LInformation psychiatrique 2010 ; 86 : 39-47
PSYCHIATRIE DU SUJET ÂGÉ : ENJEUX CLINIQUES ET INSTITUTIONNELS
Psychose et vieillissement
Georges Jovelet
RÉSUMÉ
Le devenir des sujets psychotiques vieillissants, leur destin sont des préoccupations récurrentes des professionnels, des
familles et des pouvoirs publics. On observe cependant pour ces derniers un décalage entre les intentions affichées et les
réponses concrètes laissées à différentes initiatives ou improvisations. Les positions cliniques favorisées par le
glissement de la maladie mentale vers un répertoire de troubles, la dénomination de « handicap psychique », ainsi
que les pressions médico-économiques ont une incidence concrète sur la qualité des prises en charge et le défaut
dimplication des politiques. Lamélioration des soins somatiques et des prescriptions médicamenteuses doit être mise
en perspective avec une priorisation des soins vers laigu et une désorganisation des pratiques de secteur à légard de ces
patients. Nous conclurons par une réflexion sur la nécessaire adaptation de la prise en charge qui préserve la dimension
du soin.
Mots clés
:
psychose
,
vieillissement
,
altérations cognitives
,
démence
,
vésanie
,
secteur
,
secteur médico-social
,
Ehpad
,
Unafam
ABSTRACT
Psychosis and aging. The future for aging psychotic patients, their fate is a recurrent concern of professionals,
families, and government. As regards the latter, there is however a gap between declared intentions and concrete
responses left to different initiatives or improvisations. The clinical positions helped by the tendency of the mentally
ill towards a series of dysfunctions, the classification of physically handicapped, the medico-economic pressures,
have all had a concrete effect on the quality of patient management as well as a lack of political involvement. The
improvement in somatic care and medical prescriptions must be placed into its proper perspective with a priority
in care for acute patients and a disorganization of the psychiatric sector practices as regards these patients. We
conclude this article by considering the necessity of adapting management in order to preserve the dimension of
patient care.
Key words
:
psychosis, aging, cognitive alterations, dementia, madness, sector, medico-social sector, Ehpad (Housing
for the Aged), UNAFAM (The National Union of Friends and Families of the Mentally Ill)
RESUMEN
Psicosis y envejecimiento. El porvenir de los sujetos al envejecer, su futuro es una preocupación recurrente del
personal médico, de las familias, de los poderes públicos. Para los últimos, se observa sin embargo un desfase entre
las intenciones publicadas y las respuestas concretas sujetas a diferentes iniciativas o improvisaciones. Las posturas
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doi: 10.1684/ipe.2010.0576
Ce texte est la transcription de la conférence présidée par J.-C. Pascal et discutée par C. Hanon donnée sous le même intitulé à Arcachon, lors des
28
es
Journées de la SIP.
Psychiatre des hôpitaux, EPSMD de lAisne, 02320 Prémontré
Tirés à part : G. Jovelet
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clínicas auspiciadas por el deslizamiento de la enfermedad mental hacia un repertorio de trastornos, la denominación
de discapacidad psíquica, así como las presiones médico-económicas inciden de modo concreto en la calidad de la
atención y la falta de implicación de los políticos. La mejora de los cuidados somáticos y de las prescripciones
medicamentosas debe plantearse con una priorizacion de los cuidados hacia lo agudo y una desorganización de las
prácticas del sector para con los pacientes. Concluiremos con una reflexión sobre la necesaria adaptación de la
atención que preserve la dimensión de los cuidados.
Palabras claves
:
psicosis
,
envejecimiento
,
alteraciones cognitivas
,
demencia
,
vesania
,
sector
,
sector médico-social
,
Ehpad
,
UNAFAM (Centro de acogida para mayores dependientes y Unión Nacional de familias o amigos de enfermos
y discapacitados psíquicos
,
por sus siglas en francés NdT)
Introduction
La situation des patients psychotiques vieillissants est
incluse dans les déclarations de consensus sur la psy-
chiatrie de la personne âgée publiées par lOMS visant
à lutter contre la stigmatisation et la discrimination [5].
