�
4
�
5
Il y a quelques années encore, organiser un concours pour récompenser l’architecture faite avec du bois,
revenait le plus souvent à distinguer l’usage du bois dans des bâtiments en oubliant souvent de regarder
l’architecture. Tout se passait comme si les réalisations proposées redécouvraient l’utilisation d’un maté-
riau en oubliant de lui donner du sens ou, au mieux, utilisaient du bois dans des modèles architecturaux
pensés avec une autre matérialité.
C’est sans doute là le lot commun du début de toutes les grandes découvertes, une sorte de stratégie du
"coucou" ou du "bernard l’hermite". Après tout, lorsque les Grecs inventent la colonne dorique en pierre,
ils se contentent de reproduire les poteaux en roseaux faits par leurs prédécesseurs Égyptiens. Et le déve-
loppement de la fonte, à la fin du XVIII
ème
siècle, suivra le même chemin. Le premier pont construit en fonte
sur la Severn en 1777 (architecte Thomas Pritchard et ingénieur John Wilkinson) empruntera à la pierre
ses principes de stabilité et au bois ses technologies d’assemblages.
Mais revenons au bois et à l’architecture d’aujourd’hui. À l’évidence, et comme en attestent ces trophées
lorrains, nous avons franchi ce seuil de la (re)découverte d’un matériau, de ses caractéristiques et de ses
qualités. Les architectes s’expriment désormais avec de nouveaux vocabulaires. Les ingénieurs s’efforcent
de mieux comprendre et donner de la mesure aux composants et structures en bois. Les entreprises s’at-
tachent à travailler avec art un matériau bio-sourcé. Reconnaissons-le, tout n’est pas abouti. La maîtrise
des usages du bois reste encore à parfaire et la pathologie se doit encore de diminuer. Mais nous sommes
face à une évidence : c’est avec le bois que l’architecture du XXI
ème
siècle est en train de s’écrire. Utiliser
un matériau qui pousse, apprendre à le transformer et le mettre en œuvre en utilisant le moins possible
d’énergie, savoir bien l’utiliser et le réutiliser, privilégier des filières courtes, favoriser la (re)qualification
du travail, sont autant de thèmes aujourd’hui à l’œuvre dans la construction pour lesquels le bois apporte
des réponses. Toutes ces questions deviennent donc de plus en plus récurrentes pour les professionnels
mais aussi pour l’enseignement et la recherche. Les "Défis du Bois"*, qui ont lieu chaque année dans les
Vosges, en sont une magnifique illustration.
Y a t’il pour autant un seul modèle de l’architecture-bois ? La réponse est bien sûr non. Il en va des objets
techniques, des biens culturels comme des êtres vivants : leurs conditions d’existence et de développe-
ment sont fondées sur la diversité. Il y a de nombreux langages du bois dans l’architecture contempo-
raine et c’est là aussi un atout majeur pour nos sociétés. Faire un concours aujourd’hui pour distinguer
l’architecture faite avec du bois a donc désormais tout son sens, celui de reconnaître les ouvrages à haute
qualité architecturale et à forte ingéniosité ligneuse. Les trophées "Habitat & Bois
®
" 2013 en Lorraine en
sont une belle démonstration.
* Cette compétition organisée par l’ENS Architecture Nancy et l’ENSTIB, rassemble à ÉPINAL près de 50 étudiants architectes et ingénieurs
venus de nombreux pays pour expérimenter le bois de demain (www.defisbois.fr).
ÉDITO de Jean-Claude BIGNON
Jean-Claude BIGNON
Architecte,
Professeur à l’ENS Architecture Nancy