Et Toi, tu faisais quoi entre 40 et 45

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Jean-Louis Balagayrie
49 Epsom 33270 Bouliac
Et Toi,
tu faisais quoi entre 40 et 45 ?
ou
Réminiscences locales
de la deuxième guerre mondiale.
55 ans après ...
inspirées du procès PAPON
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Plan
Avant propos
La France de 40 à 45
Causes profondes de la guerre
A qui la faute?
page 04
Michèle Lavédrine
René Hugonnier
page 17
page 24
La vie quotidienne à Saint Eloy Michèle Lavèdrine
page 29
La résistance à Saint Eloy les Mines; Michèle L.
page 41
La fête Pétainiste à Saint Eloy; Michèle L.
page 45
L'homélie du curé de Montaigu
page 46
Souvenirs 39-45 vers Annecy; René Hugonnier
page 47
La guerre des enfants; Jeanne Gauthier et J.L. Balagayrie
page 61
J'avais 16 ans à Riom es Montagne Jean Gauthier
page 70
La collaboration horizontale? Marguerite XX.
page 75
Témoignage de déportation Jean Virlogeux
page 87
Un jeune juif d'Algérie raconte sa campagne; Rolland Elbaz
page 100
Conclusion provisoire
page 104
Appendice
page 105
2
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Avant propos ...
L'idée de cette plaquette m'est venue progressivement.
Le procès PAPON commençait juste, et ma fille CAROLINE, depuis CARACAS demandait:
« Toi qui a connu PAPON explique moi les choses, ça me parait bien compliqué! »
J'indique page 35 : « Ah bien sûr que je n'ai pas connu PAPON: à la fin de la guerre, j'avais
quatre ou cinq ans et j'habitais le PUY de DOME. À cette époque je ne connaissais même pas
l'existence de la ville de BORDEAUX! Tante JEANNE avec ses quatre ans de plus garde le
souvenir du début ...
La guerre ? oui, nous avons des souvenirs précis et nous allons te les raconter »
J'en parlais donc, d'abord à ma sœur, et les souvenirs affluaient de part et d'autre. Les
souvenirs de l'un ravivant ceux de l'autre ou les complétant. ..
Puis, le beau frère Jean, non sans une certaine émotion nous raconta sa guerre; le fidèle René
H. ami d'ANNECY y alla de son couplet soutenu comme toujours par MAGUY son épouse.
Même Michèle L. la vieille dame de Saint ELOY entrevue il y a quelques quarante ans, alertée
par JEANNE, apporta sa pierre à l'édifice.
De vieux amis bordelais Marguerite M. et Jean Baptiste pleins de malice nous montrèrent une
des formes de collaboration ...
Jean Virlogeux nous fait part de sa si douloureuse expérience de jeune résistant, arrêté par la
Gestapo et déporté ...
Rolland Elbaz raconte ses faits d'armes autour du Mont Cassin ...
Les articles de SUD-OUEST et L'ENCYCLOPEDIE UNIVERSALIS comblèrent les lacunes.
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RAPPELS HISTORIQUES
de l'Armistice de 1940 à la Libération de 1945
L'Armistice de 1940
L'armistice franco-allemand signé à RETHONDES le 22 juin 1940
Les conditions sont sévères:
• Les deux tiers du territoire livrés à l'occupation de l'ennemi,
• L'armée démobilisée,
• Les réfugiés allemands livrés aux nazis,
• Les prisonniers français maintenus en captivité.
Malgré tout la FRANCE garde un territoire, un gouvernement, son empire et sa flotte.
Mers-el-Kebir
Aux yeux des Anglais, l'effondrement de la France et les négociations d'armistice rendent
nécessaire la concentration de toutes les forces capables encore de se battre pour la défense
de leur île.
La flotte française devient ainsi un important enjeu et un risque pour l'Angleterre.
Le 3 juillet, débute l'opération « CATAPULT ».
Les navires français ancrés dans les ports britanniques sont pris par surprise, à l'indignation des
équipages.
À Alexandrie, ils sont neutralisés.
Mais, dans le port de MERS-EL-KEBIR, près d'ORAN, le gros de la flotte se trouve au
mouillage. L'amiral GENSOUL, approuvé par son gouvernement, rejette l'ultimatum anglais lui
enjoignant soit de se joindre aux forces britanniques, soit de gagner un port britannique, soit de
se saborder.
Sur ordre et contrairement aux lois de la guerre sur mer, l'amiral anglais SOMERVILLE canonne
les bâtiments, incapables de riposter.
On dénombre mille cinq cents morts.
Un seul navire, le cuirassé STRASBOURG, parvient à regagner TOULON par ses propres
moyens.
Ce drame eut des répercussions considérables sur l'opinion française: apparaissant, aux yeux
de beaucoup, comme une confirmation de l'égoïsme britannique, il justifiait, aux yeux de
certains, la collaboration avec l'Allemagne.
L'Occupation Allemande
Les Allemands occupèrent les trois quarts de l'EUROPE.
La FRANCE fut divisée en quatre zones.
• La zone annexée l'Alsace et la Moselle deviennent parties intégrantes
du IIléme REICH.
• La zone interdite concernait des départements du Nord et du Pas-deCalais, la frontière espagnole, et les zones côtières où s'édifiait le « Mur
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de l'At/antique », Ces zones étaient directement soumises à l'occupation allemande. Tout
déplacement y était interdit.
• La zone occupée, environ les trois cinquièmes du nord du territoire français étaient
administrée par l'occupant tant sur le plan militaire, policier, administratif, qu'économique. Une
ligne de démarcation séparait les zones occupée et libre.
• La zone libre, sans contrôle allemand, c'était le sud de la FRANCE, les colonies et
départements d'outre-mer, elle était administrée par le gouvernement français installé à VICHY.
Après le débarquement anglo-américain en AFRIQUE du NORD, la zone libre fut envahie par
l'armée allemande, le 11 novembre 1942.
L'occupant allemand commence alors une politique de réquisition et de pillage systématique:
céréales, fourrages, pommes de terre, bétail. Les trésors artistiques sont pillés sur l'ordre de
GOERING, grand amateur d'art.
