Présentation de la recherche-action sur l’éthique bancaire (document provisoire - mai 2012)
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Thème de la recherche-action - l’éthique bancaire
Partenaire co-porteur du sujet - Crédit Mutuel Loire-Atlantique
Centre Ouest
Présentation de la recherche-action (version
provisoire-mai 2012)
1. Le contenu de la recherche-action
1.1. Contexte
La crise financière nous interpelle plus que jamais sur notre rapport à l’argent et sur la nécessité
de définir de nouveaux modèles d’usage de la monnaie et de nouvelles règles du jeu.
Remettre la finance et l’économie à leur juste place, c'est-à-dire au service de la société, constitue
en effet un véritable enjeu.
Dans ce contexte, les banques dont les pratiques de spéculation sont aujourd’hui largement mises
en cause (y compris parfois par ceux qui en bénéficient), ont un rôle majeur à jouer.
Porté par les valeurs de l’économie sociale à laquelle il appartient, le Crédit Mutuel de Loire-
Altantique Centre Ouest (CMLACO) propose d’être au sein de la Chaire dhd&t le porteur-test
d’une recherche-action visant à définir ce que devrait être « l’éthique bancaire », et à
expérimenter les transformations que l’appropriation de cette notion pourra éventuellement
engendrer. La notion d’éthique faisant référence au souhait d’aller dans le sens du développement
durable, c’est-à-dire de « l’harmonie entre les humains et de l’harmonie entre les humains et la
nature1 ».
1.2. Méthologie
La recherche-action pourra être conduite en quatre grandes étapes, dont le calendrier
prévisionnel pourrait être le suivant
Etape 1 - définition collective de « l’éthique bancaire 2»
septembre 2011/début 2012
Etape 2 - évaluation de la situation du CMLACO au regard des composantes de l’éthique
bancaire
Printemps 2012, dont travail interne puis revue par les parties prenantes partenaires de la
Chaire
1 Cf. Commission mondiale du développement durable, 1988
2 Qui intègrera de fait la notion d'éthique financière
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Etape 3 - expérimentation des évolutions éventuellement à apporter dans les pratiques et le
fonctionnement du CMLACO
A partir de mi 2012
Etape 4 capitalisation et diffusion des enseignements de la recherche-action
A partir de 2012 sur la partie « définition » et 2013 pour les résultats de l’expérimentation
2. Problématique de la recherche-action sur l’éthique bancaire co-portée par le
Crédit Mutuel Loire-Atlantique Centre Ouest
2.1. Crise économique et financière : crise de l’éthique3 ?
Comme cela avait été le cas dans les années 2000 suite aux scandales Enron, Worldcom ou
Parmalat, la crise financière de 2008-2009 - et ses prolongements sous la forme de la crise des
dettes publiques - a remis en cause le caractère « moral » du capitalisme, de la finance, de la
banque et plus généralement des activités économiques. Ces successions de « crises » ne
traduiraient donc pas seulement des aléas de fonctionnement, intrinsèques mais passagers, mais
seraient relatives à un épuisement des légitimités sur lesquelles repose l’ordre économique. La
légitimi« morale » du capitalisme, et de certaines activités qui l’incarnent, serait ainsi remise en
cause.
Cette remise en cause se nourrit aussi de l’épuisement d’une autre forme de légitimité : la
légitimi instrumentale. Celle-ci renvoie au fait qu’une action peut être jugée bonne ou
pertinente si elle « réussit » ou si elle atteint ses objectifs. Or, pendant longtemps, le discours a
légitimé le capitalisme et ses institutions parce que celui-ci permettait de contribuer à l’élévation
globale des niveaux de vie, à la diminution des inégalités, à l’approfondissement de la
démocratie…
Cette légitimité instrumentale s’enracinait dans un acte de séparation de l’économie et de la
morale initié par la « Fable des abeilles » de Bernard Mandeville (1714) qui affirmait : « Cessez
donc de vous plaindre : seuls les fous veulent rendre honnête une grande ruche. Jouir des
commodités du monde, être illustres à la guerre, mais vivre dans le confort. Sans de grands vices,
c'est une vaine Utopie, installée dans la cervelle. Il faut qu'existent la malhonnêteté, le luxe et
l'orgueil, si nous voulons en retirer le fruit. *…+La vertu seule ne peut faire vivre les nations dans la
magnificence ; ceux qui veulent revoir un âge d'or, doivent être aussi disposés A se nourrir de
glands, qu'à vivre honnêtes ». Nous serions ainsi face à un choix : vivre selon des principes moraux
3 [Texte contributif proposé par Michel Renault, économiste, membre du groupe de recherche. Version provisoire]
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ou éthiques mais pauvres, ou accepter de ne pas être vertueux et bénéficier d’un bien être
amélioré, voire vivre dans l’opulence. Cependant que faire quand cette opulence ou ce bien être
matériel censés être la contrepartie de cet amoralisme ne sont pas au rendez vous ?
