COMPTE RENDU DE LA CONFÉRENCE-DÉBAT À L’ASSEMBLÉE NATIONALE « LE TRAFIC D’ORGANES ET LE TOURISME DE TRANSPLANTATION » MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 Compte-rendu rédigé par l’ONG DAFOH (Doctors Against Forced Organ Harvesting) DAFOH – Doctors Against Forced Organ Harvesting - est une organisation libre et indépendante fondée et gérée par des médecins de diverses spécialités et de différentes nationalités. L’organisme est constitué de médecins et professionnels de la santé qui reconnaissent la nécessité d'arrêter les pratiques illégales de prélèvement d'organes. DAFOH a la volonté : -­‐ -­‐ -­‐ -­‐ de présenter toute forme de pratiques médicales immorales à l’attention du public d’apporter à la communauté médicale et à la société les preuves objectives de prélèvements d’organes illégaux et immoraux d’encourager la réalisation d’enquêtes approfondies sur le sujet de promouvoir et protéger les pratiques médicales éthiques mettant en avant la dignité humaine et dont les normes éthiques reposent sur le serment d’Hippocrate, la Déclaration de Genève, le Code de Nuremberg, la Déclaration d’Helsinki et la Déclaration d’Istanbul. 2 SOMMAIRE INTRODUCTION page 4 COMPTE RENDU page 5 QUESTIONS-REPONSES page 16 CONCLUSION page 19 POST-SCRIPTUM page 20 3 INTRODUCTION Le sujet du trafic d’organes et des abus de transplantations est devenu, au fil des années, une préoccupation de plus en plus importante du fait de l’augmentation incessante des patients en attente de greffes. Dans ce contexte de pénuries d’organes se sont développés simultanément des marchés noirs internationaux de trafics d’organes ainsi qu’un « tourisme de transplantation ». Suite à la conférence de presse du 17 juillet 2013 à l’Assemblée nationale annonçant officiellement la sortie du livre « Organes de l’Etat – abus de transplantations en Chine », avec la présence de l’un des auteurs, David Matas, avocat international canadien pour les droits humains, une conférence-débat sur le thème du trafic et du tourisme de transplantations d'organes a eu lieu le 27 novembre 2013 à l’Assemblée nationale, Paris, France. Animée par la députée des Bouches-du-Rhône, Madame Valérie Boyer et le Docteur Harold King, contact français pour l’ONG internationale DAFOH (Médecin contre les prélèvements forcés d’organes), la conférence a donné la parole à des professeurs et des chirurgiens français, autour du problème éthique du trafic d’organes à l’étranger et, notamment, en Chine. Ces professionnels ont tenu à être présents afin de témoigner de leurs expériences sur la transplantation d’organes en France et à l’étranger et du mutisme complice du domaine médical et politique concernant les prélèvements forcés d’organes en Chine. OBJECTIFS DE LA CONFÉRENCE : 1/ Faire connaître le phénomène des prélèvements forcés d’organes dans le monde et plus particulièrement en Chine, aux députés, aux médecins et aux médias. 2/ Soutenir la proposition de loi de la députée Madame Valérie Boyer contre le tourisme de transplantation. 3/ Rallier les médecins chirurgiens transplanteurs en France contre les prélèvements forcés d’organes. ÉTAIENT PRÉSENTS Madame Valérie BOYER, députée des Bouches-du-Rhône. Docteur Harold KING, contact français pour l’ONG Doctors Against Forced Organ Harvesting (DAFOH) ou les Médecins contre les prélèvements forcés d'organes. Professeur Francis NAVARRO, chirurgien transplanteur au CHU de Montpellier Professeur Jacques BELGHITI, chirurgien transplanteur au CHU de Beaujon Professeur Didier SICARD, ancien président du Comité consultatif national d'éthique Professeur Patrick PESSAUX, chirurgien transplanteur au CHU de Strasbourg Professeur Yves CHAPUIS, de l’Académie de médecine, ancien chirurgien et pionnier des greffes d’organes en France. 4 COMPTE RENDU Après avoir remercié les professeurs présents ainsi que Madame la députée Valérie Boyer de leur présence et de s’être ainsi courageusement positionné contre le trafic et les prélèvements forcés d’organes en Chine, le Docteur King a brièvement fait l’exposé de la situation, précisant que toutes ces informations pouvaient être retrouvées dans le livre « Organes de l’Etat – Abus de transplantations en Chine. » Selon le Docteur King, les prélèvements d’organes forcés sont un problème éthique majeur dans la communauté internationale et notamment en Chine. Depuis 1980, le gouvernement chinois a permis à la police d’utiliser sans restriction les cadavres de prisonniers pour des transplantations d’organes, avec ou sans consentement des familles ou de l'individu. Le premier impact de cette loi a été de violer pour la première fois la loi éthique reconnue au niveau mondial quant au consentement de la personne. Le second impact a été la grande opacité conséquente du système, car les services de police et les militaires gèrent intégralement les prisons en Chine. Le Docteur King mentionne la résolution de Hangzhou signée depuis peu par 169 hôpitaux chinois dans laquelle le gouvernement chinois projette de limiter l’utilisation des organes prélevés sur les prisonniers condamnés à mort et exécutés. Selon lui, cette résolution est un discours de façade, à l’image de la loi sortie en Chine en 2007 interdisant les prélèvements d’organes forcés suite à la pression internationale suscitée par la publication du rapport sur les prélèvements d’organes forcés de David Kilgour et David Matas et du rapport de Manfred Nowak, rapporteur spécial des Nations Unies. Dans les faits, cette loi n’a pas du tout été respectée, malgré la bonne volonté d’une quarantaine de transplanteurs chinois. Au contraire, ce commerce d’organes en Chine touche dans une plus grande mesure les prisonniers de conscience qui n’ont commis aucune faute pénale. « Bien que DAFOH félicite et encourage ces changements en Chine, nous gardons un œil très strict sur ce qui se passe et notamment sur le gouvernement chinois, qui n’a rien changé sur la traçabilité et la transparence. » Pour illustration il cite le chiffre communiqué pour l’année 2012 par le gouvernement chinois à la communauté internationale : 1167 personnes inscrites sur la liste des donneurs volontaires, un chiffre qui correspond étrangement au nombre exact de personnes qui sont mortes dans cette période et qui ont pu « donner » leurs organes et aider ainsi 3700 patients. Le Docteur King aborde ensuite la question des preuves. Il explique qu’elles s’accumulent depuis 2001 où un médecin, le Docteur Wang Guoci, avait témoigné devant le Congrès américain de la pratique de prélèvements forcés d’organes sur les prisonniers de consciences. Le rapport de Messieurs David Kilgour et David Matas et les recherches du journaliste américain Ethan Gutmann arrivent à la même conclusion : des patients sont allés se faire greffer à l’étranger alors que les pratiquants du Falun Gong ont été enfermés et torturés et qu’on leur faisait systématiquement des prélèvements de sang, des analyses d’urines, des radiographies et autres examens médicaux. La Chine est aussi le seul pays au monde où l’on peut avoir facilement et de manière habituelle un organe dans un délai de deux semaines, un mois maximum. Sont évoquées aussi les preuves que constituent les enregistrements téléphoniques pratiqués en particulier par Monsieur Matas et Monsieur Kilgour lors de leurs investigations : « Ils se sont fait passer pour des patients, (…) un notamment (médecin chinois) qui n’a pas réfléchi quand il a répondu, je pense, a dit « Oui, oui nous avons des organes de pratiquants du Falun Gong, ce sont les meilleurs et je vais les chercher moi-même ! » C’est terrifiant… » 5 À la fin de son intervention, il évoque les travaux du Docteur Ahmed Ghazali, médecin malaisien qui a suivi sur plusieurs années des patients qui s’étaient fait greffer en Chine et qui ont dû être pris en charge en urgence à leur retour à cause de complications postopératoires. Ce sont des publications scientifiques sur des recherches cliniques. Un article coréen du même type a également été publié. Le Professeur Jacques Belghiti, chirurgien transplanteur au CHU de Beaujon, revient sur l’origine de son implication dans ce travail. En 2006, il est nommé président de la société internationale de transplantation et il va analyser, à ce sujet, de nombreuses informations. Selon lui, c’est la période de l’explosion du nombre de transplantation en Chine, avec : • • • • 500 centres 8.000 transplantations rénales (officielles) 4.000 transplantations hépatiques des prélèvements à partir de condamnés à mort et une commercialisation effrénée. « C’était l’industrie principale et la source de revenus de beaucoup d’hôpitaux. À ce moment-là, il n’y a pas eu de réactions de la part du milieu des transplanteurs, voire même une certaine fascination chez certains, car il y avait un pays, la Chine, qui pouvait leur offrir pratiquement sans limite des organes de jeunes gens en bonne santé. » Le rôle de Jacques Belghiti va être, à ce moment-là, de faire prendre conscience, notamment aux Américains qui dirigent les grandes sociétés internationales de recherche scientifique, de l’inacceptable qui avait lieu en Chine. 