THEATRE ET ARTS DE LA SCENE La Nuit juste avant les forêts 18

THEATRE ET ARTS DE LA SCENE
La Nuit juste avant les forêts
18/10/12
Délégation Académique à l’Action Culturelle de Caen 1
THEATRE ET ARTS DE LA SCENE
La Nuit juste avant les forêts
18/10/12
Délégation Académique à l’Action Culturelle de Caen 2
―SOMMAIRE
Deuxième partie : après la représentation
"Un ange au milieu du bordel" : ce qu'on en retient 3
Ce qu'on a retrouvé et ce qu'on a découvert 4
Choix de mise en scène 7
Comparer deux mises en scène : mesurer des choix dramaturgiques 10
De l’analyse du spectacle à l’écriture critique 12
Rencontre avec Lorenzo Malaguerra et Olivier Yglesias (17 octobre 2012) 14
La sphère de Koltès: peintres, auteurs et musiciens (HDA) 15
Le texte de La Nuit juste avant les forêts de Bernard-Marie Koltès est disponible aux
éditions de Minuit.
Pièces à vivre : une série de dossiers pédagogiques conçus en partenariat par la Délégation Académique à
l’Action Culturelle de l’Académie de Caen et les structures théâtrales de l’académie à l’occasion de spectacles
accueillis ou créés en Région Basse-Normandie.
Le théâtre est vivant, il est crée, produit, accueilli souvent bien près des établissements scolaires ; les dossiers
des « Pièces à vivre », construits par des enseignants en collaboration étroite avec l’équipe de création, visent à
fournir aux professeurs des ressources pour exploiter au mieux en classe un spectacle vu. Divisés en deux parties,
destinées l’une à préparer le spectacle en amont, l’autre à analyser la représentation, ils proposent un ensemble de
pistes que les enseignants peuvent utiliser intégralement ou partiellement.
Retrouvez ce dossier, ainsi que d’autres de la même collection et des ressources pour l’enseignement du
théâtre sur le site de la Délégation Académique à l’action Culturelle de l’Académie de Caen :
http://www.discip.ac-caen.fr/aca/
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« Un ange au milieu du bordel » : ce qu'on en retient.
Remémoration par touches impressionnistes:
Un point de vue critique
(...) Ce qui se passe dans la matière même du texte koltésien vu au microscope, c'est un incessant phénomène
explosif, d'ordre poétique, par lequel l'action progresse, indépendamment de toute causalité. C’est dans l'agencement
d'une réplique à l'autre, et des phrases et des mots à l'intérieur d'une même réplique, que se découvre fond et forme
ne faisant qu'un, un jeu tout à fait singulier des passions et des idées, des pulsions fugitives et des grands thèmes
universels, à partir duquel une histoire se raconte, des personnages se constituent, des espaces se limitent et se
croisent, des passés et des avenirs entrent en collision ou fusionnent. Une durée se catalyse à partir du passage des
instants disséminés. Un présent s'impose, fait de toutes les situations humaines et de tous les mouvements de l'âme.
C’est le présent théâtral même, c'est le théâtre (...)
Extraits de Sur Koltès Michel Vinaver
source: Bernard-Marie Koltès Théatre contemporain .net
Activités
1. On pourra proposer aux élèves d'énoncer oralement les mots-clés du texte, par exemple: "un homme" la "pluie" " le
soir" "un inconnu"… puis des bribes de récits retenus.
2. Ensuite puis ils rédigeront quelques lignes afin de clarifier l'ensemble des impressions confuses qui affluent à l'issue
de la représentation.
3. Enfin la reconstitution d'un nouveau texte sera l'occasion d'un travail oral.
La lecture du résumé de la pièce fait par Koltès sera intéressante à titre de comparaison:
« Un homme tente de retenir par tous les mots qu'il peut trouver un inconnu qu'il a abordé au coin de la rue un soir
il est seul. Il lui parle de son univers. Une banlieue il pleut, l'on est étranger, l'on ne travaille plus; un monde
nocturne qu'il traverse pour fuir sans se retourner ; il lui parle de tout et de l'amour comme on ne peut jamais en parler,
sauf à un inconnu comme celui-là, un enfant peut-être, silencieux, immobile. »
Se souvenir et retrouver des éclats :
Activités
1. A partir de la grille proposée en page 19 de la 1ère partie (Avant le spectacle) les élèves pourront affiner des
réponses.
