leonetto cappiello, guillaume apollinaire et le poète

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LES POÈTES ET LA PUBLICITÉ
LEONETTO CAPPIELLO, GUILLAUME APOLLINAIRE
ET LE POÈTE ASSASSINÉ
par Stéphanie DEPOISSE-MARCZAK
Institut français de Séoul
2016 rend hommage à Guillaume Apollinaire et à sa relation à l’art et aux arts : alors que se
tient actuellement au Musée de l’Orangerie la très belle exposition « Apollinaire : le regard du
poète 1 », nous fêterons en octobre le centième anniversaire de la parution du Poète assassiné 2,
dont le frontispice fut réalisé par André Rouveyre, et la couverture, par l’affichiste italien Leonetto
Cappiello. Connu pour être l’ami des peintres et le défenseur des avant-gardes, Apollinaire
est aussi celui qui, tout au long de son œuvre, aura cherché à instaurer, au sein même de ses
livres 3, un dialogue entre le texte et l’image 4. Fruit de la collaboration entre le poète, Cappiello
et Rouveyre, notre recueil semble donc tout naturellement s’inscrire à la suite des précédents,
dans cette recherche d’échanges poète / artiste.
Cependant, Le Poète assassiné se différencie des œuvres antérieures sur plusieurs points :
tout d’abord, pour la première fois, Apollinaire a fait illustrer la couverture de son livre. En outre,
le choix de Cappiello attire l’attention : des aquarelles réalisées par le poète au printemps 1916,
laissent penser qu’il avait décidé d’illustrer lui-même cette couverture. Mais finalement, il la
confiera au plus célèbre des affichistes des années 1910, alors même que ses collaborateurs
précédents – Derain, Dufy, Picasso – étaient issus de l’avant-garde picturale.
Quelles sont les raisons qui incitèrent Guillaume Apollinaire à faire appel à Cappiello ?
Comment leur collaboration s’est-elle déroulée ? Qu’en est-il des relations texte / image au sein
du Poète assassiné ? Telles sont les questions qui nous retiendront.
Le Poète assassiné , une œuvre marquée par la guerre
Il existe une constante dans l’œuvre illustrée d’Apollinaire : texte et image y sont étroitement
liés. C’est pourquoi, avant d’en venir plus particulièrement à la couverture réalisée par Leonetto
1. « Apollinaire : le regard du poète », Musée de l’Orangerie, Paris, 6 avril-18 juillet 2016.
2. Guillaume Apollinaire, Le Poète assassiné, Paris, L’Édition / Bibliothèque des Curieux, 1916.
3. Ses deux premiers recueils, L’Enchanteur pourrissant (1909) et Le Bestiaire (1911), sont accompagnés, l’un par les gravures sur
bois d’André Derain, l’autre par celles de Raoul Dufy ; Alcools (1913) s’ouvre sur un frontispice de Pablo Picasso.
4. Stéphanie Dépoisse, Les Livres de dialogue de Guillaume Apollinaire, un moment dans l’histoire du livre (Doctorat de
littérature française – Université Nancy 2, France), mars 2009 [en ligne] http://docnum.univ-lorraine.fr/public/NANCY2/
doc431/2009NAN21003_3.pdf (consulté le 26 avril 2016).
Cappiello, arrêtons-nous un instant sur le manuscrit du Poète assassiné , plusieurs fois modifié
entre 1914 et 1916, et son projet de couverture.
Le manuscrit de 1914 : le texte
Comme l’indique Apollinaire dans l’édition originale 5, une première version du Poète
assassiné était sous presse à la veille de la mobilisation : il n’est alors pas question d’illustration,
seulement d’un texte composé de contes, dont le premier s’intitule « Le Poète assassiné ». Dans
ce texte éponyme, Apollinaire narre sur un mode ludique, ou mélancolique, les aventures de
Croniamantal, de sa procréation à son apothéose. Ce personnage au nom étrange est à la fois
un archétype du poète et une image d’Apollinaire lui-même. Mûrie pendant près de quinze ans,
cette œuvre revêt une importance particulière puisqu’elle « met un point final à la recherche
autobiographique qui a obsédé Apollinaire depuis son adolescence 6 » ; Michel Décaudin va même
jusqu’à qualifier cette rencontre de l’autobiographie et du mythe de « fusion libératrice 7 ». Mais la
déclaration de guerre marque un temps d’arrêt dans la publication du recueil : son manuscrit est
déposé à L’Édition, mais ce n’est qu’en 1916 que le poète convalescent en reprendra les épreuves.
Printemps-été 1916 : les aquarelles d’Apollinaire, projet d’illustration pour la
couverture du Poète assassiné .
Fin mars 1915, Guillaume Apollinaire s’est porté volontaire pour le front mais, un an plus tard,
il est blessé à la tête par un éclat d’obus. Admis à l’Hôpital italien de Paris, il se remet doucement
de sa blessure et, à partir du 9 avril 8, commence à corriger les épreuves du Poète assassiné .
