Plan Marshall
Pour les articles homonymes, voir Recovery (homo-
nymie).
Le plan Marshall (après son élaboration, il fut officielle-
Carte de l'Europe pendant la Guerre froide montrant les pays
ayant reçu l'aide du plan Marshall.
ment appelé « Programme de rétablissement européen »,
en anglais European Recovery Program :ERP) était un
plan américain pour aider la reconstruction de l'Europe
après la Seconde Guerre mondiale.
L'administration Truman le préféra au plan Morgen-
thau qui prévoyait de faire payer les réparations par
l'Allemagne. En effet, plusieurs experts se souvenaient
des eets désastreux d'une telle politique après la
Première Guerre mondiale : la question des réparations
allemandes avait en partie déclenché une hyperinflation,
entravé la reprise économique et facilité la prise du pou-
voir par les nazis. L'initiative fut baptisée, par les jour-
nalistes, du nom du Secrétaire d'État des États-Unis,
le néral George Marshall, qui, lors d'un discours à
l'Université Harvard (5 juin 1947) exposa la volonté du
gouvernement des États-Unis de contribuer au rétablisse-
ment de l'Europe.
1 Histoire
Jusqu'en 1947 la politique des vainqueurs consistait à ré-
duire les capacités productives de l'Allemagne, politique
qui empêchait la reprise européenne. Conseillé par le gé-
George Marshall, alors qu'il est Secrétaire d'État des États-Unis.
néral Marshall et d'autres personnalités officielles ou non,
le Président Harry Truman modifia la politique améri-
caine. Le Plan fut présenté une première fois par le se-
crétaire d'état James F. Byrnes au cours d'un discours te-
nu à Stuttgart le 6 septembre 1946. De plus, le général
Lucius D. Clay avait demandé au patron d'industrie Lewis
H. Brown de dresser un bilan de la situation économique
en Allemagne et d'évaluer les besoins de la reconstruc-
tion.
Le plan final est annoncé par Marshall le 5 juin 1947 à
Harvard. Au Congrès, l'aile républicaine qui prône une
politique isolationniste critique un plan qui décide de dé-
penses massives à l'étranger mais cette opposition s’efface
quand l'URSS intervient en Tchécoslovaquie en février
1948. Truman signe le plan Marshall le 3 avril 1948. Sur
le plan économique Charles Kindleberger en fut un ar-
chitecte c[1]. Les États-Unis demandent aux États euro-
péens de s’accorder entre eux au sein de l'OECE pour éta-
blir un plan de reconstruction. L'Administration de Co-
opération Économique (ECA) est chargée d'examiner les
projets de reconstruction en vue d'accorder l'aide. Du cô-
té soviétique, le Comecon ou CAEM est créé.
Entre 1947 et 1951, les États-Unis consacrent plus de
treize milliards de dollars de l'époque (dont onze mil-
liards en dons) au rétablissement de 16 pays européens
en réponse à l'Organisation européenne de coopération
1
22 MOTIVATIONS
économique (OECE, aujourd'hui l'OCDE). Le montant
total de l'aide correspondrait à entre 130 milliards et 230
milliards de dollars en 2012[2], soit environ 4 % du PNB
pendant cinq ans.
Les Américains ont ainsi contribué à la coopération
européenne[3], prélude à la construction européenne (Voir
CEE).
Le mécanisme retenu consistait pour les États-Unis à
fournir un crédit à un État européen. Ce crédit servait
à payer des importations en provenance des États-Unis.
L'État européen bénéficiaire encaissait, en monnaie lo-
cale, le produit des ventes de ces importations sur son
marché national, ainsi que les droits de douanes afférents.
Parallèlement cet État devait octroyer à des agents éco-
nomiques nationaux (entreprises ou administrations) des
crédits destinés à des investissements d'un montant deux
fois supérieur au crédit qu'il avait lui-même reçu. L'État
bénéficiaire devait en outre faire la preuve qu'il autofinan-
çait sa part, sans recourir à la création monétaire. Par ce
montage, les États-Unis encourageaient un effort signifi-
catif d'équipement et d'épargne en Europe.
La reconstruction européenne, relativement rapide, fut
largement stimulée par l'aide américaine, tandis que
l'économie américaine évita ainsi la récession à cause
d'une surproduction massive qu'aurait pu entraîner la ces-
sation des hostilités[réf. nécessaire].