Enfin, l'occupation allemande suscite l'utilisation du système des otages pour lutter contre la
Résistance.
Le Gouvernement de VICHY
Le gouvernement du maréchal PETAIN, qui s'est installé à VICHY, en zone libre, se fait
accorder les pleins pouvoirs par les Chambres, le 10 juillet 1940 : c'est la chute de la
Ille République et l'avènement de l'ÉTAT FRANÇAIS.
Pour PETAIN, chef de l'ETAT, c'est l'occasion de procéder à une « révolution contemporaine »,
s'inspirant du fascisme, du national-socialisme, et du franquisme, sous la devise
" Travail, "
" Famille"
" Patrie"
L'obéissance à VICHY
La culture d'un fonctionnaire de l'époque est « d'obéir sans se poser de questions ». On compte
environ 700.000 fonctionnaires à la veille de la seconde guerre mondiale, mais cette appellation
recouvre des professions extrêmement diversifiées, quLvont des ouvriers des arsenaux aux
employés des ministères, et des instituteurs aux préfets.
Le pays est en outre le siège de luttes politiques, ayant pour enjeu la syndicalisation, qui atteint
son apogée à l'époque du Front populaire.
C'est aussi un monde qui incline vers la modération politique, sans doute de sensibilité plutôt
radicale-socialiste. Notons tout de même la forte diffusion, avant-guerre, d'un journal comme
L'Action Française, qui distille anti-sémitisme et xénophobie.
« L'administration subit, comme tout le monde, le choc de la débandade en mai-juin 1940 » :
l'exode est le sort de tous les Français.
Beaucoup de maires, de préfets ont quitté leur poste, d'autant que l'administration de VICHY
leur en laissait le choix sans autre risque que de nuire à leur carrière.
En outre, 26.000 fonctionnaires sont prisonniers des Allemands, après l'armistice. Il s'agit, pour
la plupart, d'hommes jeunes.
La composition de l'administration de VICHY s'en ressent. Elle rassemble des fonctionnaires
relativement plus âgés, plus nourris des souvenirs de la première guerre mondiale.
La culture d'un fonctionnaire de ce temps est d'obéir sans se poser de questions.
Mais, autour de ce thème, on observe effectivement des variations, qui dépendent non
seulement de la chronologie et des aléas du conflit, mais également de la matière que
l'administration traite.
Une césure intervient à la mi-avril 1942 avec le retour de Pierre LAVAL aux affaires.
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Celui-ci, en effet, ne prend nullement au sérieux la " révolution nationale ", c'est-à-dire le
redressement moral et spirituel mené jusqu'alors par l'entourage du maréchal PETAIN.
Non que, comme l'ont prétendu ses défenseurs, LAVAL ait eu la moindre intention de
" républicaniser" à nouveau l'administration ni de mettre un terme aux épurations: il cherche
simplement à faire d'un système subtil de dérogations aux dites épurations une monnaie
d'échange pour s'assurer obéissance et clientèle.
VICHY dépasse ainsi le cadre de la stricte application de l'armistice, pour se placer dans le
sillage les nazis.
Le Maréchal PETAIN jusqu'en 1942
PÉTAIN PHILIPPE (1856-1951)
Philippe PETAIN sortit de SAINT-CYR en 1876.
Il était colonel commandant un régiment d'infanterie à ARRAS à la déclaration de guerre de
1914. Promu général, il commande la 6e division dans le 33e corps d'armée en Champagne,
puis un corps d'armée en Artois.
En février 1916, on lui confie le secteur défensif de VERDUN. Sa présence exceptionnelle parmi
ses soldats fit de lui un héros national: le « vainqueur de VERDUN ».
En 1917, il réussit à calmer les mutineries, en améliorant l'organisation et l'intendance, et en
évitant les tueries inutiles « PETAIN ménage le sang des hommes JJ.
En 1925-1926, il est envoyé au MAROC, où il réprime la rébellion d'ABD-EL-KRIM.
En février 1934, DOUMERGUE fait de lui son ministre de la Guerre.
Le 18 mai 1940 Paul REYNAUD le fait entrer dans son cabinet comme vice-président du
Conseil.
Le 17 juin, le président de la République confie à PETAIN le soin de former le dernier
gouvernement de la Ille République:
L'Armistice entre en vigueur le 25 juin 1940.
La popularité du maréchal, vainqueur de VERDUN, est alors considérable.
Dans l'instant, sa politique reçoit une approbation quasi unanime de l'opinion et du monde
politique: Léon BLUM l'appelait
«Le plus noble et le plus humain de nos chefs militaires ».
L'activité de PETAIN tend d'abord à préserver, face au vainqueur, ce qu'il juge l'essentiel:
• L'indépendance de l'ÉTAT FRANÇAIS,
• L'inviolabilité de l'empire et de la flotte.
L'équipe du Maréchal
En provenance de l'extrême droite, et surtout de l'Action Française, (colonel de LA ROCQUE)
l'équipe qui entoure Philippe PETAIN est composée de militaires, de « techniciens» issus de la
haute administration, et d'hommes d'affaires puissants.
Elle a le soutien total de l'Église. Les syndicats ouvriers sont dissous, la grève interdite, la
Charte du travail (4 octobre 1941) crée un syndicalisme officiel, obligatoire.
La Légion française des combattants doit encadrer et surveiller les Français.
Des catégories entières de Français sont exclues de la communauté nationale, en vertu de leur
appartenance
• Politique (communistes),
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• Idéologique (francs-maçons),
• Raciale (juifs),
Elles font l'objet d'une législation appropriée (Statut des juifs en octobre 1940) et de mesures
policières (rafles de l'automne 1940 contre les communistes et les syndicalistes).
L'extension du pouvoir des préfets, leur droit à promulguer l'internement administratif fait naître
en FRANCE des camps d'internement (Saint-Sulpice-Ia-Pointe), dans le Tarn; Saint-Pauld'Eyjeaux, dans la Haute-Vienne; Gurs, dans les Pyrénées-Atlantiques.).
Les prisons sont surpeuplées et de lourdes condamnations, parfois à mort, sont prononcées
contre les opposants.