Début mai cependant, son état empire et il doit subir une trépanation. Apollinaire est très affaibli
et, pour passer le temps sans trop se fatiguer, se procure une boîte de couleurs. Il se met alors
à peindre des paysages, des portraits et surtout des autoportraits où il se montre en brigadier
masqué 9 – ces cinq aquarelles 10 constituent le projet de couverture du poète.
Parmi elles, deux nous intéressent particulièrement : sur la première, Le Maréchal des
Logis au masque d’Espérance , nous pouvons voir un cavalier de profil sur un champ de bataille.
Quant à la seconde, Un Cavalier masqué et blessé 11, elle présente sur un fond abstrait une
tête coupée et ensanglantée installée sur le dos d’un cheval. Sur chacune d’entre elles, des
5. Guillaume Apollinaire, Le Poète assassiné, Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 1997, p. 236.
6. Michel Décaudin, Apollinaire, Paris, Livre de poche, coll. « Références », 2002, p. 59.
7. Ibid. p. 10.
8. Peter Read, « Apollinaire et le Brigadier masqué. Lecture de trois aquarelles », dans Apollinaire 22, Caen, Lettres Modernes
Minard, 2007, p. 94.
9. Ces aquarelles sont reproduites dans l’ouvrage de Claude Debon et Peter Read, « La couleur à l’hôpital », dans Les Dessins de
Guillaume Apollinaire, Paris, Buchet-Chastel, coll. « Les cahiers dessinés », 2008, p. 123-142.
10. Le Brigadier masqué, dédicacée à André Billy, 1916, coll. part. ; Un Brigadier masqué, 1916, coll. du Département de la Meuse ;
Le Brigadier masqué, 1916, coll. part. ; Le Maréchal des Logis au masque d’Espérance, 1916, Rue des Archives / Coll. Belfond. Sans
titre. [Un Cavalier masqué et blessé], 1916, Rue des Archives / Coll. Belfond. Ces aquarelles sont reproduites dans l’ouvrage de
Claude Debon et Peter Read, Les Dessins de Guillaume Apollinaire, p. 124-131.
11. Nous avons utilisé le titre donné par Claude Debon.
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éléments caractéristiques de la vie d’Apollinaire-soldat sont visibles : ainsi, le titre de l’aquarelle,
l’uniforme du cavalier, et plus précisément le grade sur sa manche, font d’emblée le lien avec
son quotidien – il a été promu Maréchal des Logis le 1 er septembre 1915. Le cheval évoque
également cette promotion, mais sa présence dans toutes les peintures montre, en outre, que le
poète le considérait comme un véritable compagnon dans un univers guerrier et déshumanisé.
À l’arrière-plan du Maréchal des Logis , les explosions rappellent qu’à la fin du mois d’août 1915,
Apollinaire est nommé observateur aux lueurs ; affolant le cheval, elles sont aussi le signe de
la terreur et du fracas qui règnent sur le front. Toutefois, l’expression de la violence atteint son
paroxysme avec la tête coupée et sanguinolente du Cavalier masqué et blessé . Enfin, un élément
commun aux deux aquarelles fait référence à la fois à l’aspect militaire et artistique de la vie
d’Apollinaire : le masque évoque les masques à gaz que portaient les soldats et ceux que portent
les personnages de la Commedia dell’arte 12.
Figure 1 : Guillaume Apollinaire, Le Maréchal des Logis
au masque d’Espérance, 1916, aquarelle, 20,5 x 13 cm.
Rue des Archives / Coll. P. et F. Belfond.
Tous droits réservés.
Figure 2 : Guillaume Apollinaire, [Un Cavalier masqué
et blessé], 1916, aquarelle.
Rue des Archives / Coll. P. et F. Belfond.
Tous droits réservés.
12. Claude Debon et Peter Read, op. cit., p. 138-139. La figure de l’Arlequin est fréquente dans les productions artistiques de cette
période. La plus connue est une aquarelle offerte à Picasso intitulée Les Oiseaux chantent avec les doigts.
Les poètes et la publicité _ p. 193 ///
Dans la première aquarelle, Apollinaire a représenté, de manière réaliste, des éléments
significatifs de sa vie de soldat. Dans la seconde, il s’attache à dévoiler un autre aspect de son
existence, sa relation à l’art et à la création : ainsi, les facettes colorées du Cavalier masqué et
blessé ne peuvent manquer de faire penser à l’Orphisme 13, mouvement artistique qu’Apollinaire
exalte en 1912. L’implication du poète dans les avant-gardes est aussi symbolisée par cette
étrange fleur, dont Peter Read nous dit qu’elle rappelle l’artisanat populaire russe qu’Apollinaire
a pu voir dans les décors créés par Natalia Gontcharova pour un opéra-ballet :
Dans les dessins de Gontcharova pour Le Coq d’or , les devantures des maisons, les façades
des palais et d’autres espaces libres sont couverts de grandes fleurs stylisées, en rouge,
vert, bleu et or, rappelant les broderies et les meubles peints russes. La fleur dessinée par
Apollinaire en 1916 s’en inspire, comme en témoigne, par exemple, le bourgeon en forme de
cœur qu’Apollinaire emprunte directement aux décors qu’il avait tant admirés à la première
du Coq d’or 14.