Le plan Marshall a été rejeté par l'Union soviétique et les
pays du futur bloc de l'Est. En effet, Staline craignait que
le plan Marshall ne serve à conquérir le glacis de sécuri-
té de l'URSS. L'URSS exerce en conséquence des pres-
sions contre les pays qu'elle occupe et qui avaient montré
leur intérêt. L'insistance des États-Unis concernant la li-
béralisation économique des pays bénéficiant du plan a
certainement joué un rôle aussi, le libre-marché étant in-
compatible avec une économie dirigée. Comme le précise
la doctrine Jdanov, chaque État était amené à « choisir
son camp ». L'année 1947 est par cet aspect considérée
comme le début de la Guerre froide. En 1949 commence
le Comecon liant les pays de l'Europe de l'Est.
Une première aide financière parvint en Grèce et en
Turquie en janvier 1947. Seize pays ont accepté l'aide fi-
nancière, plus l'Allemagne de l'Ouest à partir de 1949[3].
Entre 1948 et 1951, le PNB de l’Europe de l’Ouest a fait
un bond de 32 % (passant de 120 à 159 milliards de dol-
lars) ; la production agricole a augmenté de 11 % et la
production industrielle d'environ 40 %[4].
2 Motivations
On trouve plusieurs types de motivation :
L'Europe est à reconstruire. Ses infrastructures ont
beaucoup souffert. L'appareil productif a été partiel-
lement détruit ou surexploité et mal entretenu pen-
Enfants allemands dans l'île de Usedom en 1946
Panneau indiquant l'aide du Plan Marshall à Recklinghausen en
1953
Médaille Commémorative 1982 du Plan Marshall
dant les hostilités.
On meurt de froid et on ne mange pas à sa faim
en Allemagne, les barrières économiques et les res-
trictions de commerce avec ce pays forcent ses par-
tenaires commerciaux habituels à détruire des sur-
plus agricoles. Il faut donc rétablir des circuits nor-
maux et éviter que l'investissement ne soit sacrifié à
l'urgence d'alimenter les populations.
Il s’agit aussi de trouver des débouchés pour les pro-
duits américains. Les États-Unis ont connu pendant
la guerre une forte croissance liée à l'industrie de
guerre et la question à l'étude depuis 1941 à Wa-
shington est de savoir comment maintenir le plein
emploi après la guerre. La solution mise en place
2.2 L'endiguement (doctrine Truman) 3
sera, via le plan Marshall de trouver des débouchés
à l'étranger financés par des prêts remboursables en
dollars. Ces prêts sont émis via la banque mondiale
et contrôlés via le FMI (accords de Bretton Woods).
La particularité de ces deux institutions est que les
États-Unis sont seuls à y avoir un droit de veto, ce
qui leur permet de dicter leurs conditions, en par-
ticulier, d'obliger les pays européens ruinés à ac-
cepter que des conditions soient liées aux prêts du
FMI. L'une des conditions de l'époque était que les
dettes contractées par le pays recevant cette aide ne
soient plus émises dans la monnaie du pays mais
en or ou son équivalent en dollars dont le prix était
de 34 $ l'once d'or. Ces prêts en dollars sont la ga-
rantie pour les États-Unis de ne pas avoir de perte
de valeur si les pays emprunteurs dévaluent ; d'autre
part les dollars dépensés pour acheter des produits
autres qu'américains finiront toujours par revenir
aux États-Unis pour acheter des biens américains[5].
Enfin la doctrine Marshall matérialise la crainte des
Américains que les institutions démocratiques occi-
dentales ne s’eondrent au profit de l'URSS commu-
niste. Par l'aide financière, les États-Unis cherchent
à prévenir l'accession au pouvoir des partis com-
munistes en Europe de l'Ouest. Les Américains es-
timent que la pauvreté de l'Europe, qui fait le lit du
discours communiste, doit être résolue.
2.1 Contexte : le bilan de la Seconde
Guerre mondiale
Plan Marshall à Berlin-Ouest
Article détaillé : Bilan de la Seconde Guerre mondiale.
En 1945, une grande partie du continent européen est
ravagée par la guerre : les nazis ont pillé les ressources
de la France, de la Scandinavie et de l'Europe de l'Est.
Les bombardements ont réduit en cendres de nombreuses
villes allemandes (Dresde,Cologne,Berlin…) ou polo-
naises (Varsovie). Londres a subi la guerre aérienne à ou-
trance et des centaines de milliers de logements ont été
détruits. En France, on ne compte plus les villes mar-
tyres (Le Havre,Brest…). Une grande partie des canaux,
des infrastructures portuaires, des ponts, des voies ferrées
sont hors d'usage. De nombreux civils sont sans-abri.
