RENCONTRE AUTOUR DU FILM
AU REVOIR LES ENFANTS de Louis MALLE
Le mercredi 11 octobre 2006, l’association Collège au Cinéma 37 a organisé une rencontre
avec les enseignants des collèges d’Indre et Loire en présence d’Ida Grinspan, ancienne déportée,
d’Yvette Ferrand, présidente de l’Association de Recherches et d’Etudes Historiques sur la Shoah en Val
de Loire et d’Alain-André Bernstein, enfant caché.
Après avoir présenté les intervenants de cette rencontre, Dominique Roy, présidente de
l’association Collège au Cinéma 37, leur laisse la parole pour qu’ils donnent leurs impressions sur le film
Au revoir les enfants de Louis Malle.
Ida Grinspan trouve que c’est un film émouvant, magnifique et très réaliste. Dans le petit
village des Deux Sèvres où elle était réfugiée, tous les habitants savaient qu’elle était juive et les gens
étaient remarquables envers elle.
Alain-André Bernstein, quant à lui, a toujours une souffrance sur les films réalisés sur ce sujet. La
fiction est une souffrance, néanmoins, Au revoir les enfants est un chef d’œuvre du fait que ce soit en
partie une autobiographie et en partie une fiction. C’est un merveilleux combat entre la barbarie et
l’amour, l’amitié.
D’après Yvette Ferrand, ce film permet d’aborder le sujet de la Shoah d’une façon qui n’est
pas choquante pour les élèves, contrairement à sa génération qui a dû subir des images atroces
provoquant des réactions du genre « C’est horrible, pensons à autre chose ». Ce film n’est pas
traumatisant dans les images.
I – Récit d’Ida Grinspan
En 1940, Ida avait dix ans et demi et vivait à Paris avec ses parents et son frère. En juin 1940,
il y a eu un exode du nord vers le sud. Ses parents l’ont fait partir dans les Deux Sèvres. Elle s’est
réfugiée dans les Deux Sèvres mais elle n’était pas cachée car ses parents ne savaient pas encore ce
qui allait se passer. Ils savaient qu’en Allemagne, il y avait une persécution des Juifs mais ils ne
pensaient pas que cela allait se passer en France malgré l’invasion des Allemands. En octobre 1940,
Ida est scolarisée et en 1941, elle obtient son certificat d’études. Elle ne subit pas la pression
allemande dans son village. En juillet 1942, sa mère est arrêtée lors de la rafle du 16 juillet 1942. Elle
pensait que les Allemands ne prendraient que les hommes et que les enfants ne risquaient rien car ils
n’avaient jamais touché les femmes et les enfants avant cette date. Aussi, la mère d’Ida avait demandé
à son père de se cacher pour éviter qu’il soit pris et celui-ci était à l’abri avec le frère d’Ida quand les
Allemands sont venus.
La veille, quand les policiers Français ont appris la rafle, quelques-uns sont partis prévenir les
personnes concernées. Du côté de ses parents, des bruits ont couru mais sa mère ne l’a pas cru. Elle a eu
peur pour son mari et son fils. Tout cela, Ida l’a appris après la guerre.
Cette rafle a été un tournant car Ida a pris conscience du danger qu’elle encourait. Pour la population
parisienne, ce fut également un tournant car elle a assisté à cette rafle et elle va commencer à
organiser le sauvetage des familles Juives.
Deux tiers des Juifs Français ont pu être sauvés grâce à ces « Justes ».
Ida a continué à mener cette vie dans le village des Deux Sèvres jusque dans la nuit du 30 au
31 janvier 1944 où trois gendarmes sont venus la chercher chez sa nourrice (elle avait alors 14 ans et
deux mois). Les gendarmes ont menacé sa nourrice d’emmener son mari si elle ne leur remettait pas Ida.
Elle a été voir Ida en lui expliquant ce qui se passait et lui a demandé de se préparer à partir. Ida
s’est rendue car elle ne voulait pas qu’il puisse arriver quelque chose au mari de sa nourrice. Même le
maire adjoint a essayé de convaincre les gendarmes de ne pas arrêter Ida mais ils étaient trois et ils
n’ont pas voulu céder.
Elle a été emmenée dans un dépôt avec 58 personnes venant de Niort et de Poitiers. Deux
jours plus tard, ils ont été escortés jusqu’à Paris et sont arrivés au camp de Drancy. A leur arrivée, ils
ont été convoqués au secrétariat pour une vérification de papiers. Ida a alors eu un problème car elle
n’avait pas l’âge d’avoir une carte d’identité. C’est à ce moment-là que les prisonniers ont appris leur
déportation en Allemagne. Quand le secrétariat leur a dit qu’ils allaient revoir leurs proches, Ida les a
crus. Elle n’a donc pas entamé la nourriture que sa nourrice lui avait donnée car elle voulait la donner à
sa mère, sachant qu’elle n’aurait pas mangé à sa faim depuis son arrestation en 1942.
A Drancy, en 1944, les prisonniers ne savaient absolument pas ce qui les attendait. Ils
pensaient qu’ils allaient partir travailler en Allemagne.
Le 10 février 1944, ils ont changé de dortoir et le 11 février 1944, les gendarmes sont venus
les chercher pour les mettre dans les autobus. Comme beaucoup de témoignages le précisent, Ida se
souvient que le plancher du bus surchargé touchait presque la route.