Enfin, si cette tête coupée évoque, nous l’avons vu auparavant, la violence du champ de
bataille, elle peut aussi, plus symboliquement, suggérer la douleur causée par la blessure et
la sensation de vide et d’impuissance laissée par les céphalées et les pertes de mémoire chez
le poète après sa trépanation : sa tête, lieu de création, semble ne plus lui appartenir, elle est
comme détachée de son corps. Cependant, cet œil vivant et bien ouvert, souligné à la peinture
bleue 15, rappelle l’idéal auquel s’accroche Apollinaire : triompher de la mort et du temps par l’art
et la poésie.
Ces deux aquarelles traduisent les hésitations d’Apollinaire quant à la couverture qu’il souhaite
réaliser : doit-il opter pour une manière réaliste ou symbolique ? Doit-il se représenter en poète
justicier ou en poète assassiné ? Une chose est sûre, en adjoignant au mythe – symbolisé ici
par le cavalier héroïque et providentiel et par la clarté de l’œil bleu suggérant la victoire de l’art
sur la mort – des éléments autobiographiques, Apollinaire, en correspondance avec son texte,
présente son parcours de vie comme un récit mythique.
Octobre 1916 : ajout de la dernière nouvelle, du frontispice d’André Rouveyre et
de la couverture de Leonetto Cappiello.
Cependant, le livre qui paraît en octobre 1916 est bien différent du livre projeté : entretemps,
Apollinaire a procédé à de vastes coupes visant à l’unité du texte ; in extremis , il a aussi ajouté
une nouvelle supplémentaire, « Cas du brigadier masqué, c’est-à-dire le poète ressuscité »,
évoquant le destin de personnages, réels ou fictifs, marqués par la guerre. Placée à la toute
fin du texte, elle prolonge et vient clore une fois pour toutes l’autobiographie mythique. Son
titre n’est pas non plus sans rappeler les aquarelles, dont l’une aurait dû figurer en couverture.
13. L’Orphisme prône la lumière et la couleur comme éléments essentiels de l’œuvre picturale. Il est représenté par la série des
Fenêtres de Robert Delaunay.
14. Peter Read, art. cit. p. 103.
15. Il fait également référence à un conte du Poète assassiné, « L’œil bleu », dans lequel les petites pensionnaires d’un couvent
sont irrésistiblement attirées par un œil bleu.
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Mais ce projet n’aboutira pas : Le Poète assassiné paraît finalement avec un frontispice d’André
Rouveyre et une couverture de Cappiello.
Qu’Apollinaire ait eu le souhait d’illustrer lui-même la couverture de son ouvrage n’est
pas, contrairement à ce que l’on pourrait penser, si surprenant, car le dessin et la peinture
accompagnent le poète depuis de longues années : Un Album de jeunesse 16 présente un carnet
conservé par la mère du poète dans lequel transparaît déjà son goût pour la couleur et les
œuvres graphiques. Adulte, il continuera de dessiner sur les pages de sa correspondance, dans
ses carnets ou dans les marges de ses brouillons. Lorsqu’il arrive à Paris, en 1901, la rencontre
avec les artistes montmartrois est un choc : il se fait alors le défenseur des avant-gardes et fait
paraître, avec ses amis peintres, des livres où le dialogue entre le texte et l’image est à l’honneur 17.
Enfin, en juillet 1914, Apollinaire cherche à unir lui-même poésie et dessin en publiant dans Les
Soirées de Paris son premier calligramme, « Lettre-Océan ». Pourquoi alors abandonner son
projet de couverture ? On peut supposer qu’en raison de son état de santé, Apollinaire, triste et
très affaibli, n’ait pas jugé avoir la force de le mener à bien. En outre, il n’a jamais eu l’intention
de devenir peintre et ses productions sont toujours restées dans la sphère privée. Enfin, si ces
aquarelles traduisent son intention de donner au Poète assassiné une couverture qui serait une
transposition picturale de son autobiographie mythique, il faut avouer que, d’un point de vue
artistique, les essais ont été peu fructueux.
Les circonstances historiques et leurs conséquences sur la vie d’Apollinaire ont retardé la
parution du Poète assassiné . Pour autant, ce délai lui a permis de reprendre, de compléter et
de clore une autobiographie longtemps mûrie, ainsi que d’imaginer une couverture qu’il aurait
lui-même dessinée ; et si finalement le projet sera abandonné, il fournira cependant de précieux
renseignements à Cappiello.
Une couverture signée Cappiello
Quelque temps avant la publication de son livre, Apollinaire confia la réalisation de la
couverture à Leonetto Cappiello. Or, ce choix pose une question : pourquoi, alors que jusque-là
le poète avait fait appel à de jeunes peintres de l’avant-garde, se tourne-t-il tout-à-coup vers un
affichiste ? Comment la collaboration entre un poète, dont les œuvres sont destinées à un public
d’amateurs, et un publicitaire à succès s’est-elle déroulée ?
