La frustration et l’injustice ressenties par les deux associés sont naturelles et l’attitude
irréfléchie du gouverneur d’Argenson va priver la Nouvelle-France de deux hommes actifs et
compétents, à l’heure où elle en a encore grandement besoin.
Radisson et Des Groseilliers envisagent d’exploiter les ressources offertes par la Baie
d’Hudson et pour ce faire, finissent par chercher un appui en Nouvelle-Angleterre. Malgré au
moins deux tentatives infructueuses pour gagner la Baie d’Hudson, un commissaire du roi
d’Angleterre remarque l’activité de ces hommes entreprenants et les convainc de rencontrer
son monarque, Charles II, à Londres.
Les deux explorateurs atteignent la capitale anglaise après un voyage mouvementé au
cours duquel le navire Le Charles qui les emporte est arraisonné par un corsaire hollandais qui
débarque ses captifs en Espagne. De 1666 à 1668, sous la tutelle de Charles II, les tentatives
pour accéder à la baie d’Hudson se multiplient et Des Groseilliers seul y parvient. Radisson,
dont le navire dans cet ultime essai s’est échoué, retourne à la cour de Londres et achève le
manuscrit de la relation de ses aventures.
La Hudson’s Bay Company, qui regroupe les financiers du projet de Radisson et Des
Groseilliers, reçoit sa charte le 2 mai 1670. Les deux explorateurs contribuent alors à son
rapide essor en assurant les échanges
avec les Indiens et l’affermissement
de la mainmise anglaise sur la Baie
d’Hudson par la fondation de postes
de traite.
Jusqu’en 1675, les Français
œuvrent pour la couronne anglaise
dans la rivalité grandissante autour
de la Baie d’Hudson. Le père
français Albanel, au cours de sa
captivité en Angleterre, parvient
néanmoins à les faire changer de
camp : Radisson et Des Groseilliers
poursuivent dès lors leur commerce
avec la France. Colbert n’accorde
pas sa confiance à Radisson dont
l’épouse n’a pas quitté l’Angleterre,
mais il signe avec le roi les lettres de
rémission accordées aux deux
explorateurs.
De 1677 à 1678, tandis que Des Groseilliers vit à Trois-Rivières, Radisson est engagé
dans une expédition du vice-amiral d’Estrées contre les colonies hollandaises d’Afrique.
L’affaire tourne vite mal : presque tous les navires touchent des écueils en mer des Caraïbes et
coulent ; Radisson a la chance d’en réchapper.
De retour en France, ses compétences sont reconnues par un marchand canadien,
Charles Aubert de la Chesnaye. Sa Compagnie du Nord reçoit une charte officieuse en 1682.
Le projet de la Chesnaye est de fonder un comptoir dans la Baie d’Hudson, à l’embouchure de
la rivière Nelson. La présence de Radisson et de Des Groseilliers de nouveau à ses côtés suffit
à assurer la supériorité française sur une expédition rivale de la Hudson’s Bay Company
malgré la mauvaise volonté affichée par le nouveau gouverneur Frontenac, en raison du
manque de reconnaissance officielle de la Compagnie du Nord.
Indiens avec Pierre Esprit Radisson et Médard Chouart,
Sieur Des Groseilliers au Fort Charles en 1671
Peinture : Lorne Bouchard - Hudson's Bay Company Archives,
Provincial Archives of Manitoba, P-448