Si lEurope marque son intérêt pour le vieillissement en
général (Livre vert), le programme national de santé ne
prend pas en considération spécifiquement cette pro-
blématique. Les effets du vieillissement au travers des
troubles cognitifs et des évolutions démentielles, la psy-
chopathologie du sujet âgé, le devenir des handicapés
mentaux sont répertoriés mais manque la catégorie des
malades mentaux âgés ; sont recensés les patients triso-
miques, autistes, psychotiques, présents dans les institu-
tions médico-sociales (IMP, IMPRO, CAT, foyers), les
troubles psycho-comportementaux liés aux altérations
cognitives, mais pas un mot sur les psychotiques vieil-
lissants. La « propagande politico-sanitaire » priorise la
dépression, les addictions, la précarité-exclusion, la psy-
chopathologie du travail mais occulte le devenir de ces
patients.
Cette question qui apparaît dans lun des rapports rédi-
gés par des psychiatres à la demande du ministère de la
Santé
1
est absente du Plan psychiatrie et santé mentale
2005-2008. Certains Sros de psychiatrie, élaborés en
concertation avec les professionnels font apparaître ces
préoccupations et promeuvent des réponses concrètes à
cette problématique.
Des tendances évolutives se dégagent sous linflu-
ence du manque de lits, de la diminution de la durée de
séjour, de la réorganisation des unités de soins et des
mutations de lhospitalisation plus tendue vers le traite-
ment de la crise que par les hospitalisations de longue
durée.
La désignation des malades mentaux stabilisés par le
vocable de « handicapés psychiques
2
», la pression des
organismes de tutelles dénonçant les inadéquations ont
des conséquences sur une médico-socialisation de ces
patients, concrètement par leur transfert dès 60 ans dans
des Ehpad.
Données démographiques
et épidémiologiques
Évolution démographique
Le pourcentage des plus de 60 ans est passé de 12,8 %
en 1907 à 21,7 % en 2007, les plus de 75 ans représen-
tant 8,4 % de la population, avec une espérance de vie
actuelle de 77,6 ans pour les hommes et 84,5 ans pour les
femmes
3
. Ces données induisent une évolution du nombre
de personnes âgées atteintes de troubles psychiatriques
qui devra tenir compte de lamélioration des soins soma-
tiques et de la qualité des traitements médicamenteux.
Cette situation laisse présager une crise dans les structures
de soins.
Épidémiologie
En France, les malades psychiatriques âgés de plus de
60 ans représentent 18 % de la population souffrant de
troubles mentaux (12 % des hommes et 24 % des femmes).
Un patient schizophrène sur 7 aurait plus de 65 ans [18].
Avec lavancée en âge, la prévalence de cette pathologie
décroît.
Selon une étude américaine le nombre de psychotiques
traités doublera dans les 20 années à venir, ils représente-
raient dès à présent 2 % de la population à partir de 54 ans.
Autre donnée chiffrée : le pourcentage de patients psycho-
tiques séjournant en Ehpad serait de 28 %, il est indiqué
ailleurs le chiffre de 12 %. Ce pourcentage, à linstar de
celui des patients psychotiques présents en prison, est
1
Nous faisons référence au Plan dactions pour la psychiatrie et la promo-
tion de la santé mentale (P. Clery-Melin, V. Kovess et J.-C. Pascal) qui
préconise des structures dhébergement capables daccueillir les handica-
pés psychiques âgés, le développement déquipes mobiles de psychiatrie à
destination des Ehpad, de médecins coordonnateurs et de psychologues
dans ces établissements.
2
Désignation recommandée par le rapport de mission de E. Piel et
J.-L. Roelandt et soutenue par lUnafam afin de déstigmatiser la maladie
mentale et faire du patient un usager.
3
Source Ined, données 2007.
G. Jovelet
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sujet à caution du fait de sa délimitation floue et de son
utilisation politique pour solliciter un accroissement des
moyens.
Il ne sagit pas dune population homogène mais qui a
cependant une certaine unité quant à lexigence de soins
spécialisés.
