72intellectuels d`aujourd`hui 72textes pour penser et agir 1921-2011

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“
Pour qui aime la vérité, le savoir cesse d’être un
moyen pour devenir une fin en soi, ou plutôt (puisqu’il
n’est de finalité que pour un désir) une fin ultime ou
suffisante. Ce savoir-là ne sert à rien, pas même à
être heureux. Mais tout bonheur, sans lui, ne serait
qu’ignorance ou illusion.
”
André COMTE-SPONVILLE
“On dit souvent que la connaissance progresse car
ceux qui en font métier seraient (…) des nains sur des
épaules de géant. Or – au-delà du fait que la métaphore est difficile à concrétiser physiquement (…)
– si nous sommes tous, à un moment ou à un autre,
découvreur, transmetteur, éducateur, accumulateur,
ne devrions-nous pas plutôt dire que nous sommes
tous des nains, sur des épaules d’autres nains (passés
et actuels). Alors, le rôle du savoir est de faire mieux
vivre tous ces nains. C’est-à-dire nous tous.
”
Julien DAMON
“ “À quoi sert le savoir ? ” Pourquoi donc devrait-il
servir à quoi que ce soit d’autre qu’à lui-même ?
Aristote, qui en savait quelque chose, du savoir,
commence par lui, ou plutôt en fait le commencement
du reste : tous les hommes désirent par nature savoir.
On ne cherche pas à savoir pour autre chose que ce
qu’on saura ainsi, mais simplement pour le savoir
lui-même. Le savoir n’a rien d’un moyen, puisqu’il
s’impose au désir. On désire savoir comme on désire
voir ou respirer. Celui qui ne désirerait pas savoir
pour le plaisir de savoir ne serait tout simplement
pas humain.
”
“À quoi sert le savoir ? Si vous voulez le savoir,
le savoir ne sert à rien. À rien d’autre qu’à savoir,
à rien d’autre qu’à le vouloir. À rien d’autre qu’à luimême. Car le savoir n’est pas une utilité, un moyen,
un outil, un médium, il n’est pas même une fonction,
il est une fin. Une fin ? Oui, un faim d’ogre inextinguible, une soif qu’on ne peut étancher, une conduite,
un processus qui se renouvelle par soi et qui s’accomplit en se développant. Le savoir n’est pas intransitif,
il est le savoir de quelque chose, mais il n’est pas
le savoir au service d’autre chose.
”
Blandine KRIEGEL
“
Qui ne s’est surpris un jour à prononcer tout au fond
de lui-même : « Je sais bien… mais quand même ».
Cela s’appelle le déni. L’être humain est ainsi fait que
lorsque ça l’arrange, il peut oublier ce qu’il sait pourtant très bien. Nos personnalités sont pleines de caves
et de greniers dans lesquels sont enfermés des
savoirs que nous choisissons d’ignorer. (…) Savoir,
c’est voir, et faire voir autrement. Il y a un avant et
un après le savoir. Parce que le savoir, tout savoir,
modifie notre regard sur ce qui nous entoure.
”
Serge TISSERON
“
L’opposition entre le savoir et la vie ne date pas
d’aujourd’hui, mais elle prend aujourd’hui une importance toute particulière, après un siècle où les enjeux
des positions tranchées sur ce point n’ont cessé de
se creuser, et en un moment où tout peut et doit se
rejouer. Faut-il croire que le savoir tue la vie comme
la lettre l’esprit ? ou au contraire que la vie déforme
le savoir comme l’utile dénature le vrai ?
”
Jean-Luc MARION
Frédéric WORMS
“Suffit-il
d’éclairer les hommes pour les rendre
meilleurs ? Ce pont-aux-ânes de la pensée philosophique a du bon : il nous rappelle que, quelle que soit
la réponse apportée à une telle question, il n’y a pas
d’émancipation véritable sans savoir, et que celui ou
celle qui a la malchance d’en être privé et la conviction
erronée de pouvoir s’en dispenser reste, par delà les
progrès techniques, un voyageur sans bagages dans
son parcours de vie.
”
Jean-François SIRINELLI
Directrice des relations extérieures :
“
On a longtemps pensé que le pouvoir était indifférent au savoir, parce que le savoir n’était accessible
qu’à une petite minorité de savants et n’avait guère
d’influence sur les choix politiques.(…) Le pouvoir,
en effet, s’intéresse à l’opinion parce qu’elle est
la reine du monde, c’est elle qui peut accréditer ou
discréditer un pouvoir. (…) Mais le savoir, qui s’en
soucie, mis à part ceux qui le font ou ceux qui s’y intéressent ? En vérité, le pouvoir n’a jamais été indifférent au savoir.
