Le progrès technique

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Le progrès technique
Un tableau récapitulait l’apport du travail et du capital à la croissance économique. Nous
avions vu, alors, qu’un « résidu » expliquait presque la moitié de la croissance économique… Vu son importance, il faut tenter de comprendre ce résidu. Les économistes l'attribuent en général au progrès technique. Le progrès technique explique donc en grande partie la croissance.
Le progrès technique désigne l’ensemble des éléments qui permettent d'améliorer la production en accroissant ainsi la productivité.
1. L'invention et l'innovation ne sont pas des termes équivalents. L’invention, est la découverte d’un principe nouveau ou d’un produit nouveau qui ne sont pas toujours susceptibles d’applications pratiques. On considère généralement que l’invention se décompose en deux phases :
➢ la recherche fondamentale qui a pour objectif de dégager les lois qui régissent les phénomènes qu’étudie la science : par exemple la théorie de la relativité d’Einstein ➢
la recherche appliquée : qui elle vise un but déterminé en s’appuyant sur les résultats de la recherche fondamentale : les inventeurs cherchent alors à mettre au point des procédés de production ou des objets nouveaux qui pourraient être introduits dans le processus productif. L'innovation correspondrait à la mise en application d’un principe théorique ou d’une idée nouvelle. L’innovation va donc permettre de rendre économiquement viable l’invention, ce qui nécessite de développer, c’est­à­dire de perfectionner les prototypes initiaux, puis de les commercialiser dans le modèle définitif. On se situe donc au niveau de la recherche et développement (R & D).
2. Les différentes types d’innovation
Innovations de produits et de procèdés
Les économistes ont aussi été conduits à distinguer deux types d’innovation technologique, recherchant des objectifs différents .
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L es innovations de produits
: correspondent à l’introduction de nouveaux biens ou services sur le marché ont pour objectif de trouver de nouveaux débouchés pour l’entreprise sur lequel elle dispose d’une position de monopole (par la détention d’un brevet). Cela qui lui permet d’augmenter ses marges (surprofit) et donc sa rentabilité. Elle ainsi pourra financer la R&D qui lui permettra de lancer de nouvelles innovations.
On distingue deux types d'innovation produit:
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Les innovations radicales ou majeures : un produit nouveau.
Les innovations incrémentales ou mineures: des améliorations techniques ou économiques dans la production de biens ou de techniques déjà existantes.
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Les innovations de procédés visent à introduire de nouvelles méthodes de production recherchent la réduction des coûts de production par un accroissement des gains de productivité . L’entreprise peut alors augmenter ses profits afin d’investir ou/et baisser ses prix afin d’augmenter ses parts de marché. ➢
Les innovations organisationnelles correspond à la mise en place d’une nouvelle organisation du travail plus efficace (ex: le taylorisme) qui augmente la productivité du travail et permet de produire plus, mieux ou moins cher.
Les 5 types d’innovation recensées par Schumpeter . Schumpeter qui est le premier économiste à s’être réellement intéressé à l’innovation distingue 5 grandes catégories d’innovation:
➢ La fabrication d’un bien nouveau : automobile , ordinateurs...
➢ L’introduction d’une nouvelle méthode de production: l’usine mécanisée, l’usine robotisée, le taylorisme, le fordisme, le toyotisme 1
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de nouvelles formes d’organisation : la fusion des sociétés , création de joint­ventures
de nouvelles sources d’approvisionnement : le pétrole dans le golfe persique, le gaz à Groningue l’ouverture d’un nouveau débouché pour un produit donné par la découverte de nouvelles routes commerciales ou de nouveaux marchés pour les achats et les ventes 3. La mesure du progrès technique
La mesure des activités scientifiques et techniques (S&T) s’est constituée autour de deux types d’indicateurs : ➢
Les ressources allouées à la recherche et développement (R&D) : nous renseignent sur les ressources allouées par les entreprises et les États aux activités visant à accroître le stock de connaissance en matière de S&T. Mais elles ne disent rien sur les résultats ( output ) de ces activités.
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Les comptages de brevets: Le brevet protège une innovation technique, c'est­à­dire un produit ou un procédé qui apporte une solution technique à un problème technique donné. Les comptages des brevets montre que la recherche a abouti à une invention. Mais Les brevets comme indicateurs ont aussi leurs limites : ➢
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un grand nombre d’inventions ne sont pas brevetées.
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nombre de brevets couvrent des inventions qui ne sont pas mises en application par la suite
Les enquêtes sur l’innovation: Ces enquêtes sont apparues dans les pays du nord de l’Europe au cours des années 80. Depuis, d’autres pays membres de l’OCDE, dont la France, ont suivi. Ce type d’enquêtes rencontre un grand succès dans les pays moins développé.