La situation des États-Unis est différente : le territoire
américain n'a pas subi de dommages (à part l'attaque de
Pearl Harbor). L'agriculture, les réserves d'or et les infra-
structures industrielles de ce pays ne sont pas affectées et
le pays avait vendu du matériel militaire dans le cadre du
«cash and carry », notamment à la France au début du
conflit, ce qui contribua au relèvement économique des
États-Unis.
2.2 L'endiguement (doctrine Truman)
Article détaillé : Doctrine Truman.
Selon le gouvernement américain de l'époque, la situation
dramatique dans laquelle étaient les Européens, aggravée
par les hivers froids, constituaient le terreau favorable à
l'implantation du communisme. Les partis communistes
italien et français remportaient en eet des succès élec-
toraux. La doctrine du président Harry Truman est fon-
dée sur l'endiguement (containment) du communisme dé-
jà fortement implanté par la force des armées soviétiques
en Europe orientale.
3 Dépenses générales
Assistance économique, du 3 avril 1948 au 30 juin 1952
(en millions de dollars de l'époque).
Notes :
a. Le total du prêt inclut 65 millions pour la Belgique
et 3 millions pour le Luxembourg : le détail de
concession entre les deux pays ne peut pas être iden-
tifié.
b. Inclut un prêt initial de 16,9 millions, plus 200
millions représentant une part partagée proportion-
nellement des concessions converties en prêts aux
termes d'un accord signé le .
c. Aides du plan Marshall aux Indes néerlandaises
(Indonésie) prolongées aux Pays-Bas avant le trans-
fert de souveraineté du 30 décembre,1949. Les
aides totales pour les Indes néerlandaises sont de :
Total : 101,4 millions, concessions 84,2 millions,
prêts 17,2 millions.
45 DIVERS
Royaume-Uni
3.166
France
2.438
Italie
1.434
RFA
1.317
Pays-Bas
1.078
Autriche
653
Grèce
628
Belgique
Luxembourg
546
Autres
Pays
1.023
LE PLAN MARSHALL (1948-1952)
Répartition de l'aide américaine par pays
(en millions de dollars)
Répartition par secteurs
(en pourcentage)
Agro-alimentaire
32%
Produits finis
et semi-finis
19%
Energie
15,5%
Constructions
mécaniques
et véhicules
14%
Autres
19,5%
Le Plan Marshall : Aide par pays et par secteurs
d. Inclut la contribution des États-Unis au
fonds permanent social européen des syndicats
(EPU)[Quoi ?], 361,4 millions ; Compte de fret
général, 33,5 millions ; autorisations européennes
d'assistance technique (multi-pays ou régional),
12,1 millions.[réf. nécessaire]
De 1948 et 1951, l'aide américaine s’est élevée à 13
milliards de dollars au total, c'est-à-dire 1,2 % du PNB
des États-Unis[3]. Elle a permis à l'Europe occiden-
tale de ne pas s’effondrer et à l'économie américaine
de rester prospère[3]. En France, Jean Monnet, premier
Commissaire au Plan, avait commandé des produits amé-
ricains (pétrole, nourriture, machines outils), réglés par
les États-Unis, puis avait stocké la contre-valeur en francs,
que l'inflation avait grignotés. Dans les années 1960, 20
% de la somme prêtée a été remboursée et le solde consi-
déré comme un don.
4 Critiques
Dès les années de mise en œuvre du plan Marshall, des
économistes libéraux dits « classiques » en dressent la
critique : la subvention américaine des économies occi-
dentales pourrait prévenir les réformes nécessaires telles
que l'arrêt de la planification centralisée et la restauration
du libre-marché. Parmi ces critiques, on trouve Ludwig
von Mises ou Wilhelm Röpke.
Les critiques des années 1980 précisent que la croissance
de nombreux pays européens avait été rétablie bien avant
l'arrivée à grande échelle de l'aide provenant des États-
Unis, et était même rapide chez certains destinataires.
Tandis que le plan Marshall soulagea les premières dif-
ficultés et le rétablissement des secteurs principaux, la
croissance d'après-guerre était en grande partie un pro-
cessus indépendant[réf. nécessaire]. La première personne à
argumenter de la sorte fut l'historien de l'économie Alan
S. Milward[réf. nécessaire]. Les socialistes européens affir-
mèrent qu'un montant équivalent d'argent consacré à la
reconstruction aurait pu être obtenu en nationalisant les
possessions de riches Européens ayant déposé leur ar-
gent dans les banques des États-Unis pendant la Seconde
Guerre mondiale[réf. nécessaire]. Enfin les analyses les plus
critiques considèrent que le plan Marshall était en réalité
un plan de mise sous tutelle économique et culturelle des
pays “libérés” par l'armée US [6].