Délimitation
Nous incluons dans le groupe « psychose et vieillisse-
ment » les patients psychotiques traités, âgés de plus de
60 ans (lâge dentrée sans dérogation en Ehpad) : il sagit
de patients schizophrènes, de délirants chroniques, de patients
uni ou bipolaires, suivis de longue date en psychiatrie
publique ou libérale, à lexclusion des décompensations psy-
chotiques délirantes ou dysthymiques tardives sans trouble
cognitif associé que sont les anciennes psychoses dinvolu-
tion ou des patients vulnérables, borderline, adaptés dans la
vie sociale au prix dune vie ritualisée hyperconforme et qui
vont décompenser durablement sur un mode psychotique lors
de leur admission en Ehpad.
Les patients psychotiques vieillis cumulent les représen-
tations sociales négatives, les préjugés et le rejet liés à la
psychose, cest-à-dire à la folie avec un effet de discrimi-
nation sensible sur leur lieu de vie personnel ou en Ehpad,
de la part des autres résidents, des familles, du personnel
qui déclare : « Nous ne sommes pas compétents, pas for-
més, nous nentendons rien à la psychiatrie ! »
Enfin sy associent les représentations liées à lâge
avancé et à la sommation des handicaps. Les déficits
physiques, sensoriels ou cognitifs sont mieux tolérés que
la psychose. Ces patients sont souvent stigmatisés avec les
équipes de psychiatrie qui sen occupent doù la nécessité
de tisser des liens de partenariat qui dépassent cette
défiance a priori. La présence danciens infirmiers de sec-
teur psychiatrique (ISP) dans les équipes de lEhpad est un
facteur de meilleure intégration.
Ces patients, nous lavons indiqué en préambule sont les
« laissés pour compte » de notre système de santé. Pas de
cause nationale, pas de journée dédiée comme pour la
maladie dAlzheimer et donc pas les moyens budgétaires
afférents. La prise de conscience des familles (Unafam) est
àlorigine de réalisations ponctuelles ; il ny a pas de poli-
tique publique menée dans lensemble du territoire mais
des initiatives isolées, tributaires des Sros et de linscrip-
tion en bon rang dans le CPOM.
Les patients psychotiques lorsquils sont hospitalisés de
longue date dans les services de psychiatrie (plus de
270 jours) sont considérés comme « inadéquats », des ina-
daptés du lien social, de la norme, des « indésirables » ?
La responsabilité de non sortie nest pas imputée à la mala-
die et à la chronicité quelle génère ni au manque criant de
structures alternatives mais à linertie voire à lincapacité
supposée des équipes. Nous soutenons en réponse que
linadéquation porte sur le manque de moyens innovants
de réinsertion. Les patients dont lâge se situe autour de
60 ans représentent près de 10 % de la catégorie des « ina-
déquats » en région picarde, chiffre comparable au 10 %
retrouvés en Gironde et 12 % en Aquitaine [4].
Un état des lieux et des liens
Nous avons évoqué à grands traits ces patients à partir
de leur pathologie (la psychose) et de leur âge (plus de
60 ans), mais ou vivent-ils ?
Nous utiliserons à titre indicatif létude de JRM Cope-
land de 1998 régulièrement citée [7] :
44 % de ces patients sont hospitalisés à temps plein ;
26 % vivent dans leur famille (auprès de parents âgés, du
conjoint) ;
17 % vivent en Ehpad ou en long séjour ;
13 % vivent seuls.
Les différents travaux soulignent une surreprésentation
dhommes et de célibataires.
Dans cette catégorisation, manquent deux références
marginales mais quil convient de rappeler :
les patients psychotiques vieillis qui séjournent en milieu
pénitentiaire (souvent pour des longues peines) qui sont
regroupés dans des établissements spécialisés (Château-
Thierry) et dont lorientation à la fin de leur séjour peut
seffectuer en Ehpad ;
des psychotiques en rupture de soins, vivant dans la rue ;
du fait de la conjugaison des risques, lespérance de vie de
ces sujets est réduite.
