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LE MONDE | 13.05.05 | 14h09 . Mis à jour le 13.05.05 | 14h40
Grands et petits-bourgeois, paresseusement installés dans leur confort
occidental, ont peur de dire non. Ils pensent qu'ils ont quelque chose à perdre ; et
puis, il faut bien être dans le vent. Les grands bourgeois ont raison. Leur accès à
la toute-puissance serait freiné. Les petits-bourgeois se trompent, car
l'expérience montre que, dans ce monde voulu instable et précaire, leur confort
ne tient qu'à un fil. Ils peuvent, à tout moment, devenir à nouveau les "pauvres
gens" du poème de Victor Hugo.
Les pauvres gens de l'Europe ancienne n'ont rien à perdre, car ils n'ont rien
gagné depuis quarante ans. Ils auraient même plutôt perdu le sourire, précipités
dans une vie de consommation dont ils sont toujours à la marge, avec l'angoisse
d'en être exclus. Les illusions des pauvres gens de l'Europe nouvelle et de ceux
qui rêvent d'en être se dissiperont après quelques années d'économie de marché,
dont ils ne connaissent pas encore les injustices congénitales.
Lionel Jospin, conséquent avec lui-même, ne s'y est pas trompé. Le oui de
gauche et le oui de droite ne s'opposent pas. Et Jacques Chirac de le féliciter.
Nous ne voyons toujours pas ce qui distingue essentiellement la "droite" du Parti
socialiste de la "gauche" de la droite. Chirac se prétend antilibéral et Jospin
affirme que son projet n'est pas socialiste.
Cette droite-là ment. Depuis que le capitalisme industriel a disparu devant le
capitalisme financier mondialisé, la droite s'est baptisée "libérale". Ce qui, au
passage, a supprimé le terme "capitalisme", qui désigne la structure du pouvoir,
au profit du terme "libéralisme", qui ne désigne que son mode d'être. C'est moins
clair, mais ça se vend mieux, surtout avec une pointe de social...
Cette gauche-là, en revanche, dit la vérité. 3RXUHOOHOHVRFLDOLVPHHVWXQHLGpH
PRUWHUn rêve du XIXe siècle. L'avenir réside dans une "économie sociale du
marché". Un peu plus d'impôt sur les grandes fortunes... Un peu moins d'impôt
sur les grandes fortunes... Le tour est joué. Rien ne change.
Les pauvres gens ont raison de ne plus voter. Ils n'ont pas peur de l'économie
chinoise, d'une alliance des pays du Sud, du choc des civilisations... ,OVRQWSHXU
TXHOHPRQGHQHFKDQJHMDPDLV, que le socialisme n'advienne jamais ; ce
socialisme "en rupture avec le capitalisme", selon la formule, ce socialisme
comme démocratie inconcevable sans un pouvoir qui s'exerce en premier lieu
sur la production et la distribution des richesses. En effet, que signifie prendre le
pouvoir sans le prendre ? A quoi bon l'alternance ?