Stratégies du 27 septembre 2002

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STRATÉGIES N° 1250 DU 27/09/2002
JOHNNY HALLYDAY POUR OPTIC 2000, CARLOS POUR ROTHELEC, GUY ROUX
POUR CITROËN...
Revenez aux valeurs sûres!
Johnny Hallyday, Carlos, Michel Blanc, Guy Roux font les riches
heures de la publicité. Avec ces stars consensuelles, les marques
cherchent à s'inscrire dans la durée.
Quand l'idole des jeunes fête ses soixante ans, cela ne passe pas
inaperçu. Johnny Hallyday est à l'affiche de L'Homme du train , le dernier
film de Patrice Leconte, dans les salles à partir du 2 octobre, sort un
nouvel album, À la vie, à la mort, prépare une tournée nationale, qui
passera par le Parc des Princes les 11, 14 et 15 juin 2003, cette dernière
date étant son anniversaire... et s'illustre dans une publicité pour Optic
2000. L'enseigne d'opticiens, qui a rencontré la vedette sur le rallye de
Tunisie, épreuve dont elle est le sponsor et Johnny l'un des concurrents,
sera le partenaire de la tournée. En échange, le papy rocker paye de sa
personne dans un spot TV, diffusé à partir du 4 octobre et relayé dans la
presse people sous forme de publi-rédactionnels à partir du 10. Business,
l'agence de publicité d'Optic 2000, a imaginé un scénario dans lequel
Hallyday joue au casino du Palm Beach à Cannes, des lunettes de vue sur
le nez, puis retrouve ses fans à l'extérieur, protégé par des lunettes
noires. Un script qui a pour but de promouvoir le pack de verres
progressifs « 2 pour 1 ».
Johnny Hallyday, porte-drapeau des presbytes, il fallait oser, mais qui s'en
plaindra ? Le bientôt sexagénaire fait partie des quelques superstars
françaises, comme Zinedine Zidane, qui peuvent tout se permettre sans
entamer leur image. Mais les footballeurs sont tombés de leur piédestal,
depuis leur piètre performance de la dernière Coupe du monde. L'époque
semble revenir aux valeurs sûres de la chanson et du cinéma, aux
carrières plus longues et moins risquées. La Poste a fondé sa saga
publicitaire sur des comédiens populaires comme Sandrine Bonnaire,
Jean-Hugues Anglade, Victoria Abril et actuellement Michel Blanc. « Nous
recherchons des personnalités accessibles, que tout le monde connaît, qui
collent à l'époque, sans être surexposées, explique Jean-Jacques Sébille,
directeur associé de l'agence Louis XIV DDB en charge du budget. Les
représentants d'un cinéma plus intello comme Jeanne Balibar ne
conviendraient pas à la campagne, tout comme les gloires éphémères ou
les sportifs. La Poste puise dans une famille d'acteurs qui incarnent une
carrière menée sur le long terme. » Avec Michel Blanc, l'annonceur
bénéficie de l'image positive de l'ancien bouffon pathétique des Bronzés,
métamorphosé en réalisateur reconnu. La sortie de son film Embrassez
qui vous voudrez, le 9 octobre, est une coïncidence bienvenue pour La
Poste.
Populaires et rassurants
Le même type de relation unit les opticiens Atol et le chanteur Antoine.
Sans avoir une actualité brûlante, celui-ci fait partie de l'imaginaire
collectif des Français. « Les études d'agrément montrent qu'il a dépassé le
stade du vedettariat pour devenir une icône toujours présente dans
l'esprit des gens, explique Stéphane Solinski, le directeur marketing
d'Atol. Il inscrit la marque dans un affectif et dédramatise l'achat de
lunettes. Grâce à lui, notre notoriété assistée est passée de 20 % à 60 %
en quatre ans. » Le chanteur Carlos, ami des enfants comme de leurs
grands-parents, est lui aussi une valeur sûre de la publicité. Après sa
chanson Rosalie détournée pour Oasis, il reprend l'air de Señor Météo
pour le compte des radiateurs Rothelec (agence Senioragency, groupe
Business). « C'est un pilier des Grosses Têtes, ses chansons sont
populaires et chaleureuses, c'est vraiment l'incontournable », résume
Odile Jubert, directrice de clientèle chez Business. Spécialiste des slogans
chocs, Business recourt souvent à la caution d'une célébrité pour soutenir
une marque. On lui doit Claude Brasseur, ambassadeur de la tradition
pour Lanquetot, Anny Duperey, garante de sérieux pour Céréal, Arielle
Dombasle, image de la blonde évaporée pour Email diamant... Et qui
mieux qu'Aldo Maccione pouvait incarner l'origine transalpine du jambon
Beretta ?