Le régime embrigade la jeunesse dans des mouvements de jeunesse maréchalistes et par
l'organisation des Chantiers de la jeunesse.
L'État fasciste
Le gouvernement de VICHY liquide la plupart des institutions héritées du libéralisme classique.
Ses bases sociales, son idéologie, ses manifestations répressives, sa politique économique et
sociale sont comparables à celles des Etats fascistes voisins.
La complicité française dans la politique antijuive.
Encore aujourd'hui les avis sont partagés.
Jean-Michel DUMAY dans un article paru dans Le Monde récemment accable VICHY:
Escomptant sauvegarder une indépendance chimérique, l'Etat français a prêté sa police et son
administration à la barbarie nazie, mais la législation antisémite ne dépend pas d'instructions de
l'occupant allemand, elle est du seul fait de VICHY, ainsi le mythe de l'Etat captif relayant les
lois de l'occupant.
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Les toutes premières mesures antijuives adoptées par VICHY sont le fruit d'un antisémitisme
issu de la Ille République, et l'expression d'un rejet global de « l'étranger », rendu responsable
de la terrible débâcle.
Début octobre 1940 un train de mesures exclut brutalement les juifs de la fonction publique et
de diverses professions, notamment de communication (journaux, radio, cinéma, etc.)
Là où l'occupant n'évoque pudiquement que la religion pour définir les juifs ", VICHY
n'hésite pas à parler de race ". VICHY autorise l'internement des étrangers de race juive
décision arbitraire des préfets.
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sur
Le 29 mars 1941, le Commissariat général aux questions juives (C.G.-Q.J.), véritable ministère
aux affaires juives de VICHY, est créé avec à sa tête, Xavier VALLAT
Un recensement des juifs français et étrangers est mis en place: 330000 juifs vivent alors en
FRANCE, répartis par moitié dans chacune des deux zones, dont environ 50 % de juifs
étrangers.
Cependant Christian GERLACH, (Marianne W41) un jeune chercheur allemand a découvert
des archives de l'ex U.R.S.S. qui reproduisent les paroles exactes du Fûhrer le 12 Décembre
1942 : « Ordre d'exterminer les juifs présents dans la sphère d'influence allemande ....
l'anéantissement des juifs doit être la conséquence nécessaire de la guerre. »
Ainsi la SHOA n'aurait été due
• ni à un emballement de la machine hitlérienne suite à l'enlisement de la WEHRMARHT,
• ni à la surenchère du gouvernement de VICHY;
mais bien la conséquence d'un ordre donné par HITLER en Janvier 1942 à la conférence de
WANNSEE.
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L'aryanisation des biens
Le gouvernement autorise l'aryanisation
dans l'économie nationale.
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des biens juifs afin d'éliminer toute influence juive
Les rafles et les arrestations seront menées par la police française en zone occupée: les
premières ont lieu le 14 mai 1941 dans l'agglomération parisienne: 3.747 juifs étrangers,
polonais, tchèques, autrichiens, sont internés. La deuxième opération intervient en août et
touche 4.232 juifs, dont un millier de Français. Le camp de DRANCY, également sous
administration française, est créé.
Le 12 décembre, 700 juifs français sont arrêtés, tandis que l'occupant fusille au MONTVALERIEN et impose aux juifs une amende collective de 1 milliard de francs.
Pendant ce temps, en zone non occupée, aux côtés de Tsiganes et d'internés politiques, on
compte jusqu'à 40.000 juifs internés dans les camps français (et 15.000 en Afrique du Nord) ;
plusieurs milliers mourront de faim et de froid.
René BOUSQUET est nommé secrétaire général de la police à PARIS.
En zone occupée, les ordonnances allemandes interdisent aux juifs l'entrée dans les cafés, les
théâtres, les cinémas, les piscines, les musées, les terrains de camping, les jardins publics, etc.
le port de l'étoile Jaune devient obligatoire.
En zone libre, pas d'étoile, mais l'apposition de la mention
d'identité et d'alimentation.
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juif est obligatoire sur les cartes
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La déportation
Le premier convoi de juifs déportés a lieu le 27 mars 1942 : 1.112 personnes, pour moitié des
juifs français du camp de COMPIEGNE, pour moitié des juifs apatrides parqués à DRANCY, en
représailles à l'assassinat de soldats allemands.
La déportation massive de familles juives s'organise: BERLIN fixe l'objectif de
40.000 personnes y compris les enfants de moins de seize ans. La Gestapo insiste pour que
40 % soit de nationalité française.
la rafle du vel' d'hiv'
A partir de la rafle du Vel' d'Hiv'
(16-17 juillet) qui mobilise 9.000 policiers et gendarmes
parisiens trois convois d'environ 1.000 juifs, chacun partent, chaque semaine pendant trois
mois, vers les camps d'extermination, mais on assure que les déportés sont envoyés aux
travaux forcés en Allemagne.
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Malgré l'émotion et les premières protestations de l'opinion publique, fin 1942, 43.000 juifs sont
déjà déportés.
Le 10 décembre1942 HITLER donne ordre de déporter tous les juifs et autres ennemis de
l'Allemagne: communistes, gaullistes et autres.
Tandis que la Côte d'AZUR bénéficie de la protection des Italiens, opposés à l'application des
mesures antisémites. En août OBERG estime qu'" on ne peut plus compter sur la police
française ".
Pour élargir le vivier des juifs à déporter, les Allemands tentent d'obtenir de LAVAL la
révocation des naturalisations de juifs obtenues à partir de 1927. LAVAL dit non ", pour la
première fois.
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A PARIS,
un commando d'une dizaine d'hommes dirigés par Aloïs BRUNNER, l'un des plus
redoutables agents d'EICHMANN, est appelé en renfort sur les affaires juives. La police
française est désormais exclue de la composition des trains vers l'Est, mais intervient parfois,
malgré les réserves de VICHY, dans des opérations menées contre les juifs français, comme à
BORDEAUX en 01/1944.
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Au printemps 1944, les S.S. mènent pratiquement seuls les déportations.
À IZIEU (Ain), BARBIE fait rafler 44 enfants.
Sous ses ordres, le dernier grand convoi part de DRANCY le 31 juillet 44, emportant en son sein
plus de trois cents enfants.