2. Il sera intéressant aussi que chacun relève « un moment remarquable » en justifiant son choix selon un critère
relatif au mode de représentation
3. Une lecture / mise en espace du passage évoqué permettra d'approcher la notion de théâtralité.
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Ce qu'on a retrouvé et ce qu'on a découvert
Suite au travail mené en amont avec les élèves (Avant le spectacle), il sera intéressant de valoriser ce qu'ils ont pu
reconnaître ou découvrir.
A. Le flux de parole et l'impossibilité de dire :
L'objet du dire, la manière du dire resteront inaccessibles:
« Je n'arrive pas à dire ce que je dois te dire » (La Nuit juste avant les forêts p.47).
« Je ne sais comment te le dire » (p.44).
Ce que Koltès dit lui-même du langage:
«De toute façon, une personne ne parle jamais complètement seule: la langue existe pour et à cause de cela - on
parle à quelqu'un même quand on est seul» (Des Voix sourdes).
«Mais effectivement, mes personnages parlent beaucoup ; le langage est pour moi l’instrument du théâtre ; c’est à peu
près l’unique moyen dont on dispose : il faut s’en servir au maximum.» (Des voix sourdes, p 131).
Or, le texte, construit sur de multiples paradoxes, se clôt par : « Je ne sais toujours pas comment te dire ».
Parallèlement au flux illimité de parole s'accentue l'impossibilité de dire. C'est dans cette impression
d'inachèvement que transparaît le conflit de la parole et du temps où l'essentiel du message nous est donné.
Activité
On pourra proposer aux élèves une réflexion à partir des citations suivantes:
Au théâtre il n'y a rien à comprendre mais tout à sentir Louis Jouvet
Le sens n'est pas au bout du récit, il le traverse Roland Barthes
Parler, c'est se délivrer Valère Novarina
Koltès fréquentait peu les salles de théâtre: « Je me sens mieux dans les cafés arabes » disait-il. «J'ai toujours un peu
détesté le théâtre parce que le théâtre, c'est le contraire de la vie; mais j'y reviens toujours et je l'aime parce que c'es t
le seul endroit l'on nous dit que ce n'est pas la vie.[…] Je suis certain qu'aucune de mes (trois) pièces ne pourrait
exister ailleurs que sur une scène de théâtre » (B-M Koltès Un hangar à l'ouest). Et dans cette métaphysique du lieu,
on reconnaîtra des accents rimbaldiens: « L'enjeu du théâtre…quitter le plateau pour retrouver la vraie vie ».
Il sera intéressant de lire ce que répondit Koltès dans deux lettres à sa mère qui lui avait avoué ne pas avoir tout
compris de la pièce La Nuit… :
Ma petite maman chérie,
Je suis content, par-dessus tout, de ta réaction, du fait que tu ne juges pas de manière catégorique comme ne
manqueront pas de le faire tous ceux qui ne comprendront pas , et que simplement, tu constates qu'il s'agit de
quelque chose qui t'échappe;
Il ne faut pas s'attarder ni regretter le fait que je vis, que je connais et m'intéresse à un monde qui t'est étranger :
l'important, c'est que je sente que tu es la personne la plus proche de moi, au-delà de ça. Il y a des gens qui
connaissent ce dont je parle, et avec lesquels, pourtant, je ne peux parler de rien […]. Pour ma part, je suis sûr qu'il
s'agit là, précisément, du sujet le plus élevé dont on puisse parler : la solitude affective, la difficulté de parler, toutes
les oppressions enfin qui ferment la bouche (…)
Pour en revenir à mon personnage, la question est de savoir s'il a d'autres moyens que celui-là d'avoir un rapport
d'amour avec les autres ; pendant toute la durée du texte précisément il explique pourquoi tous les autres moyens lui
ont été ôtés ; il y a un degré de misère le langage ne sert plus à rien, la faculté de s'expliquer par les
mots n'existe plus. Or, (crois-moi sur parole!) il y a parfois un degré de connaissance, de tendresse, d'amour, de