”
Yves Charles ZARKA
Attachées de presse :
Dominique Reymond
Patricia Ide-Beretti
Caroline Psyroukis
01 58 10 31 85 • [email protected]
01 58 10 31 89 • [email protected]
01 58 10 31 91 • [email protected]
90 AnnivErsAirE
e
1921-2011
www.puf.com
72 intellectuels d’aujourd’hui
72
textes pour penser et agir
Extraits...
“Le savoir doit permettre d’être heureux – c’est
même ce qui non seulement m’a permis d’être
heureux, mais – surtout – ce qui m’a permis
de le rester. (…) On retrouve alors le conseil de
Nietzsche : “Où que tu sois, creuse profondément.
À tes pieds se trouve la source !” » (Le gai savoir,
prologue, § 3). Je suis un puisatier heureux.”
Jean-Robert ARMOGATHE
“ Il est vrai que le savoir libère, mais le savoir
qui libère véritablement sert d’abord à
augmenter notre souffrance, à nous déchirer
et à nous diviser – et c’est peut-être à cela
qu’on le reconnaît.”
Pierre-François MOREAU
“En ce début du XXI
siècle, le moment est
à la grande liquidation. Aujourd’hui on brade.
(…) On connecte à toute allure des myriades de
documents numérisés à la hâte. Le savoir ne
serait plus désormais qu’en ligne. Il faudrait
tous nous transformer en pécheurs à la ligne,
à l’épuisette et à l’aveuglette.”
e
MICHEL DELON
“La nature du savoir est paradoxale, à la fois
démesurée et insuffisante, immense et impossible à clore. C’est la raison pour laquelle
le savoir est essentiel à l’homme : il lui sert
à devenir infiniment grand et à rester infiniment
petit.”
Claude GAUVARD
““Ah ! la belle chose que de savoir quelque chose !”
On reconnaît en ces mots l’émerveillement béat
du Bourgeois gentilhomme, héros éponyme
de la pièce de Molière, à qui l’on apprend quelque
chose (Acte V, scène 2). Lui ne se demande pas à
quoi sert le savoir, il en jouit. Notre bourgeois
n’est pas si benêt que cela. Il s’émerveille
de l’essentiel.”
Paul-Laurent ASSOUN
“Le savoir rend puissant ; il ne rend pas bon.
Le savoir a transformé radicalement la vie
humaine, son rapport au temps, à l’espace,
à la nature. Mais les hommes des Lumières
avaient tort – le savoir ne s’est pas accompagné
de progrès moral. (…) Leçon amère qui contraint
à reconnaître non que le savoir ne sert à rien,
mais qu’il ne suffit pas au progrès social
et moral.”
Monique CANTO-SPERBER
“Le savoir n’est pas un singulier, mais un plu-
riel, il résulte des conquêtes qu’il conduit comme
autant d’attaques du réel. Il ne constitue pas une
totalité, il ne se définit pas, une fois pour toutes,
par la bibliothèque unifiée des textes qui en
présentent les pièces. (…) Le savoir, c’est la
liberté de l’esprit qui dispose du monde et n’est
pas à la disposition de puissances imaginaires
qui concourent à son aliénation.”
Georges BALANDIER
1921-2011
Aux origines des PUF
Sous l’emblème du « quadrige d’Apollon » sont rassemblés quatre fonds
d’éditeurs dont le rôle est central en France dans la diffusion de la pensée
scientifique depuis le Second Empire jusqu’à nos jours.
Paul Angoulvent est nommé directeur des PUF en 1934. Il est alors décidé d’un regroupement de différents services entre Alcan, Rieder et les
PUF pour alléger les coûts. Les PUF prennent en gérance les trois maisons
d’édition, qui sont aussi les principaux clients de l’imprimerie.
D’abord associé avec l’éditeur Gustave Germer Baillière, Félix Alcan prend
son indépendance en 1883 et fonde sa propre maison, renommée « Éditions
Félix Alcan-René Lisbonne » en 1910. Félix Alcan, s’appuyant sur la Revue
philosophique fondée avec Théodule Ribot, promoteur de la psychologie,
développe au sein de son catalogue les courants les plus novateurs issus de
la philosophie et de la médecine et contribue de manière décisive à l’essor des
sciences sociales en France. Il accueille ainsi l’Année sociologique de Durkheim.