L’admiration de Guillaume Apollinaire pour Leonetto Cappiello
Pour ses volumes précédents, Guillaume Apollinaire avait choisi de travailler avec les peintres
de l’avant-garde montmartroise. Tirés à quelques centaines d’exemplaires, ces livres sont,
pour chacun, l’occasion d’expérimenter de nouvelles techniques, de transposer ses recherches
picturales sur un autre support, dans un autre espace, mais sont destinés aux amateurs de
poésie contemporaine et d’art moderne ou aux bibliophiles. Pourquoi Apollinaire a-t-il fait
16. Pierre Cayzergues, Un Album de jeunesse, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 2015.
17. Yves Peyré, Peinture et Poésie. Le dialogue par le livre, Paris, Gallimard, 2001, p. 107-108.
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appel à Cappiello, portraitiste mondain, affichiste fameux, ayant mis son talent au service de
l’industrie ? Un élément de réponse se trouve sans doute dans le goût d’Apollinaire pour l’affiche,
connu de tous depuis ces vers de « Zone », dans lesquels le poète célèbre la modernité et la
gaieté des slogans publicitaires :
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut
Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux 18
Mais Apollinaire, qui trouve son inspiration dans ce qui l’entoure, considère surtout le support
publicitaire comme un moyen de libérer le vers. En 1912, il déclare à André Billy :
J’essaye depuis quelque temps des thèmes nouveaux et forts différents de ceux sur lesquels
vous m’avez vu jusqu’à présent entrelacer des rimes : je crois avoir trouvé dans les prospectus
une source d’inspiration […]. Il me reste les catalogues, les affiches, les réclames de toutes
sortes. Croyez-moi, la poésie de notre époque y est incluse. Je l’en ferai jaillir […] 19.
Le poète souhaite s’inspirer des possibilités offertes par l’affiche pour ses propres œuvres :
un rapport étroit entre l’image et le texte et une grande liberté spatiale et typographique
permettraient d’exacerber l’expressivité du vers et d’en faire jaillir la poésie.
De plus, lorsqu’à l’été 1916 Apollinaire s’adresse à Cappiello pour la couverture du Poète
assassiné , les deux hommes ne sont pas des inconnus l’un pour l’autre : en 1910, le poète – alors
chroniqueur pour L’Intransigeant – avait rédigé une chronique sur un portrait d’Henri de Régnier
peint par Cappiello et présenté au Salon de la Nationale. Il terminait par ces mots :
L’œuvre de Cappiello est ici un bon tableau dont on peut louer la sobriété et une certaine force
contenue 20.
En réponse, Leonetto Cappiello lui avait envoyé ses sincères remerciements et avait fini
sa lettre en espérant « avoir bientôt l’occasion de faire [sa] personnelle connaissance 21 ». Et le
8 octobre 1912, c’était chose faite : trois jours auparavant, le 5 octobre, Cappiello avait invité
Apollinaire à venir découvrir les décorations qu’il venait d’exécuter pour les Galeries Lafayette 22.
Après s’y être rendu, ce dernier fit paraître un article où il exhorte les lecteurs de L’Intransigeant
à aller voir ces ensembles :
18. Guillaume Apollinaire, « Zone », dans Œuvres poétiques, édition de M. Adéma et M. Décaudin, Paris, Gallimard, coll. « la Pléiade »,
1956, p. 39.
19. Roger Shattuck, Les Primitifs de l’avant-garde, Paris, Flammarion, 1997, p. 300.
20. Guillaume Apollinaire, « Le Portrait d’Henri de Régnier par Cappiello. Anquetin », dans Œuvres en prose complètes II, édition
de P. Caizergues et M. Décaudin, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1991, p. 172.
21. Guillaume Apollinaire, Correspondance avec les artistes 1903-1918, Paris, Gallimard, 2009, p. 324.
22. Ibid., p. 325. Il s’agit de salons de thé et de lecture et d’un fumoir réalisés par Cappiello et situés au troisième étage des
Galeries Lafayette, boulevard Haussmann. Il y a créé quatre grands panneaux où figurent les quatre saisons et a dirigé tous les
travaux de peinture d’ébénisterie, de vitrail, d’éclairage et de tapisserie.
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Cappiello a réussi au-delà de tout ce que l’on pouvait imaginer. Ses ensembles, joyeusement
colorés, gracieusement découpés, délicatement assemblés, sont merveilleusement modernes,
où l’on aimera tout, où l’on admirera tout […] 23.
Certes, Apollinaire apprécie le travail de peintre et de décorateur de Cappiello, mais ce qu’il
aime par-dessus tout, ce sont ses affiches. Dès 1910, dans sa chronique du Salon des humoristes,
il écrit :
Cappiello triomphe avec ses affiches aux couleurs endiablées, représentant toute une
mythologie mystérieuse et joyeuse de demi-dieux gastriques ou hygiéniques, de petits génies
industriels, vifs et soudains comme des flammes de sorcellerie. Ils agitent rapidement et
rythmiquement leurs jambes et le rapport de leur mouvement à la saveur ou aux qualités
qu’ils prétendent exprimer est vraiment miraculeux 24.