Bilan de l'opération
• 74 convois d'environ 1.000personnes chacun, ont été organisés dont plus de la moitié dans la
seule année 1942
• 76.000 juifs ont été déportés, entre 1942 et 1944, de France vers les centres d'extermination
situés sur l'ancien territoire de la Pologne.
• Près d'un tiers des victimes étaient des citoyens français
• 3.000 sont morts avant déportation, dans les divers camps d'internement français, notamment
penda nt l'hiver 1941-1942
• 2.500, soit moins de 3 %, ont survécu.
Partant essentiellement de DRANCY, la quasi-totalité était dirigée sur AUSCHWITZ (HauteSilésie), où à leur arrivée, la plupart d'entre eux ont été immédiatement envoyés dans les
chambres à gaz.
Le bilan de la " solution finale" en FRANCE atteint 80.000 victimes (un quart de la population
juive à l'époque).
Au moins 85 % d'entre elles ont été arrêtées par la police française.
Extraits des lois « antijuif »
Des lois signées PETAIN, des dizaines de textes de loi et d'arrêtés contre les juifs ont été
adoptés par le régime de Vichy:
• Est regardé comme juif, toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de
deux grands-parents de la même race, si son conjoint est lui-même juif.
• L'accès et l'exercice des fonctions publiques et mandats énumérés ci-après sont interdits aux
juifs: chef de l'Etat, membre de gouvernement, du Conseil d'Etat, du conseil de l'Ordre national
de la Légion d'honneur, de la Cour de cassation, etc. (loi du 3 octobre 1940).
• Les ressortissants étrangers de race juive pourront être internés dans des camps spéciaux
par décision du préfet du département de leur résidence" (loi du 4 octobre 1940).
• En vue d'éliminer toute influence juive dans l'économie nationale, le Commissariat général aux
questions juives peut nommer un administrateur provisoire à toute entreprise industrielle,
commerciale, immobilière ou artisanale, tout immeuble, droit immobilier ou droit au bail
quelconque, tout bien meuble, valeur mobilière ou droit mobilier quelconque, lorsque ceux à qui
ils appartiennent, ou qui les dirigent, ou certains d'entre eux sont juifs" (loi du 21 juillet 1941).
Vichy et les Allemands
Les Allemands n'ont pas imposé le changement du régime, mais l'indépendance de VICHY est
extrêmement limitée.
La zone occupée échappe à l'autorité de VICHY, l'application des conditions d'armistice se fait
au gré du vainqueur (fixation des frais d'occupation, annexion de l'Alsace-Lorraine).
Après l'invasion de la zone libre (11 novembre 42), consécutive au débarquement allié en
Afrique du Nord, un conseiller allemand assiste désormais PETAIN et, au début de 1944, les
remaniements ministériels sont décidés par les nazis; ainsi entrent dans le gouvernement les
collaborateurs les plus virulents (Ph. HENRIOT, Joseph DARNAND, Marcel DEAT).
La Collaboration
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La Collaboration économique
Elle sert de base à la collaboration politique, que recherche le gouvernement DARLAN (février
41-avril 42) autant que les gouvernements LAVAL (juillet-décembre 40, puis avril 42-août 1944)
et qui se nourrit de l'espoir que la FRANCE de VICHY sera à la seconde place dans l'EUROPE
NOUVELLE.
L'agression contre l'U.R.S.S. donne à la collaboration la motivation supplémentaire de la lutte
contre le bolchevisme.
La Légion des volontaires français (juillet 41), approuvée par PETAIN, constitue la participation
française à la lutte contre le bolchevisme.
L'administration française désigne les commissaires chargés de la confiscation des biens juifs;
les prisons et les camps vichyssois sont les pourvoyeurs des camps nazis: d'ailleurs, la police
française participe à l'arrestation des suspects et procède à de grandes rafles de juifs et de
maquisards.
VICHY organise la déportation des travailleurs français
De nombreux travailleurs français sont déportés dans les usines du REICH: Service du travail
obligatoire S.T.O. (loi du 16 février 43). Le gouvernement de VICHY utilise la police contre les
réfractaires: Les classes moyennes, ouvriers, paysans résistent et prennent le maquis.
Par réaction, la fascisation du régime s'accélère: en janvier 43, la Milice se livre à
d'abominables exactions: les cours martiales (janvier 44) permettent l'exécution immédiate des
résistants.
Bordeaux ou les délices de l'accommodation"
Compromissions, dérives ...
Le chef-lieu de la Gironde est inclus dès 1940 dans la zone occupée.
BORDEAUX, " capitale de la défaite ", ville la plus" maréchaliste " de France, BORDEAUX, ville
où le maire néo-socialiste, Adrien MARQUET, fut l'artisan du semi-putsch de LAVAL en juillet
1940 : les jugements sans indulgence n'ont pas manqué de s'abattre sur le chef-lieu de la
Gironde dont les tragédies reflètent les convulsions d'un pays vaincu et envahi.
Jugements d'autant plus sévères que, à la différence de LYON, l'histoire d'une résistance
bordelaise divisée, gangrenée par l'affaire du retournement d'un de ses chefs, André
GRANDCLEMENT, en 1943, n'offre ni compensation ni rachat pour les compromissions et les
dérives des temps d'occupation.
Comme le fait observer l'avocat Gérard BOULANGER: « A la Libération [les Allemands
évacuent la ville jusqu'au 27 août 44], la Résistance ne sera pas en état d'assurer la
reconstruction morale ».
Voilà pourquoi Gaston CUSIN, commissaire de la République du général de GAULLE, préférera
s'appuyer sur un Maurice PAPON, l'homme qui lui livre la police de la ville, que sur le comité
départemental de libération (CDL).
Un autre avocat, Bertrand FAVREAU, auteur d'une biographie de Georges MANDEL député de
la Gironde, rappelle que c'est BORDEAUX, incluse dans la zone occupée (la ligne de
démarcation divise en deux le département de la Gironde), qui voit le premier fusillé juif de
l'Occupation, dès août 1940, Israël KARP, et l'un des derniers collaborateurs exécuté en 1953,
Lucien DEHAN.
