Le krach boursier de cette fin d’été, provoqué par la dévaluation du
yuan le 11 août, a pour origine la remise en cause par les marchés des
perspectives de croissance mondiale, encore estimées par le FMI
(en juillet) à 3,3% pour cette année et 3,8% en 2016. Le 7% de croissance
affiché par la Chine au T2, et qui reste l’objectif officiel du
gouvernement, n’est plus crédible au vu des statistiques réelles
d’activité. Les autres économies émergentes voient leur situation se
dégrader pour des raisons internes, mais qui seront aggravées à la fois
par le ralentissement de la demande chinoise et la chute des cours des
matières premières. Il faut garder à l’esprit que l’ensemble de la sphère
émergente (Chine compris) représente 50% du PIB mondial et
contribue à hauteur des 2/3 de la croissance mondiale. Quant aux
économies développées, elles peinent toujours à sortir de l’onde de
choc de la crise financière de 2008 avec une reprise qui reste freinée
par la faiblesse de l’investissement, l’ampleur de l’endettement et un
chômage qui ne diminue pas suffisamment.
Il faut certes prendre en compte les risques qui pèsent sur
le devenir de l’économie mondiale. L’effondrement du prix du pétrole
et des autres matières premières accentue la menace désinflationniste,
d’autant que les prix à la production continuent de se contracter
(-5% sur un an en Chine en juillet et -3% aux USA et en zone euro).
Les anticipations d’inflation ont de nouveau reculé, et ce de façon plus
marquée encore que fin 2014. Ce choc sur les prix des matières
premières, expliqué à la fois par un excès d’offre (avec pour le pétrole
le retour de la production iranienne) et par une demande atone aura
un impact encore plus récessif sur les économies émergentes
exportatrices de ces produits. Ces dernières pourraient alors
s’enfoncer dans un cercle vicieux durablement déstabilisant : le recul
de leur croissance et la perte de confiance qui en résulte provoquant
des sorties de capitaux qui accentuent les chutes de leurs devises,
obligeant les banques centrales à remonter leur taux, ce qui freinera
davantage leur croissance…
Face à ce constat, nous tablons sur une révision à la baisse des
anticipations de croissance mondiale, mais pas sur un plongeon.
En 2015, le taux de croissance de l’économie mondiale devrait se situer à un
niveau proche de 3% au lieu des 3,3% prévu par les grandes institutions
internationales et en recul donc par rapport à l’année précédente.
De nombreuses études tendent à relativiser la dépendance des économies
avancées vis-à-vis des émergentes. Un choc négatif de 1% sur la croissance
chinoise aurait un impact au plus de 0,1% sur la croissance du PIB des Etats-
Unis et de 0,3% en zone euro au bout de deux ans. Il faut souligner d’autre
part que les autorités chinoises disposent de moyens encore substantiels
pour relancer leur économie tant sur le plan budgétaire (même si elles
voudront rester prudentes face à un endettement des collectivités locales
qui demeure trop élevé), que surtout sur le plan monétaire. Les marchés
estiment, à juste titre, que les récentes mesures prises par la banque
centrale chinoise restent insuffisantes face à l’ampleur du ralentissement.
L’autre facteur d’optimisme réside dans la baisse des prix de l’énergie qui
redonne du pouvoir d’achat aux ménages et constitue donc un facteur
substantiel de soutien à la consommation privée (dans les pays avancés
comme émergents). Elle améliore aussi sensiblement les marges des
entreprises. Par ailleurs, dans ce contexte de faiblesse des taux d’intérêt et
d’inflation, nous prévoyons une remontée du taux d’intérêt directeur de la
Fed pour la fin de l’année 2015.
Le taux de croissance du PIB américain, pour le T2, a été révisé en
hausse. Il atteint +3,7% en rythme annualisé (contre +2,3% en
première estimation). La bonne nouvelle est que l’investissement
des entreprises aurait contribué positivement (+0,4% au lieu de
-0,1%) et que la consommation privée reste le principal facteur de
soutien à la croissance (+2,1%), avec des exportations nettes qui
n’ont pas trop souffert de la vigueur du dollar (+0,2%).
Cette dynamique de reprise est restée bien orientée durant l’été.
La production industrielle de juillet est ressortie en hausse de 0,6%,
contre 0,4% attendu par le consensus et 0,1% en juin, avec une
progression encore plus forte de la partie manufacturière
(+0,8% contre +0,4% attendu). Le taux d’utilisation des capacités de
production est, de ce fait, remonté à 78%, ce qui alimente le besoin
d’investissement. Les ventes au détail ont également bien
progressé, avec une hausse sur le mois de 0,4% hors automobile
et essence (après +0,2% en juin). La faiblesse persistante de
l’inflation, avec le recul des prix alimentaires et énergétiques,
redonne du pouvoir d’achat aux ménages et, avec des créations
d’emploi toujours dynamiques (plus de 200.000 par mois), devrait
continuer à soutenir la consommation. Les enquêtes de
conjoncture s’améliorent modérément dans l’industrie, mais plus
nettement dans les services avec l’indicateur des commandes au
plus haut depuis 10 ans. Il en est de même pour la confiance des
constructeurs dans l’immobilier résidentiel.
Néanmoins, plusieurs indicateurs avancés incitent à la prudence.
Celui de l’OCDE sur l’économie américaine reste négativement
orienté et se situe désormais à un niveau inférieur à sa moyenne de
long terme (à 99,4). L’indicateur cyclique de l’ECRI (l’Economic
Cycle Research Institute) recule à nouveau et se positionne sous le
niveau d’un ISM à 50, ce qui laisse présager une légère contraction à
venir de l’activité. A l’inverse, si l’indicateur avancé du Conference
Board se replie également, il reste sur une trajectoire de croissance
nettement positive.
La robustesse de l’économie américaine, confirmée par les
dernières statistiques publiées, justifierait donc que la Fed
poursuive son processus de normalisation monétaire. Mais elle
devra également tenir compte de la dégradation de
l’environnement externe et du recul des anticipations d’inflation.
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES & FINANCIÈRES
4 septembre 2015 2
USA : Contributions croissance PIB (glissement trimestriel)