3 niveaux de compréhension : • • • Lutter contre la peine de mort, ce qui est difficile dans un pays qui l’accepte dans certains États jusqu’à y voir une certaine rédemption du criminel qui rend son organe à la société. L’inadmissible de la commercialisation des organes dans une économie libérale où rémunérer le donneur est normal. Pour les Américains, l’existence d’un consentement des prisonniers pour prélever leurs organes résolvait le problème. C’est à cette même période qu’il a eu connaissance de patients américains, notamment d’origine chinoise, qui allaient se faire transplanter en Chine ce qui permettait de libérer les listes d’attente. Ce n’est que lorsque ces patients sont revenus avec des complications plus ou moins graves que les médecins américains ont alors pris conscience des problèmes et des difficultés. Ils ont dû reprendre en charge ces malades avec des médicaments antirejet. Il était parfois nécessaire de refaire une transplantation. Pour le professeur Belghiti, il est inadmissible qu’il y ait une commercialisation des organes, à quelque endroit que ce soit. Il reprend ensuite le fil de son intervention : 2006, 2007, 2008 la communauté internationale commence à prendre conscience de l’inacceptable. Des campagnes d’informations, dont certaines menées par Dafoh, sont réalisées. C’est aussi le moment des J.O. de Pékin. En 2008, sous la présidence de Raymond Delmonico, des professionnels de la santé de 78 pays se sont retrouvés à la conférence d’Istanbul et ont défini pour la première fois ce qu'était le trafic d’organes et le commerce de transplantation; et ce que signifiait pour un certain nombre de chirurgiens de se 6 rendre en Chine et de créer des centres et des hôpitaux au nom de la coopération scientifique, et qu’elles étaient leurs responsabilités. Il est clairement énoncé à ce moment-là, que les médecins ne doivent pas participer à ce commerce d’organes avec la Chine, et la première prise de décision va être de ne plus autoriser la publication de travaux concernant la transplantation ou des travaux attenants si l’on n’avait pas la notion de l’origine des donneurs. Cela est encore appliqué actuellement. La deuxième décision prise est l’interdiction ou la diminution des coopérations scientifiques. Cette période a vu naître des sites internet d’hôpitaux chinois affichant des équipes pluridisciplinaires sous caution de collaboration étrangère et notamment américaines. Des sites qui ressemblent à des publicités pour partir en vacances. Actuellement, le trafic d’organes et le tourisme de transplantation continuent, non seulement en Chine mais dans le monde entier. On peut donc se demander qui sont les malades ayant besoin d’un organe. Le Professeur Jacques Belghiti répond : « D’abord, ce sont des malades qui viennent de pays qui sont dépourvus d’infrastructures (par exemple, l’Afrique, l’Europe de l’Est, le Moyen Orient) ou qui ont volontairement suspendu tout investissement dans la transplantation (la Jordanie) préférant rembourser les patients qui vont en Chine. Ou comme Israël, qui ne pouvait pas subvenir à la demande et qui avait un budget alloué pour ces patients. Ensuite ce sont des malades désespérés qui vont essayer par tous les moyens d’avoir un greffon. Par exemple, des français dont les critères de transplantation ne sont pas validés par l’agence de la biomédecine. La Chine est alors la destination idéale pour ces patients car ils auront un greffon entier à partir de donneur cadavérique. » Le Professeur Belghiti ajoute un élément important : « C’est que pour arriver à donner des organes entiers on en arrive à modifier les types d’exécutions. Par exemple en Chine on a très bien vu que, alors qu’au début les prisonniers étaient exécutés d’une balle dans la tête, finalement, comme on s’est aperçu que ça faisait trop d’arrêts cardiaques et que l’organe souffrait, et bien maintenant on change de type d’exécution. Exécution qui n’a plus lieu uniquement dans la prison mais qui a lieu dans l’ambulance où on va très vite, en quelques minutes, le prélever après injection d’un produit anesthésique. Donc on voit très bien que cette source de financement, cette possibilité va même les amener à changer le type d’exécution. » Il faut savoir qu’actuellement, les transplantations à partir de donneur vivant - essentiellement de reins et de foie - sont l’origine du trafic d’organes et du tourisme de transplantation. Les destinations de ces trafics changent régulièrement en fonction du démantèlement des réseaux ou des problèmes exposés (Égypte, Turquie, Ukraine). Mais le plus grand pourvoyeur d’organes à ce jour est l’Inde et de façon inadmissible. A cela il ajoute « La Chine a bien essayé mais elle s’est heurtée à la complexité technique des interventions, des suites opératoires et cela ne rapportait pas assez vite d’argent. » Obtenir un organe d’un donneur vivant est compliqué. En France par exemple, il existe des règles strictes (lien de parenté, gratuité…) ce qui implique de se rendre à l’étranger pour se faire greffer, dans un pays moins regardant sur les règles, avec un donneur vivant. Si vous n’avez pas de donneur, il faudra alors acheter un organe (partie de foie ou rein). Selon le Professeur Belghiti, l’augmentation actuelle du tourisme de transplantation avec donneur vivant entrainerait une diminution de transplantations d’étrangers en Chine. La Chine ne serait plus la destination privilégiée, d’autant plus que de nombreux pays sont parvenus à un niveau technique leur permettant de réaliser des greffes dans de bonnes conditions ne mettant en danger ni le donneur ni le 7 receveur : « ce qui leur permet de pouvoir recevoir l’argent, de les rembarquer rapidement dans l’avion pour qu’ils retournent dans leur pays.» Il précise, que ces pays-là sont dépourvus ou n’appliquent pas de législations. « Des pays où le chirurgien et le corps médical sont puissants et liés au pouvoir. » D’autre part, les donneurs sont très pauvres, endettés, ne touchent pas plus de 10% de la vente de l’organe, ce qui ne permettra pas à leur situation de s’améliorer. Pour conclure, il explique que ces pays ont une absence de rigueur médicale ou scientifique : • Premièrement, ils mentent dans leurs arguments pour vous attirer dans leur centre pour une transplantation, en Inde ou ailleurs, allant de « nous avons de grands experts, on est puissant, on est riche, on peut vous proposer du tourisme etc… », à la Chine où nous avions : « Taux de succès 100%, Peu de complications, 4mn d’arrêt circulatoire, taux de 0% de rejet » • Deuxièmement, et qui est très important : « le nom des médecins n’est jamais mentionné » et « ils n’en parlent pas entre eux dans leur communauté, par contre nous, (les transplanteurs) on connaît certains de ces médecins ». • Troisièmement, comme nous l’avons vu, il s’agit souvent de malades désespérés qui n’auraient pas été transplantables dans leur pays, revenant de surcroit d’une transplantation, sans compte rendu opératoire, ni compte