4. D'où vient le progrès technique ?
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le progrès technique est exogène (thèse libérale)
Pour l’économiste Solow, le progrès technique est exogène. Il est dépendant des avancées de la science, il est donc relativement étranger à la sphère économique et dû au hasard...
Le modèle néoclassique de Solow permet de faire trois prédictions:
○ Il montre le rôle important du progrès technique dans la croissance et de l’accumulation du capital qui en permet la diffusion.
○ Les pays moins développés auront un taux de croissance plus élevé que les pays développés . Ils ont en effet accumulé moins de capital, et connaissent donc des rendements décroissants plus faibles, c’est­à­dire que toute augmentation de capital y engendre une augmentation de la production proportionnellement plus forte que dans les pays riches. On fait donc l’hypothèse d’une convergence conditionnelle . Le rattrapage actuel de la Chine et de l’Inde semble donner raison à la théorie.
○ En raison des rendements décroissants des facteurs de production, les économies vont atteindre un point où toute augmentation des facteurs de production n'engendrera plus d'augmentation de la production. Ce point correspond à l'état stationnaire . Solow note toutefois que cette troisième prédiction est irréaliste : en fait, les économies n'atteignent jamais ce stade, en raison du progrès technique qui accroît la productivité des facteurs.
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Le progrès technique est endogène Pour d’autres économistes, le progrès technique ne tombe pas du ciel en dehors de la sphère économique, il est le résultat de l'activité de recherche d'utilité ou de profits des agents économiques. Il est donc endogène. Il peut se matérialiser dans les hommes qui accumulent du capital humain (en se formant), dans les investissements faits dans le but d’augmenter la productivité, dans la recherche et développement des entreprises, dans les infrastructures publiques, etc. Il est donc voulu et recherché par les agents économiques qui en sont le moteur.
Schumpeter est l'un de ceux qui pensent que le progrès technique est une variable endogène. Pour lui, le progrès technique est l’œuvre d’un entrepreneur qui prend des risques pour avoir un monopole temporaire. Schumpeter a une vision cyclique de l’activité économique: il va reprendre l’apport de 2
Kondratieff qui avait mis en évidence l’existence de mouvements longs de cycles d’une durée approximative de 50 ans. Schumpeter va être amené à distinguer 2 phases :
✔ la phase A ou phase d’expansion durant laquelle l’économie va s’écarter de l’équilibre initial. En effet , les innovations vont remettre en cause la structure du marché: les entreprises qui ont innové, par le lancement d’un nouveau produit ou d’un nouveau procédé, vont bénéficier d’une forte augmentation de la demande, vont accroître leur production, faire des profits supplémentaires . Ceci va avoir deux effets contradictoires mais complémentaires:
● le mécanisme de la destruction créatrice: l’innovation va conduire à l’obsolescence des anciens procédés ou des anciennes productions, ce qui va entraîner la disparition d’entreprises ou de pans entiers de l’économie, donc une augmentation du chômage ( aspect destruction ) . Mais , dans le même temps, de nouvelles entreprises, de nouveaux marchés apparaissent qui vont faire preuve de dynamisme, créer des emplois (aspect créateur).
● les grappes d’innovation: Schumpeter a constaté que les innovations ne se produisent pas de manière continue dans le processus économique, mais de manière cyclique . Quand une entreprise introduit une innovation radicale ou majeure , celle­ci va être à l’origine de nouvelles innovations qui viennent en complément. On peut donc dire que les innovations s’engendrent les unes des autres par un processus de déséquilibre successif. Schumpeter est amené ainsi à distinguer plusieurs révolutions industrielles , caractérisées par des innovations fondamentales situées dans des branches qui vont servir de pôle d’entraînement tirant toute l’économie.
✔ phase B : durant cette phase , il ne se produit plus que des innovations mineures ou incrémentales, le progrès technique se généralisant peu à peu, le dynamisme économique diminue, la croissance économique chute, on rentre alors dans une phase de récession.
5. Qui met en œuvre le progrès technique?
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L'entrepreneur de Schumpeter Schumpeter attribue le rôle le plus glorieux à l’entrepreneur qui est pour lui le véritable héros de l’évolution économique. Il est motivé par le profit considérable de l'innovation, et pour cela il prend des risques importants.
Cependant, il constate que l'entrepreneur tend à disparaître et à être remplacé par des équipes de spécialistes chargés de rationaliser l'innovation. Mais ces individus ne peuvent générer que des innovations mineures, et pas d'innovation majeure capable de créer une phase d'expansion économique.
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Une vision proche : La théorie des droits de propriété de D.North Comme les individus sont motivés par le profit, ils n’innoveront que si les fruits de l’innovation leur reviennent. Un système de droits de propriété doit être alors mis en place pour protéger les innovations (exemple : brevet). Plus une société aura un système de droits de propriété élaboré, plus les innovations seront nombreuses, plus la croissance économique sera forte. Le rôle de l'Etat doit être de développer une politique ciblée: Réduire les prélèvements obligatoires qui limiteraient les gains de l'innovateur et protéger les innovations.
