L`œdème pulmonaire cardiogénique chez le chien se

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Dr Eric de Madron
DMV, Dipl. ACVIM (Cardiologie) et ECVIM (Med. int.)
L’œdème pulmonaire cardiogénique chez le chien
se manifeste-t-il réellement par une toux?
Dans la plupart des ouvrages de référence, la toux est
citée comme un symptôme souvent présent dans les
cas d’œdème pulmonaire cardiogénique chez le chien.
Les autres symptômes associés sont une tachypnée, une
dyspnée et une intolérance à l’effort.
Les variables radiographiques incluaient le score
cardiaque vertébral, la présence ou l’absence de dilatation
de l’atrium gauche, d’anomalies des voies respiratoires
(patron bronchique, collapsus de trachée, collapsus des
bronches) ainsi que la présence ou l’absence d’œdème
pulmonaire interstitiel ou alvéolaire (Fig. 1 et 2).
La toux est un mécanisme de défense permettant
d’expectorer les corps étrangers, les débris et le mucus
afin de les chasser des voies respiratoires supérieures. La
toux est déclenchée par stimulation des récepteurs de
la toux situés dans le larynx, la trachée et les bronches
primaires. Il n’y a pas de tels récepteurs dans les bronches
secondaires, les bronchioles et les alvéoles. De plus, le flux
luminal est trop faible dans ces voies respiratoires distales
pour être capable d’en chasser le mucus. En se basant sur
ces observations, un œdème pulmonaire ne devrait pas
déclencher de toux, sauf dans les cas d’œdème sévères
où les alvéoles sont inondées conduisant à une toux avec
l’expectoration de sécrétion teinté de sang.
Une étude récente a analysé de façon rétrospective les
dossiers médicaux de 206 chiens atteints de maladies
dégénératives de la valve mitrale afin de clarifier à quoi
était associée la toux. Les critères d’inclusion incluaient
une échocardiographie et une radiographie thoracique
faites le même jour.
Figure 1 : Radiographie thoracique (vue latérale droite) d’un
chien atteint d’insuffisance mitrale et d’anomalies des voies
respiratoires, associée à une toux sévère. On peut notre la
cardiomégalie et la dilatation de l’atrium gauche, la présence
d’un collapsus de trachée et l’absence d’œdème pulmonaire.
Fig. 1
FOCUS | Édition du 27 janvier 2016
Figure 2 : Oedème pulmonaire cardiogénique chez un chien
atteint d’insuffisance mitrale. On note la cardiomégalie, la
dilatation atriale gauche, la congestion périhilaire et les
infiltrats pulmonaires dans les lobes pulmonaires caudaux
Figure 3. Radiographie thoracique (vue latérale droite) chez
un chien atteint d’insuffisance mitrale chronique avec toux
incessante et difficultés expiratoires. On peut noter la dilatation
de l’atrium gauche et l’absence d’œdème pulmonaire. La cause
Fig. 5
de la toux et de la dyspnée n’est pas
apparente.
Les variables échocardiographiques incluaient le degré de
dilatation diastolique du ventricule gauche, la taille et le
degré de dilatation de l’atrium gauche.
Les analyses statistiques ont révélé que le risque de toux était
presque 4 fois plus élevé en cas d’anomalies radiographiques
des voies respiratoires (odd ratio 3.65), et d’évidence
radiographique et échocardiographique de dilatation de
l’atrium gauche (odd ratio 3.64 et 2.55 respectivement). Par
contre, la présence d’œdème pulmonaire n’était pas un bon
prédicateur d’une toux (odd ratio 1.37).
Les auteurs ont noté que le risque de toux était encore plus
élevé (mais pas de façon significative statistiquement) si on
avait des anomalies des voies respiratoires ET une dilatation
de l’atrium gauche. La cardiomégalie et la dilatation de
l’atrium gauche en faisant pression sur la trachée distale
et les bronches primaires peuvent en effet stimuler les
récepteurs de la toux localisés à ces endroits.
Fig. 1
La conclusion de cet article est que la toux présente chez
les chiens atteints de maladies dégénératives de la valve
mitrale (donc avec un souffle cardiaque systolique apexien)
est plus souvent due à une pathologie des voies respiratoires
(collapsus de trachée, de bronche, bronchite chronique)
qu’à une insuffisance cardiaque congestive gauche.
Fig. 4
Compression et collapsus focal de la bronche primaire
gauche suite à une dilatation de l’atrium gauche
Cette complication, responsable de toux et de difficultés
surtout expiratoires, peut se rencontrer dans les cas
d’insuffisance mitrale chronique chez le chien. Il n’y a pas de
corrélation entre le degré de dilatation de l’atrium gauche
et ce type de collapsus. D’ailleurs, chez les chiens atteints de
cardiopathie congénitale conduisant à une cardiomégalie
gauche, la toux est rarement présente. Le diagnostic de ce
collapsus focal nécessite une bronchoscopie. (Fig. 3 et 4A -B).
Figures 4A-B : Bronchoscopie chez le même chien.
Image du haut : la bronche primaire gauche est complètement
collabée (image en fente). Image du bas : en poussant
l’endoscope de quelques centimètres dans la bronche primaire
gauche, on peut voir que les bronches secondaires sont plus
normales. Le collapsus est donc focal et dû à une compression
par l’atrium gauche dilaté.
FOCUS | Édition du 27 janvier 2016
La « réponse » aux diurétiques
En résumé
Il est courant de faire un essai thérapeutique avec du
furosémide, lorsque confronté à un chien ayant un souffle
cardiaque et toussant. Une amélioration de la toux est
interprétée comme une « preuve » qu’il s’agissait bien d’un
œdème pulmonaire. Or, la toux, comme vue plus haut,
n’est pas un symptôme classique de l’œdème pulmonaire.
De plus, le furosémide a des effets anti-inflammatoires,
antitussifs et bronchodilatateurs. Troisièmement, la toux
a souvent un caractère intermittent. L’interprétation d’une
réponse au furosémide doit donc être prudente. Une
amélioration nette de signes radiographiques d’œdème
pulmonaire après injection de furosémide est beaucoup
plus probante.
Les signes les plus probants d’œdème pulmonaire sont
tachypnée, dyspnée, intolérance a l’effort, chez un chien
ayant un souffle cardiaque, avec dilatation atriale gauche
et infiltrats pulmonaires a la radiographie. La toux est
davantage susceptible d’être associée à une pathologie des
voies respiratoires.
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Dr Eric de Madron
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Fig. 5
Source : Ferasin L, Crews L, Biller DS, Lamb KE, Borgarelli M : Risk
factors for coughing in dogs with naturally occuring myxomatous
mitral valve disease. J Vet Int Med 2013; 27 : 286-292.
Fig. 1
Fig. 4
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