BORDEAUX, a offert un terrain propice aux" temps nouveaux ", mais peut-être pas à la
collaboration franche et active de style" parisien ".
La ville se plonge pourtant dans les délices de 1'" accommodation ", selon l'expression de
l'historien Philippe BURRIN.
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La bourgeoisie des négociants en vins du quartier des CHARTRONS « pousse» quelques-unes
de ces racines en Allemagne.
Quant au commandant du port, le korvettenkapltan Ernst KÜHNEMAN, il est lui-même à la tête
d'une vieille maison de commerce de vin ... à BERLIN!
À BORDEAUX, un « Institut des questions juives» fondé par l'avocat Henri LABROUE, précède,
en 1941, la création de celui du capitaine SEZILLE, à Paris, de sinistre mémoire.
L'exposition itinérante" Le Juif et la FRANCE" fait halte en Gironde du 27 mars le 10 mai 42 et
enregistre l'un de ses plus beaux succès provinciaux (60.000 visiteurs se pressent à ses portes,
dont beaucoup d'enfants des écoles).
Pour comprendre la vie politique bordelaise sous l'épuration, on doit tenir compte de la
lancinante rivalité qui oppose la préfecture à la mairie, l'Etat à la municipalité.
Au préfet, François PIERRE-ALYPE, qui fait de la surenchère et fait régner sur Bordeaux une
sorte de "fascisme blanc", s'oppose Adrien MARQUET, qui, depuis l'hôtel de ville, joue la carte
des Allemands.
Quand Pierre LAVAL revient au pouvoir, en avril 42, Maurice SABATIER est nommé à la
préfecture régionale, entraînant dans son sillage son ami Maurice PAPON '"
285 otages fusillés au camp de SaUGES, 900 déportés politiques qui ne reviendront pas des
camps, 1.690 déportés juifs dont 223 enfants: le bilan des « simples victimes» de la répression
est très lourd dans la capitale girondine.
S'y ajoutent les martyrs d'une Résistance décimée, les victimes civiles des combats et les
souffrances du S.T.O.
Bordeaux cependant résiste ...
voici l'exemple de la résistance dans le milieu médical
Le témoignage du Docteur André DARTIGUES dans
" Les hommes en blanc dans la clandestinité "
La résistance médicale 1940-1944 à Bordeaux et en Gironde
montre tout de même que " Bordeaux et la Gironde sont devenus très vite pour les allemands
une réserve d'otages et l'antichambre de la déportation. Les listes noires auraient pu être encore
plus cruelles, si l'esprit de résistance n'avait gagné le corps médical, le personnel soignant, les
religieuses set les secouristes; cette lueur venue des hôpitaux, des lieux de combats, des
chemins de la clandestinité appartient à ces maillons de la solidarité, de l'honneur et du
courage.
La résistance médicale de BORDEAUX et de la GIRONDE de 1940 à 1944 s'inscit dans la
longue lignée des actes de patriotisme effectués au cours des âges par les Bordelais et les
Girondins. "
J'ai lu ce livre avec effroi, parce que certains destins finissent "mal" ,. avec plaisir parce que j'ai
retrouvé les noms de certains de nos meîtres ou amis: je citerai" avec plaisir" Pierre
BOUYSSOU, le si adorable radiologue. DARMAILLAC, dit" le DAR" chirurgien puissant ,.
FERRAND, généraliste trenquiüe ; MANDA VY, peut-être ''l'homéopathe "; FEILLOU, aimable
généraliste; HONTON, POUYANE, professeurs d'onhopédie ; BROUSSIN; Ta UREIL LE,
NANCEL-PENARD
( je ne site que ceux que j'ai connu, je rend hommage à tous) et vous
convie à lire l'ouvrage de DARTIGUES, vous y apprendrez qu'aucune dénonciation n'eut lieu
dans le milieu médical même. Vous sourirez en lisant l'histoire des pilotes anglais, qui, en
camisole de force remplaçaient les malades psychiatriques du service de neurologie de l'Hopital
Saint-André!
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Bien sûr que d'autres corporations ont aussi participé à la Rëststence ; les cheminots, les
facteurs, etc. etc ....Non Bordeaux ne rime pas TOUJOURS avec col/abo !
Le Maréchal PETAIN après 42
En avril 42, PETAIN n'est plus qu'une marionnette glorieuse au sommet de l'État français. Il a
alors quatre-vingt six ans.
Le 8 novembre 42, les Alliés débarquent en Afrique; les forces allemandes occupent la zone
sud de la FRANCE, au lieu de gagner ALGER, PETAIN reste:
«Je fais le don de ma personne à la FRANCE»
À mesure que la situation militaire de l'Allemagne se dégrade, PETAIN couvre les initiatives de
LAVAL et des collaborationnistes: création de la milice, condamnations et exécutions des
otages ... 11 dira:
«C'est moi seul que l'histoire jugera »,.
Le 20 août 44, les Allemands enlèvent le maréchal. Le 24 avril 45, il s'évade et après avoir
traversé la SUISSE, il se présente aux autorités françaises: traduit devant la Haute Cour (août
45), il est condamné à la peine de mort par 14 voix contre 13 (seulement). En raison de son
grand âge, la sentence de mort ne sera pas exécutée.
En arrivant dans son cachot à l'île d'YEU, il déclara: « le plafond sera bien bas pour mon
successeur »... 11 restera prisonnier pendant près de dix ans. PETAIN y mourut à quatre-vingt
quinze ans.
MITTERRAND fera porter tous les ans des fleurs sur sa tombe.
La Libération
L'action à LONDRES du Général de GAULLE et à ALGER du Comité français de libération
nationale est reconnue par l'ensemble de la résistance intérieure rassemblée dans le Conseil
National de la Résistance. Les classes dirigeantes abandonnent le régime.
Depuis 43 des régions entières de la FRANCE contrôlées par les maquis, échappent à VICHY,
dont les ordres sont sabotés par des milliers de fonctionnaires résistants.
Après le débarquement du 6 juin 44, l'effondrement est total.
Le gouvernement de VICHY doit suivre les Allemands dans leur retraite.