Un commentaire sur les patients psychotiques vieillis
séjournant en institution psychiatrique (CHS ou CH) :
jusquàlavènement des neuroleptiques (1952) et la mise
en place de la politique de secteur (1960), les psychotiques
hospitalisés restaient majoritairement en continu en hôpital
psychiatrique et y mourraient
4
. Lieu de vie (dassistance) et
lieu de soins étaient ainsi confondus. Le mouvement de
désinstitutionalisation qui a débuté dans les années 80 a
accéléré la dynamique sectorielle et a provoqué avec la
création de « structures intermédiaires », de foyers, MAS
et surtout le développement des maisons de retraite, la fer-
meture de plus de 40 000 lits de psychiatrie (84 566 en
1987, 43 173 en 2000) [4].
Séjournent de façon prolongée dans les unités de psy-
chiatrie générale soit des patients souffrant de psychoses
résistantes, réfractaires, qui entraînent des réhospitalisa-
tions répétées et dont lactivité délirante, les troubles dis-
sociatifs, les difficultés relationnelles induisent des échecs
répétés de sortie et rendent illusoire une insertion en milieu
médicosocial ou autre milieu aménagé, soit des patients
4
À Prémontré, les tombes, anonymes jusque dans les années 50, sont dis-
posées à la manière des cimetières militaires, lemplacement est indiqué
par une croix. Le « carré » des religieuses est au centre, clos ; le cimetière
communal est mitoyen, délimité par une haute haie de thuyas.
Psychose et vieillissement
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psychotiques stabilisés, mais isolés au plan familial et
social, qui sont en attente dune admission en maison de
retraite. Leur sortie est complexifiée par létiquette psy-
chiatrique. Ces patients sont devenus dépendants de
linstitution. Les unités de « déchronicisation » peuvent
préparer à cette orientation en Ehpad.
À domicile
Les psychotiques ayant préservé leur insertion sociale
vivent pour les 2/3 en milieu familial, y vieillissent. Laug-
mentation de lespérance de vie amène à une prolongation
de cette cohabitation.
Des parents âgés, des conjoints sont confrontés au
quotidien à laccompagnement dun proche affecté par la
maladie avec les aléas de décompensation, de situations
critiques, de rupture de soins entraînant chez eux un véri-
table épuisement ou un désinvestissement. La seule alter-
native à terme est lentrée en maison de retraite, décision
souvent douloureuse pour tous.
Si lon considère les différentes facettes de la prise en
charge, temps plein, temps partiel, appartement thérapeu-
tique, foyer-CAT, placement familial, la voie commune
à plus ou moins longue échéance conduit à la maison
de retraite à un âge dentrée bien inférieur à la moyenne
de la population de référence qui est de 84 ans !
Secteur, patients psychotiques
et maison de retraite
Dans les missions traditionnelles du secteur, figurait dès
la circulaire fondatrice de 1960, une incitation forte à faire
de la liaison (on ne parlait pas de réseau) avec les institutions
médicosociales dont les maisons de retraite. Le psychiatre,
les infirmier(e)s devaient se rendre dans ces structures afin
dassurer des consultations de suivi, ladaptation régulière
du traitement et « assurer prévention et dépistage » [1].
Limplication dinfirmiers de secteur parfois qualifiés
« de liaison » lorsquils étaient affectés principalement sur
lextrahospitalier garantissait les bonnes conditions dadmis-
sion du patient et le maintien dun lien thérapeutique avec
léquipe de la maison de retraite.
La multiplication des missions liées au glissement de la
psychiatrie vers la santé mentale, laugmentation des files
actives alors que les moyens stagnent ont souvent mis à
mal cet engagement. La prise en charge des patients psy-
chotiques, là ou le secteur excellait, a été progressivement
déconstruite. La psychose nest plus une priorité de santé
publique, sauf lorsquil y a passage à lacte ou menace.
Ce nest pas le moindre paradoxe de lorientation actuelle
des politiques publiques.
Le travail de liaison nest plus quamorcé. Le patient
admis en Ehpad est reçu à quelques reprises par le psychia-
tre de secteur, les équipes infirmier(e)s interviennent au
décours puis cessent leur visite, la reprise de contact a lieu
àloccasion dune réhospitalisation pour compensation.
Combien de secteurs ont en extrahospitalier une dotation
conforme à la circulaire du 9 mai 1974 qui recommandait
« au minimum un temps infirmier par 10 000 habitants pour
le travail extrahospitalier » [1] ?