compréhension, de solidarité, etc. qui est atteint en une nuit, entre deux inconnus, supérieur à celui que parfois deux
êtres en une vie ne peuvent atteindre ; ce mystère-là mérite bien qu'on ne méprise aucun moyen d'expression dont
on est témoin, mais que l'on passe au contraire son temps à tenter de les comprendre tous, pour ne pas risquer de
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passer à côté de choses essentielles.[…] Si tu pouvais, quand tu verras la pièce, comprendre le personnage, et le
mesurer à sa vraie taille sans te laisser avoir par la "vulgarité" du propos, j'en serais tellement content! Je
t'embrasse bien fort. (Lettres, Bernard-Marie Koltès, septembre 1977)
Et dans une autre lettre :
« Pour ma part, j'ai seulement envie de raconter bien, un jour, avec les mots les plus simples, la chose la
plus importante que je connaisse et qui soit racontable, un désir, une émotion, un lieu, de la lumière et des bruits,
n'importe quoi qui soit un bout de notre monde et qui appartienne à tous » (Koltès, à propos de Combat de
Nègre et de chiens).
Activités
1. « Si tu pouvais, quand tu verras la pièce, comprendre le personnage, et le mesurer à sa vraie taille sans te laisser
avoir par la « vulgarité » du propos » : on demandera aux élèves d’adopter cette perspective : comment le personnage
leur est-il apparu (on proposera de convoquer des adjectifs qualificatifs) ? Comment expliquer la vulgarité du propos le
cas échéant ? Pourquoi Koltès précise-t-il qu’on peut se « laisser avoir » par elle ? Quelle est sa stratégie ?
2. Comment la mise en scène de Lorenzo Malaguerra et l’interprétation d’Olivier Yglesias ont-elles pris en compte
cette obsession de Koltès avec le langage et son insuffisance, au travers de l’espace scénique, de l’interprétation par
le comédien de la partition à jouer (adresses, rythmes, tonalités, pauses…) ?
B. Une expérience des limites
Un spectacle à la limite de l'absurde ?
L'impossibilité de dire, l'expérience des limites du langage suggèrent un rapprochement de l'œuvre de Koltès avec
celle de Beckett ou d’Ionesco: « c'est peut-être ça que je suis, la chose qui divise le monde en deux, d'une part le
dehors, de l'autre le dedans » (Beckett).
Pourtant Koltès se distingue aussi de ses prédécesseurs et on peut relever des différences avec le théâtre de
l'absurde.
Activités
1. On pourra utilement comparer avec les élèves de textes du théâtre de l’absurde (Oh les beaux jours ou La Dernière
Bande de Beckett par exemple) pour en rapprocher les effets.
2. On peut ensuite relever les écarts vis-à-vis des dramaturgies de l’absurde à l’aide du tableau suivant (on pourra le
proposer sous une forme inachevée aux élèves).
Théâtre de l'absurde
Théâtre de Koltès
Incommunicabilité
Recherche de communication
Fond: Sens déconstruit par le langage
jeux formels entre phrases, entre les mots, pulsions qui
exacerbent un sens ou une idée
Public: « un théâtre sans public » est concevable pour
Ionesco
Importance de la mise en scène de ses textes
Forme: répliques courtes, rythmées
Monologue(s) / lyrisme
Un théâtre-poème où la parole est action ?
Au long de cette parole de marginal, adressée à un inconnu dans la nuit, dans l'urgence, la prose théâtrale s'est
chargée de poésie. C'est en effet vers un lieu imaginaire, une utopie, que tendent les rythmes, les reflets, les
symétries du texte. Le spectacle naît de l'action même de la voix, la voix coïncide avec l'action.
Dans un entretien avec Michael Merschmeier, Koltès précise: «Le théâtre c'est laction, et le langage en soi,
finalement, on s'en fiche un peu. Ce que j'essaie de faire comme synthèse , c'est de me servir du langage
comme un élément de l'action».
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