CONTRE LA GUERRE, COMPRENDRE ET AGIR
Bulletin n°204– semaine 17 – 2009
OTAN
QUO NON EXTENDAM ?
Si la signature du traide l’Atlantique Nord a bien lieu le 4 Avril 1949 à Washington, il serait erroné d’en
déduire que cette signature et la création d’une alliance militaire transatlantique qu’elle fonde marquent le
début de la guerre froide.
L’acte officiel de lancement de la guerre froide a eu lieu trois ans plus tôt très exactement le 5 Mars 1946. Il
s’agit du discours prononcé ce jour par WINSTON CHURCHILL à l’Université de FULTON (Missouri), lui-
même inspiré par le diplomate US GEORGE KENNAN qui ambassadeur des Etats-Unis à Moscou théorise la
future guerre antisoviétiques dès le 22 Février 1946
Bien que battu aux élections de 1946 et remplacé au pouvoir à Londres par le dirigeant du parti travailliste
CLEMENT ATTLEE , CHURCHILL garde une place internationale éminente puisqu’il est avec STALINE, le seul
des dirigeants des puissances victorieuses du fascisme à avoir participé aux conférences qui ont procédé au
partage du monde en zones d’influence : Conférence de Téhéran (28 Novembre 1 décembre 1943 )
conférence de Yalta,(4-11 Février 1945 ) conférence de Potsdam(17 Juillet-2 Aout 1945) et à savoir ce qui
a été décidé au cours de ces trois conférences.
Mais autant il a pu en 1943 reconnaitre le rôle décisif de l’URSS dans la défaite du fascisme et prononcer
un éloge appuyé de ce pays et de son peuple, autant trois ans plus tard son discours est devenu hostile et il
accuse l’URSS d’avoir fait descendre un « rideau de fer » au milieu de l’Europe. L’expression très forte et qui
fera le tour du monde laisse penser que l’URSS est la responsable d’une division du continent qui a en
réalité été décidée d’un commun accord.
Le discours de FULTON annonce que l’alliance entre les bourgeoisies occidentales et le socialisme
soviétique n’était qu’une alliance de circonstance et qu’à nouveau comme entre 1917 et 1922 lorsque les
puissances capitalistes (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Italie, Japon Allemagne…) envoyaient des
troupes combattre l’armée rouge aux côtés des russes blancs , la lutte pour la domination du monde par le
capitalisme anglo-saxon et les autres puissances coloniales reprend.
Il fait en même temps comprendre clairement aux peuples d’Europe que quels que soient leurs choix
électoraux ou leurs préférences politiques, chacun doit rester du côté du « rideau de fer » où il se trouve.
Les Etats-Unis sont évidemment au cœur du projet. Leur territoire est intact, leurs pertes en hommes sont
infimes comparées aux pertes soviétiques, leur industrie a été dopée par l’effort de guerre ils dominent
l’économie mondiale (50% du PIB mondial à eux seuls) et disposent depuis la double expérimentation in
vivo des 6 et 9 Aout 1945 (Hiroshima et Nagasaki) de l’avantage militaire décisif : la possession de l’arme
atomique. Ils vont donc prendre la place centrale dans cette guerre froide annoncée et y investir d’énormes
moyens financiers. Le Président Truman met tout le poids de son pays dans l’opération et lance le 29 mars
1947, dans un discours prononcé devant le Congrès, le plan Marshall (du nom du général qui est alors
secrétaire du Département d’Etat étasunien).