rendu anatomopathologique, ni immunosuppresseurs. Ils constituent donc une sélection sans valeur scientifique pour la recherche. • Quatrièmement, le taux de complication est très élevé, conséquence de règles sanitaires désastreuses, de traumatismes subis par le donneur qui entrainent des souffrances sur le greffon, et de diverses infections possibles telle que le VIH, l’Hépatite C (épidémie en Arabie Saoudite) par un manque de dépistages. Dans ce contexte si peu rigoureux de suivi, on ne peut s’attendre à une analyse des pratiques de ces centres de transplantation, ni aux cours de congrès médicaux, ni de discussions de confrontations avec les résultats des autres centres, ni par des publications dans des revues scientifiques. Pour le Professeur Belghiti, la conclusion de cette activité en dehors de toute règle médicale et éthique offre un bilan peu glorieux : « …le bilan est NUL… moi, ça m’a rappelé exactement ce qui avait été fait sous les médecins nazis, c’est à dire qu’on leur avait donné tous les moyens, on leur avait donné la possibilité, et il n’en est rien ressorti. Et les milliers de transplantations qui sont faites dans le monde actuellement dans ce cadre-là il n’en sort RIEN et aucun bénéfice pour la communauté. » Concernant la possibilité que des français soient allés se faire greffer à l’étranger, le Professeur Belghiti répond : « Quelques immigrés - à un moment donné - de certaines régions, se sont fait transplanter en Inde, et, effectivement, ils étaient de cette région, c’étaient des Sri Lankais, il y en a eu 6 ou 7, pour rapprochement familial. Moi, j’ai eu à Baugeons des Chinois qui préféraient se faire transplanter en Chine. Alors la vraie question qui se pose, là j’aimerais bien avoir vos réactions, c’est quand ils reviennent, et qu’il y a des complications, qui va les prendre en charge ? Et faut-il les pénaliser ? La pénalisation des malades… » Le Professeur Belghiti exprime ensuite toute la difficulté rencontrée par la communauté médicale et chirurgicale qui donne des leçons aux politiques alors qu’elle-même n’est pas exempte de tous reproches. En réalité, les professionnels de la santé n’étaient pas nombreux à dénoncer ce qui se déroulait : « Francis, on n’est pas beaucoup…on est là encore…à dire « non, on ne participera pas à ça au sein de notre communauté ». Je crois que tu l’as un peu dit. Donc ça, c’est un point important, c’est en ça que la conférence d’Istanbul a été très importante parce qu’elle a mis la communauté médicale 8 devant ses responsabilités de ne pas participer à ce trafic ! Et pour mémoire, les Australiens ont réagi assez vite à ce qui se passait. » Les médecins préféraient dire « il vaut mieux discuter que condamner » mais pour le Professeur Belghiti : « NON ! À un moment donné, il faut montrer qu’on ne participera pas à ça ! » Le Professeur Belghiti exprime son accord avec le Professeur Sicard sur le fait que très souvent, si l’on soulève certains problèmes, on peut en recevoir une leçon. Il raconte alors une de ses expériences dans un bureau de la Transplantation Society (TTS) où on lui a dit : « Vous n’allez pas nous exporter votre Révolution française ». Néanmoins, il réaffirme leur devoir de rappeler la position ferme de la communauté scientifique à ce sujet. Quant aux politiciens, dit-il, dès qu’on parle de transplantation, « ils y associent le mot « trafic », n’osent pas aborder ce problème, et on peut les comprendre. » Devant cette complexité des situations médicales et politiques, le Professeur Belghiti ne souhaite pas résumer une situation à un fait quel que soit le pays et les causes. Quant à la Chine, le Professeur Belghiti nous confirme que depuis quelques années, plusieurs déclarations ont été faites, comme par exemple le fait que le gouvernement chinois allait mettre fin aux exécutions, que les hôpitaux allaient être contrôlés, ou encore que la Croix Rouge allait gérer l’organisation des prélèvements d’organes à partir de donneurs cadavériques non exécutés. « On peut néanmoins rester préoccupés, car il n’est certainement pas facile d’instaurer d’un coup des règles dans un pays où il n’y en a pas, du moins pas éthiques, quand on sait que c’est le commissaire de Police ou le directeur de la prison qui décident des transplantations, comme j’ai pu le voir il y a quelques années en Chine. » Le Professeur Belghiti a également tenu à souligner que tous les chirurgiens chinois « ne sont pas tous des « pourris » ». En effet, une partie de la communauté médicale chinoise se bat contre ces pratiques non éthiques. Le Professeur Belghiti est plus optimiste sur la situation de Hong Kong et Taiwan qui ont maintenant un fichier qui vérifie l’origine des donneurs et qui permettrait d’avoir un regard sur la Chine. Mais il ne sait pas, à l’heure actuelle, où en est réellement la situation en Chine. Professeur Belghiti témoigne en tant que Président du conseil scientifique de l’importance de l’agence de biomédecine en France qui permet une régulation et un regard de transparence sur toutes les transplantations réalisées dans l’Hexagone, ce qui est unique en Europe mais aussi dans le monde. Récemment, on a pu voir les conséquences d’un manque d’agence de régulation sur cette question en Allemagne. Un trafic de données a été organisé. Cela a décrédibilisé le système et a eu pour conséquence la diminution des dons d’organes et le déplacement des Allemands à l’étranger pour acheter des organes. Ce qui est le plus difficile, selon Professeur Belghiti : « C’est d’amener les chirurgiens français…à ne pas aller dans un centre et de ne pas collaborer, de ne pas exporter son savoir-faire lorsqu’il sera mal utilisé et inversement, de refuser de recevoir un chirurgien qui va faire mal ou qui va faire des transplantations non éthiques dans un centre. Ça c’est extrêmement difficile et c’est au cas par cas… » Le Professeur Francis Navarro a ensuite témoigné de sa coopération scientifique avec un hôpital de Chengdu, en Chine. En 2007, dans le cadre d’échanges interuniversitaires entre Montpellier et la ville de Chengdu en Chine, l’équipe du CHU de Montpellier a été sollicitée pour la formation de chirurgiens chinois dans le domaine de la transplantation d’organes. 9 À travers la volonté d’avoir des échanges scientifiques et cliniques avec la Chine, le professeur Navarro et son équipe ont découvert les circonstances des transplantations d’organes, et les violations des règles éthiques internationales. En effet, les chirurgiens français pensaient intervenir sur un donneur vivant connu pour lui prélever une partie du foie et la transplanter sur un receveur, ce qui laissait le donneur en vie. Quelques jours avant ce voyage, le Professeur Navarro a demandé le dossier du donneur, afin de connaître les informations à minima du patient avant d’arriver à Chengdu. « Par mail et par voie officielle, on m’a alors expliqué que cela allait être une transplantation standard avec l’organe complet, que tout serait prêt pour le jour de mon arrivée (…) on avait commencé à être sensibilisé à cette notion de prélèvements chez les personnes qui étaient exécutées, et donc j’ai compris que la veille de mon arrivée ou le jour de la dite transplantation, les exécutions allaient se faire et en masse ». Le donneur n’était donc pas volontaire, des êtres humains allaient être utilisés comme banque d’organes pour les transplantations. Selon Francis Navarro, il y a eu et il y a encore aujourd’hui certains transplanteurs français qui sont complices du développement de la transplantation en Chine de par leur implication dans la formation des chirurgiens chinois. Et pourtant, cette thématique n’intéresse pas les communautés politiques et médicales. L’objectif serait alors de faire prendre conscience aux communautés politiques et médicales de l’ampleur de la situation : « le souhait que j’ai c’est qu’à l’échelle nationale et en France on puisse sensibiliser les communautés politiques et la communauté médicale de ce risque dans les années futures, et le risque majeur est celui de la commercialisation, du