Le spectacle - Carré

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La Langue Écarlate Gros-­‐Câlin [ La Hausse des Cris] Emile Ajar (Romain Gary) Un spectacle mis en scène par Hélène Mathon Création lumière et vidéo Sylvie Garot / Création sonore Thomas Turine Scénographie Valérie Jung/ Régie générale Léandre Garcia Lamolla Avec Benoit Di Marco Création : les 10 et 11 octobre 2014 Théâtre Le Vent des Signes -­‐ Toulouse "La vérité est que j'ai été atteint profondément atteint par la plus vieille tentation prométhéenne de l'homme: celle de la multiplicité. Une fringale de vie, sous toutes ses formes et dans toutes ses possibilités que chaque saveur goûtée ne faisait que creuser davantage. Mes pulsions m'ont poussée sans cesse dans tous les sens, et je m'en suis tiré, je crois, du point de vue de l'équilibre psychique, que grâce à la sexualité et au roman, prodigieux moyens d'incarnations toujours nouvelles." Vie et mort d'Emile Ajar * Différent, comme tout le monde ! Enfant, je songeais souvent que tout le monde avait une tête différente sauf moi qui avais la même tête que tout le monde .... : Formidable paradoxe qui occupait mon esprit d'enfant comme une certitude au point qu'il me semblait impossible que ma mère me retrouve au milieu d'une foule tant j'étais semblable à tous ! En mon for intérieur, je crois que cette sensation m'habite toujours. Aussi, en rencontrant l'œuvre de Romain Gary, ai-­‐je eu l'impression de rencontrer un frère. Car cet auteur, diablement préoccupé des questions d'identité, a passé sa vie à brouiller les pistes le concernant au risque, parfois, de se perdre lui-­‐même. Il a traqué comme la peste tout ce qui pouvait ressembler à des classifications, fichages et normes susceptibles de l'enfermer pour mieux le contrôler. Dans un monde obsédé par l'angoisse des débordements, les possibles même de notre devenir identitaire semblent se réduire chaque jour un peu plus. Nous pourrions légitimement nous interroger sur la place réservée aujourd'hui à ceux qui sont différents et surtout, à celle que nous faisons en nous à notre étrangeté. C'est avec les armes de l'humour et de la tendresse que Michel Cousin et son python Gros-­‐câlin répondent à ces questions. Hélène Mathon * Vie et mort d'Émile Ajar, est un roman de Romain Gary publié à titre posthume en 1981 aux Editions Gallimard dans
lequel il révèle toute la supercherie du personnage d'Emile Ajar. Le roman se termine par : « Je me suis bien amusé ». Résumé de la pièce Michel Cousin est statisticien à Paris. Sa vie est solitaire et la recherche de l'amour, une préoccupation constante. A l'occasion d'un voyage organisé en Afrique, il se retrouve face à un python. Il éprouve instantanément à son égard un élan affectueux : il le ramène chez lui et le nomme « Gros-­‐câlin ». Quand le spectacle commence, Michel Cousin vient nous raconter la vie qu'il a mené avec « Gros-­‐Câlin ». Incarnant tour à tour les différents personnages de son histoire, comme Mlle Dreyfus, son amoureuse et collègue de bureau, Mme Niatte sa concierge, les « bonnes putes » ou le père Joseph ; il nous fait vivre une suite de situations cocasses et tendres. D'une naïveté désarmante dans son désir de devenir lui-­‐même, il nous renvoie instantanément à cette question fondamentale : qui suis-­‐je ?
