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Il n¹a pas d¹heure pour être heureux,
il n¹y a pas d¹heure pour philosopher
Qui dit réflexion dit aussi réflexion philosophique. Et peut-on penser que cette réflexion d¹un genre
particulier qu¹incarne la philosophie n¹a rien à voir avec le bonheur ?
Que nul, étant jeune, ne tarde à philosopher, ni, vieux, ne se lasse de la philosophie. Car il
n'est, pour personne, ni trop tôt ni trop tard, pour assurer la santé de l'âme. Celui qui dit que
le temps de philosopher n'est pas encore venu ou qu'il est passé, est semblable à celui qui
dit que le temps du bonheur n'est pas encore venu ou qu'il n'est plus. De sorte que ont à
philosopher et le jeune et le vieux, celui-ci pour que, vieillissant, il soit jeune en biens par la
gratitude de ce qui a été, celui-là pour que, jeune il soit en même temps un ancien par son
absence de crainte de l'avenir. Il faut donc méditer sur ce qui procure le bonheur, puisque, lui
présent, nous avons tout, et, lui absent, nous faisons tout pour l'avoir.
Epicure (-341, -271)
Lettre à Ménécée
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L¹imbécile est plus bas que la bête elle-même
Mais, quand les difficultés qui environnent toutes ces questions, laisseraient quelque lieu de
disputer sur cette différence de l'homme et de l'animal, il y a une autre qualité très spécifique
qui les distingue, et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation, c'est la faculté de se
perfectionner; faculté qui, à l'aide des circonstances développe successivement toutes les
autres, et réside parmi nous tant dans l'espèce que dans l'individu, au lieu qu'un animal est,
au bout de quelques mois, ce qu'il sera toute sa vie, et son espèce, au bout de mille ans, ce
qu'elle était la première année de ces mille ans. Pourquoi l'homme seul est il sujet à devenir
imbécile? N'est-ce point qu'il retourne ainsi dans son état primitif, et que, tandis que la bête,
qui n¹a rien acquis et qui n'a rien non plus à perdre, reste toujours avec son instinct,
l'homme, reperdant par la vieillesse ou d'autres accidents, tout ce que sa perfectibilité lui
avait fait acquérir, retombe ainsi plus bas que la bête même ? Il serait triste pour nous d'être
forcés de convenir que cette faculté distinctive, et presque illimitée, est la source de tous les
malheurs de l'homme; que c'est elle qui le tire, à force de temps, de cette condition
originaire, dans laquelle il coulerait des jours tranquilles, et innocents ; que c'est elle, qui
faisant éclore avec les siècles ses lumières et ses erreurs, ses vices et ses vertus, le rend à
la longue le tyran de lui-même, et de la Nature.
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)
Discours sur l'origine et les fondements de l'Inégalité parmi les hommes (1754)
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Le bonheur, instrument de la tyrannie suprême ?
(...) Un des plus grands malheurs qui pût arriver à une nation, ce seraient deux ou trois
règnes d'une puissance juste, douce, éclairée, mais arbitraire : les peuples seraient conduits
par le bonheur à l'oubli complet de leurs privilèges, au plus parfait esclavage. Je ne sais si
jamais un tyran et ses enfants se sont avisés de cette redoutable politique ; mais je ne doute
aucunement qu'elle ne leur eût réussi. Malheur aux sujets en qui l'on anéantit tout ombrage
sur leur liberté, même par les voies les plus louables en apparence. Ces voies n'en sont que
plus funestes pour l'avenir. C'est ainsi que l'on tombe dans un sommeil fort doux, mais dans
un sommeil de mort, pendant lequel le sentiment Patriotique S'éteint, et l'on devient étranger
- Café philo, le premier et le troisième jeudi du mois, de 12h45 à 13h50 en salle B 305 -
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