financement de l’organe ». À ce propos, le Professeur Navarro a tenu à rappeler que suite à la conférence organisée il y a trois ans sur le même sujet, le Professeur Belghiti et lui-même avaient lancé une pétition de chirurgiens français qu’ils avaient souhaité remettre au Président de l’époque, Monsieur Nicolas Sarkozy, et son ministre des affaires étrangères Monsieur Bernard Kouchner. Evidemment, la période n’était pas propice car c’était celle des jeux olympiques de Pékin, alors : « On nous a demandé d’abord de nous calmer et finalement d’être le plus discret possible sur la thématique qui nous amène ici aujourd’hui ». Il ajoute qu’en 2007, le problème du trafic d’organes n’est pas un problème facilement médiatisé ou un problème « intéressant ». Bien au contraire, c’est un problème gênant pour les relations francochinoises. « (…) Comme je vous le dit personnellement, à l’époque on avait fait quelques émissions, quelques papiers, c’est quand même difficile de parler de cette problématique de la Chine, malheureusement nous en avions parlé aussi de façon plus évidente au moment des JO et la situation politique de la France avec la Chine était compliquée ». Suite à cela, le Professeur Navarro avait reçu une demande du gouvernement français qui disait : « soyez un peu plus discret parce qu’avec la Chine, ce n’est pas le moment de mettre cette problématique sur la table ». Afin de montrer le paradoxe entre le désintérêt des communautés politiques et médicales à l’égard de cette thématique, et l’implication de certains chirurgiens français, le Professeur Navarro souligne : « les chirurgiens français, les transplanteurs français nous avons toujours eu d’excellentes relations avec l’ensemble des pays, des universités dans le monde, la chirurgie française, et les chirurgiens transplanteurs, nous sommes reconnus à l’international en tant qu’expert (…) cette chirurgie est reconnue ». Et pourtant : « la thématique n’intéresse pas, qu’il s’agisse de la thématique chinoise, mais aussi le trafic d’organes, n’intéresse pas la communauté médicale et encore moins la communauté 10 politique, et je crois qu’on peut faire mieux encore, à l’égard de ce désintérêt de la communauté politique ». Le Professeur Navarro a pointé du doigt à plusieurs reprises ce désintérêt de la part des communautés politiques et médicales et le problème que cela engendre : « Mais parce que la problématique dans le futur sera plus aigüe je crois qu’on est inconscient, (…) de ce qui nous attend dans l’avenir en terme de commercialisation des organes ». Le Professeur Navarro rappelle également la dimension internationale de cette problématique directement liée au contexte géopolitique : « Nous sommes, nous, en Europe, protégés (…) mais quand on se balade, quand on va en Congrès ou autre, si c’est l’Afrique du Nord c’est inquiétant, l’Egypte (…) ça ne s’est pas calmé, la Syrie on a encore des infos sur ce qui est en train de se passer actuellement. C’est à dire que toute situation critique, de guerre ou de conflit est utilisée par certains individus qui deviennent dès lors, qui entrent dans la mécanique du trafic d’organes ». Un peu plus tard dans la conférence, le Professeur Navarro est intervenu pour souligner l’importance de l’agence de biomédecine en France en matière de fonctionnement et de régulation des pratiques médicales. Cette problématique vitale du trafic d’organes concerne les pays qui n’ont pas de système de dons d’organes, ce qui n’est pas le cas de la France. Les pays où il n’existe pas de système organisé pour répondre à la demande d’organes sont davantage susceptibles de transgresser les règles éthiques afin de répondre à un besoin vital. « Je pense que la France est un exemple avec l’agence de la biomédecine et notre fonctionnement, on coordonne tout, et tout est bien régi (…) sur cette composante affective que la transplantation peut amener , (on est dans un problème vital, c’est une question de vie ou de mort) un pays qui n’ a pas de système capable de répondre à cette demande (en France ce n’est pas le cas), il y a quand même des pays autour de la France où en cas d’urgence vitale ce n’est pas systématiquement favorable, la réponse n ‘est pas positive immédiatement on peut manquer de greffons pour des raisons logistiques. Donc à quel moment les médecins ou la population ne vont pas transgresser la situation, à quel moment n’est-on pas en capacité de prendre un fils un enfant etc. Peu importe, et d’aller suivre cette route de la commercialisation ou prendre cette route ? » « C’est là le problème, c’est qu’on touche à la transplantation, à ce qui est vital dans certaines circonstances, et si les pays développés (ou en développement) (…) n’ont pas une organisation qui peut répondre un minimum à ce genre de situation, je pense que la porte est ouverte à tous les risques et à tous les dangers ». « On était, il y a très peu de temps, dans un pays proche, voisin et ami qui est l’Algérie. Il y a quelques transplantations de donneurs vivants qui sont faites, mais ils ne sont pas prêts à faire des prélèvements sur donneurs cadavériques. Ils sont loin encore pour X raisons, et là avec un pays qui s’enrichit et qui n’a pas de système d’organisation de la transplantation, et donc un pays qui s’enrichit et qui a les moyens c’est un pays qui va se faire transplanter ailleurs ». Le professeur Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d'éthique, s’est, quant à lui, exprimé sur le sujet de la commercialisation des organes. Il a débuté son discours en soulignant l’exception française en matière d’éthique. « Il y a une confiance dans la France comme un pays modèle ». En effet, le Professeur Sicard rappelle que lorsque Bernard Kouchner avait voulu que l’Europe adopte les lois sur la protection et la non commercialisation du corps, il s’était heurté à un échec absolu à Bruxelles dans la mesure où Bruxelles ne considère pas que ce soit une priorité. Il a été 11 assez surpris et bloqué, car on lui a dit que c’était un projet français mais qu’elle n’avait pas de valeur universelle. « Je crois que la France est beaucoup plus profondément ancrée dans un principe de non commercialisation du corps». Le Professeur Sicard explique que les français sont très clairs sur la commercialisation du corps : le corps humain ne peut être un objet utilisé à des fins commerciales, ils sont attachés au respect du corps et à préserver l’intégrité de ce dernier, c’est pourquoi le Professeur Sicard se montre plutôt optimiste sur cette question : « Je pense qu’il ne faut pas être (…) désespéré de la France parce que dans ce domaine il y a aussi une appropriation par les citoyens français de la transgression de la commercialisation des organes (…) les français ont admis que dans l’ensemble, des gamètes, un rein, du sang, ça ne se vend pas ». Ainsi, si les dérives de la commercialisation du corps n’ont pas de quoi nous inquiéter en France, audelà des frontières politiques, ce n’est plus le cas. Le danger vient de la communauté médicale, qui elle, n’est pas restreinte aux frontières mais bien au contraire a un rôle de formation des professionnels du monde entier comme nous l’avons vu précédemment avec le Professeur Navarro. « Le problème est qu’il ne faut pas que le corps médical, qui sera en première ligne, participe à cette transgression. Et ce que disait professeur Navarro c’est, à mon avis, la complicité médicale internationale qui est beaucoup plus grave parce qu’à ce moment-là elle bafoue nos valeurs citoyennes » Par la suite, le Professeur Sicard a partagé ses expériences à ce sujet. Il faut savoir que tous les deux ans, les comités éthiques nationaux se réunissent dans un pays. En 2006, la Chine avait invité les comités éthiques de chaque pays à participer à une conférence. A l’époque, le professeur Sicard était président du comité éthique français, et co-président de cette conférence internationale. Dans ce cadre, il lui paraissait difficile d’ignorer la problématique des prélèvements forcés d’organes. « Je me suis dit je ne peux pas