Adaptation de la pièce : une fin inédite Le texte de la pièce est une nouvelle adaptation du roman de Romain Gary/Ajar. Contrairement à la précédente adaptation de Thierry Fortineau jouée sur les scènes jusqu'à présent, celle-­‐ci utilise pour la première fois, la fin initialement écrite et voulue par Romain Gary mais refusée par les éditions Gallimard . Publiée seulement en 2012, cette fin pénètre plus avant dans l'âme de notre héros et lui confère toute sa dimension tragi-­‐comique. Elle restitue au roman sa pleine cohérence et l'inscrit dans ce que l'on est en droit de considérer comme l'une des œuvres majeures de Romain Gary (ou d’Émile Ajar ?...) Extrait 1 « Je vais entrer ici dans le vif du sujet, sans autre forme de procès. L'assistant au jardin d'Acclimatation, qui s'intéresse aux pythons, m'avait dit : -­‐ Je vous encourage fermement à continuer Cousin. Mettez tout cela par écrit, sans rien cacher, car rien n'est plus émouvant que l'expérience vécue et l'observation directe. Évitez surtout toute littérature, car le sujet en vaut la peine. Il convient de rappeler qu’une grande partie de l’Afrique est francophone et que les travaux illustres des savants ont montré que les pythons sont venus de là. Je dois donc m’excuser de certaines mutilations, mal-­‐emploi, sauts de carpes, entorses, refus d’obéissance, crabismes, strabismes et immigrations sauvages du langage, syntaxe et vocabulaire. Il se pose là une question d’espoir, d’autre chose et d’ailleurs, à des cris défiant toute concurrence. Il me serait très pénible si on me demandait avec sommation d’employer des mots et des formes qui ont déjà beaucoup couru, dans le sens courant, sans trouver de sortie ./. Le problème des pythons, surtout dans l’agglomérat du grand Paris, exige un renouveau très important dans les rapports, et je tiens donc à donner au langage employé dans le présent traitement une certaine indépendance et une chance de composer autrement que chez les usagés. L’espoir exige que le vocabulaire ne soit pas condamné au définitif pour cause d’échec. Je l'ai fait remarquer à l'Assistant, qui approuva. -­‐ Exact. C'est pourquoi j'estime que votre traité sur les pythons, si riche d'apport personnel, peut être très utile, et que vous devriez également évoquer sans hésiter Jean Moulin et Pierre Brossolette, car ces deux hommes n'ont absolument rien à faire dans votre ouvrage zoologique. Vous aurez donc raison de les mentionner, dans un but d'orientation, de contraste, de repérage pour vous situer. Car il ne s'agit pas seulement de tirer votre épingle du jeu, mais de bouleverser tous les rapports du jeu avec les épingles. Je n'ai pas compris et j'en fus impressionné. Je suis toujours impressionné par l'incompréhensible, car cela cache peut-­‐
être quelque-­‐chose qui nous est favorable. » Le spectacle Un linoléum, un petit fauteuil et un vivarium éclairé au néon constituent le dispositif élémentaire, efficace et quasi clinique au sein duquel la conférence de Michel Cousin prend place. Tour à tour chambre, ascenseur, hôpital ou zoo au gré des nécessités narratives, l'espace agit sur la représentation comme un support mental, laissant la possibilité au spectateur de prolonger l'histoire. Imperceptiblement, nous glissons dans les profondeurs de l'existence de celui-­‐ci, dans l'accomplissement d'un devenir-­‐python drôle et tragique à la fois. Le jeu, clownesque au début, se débarrasse peu à peu de tout artifice pour s'approcher au plus près d'une humanité bouleversante. Dans la seconde partie du spectacle, le vivarium devient magma au sein duquel la vie prend forme, œuvre au noir des alchimistes. La représentation bascule alors vers l'impertinence et le grotesque. Nous assistons à un surgissement, celui d'un dibbouk peut-­‐être, plus sûrement celui du python que Cousin porte en lui, celui que nous portons tous en nous.... Extrait 2 Le drame a éclaté le surlendemain, les lois de la nature se firent à nouveau sentir, lorsque Mme Niatte est entrée pour me nourrir. Je me suis dressé et je lui ai pris la boîte des mains. Il