Cristaux colloïdaux : bandes photoniques interdites BERTINO Rémi MARI Arnaud L3 Physique 09/10 Encadrement : Jacques Persello 1 1. Introduction Depuis près d’une dizaine d’années, l’intérêt des chercheurs vis-à-vis de l’étude et de la synthèse des cristaux photoniques est croissant. Les cristaux photoniques sont des structures périodiques de matériaux diélectriques et du fait de cette périodicité, ces cristaux peuvent empêcher la propagation de la lumière dans certaine gamme de longueurs d’ondes. Les ondes électromagnétiques sont alors diffractées par le réseau, on peut donc parler de bandes interdites photoniques. Les cristaux photoniques sont donc de formidables outils capables de stocker, filtrer ou encore guider la lumière, susceptibles d’intéresser de nombreux domaines comme la communication ou encore l’imagerie. Notre travail s’est focalisé sur un certain type de cristaux photoniques, les cristaux photoniques colloïdaux, c'est-à-dire des cristaux photoniques élaborés par l’assemblage de particules colloïdales. Les cristaux photoniques sont présents à l’état naturel sous plusieurs formes. L’exemple le plus connu est l’opale, ce minéral semi précieux est composé de particules de silice de taille comprise entre 200 et 400nm régulièrement disposées. Quand elle est exposée à la lumière blanche, cette pierre a la particularité de présenter des reflets de plusieurs couleurs . Ce phénomène optique est du à la diffraction. En effet, comme l’espace entre les particules est de l’ordre de la longueur d’onde du visible, il va apparaître des interférences ce qui va modifier l’onde lumineuse en sortie et ainsi crée cet aspect irisé. (a) (b) (a) Photo d’une opale (b) image MEB d’une opale de billes de silice de 287 nm de diamètre D’autre exemples sont présents dans la nature, les papillons ou les souris de mer utilisent la diffraction par un réseau de cristaux photoniques pour communiquer entre eux. Ces structures sont des exemples naturels de matériaux appelés cristaux photoniques. Dans cette synthèse, nous allons plus particulièrement nous intéresser à la notion de bande interdite photonique (band gap en anglais). 2 2.Bandes interdites photoniques 2.1.Loi de Bragg Un cristal photonique est une nano structure de matériau diélectrique où l’indice de réfraction est périodiquement modulé. Il s’agit d’un cristal car le matériau est constitué par un arrangement périodique de cubes élémentaires diélectriques d’indice de réfraction n1 et n2. Les cristaux photoniques existent sous une multitude de formes. Il existe néanmoins trois principales catégories : unidimensionnel, bidimensionnel et tridimensionnel. 1D 2D 3D Schéma des arrangements pour des cristaux photoniques unidimensionnels (1D), bidimensionnels (2D) et tridimensionnels (3D). Les parties rouges représentent un indice de réfraction n1 et les parties jaunes n2. Les cristaux photoniques affectent la propagation des ondes électromagnétiques de la même manière qu'un potentiel périodique dans un cristal semi-conducteur modifie le déplacement des électrons. Ce modèle stipule qu'un électron dans un solide ne peut prendre des valeurs d'énergie comprises dans certains intervalles que l'on nomme « bandes ». Il en existe deux types, les bandes permises, et d'autres bandes dites interdites. Dans un semi-conducteur, comme dans un isolant, les deux bandes autorisées sont séparées par une bande interdite, appelée couramment « gap ». L'unique différence entre un semiconducteur et un isolant est la largeur de cette bande interdite, largeur qui donne à chacun ses propriétés respectives. Ce concept de bandes permises et interdites peut être étendu au comportement des photons dans un cristal photonique. A cause de la variation périodique de l’indice de réfraction, l’énergie des photons est quantifiée en bandes permises et en bandes interdites. La loi de Bragg établit un lien entre la distance séparant les atomes d'un cristal et les angles sous lesquels sont principalement diffractés des ondes électromagnétiques envoyés sur le cristal. On a la relation ci-dessous : 2d sinm d = distance interréticulaire θ l’angle de Bragg(c’est le demi-angle de déviation) 3 m = ordre de diffraction (nombre entier) λ = longueur d'onde 2.2.Explication géométrique de la Loi de Bragg On considère donc un