aller en Chine (…) et puis passer sous silence le problème des trafics d’organes chez les condamnés à mort en Chine. Et donc, en séance solennelle j’ai posé la question en terme non pas de jugement moral, parce que la France, dans les années cinquante, a utilisé des reins des condamnées à morts décapités et donc elle n’a pas forcement de leçon à donner. Et je disais que, au fond on ne pouvait pas être indiffèrent à cette question parce que la transplantation d’organes avait pour finalité éthique non seulement le consentement du donneur mais que dans l’avenir une société ne pouvait fonctionner que si elle participait collectivement et que le don d’organes n’était (pas) assimilé à un condamné à mort exécuté ». (…) « À ma surprise j’ai été frappé de voir que les chinois étaient séparés en deux. Il y avait des vieux chirurgiens chinois qui ont approuvé le fait que je parle de cette question ouvertement sans jugement moral, sans posture, (…) poser cette question pour les chinois eux-mêmes. Et d’autres chirurgiens chinois plus jeunes étaient furieux que j’aborde le problème. Et l’après-midi l’ambassadeur de France, me reprochait d’aborder cette question, en disant « vous n’avez pas de responsabilité dans ce domaine, vous ne vous rendez pas compte des questions politiques, vous n’êtes pas un homme politique, vous ne comprenez pas les enjeux politique entre la France et la Chine ». 12 « (…) J’ai senti que l’ambassade de France en Chine était furieuse que j’aborde cette question, je ne pouvais pas ne pas l’aborder, dans la mesure où c’était une question éthique majeure. » A travers ces expériences, le Professeur Sicard a compris que non seulement cette problématique des prélèvements d’organes sur les prisonniers condamnés à mort dérange les politiques français dans la mesure où elle gêne les relations économiques franco-chinoises, mais elle dérange également la communauté médicale. Il a pu s’en rendre compte lors d’un congrès à Lyon en 2005, organisé par le Professeur Dubernard, sur les transplantations de membres. « Surpris d’entendre un chinois qui parle de ses succès extraordinaires de greffes de la main, je dis aux gens qui étaient là, (…) c’est quand même étonnant que les chinois nous proposent des mains avec une facilité extrême, que les greffes se passent parfaitement bien, et que ces mains, on sait très bien d’où elles viennent, elles viennent des condamnés à mort. J’ai sentis que le milieu chirurgical, (pensait) « oui peut-être, mais on n’a pas à se poser de questions sur l’origine des organes » mais j’ai dit : « pour moi, c’est une question absolument essentielle » ». « Le problème, c’est comment aider les chinois eux-mêmes, sans leur donner un sentiment de culpabilité, de posture morale (…). La France est extrêmement isolée dans le monde parce que le principe de non-commercialisation est ancré profondément dans notre culture mais il n’est pas partagé. Le problème, c’est d’aider les autres pays à prendre conscience progressivement du futur, comme le disait le professeur Belghiti, c’est à dire de montrer que (…) un jour probablement, (…) l’universel tendra vers la non-commercialisation plutôt que vers la commercialisation. » Par ailleurs, le Professeur Sicard a ajouté que lors de conférences en Inde, plusieurs chirurgiens Indiens l’avaient interpellé pour lui dire qu’un bon nombre de français étaient venus en Inde se faire transplanter. Ces pratiques ne seraient pas connues par l’agence de biomédecine. « Le problème central, c’est comment une médecine française ne doit pas être complice. La France n’est pas là pour être le gendarme du monde, elle est là pour ne pas participer à ce qui est une faille éthique, on ne peut pas en même temps parler d’une rigueur éthique dans notre pays et d’une désinvolture éthique dès qu’on quitte nos frontières ». Suite à l’intervention de Valérie Boyer sur le danger qui guette la France en terme de « commercialisation du corps humain », il se montre optimiste, en affirmant que la force de la France est d’avoir des lois de bioéthique, d’être porteuse de valeurs ainsi que d’une certaine rigueur à ce sujet. Le Professeur Sicard se montre une nouvelle fois rassurant lorsque le Docteur King demande quel est le positionnement du comité consultatif national éthique (CCNE) au sujet de la commercialisation du corps. Il répond que depuis sa création en 1981, le CCNE a toujours défendu la non-commercialisation du corps humain. Il rappelle que ce n’est pas un comité policier. Bien qu’il ne puisse interdire l’achat de certaines parties du corps (des données sur le génome, du sperme, des ovocytes), il n’est pas prêt à accepter que des organes rentrent dans « un suivi commercial ». Il ajoute : « ce n’est pas un comité international mais il est dans l’ensemble assez respecté dans le monde, je pense que dans ce domaine il restera fidèle à sa position ». Le Professeur Pessaux, quant à lui, s’est exprimé sur l’importance de la dimension non éthique que soulève le trafic d’organe, et la nécessité de promouvoir le don. Le système français de dons d’organes est un principe à défendre, et, selon lui, grâce à tous les progrès techniques et médicaux, on reconnaît aujourd’hui l’efficacité de la transplantation. Mais ces progrès de la médecine n’ont de sens que dans une démarche éthique où les règles sont respectées. 13 Lutter contre le trafic est bien sur essentiel, car, comme le souligne le Professeur Pessaux, beaucoup de chirurgiens ont rencontré des patients voulant aller à l’étranger ou en revenant pour une greffe, avec pour certains des complications dans le suivi. Pour lui, promouvoir la greffe, promouvoir le don doit faire partie de nos priorités. Le trafic d’organes est véritablement mauvais : il n’est en fin de compte, positif que pour la personne qui touche l’argent. Il existe différents risques pour le transplanté, et cela n’est pas valorisant pour la médecine. « Promouvoir le don, c’est favoriser les greffes dans son pays et éviter que des parents ou des familles désespérés commettent l’irréparable à l’étranger pour sauver à tout prix l’être cher. Parler de ces problèmes éthiques permet d’anticiper, l’esprit plus clair, lorsque les évènements arrivent, car cela existe. » Cette conférence-débat était présidée par Madame Valérie Boyer qui s’est montrée très intéressée par le sujet. En début de séance, elle a tenu à rappeler aux journalistes qu’était prévue, initialement, une conférence de presse pour la projection du film documentaire « Free China : le courage de croire » auprès des députés. Or, le président de l’Assemblée nationale ne l’a pas, pour l’instant, autorisée. Cette conférence est la troisième organisée à l’Assemblée Nationale sur ce sujet. Elle est intervenue à plusieurs reprises pour demander des compléments d’information ou apporter sa propre opinion. Ainsi, lors de l’intervention du Docteur King, elle souhaitait savoir s’il existait des publications scientifiques chinoises exposant des cas cliniques. Elle a expliqué que la production de tels articles constituait un argument imparable qui pouvait être un « accélérateur », comme l’avaient été les articles du Lancet dans l’acceptation de la congélation des ovocytes. Le Professeur Belghiti précise qu’il n’y a aucune publication scientifique chinoise sur les résultats de ces transplantations ; et le Docteur King qu’il n’existe que des études cliniques indirectes, concernant des patients greffés en Chine et revenus dans leur pays d’origine, émanant de médecins malaisiens et coréens. Suite à l’intervention du Professeur Navarro et à propos du « désintérêt de la communauté politique », Madame Boyer a longuement expliqué les raisons pour lesquelles cela n’intéresse pas : premièrement parce que cela est très ciblé sur la Chine et qu’il n’y a pas de malades français impliqués. Elle évoque, pour argumenter, la proposition de loi qu’elle avait présentée dans le cadre de la loi de bioéthique qui aurait permis de « tracer les personnes qui se sont fait greffer à l’étranger… pour faire en sorte que le patient qui subirait