y avait là six souris et j'en ai tout de suite avalé une. Mme Niatte a poussé un hurlement et j'ai bouffé une deuxième souris puis une troisième. J'ai cru que Mme Niatte allait tomber dans les pommes. Je me suis vite couché par terre pour la rassurer et je me suis mis à ramper sur la moquette pour la mettre à l'aise. Elle était affreusement pâle et elle s'était mise à marcher à reculons en se tenant aux murs et puis elle s'est sauvée. J'ai aussitôt décidé à ne plus faire semblant et à ne plus dans un millions faire comme suis en peau les écailles ne d'une erreur me singularisé, agglomérat de dix d'habitants, il faut tout le monde je d'homme, et que sont là qu'à la suite humaine. S'ils viennent jouerai le jeu. règle du jeu humaine. n'ai pas peur. pseudo monde. Il n'y a bureau qui me erreur du salaud-­‐là, il mue-­‐mues, m'interroger, je Jouer le jeu c'est la pour la forme Qu'ils viennent. Je Je ferai pseudo-­‐
comme tout le que le garçon de fait peur. C'est une genre humain, ce veut la peau des bouffé une souris Romain Gary Immigré d'origine lituanienne, Roman Kacew est naturalisé français en 1935, il entre dans la Résistance auprès des Forces aériennes françaises libres pendant la Seconde Guerre mondiale puis embrasse une carrière diplomatique en 1945. C'est à cette époque qu'il se lance dans l'écriture et publie L'éducation européenne puis Les Racines du ciel. Adepte d'une écriture libre, vivante et ironique, son œuvre est parfois rapproché du courant postmoderniste tout en restant tout à fait inclassable. Artiste aux multiples facettes, Romain Gary s'essaie également à la réalisation et fait notamment tourner son épouse, Jean Seberg. Il se suicide en 1980. Après sa mort, le monde littéraire apprend avec stupéfaction que Romain Gary et Émile Ajar ne faisait qu'un. Il devient ainsi le seul écrivain à avoir obtenu deux fois le prix Goncourt, sous deux noms différents ! Romain Gary marque ainsi le monde de la littérature pour le mystère qui continue de l'entourer et la liberté de ton qui le caractérise. "Ce fut seulement après avoir terminé « Gros-­‐Câlin » que je pris la décision de publier le livre sous un pseudonyme, à l'insu de l'éditeur. Je sentais qu'il y avait incompatibilité entre la notoriété, les poids et mesure selon lesquels on jugeait mon œuvre, "la gueule qu'on m'avait faite" et la nature même du livre" Vie et mort d’Émile Ajar. Premier livre écrit par Romain Gary sous le pseudonyme d' Émile Ajar, le roman paraît à l'automne 1974 . Il suscite un intérêt important de la communauté littéraire par son style tout à fait singulier. Reprenant Paul Audi, grand spécialiste de l’œuvre, nous dirons que « Gros-­‐câlin » a été écrit par son personnage principal, Michel Cousin et que celui-­‐ci incarne une part de l'auteur qui ne s'était jamais exprimée auparavant avec autant de liberté. Romain Gary change ici la langue, la dynamite, fait éclater les vieux carcans de la grammaire et du dictionnaire, de la logique cartésienne, pour la rendre enfin accessible à tous et lui redonner de la gaieté. Avec la création d' Emile Ajar, Gary trouve la voie la plus efficace pour associer rire et pleurs, pour remettre en question l'ordre public et la pensée commune. Le désespoir et la révolte engendrent une énergie ininterrompue de la parole, du verbe, chaque phrase distillant à la fois son malheur et son éclat de rire Hélène Mathon Assistante à la mise en scène de M.Langhoff. Diplômée d'un Master d'études théâtrales (IET Sorbonne Nouvelle). Diplômée de l’INSAS ( Bruxelles) et du Conservatoire Régional d'art dramatique de Montpellier. Formation Le Pavé, éducation populaire et transformation sociale. Mise en scène La traversée du chaos ( 2014) : une commande des Nouvelles Subsistances sur des textes de Frédérique Ciriez, Eva Almassy et Claude Arnaud. Gros-­‐câlin de Emile Ajar ( 2014) : Théâtre du Vent des Signes, L’Echangeur, Le rive gauche, Festival Itinéraire Singulier. L'omme vit très bien toute seule de J. Rebotier (2012): une commande des Nouvelles Subsistances. Tournée Rhône-­‐Alpes / La Java ( Paris) / La vie rurale II (Gers) Cent ans dans les champs de H. Mathon et B. Di Marco (2012) Coproduction: CDN de Béthune-­‐Les Subsistances-­‐ CIRCA Pôle National des Arts du cirque, Auch-­‐ Théâtre de la Digue.Avec le soutien de la DRAC Midi-­‐pyrénées, de la Région Midi-­‐pyrénées, du département du Gers, de la mairie de Gavarret-­‐sur-­‐