Cette séparation de la morale et de l’économie est aussi entérinée par la perspective « néo
libérale » qui reprend ce discours de la légitimité instrumentale, inscrivant l’économie et ses
institutions dans l’ordre de l’efficience. Nous sommes alors renvoyés à une forme de darwinisme
social évoqué par la métaphore de la rose « American beauty » de J.D.Rockfeller : « La variété de
rose “American Beauty” ne peut être produite, dans la splendeur et le parfum qui enthousiasment
celui qui la contemple, qu’en sacrifiant les premiers bourgeons poussant autour d’elle. Il en va de
même dans la vie économique. Ce n’est que l’application d’une loi de la nature et d’une loi de
Dieu ». Autrement dit, la prospérité ne pourrait être atteinte que par le sacrifice des plus faibles,
des moins aptes. Si la morale ou l’éthique mettent en relation les moyens et les fins, la logique
instrumentale ne s’intéresse qu’aux conséquences sans se préoccuper des moyens.
Une autre thèse justifiant cet « amoralisme », réactivée pour certains par les thèses d’André
Comte Sponville, est celle de l’économiste F.A.Hayek pour lequel on ne peut imputer de
responsabilité morale qu’à des sujets ; or un système social (le capitalisme) ou une organisation
n’est pas un sujet, il ne peuvent donc être soumis à un jugement de valeur : « Il n’y a pas de critère
par lequel nous pourrions découvrir ce qui est “socialement injuste” parce qu’il n’y a pas de sujet
par qui pourrait être commise cette injustice » [F.A.Hayek].
Pourtant, dans le même temps, les revendications éthiques de la part des entreprises n’ont jamais
été aussi fortes : multiplication des chartes ou des codes éthiques, création de référentiels
internationaux (principes de Wolfsberg, GRI, ISO 26000…), création de « produits éthiques » (ISR,
commerce équitable…) etc. Ce qui serait impossible voire néfaste au niveau d’un système serait-il
alors valable au niveau des acteurs ? N’y a-t-il pas là une contradiction ?
L’éthique ne serait alors qu’un artifice masquant des visées purement économiques et
instrumentales. Il ne s’agirait que d’une forme d’économicisation de la morale servant soit à
prendre un avantage concurrentiel sur d’autres entreprises en vendant un « supplément d’âme »,
soit à gérer un « risque éthique », face aux pressions croissantes d’ONG, d’Etats ou plus
généralement de la « société civile ». Les codes, les chartes, la finance « responsable » offriraient
ainsi une couverture contre un risque de même nature que les autres risques économiques
encourus par les entreprises. Ces référentiels présenteraient un avantage supplémentaire dans la
mesure ils constituent une forme de « soft law », répondant à un engagement volontaire à
l’opposabilité douteuse ; contrairement à la « hard law », la loi émanant de l’Etat (et donc des
citoyens), obligatoire et opposable. Bref, l’éthique d’entreprise serait un substitut à la loi
entérinant une forme de privatisation de celle ci.
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D’un autre côté l’engagement éthique est au cœur des pratiques d’un secteur de l’économie qu’on
appelle l’économie sociale et solidaire. Les mutuelles, les coopératives, les associations…
notamment dans le secteur bancaire font de cet engagement éthique une des finalités de leur
existence. Le respect de valeurs, loin d’être un argument mercantile, répond à une problématique
d’intégration à un collectif, à un territoire, à une société comme l’évoquait E.Durkheim. L’éthique
ou la morale ne sont alors plus envisagés simplement comme adhésion à des règles mais comme
un processus social d’intégration d’individus libres dans des entreprises collectives communes de
tout niveau.
