14 © ENTRETIENS DE BICHAT 2010
titutionnel ou scolaire pour les plus petits) est donc un gage de
réussite. On se heurte parfois aux réticences des familles (voire
des professionnels) qui pensent que la mise en place d'un outil
augmentatif risque de rendre l'enfant « paresseux » et que cela
va « empêcher le développement du langage oral ». L'utilisation
des signes reste très liée au monde du handicap sensoriel (auditif)
mais l'apparition en France de programmes tels que « signe avec
moi »(1) devrait permettre une meilleure acceptation d'un outil tel
que le « Makaton ». On observe des bénéfices réels lorsqu'on pro-
pose des signes à des enfants sans langage; certains se jettent lit-
téralement dessus (dans le cadre des enfants porteurs de
trisomie 21, l'appétence pour les signes est particulièrement sen-
sible), et les difficultés comportementales souvent associées aux
handicaps de communication cèdent de façon notable.
Trop souvent, on attend que le handicap soit significatif pour le
prendre en charge: on voit encore des enfants de 5-6 ans, sans
langage pour lesquels aucun outil de communication n'a été pro-
posé. La question de la mise en place d'un outil augmentatif de-
vrait se discuter dès lors qu'on peut objectiver l'existence d'un
trouble de la compréhension à 2 ans, une absence de production
de mot à 3 ans ou d'association de 2 mots à 4 ans.
Dans certaines pathologies étiquetées précocement et pour les-
quelles on sait que le développement du langage oral va être dif-
féré (syndrome de Down, Rubinstein Taibi, Cornélia Delange,
agénésie du corps calleux...), on pourrait très tôt (dès l’âge de 6-
9 mois) inciter les parents à utiliser quelques signes pour souligner
le langage oral. L'interaction et la compréhension en seraient fa-
cilitées dans un premier temps, et cette modalité de communica-
tion pourrait servir de modèle à l'enfant dès lors qu'il serait en
mesure d'imiter. On minimiserait ainsi (voire on éviterait) les trou-
bles du comportement liés à la frustration engendrée par l'impos-
sibilité à communiquer.
Si l'utilisation d'un code de communication est maintenant acquise
dans le cadre du handicap moteur, elle reste à notre avis, encore
sous-utilisée dans le cadre du handicap mental (avec ou sans trait
autistique) et du polyhandicap alors que l'expérience du pro-
gramme Makaton depuis 15 ans a fait la preuve des son efficacité.
Le programme Makaton est proposé en Grande-Bretagne depuis
presque quarante ans. Il est diffusé par le TMC (qui succède au
MVDP et qui est garant du maintien d'une certaine orthodoxie
du programme, cette structure assure l'adaptation du vocabulaire
de base, la création de nouveaux pictogrammes, de nouveaux
supports, supervise le contenu des formations, ainsi que la for-
mation de nouveaux formateurs sur le territoire anglais mais éga-
lement dans les pays où la Makaton est diffusé), Le programme
est connu dans une quarantaine de pays dans le monde (Australie,
Japon, Nouvelle-Zélande, Hong-Kong, Koweit, Portugal, Grèce,
Norvège... pour n'en citer que quelques uns). Lorsque le pro-
gramme est introduit dans un nouveau pays, des adaptations cul-
turelles sont nécessaires concernant le contenu du vocabulaire de
base (certains concepts peuvent être ajoutés en retirés en fonction
des spécificités religieuses, culinaires ou géographiques... du pays),
Les signes choisis sont ceux de la langue des signes du pays
concerné, un contact est donc établi avec la communauté des
sourds, Le graphisme de certains pictogrammes doit également
parfois être revu (la boîte aux lettres des britanniques ne ressemble
pas à celle que nous avons en France par exemple, cela a donc
nécessité de re-dessiner ce pictogramme).
En France, le programme Makaton est diffusé par l'association
Avenir-dysphasie Makaton. Entre 1996, date de la première for-
mation, et 2001, une vingtaine de formations se sont déroulées.
En 2009, quarante cinq formations ont eu lieu pour cette seule
année, en métropole et dans les DOM accueillant des profession-
nels para médicaux (orthophonistes principalement) et des parents
d'enfants en difficultés de communication, De plus en plus de de-
mandes émanent de structures institutionnelles pour enfants et
depuis peu, pour adolescents et adultes (IME, IEM, Hôpitaux de
jour, CAMSP, centres de rééducations, MAS, IMPRO). Devant le
réel bénéfice constaté par les personnes déjà formées, la de-
mande de formation est actuellement exponentielle, « AAD-Ma-
katon » organise ces formations qui sont assurées par
14 formatrices françaises (pour 700 en Grande-Bretagne !).
Les orthophonistes, éducateurs, pédagogiques, psychologues doi-
vent être sensibilisés à ce type d'aide afin de proposer aux pa-
tients présentant un trouble expressif sévère une approche
adaptée, progressive, efficace et coordonnée pour pallier leur
trouble. Le programme Makaton doit s'inscrire dans un projet thé-
rapeutique commun au sein d'une structure pluri-disciplinaire en
impliquant les parents afin de renforcer les capacités de commu-
nication ainsi que les compétences cognitives et adaptatives du
sujet.
(1) « signe avec moi » : Programme de communication destiné à
des bébés sans difficultés basé sur le principe que le jeune enfant
dans le courant de la première année de vie a des choses à nous
dire mais n'a pas encore l'outil langagier pour le faire.
RÉFÉRENCES
1 - Bouhier-Charles N. Signe avec moi Monica. Companys éd mai 2006.
2 - Franc S. La communication augmentée, Entretiens d’orthophonie, Expansion
Scientifique Française 1996, 7-14.
3 - Franc S. La communication augmentée : un système original, le programme
Makaton, Rééducation orthophonique 2001, 205, 141-150.
4 - Franc S. Gérard CL. Le programme Makaton, son utilisation auprès de sujets
autistes. Entretiens de rééducation de Masson, Montpellier 2004.
5 - Franc S. Thomas. Les représentations de temps dans la rééducation des
troubles de la communication chez l’enfant. Entretiens d’orthophonie 2006.
6 - Gasser F. Makaton et dysphasie : Utilisation d’un système de communication
multimodal ANAE (16) 76-77 ; 108-110 Mars 2004.
7 - Lachenal M. Actes du congrès APF 2007 : « Parents et professionnels,
partenaires de la communication de l’enfant ».
8 - Montoya D, Bodart S. Le programme Makaton auprès d’un enfant porteur
d'autisme, le cas de Julien: Développement décembre 2009 19-26.
9 - Nègre C. Le Makaton en CAMSP, congrès Isaac, 2004.
10 - Pieters V. Exemple d’application, Entretiens d’orthophonie dans le chapitre
« codes et signes en rééducation orthophonique », Expansion Scientifique
Française 1996, 15-19.
11 - Sarfaty N. Le programme Makaton pour des enfants autistes : expérience
institutionnelle. Rééducation orthophonique 2001, 207,15-19.
12 - Werba P. Avec le Makaton, faisons signe à la personne trisomique. Ortho
magazine 77 juillet/Août 2008.
13 - Congrès de Toulouse : juillet 2009. « Multimodalité de la communication
chez l'enfant : gestes, émotions, langage et cognition ».
14 - Sites web : www.makaton.fr et www.makaton.org.