Aulouste, de l'ADAMI , du Jeune Théâtre National et de l'INA. Coréalisation: l'Echangeur Cie Public Chéri. Babeltut! d'après "Zement" de H.Müller( 2011) : Carte blanche de l'Athaneum, Dijon. Est de E.Savitzkaya ( 2009) : Festival " Ca trace" aux Subsistances /Le vent se lève (Paris) Don Quixote which was a dream d'après K.Acker ( 2007) : American Center, Montevideo & le Merlan (Marseille), Les Subsistances , DRAC Ile-­‐de-­‐France, DMDTS. Main d'Oeuvres Dona Rosita de F.G Lorca, assistante à la mise-­‐en-­‐scène de M.Langhoff (2007) Théâtre des Amandiers / suivi de production des 90 dates de tournée. Un jeune homme trop gros, Ode au paillasson & Est de E.Savitzkaya ( 2005) En collaboration avec R.Burger. CDN de Montreuil , Théâtre Océan Nord, Les Halles de Schaerbeek, L'Arsenic ( Lausanne), Ménagerie de Verre, Festival Actoral. Les jours ordinaires d'après E.Muybridge et S.Weill. ( 2004) Le Carré des Jalle & DRAC Ile-­‐de-­‐France. Ménagerie de Verre (Paris), Le Manège (La Roche-­‐sur-­‐Yon),TGP (Frouard), Festival de Namur. La nuit même pas peur de C.Galea ( 2003) Création jeune public -­‐ DMDTS. Théâtre aux Mains nues, Les colonnes (Blanquefort), Théâtre de la Ciotat, Les restent d’après les cahiers de Josiane D ( 2001) Production: Les Halles de Schaerbeek, L'Aire Libre & le THECIF, Festivals Dansem et Court-­‐toujours, Les Subsistances, Festival de Namur, Le Manège, La Ménagerie de verre, Le Carré des Jalles, La ferme du Bonheur, Les Giboulées (Bruxelles), L’Arsenic , TGP (Frouard). La Guinguette Pirate, Festival de poésie du Tholonet, Circuit. Réalisation Radio Yaya, employée de maison (2009) : Documentaire sonore pour l’Atelier de Création Radiophonique. Prod. France Culture. Réalisation film Les coteaux du Gers (2009) : Ciné concert documentaire sur dix retraités agricoles Prod. Leader +, Pays porte de Gascogne, Pays d'Auch, Circuit. Benoit Di Marco Comédien, il est formé au studio 34 et à l'école Pierre Debauche, puis joue au théâtre sous la direction de M. Jocelyn,P. Haggiag, L. Vacher, P. Guillois, B. Lambert, C. Backès, A. Forestier, H. Mathon (il coécrit, et interprète un rôle dans 100 ans dans les champs une petite histoire du monde agricole), B. Giros, K. Kushida, A. Stammbach, G. Rannou, V. Bellegarde, E. Vigner, L. Lévy, B. Bonvoisin, P. Clévenot… et au cinéma pour É. Guirado, M. Gibaja, O. Horlaix… Il est Talent Cannes 2000 et obtient un prix d'interprétation au Festival de Clermont-­‐Ferrand. En 1993, il co-­‐fonde (et co-­‐dirige jusqu’en 1999) le collectif d'artistes, Eclat Immédiat et Durable, qui propose une dizaine de spectacles de rue (Pot de vin, Porte à porte, Arrêts Fréquents, Les voyages immobiles, Cagettes et poules, La ville nouvelle, La belle de Cadie…) qui tourneront en France et en Europe. La compagnie sera aussi invitée en résidence à Argenteuil dans le cadre des Projets Culturels de Quartier du ministère de la Culture. Au théâtre, il co-­‐écrit et met en scène L'OVNI tender, Cosmologie et Le mystère de la météorite, d'après les œuvres de Théodore Monod avec Laurent Vacher. Il présente plusieurs expositions de photographies, Dans les pas de Théodore…, La chaise dans le cadre de la création de l'Idée du Nord, mis en scène par Benoit Giros et il réalise une série de photographies Champs, pour la scénographie de L'histoire du soldat mis en scène par Laurent Levy au Saito Kinen Festival dirigé par Seiji Ozawa (août 2011). Il réalise les courts-­‐métrages La rentrée, Mamie's tour, A la campagne et La riposte. Il est à l'origine, avec Hélène Mathon, des Invendables #1, #2, #3, #4, #5, #6, interventions théâtrales jouées, notamment, à Paris, Montreuil, Saint-­‐Denis et Halmstad (Suède). PRODUCTION La