Et l’année suivante, en 1911, il manifeste toujours le même enthousiasme :
Cappiello invente sans cesse des êtres séléniens ou solaires, prestes et inquiétants qui sont
aujourd’hui les génies familiers de l’industrie et du commerce. Vive Cappiello ! On lui doit la
joie répandue sur les murs de Paris, car aujourd’hui presque toutes les affiches procèdent de
celles de Cappiello 25.
Toucher un public populaire grâce à la renommée de Cappiello
Mais on peut aussi, et à juste titre, penser qu’Apollinaire a fait appel à Cappiello pour sa
popularité : en 1914, le poète, sans être riche, vivait correctement. Mais le gel de ses publications,
pendant la période où il se trouve au front, le place dans une situation financière très difficile. Il
s’en ouvre à Madeleine, sa fiancée, dans une lettre du 1 er août 1915 :
Jusqu’à la guerre, je gagnais fort bien ma vie et au moment de sa déclaration j’avais 18.000
francs (dix-huit mille) assurés pour 1915. Tout cela est à l’eau […].
Si bien qu’après la guerre je me retrouverai en face d’une situation à refaire avec un loyer de
toute la guerre à payer 26.
C’est pourquoi, dès l’été 1916, et autant que son état de santé le permet, Apollinaire se dépense
sans compter pour retrouver son niveau de vie d’avant : il reprend son travail de journaliste et
poursuit la publication du Poète assassiné , qu’il aimerait voir remporter le Prix Goncourt. Mais
Apollinaire se range plutôt du côté de la créativité et de l’originalité que du côté de la notoriété.
Aussi, pour toucher le public le plus vaste possible, le poète a besoin du talent, mais surtout de
la renommée de Cappiello qui, depuis qu’il s’est installé à Paris en 1898, est allée crescendo :
qu’il dessine des caricatures 27, réalise des affiches 28, peigne des portraits, illustre des revues ou
23. Guillaume Apollinaire, « "Ensembles" de Cappiello », dans Œuvres en prose complètes II, op. cit., p. 484.
24. Ibid., « Le 4e Salon des humoristes. La gaieté française est toujours vivante », p. 181.
25. Ibid., « Extravagances, folies charmantes, fusées d’esprit, gaieté endiablée, voilà ce que l’on trouve au Palais de Glace », p. 324.
26. Guillaume Apollinaire, Lettres à Madeleine, Paris, Folio, 2005 p. 110.
27. Son album de dessins, Nos Actrices, paru en 1899, fut son premier grand succès.
28. Sa carrière d’affichiste débute en 1900 avec Cachou Lajaunie (1900), Chocolat Klaus (1903), Thermogène (1907) et Cinzano
(1910).
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des livres 29, Cappiello ne remporte que des succès ; alors même que la guerre bat son plein, il
continue à travailler en illustrant des programmes de vente ou de spectacles de charité.
La collaboration
Nous avons peu d’informations qui nous permettent d’établir une chronologie de la
collaboration entre les deux hommes : Julia Hartwig, auteur d’une biographie du poète, nous
indique qu’il se trouve toujours à l’Hôpital italien lorsque « Madame Cappiello lui transmet les
amitiés de son mari qui a projeté la couverture du Poète assassiné 30 ». Nous savons également
qu’à partir du mois de juin 1916, Apollinaire reprend doucement contact avec les milieux littéraires
et artistiques. Aux alentours du 15 juillet, Apollinaire quitte l’hôpital et nous savons qu’à peine
sorti, il s’est rendu chez Cappiello au sujet du Poète assassiné . Absent au moment de la visite du
poète, l’artiste lui fait parvenir cette lettre datée du 18 juillet :
Cher Monsieur Apollinaire,
Naturellement, je ferai votre couverture, très heureux si cela peut vous faire plaisir. Mais à
quel moment faut-il la donner 31 ?
Cappiello a accepté de réaliser la couverture et un peu moins d’un mois plus tard, le 16
août 1916, alors que le livre est déjà sous presse, Apollinaire reçoit une carte pneumatique de
l’affichiste :
Cher Monsieur Apollinaire
Voulez-vous avoir l’obligeance de me téléphoner demain mercredi de 1h. ½ à 2h. au 503-62 ?
J’ai besoin de quelques renseignements pour votre couverture 32.
Parce qu’il leur était possible de se rencontrer régulièrement, ces deux lettres sont les seules
traces écrites connues de la collaboration entre Apollinaire et Cappiello concernant la couverture
du Poète assassiné .
Au regard de ses articles, on constate que le poète aimait la joie, le mouvement et le rythme
exprimés dans les affiches de Cappiello, qu’il admirait son talent et qu’il estimait cet homme
qui, ayant réussi à dégager les éléments artistiques des produits qu’il vantait, a rénové l’art de
l’affiche. Faire appel à Cappiello est donc presque une évidence pour le poète, d’autant plus qu’il
sait que sa signature constitue un gage de succès. Souhaitant toucher un large public, Apollinaire
fait illustrer pour la première fois la couverture de l’un de ses ouvrages ; réalisée par Cappiello,
elle en sera la réclame. La correspondance entre Apollinaire et Cappiello ne livre que peu
d’informations sur la collaboration entre les deux hommes ; et sur la réalisation matérielle de la
couverture, elle n’en livre aucune. Il nous faut donc nous pencher sur la couverture elle‑même,
afin de découvrir les rapports qu’elle entretient avec le texte et l’ensemble de l’ouvrage.
