celui-ci et il sont des pronoms (resp. pronom démonstratif et pronom personnel sujet atone)
qui jouent ici dans la cohésion textuelle un rôle anaphorique (reprise d’un élément
d’information déjà rencontré). On distingue l’anaphore déictique et l’anaphore textuelle: si
l’on dit à son interlocuteur dans une situation de communication de proximité « celui-ci », on
renvoie à quelque chose dans la situation extra-linguistique, alors que si l’on écrit « celui-ci »
dans une situation de communication à distance, ce qui est évidemment le cas de l’écrivain
s’adressant à ses lecteurs, l’anaphore est dite textuelle; on renvoie à quelque chose qui est
dans le texte, donc dans le « co-texte » discursif et non dans le « contexte » extra-linguistique.
s’en alla : événement verbal ponctuel de premier plan au passé simple
avait (envie de pleurer) : événement verbal cursif d’arrière-plan à l’imparfait
Heureusement vlà ltrain qu'entre en gare, ce qui change le paysage.
Irruption du « présent historique » : le discours narratif, jusqu’ici aux temps du passé, adopte
soudain le présent, procédé censé donner au récit plus de vivacité; en effet, désormais, le récit
bascule avec l’arrivée du train et de nouveaux protagonistes.
La structure présentative voilà… qui (ici, vlà ltrain qu’) accentue le caractère visuel,
cinématographique, de l’écriture de ce passage; la graphie synthétique (vlà ltrain) contribue à
l’impression d’accélération du rythme narratif.
La foule parfumée dirige ses multiples regards vers les arrivants qui commencent à
défiler […].
parfumée: ironique
foule: substantif collectif; grammaticalement singulier mais sémantiquement pluriel, contraste
évoqué dans le syntagme ses multiples regards
Gabriel regarde dans le lointain ; elles, elles doivent être à la traîne, les femmes c'est
toujours à la traîne ;
Maintenant que le temps narratif est le présent, il devient plus difficile de distinguer le
discours narratif du monologue intérieur; seul le contraste entre l’omniscience du narrateur et
la conscience limitée du personnage permet de déduire que « elles, elles doivent être à la
traîne, les femmes c’est toujours à la traîne » est un monologue intérieur de Gabriel; ainsi que
l’emploi du pronom personnel sujet elles qui renvoie toujours à un référent déjà connu, or s’il
peut être déjà connu de Gabriel il ne peut pas nous être déjà connu à nous car le narrateur
omniscient ne l’a pas encore mentionné. Il ne faut donc pas prêter ce discours légèrement
misogyne au narrateur (et encore moins à l’auteur!), mais bien au personnage de Gabriel.
elles, elles : En français (tout comme en allemand et en anglais, mais à la différence de
l’italien ou de l’espagnol, etc.), le pronom personnel sujet atone est obligatoire et fonctionne
comme une sorte de morphème de personne verbale antéposé, agglutiné à la forme verbale et
dépourvu d’autonomie accentuelle et syntaxique. Par conséquent, si le locuteur veut mettre
l’accent sur le sujet en français, il doit utiliser un pronom tonique. En français, le pronom
tonique ne coïncide pas toujours avec le pronom atone, mais ici c’est le cas, d’où cette drôle
de répétition (elles, elles). Mais cf.: moi, je; toi, tu; lui, il; eux, ils (par opposition à elle, elle;
nous, nous; vous, vous; elles, elles). L’allemand et l’anglais n’ont pas recours à des séries
différentes, mais à la seule mise en relief accentuelle: ich bin ≠ ICH bin.