et biologique par des systèmes d’égalité stricte entre composantes et résultantes. L’âme est
rendue à sa fonction de pensée, en dehors de tout contact avec la matière7 », à l’instar des sens.
2 L’âme et le corps tels que perçus par la pensée
À partir des opérations de l’esprit que nous avons exposées, comment l’âme et le corps sont-ils
perçus par la pensée ? Dans l’acte de penser, Descartes pose la distinction de l’âme et du corps :
Examinant avec attention ce que j’étais, et voyant que je pouvais feindre que je
n’avais aucun corps […] je connus de là que j’étais une substance dont toute
l’essence ou la nature n’est que de penser, et qui, pour être, n’a besoin d’aucun lieu,
ni ne dépend d’aucune chose matérielle. En sorte que ce moi, c’est-à-dire l’âme par
laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps, et même qu’elle est
plus aisée à connaître que lui, et qu’encore qu’il ne fût point, elle ne laisserait pas
d’être tout ce qu’elle est8.
Descartes présente ainsi le sujet pensant distinct du corps que l’on retrouve dans la première
notion primitive, la pensée, « en laquelle sont comprises les perceptions de l’entendement et les
inclinations de la volonté9 » que nous avons évoquées antérieurement. Il affirme dans Principes
de la philosophie : « la principale distinction que je remarque entre toutes les choses créées est
que les unes sont intellectuelles, c’est-à-dire sont des substances intelligentes, ou bien des
propriétés qui appartiennent à ces substances ; et les autres sont corporelles, c’est-à-dire sont des
corps ou bien des propriétés qui appartiennent au corps10 », d’où la notion de substance pensante
pour désigner l’âme et celle de substance étendue pour signifier le corps : c’est le dualisme
cartésien. Les opérations de l’esprit évoquées précédemment permettent ainsi de mieux saisir
cette distinction de l’âme et du corps chez Descartes, car du doute a surgi le cogito et la première
certitude, celle de « la chose qui pense ».
7 Léon Brunschvicg, « La pensée intuitive chez Descartes et chez les cartésiens »…, p. 6.
8 René Descartes, Discours de la méthode, Présentation et dossier par Laurence Renault, Paris, GF Flammarion,
2000, p. 66-67.
9 René Descartes, Correspondance avec Élisabeth et autres lettres…, p. 68.
10 René Descartes, Les principes de la philosophie…, p. 74.