Cette théorie justifierait les inégalités de répartition de revenus...
Mais cette théorie ne suffit pas à expliquer pourquoi les entrepreneurs capables d'innover sont plus ou moins nombreux selon les époques et les pays. Les sociologues montrent l'importance des facteurs sociaux et culurels.
Le rôle des facteurs sociaux: Max Weber (1864­1920) montre que l'émergence du capitalisme a été rendu possible par une évolution des mentalités. Le capitalisme est avant tout un état d'esprit dans lequel l'entrepreneur doit accepter les règles du marché en tenant compte des goûts de consommateurs et de la concurrence. Il doit réinvestir ses profits pour accroître son capital.
6. Les différents modèles d'innovation
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Le modèle américain – En apparence les EU sont un modèle de pays libéral .En réalité , l’intervention de l’Etat , en particulier par le biais de la recherche militaire , est considérable (de l'ordre de 80% dela recherche) .L’Etat va donc orienter l’effort de recherche mené par les entreprises ( cf. le programme pour aller sur la lune de Kennedy , programme guerre des étoiles de Reagan, le rôle du pentagone dans le lancement d’internet... )­
– Néanmoins , ceci n’empêche pas que les entreprises exercent un rôle important dans la recherche , en particulier dans son orientation . Alors qu’en France , les chercheurs se consacrent principalement à la recherche fondamentale qui ne comporte pas véritablement de débouchés économiques, aux EU , les chercheurs en particulier dans les universités sont associés aux entreprises, créent des entreprises et font de la R­D qui débouche sur la production de biens innovants . Le modèle japonais Dans les années 50 , les Japonais copient l’occident ; dans les années 60 , ils améliorent les produits occidentaux par des innovations mineures ; à partir des années 70 , les innovations incrémentales se sont développées . La force du Japon repose donc sur 4 points
– un effort de formation de la main­d’œuvre très important
– comme pour l’Allemagne , une des chances du Japon a été de se voir interdire après la guerre de 39­45 de mener des recherches militaires qui , étant secrètes n’irriguent pas le tissu économique ( handicap de la France et des EU). Le Japon a pu alors se concentrer sur la recherche civile et déposer des brevets profitant directement aux entreprises – un effort de R­D résultant d’un taux d’épargne très élevé – le MITI : le Ministère de l’Industrie va coordonner l’action de recherche des entreprises en orientant l’effort de recherche vers les marchés qui sont les plus porteurs , c’est­à­dire que le MITI ne se substitue pas aux entreprises , mais qu’il vient en complément des entreprises en gouvernant par ce que l’on a appelé l’administration guidance qui est basée sur des mesures incitatives. Pourtant le financement de la R&D passe principalement par les entreprises. Le modèle européen La recherche européenne est relativement peu performante (cf. l’informatique française). Ceci résulte essentiellement de 2 tendances:
– chaque pays européen a voulu développer sa propre recherche, ses propres normes technologiques afin de bénéficier de champions nationaux qui pourraient être compétitifs sur le marché mondial. Ceci se traduit au niveau européen par des déséconomies d’échelle: plusieurs pays menant la même recherche et arrivant séparément au même résultat
– chaque pays a voulu être présent partout: les efforts de recherches ont donc été dilués . Or, plus la taille est restreinte, plus l’effort de recherche doit être concentré, ce qui nécessite une spécialisation sur des créneaux . Face à cette situation d’échec relatif, 2 tendances peuvent être anticipées:
– le modèle anglais à l’époque de Thatcher ultra libéral : qui conduit à une retraite pure et simple : l’Etat diminuant son effort de recherche et le déléguant aux entreprises étrangères , ce qui à terme nuirait à la compétitivité du pays
– poursuivre les efforts de recherche, mais non plus au niveau national , au niveau européen, ce qui permettrait de mobiliser des capitaux beaucoup plus importants ( d’où économies d’échelle ), d’éviter une concurrence inefficace, permettrait de lutter à armes égales avec les Américains, mais nécessiterait de la part de chaque pays un effort de spécialisation, c’est­à­dire l’abandon de certains créneaux, une division internationale de la recherche et de la production s’opérant au niveau européen . L’égoïsme de chaque pays conduit au pessimisme; par contre, l’exemple d’Airbus ou le développement des accords entre firmes européennes, les mouvements de concentration permettent d’être plus optimistes
Les PVD
L'innovation dans les pays en voie de développement est restreinte par les possibilités de financement. Est­ce que cela signifie que les PVD, ne pourront pas se développer?
Probablement pas. Paul Krugman à écrire que « les dragons doivent leur richesse plus à leur transpiration qu’à leur inspiration ». Cela montre le rôle réduit de l'innovation dans le développement économique.
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