constituèrent en communauté autour du tombeau, situé près d'Apamée, de Maron, un anachorète
mort vers 410. Persécutés par les chrétiens « melkites » demeurés sous l'autorité de Byzance, ils
vinrent se réfugier dans le Nord du mont Liban au milieu du VIIIesiècle. Les persécutions
musulmanes ultérieures accentuèrent le déplacement du centre de gravité du territoire de la
communauté vers cette région-refuge où le patriarcat maronite vint s'installer en 939. Selon Xavier
de Planhol, « la première phase de l'ethnogenèse maronite avait été marquée, dans le cadre du
christianisme, par une vigoureuse individualisation dogmatique et spirituelle. La seconde phase,
dans les premiers siècles de l'islam, fut celle de l'affirmation politique et guerrière ». Celle-ci allait
pourtant de pair avec l'arabisation puisque, dès la seconde moitié du XIesiècle, les maronites
seront contraints de traduire en arabe les textes araméens devenus hermétiques pour leur clergé.
Une assimilation linguistique qui semblait présager un passage inéluctable sous l'influence
culturelle de la civilisation arabo-musulmane. La troisième étape, décisive pour la destinée de ce
groupe, fut le rattachement de cette communauté à l'Eglise romaine qui, en ouvrant la
communauté sur l'Occident, lui conféra un dynamisme supérieur, garant de sa survie à long terme.
Lors des croisades, les maronites font un bon accueil aux chevaliers francs. Scellé en 1131 et
1182, leur rattachement à Rome est confirmé par le pape Innocent III en 1215, quand le souverain
pontife reconnaît au patriarche maronite le pallium d'Antioche. Le contact est ensuite maintenu
avec Rome après la fin des Etats croisés de Terre Sainte, sous les dominations mamelouke et
ottomane. Les maronites sont représentés au concile de Florence de 1439 et, en 1580, un délégué
du pape assiste au deuxième synode des évêques maronites. En 1584, les liens avec la capitale de
la Chrétienté sont renforcés avec la création du collège maronite de Rome. Une évolution
confirmée par les décisions prises lors du synode de Louaïzé réuni en 1736. Entre-temps, le
rapprochement avec Rome avait porté ses fruits puisque, dès 1610, les maronites ont été les
premiers à introduire l'imprimerie dans le monde arabe (avec un premier psautier en syriaque et en
arabe, cette dernière langue transcrite en caractères syriaques ; ce n'est qu'en 1706 que le
patriarche grec orthodoxe d'Alep fit utiliser pour l'imprimerie des caractères arabes). L'apparition
du livre va de pair avec le développement de l'instruction et de l'apprentissage des langues
étrangères, et les voyageurs européens – La Roque au début du XVIIIesiècle et Volney à la fin –
constatent la supériorité dont profite la « nation » maronite dans le domaine de la formation
intellectuelle. Durs au travail, rassemblés autour de leur clergé et instruits plus tôt que leurs
voisins, les maronites vont réaliser une mise en valeur remarquable des régions qu'ils occupent, en
développant notamment la culture en terrasses, au point que l'on a pu parler à leur propos de «
montagne reconstruite », condition nécessaire pour que la région puisse supporter de très fortes
densités de peuplement. L'arboriculture et l'élevage du ver à soie contribuèrent également à la
prospérité d'un pays que tous les voyageurs présentent comme tout à fait paisible et parfaitement
policé dans un Orient ottoman où règnent le plus souvent l'arbitraire et la violence. Autant
d'éléments qui, ajoutés à la frugalité propre aux maronites, peuvent expliquer le rôle prépondérant
qui sera le leur dans le développement économique ultérieur du Liban. D'autres groupes chrétiens
coexistent avec les maronites. Ces diverses communautés sont issues de l'histoire religieuse très
complexe de l'ancien Orient. Les chrétiens les plus nombreux sont les tenants de l'Eglise «
grecque », détentrice de l'orthodoxie, constituée en institution officielle à l'époque byzantine sous
le nom de « melkite », c'est-à-dire « royale » ou « fidèle à l'empereur », dans le contexte
particulier de la lutte contre les grandes hérésies des IVeet Vesiècles. Elle a toujours bénéficié
des faveurs du pouvoir du moment, qu'il fût byzantin, musulman ou ottoman. Les « Grecs
orthodoxes » se sont maintenus dans les villes, en entretenant généralement d'assez bonnes
relations avec les musulmans, et leur arabisation linguistique a été très précoce, ce que confirme
l'adoption rapide de la langue des conquérants par l'Eglise grecque d'Antioche. Ces Grecs
orthodoxes ont ainsi constitué une minorité cohérente (un millet, sous l'Empire ottoman), urbaine
et prospère, coexistant avec les populations sunnites, elles aussi majoritairement urbaines.
Légèrement moins nombreux au Liban (7 % de la population totale contre 9 % pour les Grecs
orthodoxes) alors qu'ils le sont beaucoup moins dans les pays arabes voisins, les chrétiens, « Grecs
catholiques », ont constitué une Eglise qui s'est rattachée à Rome en 1724. Ils sont davantage
présents dans les petites villes et dans les campagnes car, dans les principaux centres urbains, ils
devaient compter avec l'hostilité de leurs coreligionnaires restés fidèles à l'orthodoxie et seuls
bénéficiaires de la reconnaissance officielle et de la bienveillance du pouvoir ottoman. Séparés des
« orthodoxes » à partir du concile de Chalcédoine de 451, les chrétiens monophysites sont