Masses intracardiaques : ne pas se fier aux apparences

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La Lettre du Cardiologue - n° 377 - septembre 2004
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Masses intracardiaques :
ne pas se fier aux apparences !
F. Raoux*
* Institut de cardiologie, CHU de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
OBSERVATION
Nous rap p o rtons ici le cas d’une masse cardiaque intra - at ri a l e
ga u che dont l’évolution a permis d’en déterminer la nat u re ex a c t e.
Mme S. , 60 ans, a comme principal antécédent ex t ra c a r d i o l o-
gique une transplantation rénale sur une polykystose hépatoré-
nale, datant d’il y a 2 ans.
Sur le plan cardiologique, elle présente une hypertension arté-
rielle ancienne compliquée d’arythmie complète par fibrillation
auriculaire depuis 1999, associée à une dilatation atriale gauche
importante.
En plus de ses traitements immunosuppresseurs, elle prend des
anticoagulants oraux (fluindione :1 comprimé par jour), avec un
équilibre d’INR imparfait (INR 1,5 à l’entrée).
Une éch o c a r d i o graphie tra n s t h o r acique a été réalie 6 m o i s
a u p a ravant et n’a re t rouvé qu’une dilat ation at riale ga u che impor-
tante.
Dans le cadre d’un bilan systématique précédant une chirurgie
de parathyroïdectomie, une nouvelle échocardiographie est réa-
lisée.
Elle met en évidence une masse volumineuse dans l’ore i l l e t t e
gauche, non prolabante, hétérogène, quasi sphérique (34 mm x
31 mm x 32 mm), circonscrite, avec quelques éléments mobiles
filamenteux à sa surface, mobile, mais retenue par un pédicule
accolé au septum interauriculaire (figures 1 a, b et c).
L’ i m a ge rie tra n s t h o racique est alors complétée par une éch o-
c a rd i ographie tra n s œ s o p h agi e n n e, mais la pro c é d u r e est com-
pliquée d’unficit neuro l ogique fugace et totalement régre s-
sif en quelques minu t e s , at t r i bué à un accident isch é m i q u e
t ra n s i t o i re.
Un diagnostic de tumeur bénigne at riale ga u che (myxome) est
alors suspecté, et la patiente est transférée pour avis chirurgical.
D e vant la fo rm ation rapide de cette masse (moins de 6 mois),
l ’ AC FA ch ro n i q u e, et devant l’absence d’anticoag u l a tion effi-
cace, il est décidé d’instaurer d’abord un traitement anticoagu-
lant efficace par héparine de bas poids moléculaire associé à de
l’aspirine, sous contrôle échocardiographique quotidien.
a
b
c
Figures 1a et b.Volumineuse masse atriale gauche en coupe paraster-
nale
grand axe gauche) et parasternale petit axe droite).
Fi g u r e 1c.Volumineuse masse at riale ga u che en coupe apicale 4 c av i t é s .
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L’ é v olution est alors favo r abl e, avec une gression rapide et
p resque complète de la masse, c o n f i rmant sa nat u re thro m b o-
tique (figures 2 a, b et c).
COMMENTAIRE
Cet exemple illustre bien la difficulté de term i n e r, en éch o c a r -
diographie, la nature exacte d’une masse intracavitaire cardiaque.
É ch ograp h i q u e m e n t , le myxome est une masse bien circ o n s c ri t e,
mobile, au contour régulier, attachée à la paroi (le plus souvent
sur le septum interat rial) par un pédicule plus ou moins large.
Cette masse est souvent hétérogène (comportant des zones cal-
cifiées ou nécrosées) et volumineuse, et présente un fort poten-
tiel emboligène.
On parle de myxome prolabant lorsque la masse va venir s’en-
châsser à chaque diastole ventriculaire dans l’orifice mitral, et de
myxome non prolabant lorsque la masse est limitée à la cavité
atriale.
C l a s s i q u e m e n t , le myxome siège pférentiellement dans
l’oreillette gauche (75 % des cas), plus rarement dans l’oreillette
droite (20 % des cas).
Les myxomes intraventriculaires sont exceptionnels et se ratta-
chent souvent à une maladie polyendocrinienne.
Le principal diagnostic différentiel est le thrombus sphérique du
c o r ps de l’oreillette (on parle également de “ball thro m bu s ” l o rs-
qu’il est mobile,non adhérent aux parois), et, bien souvent, le
diagnostic est porté sur la pièce anatomique pendant ou après la
chirurgie.
É ch o grap h i q u e m e n t , il sagit dune masse souvent hy p e r -
é ch og è n e , assez homog è n e, d’aspect gra n i t é , bien circ o n s c ri t e
é g alement (le thro m b us se moule contre les parois de
l ’ o reillette).
D evant une telle masse, l ’ a ttention doit être attie par le
c o n t exte clinique et un terrain prédisposant à une anomalie
t h ro m b o t i q u e .
Ainsi, chez les patients présentant une pathologie thrombogène
(néoplasie, trouble de l’hémostase,maladie auto-immune, etc.)
ou une anomalie cardiaque facilitant la stase sanguine (dilatation
at ri a l e,AC FA , c a rd i o myo p athie dilat é e,bas débit card i a q u e,e t c. ) ,
la présence d’une masse intra c av i t a i r e doit fa i re évoquer un
thrombus en premier lieu.
L’un des éléments clefs à re ch e rcher reste une éch o c a rd i ograp h i e
récente ne retrouvant pas de masse.
En effet, la formation d’un myxome de cette taille peut prendre
plusieurs mois, voire plusieurs années ; le thrombus se formera
généralement en quelques jours.
En cas de doute et d’absence d’élément imposant une prise en
ch a rge ch i ru rgi cale en urgence (encl ave m e n t , re t e n t i s s e m e n t
hémodynamique lié à un obstacle au passage du sang, mobilité
sans attache avec risque de migration, etc.), un test par anticoa-
gulant et antiagrégant plaquettaire peut être tenté, mais, dans ce
cas, la régression de la masse doit être rapide (l’évaluation écho-
graphique quotidienne est souhaitable).
Le diagnostic de thro m bus peut alors être affi r lors de la régre s-
sion rapide de la masse.
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Figure 2a. Évolutivité du thrombus de J1 à J15, coupe para-
sternale grand axe.
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Figure 2b.Évolutivité du thrombus de J1 à J15, coupe para-
sternale petit axe.
Figure 2c. Évolutivité du thrombus de J1 à J15, coupe para-
sternale petit axe.
CONCLUSION
La détection échographique d’une masse volumineuse dans les
cavités cardiaques ayant les caractéristiques d’un myxome doit
t o u j o u rs être rat t a chée au contexte clinique afin de s’assurer qu’il
ne s’agit pas d’un thrombus.
En cas de doute et d’absence d’élément imposant une prise en
ch a rge ch i ru rgicale rap i d e , un test thérapeutique par des anti-
coagulants et antiagrégants plaquettaires peut être utile.
Un contrôle éch o c a rd i ographique quotidien est indispensabl e
pour voir s’il s’agit d’un thrombus ; la masse doit alors régres-
ser en quelques jours.
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