29. Leonetto Cappiello (1875-1942) [en ligne] http://cappiello.fr/illustrations/ (consulté le 24/05/2016). Cappiello a illustré Faux
Départ d’Alfred Capus en 1902 et La Carrière d’André Tourette de Lucien Mühlfeld en 1907.
30. Julia Hartwig, Apollinaire, Paris, Mercure de France, 1972, p. 364.
31. Guillaume Apollinaire, Correspondance avec les artistes 1903-1918, op. cit., p. 325.
32. Ibid. p. 325.
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Le rapport texte-image dans Le Poète assassiné
De par sa situation – à l’extérieur du livre – et le rôle qui lui est assigné – rendre le livre
visible –, une couverture est un support quasi-indépendant, qui peut se résumer à un titre ou ne
constituer qu’un élément ornemental destiné à accrocher l’œil du passant. Cappiello l’a réalisée
comme l’une de ses affiches, mais de façon à ce qu’elle entretienne des rapports étroits avec les
autres parties du livre.
Figure 3 : Leonetto Cappiello, Le Poète assassiné,
1916. Fusain, aquarelle et gouache, 595 x 395 cm,
At. Cappiello. Tous droits réservés.
Un juste équilibre entre biographie et anonymat
Au regard de la couverture et de sa maquette 33, il apparaît que Cappiello a choisi de
représenter certains des éléments biographiques qui apparaissaient déjà dans les aquarelles :
ainsi, le cavalier blessé, sa silhouette assez massive – qui peut facilement être rapprochée de
celle du poète –, sa blessure à la tête, son cheval et les deux chevrons visibles sur sa manche
suggèrent aux lecteurs d’Apollinaire que cette couverture annonce une autobiographie. Toutefois,
33. Leonetto Cappiello, Le Poète assassiné, 1916. Fusain, aquarelle et gouache, 595 x 395 cm, At. Cappiello. Nous tenons à remercier
M. Cappiello, ayant-droit de Leonetto Cappiello, d’avoir eu la gentillesse de mettre cette maquette à notre disposition. Elle est
reproduite dans le catalogue de l’exposition Apollinaire, le Regard du poète, s. dir. Laurence des Cars, Paris, Gallimard, 2016, p. 311.
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à la différence des aquarelles, Cappiello insiste tout particulièrement sur la couleur gris-bleu qui
colore les motifs et rappelle les uniformes des combattants de la Première Guerre mondiale ;
associée au fond uni clair et au rouge du sang qui s’écoule de la blessure, cette teinte suggère
les couleurs du drapeau français, soulignant ainsi l’attachement du poète au pays pour lequel il
est allé combattre – et peut-être aussi l’attachement de l’affichiste pour la France où il demeure
depuis 1898 et dont il demandera, à son tour, la nationalité en 1930.
Mais Cappiello est également un portraitiste fameux, et l’on peut se demander pourquoi
les traits du visage du soldat ne ressemblent pas plus à ceux du poète. Pour répondre à cette
interrogation, souvenons-nous qu’Apollinaire veut toucher le public le plus large possible ; pour
y parvenir, Cappiello doit laisser assez d’espace à l’imaginaire du spectateur pour que se mette
en place le processus d’identification. Cet espace, il le crée grâce à l’absence d’éléments qui
indiqueraient une situation ou un lieu particuliers et à la banalité des traits du cavalier, dans
lesquels n’importe qui peut deviner le visage d’un fils, d’un frère, d’un ami, lui aussi appelé
sur le champ de bataille, lui aussi blessé peut-être. Ainsi, par l’identification, Cappiello réussit
à toucher celui qui passerait devant la vitrine du libraire en faisant appel à son expérience
personnelle de la guerre.
Grâce à ce subtil équilibre entre portrait et anonymat, suggérant aux uns qu’il s’agit là du
poète d’ Alcools , générant chez les autres de l’empathie, Cappiello réussit à émouvoir à la fois le
fidèle lecteur et l’anonyme.
Une couverture construite comme une affiche
Identification, mais aussi lisibilité et visibilité, Cappiello applique les principes de ses affiches
publicitaires à la couverture du Poète assassiné . Ainsi, ni ornement ni paysage ne viennent
distraire le regard du passant : le cavalier et son cheval se détachent en gris-bleu sur un fond
totalement clair. On retrouve également cette simplification dans les motifs : Cappiello n’a rien
représenté qui ne soit strictement nécessaire à la lecture de son dessin. De même, lorsque l’on
compare la maquette à la couverture, on constate que Cappiello s’est efforcé de l’épurer car
pour être lisible, la couverture doit être dépouillée :
C’est la ligne, qu’il faut chercher et donner une importance secondaire à la couleur et aux
détails qui doivent seulement la mettre en valeur, l’embellir et l’enrichir 34.
