAUQUET
La fascination exercée par cette héroïne en rouge et blanc qu’est Lucia ira croissant, entretenue par les
différentes lectures qui permettront de faire au long du XXème siècle le développement de la psychiatrie
puis l’invention de la psychanalyse, sans oublier l’essor du féminisme. Tremplin vocal exceptionnel, le
rôle de Lucia est chant pur. À ce titre, il rend plus éclatant le paradoxe qui fait l’opéra : ici encore la
plus grande convention induit la plus touchante vraisemblance. La surenchère des coloratures n’a pas
étri une ligne vocale dont l’expressivité cerne un personnage déterminé à défendre la liberté d’aimer
au-delà de toute raison.
GAETANO DONIZETTI (1797 – 1848)
Élève du compositeur Johann Mayr, l’un des premiers
à diriger en Italie les œuvres de la maturité de Haydn,
de Mozart ou de Beethoven, Gaetano Donizetti étudie
ensuite à Bologne. Son premier opéra représenté, Enrico
di Borgogna, est donné à Venise en 1818. Sa carrière
lyrique commence véritablement en 1822 : le succès de
son opera seria Zoraide di Granat, représenté à Rome,
aboutit à un contrat avec les théâtres napolitains dont il
devient compositeur permanent en 1826. Pendant cette
période, il écrit régulièrement trois ou quatre opéras par
an. Anna Bolena, représentée à Milan en 1830, lui procure
une renommée mondiale. Il se concentre sur la forme
de l’opera seria, traitant surtout des sujets romantiques
avec une tendance pour les récits historiques comme dans
Torquato Tasso (1833), Lucrezia Borgia (1833), Lucia di
Lammermoor (1835), Robert Devereux (1837). Il s’installe
en France après la mort de sa femme en 1838 alors que
la censure s’abat sur Poliuto pour raisons politiques. Il va
alors écrire en français pour l’Opéra-Comique (La Favorite,
Don Pasquale). À la n de l’année 1843, une paralysie
nerveuse l’empêche de composer. L’année suivante il est
déclaré fou et passera le reste de sa vie dans des asiles.
Il mourra en 1846 à Bergame. Il a composé soixante-dix
ouvrages lyriques.
BURÇU UYAR - Lucia
Lauréate de plusieurs concours internationaux, Burcu Uyar
se produit sur les plus grandes scènes. Artiste Franco-
Turque, elle est considérée par les critiques comme
l’une des meilleures sopranes lyriques coloratures de sa
génération.
Cette année, Burcu Uyar a chanté dans les Opéras de
Lecce, Bologne, Leipzig, Marseille, Ankara et Gand, dans
les rôles de Violetta dans La Traviata de Verdi, Larissa
dans Il Trionfo di Clelia de Glück, La Reine de la nuit dans
La Flûte Enchantée de Mozart, Donna Anna dans Don
Giovanni de Mozart, Mimi dans La Bohème de Puccini et
Lucia dans Lucia di Lammermoor de Donizetti.
GABRIÈLE NANI - Enrico
Le Baryton italien Gabrièle Nani a étudié le piano avant
de se tourner vers le chant. Après avoir remporté
plusieurs concours tel que le Concours de la Communauté
Européenne à Spoleto, il se produit très vite sur les
scènes italiennes puis joue sur des scènes internationales
prestigieuses : Théâtre de la Monnaie de Brussel, Theater
An Der Wien, l’Art Center de Manana au Bahrein, au Musée
Enescu de Bucarest, Art Center Opera Theater de Séoul
…Il a également remporté le concours Tour de Chant,
organisé par la télévision RAI 1 où il s’est distingué dans
son interprétation du Figaro tant de Mozart que de Rossini.
Quelques-uns de ses rôles de prédilection sont : Figaro
dans Il Barbiere de Siviglia, Malatesta dans Don Pasquale,
Enrico dans Lucia Di Lammermoor...