La pression économique est trop forte, la fusion des quatre éditeurs devient
incontournable. Elle est réalisée en décembre 1939. Le quadrige d’Apollon,
dieu de la science, symbolise désormais les quatre firmes : Alcan, Rieder,
Leroux et PUF. Le nom retenu est celui des Presses Universitaires de France,
attestant clairement l’option universitaire et non plus scolaire, ni littéraire,
du groupe. La société est maintenue en statut de coopération jusqu’en 1941.
Ernest Leroux, quant à lui, fonde sa maison en 1871. Il illustre la tradition de
la librairie d’érudition du XIXe siècle dont la spécialisation orientaliste coïncide
avec l’essor de la colonisation française. Son catalogue est surtout ouvert aux
domaines des beaux arts, de l’archéologie, mais aussi de la philosophie, de l’histoire
de la religion, de l’ethnologie et de l’anthropologie. Frédéric Rieder, en 1913, rachète
la librairie de son patron Edouard Cornély, spécialisé en histoire, et tente après
1919 avec Albert Crémieux et Pierre Caron de marier édition savante et fiction,
tout en s’engageant politiquement. La maison choisit de donner un axe plus
littéraire à sa politique éditoriale.
Les Presses Universitaires de France sont fondées en 1921 par une société
coopérative d’universitaires. L’idée était de créer une structure analogue aux
presses universitaires de Grande-Bretagne et des États-Unis. L’association des
universitaires et de la forme économique de la coopérative était totalement
inédite en France.
La fusion de 4 éditeurs
Aux PUF, activités de librairie, d’impression comme d’édition s’entremêlent les
premières années. Côté librairie, les PUF, en 1922, reprennent un commerce
situé place de la Sorbonne. Côté impression, la maison signe, en 1928, un accord
avec l’imprimerie de François Launay, située à Vendôme. L’entreprise devient
l’imprimerie des Presses Universitaires de France. Côté édition, contrairement
à d’autres éditeurs, la production des PUF se construit autour d’un catalogue
au service des universitaires. Il n’y a pas de directeurs de collection. L’originalité de la coopérative est d’avoir opté d’emblée pour des comités techniques de
spécialistes en mathématiques, physique, chimie, histoire naturelle, philosophie,
psychologie, sociologie, histoire, géographie, philologie, sciences médicales,
droit, belles-lettres, langues vivantes, enseignement et pédagogie.
Des rapprochements commencent à s’opérer entre les PUF et Alcan en 1924.
Alcan change de statut en devenant une société anonyme. La maison possède
un fond philosophique important. Alcan est notamment éditeur de Bergson,
Le rire (1900), La pensée et le mouvant (1934), et de Freud La science des
rêves (1926). En 1923, un principe de « non-concurrence » est rapidement
signé entre les PUF et Alcan. Les PUF s’engagent à abandonner leurs publications
philosophiques et Alcan confie ses travaux d’impression aux PUF.
Du côté de la maison Rieder, Frédéric Rieder se retire de la maison qui porte
son nom en 1926. Les successeurs d’Ernest Leroux cèdent le fonds de librairie
aux PUF. Paul Pelliot et Louis Eisenmann représentent les intérêts de la librairie Leroux au conseil d’administration des PUF. En 1928, les Éditions Rieder
deviennent société anonyme et sont financées par la Banque des coopératives
et les PUF. La crise économique de 1929 touche la banque des coopératives, qui
fait faillite en 1934. Cette crise touche rapidement les PUF, ce qui change la donne.
Les PUF de 1939 à nos jours
La fusion de ces entreprises en 1939 procure aux PUF un catalogue
d’une richesse sans précédent. Paul Angoulvent sait alors donner un
second souffle à la firme pour qu’elle réponde aux besoins de la population
étudiante en plein essor et se place dans une position de quasi monopole
dans les sciences humaines, économiques et juridiques. En 1941, naît la collection encyclopédique de poche « Que sais-je ? ». En 1945, Paul Angoulvent
inaugure une politique d’exportation de la production.