L'Epuration
Dès le début de 43, la mise à l'index de tous ceux qui avaient occupé de hautes fonctions dans
le gouvernement de VICHY était décidée par les résistants et les gaullistes.
En juillet 43, deux ordonnances proclament la légitimité des actes accomplis pour la cause de la
libération de la FRANCE.
En août 43, « La raison d'État exige un rapide exemple. » dit De GAULLE: PUCH EU, secrétaire
d'État à l'intérieur de Vichy, est jugé et fusillé à Alger en mars 44.
Pierre LAVAL est exécuté.
Le 1er mars 42, le général De GAULLE déclare: « La libération nationale est inséparable de
l'insurrection nationale ».
Par ordonnance, la compétence du « tribunal d'armée» à ALGER s'étend « aux crimes et délits
contre la sûreté intérieure et extérieure de l'État commis dans l'exercice de leurs fonctions par
les membres ou anciens membres de l'organisme de fait se disant l'État français ».
L'ordonnance du 26 décembre 44 crée les Chambres civiques chargées de juger « tout Français
qui, même sans enfreindre une règle pénale existante, s'était rendu coupable d'une activité
antinationale caractérisée».
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13
Ces juridictions frappent les condamnés d'« indignité nationale» entraînant la perte des droits
civils et politiques, l'exclusion des emplois publics, l'incapacité d'être administrateur de société,
d'exercer une profession libérale.
La législation de l'épuration eut trois principes fondamentaux:
• le gouvernement de VICHY était illégitime,
• l'armistice n'était pas la paix, mais impliquait la continuation de l'état de guerre,
• les lois nouvelles pouvaient avoir un effet rétroactif, lorsqu'elles s'appliquaient à des délits
nouveaux.
Le souvenir amer d'une répression parfois défaillante (N.Weill)
L'ÉPURATION, qui se prolonge jusqu'en 53, a laissé dans la mémoire collective le goût amer
des occasions manquées ou, pis, de l'injustice.
Des journaux allemands ou américains du temps, ainsi que des voix en FRANCE, allèrent
jusqu'à parler d'un" bain de sang ", avançant le chiffre fantastique de cent mille victimes!
D'autres, notamment dans les rangs communistes, ne cessèrent, au contraire, de fustiger
l'indulgence des tribunaux et l'insuffisante rigueur des verdicts.
Suivant l'estimation de Robert ARON, au cours de l'année 44, année de la Libération pour
presque tout le territoire, 40.000 Français furent tués par d'autres Français et 400.000 furent
incarcérés.
Étrangement, le temps qui passe n'a fait que radicaliser les points de vue, et aiguiser les
suspicions.
L'émergence, à partir des années 70, d'une autre mémoire celle du génocide des juifs a
sensibilisé, après coup, l'opinion au grief de crime contre l'humanité qui, au sortir de la seconde
guerre mondiale, venait tout juste de faire son apparition dans le droit international.
L'épuration et les œillères gaullistes (Patrick Jarreau)
Entre ignorance et connivence, le gaullisme au pouvoir a toléré sous ses ordres des hommes à
la conscience chargée. Le cas PAPON s'éclaire lorsqu'on le rapproche de ses deux voisins dans
l'histoire:
• d'un côté, le préfet sans états d'âme, technicien zélé de la police (BOUSQUET)
• de l'autre, l'antisémite agissant (VALLA T).
Le destin de VALLAT est à l'opposé de celui de Maurice PAPON.
Xavier VALLA T, premier commissaire général aux questions juives, continue à clamer son
antisémitisme devant la Haute Cour, et voit ses dix ans de détention assorties de circonstances
atténuantes.
Cet ancien" déjudaïseur " en chef de VICHY a connu après la guerre, le parcours morose des
réprouvés de l'extrême droite, réfugiés dans les rédactions de publications marginales. Pourtant
le 8 janvier 72 étaient présents à ses obsèques deux sénateurs de droite: Pierre JOURDAN, et
Paul RIBEYRE, ainsi que le député gaulliste Henri TORRE.
PAPON n'était pas, lui, un activiste de l'extrême droite. Comme BOUSQUET, né dans une
famille de gauche, il s'est fait remarquer par son sens politique précoce et a fait ses classes, très
tôt, dans les cabinets ministériels. Comme BOUSQUET, il sert VICHY et organise des
déportations de juifs; mais, à la différence de BOUSQUET, il échappe à la Haute Cour.
René BOUSQUET, pourtant responsable de la participation de la police française aux rafles de
juifs, à commencer par celle du Vel'd'Hiv', les 16 et 17 juillet 42, n'est condamné, en 49, qu'à
cinq années de dégradation nationale (peine dont il est immédiatement relevé). BOUSQUET
quitte l'administration.
14
PAPON y demeure et se distingue comme préfet de police.
1/ obtiendra finalement, sous l'étiquette gaulliste, en 68, dans le CHER, le siège de député que
l'autre aura manqué dix ans auparavant, sous l'étiquette radicale, dans la MARNE.
La Grande Famille de la Droite
Jusqu'aux années 70, un ancien préfet de VICHY peut poursuivre une carrière confortable, et un
ancien ministre de PETAIN être salué, à sa mort, par la droite, même gaulliste.
Les fonctionnaires sont réputés innocents des actes qu'ils ont accepté d'accomplir sous l'autorité
d'un" gouvernement de fait" obéissant aux nazis.
Les crimes que les uns et les autres ont commis ou fait commettre ne sont pas reconnus.
La persécution des juifs fait partie des malheurs de la guerre, un peu comme les réquisitions, les
restrictions alimentaires et le manque de charbon.
S'il faut chercher des responsables, ce sont les Allemands et leur" poignée" de collaborateurs
qui, presque tous, ont" payé ". Les autres, tous les autres, ont subi.
Le souci prioritaire du général de GAULLE, en 44, avait été de remettre sur pied un Etat face à
la double menace d'une administration provisoire anglo-américaine et de la prise du pouvoir par
les communistes.
Les fonctionnaires expérimentés furent utilisés même quand ils n'avaient aucun état de service
dans la Résistance; il suffisait qu'il ne se trouvât personne pour porter contre eux des
accusations précises ou crédibles.