SVETISLAV STOJANOVIC - Edgardo
Svetislav Stojanovic, ténor lyrique d’origine serbe, étudie le
chant au Conservatoire Supérieur de Musique de Würzburg
en Allemagne. Il fait ses débuts en Allemagne à l’Opéra de
Heidelberg en 2005. Il se produira ensuite dans d’autres
opéras allemands ainsi qu’à l’Opéra d’ Édimbourg en
Écosse, dans une production de l’Opéra d’État de Hanovre.
Svetislav Stojanovic est lauréat du concours Nikola Cvejic à
Ruma (Premier Prix et Prix Spécial) ainsi que du Concours
national de chant à Belgrade, où il remporte également
le Premier Prix. En 2009 et 2010, il se produit à l’Opéra
de Trèves. Svetislav Stojanovic se produit également
dans des récitals et concerts de musique classique. En
2010/2011, il chante entre autre le rôle de Lensky dans
Eugène Onéguine pour une production d’Opéra Éclaté.
LA GENÈSE DE L’ŒUVRE
Par Jacques GHEUSI
Dans "Lucia Di Lammermoor" - Avant-Scène
Opéra N°233
C’est en 1819 que le roman de Sir Walter Scott
The Bride of Lammermoor est publié, cette
Fiancée de Lammermoor a été inspiré au grand
auteur écossais par un étrange fait divers qui, en
1668, avait fait un certain bruit.
De la réalité à la ction
L’héroïne en avait été Janet Dalrymple, lle du
vicomte de Stair. Elle était éprise du jeune lord
Rutherford et lui avait engagé sa foi ; mais, sous
la dure pression de son père, elle avait dû rompre
cet engagement et, le cœur brisé, accepter
d’épouser le prétendant que sa famille lui imposait
: David Dunbar, lord Baldoon. Le 12 août 1668, le
mariage avait été célébré et, le soir même de ces
tristes noces, des cris atroces s'étaient échappés
de la chambre nuptiale. Ceux qui y pénétrèrent les
premiers découvrirent la pauvre Janet, devenue
folle, recroquevillée dans un coin, tandis que son
mari gisait ensanglanté sur le lit. Bien que percé
de plusieurs coups de couteau et contrairement
au conjoint de l’héroïne du roman, David Dunbar
avait survécu à ses blessures, tandis que Janet
Dalrymple succombait sans avoir recouvert ses
esprits.
D’Anna Bolena à Lucia
En 1835, Gaetano Donizetti est déjà un
compositeur à la renommée internationale,
depuis la triomphale création de son Anna
Bolena en décembre 1830 au Teatro Carcano de
Milan. (…). Depuis le mois de novembre 1834,
il est sous contrat pour trois opéras nouveaux.
Avec le Teatro Di San Carlo et ce n’est qu’en mai
1835 qu’il xe dénitivement son choix pour le
premier d’entre eux. Ce sera l’épisode qui aboutit
à la tragique nuit de noces de l’infortunée Lucia,
criminelle inconsciente et pitoyable. (…)
La création
Passionné par son sujet, Donizetti compose
avec une évreuse et rapide inspiration, si bien
que le 6 juillet, son opéra est terminé - ainsi
qu’en témoigne une annotation de sa main sur
la partition originale. À cette époque le Teatro
di San Carlo traverse une grave crise et se
trouve près de la banqueroute après une série
malheureuse d’opéras impitoyablement sifés.
C’est dans une ambiance de catastrophe que
commence, à la mi-août, les répétitions de Lucia
di Lammermoor. Elles sont même interrompues
un moment car la soliste Persiani refuse de
poursuivre si on ne lui paie pas les cachets qu’on
lui doit pour les représentations de l’opéra de son
mari Dana ore d’Argo. Enn, le 26 septembre,
Lucia di Lammermoor est tout de même créé (…).
La soirée est, pour Donizetti, un triomphe inouï,
fulgurant du début à la n. On en trouve l’écho
dans une lettre qu’il écrit, le 29 septembre, à son
ami l’éditeur de musique Giovanni Ricordi : "Lucia
di Lammermoor a été représentée et permets-
moi de te dire d’une manière si chaleureuse que
j’en suis embarrassé et c’est pourtant la vérité.
On a aimé, on a aimé beaucoup si j’en crois les
applaudissements et les compliments que j’ai
reçus (…)".