5 Divers
Le Plan Marshall dont le lancement a été contemporain
de l'ISO (Organisation Internationale de Normalisation)
en 1945 a fortement encouragé la standardisation indus-
trielle et la diffusion d'un modèle homogène de dévelop-
pement industriel et commercial.
Al Gore, juste avant d'accéder à la vice-présidence des
États-Unis, écrivit en 1992 un livre intitulé "Sauver la pla-
nète Terre, l'esprit humain et l'écologie", dans lequel il re-
prend l'expression “Plan Marshall” dans une proposition
élaborée afin de lutter contre les problèmes écologiques
de la fin du XXeet début du XXIesiècles.
En 2005, la Région wallonne a nommé son plan de redres-
sement économique : « actions prioritaires pour l’avenir
de la Wallonie », mais il est plus connu sous le nom de
« plan Marshall pour la Wallonie »[7]. À la différence du
plan de l'après-guerre, qui consistait à injecter de l'argent
extérieur, le plan wallon traduit la volonté d'impulser de
l'intérieur un rebond rapide par l'exécution de mesures
fortes.
Cette action pourrait avoir valeur d'exemple. En eet,
le mécanisme visait à faire converger les intérêts et
les modes de développement de 2 ensembles dont les
échanges étaient structurellement déséquilibrés, en créant
une écluse, pour éviter une concurrence destructrice et
créer un cercle vertueux. Or la question se pose mainte-
nant de manière analogue dans les rapports entre les pays
émergents et les vieux pays industriels.
Deux plaques (l'une en français, l'autre en anglais) com-
mémorant le 50eanniversaire du Plan Marshall ont été
apposées par The American Club of Paris le 12 décembre
1997 au niveau du 258 rue de Rivoli àParis (8e).
7.3 Bibliographie 5
6 Notes et références
[1] (en) Charles P. Kindleberger -The Tech, 9 juillet 2003
[2] Selon le site universitaire Measuringworth, 13 milliards
de dollars de 1947 correspondent à 134 milliards de dol-
lars de 2012 si on tient compte de l'évolution des prix ;
227 milliards de dollars de 2012 si on tient compte de
l'évolution des salaires ; et aux alentours de 200 mil-
liards de dollars de 2012 si on envisage la capacité
d'investissement de la somme.
[3] Bernard Vincent (dir.), Histoire des États-Unis, Paris,
Champs Flammarion, 1997 (ISBN 2080813765), p. 229
[4] « Il y a 60 ans, le plan Marshall » -Échos des USA, no8,
mars-avril 2007, p. 7 [PDF] (voir archive)
[5] (en) Michael Hudson, Super Imperialism : The Origin and
Fundamentals of U.S. World Dominance, Pluto Press,
2003 (ISBN 978-0-7453-1989-6), p. 140
[6] http://www.modele-dac.net/
fabrication-mythe-americain.html
[7] Site officiel du plan Marshall pour la Wallonie
7 Voir aussi
7.1 Articles connexes
Libération
Seconde Guerre mondiale
Guerre froide
7.2 Liens externes
(fr) Discours de George C. Marshall à Harvard
Centre virtuel de la connaissance sur l'Europe -
CVCE
(en) La Fondation George C. Marshall
(fr) Ignacio Ramonet, Marshall nostalgie,Le Monde
diplomatique
(fr) David Ellwood, Le plan Marshall : une stratégie
qui fit ses preuves,eJournalUSA
7.3 Bibliographie
« Le Plan Marshall et le Relèvement économique
de l'Europe », Colloque tenu à Bercy les 21, 22, 23,
mars 1991, Comité pour l'histoire économique et
financière de la France, 1993, 840 p, (ISBN 2-11-
087163-6).
Les aides américaines économiques et militaires à la
France, 1938-1960, Gérard Bossuat, Comité pour
l'histoire économique et financière de la France,
2001, 406 p, (ISBN 2-11-091050-X).
L'Europe Occidentale à l'heure américaine, Gerard
Bossuat, Éditeur Complexe, 1999, ISBN 2-87027-
431-9
Annie Lacroix-Riz, « Réflexion sur un bilan du Plan
Marshall, à propos d'un ouvrage récent (de Bossuat)
1992 », dans Textes EuropeConcours 2007-2009,
Bruno Colson, La stratégie américaine et l'Europe
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