Introduction La balance des paiements (BP) est un document statistique qui présente l’ensemble des flux entre une économie et le reste du monde durant une période donnée. La balance des paiements est l’un des documents couramment utilisés (notamment par le FMI) pour établir le diagnostic de l’évolution macroéconomique d’une économie. C’est le plus ancien document à caractère macroéconomique. Au Royaume-Uni, les premiers relevés de transactions commerciales internationales remontent au XIIIe siècle, lorsque reprend le commerce international à la suite des croisades, et les séries régulières remontent à 1696. Des balances des paiements sont établies depuis 1816. La balance des paiements a donc précédé la comptabilité nationale de plus d’un siècle. Pourquoi les économistes des XVIe et XVIIe siècles (mercantilistes) pensaient-ils que l’information sur les flux avec l’extérieur était plus importante que celle concernant la production de richesses à l’intérieur de l’économie ? Pour eux, la réponse se formulait schématiquement ainsi : une nation s’enrichit lorsqu’elle accumule des métaux précieux, disons de l’or. C’est l’idée principale de Colbert : produisons autant que possible pour ne pas avoir à importer de l’étranger et lui verser l’or national en échange. La question a été discutée passionnément pendant des siècles, et pas uniquement sous l’angle économique. La richesse de la nation, à l’époque, est comprise comme la richesse du prince, le fondement de sa puissance. Et sa puissance est bornée par les frontières de l’État : là où se contrôlent les échanges, là où se mesurent ce qui entre et ce qui sort. Les États-nations ont d’abord affirmé leur existence en précisant leurs limites géographiques et économiques. L’approche mercantiliste est aujourd’hui jugée « naïve », et l’on se réfère plus volontiers aux économistes qui prirent une position opposée, en recherchant l’origine de la « richesse des nations » non plus dans les relations extérieures mais dans les processus d’accumulation interne. Pourtant, chaque fois qu’il est question d’ouverture, de libre-échange, de protectionnisme ou de délocalisations, le vieux débat mercantiliste semble renaître : essayons de gagner autant que possible, y compris au détriment de l’étranger. La balance des paiements décrit les relations avec les agents qui n’appartiennent pas à l’économie nationale. Avec ces « nonrésidents », l’échange fait problème pour la simple raison qu’ils ne sont pas forcés d’accepter notre monnaie. À nos frontières, celle-ci perd son pouvoir libératoire illimité fixé par la loi. De ce point de vue, la balance des paiements décrit donc l’ensemble des transactions qu’il a fallu payer avec des moyens de paiement internationaux : des devises (monnaies acceptées par les non-résidents), de l’or, des droits de tirage spéciaux (DTS), etc., ainsi que, dans l’autre sens, les sommes en moyens de paiement internationaux (MPI) que l’économie a reçues. La balance des paiements nous renseigne donc d’abord sur cette question : avons-nous reçu plus de MPI que nous en avons versés à l’extérieur ? Elle permet aussi de préciser quels types d’échanges sont à l’origine de cet excédent (ou sont la cause de ce déficit). À partir de là, il faut se demander si l’économie a suffisamment de devises en réserve pour effectuer les paiements en devises qui pourront être exigés (si le pays est endetté à l’égard de l’étranger) ou qu’elle devra effectuer d’une manière ou d’une autre (parce que certains produits ne sont pas disponibles sur le territoire national, ou que l’économie domestique n’est pas en mesure de les fabriquer à un coût raisonnable, par exemple). Face à cette contrainte (trouver des MPI pour pouvoir importer, faire face aux échéances de la dette extérieure), tous les pays ne sont pas égaux. Certains disposent de « devises clés » et leur monnaie nationale est acceptée à l’extérieur de leurs frontières. C’est surtout le cas des États-Unis. C’est un des enjeux de l’introduction de l’euro en Europe. Les crises financières internationales de plus en plus fréquentes ont montré que la transparence de l’information, et notamment des données concernant les balances de paiements, joue un rôle décisif : c’est une des leçons de la crise asiatique de 1997. Les créanciers ont découvert très tard la baisse de réserves de la Thaïlande, ce qui a contribué à la brutalité de leur réaction. La mondialisation ou le développement des unions monétaires modifient progressivement les choses. Peut-être même au point de rendre dépassées toutes les pratiques antérieures. Avec l’euro, quel besoin avons-nous encore d’une balance des paiements française, allemande, etc. ? Nous n’établissons pas de balance des paiements pour la Bretagne ou la Bourgogne (pas plus que pour la Basse-Saxe ou la Bavière, qui sont pourtant des Länder jouissant d’une certaine autonomie). Alors, pourquoi ne pas nous contenter de la lecture de la balance des paiements européenne ? Pour étudier ces questions, nous partirons d’une présentation synthétique de la balance des paiements (BP) de la zone euro. Nous décrirons ensuite les normes et conventions qui président à la présentation des BP, en prenant pour exemple la BP française (chapitre II). Le chapitre III analyse la dynamique de la BP, ce qui pose le problème de la soutenabilité de la dette extérieure. Le chapitre IV définit l’équilibre de la BP au sens « économique » du terme. Le chapitre V décrit les mécanismes qui assurent le retour à l’équilibre de la BP. Le sixième et dernier chapitre montre comment la politique économique ou un choc externe peuvent être à l’origine d’un déséquilibre temporaire de la BP (le passage de la politique de relance de 1981 à la politique de « franc fort » en est un bon exemple). Les mécanismes correcteurs qui interviennent alors peuvent annuler (ou au contraire amplifier) les effets de ces chocs.