Entre l'ignorance et la connivence, le gaullisme au pouvoir toléra sous ses ordres, voire parmi
ses élus, à un rang subalterne, des hommes à la conscience chargée.
Leurs semblables purent êtres utilisés de l'autre côté: BOUSQUET était reçu chez François
MITTERRAND.
La justice n'aurait frappé que des" lampistes ", préposés à payer pour les autres, ou des
" vedettes" : nombre de journalistes et d'écrivains furent condamnés à mort: Georges
SUAREZ, Robert BRASILLACH, Henri BERAUD, Jean LUCHAIRE, Lucien REBATET. Charles
MAURRAS fut condamné à la réclusion perpétuelle. Leur châtiment aura surtout servi à
masquer la continuité des élites entre VICHY et le nouveau régime.
Les faits de collaboration économique connurent des dénouements beaucoup plus heureux que
ceux de collaboration intellectuelle (hormis quelques arrestations spectaculaires comme celle de
Louis RENAULT)...
Même le travail des historiens n'a pas dissipé les polémiques lancinantes, que ravive
immanquablement le procès de Maurice PAPON.
Un simple regard aux chiffres permet pourtant quelques certitudes sur ce sujet: l'épuration, si
elle fut parfois défaillante, si elle fut loin d'être aussi brutale que l'ont prétendu ses adversaires, a
bien l'ampleur d'un phénomène de société, atteignant, au moins symboliquement, le pays dans
ses" profondeurs ".
La tonte des femmes, étrange résurgence au cœur du XXe siècle d'une pratique ancestrale
appliquée aux épouses adultères mêlées, en l'occurrence, de préjugés hygiénistes en est un
signe.
Quoique difficile à mesurer dans son étendue, le phénomène paraît en tout cas massif.
Le bilan chiffré de l'épuration, en revanche, semble se stabiliser autour de huit à neuf mille
exécutions dites" extra-judiciaires" c'est-à-dire contemporaines des combats ou de la Libération
proprement dite, ou en tout cas, survenues avant l'établissement des juridictions spéciales, ou
avant que la situation soit totalement stabilisée.
14
",
.
--
15
Après le départ du général de GAULLE du gouvernement, les gouvernements de la IVe
République prirent des mesures d'amnistie.
Les condamnations à l'indignité nationale furent amnistiées en 53.
Charles de GAULLE jusqu'en 45
Charles André Marie-Joseph est né à Lille le 22 novembre 1890.
En sortant de SAINT-CYR il est affecté au 33e R.1. d'ARRAS où il a pour chef le colonel Philippe
PETAIN (qui aurait été le parrain de son fils !).
En août 14, il est blessé sur la MEUSE, à DINANT, en février 16 blessé, devant DOUAUMONT,
il est fait prisonnier.
Confiné dans un emploi médiocre à l'état-major de MAYENCE, il en est tiré par le maréchal
PETAIN, chef alors prestigieux entre tous, qui l'appelle en 25 à son cabinet comme historien .
. Il trouve alors l'occasion de publier ses deux ouvrages les plus célèbres, " Le Fil de l'épée ",
version rénovée de ses conférences de 27, dans lequel il trace un autoportrait du chef, et" Vers
l'armée de métier ", où il plaide pour la refonte totale de la stratégie.
En septembre 39, il se retrouve commandant des unités de chars de la "cinquième armée", en
ALSACE. La percée allemande sur SEDAN, le 10 mai 40, détermine l'état-major à lui confier,
alors qu'il n'est toujours que colonel, le commandement de la 4e division cuirassée. C'est sur
l'axe de MONTCORNET que le colonel de GAULLE fait plier pour un temps le corps blindé
ennemi.
Le 5 juin, Charles de GAULLE, nommé général devient sous-secrétaire d'Etat à la Défense. Il
sait que la bataille de FRANCE est perdue, mais il sait aussi que la bataille du monde ne fait
que commencer.
Le 16 juin, à BORDEAUX, le cabinet REYNAUD cède la place au gouvernement PETAINLAVAL qui montre son intention de rechercher l'armistice.
Alors le 17, en fin de matinée, Charles de GAULLE s'envole pour LONDRES ou il va déclencher
une rébellion: le 18 juin 40, vers 20 heures, devant le micro de la B.B.C., Charles de GAULLE
proclame que « la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra
pas ».
De LONDRES à PARIS
Des mois durant, il est CHARLES-le-SEUL, à LONDRES, mais en août, CHURCHILL le
reconnaît comme « chef des Français libres ».
Il rallie DAKAR, capitale de l'A.O.F., puis l'A.E.F. (FORT-LAMY, DOUALA et BRAZZAVILLE,
TAHITI, la NOUVELLE-CALEDONIE et les comptoirs de l'INDE)
De GAULLE est condamné à mort par le tribunal militaire de CLERMONT-FERRAND le 2 août
40.
Avec la résistance intérieure française, ses rapports sont presque aussi compliqués, sinon
tendus, qu'avec les grands alliés. « L'armée de la nuit» commence à se rassembler dès la fin
de l'été 40. À la fin de 41 fonctionnent trois réseaux d'importance nationale. L'entrée en guerre
de l'U.R.S.S. a déclenché l'action massive des communistes.
À l'automne 41 débarque à LONDRES Jean MOULIN, préfet révoqué par VICHY après avoir été
torturé par les occupants, qui vient proposer de représenter de GAULLE sur le territoire national
où, depuis le 10 juin 41, avant d'être arrêté en juin 43 par la Gestapo, Jean MOULIN aura noué
des liens indissolubles entre la Résistance et de GAULLE.
Le 8 novembre 42, les Américains prennent pied en AFRIQUE du NORD, de CASABLANCA à
ALGER (sans en avoir prévenu de GAULLE).
.. -.:-
16
Le général de GAULLE devient pourtant maître du jeu, du côté français, à la fin de mai 43 le
Conseil national de la résistance (C.N.R.), rassemblé et présidé par Jean MOULIN, l'a reconnu
pour chef en vue de la libération du pays. C'est à ce titre qu'il sera reçu en juillet à
WASHINGTON.
Le 6 juin 44, de GAULLE s'oppose efficacement aux projets anglo-américains d'instauration
d'une « administration alliée» de la FRANCE.