faisceau de photon envoyé sur un cristal avec un angle Ө. On s’attend a ce que les ondes soit en partie transmises, et en partie diffractées. Considérons tout d’abord deux rayons incidents parallèles diffusés par deux particules sur le même plan (figure 1) : d (Figure 1) On peux en tirer géométriquement la différence de marche entre les deux rayons : d.cosd.cos d(coscos) Les interférences sont constructives uniquement si la différence de marche introduit un déphasage multiple de 2π, c'est-à-dire si = mλ. Cette condition implique que n 0 et On peux donc en conclure que les interférences constructives ont lieu dans une direction qui correspond à la réflexion du signal incident sur le plan réticulaire. On considère maintenant la réflexion de deux rayons incidents sur deux plans réticulaires parallèles distants de d. (figure 2) 4 (Figure 2) Notre construction implique que les angles BAD et DAC sont égaux et de valeur . On peux donc aisément en tirer la différence de marche BD + DC = 2d sin Comme dans le cas précédent, nous avons des interférences constructives si m On retrouve donc bien la loi de Bragg : 2d sinm . 2.3.Conséquences de la Loi Les bandes permises et interdites d’un cristal photonique se regroupent dans un diagramme de bandes photoniques. C’est une représentation des fréquences possibles pour l’onde électromagnétique au sein du cristal photonique en fonction de son vecteur d’onde, c'est-àdire sa direction de propagation au sein du cristal. Pour expliquer ce phénomène de bandes interdites, nous prenons une représentation d’un cristal à 3D frappé par des photons selon trois directions de propagation différentes. 1 2 3 Figure 3 : schéma d’un cristal photonique à 3D et schéma de faisceaux de photon selon trois direction différentes 5 Figure 4 : Diagramme de bandes du cristal à gauche, et courbe de la réflexion à droite en fonction de la fréquence des ondes La Figure 4 montre le diagramme de bandes du cristal photonique pour une direction de propagation de la lumière, la direction 1 par exemple. Nous pouvons voir deux bandes permises, en rouge et en noir, où la lumière pourra se propager dans le cristal, si son énergie est contenue dans ces bandes. Nous observons de plus que ces deux bandes sont séparées par une bande interdite, en gris, où aucune fréquence n’est permise. Si l’énergie de l’onde incidente est comprise dans cette bande interdite elle est alors diffractée par le cristal photonique. C’est ce phénomène satisfaisant la loi de Bragg qui est à l’origine des irisations des opales. Expérimentalement, une bande interdite est mise en évidence en mesurant la réponse du matériau soumis à un faisceau lumineux. Cette dernière est caractérisée par l’apparition d’un maximum de réflexion (partie droite de la figure 4). Figure 5 : Digramme de bandes du cristal photonique d’indice de réfraction 2 selon les trois direction de propation Si l’indice du cristal est faible (de l’ordre de 2) la position spectrale d’une bande interdite varie en fonction de la direction de propagation de l’onde incidente. Pour s’en convaincre, la Figure 5 montre le diagramme de bande du même cristal mais pour les trois directions de propagation de l’onde (ici 1, 2 et 3). On voit clairement que la bande interdite précédemment observée pour la direction 1 se déplace vers des fréquences plus grandes 6 dans le cas de la direction 2, alors qu’une seconde bande interdite apparaît pour une gamme de fréquences différentes dans le cas de la direction 3. Aussi, pour un cristal photonique présentant un indice de réfraction élevé (de l’ordre de 6), totalement la propagation de la lumière pour une certaine gamme de longueur d’onde. Le cristal photonique se comporte alors comme un miroir parfait. Il nous a semblé aussi intéressant de pouvoir relier directement le diamètre des particules et la longueur d’onde du pic de diffraction. En utilisant la loi de Bragg qu’on modifie avec la relation de Snell Descartes pour la diffraction, on obtient : 2d √(𝑛² − 𝑠𝑖𝑛𝛼²)m Avec n l’indice effectif du cristal et 𝛼 l’angle entre l’onde incidente et la normale au plan du cristal. Si l’on se place en incidence normal, et pour le premier pic de Bragg, on obtient la relation simplifiée : 2.n.d De la distance d, on peux en tirer le diamètre D des particules du fait de la géométrie cristalline du réseaux. On a : d =√2/3.D On obtient finalement : = √2/3.2.n.D, et on trace le graphe ci-dessous. Evolution de la longueur d’onde de la bande interdite en fonction du diamètre D, pour n=1,5 2000 Series1 λBragg (nm) y = 2.4495x - 5E-13 Linear (Series1) 1500 1000 500 0 0 200 400 600 800 1000 Diamètre des particules (nm) Figure a 2.4.Expérimentations lors du stage Lors de notre stage nous avons fabriqué des cristaux photoniques colloïdaux. La création de ces cristaux s’est étendue sur plusieurs semaines du fait des étapes de fabrication souvent longues et délicates. 