Les pays cibles du plan Marshall sont en priorité ceux situés à l’Ouest du « rideau de fer » dans lesquels des
partis communistes, sortis grandis et armés de leur participation à la résistance populaire contre le nazisme,
sont puissants. L’aide Marshall va permettre à des gouvernements bourgeois de s’installer au pouvoir. Les
PC français et italiens sont mis sur la touche, tolérés dans le pays mais interdits de pouvoir. Ils acceptent
cette marginalisation qui sera définitive pour le PC italien aujourd’hui disparu. Le PC grec, bien qu’il ait eu
un rôle décisif dans la résistance à l’occupation nazie a été mis sur la touche par la Grande-Bretagne, la
bourgeoisie et les fascistes grec, se réveille tardivement et reprend les armes contre le nouveau régime. La
riposte est immédiate : le premier Avril 1947 un général US débarque sur le sol grec avec 5000 hommes et
prend le commandement d’une guerre « civile » qui bien alimentée en dollars US durera deux ans. Elle
sera féroce, extrêmement sanglante et conduira à une quasi liquidation des communistes grecs et à une
interdiction du PC qui durera jusqu’en 1974. Les fascistes grecs alors soutenus et conseillés par les Etats-
Unis se permettront mettre de faire un coup d’Etat militaire qui saignera à nouveau le pays et les partis de
gauche grecs pendant 7 ans (1967-1974)
La Grèce étant à l’Ouest du « rideau de fer », l’URSS, affaiblie par la guerre et en situation d’infériorité
militaire, n’intervient pas. Le partage du continent est ainsi respecté par la force. Pour autant les
« occidentaux » ne vont pas hésiter à tenter des débaucher des pays situés dans la zone d’influence
soviétique. Tel sera le cas de la Tchécoslovaquie. Les élections qui suivent la guerre ont donné une place
prépondérante au PC tchèque (43% des voix). Il va former un gouvernement de coalition avec des partis
bourgeois. Confronté aux graves problèmes matériels de la reconstruction du pays, le gouvernement
tchèque envisage de faire appel à l’aide MARSHALL. Pour l’URSS c’est le signe que le « rideau de fer » peut
se déplacer pourvu qu’il se déplace vers l’Est. L’URSS s’oppose à cette demande d’aide financière aux Etats-
Unis et exige du gouvernement tchèque dirigé par les communistes qu’il refuse cette aide. Le PC Tchèque
mobilise la population dans ce sens. La crise politique éclate à Prague en Février 1948. Les partis bourgeois
quittent le gouvernement et le PC tchèque reste seul au pouvoir. Pas un coup de feu n’a été tiré mais cette
prise de pouvoir des communistes par défaut, sera dénommée « coup de Prague » et à l’Ouest, elle
symbolisera la mainmise soviétique sur l’Europe orientale et permettra de faire passer sous silence
l’exclusion du pouvoir des PC français et italien et les horreurs la guerre civile grecque.
Reste le cas de l’Allemagne. Découpée en quatre zones d’occupation (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France
et URSS) au sortir de la guerre le « rideau de fer » n’y a pas été tiré puisqu’en vertu des accords de Potsdam
la gestion du pays doit rester quadripartite en attendant un accord entre les puissances occupantes sur
l’avenir du pays. En fait les trois occidentaux unifient leurs 3 zones d’occupation et commencent à
s’acheminer vers la coupure du pays en deux en créant une nouvelle monnaie pour leur zone commune.
Cette décision prise en contradiction avec les accords de Potsdam est un premier pas vers la partition du
pays. Le rideau de fer commence ainsi à s’abaisser au milieu de l’Allemagne. L’URSS, après de vaines
protestations, va tenter de s’opposer à la manœuvre par le blocus de Berlin. La tentative échoue.
D’autres évènements marquants marquent cette période charnière entre le discours de FULTON et le traité
de l’Atlantique Nord.
- Après avoir installé à Panama l’Ecole des Amériques qui formera tous les tortionnaires, les militaires
putschistes, les organisateurs des escadrons de la mort qui empêcheront pendant plus d’une demi-
siècle toute transformation politique démocratique sur le continent, Les Etats-Unis fondent
l’Organisation des Etats américains (Bogota 25 Avril 1948) et s’assurent ainsi pour plus d’un demi-
siècle le contrôle politique économique et militaire sur les pays de leur « arrière-cour ». Ceux–ci
épargnés par la guerre et déjà décolonisés depuis un siècle aspirent à un développement national
autonome et les Etats-Unis empêcheront l’émergence de dirigeants porteurs de ces aspirations. Le
dirigeant colombien progressiste JORGE GAITAN est assassiné à Bogota le 9 Avril 1948 au moment
même se tient dans la ville la réunion fondatrice de l’OEA. Les services secrets étasuniens ont
commandité le meurtre mais alimentent la rumeur d’un assassinat organisé par le PC colombien.