L’entreprise change plusieurs fois de statut au cours des années et devient
une société à directoire et conseil de surveillance en 1968. Pierre Angoulvent
prend la relève de son père en 1968. Michel Prigent intègre les PUF comme
secrétaire du Directoire et devient ensuite directeur littéraire jusqu’en
1994, date à laquelle il devient président du directoire. Les PUF connaissent
une très importante restructuration dans les années 2000 avec l’abandon
de la librairie place de la Sorbonne, l’ouverture aux capitaux de sociétés
privées et la vente de l’imprimerie de Vendôme en 2002. Libris, un regroupement
d’universitaires, détient aujourd’hui la majorité de la société.
Sous l’impulsion de Michel Prigent, les PUF s’imposent comme leader sur le
marché de l’édition d’ouvrages universitaires et organisent leur catalogue autour
de plusieurs lignes :
• Des collections de recherche de référence : Nouvelle Clio, Le Nœud gordien,
Épiméthée, Le Fil rouge, Bibliothèque de psychanalyse, Le Lien social, Les Œuvres
Complètes de Freud / Psychanalyse, etc.
• Des manuels : Major, Thémis, Droit fondamental, Apprendre, Licence, etc.
• Des collections d’essais : Perspectives critiques, Pratiques théoriques, Travaux
pratiques, Éthique et philosophie morale, Intervention philosophique, Philosophie française contemporaine, Éducation et société, Sociologie d’aujourd’hui,
Souffrance et théorie, Lignes d’art, Les Littéraires, etc.
• Deux grandes collections de poche : Que sais-je ?, mais aussi Quadrige (avec
4 segments : les Dicos poche, les Grands textes, les Manuels, les Essais/débats).
• Une trentaine de revues (Revue Française de Psychanalyse, Revue Historique,
Revue Française de droit constitutionnel, Cités, etc.) dont la plupart sont disponibles en version numérique sur le portail Cairn.
La mort de Michel Prigent est survenue en cette année 2011. Un nouveau
président du directoire a été nommé : Alain Morvan. Avec 5 500 titres actifs
au catalogue et des centaines d’ouvrages traduits en 40 langues, les Presses
Universitaires de France fêtent leur 90e anniversaire dans un dynamisme
toujours renouvelé et défendent, plus que jamais, les valeurs du savoir.
Les PUF fêtent en cette fin d’année leur 90e anniversaire, l’occasion de retracer l’histoire
d’une maison d’édition unique dans la configuration du paysage culturel français,
mais aussi d’inscrire dans le présent et le futur la mission des PUF, premier éditeur
universitaire français et éditeur de savoir de premier plan.
C’est aussi l’occasion de rendre hommage à Michel Prigent, mort en mai dernier,
qui, à la tête des PUF, consacra sa vie à la défense d’un modèle exigeant, soutenu
en cela par les auteurs que nous avons voulu placer au cœur de cet anniversaire, en leur
demandant ce que représentait aujourd’hui pour eux le savoir.
Pour les 90 ans des PUF,
un livre anniversaire engagé : “À quoi sert le savoir”
72 intellectuels d’aujourd’hui
72 textes pour penser et agir
Pour les 90 ans des PUF, nous avons demandé à nos auteurs
de répondre à la question « À quoi sert le savoir ? », question
brûlante pour la société d’aujourd’hui, question au cœur de notre
métier et de la pratique de nos auteurs, universitaires chargés
de transmettre les connaissances, chercheurs appelés à réfléchir et
à anticiper dans tous les domaines.
Philosophes, psychanalystes, sociologues, historiens, politologues,
juristes, tous auteurs des PUF, proposent ici leurs réponses, variées,
parfois polémiques, toujours engagées. Leurs textes sont précédés
d’une chronologie qui rappelle l’histoire des Puf, depuis leur origine
en 1921.
Elle a été établie par Valérie Tesnière, historienne des Puf, auteur de
Le Quadrige. Un siècle d’édition universitaire (2001).
Ce livre anniversaire est offert
pour tout achat d’un livre PUF en librairie
“
“
Quelle meilleure façon, pour une maison d’édition,
de célébrer sa propre vitalité que la production d’un
livre ? C’est parce qu’il en était convaincu que Michel
Prigent, en sa qualité de président du Directoire des
PUF, proposait le 15 avril 2011, un mois à peine avant
sa mort, la rédaction d’un ouvrage collectif.