On retrouve là les qualités de l’affichiste et du caricaturiste : il n’est pas nécessaire à
Cappiello de représenter le personnage dans l’univers qui lui est familier ou de s’embarrasser
de lignes superflues : il crée la vie par le mouvement. Ce mouvement, c’est la course effrénée
du cheval contrastant avec ce soldat blessé, bras et jambes ballants, sur le point de s’effondrer
sur l’encolure de l’animal.
Pour Cappiello, les affiches doivent être réalisées « pour être vues à la vitesse d’une
automobile ». Pour la rendre lisible, il en simplifie les motifs, souligne le mouvement. Pour la
34. Alain Weill, Cappiello. Sa vie, son œuvre, Paris, Éditions de Clermont, 1946, p. 63.
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rendre visible, il utilise le procédé de la tache qu’il décrit en 1907 :
[…] lorsque je conçois un projet d’affiche, ma première préoccupation est la recherche de la
tache. Cette chose difficile à définir qui, à grande distance, accrochera le regard du passant
par l’intensité de sa couleur, le chatouillera par le titillement de ses tons et le retiendra assez
de temps par l’agrément de son aspect pour le contraindre à lire l’affiche 35.
Dans la couverture du Poète assassiné , la tache qui accroche le regard, c’est cette tache
de sang qui recouvre la moitié du visage du personnage et se répand sur son uniforme. Si l’on
compare la maquette et la couverture, on note que Cappiello a travaillé à la faire ressortir en
éclaircissant les couleurs : immédiatement visible – la combinaison rouge sur bleu clair est
celle qui frappe le mieux la rétine –, cette tache arrête le regard, retient l’attention et fait naître
un sentiment allant de la tristesse à la compassion – et peut-être même jusqu’à l’envie de
vengeance, car les couleurs de Cappiello jouent sur le sentiment patriotique – pour ce soldat
français touché dans la fleur de l’âge, pour ce jeune poète que l’on vient d’assassiner.
La blessure, élément de cohésion du livre
Cappiello a fait le choix de concentrer l’attention du spectateur sur un motif significatif, tant
du point de vue plastique que du point de vue du sens, la blessure, qui attire irrémédiablement
le regard sur l’expression du cavalier : sa mine hébétée montre qu’il s’est fait surprendre par la
fulgurance de l’attaque. Cette blessure est sur le point de faire basculer sa vie, c’est pourquoi
l’artiste l’a représenté à la limite de la vie et de la mort : malgré les quelques forces qui lui
permettent de se tenir en selle, cet homme au regard vide et fixe est emporté au grand galop vers
son funeste sort. Cappiello montre l’instant où le destin hésite parce que ce moment tragique a
été vécu par Apollinaire, mais aussi parce que son intensité dramatique absolue pose la question
de la suite de l’histoire et donne au passant l’envie d’en connaître la fin.
Et effectivement, arrivé au seuil du livre, le lecteur découvre dans le frontispice d’André
Rouveyre la réponse à sa question : le soldat a survécu et ce soldat, c’est l’auteur lui-même.
Présenté de profil, le visage d’Apollinaire est marqué par la tristesse et par une douleur contenue
repérable aux rides sur son front, à ses sourcils froncés et à sa bouche grimaçante. À l’origine
de cette douleur, il y a la blessure à la tête que laisse deviner un bandeau occupant à lui seul
la moitié supérieure du dessin. Il existe donc un rapport de chronologie entre couverture et
frontispice : Cappiello a représenté Apollinaire blessé, Rouveyre l’a représenté pansé, lors de
son séjour à l’hôpital. En outre, la blessure est aussi le motif qui lie les différentes parties du
livre, dont elle est le fil rouge : fortement présente dans la couverture, suggérée par la douleur
dans le frontispice, elle est à l’origine, dans le texte, de la mort de Croniamantal 36 et du Brigadier
masqué 37.
35. Leonetto Cappiello (1875-1942) [en ligne] http://cappiello.fr/affiches/ (consulté le 24/05/2016).
36. Guillaume Apollinaire, Le Poète assassiné, op. cit., p. 124-125.
37. Ibid. p. 235.
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Dans le dessin, nous ne sommes plus face à un combattant blessé – l’uniforme est à peine
marqué par le col –, mais face à un homme souffrant physiquement et à un poète malade
de ne plus pouvoir créer. À la tache sanglante de la couverture est venue se substituer une
blessure invisible, dont la douleur est traduite par le trait noir et tremblant du dessinateur.
Pour Apollinaire, la souffrance résultant de la blessure constitue elle aussi un symbole fort car
elle témoigne de son engagement en tant qu’officier et en tant que poète : dès ses premières
œuvres, il en parle comme d’une étape nécessaire 38 car l’épreuve ultime pour le poète, c’est de
survivre à la douleur et la mort pour faire triompher l’art :
Venu à cheval jusqu’aux lignes, […] le brigadier au masque aveugle souriait amoureusement à
l’avenir, lorsqu’un éclat d’obus de gros calibre le frappa à la tête d’où il sortit comme un sang
pur, une Minerve triomphale.
Debout, tout le monde, afin d’accueillir courtoisement la victoire 39 !