Lorsque lon considère la trajectoire des patients au cas
par cas, la rupture dans la prise en charge qua constituée
limmersion brutale dune communauté thérapeutique dans
une structure dhébergement constitue une violence insti-
tutionnelle qui facilite la désorganisation psychique. Cer-
tains patients font savoir quils préféreraient rester dans
nos unités plutôt que dentrer ou retourner en maison de
retraite.
Psychotiques vieillissants
et projet de soin
Nous allons à propos de la « population » des psychoti-
ques vieillis mener une réflexion en quatre points : clinique,
thérapeutique, institutionnel et organisationnel.
Ces distinctions sont artificielles car clinique et théra-
peutique, institution et organisation sont intiment liés
dans le projet de soin concernant le patient.
La question clinique
Les modalités évolutives du processus psychotique
Des études catamnestiques confirment limpression
clinique du praticien quant aux modalités évolutives des
psychoses, à savoir pour les patients schizophrènes, une
atténuation des symptômes pour 62 % dentre eux [16],
27 % restent inchangés ou saggravent. Lactivité déli-
rante, les hallucinations se tarissent tandis que le retrait
social, affectif, le négativisme et lapathie persistent avec
une existence très ritualisée. Cette mise « hors temps »
doit-elle être « comprise dans un tableau définitif de la psy-
choseou dune réponse sociale spécifique dont on doit
se demander si elle est un effet permanent dinfrastructure
ou une réponse temporairement et historiquement détermi-
née » [21] ? La réduction des troubles seffectue au profit
des symptômes négatifs, doù une réduction du réseau
social et de lautonomie aboutissant à lorientation en
maison de retraite via lhôpital.
Chez les délirants chroniques, en particulier les sujets
persécutés, lexistence dun mauvais objet, source de souf-
france et de limitation dans la vie quotidienne permet de
faire léconomie de la dépression, de considérations néga-
tives sur le vieillissement ou de masquer latteinte détério-
rative associée.
Pour les patients uni ou bipolaires, lévolution au
long cours serait globalement favorable avec raréfaction,
voire disparition des accèset à un moindre degré sont
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décrites des formes chronicisées mixtes, dysphoriques,
subagitées, dont les intervalles libres samenuisent voire
disparaissent.
Ce sont ces patients devenus résistants aux différents
traitements que nous rencontrons dans les unités dhospi-
talisation. C. Pfersdorff [14] sest attaché à saisir avec
minutie linfluence de lâge sur cette clinique. Des biais
rendent difficile lévaluation globale du devenir, patients
perdus de vue, décès précoces en particulier par suicide,
changement de domicile. Des études longitudinales sur
plusieurs dizaines dannées, telle celle de M. Bleuler de
1978, ou plus récentes de Ciompi et Muller de 1997 [17],
permettent de décrire les modalités évolutives à partir de
trois phases, de début, détat et séquellaire. Pour cette der-
nière étude, 62 % des symptômes isolés observés lors de la
première hospitalisation avaient totalement disparu à un
âge avancé, 11 % sétaient atténués alors que 20 % étaient
restés inchangés ou sétaient aggravés.
Des états résiduels non spécifiques apparaissent à côté
dune tendance générale à lamélioration et à un « aplatisse-
ment de la symptomatologie ». Ces données sont essentielles
à rappeler avec celles des rémissions spontanées car au nom
de la prévention de la rechute avec son spectre, la réhospita-
lisation dans des unités « saturées », des psychotiques âgés
ont leur traitement neuroleptique maintenu sans aménage-
ment. Lextinction du processus psychotique avec lâge aurait
permis la diminution voire larrêt de cette thérapeutique.
Psychose chronique et troubles cognitifs
Une littérature récente sur psychose et vieillissement
[7, 9-11, 15, 22] répertorie lexistence daltérations cogni-
tives dévolution démentielle corrélées au vieillissement
chez les sujets psychotiques.
Ces références bibliographiques permettent un accès à
ces articles, globalement consensuels sur le retour de cette
problématique qui justifie la réactualisation dun débat.
