petit traité de la manipulation à l`usage des honnêtes gens

Petit traité de la manipulation à l’usage des honnêtes gens
Problématique : Comment peut on influencer autrui, dans ses convictions, ses choix, ses actes, sans
avoir à recourir à l'autorité, ni même à la persuasion ?
Thèse : « Seuls les actes nous engagent. Nous ne sommes donc pas engagés par nos idées, ou par nos
sentiments, mais par nos conduites effectives »
Forme : Le livre combine des théories et des analyses scientifiques approfondies avec des expériences
scientifiques simples et variées.
Fond : En analysant et vulgarisant les techniques de manipulations du quotidien, les deux auteurs
proposent aux lecteurs de s’armer pour lutter contre tout type de manipulations. Ils présentent
successivement les différentes techniques de manipulation.
Public : Pour tous les « honnêtes gens » et les moins honnêtes qui veulent apprendre, comprendre et se
défendre contre les techniques de manipulation
Best-seller : Vendu à plus de 250 000 exemplaires au 1er janvier 2008.
Le livre, les idées
=> La théorie de l’engagement
Pour expliquer les comportements des individus, on peut distinguer deux courants de
pensée, la conception mentaliste (la plus ancienne) qui consiste à expliquer les comportements par la
pensée, « j’agis comme je pense », et la conception matérialiste (1950’) qui consiste à expliquer les
cognitions (les mécanismes de la pensée) par les comportements, « je pense ce que je fais ». La théorie
de l’engagement découle de cette seconde conception.
1. L’engagement par l’acte décisionnel.
- « L’effet de gel », Kurt Lewin
Dès 1947, il va mettre en évidence l’importance de l’acte décisionnel dans les
comportements des individus. Il a ainsi démontré via des expériences scientifiques qu’il existe un lien
entre les motivations et les comportements des individus, et que ce lien n’est autre que la décision. Une
fois la décision prise et transformée en une conduite effective, les individus auront toujours tendance à
ne plus la remettre en cause. En effet, en adhérant à notre acte décisionnel, on aura tendance à
rationaliser cet acte et à s’auto-persuader de sa validité, on éprouvera beaucoup de difficulté à revenir
en arrière, on parle ainsi de « persération de la décision » ou « d’effet de gel ».
- « la théorie de la dissonance cognitive », (1957) Festinger
Il finit la dissonance cognitive comme «un état de tension désagréable dû à la présence
simultanée de deux cognitions psychologiquement inconsistantes ». Chaque individu cherche à
maximiser la cohérence de son univers cognitif. Les individus aspirent à éliminer les faits de pensée ou
les faits comportementaux présents en eux et qui sont contradictoires. Cette théorie permet d’expliquer
le changement d’attitude par un processus de rationalisation qui consiste à ajuster son comportement
et ses opinions en fonction des comportements ou des décisions que l’on vient de produire.
- « la psychologie de l’engagement », Charles Kiesler
En 1971, il propose de définir l’engagement comme « le lien qui existe entre l’individu et
ses actes ». Il pousse plus loin la réflexion et affirme que les individus ne sont ni engagés par leurs idées
ni par leurs sentiments mais seulement par leurs actes. Cette affirmation est effective selon lui à la
condition que l’individu se reconnaisse dans son acte.
- Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois
En reprenant les travaux des deux chercheurs précédent, ils vont développer le concept de
« soumission librement consentie », qui serait un type d’influence qui consiste à amener quelqu’un à se
comporter de façon différente qu’à son habitude en le manipulant de telle sorte qu’il a le sentiment de
faire librement ce qu’on lui demande. C’est ainsi qu’ils vont expliquer et analyser les différentes
techniques de manipulation.
2. Les effets de l’engagement
L’engagement peut avoir deux conséquences, d’un point de vue cognitif, elle renforce la
décision (« effet de gel »), et d’un point de vue comportemental, il prépare la réalisation d’autres actes
allant dans le même sens (l’escalade de l’engagement).
3. Les facteurs du degré de l’engagement
L’engagement peut être plus ou moins fort selon le degré auquel l’individu peut être
assimilé à l’acte.
- Le degré de liberté, un acte réalisé dans un contexte de liberté est plus engageant qu'un acte
réalisé dans un contexte de contrainte.
- Le caractère public de l’acte, un acte réalisé publiquement est plus engageant qu'un acte dont
l'anonymat est garanti.
- Le caractère explicite de l’acte, un acte explicite est plus engageant qu'un acte ambigu.
- L’irrévocabilité de l’acte, plus l’individu perçoit qu’il ne pourra pas faire marche arrière, plus il
est engagé.
- La répétition de l’acte, un acte que l'on répète est plus engageant qu'un acte qu'on ne réalise
qu'une fois.
- Les conséquences de l’acte, un acte est d'autant plus engageant qu'il est lourd de conséquences.
- Le coût de l’acte, un acte est d'autant plus engageant qu'il est coûteux.
- Les raisons de l’acte, un acte est d’autant plus engageant qu’il peut être imputé à des raisons
internes.