À l’instar de Merlin, l’enchanteur pourrissant, de l’Orphée du Bestiaire ou du Brigadier masqué,
Guillaume Apollinaire fut blessé, a enduré la souffrance et revient pour célébrer la victoire de
la poésie et des arts sur le temps et la mort. La couverture de Cappiello ne constitue donc pas
uniquement un faire-valoir au Poète assassiné car son thème principal, la blessure – qui établit
des liens plastiques et des liens de sens entre les différentes parties du livre –, est garante de
l’unité de l’ensemble.
***
Construite comme une affiche, cette couverture ne manque pas d’attirer le regard du
passant, cependant, il serait réducteur de penser qu’elle ne soit qu’une réclame pour l’ouvrage.
Si l’affichiste y a mis tout son talent, l’artiste y a mis toute sa sensibilité en imaginant une
couverture qui montre le moment le plus intense de la vie d’homme et de poète d’Apollinaire.
Par ailleurs, si l’on étudie ses relations avec le texte et avec le frontispice de Rouveyre, nous
remarquons que cette couverture constitue à la fois un support indépendant et un élément
fortement liée aux autres, par l’intermédiaire du thème qui assure la cohérence du livre, la
blessure. En octobre 1916, Guillaume Apollinaire, aidé de Leonetto Cappiello et d’André Rouveyre,
a bel et bien mis un point final à son autobiographie mythique.
Qu’en est-il alors du Prix Goncourt sur lequel Apollinaire avait fondé tant d’espoirs ? Sensible
au statut de combattant de son auteur, l’ouvrage fut sélectionné par le jury. Mais ce recueil
atypique était loin de satisfaire les attentes d’un public avide de réalisme ; le prix fut donc
attribué au Feu d’Henri Barbusse. Déçu, Apollinaire se tourna à nouveau vers les avant-gardes,
bien décidé à continuer d’explorer le champ des possibles ouverts à la poésie par l’affiche
moderne, qui tient une place importante dans l’avènement de ce nouveau lyrisme, dont il se fait
l’annonciateur lors de la conférence L’Esprit nouveau et les Poètes en 191740.
38. Guillaume Apollinaire, « La Chenille », dans Œuvres poétiques, op. cit., p. 16.
39. Guillaume Apollinaire, Le Poète assassiné, op. cit., p. 235.
40. Guillaume Apollinaire, L’Esprit nouveau et les poètes, dans Œuvres en prose complètes II, op. cit., p. 943.
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Résumé
Ami des peintres et défenseur des avant-gardes, Apollinaire est celui qui, tout au long de
son œuvre, aura cherché à instaurer – au sein même de ses livres – un dialogue original entre
le texte et l’image. En octobre 1916, il y a tout juste un siècle, allait paraître Le Poète assassiné
de Guillaume Apollinaire, accompagné d’un frontispice d’André Rouveyre et d’une couverture en
couleurs de Leonetto Cappiello. Cependant, plusieurs aquarelles montrent que cette couverture
aurait dû être réalisée par le poète lui-même.
Pourquoi Apollinaire a-t-il renoncé à son projet d’illustration ? Que cherchait-t-il en s’adressant
à Cappiello, portraitiste mondain et affichiste, plutôt qu’aux artistes de l’avant‑garde picturale,
avec qui il avait déjà collaboré pour L’Enchanteur pourrissant et Le Bestiaire ? Quels rapports
entretiennent le texte et l’image dans Le Poète assassiné ? Et par-dessus tout, qu’apporte
le savoir-faire de Cappiello à cette œuvre littéraire ? Cette couverture pose nombreuses et
passionnantes questions auxquelles nous essaierons de répondre.
Abstract
As a friend of painters and defender of avant-garde, Apollinaire tried to create within his
books an original dialogue between text and picture. In October 1916, just one century ago,
Le Poète assassiné by Guillaume Apollinaire illustrated with a frontispiece of André Rouveyre
and a coloured cover of Leonetto Cappiello, is about to be published. However, several aquarels
show that this cover should have been carried out by the poet himself.
Why did Apollinaire give up his illustration plan? What did he search by getting in touch with
Cappiello, society portraitist and poster artist, rather than contacting the artists of pictorial
avant-garde, with whom he collaborated for L’Enchanteur pourrissant and Le Bestiaire ? Which
kind of connections link text and picture in Le Poète assassiné ? And above all, what adds
Cappiello’s know-how in this literary work? This cover raises many exciting questions which we
will try to address.
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conditions de réutilisation des oeuvres numérisées par les institutions et les marques citées.
Pour citer cet article
Stéphanie Dépoisse-Marczak, « Leonetto Cappiello, Guillaume Apollinaire et Le Poète
assassiné », Les Poètes et la publicité . Actes des journées d’études des 15 et 16 janvier
2016, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, ANR LITTéPUB [en ligne], s. dir. Marie‑Paule
Berranger et Laurence Guellec, 2017, p. 191-203. Mis en ligne le 20 février 2017, URL :
http://littepub.net/publication/je-poetes-publicite/s-depoisse-marczak.pdf
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