5Bioéthique. Un enjeu d’humanité
INTRODUCTION : RECONNAÎTRE
LA VALEUR D’HUMANITÉ
a révision de la loi de bioéthique est l’occasion d’exprimer une certaine idée de
l’homme. Elle a été préparée dans des conditions à la hauteur d’un enjeu qui va
bien au-delà d’un simple bricolage juridique entrepris pour tenir compte des
avancées des techniques biomédicales : un enjeu d’humanité.
En vue de cette révision, une réflexion ample et approfondie fut conduite partout en
France [1], toujours articulée autour du principe de dignité humaine, qui a valeur consti-
tutionnelle. Le respect de la dignité humaine est mis en exergue du Rapport d’information
parlementaire[2] et réaffirmé dans le dernier Rapport de l’Office parlementaire d’évalua-
tion des choix scientifiques et techniques [3], tous deux rédigés en vue de cette révision.
Si le projet de loi, présenté en Conseil des ministres le 20 octobre 2010, ne mentionne
pas ce principe, le communiqué de presse du même jour rappelle très explicitement
« l’adhésion des Français aux principes qui fondent les lois de bioéthique :
respect de la dignité humaine, refus de toute forme de marchandisation et d’exploitation
biologique du corps humain ». Pour discerner les voies éthiques du respect de la dignité
humaine dans l’avancée des progrès scientifiques, les besoins des chercheurs ne peuvent
suffire[4] :le débat démocratique est essentiel.
Dans l’opinion publique, la « bioéthique » inquiète. Les communications incessantes sur
les nouvelles mises en œuvre possibles de techniques biomédicales dans divers pays du
monde éveillent des craintes, qui ne sont pas toujours infondées, ou des désirs, qui
engendrent parfois d’amères frustrations. Devant les perspectives plus ou moins extra-
vagantes que véhiculent certains scientifiques ou certaines sociétés avides de gains
financiers, et qui sont relayées par les médias ou par Internet, beaucoup de nos conci-
toyens attendent qu’une idée de l’homme soit exprimée de façon claire et rassurante.
[1] L’Église catholique, pour sa part, y a contribué, non seulement par la participation de nombreux catholiques aux débats proposés
pendant les États généraux, mais aussi par l’ouverture d’un blog bioethique.catholique.fr et la publication de trois ouvrages : Bioéthique.
Propos pour un dialogue, Lethielleux-DDB, février 2009 ; puis en dialogue avec l’Étude du Conseil d’État (mai 2009) et le Rapport final
des États généraux (juillet 2009) : Bioéthique. Questions pour un discernement, Lethielleux-DDB, novembre 2009 ; puis en dialogue avec
le Rapport d’information parlementaire (janvier 2010) : « Au cœur du débat bioéthique, dignité et vulnérabilité », Documents Épiscopat,
n° 6/2010.
[2] Rapport d’information, n° 2235, ALAIN CLAEYs et JEAN LÉONETTI, Favoriser le progrès médical. Respecter la dignité humaine, janvier 2010. Cité
Rapport d’information.
[3] Rapport de l’OPECST n° 2718/652, ALAIN CLAEYS et JEAN-SÉBASTIEN VIALATTE, La recherche sur les cellules souches, 8 juillet 2010, p. 9 : « Conci-
lier droits des chercheurs et respect des principes qui fondent notre droit bioéthique : dignité, gratuité, non marchandisation du vivant,
notamment. » Voir aussi ibid., p. 129.
[4] Le principe de dignité est absent du Rapport de l’Agence de la biomédecine qui, conformément à la loi de 2004, s’est fixé l’objectif
« d’identifier les progrès qui se dessinent », de « favoriser, en amont, les activités de recherche qui nourrissent ce progrès et assurer, le
moment venu, leur mise en œuvre concrète au service de la qualité de la prise en charge des patients ». Voir le Rapport d’information au
Parlement et au Gouvernement, avril 2010.
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