Sans faire injure à ces personnalités, on peut noter qu'elles s'adressent à
un public d'âge mûr. Avec le vieillissement de la population, il faut
s'attendre à d'autres utilisations de visages populaires et rassurants. Des
piliers du théâtre de boulevard comme Micheline Dax ou Henri Guibet sont
les stars des écrans publicitaires du matin. Pour Skoda, l'agence V avait
pensé à la faconde de Jean-Pierre Marielle mais n'a pas perdu au change
avec Claude Rich, comédien respecté s'il en est. Une autre figure à la
mode est celle de l'entraîneur, qui parle à toutes les générations, là où le
champion séduit surtout les jeunes. Bernard Laporte, le coach de l'équipe
de France de rugby, participe ainsi au dernier film Lustucru. Et Guy Roux,
l'entraîneur de l'AJ Auxerre, a été vu chez Citroën, Bouygues Telecom et
Cristaline. « L'entraîneur, c'est l'homme qui montre le chemin, souligne
Jacques Séguéla, vice-président du groupe Havas. C'est une figure
paternelle, mais pas paternaliste, car c'est lui-même un sportif. Des Guy
Roux ou des Aimé Jacquet [en campagne pour les cafétérias Casino] sont
en phase avec les valeurs actuelles d'authenticité et d'équilibre. Car une
star n'apporte pas seulement de la notoriété, mais aussi de la confiance.
Dans une société de défiance, où le consommateur est devenu craintif, les
marques rassurent. Or, les stars augmentent la valeur de confiance dans
l'entreprise. Sans compter qu'elles peuvent être utilisées en interne. »
Chez Optic 2000, le réseau d'opticiens est ravi d'afficher les photos de
Johnny Hallyday dans ses boutiques.
Les « celebrity brokers », un nouveau métier
L'Oréal a des attentes similaires lorsqu'il constitue sa « Dream Team » de
comédiennes et de mannequins : « Nous faisons appel à des femmes qui
sont en adéquation, en termes de personnalité et d'âge, avec un nouveau
produit de la marque, explique Nicolas Hiéronimus, directeur général de
L'Oréal Paris International. Par exemple, Andie MacDowell pour la crème
antirides Revitalift, Milla Jovovich pour la coloration " extravertie " Féria,
ou encore Virginie Ledoyen pour le soin hydratant pour les jeunes
Hydrafresh. » Cette stratégie suppose de partir en quête du nouveau
visage qui pourra porter une campagne internationale. Virginie Ledoyen a
signé pour L'Oréal au moment où elle tournait La plage avec Leonardo di
Caprio. Judith Godrèche rejoint les ambassadrices de la marque alors
qu'elle revient dans l'actualité avec L'auberge espagnole. Quant à Audrey
Tautou, notre Amélie Poulain nationale, toutes les marques l'ont sollicitée.
« Pour elle, La Poste ne serait pas adaptée, mais elle serait un bon
emblème d'une marque de cosmétiques comme Estée Lauder, estime
Juliette Ménager, directrice de casting au sein de Joule Studio. Les films
qu'elle est en train de tourner avec Stephen Frears et Amos Kollek vont lui
permettre de gagner en audience internationale et donc d'intéresser un
grand groupe. Elle peut aussi facilement faire une publicité au Japon, où
l'on adore les stars et où l'on paye facilement 1,5 million d'euros pour une
publicité. » Alain Delon, Sophie Marceau et Jean Reno ont déjà ouvert la
voie. La pratique est habituelle, aussi, chez les stars d'Hollywood : Brad
Pitt fait de la publicité pour une marque de bijoux en Italie, Harrison Ford
a piloté une Lancia en Europe. Toutes les stars s'achètent, à condition d'y
mettre le prix. Aux États-Unis, les tarifs vont d'un à dix millions de dollars
en fonction du contrat. En France, les cachets tournent plutôt autour de
300 000 euros. Gérard Depardieu a touché plus d'un million d'euros pour
Barilla, et Fabrice Luchini 380 000 euros pour l'Ademe (l'Agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie). Cette véritable bourse aux
stars a entraîné la création d'un nouveau métier, les « celebrity brokers »,
qui cumulent à la fois les rôles de directeur de casting et de négociateur
de cachet.
Parfois pourtant, des marques font marche arrière. Après avoir usé Estelle
Hallyday, Patrick Bruel et Marcel Desailly, SFR délaisse les célébrités : «
La marque va passer d'une déclaration d'intimité avec le client, avec la
signature " Vous serez toujours plus qu'un simple numéro ", à l'affirmation
d'un point de vue d'opérateur sur la téléphonie. Pour cela, on n'a plus
besoin d'une personnalité », témoigne Jean-Paul Brunier, directeur chez
Publicis Conseil et chargé du budget. Les stars, il faut aussi savoir s'en
passer.
PASCALE CAUSSAT
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