Cet ouvrage a permis à quelques dizaines d’auteurs
parmi les plus représentatifs de notre maison
de réfléchir à leur propre démarche intellectuelle
et à leur mission spécifique de diffuseur des connaissances en questionnant ce qui est à la fois notre
matériau commun et notre projet, c’est-à-dire le savoir.
Michel Prigent avait une haute idée de ce qu’est
une institution, instance de transmission, de conservation et de transformation des rapports humains.
S’il avait su se muer en chef d’entreprise efficace,
il considérait les PUF d’abord comme une institution.
Il insistait sur la «mission de service public » inscrite
dans ses statuts, conformément à l’esprit de ses
fondateurs en 1921. […]
”
Alain Morvan,
président du directoire.
C’est pourquoi, en plein accord avec les instances
dirigeantes de notre maison, Michel Prigent avait
décidé de célébrer le quatre-vingt dixième anniversaire de l’institution par la publication d’un livre
illustrant, dans sa plus grande diversité, l’activité
d’édition qui demeure la finalité du rassemblement
des universitaires qu’elle a pour première mission
de servir.
”
Dominique Lecourt,
président du conseil de surveillance.
“
Pour qui aime la vérité, le savoir cesse d’être un
moyen pour devenir une fin en soi, ou plutôt (puisqu’il
n’est de finalité que pour un désir) une fin ultime ou
suffisante. Ce savoir-là ne sert à rien, pas même à
être heureux. Mais tout bonheur, sans lui, ne serait
qu’ignorance ou illusion.
”
André COMTE-SPONVILLE
“On dit souvent que la connaissance progresse car
ceux qui en font métier seraient (…) des nains sur des
épaules de géant. Or – au-delà du fait que la métaphore est difficile à concrétiser physiquement (…)
– si nous sommes tous, à un moment ou à un autre,
découvreur, transmetteur, éducateur, accumulateur,
ne devrions-nous pas plutôt dire que nous sommes
tous des nains, sur des épaules d’autres nains (passés
et actuels). Alors, le rôle du savoir est de faire mieux
vivre tous ces nains. C’est-à-dire nous tous.
”
Julien DAMON
“ “À quoi sert le savoir ? ” Pourquoi donc devrait-il
servir à quoi que ce soit d’autre qu’à lui-même ?
Aristote, qui en savait quelque chose, du savoir,
commence par lui, ou plutôt en fait le commencement
du reste : tous les hommes désirent par nature savoir.
On ne cherche pas à savoir pour autre chose que ce
qu’on saura ainsi, mais simplement pour le savoir
lui-même. Le savoir n’a rien d’un moyen, puisqu’il
s’impose au désir. On désire savoir comme on désire
voir ou respirer. Celui qui ne désirerait pas savoir
pour le plaisir de savoir ne serait tout simplement
pas humain.
”
“À quoi sert le savoir ? Si vous voulez le savoir,
le savoir ne sert à rien. À rien d’autre qu’à savoir,
à rien d’autre qu’à le vouloir. À rien d’autre qu’à luimême. Car le savoir n’est pas une utilité, un moyen,
un outil, un médium, il n’est pas même une fonction,
il est une fin. Une fin ? Oui, un faim d’ogre inextinguible, une soif qu’on ne peut étancher, une conduite,
un processus qui se renouvelle par soi et qui s’accomplit en se développant. Le savoir n’est pas intransitif,
il est le savoir de quelque chose, mais il n’est pas
le savoir au service d’autre chose.
”
Blandine KRIEGEL
“
Qui ne s’est surpris un jour à prononcer tout au fond
de lui-même : « Je sais bien… mais quand même ».
Cela s’appelle le déni. L’être humain est ainsi fait que
lorsque ça l’arrange, il peut oublier ce qu’il sait pourtant très bien. Nos personnalités sont pleines de caves
et de greniers dans lesquels sont enfermés des
savoirs que nous choisissons d’ignorer. (…) Savoir,
c’est voir, et faire voir autrement. Il y a un avant et
un après le savoir. Parce que le savoir, tout savoir,
modifie notre regard sur ce qui nous entoure.
”
Serge TISSERON
“
L’opposition entre le savoir et la vie ne date pas
d’aujourd’hui, mais elle prend aujourd’hui une importance toute particulière, après un siècle où les enjeux
des positions tranchées sur ce point n’ont cessé de
se creuser, et en un moment où tout peut et doit se
rejouer. Faut-il croire que le savoir tue la vie comme
la lettre l’esprit ? ou au contraire que la vie déforme
le savoir comme l’utile dénature le vrai ?
