MARKETING POLITIQUE, SPIN DOCTORS ET INFLUENCE
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INTRODUCTION
Spin doctors, marketing politique, communication publique, storytelling, community management,
buzz, e-influence, : ces néologismes recouvrent-ils autre chose que la vieille propagande ? Est-il
utile de rhabiller d'anglicismes les anciennes recettes du"bourrage de crânes" ?
Bien sûr les méthodes de la persuasion, déjà formalisées dans la rhétorique grecque sont éternelles.
Bien sûr, on sait depuis toujours que "gouverner c'est faire croire".
Bien sûr, les "manufactures du consentement" fonctionnent avec un mélange à peu près constant de
déformation de la réalité, de mise en scène, de recours aux stéréotypes, de production d'émotions,
de refus de la pensée critique et de démagogie.
Pour autant, analyser les procédés de communication politique qui se mettent en place, par exemple
pour l'élection de 2012, dans les mêmes catégories que la guerre de 14 ou l'élection d'Einsenhower,
c'est risquer de ne rater l'essentiel.
Pour simplifier, nous considérerons la propagande "à l'ancienne" comme
un discours unilatéral - Un vers tous -,
uniforme ou s'adressant à quelques grandes catégories (femmes, jeunes, ouvriers...)
relayé par des organisations étatiques ou militantes - donc soumises à une autorité -
visant à faire partager des convictions idéologiques préalables s'appuyant sur des vérités de fait
supposées (p.e. : le plan quinquennal est un triomphe ou les populations acclament nos troupes
victorieuses)
dans un registre exalté, grandiloquent et grave
appelant à une mobilisation profonde de ses destinataires (et sans autre réponse que l'approbation
la plus muette)
et touchant un public plus ou moins captif - soit parce qu'il n'a pas accès à une autre forme
d'information, soit parce qu'il tend à s'identifier à une communauté et à s'enfermer dans sa bulle-
Bien entendu, n'importe quel gourou de la communication dira que ce qu'il fait est à rebours de ce
qui précède. Et il parlera volontiers d'écoute et attentes, de complexité et adaptation, de réseaux et
communautés, de valeurs et problèmes, de séduction et modernité, de mobilisations citoyennes et
choix du public, d'opinion volatile et de pluralité des sources.
Son monde mental se rapproche bien davantage de la publicité (même si la publicité en question
peut servir à vendre une guerre ou un président). Ses méthodes se veulent plus branchées (par
exemple, le storytelling ou la e-influence).Où est la vraie différence ?
Quelques textes publiés sur http://huyghe.fr et références pour aider le lecteur à se faire une idée
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Du docteur Folamour au docteur Folimage
Faire croire à volonté ? Il existe des marchands de symboles efficaces, d’images
fascinantes et de slogans irréfutables1.
Ils ont un surnom!: spin doctors. Le "spin", c’est la pichenette ou la torsion qu’ils
donnent à dans le sens désiré. Cette expression la meilleure traduction est
"docteurs Folimage!2" - s’est imposée dans sa version anglaise. Qu’ils pratiquent
des"relations publiques" pour des entreprises, ou le marketing politique ou qu’ils
travaillent pour l’État séducteur, les spin doctors sont partout. Ils inspirent le
cinéma (Des hommes d’influence ou Thank you for smoking) ou les feuilletons télévisés
(Spin City) auxquels ils fournissent parfois un ressort comique.
En France, nous connaissons le "conseiller en communication politique" révélé au public
quand Michel Bongrand soutenait Jean Lecanuet en 1965, puis personnifié par
Jacques Ségala qui se vanta d’avoir contribué à la victoire de Mitterrand en 1981
avec le fameux slogan de la "force tranquille". Désormais les hommes politiques ne
cachent plus qu’ils font appel à ces éminences grises. Tout le monde comprend
un article qui surnomme Henri Guaino le "spin doctors de Sarkozy".
Ce n’est rien par rapport au monde anglo-saxon la profession est solidement
établie dès les années 30, même si l’expression elle-même, spin doctor n’apparaît
qu’en 1984.
Leur action en temps de guerre les rend aussi célèbres que leur rôle dans l’élection
des présidents de la République (voir plus loin).
Déjà la guerre du Golfe de 1991 avait été marquée par la privatisation de la
communication ; des agences importantes contribuent aux opérations de
désinformation les plus célèbres comme l’histoire des couveuses de Koweït City.
Une petite infirmière de 15 ans aux yeux baignés de larmes avait raconté devant
les Nations Unies comment les soudards de Saddam avaient volontairement
coupé l’alimentation électrique des couveuses, provoquant la mort de plusieurs
prématurés). Le prétendu moin, Nayirah, se véla être la fille de
l’ambassadeur du Koweït. Cette mise en scène et quelques autres faisaient partie
du contrat de 11 millions de dollars entre Hill & Knowlton et les koweitiens en
exil. Comme d’autres avaient été engagées contre les Serbers lors de la guerre
d’ex Yougoslavie.
Parmi les multiples rumeurs qui se propagèrent pendant la première guerre du
Golfe (les salles de torture de Saddam, ses canons surpuissants, son armée qui était la
quatrième du monde, les Scuds porteurs de gaz qui volaient vers Tel Aviv, la marée noire que
déclenchait le dictateur menacé..), difficile de distinguer celles qui ressortent à un
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3
1 Voir Marie Lora Marketing politique Studyrama 2007 , et, à tittre de comparaison, un"classique" des années 70 comme L’État-
pectacle de R.G. Schwartzenberg
2"Docteur Folimage" est une merveilleuse traduction pour l’expression spin doctors, traduction dont nous sommes désolés d’avoir
perdu le nom de l’inventeuse.
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