ou qui subira une transplantation à l’étranger, fournisse à son retour en France un certificat attestant le don à titre gratuit de l’organe ou de la partie du corps transplanté…l’agence de biomédecine était chargée de centraliser la réception et le traitement des certificats. » A cette proposition, Monsieur Jean Léonetti, rapporteur du texte et ministre de la Santé et l’agence de biomédecine lui avaient répondu que « c’était satisfait. » et que « ça ne concerne pas les français. » Deuxièmement, ce désintérêt viendrait surtout de « l’évolution des mentalités sur la commercialisation du corps » allant vers une acceptation de la possibilité d’acheter des organes. Madame Boyer fait un parallèle avec le texte sur la famille qui va être discuté sous peu et qui ouvre la possibilité « d’acheter des organes pour la reproduction ». Cela sera, selon elle, « l’occasion de reculer encore ». Selon elle, « la mentalité a changé et on est vers la marchandisation du corps (…) ces idées-là sont celles qui avancent, on n’est pas sur la protection, sur l’inaliénabilité du corps. Tout ça, (la gratuité, le caractère anonyme, le fait de s’intéresser avant tout au malade quel que soit son statut) ce sont des principes qui sont en train d’être bafoués dans tous les domaines. » Elle rappelle que « Toute l’Europe fonctionne différemment de nous. » Elle insiste sur le fait que la marchandisation du corps est un problème général et exprime son regret que la France ne se soit pas trop exprimée à ce sujet : « Je regrette que la France qui avait tout pour 14 faire valoir, je dirais l’esprit français là dessus, et notamment le CCNE, (c’est quand même un trésor que nous avons et on ne sait pas qu’on en a un) ne se soit pas trop exprimée sur le sujet. » Durant l’intervention du Professeur Sicard, elle a manifesté sa divergence d’opinion à plusieurs reprises : « j’aimerais partager votre optimisme Monsieur Sicard mais (…) je suis même surprise de voir combien en quatre ans, la commercialisation du corps est devenue quelque chose de normal (…) il n’y a pas de gendarme mondial on est seul avec nos principes que je partage mais on est très isolé sur cette question. (…) J’espère, mais je suis malheureusement convaincu de l’inverse. Et j’espère que j’aurais tort, mais je ne crois pas. (…) Moi ce n’est pas ce que je vois… » Une fois que tous les intervenants s’étaient exprimés, la conférence s’est conclue par un échange de questions réponses avec les médias présents. 15 QUESTIONS – REPONSES : Monsieur Jérôme Vincent, Journaliste pour « Le Point » : La greffe d’organes nécessite normalement des médicaments antirejet. Dans ce tourisme de transplantation, ces greffés dans des conditions incertaines bénéficient-ils de ces traitements antirejet ? Le Professeur Chapuis souhaite apporter des précisions sur la prise en charge des patients transplantés. Certes l’organe défaillant est remplacé, et l’on pourrait croire que la personne retrouve enfin la santé, mais ce n’est pas si simple. Les traitements antirejet ne sont pas sans conséquence ni dans leur surveillance, ni dans leur coût. De plus l’accompagnement de ces patients nécessite une vue globale tant sur le plan physique, que psychologique, social et familial. Même si actuellement le taux de survie est plus important, il ne faut pas négliger la qualité de vie de ces patients. Le Professeur Chapuis a pu se rendre compte, suite à des séances thématiques à l’Académie de médecine, que le vécu et le devenir de ces patients est vraiment très variable avec pour certain une nette altération de la qualité de vie, encore plus, ne l’oublions pas, dans le cas de patient greffés à l’étranger. Le Professeur Chapuis cite les propos tenus par Monsieur QUI Rensoug lors du comité d’enquête de la commission nationale française pour l’UNESCO. Ce dernier, personnalité chinoise importante chargée de traiter les questions bioéthiques a abordé dans son exposé la transplantation, sujet délicat, en affirmant que : « Depuis le 25 mars 2012, (…), le ministre de la santé a annoncé que le gouvernement imposait aux établissements de transplantation, essentiellement l’utilisation de donneurs vivants, et abolissait comme source d’organes les prisonniers exécutés. » Pour le Professeur Chapuis, il existe actuellement un double langage. D’une part on n’a pas encore l’assurance d’une garantie d’amélioration d’un comportement éthique, et d’autre part tous ceux qui prétendent qu’il n’y a pas de problème veulent simplement conserver de bonnes relations universitaires ou scientifiques avec leurs homologues chinois. Professeur Francis Navarro : « Ce contre quoi je m’insurge c’est la Chine avec sa pratique, sa culture, la peine de mort, la pratique de la commercialisation des organes des condamnés à mort. C’est fondamentalement inacceptable pour nous qui avons cette éthique en France, qui avons mis en place des règles de transplantations en Europe et aux Etats Unis. Mais là, ce qui fait que je m’insurge ce sont les réseaux des pays qui ont « pacté », je dirais, avec la Chine. Quand nous nous sommes intéressés au sujet avec le journaliste Mesmin, en 2007, on a retrouvé la filière israélienne de patients qui se sont fait greffés en Inde, qui ont été greffés en Chine, on découvre aussi ces réseaux mais cela est très, très bien organisé. ». « En Chine, il y a un hôpital militaire qui était dédié aux Coréens qui venaient se faire transplanter. Alors il y avait le réseau coréen, maintenant c’est le réseau russe, et on est très proche, chaque fois, avec des pays qui ont des possibilités économiques importantes. (…) On n’est pas les inquisiteurs et puis nous on a notre vision de l’éthique. Malgré cela il y a les dérapages qu’on a entendu en Allemagne, il y a eu des dérapages aux États-Unis (…), alors cette inquiétude que je manifeste c’est que cette notion de l’économie de l’organe, est ce qu’on va (pouvoir) l’éviter ? Je voudrais poser la question à Didier Sicard. Mon sentiment est que probablement à l’avenir, nous allons devoir réfléchir, on ne va pas sursoir à une notion d‘économie, de paiement d’organes, parce que cela va nous être imposé, parce qu’a un moment donné, nous aurons l’obligation. Je veux dire la greffe ce n’est pas gratuit, la greffe ça vaut très cher en France. Donc on parle de cet aspect économique, alors qu’on reste très éthiques sur le don et la façon … donc il y a un coût et probablement à l’avenir il y en aura certains qui voudront qu’on y mette le coût de l’organe. Alors ne serait-ce que pour en débattre, je crois peut-être que pour éluder la problématique du coût de l’organe, il faudra qu’on en discute ». 16 Un journaliste du « Quotidien du médecin » : « Pour les médecins français, est-ce que vous estimez qu’ils se doivent d’être plus conscients, dans les congrès internationaux notamment, sur l’origine des transplantés ? Parce qu’en fait vous disiez que vous n’êtes finalement pas nombreux à dire non, à vous insurger et à avoir une telle conscience. Est-ce que vous appelez votre communauté, vos pairs … ? » Professeur Navarro : « Je dois dire que quand je dis que ce n’est pas la préoccupation, je crois que beaucoup de transplanteurs, quelles que soient les spécialités, sont conscients de ces trafics d’organes et de ces pays qui en usent. Après, que nous en discutions entre nous c’est là que ça reste difficile, ce ne sont pas des sujets qui intéressent les conseils scientifiques ou les organisateurs de congrès. Je crois que c’est un point sur lequel on est déficitaire ne serait-ce que pour la communauté des transplanteurs français…Vous savez c’était lors d’une émission avec Jacques Belghiti. Le président de la société française de transplantation de l’époque niait, du moins sous-estimait, l’existence de réseaux de trafics d’organes, il ne voulait pas en parler, entendre ou admettre que ces réseaux existaient. Je me rappelle que la première société savante qui s’est manifestée avant la conférence d’Istanbul, c’est la société britannique de transplantation qui a alerté l’ensemble des communautés scientifiques