L’avertissement aux dirigeants latino-américains est clair : le sous-continent doit rester sous
domination étasunienne. L’assassinat de JORGE GAITAN marque le début d’une guerre civile
colombienne qui durera quatre ans, fera 200 000 à 300 000 victimes et sera le terreau de la lutte
armée qui n’a jamais vraiment cessé en Colombie, toutes les tentatives de règlement négociée de la
crise politico-sociale ayant été noyées dans le sang
- Après la défaite du japon les Etats-Unis ont tenté de soutenir y compris militairement les
nationalistes chinois pour éviter la victoire des communistes. Mais Ils n’y parviendront pas et le Parti
Communiste Chinois prend seul le pouvoir le 01.10.1949. Sur le continent eurasiatique les positions de
l’impérialisme occidental sont donc très affaiblies. Après l’URSS, la Chine va passer aux mains des
communistes, ce qui représente un gain démographique, territorial et politique énorme pour le camp
socialiste
L’Amérique soumise et satellisée, l’Afrique encore sous le joug colonialiste européen, il est urgent de créer
un bastion impérialiste en Europe de l’Ouest face au danger communiste qui grandit à l’Est du grand
continent eurasiatique.
L’OTAN entre alors en scène et son émergence ne peut être comprise que dans ce cadre géopolitique
global. Le traité de l’Atlantique Nord manifeste que la direction de l’impérialisme est désormais installée
définitivement à Washington au détriment de Londres et que les vieux impérialismes européens, qu’ils
aient été dans le camp des vainqueurs ou dans celui des vaincus : britannique, français, belge, néerlandais,
italien sont passés sous contrôle étasunien. Le cas de l’Allemagne est laissé temporairement de côté, le
découpage en deux Etats voulu par l’Occident au mépris des accords de fin de guerre, n’est pas encore
effectif et les réticences des opinions publiques européennes vis-à-vis du pays porteur des horreurs du
nazisme encore trop fortes 4 ans après la fin de la guerre.
Dans sa lettre le traité de Washington ne s’affiche pas comme une alliance contre un adversaire désigné
nommément et donc sa survie et sa durée exceptionnellement longue pour une alliance de ce type sont
dés l’origine formellement possibles quand l’adversaire concret ou réellement existant disparait quelle que
soit la façon variable utilisée pour le dénommer : « bloc de l’Est », « camp socialiste » sans compter toutes
les structures sociales ou institutions sur lesquelles on peut coller le qualificatif disqualifiant de
« stalinien »
Le préambule du traité et les deux premiers articles sont ainsi libellés :
(parties en rouge sélectionnées par COMAGUER pour souligner que les violations du texte n’ont pas cessé
depuis la disparition de l’URSS)
Le Traité de l'Atlantique Nord
Washington DC, le 4 avril 1949
Les Etats parties au présent Traité, réaffirmant leur foi dans les buts et les principes de la Charte des Nations
Unies et leur désir de vivre en paix avec tous les peuples et tous les gouvernements.
Déterminés à sauvegarder la liberté de leurs peuples, leur héritage commun et leur civilisation, fondés sur
les principes de la démocratie, les libertés individuelles et le règne du droit. Soucieux de favoriser dans la
région de l'Atlantique Nord le bien-être et la stabilité. Résolus à unir leurs efforts pour leur défense collective
et pour la préservation de la paix et de la sécurité. Se sont mis d'accord sur le présent Traité de l'Atlantique
Nord :
Article 1
Les parties s'engagent, ainsi qu'il est stipulé dans la Charte des Nations Unies, à régler par des moyens
pacifiques tous différends internationaux dans lesquels elles pourraient être impliquées, de telle manière
que la paix et la sécurité internationales, ainsi que la justice, ne soient pas mises en danger, et à s'abstenir
dans leurs relations internationales de recourir à la menace ou à l'emploi de la force de toute manière
incompatible avec les buts des Nations Unies.
Article 2
Les parties contribueront au développement de relations internationales pacifiques et amicales en
renforçant leurs libres institutions, en assurant une meilleure compréhension des principes sur lesquels
ces institutions sont fondées et en développant les conditions propres à assurer la stabilité et le bien-être.
Elles s'efforceront d'éliminer toute opposition dans leurs politiques économiques internationales et
encourageront la collaboration économique entre chacune d'entre elles ou entre toutes.
La référence appuyée aux buts, principes et texte de la Charte des nations Unies mérite examen.