Langue Ecarlate Coproduction et accueil en résidence: CIRCA, Pôle National des Arts du Cirque, Auch Gers Midi-­‐Pyrénées ; Le Carré – Les Colonnes, scène conventionnée, Saint Médard-­‐en-­‐Jalles /Blanquefort Avec le soutien de la DRAC Midi Pyrénées, du Conseil Régional Midi-­‐Pyrénées, du département du Gers, de la mairie de Gavarret-­‐sur-­‐Aulouste Coréalisation : Le Vent des Signes REPRESENTATIONS 2014/2015 Création : les 10 et 11 octobre 2014 : Théâtre Le Vent des Signes -­‐ Toulouse Le 19 et 20 janvier 2015 : CIRCA, Auch Le 10 mars 2015 : Le Rive Gauche, Saint Etienne du Rouvray Du 16 au 27 mars 2015 : L'Echangeur, Bagnolet Le 9 avril 2015 : Association Bourguignonne Culture, Dijon 21 et 22 janvier 2016 : Le Carré -­‐ Les Colonnes, Saint Médard en Jalles CONTACTS Artistique Hélène Mathon // 06 74 58 40 43 // [email protected] Production-­‐Diffusion Mélanie Autier // 06 22 13 06 82 // diffusion@la-­‐langue-­‐ecarlate.com Administration Alice Normand // 06 20 30 45 04 // a.normand@la-­‐langue-­‐ecarlate.com La Langue Ecarlate Domaine de Baron 32390 Gavarret sur Aulouste www.la-­‐langue-­‐ecarlate.com Photos (hors R. Gary) : Alice Normand Licence : 2-­‐1042982 // SIRET 44392962500046 La Presse en parle Le Canard Enchainé -­‐ par Jean-­‐Luc Porquet Théâtre du Blog -­‐ par Christine Friedel « À ce moment-­‐là, Romain Gary n’a rien à prouver, comme on dit. Diplomate, ancien résistant, auteur d’une quinzaine de romans sous son nom, et lauréat d’un premier prix Goncourt, réalisateur de deux films : à peu près le parcours rêvé d’un intellectuel qui met les mains dans le cambouis. Vers 1973, cela ne lui suffit pas. Sans doute, il se supporte mal en homme vieillissant. Alors il se réinvente, se rajeunit, et publie Gros Câlin, sous le nom d’Emile Ajar (« braise », en russe). Gros Câlin, ça brûle, ça pétille, ça envoie des escarbilles, sur un thème aussi morne que possible, la solitude d’un employé moyen, Michel Cousin, autrement dit un anonyme. Dans cette histoire d’un solitaire qui se love dans les anneaux d’un python de deux mètres vingt, Gary-­‐Ajar joue avec la langue, la tortille, l’ouvre pour ne faire jaillir le rire et les larmes. Il faut plus de deux bras pour aimer, constate Michel Cousin, qui rêve sur ses rencontres dans l’ascenseur avec sa collègue Mademoiselle Dreyfus ou va se faire consoler chez les « bonnes putes ». En attendant, il y a Gros Câlin, son python de compagnie qui fait hurler la concierge portugaise, mais qui lui tient chaud : il faut trouver quelqu’un à la maison quand on rentre le soir. Hélène Mathon et le comédien Benoît Di Marco ont concentré leur adaptation sur ce besoin d’amour, sur fond de légère « souffrance au travail » : il est dur d’être différent, sournoisement écarté, et de garder le sourire, ou presque. Ce Cousin-­‐là vient à nous en clown mélancolique, un peu empêtré dans son costume à peine trop grand, le sourire fixé et le regard flottant : tout cela tient à de délicates nuances. Dès son entrée, évidemment discrète, dans une scénographie simple et insolite (quelle est la différence entre un vivarium et un ascenseur ? ) le comédien nous captive et nous capture. L’extraordinaire plasticité de son corps et de son visage répond du tac au tac à la langue de Gary-­‐Ajar, avec une liberté aussi directe, aussi dépourvue d’artifice et naïve qu’insolite et “pointue“. Cela donne un jeu d’une finesse et d’une précision extraordinaire, à la hauteur, pas moins, des grands burlesques du cinéma muet américain. Avant Benoît Di Marco, de grands comédiens ont laissé leur marque sur Gros Câlin : Pierre Leenhardt, le premier (sauf erreur : Wikipedia ne sait pas tout), dès la sortie du livre, et puis Thierry Fortineau, le grand, le regretté, et récemment Jean-­‐Quentin Châtelain. À chaque fois, on redécouvre le roman, à neuf, ce qui est la marque des chefs-­‐d’œuvre. Ne vous privez pas de celui-­‐ci, incarné par un acteur carrément prodigieux. Et dépêchez vous ! Le souffleur -­‐ par Marion Guilloux GROS-CÂLIN
« La vie, ça demande de l’encouragement. » Émile Ajar.
