Lire : Romain Gary (1914-1980) http://www.laguinguette.com/lejournal/2007/10cult/
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'les bonnes soeurs', enveloppant d'une auréole de
reconnaissance les bras disponibles - Bref, il se
construit un univers à sa façon où la vie insensée
prend du sens. Avec toutes les audaces littéraires et
imaginaires, il déroule son histoire. On est dans une
logique, non du sens mais des sensations, des
impressions.
Est-on décontenancé par les constructions de
phrases peu orthodoxes? Cela peut être dépassé si
l'on accepte de suivre le rythme proposé par l'auteur.
Les mots eux-mêmes sont simples, les associations
d'idées sont naturelles. C'est donc un langage. Non la
rigueur de la langue mais la souplesse, la fantaisie du
langage qui épouse, en même temps que le python,
les contorsions de la pensée...
"Je suis rentré chez moi mais ne pus dormir, ça
chantait d'amitié et il y avait des coquelicots en fleurs.
J'aime les coquelicots à cause du nom qu'ils portent,
co-que-li-cots. C'est gai et il y a même là-dedans des
rires d'enfants heureux. J'ai souvent ainsi des
moments d'orchestre intérieur, avec danses et
légèreté, encouragement des violons et gentillesse
populaire, à l'idée de toutes les richesses amicales
qui m'entourent, des trésors enterrés qu'il suffit de
découvrir, les deux milliards d'îles au trésors,
baignées par le grand fleuve Amour. Les gens sont
malheureux parce qu'ils sont pleins à craquer de
bienfaits qu'ils ne peuvent faire pleuvoir sur les autres
pour cause de climat, avec sécheresse de
l'environnement, chacun ne pense qu'à donner,
donner, donner c'est merveilleux, on crève de
générosité, voilà. Le plus grand problème d'actualité
de tous les temps, c'est ce surplus de générosité et
d'amitié qui n'arrive pas à s'écouler normalement par
le système de circulation qui nous fait défaut, Dieu
sait pourquoi, si bien que le grand fleuve en question
en est réduit à s'écouler par voies urinaires. Je porte
en moi en quelque sorte des fruits prodigieux
invisiblement qui chantent à l'intérieur avec
pourrissement et je ne puis les donner tous à
Gros-Câlin, car les pythons sont une espèce
extrêmement sobre et Blondine la souris, ce n'est pas
quelque chose qui a de gros besoins, le creux de la
main lui suffit. Il y a autour de moi une absence
terrible de creux de la main."
J'avais oublié Blondine, la souris blanche, censée
nourrir le python, que Cousin ne se résout cependant
pas à 'sacrifier'. Ici encore on comprend vite le point
de vue éthique sur la souris blanche de luxe -la souris
désignant aussi en français une fille-, Gros-Câlin,
l'organe de la virilité, et la faiblesse masculine vue
comme une qualité : "J'ai acheté une souris blanche
mais celle-ci changea de nature dès que je l'ai sortie
de sa boîte dans mon habitat. Elle prit brusquement
un aspect personnel important, lorsque j'ai senti ses
moustaches au creux de ma main. Je vis seul, et je
l'ai appelé Blondine, à cause, justement, de
personne. Je vais toujours au plus pressé. Plus je la
sentais petite au creux de ma main et plus elle
grandissait et mon habitat en devint soudain tout
occupé. Elle avait des oreilles transparentes roses et
un minuscule museau tout frais et ce sont là chez un
homme seul des choses qui ne trompent pas et qui
Monsieur Cousin has fantasies about the beautiful
and sexy Mademoiselle Dreyfus, he mistrusts the
irony of his cruel work colleagues. And then there are
the good old whores - he says 'good old whores' like
you'd say 'good sisters (nuns)', wrapping a halo of
gratefulness around the available arms. In short, he
builds a universe in his own way so that meaningless
life takes on a sense. With literary and imaginary
audacity, he unfolds his story. We are in the logic, not
of sense but sensations, impressions.
Are we disconcerted by the hardly orthodox sentence
construction? That can be overcome if we accept to
follow the rhythm proposed by the author. The words
themselves are simple, the associations of ideas are
natural. Thus it's a language. Not the rigour of
language but the suppleness, the fantasy of the
language which reflects, like the python, the
contortions of thought...
"I returned home but couldn't sleep, there was singing
of friendship and there were poppies in flower. I like
poppies because of the name that they carry,
co-que-li-cots. It's cheerful and within it there's even
the smiles of happy children. Often I have moments
of an interior orchestra, with dancing and lightness,
the encouragement of violins and down to earth
niceness, a representation of the wealth of
friendliness that surrounds me, the buried treasures
that need only to be discovered, the two billion
treasure islands, submerged in the great river Love.
People are unhappy because they are full to the brim
of good intentions which they cannot shower on
others because of the climate, the dryness of the
environment, everyone thinks only of giving, giving,
giving, to give is marvellous, we're dying of
generosity, that's what it is. The biggest world
problem of all time is this surfeit of generosity and
friendship that doesn't manage to flow properly
through a circulation system that's let us down, God
knows why, so much so that the big river in question
is reduced to flowing out of the urinary ducts. In a way
I'm invisibly carrying inside me prodigious fruits that
sing inside with decay and I can't give everything to
Gros-Câlin because pythons are an extremely sober
kind of species and Blondine the mouse isn't
someone with big needs, the palm of the hand is
sufficient for her. Around me there's a terrible
absence of palms of hands.
I had forgotten Blondine, the white mouse, meant to
nourish the python, but whom Cousin cannot bring
himself to 'sacrifice'. Here once again we quickly
understand the ethical message concerning this
pedigree white mouse - a mouse in French also
connotes a girl - Gros-Câlin is the organ of
masculinity, and masculine weakness is seen as a
quality: "I bought a white mouse but she changed her
nature as soon as I took it out of the box at home.
She quickly took on a significant personal presence,
when I sensed her whiskers in the palm of my hand. I
live alone, and I called her Blondine, after no-one at
all. I always deal with what's most urgent. The more I