La Charte des Nations Unies est signée le 26 Juin 1945 à San Francisco dans l’euphorie de la victoire. La
victoire est d’ailleurs incomplète puisque le Japon ne capitulera qu’après les deux bombardements
atomiques. Il faut donc considérer l’engagement de régler les crises et désaccords internationaux
autrement que par la guerre comme ne s’appliquant pas à la guerre en cours. A la différence de la Société
des Nations à laquelle les Etats-Unis n’avaient pas adhéré bien qu’ils l’eussent conçue, la Charte des nations
Unies les engage comme elle engage les 57 autres signataires.
Porteuse d’un espoir de paix et de progrès social cette charte n’empêchera pas les Etats-Unis d’organiser la
guerre civile en Grèce , de soutenir les armées du Kouo-Min-Tang contre les communistes chinois, pas plus
qu’elle n’empêchera le France coloniale de continuer ses exactions en Algérie (massacres de Sétif,
répression féroce à Madagascar et démarrage de la guerre d’Indochine au mépris des communistes
vietnamiens qui ont tenté en vain de parvenir à une indépendance négociée en tous points conformes à la
Charte), pas plus qu’elle n’empêchera les Pays-Bas de mener une campagne militaire brutale pour tenter de
s’opposer à l’indépendance de l’Indonésie, pas plus qu’elle n’empêchera la Grande-Bretagne d’organiser
la plus grande catastrophe humanitaire du siècle : la partition de l’Inde.
La référence faite à la Charte des Nations Unies dans le traité de l’Atlantique Nord est donc un exercice de
style diplomatique assez honteux quand on recense les faits et gestes de ses signataires pendant la très
brève période qui s’étend entre le 26 Juin 1945 et le 4 Avril 1949.
Cette même période a été également marquée par les actions visant à exclure l’URSS et ses alliés de la
conduite des affaires mondiales. Les deux plus significatives sont la mise à bas de la Fédération syndicale
mondiale et le blocage de l’Organisation internationale du commerce.
Fondée en 1945 la Fédération syndicale mondiale est conçue comme un outil de lutte contre la guerre en
considérant que le développement des relations à la base entre travailleurs du monde est un outil de
compréhension entre les peuples et les pays et que plus cette compréhension est profonde et plus étroits
les rapports directs entre ouvriers et syndicats, plus faibles sont les chances de voir se reproduire une
catastrophe comme l’effondrement de la Seconde Internationale en Aout 1914. La CIA va s’employer
activement et avec de gros moyens financiers à diviser le mouvement syndical dans les pays occidentaux et
à faire éclater la FSM. Cette opération aboutit en 1948 avec la création d’une internationale syndicale
concurrente de la FSM : la CISL et en France la scission CGT/CGT-FO. La FSM dont le siège était à Paris doit
se replier à Prague, le « rideau de fer » est aussi descendu sur le mouvement syndical.
Dans l’esprit de la Charte des Nations Unies s’ouvre à la Havane une conférence pour la création d’un
ORGANISATION INTERNATIONALE DU COMMERCE. Une charte dite « charte de la Havane « est rédigée qui
pose les fondations d’une organisation réglant les rapports commerciaux entre Etats avec l’objectif de
favoriser les échanges mais avec le double souci de garantir partout le plein emploi et d’éviter que les gros
écrasent les petits. Dans ses principes comme dans les applications qu’elle prévoir La Charte de la Havane
est l’exacte antithèse du traité de Marrakech qui fondera l’OMC en 1993, traité qui représente la
quintessence du libéralisme économique, idéologie qui justifie l’écrasement du faible par le fort. Le
Congrès US refusera de ratifier la charte de l’OIC qui ne verra donc pas le jour. Ne subsisteront des travaux
de la Havane que les mécanismes d’abaissement indéfini des barrières douanières dans le cadre du GATT ,
abaissement qui freine voire interdit toute étape de démarrage d’industrialisation nationale à l’abri des
frontières et qui programme la disparition des cultures alimentaires locales au profit des agriculteurs
subventionnés des Etats-Unis dans u premier temps et de la CEE ensuite.
L’OIC enterrée, il ne reste de la nouvelle organisation internationale imaginée au sortir du conflit mondial
que les structures destinées à assurer la domination du dollar sur le commerce international : le FMI et la
Banque mondiale.
Il y a donc bien, dés le discours de Fulton, une volonté de l’Occident et des Etats-Unis qui en ont pris la tête,
le lancement d’une série d’actions dans tous les domaines et sur tous les continents destinées à affirmer
et à organiser la domination mondiale du régime capitaliste en encerclant les pays socialistes et en
1 / 10 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !