Cette page due à Daniel Dollé est extraite du programme réalisé pour la production du Grand
éâtre de Genève, en septembre 2010.
L’œuvre
Il Barbiere di Siviglia est sans doute l’opéra bouffe le plus célèbre de l’histoire de la musique, et reste
l’un des « tubes » du répertoire lyrique, une éternelle source de jouvence et de délices. Créée à la
Comédie-Française le 23 février 1775, la pièce de Beaumarchais (1732-1799) inspira très
rapidement de nombreux musiciens dont Giovanni Paisiello, un compositeur très populaire à
l’époque et dont l’ouvrage fut représenté à Saint-Pétersbourg en 1782. Le 15 décembre 1815,
Rossini reçoit la commande d’un opéra pour le éâtre Argentina de Rome. Un premier livret,
jugé insuffisant, est vite abandonné. Le 29 janvier 1816, le librettiste Cesare Sterbini termine un
autre livret partant de la pièce de Beaumarchais. Rossini avait sollicité l’autorisation de Paisiello
pour utiliser le même sujet et, afin d’éviter toute accusation de plagiat, avait intitulé l’opéra
Almaviva ossia l’inutile precauzione. Le livret fut écrit en 11 jours, la partition en 13 jours. La force
comique de l’ouvrage est incontestable, mais il faut encore chercher ailleurs la grandeur de cet
ouvrage. La rencontre avec le texte de Beaumarchais donne une réalité humaine et sociale aux
personnages. Le réalisme pré-révolutionnaire est passé par là, et toute l’audace de Figaro peut se
résumer dans la réplique que lui prête Beaumarchais « Aux vertus qu’on exige d’un domestique,
Votre excellence connaît- elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d’être valets ? » Une
réplique qui ne pouvait que séduire le jeune républicain de 25 ans, et qui permettait à Rossini,
de faire un clin d’œil à la censure romaine.
L’intrigue
Le docteur Bartholo tient séquestrée sa jeune pupille Rosine qu’il aimerait bien épouser afin de
conserver sa dot. Le comte Almaviva, épris de Rosine, vient donner une sérénade sous ses
fenêtres. Encouragé par un billet d’elle, il achète, grâce à ses largesses, les services de Figaro, un
de ses anciens domestiques. Parviendront-ils à déjouer la surveillance du vieux barbon secondé
et conseillé par un complice, Basile, le maître de musique, et... maître en calomnies ? Une
bague précieuse, un pistolet viendront à bout de l’apparente intégrité du notaire et de Basile.
Bartholo arrivera trop tard, pour constater le mariage des deux jeunes gens. Almaviva et Figaro
ont rendu les « précautions inutiles » et la fureur de Bartholo se calmera lorsqu’il apprendra que
le comte lui laisse la dot de sa pupille.
La musique
Lorsqu’on pense à la justesse des caractères et des situations, lorsqu’on songe à la prodigieuse
invention mélodique de l’œuvre, à son brio, il est difficile de croire au fiasco qui salua la création
de Il Barbiere di Siviglia pour marquer le début du Carnaval romain. Les causes de cet insuccès
furent nombreuses dues en partie à la popularité de Paisiello et aux incidents qui émaillèrent la
représentation. Le compositeur, qui tenait le clavecin, prétexta une indisposition pour ne pas
participer à la seconde représentation qui se déroula dans une bien meilleure ambiance. Le 27
février, au moment de la clôture de la saison du éâtre Argentina, le public, qui avait conspué
le compositeur une semaine plus tôt, le porta en triomphe avant son départ pour Naples.
Pour composer son opéra, Rossini, qui avoue une certaine paresse, est obligé de piller ses
anciennes compositions pour réaliser de nouveaux assemblages que son génie exceptionnel
transforme en nouveauté. Cette ouverture, si célèbre et indissociable de cet opéra bouffe, a été
écrite dès 1814 pour Aureliano in Palmira, et déjà réutilisée pour Elisabetta, regina d’Inghilterra, son
premier ouvrage napolitain. Mais Rossini n’a pas limité les emprunts à l’ouverture. Le chœur
nocturne figure déjà dans Sigismondo; la cavatine du comte est tirée d’un air de Ciro in Babilonia;
l’orage était déjà esquissé dans L’occasione fa il ladrone, et Figaro utilise une « cabalette » de La
cambiale di matrimonio. Quant au fameux air de la calomnie, il est tiré de Sigismondo créé à Milan en
1815 et on le retrouvera dans l’air de la jalousie de Iago dans Otello ossia Il moro di Venezia représenté
à Naples en 1816.
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