et qui a dit : « Halte là ! Il se passe des choses anormales en Chine et au Pakistan » et donc tout est parti de là. Nos collègues anglais ont été les premiers à nous informer. Et je dois reconnaître qu’en France, il n’y a jamais eu de session plénière, d’organisation d’une rencontre des chirurgiens transplanteurs où nous ayons pu discuter de ces problèmes. » Docteur King : « Oui, en effet…un noyau dur avec une éthique impeccable…mais le reste du monde qui n’est pas d’accord, les politiciens français ne veulent pas tous entendre, ni la médecine. Ce n’est pas pour dépeindre un paysage désertique, mais quelles vont être nos futures actions pour vraiment faire changer cela ? Parce que moi, j’y crois vraiment et vous aussi, parce que sinon, vous ne seriez pas là aujourd’hui. Donc quelles sont nos premières possibilités ? » Professeur Navarro : « Je crois que ne serait-ce que le maintien - enfin la pérennisation - de l’information telle qu’elle est menée aujourd’hui, mais il me semble important que cette information émane des professionnels, des médecins, des transplanteurs. Je crois qu’ils ne s’expriment pas, dans les médias très peu, et il y a là un sujet qui me paraît essentiel dont les médias ne s’accaparent pas trop. Il y a eu quelques papiers, un sujet de temps en temps sur le trafic d’organe, sur cette activité, mais bon voilà je crois que ces priorités doivent être données. Alors ensuite, si on espère se faire entendre, je crois que je suis plus européen, je pense que la France doit porter un message au niveau européen, et que sans vouloir et sans prétendre qu’une loi européenne se créée, elle existe d’ailleurs cette loi sur la transplantation et sur l’éthique et le trafic d’organe, que le débat soit européen car dès lors que le débat est discuté à parité avec les autres pays, je pense que l’incidence est plus importante et on aura peut-être plus d’écho sur un pays comme la Chine. Car aujourd’hui, et vous le savez, l’enjeu économique de la collaboration de l’Europe et des Etats-Unis est majeur. Donc, Monsieur Sicard le disait, on ne doit pas brusquer. Et puis on aura, à un moment donné, une réflexion qui nous viendra directement du Gouvernement ou de notre ministre de la santé en nous disant : « Ecoutez, calmez-vous, ce n’est ni le moment de faire du bruit ni d’attiser l’état d’esprit et la sensibilité des chinois » et ça, je trouve que ce n’est pas acceptable. Il y a la vraie vie je dirais, c’est ce que nous vivons au quotidien dans les services et la pratique que nous avons. Et après, qu’on nous donne des conseils sur ce que nous pensons nous qui est réfléchît communément par les transplanteurs reconnus comme étant tout de même une voie alors l’éthique c’est une chose c’est de la morale c’est de l’éthique peu importe mais c’est surtout le respect de l’être humain et il y a un certain humanisme en même temps qui nous anime dans ce pays. Et de voir ce qui se pratique, je ne parle pas que de la Chine, je pense qu’on a un devoir minimum de dire les choses, de lutter si on en a un peu l’énergie, et il me semble que la France n’est pas trop mal placée pour ça, on est simplement un peu trop mutique, voilà. » 17 Professeur Navarro: « Juste un petit mot sur la séance à l’ONU à Genève le 9 décembre. La même démarche est menée par DAFOH, on a prévu de se rendre pour remettre une pétition d’à peu près un million de signatures. Je dois vous dire que ce n’est pas facile, pas facile de rencontrer la bonne personne, que la délégation de DAFOH puisse accéder à l’ONU…Parce que vous savez qu’il y a la délégation chinoise qui est représentée à Genève et que là les portes se sont fermées, pas entièrement fermées, mais ça va être compliqué. » 18 CONCLUSION Les prélèvements forcés d’organes, le trafic d’organes et le tourisme de transplantation sont une réalité internationale qui devient un véritable fléau médical, éthique et légal et qui s’explique en partie par la recrudescence de patients désespérés dans le monde. Certes, la demande d’organes est supérieure à l’offre, cependant les besoins ne justifient en aucun cas les moyens. Dans ce contexte, il apparaît que des gens dépourvus de responsabilité, d’éthique professionnelle sont prêt à profiter de cette problématique mondiale ; et comment ne pas être choqué quand cela vient d’un État, tel le gouvernement chinois, qui se permet de « vendre » son propre peuple pour en dégager un bénéfice financier. Aujourd’hui nous sommes témoins que des citoyens et plusieurs gouvernements du monde entier se mobilisent et manifestent activement leur opposition à ce crime contre l’humanité. Certains pays se sont dotés d’organismes gouvernementaux afin de maintenir leurs plus hautes aspirations envers le respect et la dignité humaine. C’est le cas de la France, à l’origine de la déclaration des Droits de l’homme, qui s’est enrichie de l’agence de la biomédecine et du comité consultatif nationale éthique. Ces institutions peuvent préserver notre pays des dérives de certaines pratiques médicales en termes d’éthique. Alors que la société Française est en pleine évolution, et que des discussions éthiques vont être abordées dans les prochains mois à propos de la loi sur la famille où sur le sujet de la commercialisation du corps humain, les médecins transplanteurs et les députés sont déterminés à continuer à défendre les valeurs éthiques des droits humains, de l’Organisation Mondiale de la Santé, des Nations Unies, de l’Association Médicale Mondiale, de la Déclaration d’Istanbul, à travers des congrès et des réunions médicales. Ils attendent avec espoir les effets de la pétition mondiale de DAFOH qui va être présentée aux Nations Unies à Genève, et les prochains votes d’une résolution contre les prélèvements forcés d’organes présentée aux Parlements européen et américain. 19 POST SCRIPTUM PETITION INTERNATIONALE DAFOH Le lundi 9 décembre, Une délégation DAFOH de médecins et d’experts juridiques de trois continents, a remis en main propre les pétitions au Haut Commissionnaire des Droits Humains des Nations Unies et ont pu échanger sur de nouvelles actions à mettre en place. La pétition demande aux Nations Unies : 1) " d’appeler la Chine à immédiatement mettre fin au prélèvements forcés d’organes provenant de pratiquants de Falun Gong," 2) " d’initier des enquêtes plus poussées et menant aux poursuites de ceux impliqués dans ce crime contre l’humanité, "et 3) " d’appeler le gouvernement chinois à mettre immédiatement fin à la persécution brutale du Falun Gong, qui est la principale source du prélèvement forcé d’organes. " En 5 mois - de Juillet à Novembre 2013 - près de 1,5 million de personnes de plus de 50 pays et régions, sur quatre continents, ont signé la pétition et ainsi s’opposent aux pratiques de prélèvements d'organes sur les prisonniers de conscience et souhaitent briser le silence sur ces crimes. RÉSOLUTION EUROPÉENNE SUR LES PRÉLÈVEMENTS FORCÉS D’ORGANES Le jeudi 12 décembre, le parlement européen a voté une résolution contre les prélèvements forcés d’organes en Chine. Cette résolution envoie un message clair et fort au gouvernement chinois. Résolution du Parlement européen sur le prélèvement d'organes en Chine (2013/2981(RSP)) José Ignacio Salafranca Sánchez-Neyra, Elmar Brok, Mairead McGuinness, Tunne Kelam, Monica Luisa Macovei, Ria Oomen-Ruijten, Cristian Dan Preda, Inese Vaidere, Filip Kaczmarek, Mariya Gabriel, Bernd Posselt, Philippe Boulland, Jean Roatta, Eduard Kukan, Roberta Angelilli, Petri Sarvamaa, Eija-Riitta Korhola, Giovanni La Via, Sergio Paolo Francesco Silvestris, Sari Essayah, Michael Gahler, Krzysztof Lisek, Jarosław Leszek Wałęsa, Csaba Sógor, Davor Ivo Stier, Kinga Gál, Tadeusz Zwiefka, László Tőkés, Bogusław Sonik au nom du groupe PPE Leonidas Donskis, Edward McMillan-Scott, Louis Michel, Sarah Ludford, Jelko Kacin, Kristiina Ojuland, Frédérique Ries, Ramon Tremosa i Balcells, Marielle de Sarnez, Angelika Werthmann, Robert Rochefort, Izaskun Bilbao Barandica, Hannu Takkula, Johannes Cornelis van Baalen au nom du groupe ALDE Helga