Ovni de la littérature française, paru en 1974, Gros-Câlin est le tour de force d’un auteur à l’identité multiple, qui
se verra à cette occasion décerner un second Prix Goncourt, Romain Gary.
Dans un Paris dévorant et vidé de toute substance humaine véritable, Michel Cousin, en proie à une solitude
broyante et à un excédent d’amour, décide d’adopter un python et d’en faire son compagnon de vie : Gros-Câlin.
C’est dans cette catégorie des mal-aimés que boxe le personnage principal, et que Benoît Di Marco- seul en
scène- vient s’incarner. Costume crème, cravate ajustée, il avance en passe muraille pour nous exposer ses
premières notes sur la vie naturelle de son python à qui il a laissé la place nécessaire dans son appartement, la
place nécessaire dans sa vie ; pour la combler justement. Car ce qu’il cherche c’est qu’on l’étreigne, qu’on le
console de son existence trop vide, tendant à l’absurde, où les autres protagonistes ne sont que des voix
enregistrées, ou la sienne qu’il module pour faire vivre un instant Melle Dreyfus, sa collègue de bureau qu’il aime
secrètement, ou le père Joseph qui lui ordonne instamment d’en revenir à Dieu.
Nul python sur le plateau, seulement la formidable présence de Benoît Di Marco qui venant ba-balbutier, bébégayer son inaptitude à « être », se détache peu à peu de ses allures artificieuses de clown pour venir nous
chercher à un endroit poignant d’empathie et de compréhension silencieuse.
Nous sommes tous des Michel Cousin, coincés dans « l’agglomération parisienne », il nous arrive parfois de nous
faire prendre par nos rêves dans des ascenseurs, à l’étage Bangkok ou Shanghai et ce désir peut-être de nous
faire adopter comme (ou d’adopter, c’est encore mieux) une bête exotique pour pouvoir dire : « Je veux quelqu’un
à moi, pas quelqu’un qui appartienne à tout le monde. »
Michel Cousin veut épouser Melle Dreyfus, va aux bonnes putes pour se faire « feuille de rose », se perd dans les
innombrables statistiques qui régissent sa vie et lui donnent un semblant de sens.
Le corps de l’acteur, ébauche maladroite (et assumée) au début, ondule, sa voix module, nous atteignons le chant
de la parole et Michel Cousin entame sa mue pour se rapprocher de son état reptilien.
C’est l’état de grâce de l’écriture d’Émile Ajar, c’est l’interprétation magnifiquement réussie de Benoit di Marco,
qui dans les suspensions de son corps, dans les silences, dans l’abandon de son humanité pour venir ramper
dans son vivarium interroge la présence véritable de ce python.
Ce « Gros-Câlin » n’est-il pas uniquement un tragique cri d’amour, de l’enfant en mal de mère, de l’homme en
manque de femme ? Les très beaux instants de solitude où l’acteur se détourne de nous pour se contracter dans
l’attente de « quelque chose » parlent d’un terrible état de désespérance : Hommes trop seuls, qui s’oublient et
n’arrivent plus à être.
Coincé dans son vivarium, en position de fœtus, l’œil du reptile posé sur nous, nous nous demandons si nous ne
basculons pas avec Cousin dans un état d’irrationalité.( « A bas l’Existoir » écrit-il à cet instant au feutre blanc sur
la vitre de sa nouvelle prison. ) Folie douce et tranquille dont il semble se tirer, décidant au final à cacher « en lui »
sa véritable identité.
L’écriture d’Émile Ajar reste intacte, sublimée à certains instants par la performance de l’acteur.