7 Voici un résumé de la synthèse de cristaux de particules colloïdales de diamètre égale a 300nm environ : 1) Si(OEt)4 +2 H20 + NH3 SiO2 + 4Et OH Voici la réaction chimique nécessaire pour obtenir des billes de SiO2. On procède ici par distillation, et en utilisant la technique sol-gel. Les particules doivent être de même taille, sans impuretés et non organisées. 2) On utilise ensuite un support plat sans défaut (du verre ou du silicium transparent sans réflexion), et avec la technique de spin coating ou deep coating, on créé des couches minces de particule colloïdales. 3) Il faut par la suite sécher les particules, et en séchant elles se rapprochent. On sèche sous vide, mais sans chauffer de préférence (20 degrés ou à froid). Il apparait alors des forces de Van Der Walls pouvant aller jusqu'à 100 bars. 4) La dernière étape est le frittage, afin que les particule reste collées les unes par rapport aux autres. A la fin de la fabrication, il est recommandé d’inspecter un échantillon au microscope électronique pour vérifier la régularité des particules. Une fois que nous avons obtenu des cristaux photoniques utilisables, nous avons voulu vérifier la présence de bande interdite photonique au microscope électronique, en fonction du nombre de couches de particules. Pour cela, nous avons fait évaporer quatre solutions de silices plus au moins concentrées sur des lamelles de verre, afin d’obtenir des couches fines. L’évaporation a duré une semaine(voir Figure 6). On nomme « solution 1 » la solution la plus concentrée, jusqu'à la « solution 4 » la moins concentrée. 8 Figure 6 : Deux des quatre béchers contenant une solution de particules de silice plus au moins concentré, pendant l’évaporation sur des lamelles de verre Nous avons ensuite placé les quatre lamelles de verre dans le microscope électronique, et lancé une acquisition pour une gamme de longueur d’onde variant de 0 a 2500nm. Nous obtenons en superposant les courbes la Figure 7. Nous remarquons tout de suite un maximum d’absorption, et donc une bande interdite, pour une gamme de longueur d’onde allant de 750 à 1000nm, nous sommes donc dans le domaine de l’infra rouge. La droite tracée au préalable (Figure a), est cohérente avec ce résultat, en effet, pour un diamètre de D=300nm, on trouve un pic de Bragg à environ 800nm. Le nombre de couches de particules influe aussi sur l’absorption de la lumière. En effet, nous remarquons que les cristaux les plus fins absorbent moins le faisceau. A l’inverse, les cristaux formés du plus grand nombre de couches de particules absorbe un maximum la lumière. 9 Figure 7 : Courbes représentant l’absorption d’un faisceau dans une gamme de longueur d’onde allant de 0 à 2500nm, en bleu la solution 1, bleu clair la solution 2, rose la solution 3 et jaune la solution 4 3.Conclusion Ce stage nous a permis d’observer le travail effectué par des chercheurs en laboratoire, et nous faire découvrir un domaine de la physique en pleine expansion. Nous avons pu synthétiser des cristaux photoniques, voir et comprendre leurs propriétés physico-chimiques par l’expérimentation et la théorie. Nous remercions Mr Persello du LPMC pour nous avoir fait partager son expérience dans ce domaine. Bibliographie : http://wiki.epfl.ch/houdre/cph2009 Photonic Crystals - Physics, Fabrication and Applications, Springer, 2004 Cristaux photoniques et « gaps » de photons-Aspects fondamentaux, Jean-Michel LOURTIOZ Energy band of photons and low-energy photon diffraction, K. Ohtaka, Physical Review http://fr.wikipedia.org/wiki/Cristal_photonique Photonic crystals: molding the flow of light, par John D. Joannopoulos http://iopscience.iop.org/0143-0807/30/4/S04/pdf 10 11