Une telle perspective s’opposerait donc aux visions dualistes séparant économie et morale alors
même qu’historiquement et factuellement, morale et économie n’ont jamais été dissociées. Qu’on
s’arrête un instant pour repenser à l’influence de la doctrine scolastique du « juste prix », aux
discussions qui ont encore lieu dans le monde islamique sur le prêt à intérêt, à l’influence de
l’éthique protestante sur l’esprit du capitalisme pour paraphraser Max Weber… De même dans la
pensée économique c’est seulement très récemment qu’on a tenté de séparer l’économie de la
morale. A.Smith par exemple faisait des « sentiments moraux » et de l’existence d’individus
moraux un préalable au marché. Plus récemment A.O.Hirschmann ou A.Sen ont souligné le
caractère moral de l’économie. En effet, comme le soulignait également K.Marx, l’économie
(comme le « capitalisme ») n’est pas une entité abstraite mais un ensemble de pratiques par
l’intermédiaire desquelles des êtres humains agissent sur d’autres êtres, humains et non humains :
en les recrutant, en les exploitants, en les enrichissants ou en les ruinantCe faisant ils n’agissent
pas en tant qu’entités abstraites mais bien en tant que sujets, placés en tant que tels devant des
responsabilités.
Evoquer la question de l’éthique, ou de la morale, implique donc la référence à des finalités et à des
valeurs. Si l’on met de côté, au moins provisoirement, les référentiels religieux liant le bien, le bon et le
juste à des prédicats divins et donc absolus, un monde sécularisé pose la question de l’origine de ces
finalités. Qui par exemple édicte les chartes ou les codes éthiques d’entreprise ? Comment sont-ils
légitimés ? Cela renvoie aussi in fine à l’association de ceux qui sont concernés par ces référentiels, ce que
le philosophe J.Dewey nommait le « Public », à ces processus. Ethique, morale, économie et démocratie
sont donc également liés et cette relation mérite d’être explicitée.
Enfin, évoquer l’éthique ou la morale quand on parle d’économie ou de finance implique
également de se poser une question d’échelle. Dis autrement : les individus ou les entreprises
pourraient-elles être « morales » au sein d’un système qui ne le serait pas ? Une banque pourrait-
elle être éthique alors que l’économie dont elle est un acteur ne le serait pas ? L’éthique ou la
morale seraient-elles réservées à des relations de proximi alors même que l’économie est
globale et omniprésente, pas seulement au niveau de ce qu’il est convenu d’appeler la
« mondialisation » mais aussi au niveau des « modèles mentaux » et des comportements
individuels ?
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Dans ce contexte, les banques dont les pratiques de spéculation sont aujourd’hui largement mises
en cause (y compris parfois par ceux qui en bénéficient), ont un rôle majeur à jouer.
Porté par les valeurs de l’économie sociale à laquelle il appartient, le Crédit Mutuel de Loire-
Atlantique Centre Ouest (CMLACO) propose d’être au sein de la Chaire "développement humain
durable & territoires" le porteur-test d’une recherche-action visant à :
- définir ce que devrait être « l’éthique bancaire », ce qui suppose d'explorer également les
notions d'éthique économique et d'éthique financière plus englobantes *La notion d’éthique
fait référence ici à une vision de développement durable, c’est-à-dire visant "l’harmonie entre
les humains et de l’harmonie entre les humains et la nature4],
- expérimenter les transformations que l’appropriation de cette notion pourra éventuellement
engendrer.
2.2. Recherche-action sur l’éthique bancaire avec le CMLACO en co-portage : présentation de
la problématique
A l'heure des crises systémiques, et tout particulièrement des crises économiques et financières,
les acteurs mutualistes et coopératifs sont interpelés dans leur capacité à montrer une autre voie
que celle de la démesure dans le rapport à la consommation et à la spéculation, à contribuer à
l'invention d'un nouveau modèle de développement permettant de passer d'une "société du
beaucoup d'avoir pour quelques-uns", à une "société du bien-être pour tous, ensemble, dans un
environnement préservé et partagé".
Engagé, depuis sa création en 1894, dans une approche territorialisée de son activité, le CMLACO
entend démontrer dans ce contexte sa capacité à mettre en œuvre une éthique bancaire, portée
par chacune de ses parties prenantes.
Pour ce faire, nous émettons l'hypothèse qu'il est nécessaire de revisiter la vision de Max WEBER
opposant irréductiblement l'éthique de conviction (qui, selon lui, conduit à agir en fonction de
principes religieux ou moraux et à s'en remettre à la destinée ou Dieu pour ce qui est des résultats
obtenus) à l'éthique de responsabilité (qui suppose que nous avons à répondre des conséquences
prévisibles de nos actes) est possiblement dépassée En effet, pour peu que l'on relise ces notions à
l'aune des enjeux du 21°siècle, non seulement elles n'apparaissent plus comme intrinsèquement
contradictoires, mais elles s'imposent aujourd'hui comme des dimensions complémentaires. Et ce,
pour deux raisons au-moins compte tenu de l'étape clef de l'histoire de l'humanité dans laquelle
4 Cf. Commission mondiale du développement durable, 1988
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