Nous en sortons heureux, car après tout, Michel Cousin méritait d’être entendu.
Marion Guilloux
Le clou dans la planche -­‐ par Morgane Nagir Publié 13.10.14
Actualité critique du spectacle vivant / Grand Toulouse
http://www.lecloudanslaplanche.com/critique-1859-gros.calin-python.amour.et.schizophrenie..html
Critique
Gros-câlin Le Vent des Signes
Python, Amour
et Schizophrénie
Publié le 13 Octobre 2
L
a saison du théâtre Le Vent des Signes
s'ouvrait il y a peu avec Gros-Câlin, une création
de l’association franco-belge La Langue
Ecarlate. Ce solo de l'acteur Benoît Di Marco
prend racine dans l’œuvre, publiée en 1970 par
Emile Ajar (alias Romain Gary...) : le roman a été
adapté par l'acteur et la metteuse en scène
Hélène Mathon. L’association franco-belge,
implantée en Midi-Pyrénées – et plus
précisément dans le Gers – fonde son travail
autour de la notion d'infra-ordinaire de Georges
Perec. Autrement dit, il s'agit « d'interroger
l'habituel », « d'interroger ce qui semble
tellement aller de soi que nous en avons oublié
l’origine » (L'infra-ordinaire, Perec). Et en effet, sur le plateau, la profonde inaptitude de monsieur Cousin
en ce qui concerne les rapports humains, et la vie de manière générale, vient ouvrir le quotidien de
monsieur tout le monde, ainsi que son rapport à celui-ci.
Du Python
Dans « l'agglomérat du grand Paris », M. Cousin vit avec ce serpent baptisé Gros-Câlin, unique famille et
ami. Il serait plus juste de dire qu'il ne vit que pour ce reptile dont les deux mètres vingt d'étreinte l'ont
véritablement subjugué. Ainsi que pour Mlle Dreyfus, dont il est éperdument épris, bien qu'il n'ait
échangé que quelques phrases avec elle au bureau. Il est résolu à l'épouser, convaincu que l'attirance est
réciproque. Son seul tourment réside dans la cohabitation impossible des deux amours de sa vie.
C'est un personnage clownesque qui déboule sur la scène du Vent des Signes. Dans son imper et son
pantalon de costume clair, l'individu qui s'avance et découvre le public est passablement stressé. Il sourit
comme surgit un tic nerveux, se gratte, et les onomatopées qui tombent de sa bouche tentent vainement
de commencer son discours sur cet animal si mal aimé et mal compris, le python. Dès le début, Benoît Di
Marco donne le ton. L'acteur révèle les différents états d'âme de M. Cousin, plutôt sensible, avec une
précision au comique redoutable. Cependant, la gestuelle de l'acteur, très bien maîtrisée, semble un peu
tendue (lors de cette toute première sortie de création, le public ne saurait lui en tenir rigueur).
Un solo, mais...
Dès son entrée, Benoît Di Marco brise le quatrième mur de l'illusion théâtrale. Au départ, l'impression
d'assister à une conférence sur les pythons y contribue largement. Puis, la mise à nu - quasiment au sens
littéral - et les accidents de la pensée de M. Cousin peuvent faire penser à un journal intime, aux notes de
Le clou dans la planche _ Gros Câlin - La Langue Écarlate 1
l'étude qu'il entreprend sur tout ce qui l'entoure. Sur le plateau, le public peut apercevoir un grand
aquarium suggérant un bac pour le grand reptile et, juste au-dessus du bac, un carré de néon blanc. Cette
scénographie efficace suggère l'ascenseur dans lequel M. Cousin se retrouve démuni et tremblant, face à
l'objet de son désir, une baignoire dans laquelle il philosophera sur l'amour et son concept du « creux de
la main », le salon, la cage du dangereux reptile, etc..
Les voix off lui donnent également la réplique, bien que parfois il s'amuse à imiter les autres personnages
; les voix qui résonnent dans la psyché étrange du personnage. Les projections vidéo semblent en
revanche parfois superflues, sans que cela soit vraiment nuisible pour le spectacle.
Le clown et le fou
Le spectateur peut percevoir la présence d'un roman derrière cette parole théâtrale, titillant sa curiosité.