Trüpel, Barbara Lochbihler, Werner Schulz, Nicole Kiil-Nielsen, Bart Staes, Mark Demesmaeker, Raül Romeva i Rueda, Rui Tavares au nom du groupe Verts/ALE Charles Tannock, Adam Bielan, Roberts Zīle au nom du groupe ECR Claudio Morganti, Mara Bizzotto au nom du groupe EFD 20 Le Parlement européen, – vu ses résolutions du 7 septembre 20061 et du 14 mars 20132 sur les relations UE-Chine, sa résolution du 13 décembre 2012 concernant le rapport annuel 2011 sur les droits de l'homme et la démocratie dans le monde et la politique de l'Union européenne en la matière3, sa résolution du 16 décembre 2010 sur le rapport annuel 2009 sur les droits de l'homme dans le monde et la politique de l'Union européenne en la matière4, et sa résolution du 19 mai 2010 sur la communication de la Commission intitulée "Plan d'action sur le don et la transplantation d'organes (2009-2015): renforcement de la coopération entre les États membres"5, – vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 18 décembre 2012, en particulier son article 3 concernant le droit à l'intégrité de la personne, – vu les auditions de la sous-commission "droits de l'homme" en date des 21 novembre 2009, 6 décembre 2012 et 2 décembre 2013 et les témoignages de David Kilgour, ancien secrétaire d'État du Canada pour la région Asie-Pacifique, et de David Matas, avocat spécialisé dans la défense des droits de l'homme, sur le prélèvement d'organes à grande échelle effectué en Chine depuis 2000 sur les adeptes du Falun Gong contre leur gré, – vu la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée par la Chine le 4 octobre 1988, – vu l'article 122, paragraphe 5, et l'article 110, paragraphe 4, de son règlement, A. considérant que la République populaire de Chine réalise plus de 10 000 greffes d'organes par an et que 165 centres chinois de transplantation font état de leur capacité à trouver des organes compatibles dans un délai de deux à quatre semaines; considérant que, pourtant, à ce jour, la Chine ne dispose pas de système public efficace ou organisé de dons ou de distribution d'organes; considérant que le système de transplantation d'organes en Chine n'est pas conforme aux exigences de l'Organisation mondiale de la santé en termes de transparence et de traçabilité des parcours de distribution d'organes; considérant que le gouvernement chinois refuse tout contrôle indépendant du système; considérant que le consentement éclairé et de plein gré est une condition préalable au respect de la dimension éthique du don d'organes; B. considérant que la République populaire de Chine connaît un taux très faible de dons d'organes volontaires en raison des croyances traditionnelles; considérant qu'en 1984, la Chine a mis en place des réglementations autorisant le prélèvement d'organes sur le corps des prisonniers exécutés; C. considérant que le gouvernement de la République populaire de Chine n'a pas rendu convenablement compte de l'origine du surplus d'organes à la suite de la demande d'informations de Manfred Nowak, ancien rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et des chercheurs canadiens David Matas, avocat spécialisé dans la défense des droits de l'homme, et David 1 JO C 305 E du 14.12.2006, p. 219. Textes adoptés de cette date, P7_TA(2013)0097. 3 Textes adoptés de cette date, P7_TA(2012)0503. 4 JO C 169 E du 15.6.2012, p. 81. 5 JO C 161 E du 31.5.2011, p. 65. 2 21 Kilgour, ancien secrétaire d'État du Canada pour la région Asie-Pacifique; D. considérant que Huang Jiefu, directeur du comité des dons d'organes de Chine et ancien ministre adjoint de la santé, a déclaré lors de la conférence sur le don et la transplantation d'organes qui a eu lieu en 2010 à Madrid que plus de 90 % des organes greffés prélevés sur des donneurs décédés provenaient de prisonniers exécutés en Chine, et a indiqué qu'à partir de la mi-2014, tous les hôpitaux détenteurs d'une licence de transplantation d'organes auront l'interdiction d'avoir recours à des organes prélevés sur le corps de prisonniers exécutés et seront tenus d'utiliser uniquement les organes donnés sur une base volontaire et distribués via un système national récemment créé; E. considérant que la République populaire de Chine a annoncé son intention de mettre progressivement fin, d'ici à 2015, au prélèvement d'organes sur le corps de prisonniers exécutés et d'introduire un système informatisé d'attribution des organes baptisé "China Organ Transplant Response System" (COTRS), ce qui permet de s'interroger sur la date de la mi-2014 annoncée pour l'interdiction imposée aux hôpitaux d'utiliser des organes prélevés sur le corps de prisonniers exécutés; F. considérant qu'en juillet 1999, le parti communiste chinois a déclenché, à l'échelle du pays, une vague de persécutions visant à éradiquer la pratique spirituelle du Falun Gong et conduisant à l'arrestation et à la détention de centaines de milliers d'adeptes de ce mouvement; considérant que, selon certains rapports, des prisonniers ouïghours et tibétains ont également fait l'objet de prélèvements d'organes forcés; G. considérant que tant le comité des Nations unies contre la torture que le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ont fait état de leur inquiétude vis-à-vis des allégations de prélèvements d'organes sur des prisonniers, et ont demandé au gouvernement de la République populaire de Chine de renforcer l'obligation de rendre des comptes et la transparence du système de transplantation et de punir les responsables des abus; considérant que tuer des prisonniers religieux ou politiques dans le but de vendre leurs organes à des fins de transplantation est une violation flagrante et intolérable du droit fondamental à la vie; H. considérant que le 12 novembre 2013, l'Assemblée générale des Nations unies a élu la Chine au Conseil des droits de l'homme pour une période de trois ans à compter du 1er janvier 2014; 1. manifeste sa profonde inquiétude vis-à-vis des rapports crédibles et incessants de prélèvements non consentis, systématiques et cautionnés par l'État d'organes sur des prisonniers d'opinion dans la République populaire de Chine, y compris sur un grand nombre d'adeptes du Falun Gong détenus pour leurs croyances religieuses, ainsi que sur des membres d'autres groupes minoritaires religieux ou ethniques; 2. insiste sur le fait qu'il est inacceptable d'attendre 2015 pour mettre définitivement fin au prélèvement d'organes sur le corps de prisonniers exécutés; demande au gouvernement de la République populaire de Chine de mettre immédiatement fin à la pratique de prélèvement d'organes sur des prisonniers d'opinion et des membres de groupes minoritaires religieux ou ethniques; 3. demande à l'Union européenne et à ses États membres de soulever la question du prélèvement d'organes en Chine; recommande à l'Union et à ses États membres de 22 condamner publiquement les abus en matière de transplantation d'organes ayant lieu en Chine et d'y sensibiliser leurs citoyens voyageant dans ce pays; appelle à une enquête approfondie et transparente de l'Union sur les pratiques de prélèvement d'organes en Chine, et à la poursuite en justice des personnes ayant pris part à des pratiques aussi contraires à l'éthique; 4. demande aux autorités chinoises de répondre de manière circonstanciée aux rapporteurs spéciaux des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et sur la liberté de religion ou de conviction, qui demandent des explications sur l'origine du surplus d'organes constaté avec la hausse du nombre de greffes, et de leur permettre d'effectuer une enquête sur les pratiques de transplantation d'organes en Chine; 5. appelle à la libération immédiate de tous les prisonniers d'opinion en Chine, notamment des adeptes du Falun Gong; 6. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au représentant spécial de l'Union pour les droits de l'homme, au Secrétaire général des Nations unies, au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, au gouvernement de la République populaire de Chine et au Congrès national du peuple chinois. 23