La liberté politique ne se trouve que dans
les gouvernements modérés. Mais elle
n’est pas toujours dans les États modé-
rés; elle n’y est que lorsqu’on n’abuse pas
du pouvoir; mais c’est une expérience
éternelle que tout homme qui a du pou-
voir est porté à en abuser; il va jusqu’à ce
qu’il trouve des limites. Qui le dirait ! La
vertu même a besoin de limites. Pour
qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut
que par la disposition des choses, le pou-
voir arrête le pouvoir.
Montesquieu, L’Esprit des lois (1748)
C’est une vérité universelle, comme le soulignait si juste-
ment Montesquieu dans L’Esprit des lois (1748), que la liberté
politique des individus n’est assurée que dans la mesure où les
gouvernements n’abusent pas de leurs pouvoirs. S’inspirant de la
tradition libérale classique, la constitutionnalisation des droits et
libertés fondamentaux était inspirée par le souci d’éviter que
l’autonomie des individus ne soit compromise par la maladresse
du pouvoir politique. De la Magna Carta (1215), en passant par la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) et le Bill of
Rights américain (1791), à la Déclaration universelle des droits de
l’homme des Nations unies (1948), l’objectif ultime des chartes des
droits et libertés consiste non seulement à garantir les droits et
libertés fondamentaux mais aussi, et surtout peut-être, à limiter
les pouvoirs de l’État en les subordonnant à la loi. L’adoption de la
Charte canadienne des droits et libertés1et son enchâssement
dans la Constitution, le 17 avril 1982, s’inscrivent dans cette
longue tradition démocratique qui a vu la raison vaincre l’arbi-
traire2.
Revue du Barreau/Numéro spécial XXIII
1. Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de
1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11,
dans L.R.C. (1985), App. II, no44 [ci-après désignée la Charte canadienne].
2. Pour un historique succinct de la tradition libérale classique ainsi que de l’origine
des garanties constitutionnelles, on consultera avec intérêt le chapitre trois de
Vie privée et droits fondamentaux (2000). Voir: A.-R. NADEAU, Vie privée et
droits fondamentaux – Étude de la protection de la vie privée en droit canadien et
américain et en droit international, Éditions Carswell, Scarborough (Ont.), 2000,
p. 66 à 80. Voir aussi: R. POUND, The Development of Constitutional Guarantees
of Liberty, Yale University Press, New Haven (Conn.), 1957.