La résurgence de conceptions kraepeliniennes vis-à-vis
de la maladie mentale est favorisée par lessor des neuros-
ciences, de limagerie médicale et des théories localisation-
nistes du fonctionnement cérébral. E. Kraepelin dans la 4
e
édition de son Lehrbuch von psychiatrie a regroupé en
1899 sous le vocable de « démence précoce » différentes
variétés de psychoses ; il considérait à la suite de
B.A. Morel, de K.L. Kahlbaum que lévolution était un
élément constitutif du diagnostic.
La Verblödung
5
, littéralement « labêtissement » recou-
vrait le concept de démence vésanique des aliénistes, mode
dévolution de la folie maniaque et dépressive secondairement
étendue à lensemble des maladies mentales. En 1895, A. Ritti
dans son rapport sur les « psychoses de la vieillesse
6
» note
que « les aliénés et en particulier les circulaires et les persécu-
tés, arrivent aux extrêmes limites de la vieillesse sans tomber
dans la démence ».
E. Bleuler avec le concept de schizophrénie sinscrira en
faux contre ce verdict, il affirmera au contraire lévolution
favorable dans bon nombre de cas. Des études longitudinales
remettront en cause le dogme dincurabilité et dévolution
déficitaire ou démentielle des psychoses. La résurgence de
ces positions néokraepeliniennes amène à des réflexions
dordre méthodologique, épistémologique et éthique.
Réflexions dordre méthodologique
et épistémologique
Ce discours dominant est de nature asséritive ; il contient
des éléments de contradiction interne et externe
7
liés à la
définition même du processus démentiel, de limpossibilité
de faire la part entre ce qui relève du processus psychotique
et du traitement neuroleptique ou antipsychotique reçu, à la
nature des rapports entre vieillissement-psychose et mala-
die neurodégénérative.
H. Ey [6] souligne que beaucoup dauteurs restent « atta-
chés à lidée que lévolution démentielle représentait la
forme vraie de la chronicité schizophrénique », il critiquait
cette proposition, considérant que lappréciation de détério-
ration intellectuelle « ne peut se suffire dévaluations quan-
titatives mais aussi qualitatives qui mettent en évidence
lincapacité foncière et irréversible (des schizophrènes) de
résoudre les problèmes intellectuels de lexistence ». Et de
conclure : « On peut dire que la plupart des schizophrènes
ne sont pas, ni ne deviennent déments. »
Un article récent [2] consacré au « renouveau du
concept de démence dans la schizophrénie » soutient avec
prudence lindépendance du déficit par rapport à la dose de
neuroleptiques reçue
8
. Cette question est présente en fin
darticle dans lapproche thérapeutique : « Plusieurs études
récentes réalisées tant chez lanimal que chez lhomme
suggérant quà la différence des neuroleptiques classiques,
5
Il a été fait reproche à E. Kraepelin de navoir appuyé son étude que sur
des patients « asilaires ». H. Ey souligne que lévolution démentielle ter-
minale pouvait être un produit artificiel de la séquestration du malade
« ce serait plus une démence carcérale que due à la maladie » [6]. Autre
formulation de la suraliénation institutionnelle dénoncée par les anti-
psychiatres.
6
Publié dans les Annales médico-psychologiques 8
e
série, tome II,
septembre 1895 ; 171-4.
7
Dans la même revue mais en 2009 Ortega et al. [13] affirment : « Il
semble que lévolution déficitaire de Kraepelin soit remise en cause par
les données récentes de la littérature. » Quelques lignes plus loin : « Ces
résultats ne sont pas en faveur dune évolution neurodégénérative de la
schizophrénie. » Lire également dans [20] : « Labsence de preuves
concluantes dune neuropathologie frontale. »
8
« Ces déficits (cognitifs) paraissent relativement indépendants dun cer-
tain nombre de paramètres cliniques ou socio-démographiques tels que la
dose de neuroleptiques, lâge de début de la maladie, la durée des troubles
ou la fréquence des hospitalisations mais létude semble manquer de puis-
sance à ce niveau, de tels paramètres nétant pas toujours rapportés avec
précision dans les différentes études citées. » La robustesse de lannonce,
titre et résumé, contraste avec la faiblesse des études !
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