”
Jean-Luc MARION
Frédéric WORMS
“Suffit-il
d’éclairer les hommes pour les rendre
meilleurs ? Ce pont-aux-ânes de la pensée philosophique a du bon : il nous rappelle que, quelle que soit
la réponse apportée à une telle question, il n’y a pas
d’émancipation véritable sans savoir, et que celui ou
celle qui a la malchance d’en être privé et la conviction
erronée de pouvoir s’en dispenser reste, par delà les
progrès techniques, un voyageur sans bagages dans
son parcours de vie.
”
Jean-François SIRINELLI
Directrice des relations extérieures :
“
On a longtemps pensé que le pouvoir était indifférent au savoir, parce que le savoir n’était accessible
qu’à une petite minorité de savants et n’avait guère
d’influence sur les choix politiques.(…) Le pouvoir,
en effet, s’intéresse à l’opinion parce qu’elle est
la reine du monde, c’est elle qui peut accréditer ou
discréditer un pouvoir. (…) Mais le savoir, qui s’en
soucie, mis à part ceux qui le font ou ceux qui s’y intéressent ? En vérité, le pouvoir n’a jamais été indifférent au savoir.
”
Yves Charles ZARKA
Attachées de presse :
Dominique Reymond
Patricia Ide-Beretti
Caroline Psyroukis
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01 58 10 31 91 • [email protected]
90 AnnivErsAirE
e
1921-2011
72 intellectuels d’aujourd’hui
72
textes pour penser et agir
Extraits...
“Le savoir doit permettre d’être heureux – c’est
même ce qui non seulement m’a permis d’être
heureux, mais – surtout – ce qui m’a permis
de le rester. (…) On retrouve alors le conseil de
Nietzsche : “Où que tu sois, creuse profondément.
À tes pieds se trouve la source !” » (Le gai savoir,
prologue, § 3). Je suis un puisatier heureux.”
Jean-Robert ARMOGATHE
“ Il est vrai que le savoir libère, mais le savoir
qui libère véritablement sert d’abord à
augmenter notre souffrance, à nous déchirer
et à nous diviser – et c’est peut-être à cela
qu’on le reconnaît.”
Pierre-François MOREAU
“En ce début du XXI
siècle, le moment est
à la grande liquidation. Aujourd’hui on brade.
(…) On connecte à toute allure des myriades de
documents numérisés à la hâte. Le savoir ne
serait plus désormais qu’en ligne. Il faudrait
tous nous transformer en pécheurs à la ligne,
à l’épuisette et à l’aveuglette.”
e
MICHEL DELON
“La nature du savoir est paradoxale, à la fois
démesurée et insuffisante, immense et impossible à clore. C’est la raison pour laquelle
le savoir est essentiel à l’homme : il lui sert
à devenir infiniment grand et à rester infiniment
petit.”
Claude GAUVARD
““Ah ! la belle chose que de savoir quelque chose !”
On reconnaît en ces mots l’émerveillement béat
du Bourgeois gentilhomme, héros éponyme
de la pièce de Molière, à qui l’on apprend quelque
chose (Acte V, scène 2). Lui ne se demande pas à
quoi sert le savoir, il en jouit. Notre bourgeois
n’est pas si benêt que cela. Il s’émerveille
de l’essentiel.”
Paul-Laurent ASSOUN
“Le savoir rend puissant ; il ne rend pas bon.
Le savoir a transformé radicalement la vie
humaine, son rapport au temps, à l’espace,
à la nature. Mais les hommes des Lumières
avaient tort – le savoir ne s’est pas accompagné
de progrès moral. (…) Leçon amère qui contraint
à reconnaître non que le savoir ne sert à rien,
mais qu’il ne suffit pas au progrès social
et moral.”
Monique CANTO-SPERBER
“Le savoir n’est pas un singulier, mais un plu-
riel, il résulte des conquêtes qu’il conduit comme
autant d’attaques du réel. Il ne constitue pas une
totalité, il ne se définit pas, une fois pour toutes,
par la bibliothèque unifiée des textes qui en
présentent les pièces. (…) Le savoir, c’est la
liberté de l’esprit qui dispose du monde et n’est
pas à la disposition de puissances imaginaires
qui concourent à son aliénation.”
Georges BALANDIER
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