La langue de Romain Gary sied au personnage créé par Benoît Di Marco et Hélène Marthon. Le dernier
virage de la création surprend le public, et éclaire d'un tout autre point de vue tout ce qui l'a précédé. En
effet, Mr. Cousin ne parlait, jusque-là, que de son état de manque, de son besoin, dans lequel tout l'amour
qu'il pouvait offrir se trouvait contrarié par son manque de destinataires. Au discours sur l'amour
s'ajoutait le problème de l'existence, son besoin contradictoire de se fondre dans la masse et de se sentir
différent. Mais son besoin irrépressible d'aimer condamne sa tentative d'exister et de côtoyer ses
semblables. Cet échec se traduit par la schizophrénie du personnage, sa complète dissolution psychique
avec le python. Le jeu de Benoît Di Marco fait des allers-retours dans la psyché de M. Cousin et signe
avec brio ce portrait attachant et clownesque. ||
Morgane Nagir
Le clou dans la planche _ Gros Câlin - La Langue Écarlate 2
Culture 31 -­‐ par Sarah Authesserre Accueil
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La vie ça demande de l’encouragement
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» La vie ça demande de l’encouragement
17 oct
Publié par Sarah Authesserre dans Théâtre | Comments
L’ouverture de saison du théâtre Le Vent des Signes affichait "Gros-câlin" d’Émile Ajar, la
nouvelle création de la compagnie franco-belge La Langue écarlate.
Prochains Evénements
Texte édité en 1974 par Romain Gary sous le pseudonyme de Emile Ajar, "Gros-câlin" est une
fable tendre et totalement fantasque et désespérée. Par le biais de son narrateur Michel Cousin,
elle se fait l’écho d’une société individualiste et atrocement normée qui crève de solitude et de
détresse affective. Un roman d’une modernité saisissante et d’un style inventif qui éclate la
syntaxe, joue avec les mots et les sonorités, pour raconter la folie, l’angoisse, le vide de
l’existence doublé d’une poétique mise en abîme du thème de l’identité propre à l’auteur.
C’est avec cette adaptation pour la scène de "Gros-câlin" que la metteuse en scène Hélène
Mathon ouvre un diptyque consacré aux espaces de la différence désigné par la formule «La Vie
ça demande de l’encouragement» – phrase tirée du roman d’Ajar. Et c’est un intriguant Benoît Di
Marco qui donne corps et voix à ce Michel Cousin qui, pour combler son manque de tendresse et
de bras à l’étreindre, s’est pris d’affection pour un python de deux mètres vingt, le justement
nommé Gros-câlin. Di Marco dans la peau de Cousin c’est une présence physique tout en
longueur, filiforme, serpentine et malhabile donnant à entendre une langue angoissée, heurtée,
enfantine d’une poésie simple et lumineuse. Langue qui émeut autant qu’elle amuse, sans pour
autant y perdre de férocité. On y entend là tout ce que les grandes villes produisent d’êtres
humains isolés, abandonnés de l’amour, encadrés par l’impitoyable triptyque métro-boulotdodo, fuyant la réalité, s’inventant des chimères pour échapper à la folie, et s’offrant de temps
à autre une pute, mais une «bonne», «parce qu’il faut bien rêver aussi». Des propos grinçants et
parfois très crus sur l’amour, le sexe, Dieu, la société de consommation - bien avant Rodrigo
Garcia ! - que le jeu clownesque de Benoît Di Marco fait passer en tendresse et naïveté,
déclenchant une belle empathie dans le public toulousain du théâtre Le Vent des Signes, pour
cette ouverture de saison, le vendredi 10 octobre.
En terme de scénographie, un aquarium surmonté d’une rampe lumineuse occupe le centre du
plateau qui, selon son utilisation interne ou externe, offre au comédien une variation de
situations scéniques : jardin d’acclimatation, salon d’appartement, bordel, cage d’ascenseur,
bureau, hôpital… Après une acmé où son, image et verbe se télescopent dans un passage
schizophrénique flamboyant, on regrettera que la fin retombe dans une narration qui a perdu de
sa force d’interprétation tenue tout du long par un comédien chargé d’un burlesque inquiétant
et douloureux.
Sarah Authesserre
une chronique de Radio Radio
Evénement
Du lundi 19 au mardi 20 janvier, au CIRC, Centre Cuzin, allées des Arts, Auch.
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