=> Les techniques de manipulations
Il existe un grand nombre de techniques de manipulation, certaines sont très connues et
utilisées au quotidien de manière intentionnelle ou « innocente », d’autres sont beaucoup plus
complexes et utilisées seulement par des professionnelles. Si la plupart sont à la limite de la moralité,
certaines peuvent être considérées comme illégales, telles que l’amorçage qui peut dans certaines
situations être assimies à de la publicité mensongère. Les auteurs du livre en présente les principales,
à savoir que toutes les techniques exposées ci-dessous ont fait preuve d’expériences scientifiques et ont
démontré leurs efficacités.
- « Le pied dans la porte », Il consiste à proposer un acte peu engageant qui devra être
accepté, avant d’en proposer un beaucoup plus engageant, qui par escalade d’engagement aura une
forte probabilité de l’être à son tour. (Les deux actes doivent être suffisamment proches)
- « La porte au nez », inversement, elle consiste à proposer un acte très engageant, qui ne
pourra être accepté, suivi d’un acte très peu engageant, qui par contraste, aura de forte probabilité
d’être accepté.
- Le contexte interpersonnel, il s’agit de créer un climat, un contexte émotionnel positif.
Pour cela, ils proposent le « toucher », le « crainte puis soulagement », les « yeux dans les yeux » et
le « vous allez bien »?
- La formulation, la manière de formuler une proposition peut avoir un fort impact sur la
décision. Ils proposent des classiques de la manipulation tels que le « ce n’est pas tout », « vous êtes
libre », « un peu c’est mieux que rien » ou encore « l’étiquetage » (« vous êtes une femme qui sait
prendre soin d’elle »)
- Le pied dans la mémoire, il s’agit de faire appel à la mémoire des individus pour les
engager dans un acte.
- L’amorçage, il s’agit de faire prendre une décision à quelqu’un en lui faisant croire un
avantage fictif ou en lui dissimulant un inconvénient.
En articulant et en combinant ces différentes techniques, on obtiendra une plus grande
efficacité. La clé du succès réside dans la capacité à adapter la ou les techniques à une situation donnée.
Le livre, enseignements et préconisations
=> Quelques enseignements
- On est autant manipulé que manipulateur. Le livre semble révéler clairement que l’on n’a
pas besoin de connaître les techniques de manipulation pour les utiliser. En effet, de façon inconsciente,
nous utilisons tous plus ou moins les techniques énoncées ci-dessus. Cela peut en partie s’expliquer par
le fait que nous évoluons dans une société « individualiste », où tout échange ou relation implique la
recherche d’un intérêt personnel, et l’institution d’un rapport « perdant-gagnant ». Ainsi chacun mettra
en place, en fonction de sa personnalité et de son intérêt, des techniques informelles pour arriver à ses
fins. Les plus utilisés au quotidien par les particuliers sont le contexte émotionnel positif (« les yeux dans
les yeux »…) et la formulation (« comme tu veux »).
- Ne pas confondre l’acte avec l’individu. La théorie de l’engagement affirme que ce ne
sont pas nos pensées qui guident nos actes mais nos actes qui influent nos pensées. Dans ces conditions
il semble difficile de considérer l’acte d’une personne comme la personne, même si cette même
personne justifie et reconnaît cet acte. Selon la théorie il sera probablement rentré dans un processus de
« persévération de la décision ». C’est pourquoi, si l’on veut apprécier à sa juste valeur une personne par
ses comportements, il est nécessaire d’analyser et de comprendre dans quelles conditions et sous
quelles influences, cette personne a effectué ces comportements. On surestime certainement les actes
effectués de plein gré.
- L’affect est supérieur à la raison. Les cinquante années de recherches scientifiques sur la
théorie de l’engagement ont mis en évidence que l’efficacité de stratégies d’influence ne repose pas sur
les ressorts de la persuasion qui font appel à la raison et à l’argumentation mais bien sur l’obtention
d’actes librement décidés qui fait appel à l’affect et aux ressentiments. Cela peut sembler effrayant dans
la mesure où pour convaincre, l’argumentation rationnelle, propre à l’homme est moins efficace que
l’appel à affect, propre à l’enfant.
- Un sujet libre peut se comporter exactement comme un sujet contraint. La théorie de
l’engagement met en avant l’importance du « sentiment de liberté » dans le processus de manipulation.
Il serait ainsi plus facile de manipuler une personne dans une société dite « libre » que dans une société
autoritaire. En effet, un individu qui a pris une décision sous la contrainte se sentira moins engagé par
son acte que celui qui l’a prise de façon libre. L’individu libre à qui on a réussi à faire prendre une
décision, se reconnaîtra dans celle-ci, et ne pourra plus la renier, ou la remettre en cause, car en la
reniant, il se reniera lui- même. Autrement dit, pour reprendre les mots des deux auteurs, il se
soumettra librement et volontairement à une décision qui n’est pas la sienne. Cela peut en partie
expliquer le fait qu’une démocratie qui insuffle « le sentiment de liberté » aura plus de probabilité de
durer qu’une dictature qui pratique l’autorité.
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