Cinq jours après le débarquement en NORMANDIE, le général prend pied sur le sol de
FRANCE à COURSEULLES, et l'accueil qu'il y reçoit a valeur de plébiscite. Il parvient à imposer
en position de pointe la 2e division blindée du général LECLERC, qui sera la première à libérer
PARIS.
Le 26 août 44, Charles de GAULLE descend les CHAMPS-ÉLYSEES, acclamé par un million de
Parisiens en fête, au milieu des chefs de la résistance intérieure qui ont survécu à la répression.
Dans le gouvernement provisoire qu'il forme le 3 septembre 44 à Paris, refonte de celui qu'il
présidait depuis un an à ALGER de GAULLE fait entrer six ministres communistes aux côtés
des M.R.P. (catholiques) et des socialistes formule qu'on appelle alors le « tripartisme ». Les
communistes se chargent de 1'« épuration », nécessaire après quatre ans de collaboration avec
l'occupant, mais avec un caractère d'arbitraire et de revanche peu conforme à la justice.
Le 8 mai 1945, c'est la capitulation du Troisième REICH.
Mais trois mois plus tard, à YALTA (Crimée), les « trois grands» se sont réunis sans lui pour
dessiner la carte du monde de demain.
Charles de GAULLE, reconnu par la grande majorité des Français pour libérateur du territoire et
chef légitime de l'exécutif, va constater qu'une démocratie fondée sur le système des partis est
impraticable et après avoir obtenu l'approbation par référendum du projet de constitution, le
général brusquement, le 20 janvier 46, annonce sa décision de se retirer, « le train étant remis
sur les rails ».
On n'entendra plus parler de lui pendant de longues années ...
Jusqu'à ce que en 1958 ... mais ça c'est une autre histoire...
Vous m'avez compris?
16
17
Causes profondes de la guerre de 39·45
par Michèle LAVEDRINE
Les causes profondes de la guerre de 39-45 furent:
1 )économiques : crise économique de 1929.
2) l'ineptie des traités de 1918
Ils n'ont satisfait personne surtout pas les Allemands bien sûr, et autres lésés, permettant
l'installation de dictatures. En Allemagne, réveil du nationalisme, rêves de revanche, ont permis
à un Autrichien de laisser sa peinture, venir à MUNICH poursuite des résistances.
Ainsi HITLER chasse HINDENBURG et prend petit à petit le pouvoir, sous couvert de
patriotisme. La Société des Nations (S.D.N.) est incapable, son pouvoir est limité. chômage
L'Allemagne nazie et l'Italie fasciste adoptent la solution du réarmement. Pacte italo-allemand
Avant la guerre
On a toujours reproché aux gouvernements occidentaux démocratiques, dont la FRANCE,
d'avoir eu une armée insuffisante: les réarmements visibles sont considérés comme totalitaires.
Bien sûr, et heureusement: cela a sauvé bien des vies françaises!
1) Cela a permis aux Français de vivre, manger, avant la guerre, au lieu de ne travailler
que pour le réarmement. Impossible à traduire en francs, tellement c'eût été cher!
2) Comparons, pour la France, le nombre de morts des guerres de 14 et de 39
Guerre de 1914
Guerre de 1939
de 1.390.000 à 1.450.000
de 535.000 à 560.000
de 8.700.000
de 40.000.000
à 9.000.000
à 55.000.000
Pertes humaines
civiles et militaires
Pertes totales
monde entier déportés
compris
ça donne tout de même à réfléchir
Pour le monde entier, la guerre de 1939 fut un fameux désastre. Il faut reconnaître qu'être
vaincu tôt en FRANCE a permis à bien des soldats de survivre, même mal, et d'éviter une belle
boucherie.
En fait, très pratiquement, un bon point pour les gouvernements français d'avant-guerre, sans
couleur politique aucune: d'où: Accords de MUNICH (plutôt Canossa) 29 - 30 septembre 1938.
CHAMBERLAIN (et son parapluie célèbre) ministre anglais et DALADIER, ministre français, vont
à MUNICH voir HITLER et MUSSOLINI. Réunion piteuse pour les Alliés. HITLER et MUSSOLINI
imposèrent le démembrement de la TCHECOSLOVAQUE, le territoire des Sudètes revenant à
l'ALLEMAGNE, Ainsi, les démocrates, dans le souci de maintenir la paix, encourageaient
l'expansionnisme de HITLER.
18
Un détail révélateur:
Au retour, DALADIER et sa suite arrivent à l'aérodrome du BOURGET, je suppose, ORLY ne
devait pas être construit. Il s'attendait à être conspué, or les Français présents l'ovationnent: il a
préservé la paix. DALADIER, qui avait compris la suite certaine des événements, se tourne vers
sa suite et dit (textuellement) : « Les cons », sans illusions lui.
Tous début de la guerre: Envahissement des Sudètes. Région située en BOHEME, en
TCHECOSLOVAQUIE d'alors. Peuplée pour un quart d'Allemands, cette minorité demanda en
vain en son autonomie. Un parti pro nazi fut créé par HEINLlM soutenu par HITLER.
La « protection des Sudètes» fut le prétexte de son intervention: septembre 1938 : annexion
des Sudètes. Je n'en parlerai plus, quoi que cela m'intéresse, vous savez pourquoi. (En 1945, la
Tchécoslovaquie reprit la région et expulsa vers l'Allemagne la presque totalité des Allemands
des Sudètes. N'est-ce pas Julian?
Pacte de non-agression germano-russe
Les Russes n'étaient pas prêts à la guerre STALINE signe le pacte en août 1939. D'où partage
de la POLOGNE (le nième de son histoire) entre l'ALLEMAGNE et l'URSS. t" septembre:
l'ALLEMAGNE envahit la POLOGNE.
Déclaration de la guerre à l'Allemagne,
par les alliés franco-anglais, à la suite de l'occupation de la Pologne 3 septembre 1939
Eh ! oui, c'est bien la FRANCE qui a déclaré la guerre sans illusion sans doute, mais sans
protestation d'aucun général De GAULLE y compris!
« Drôle de guerre»
ainsi fut appelée la période de 1939 à mai 1940.
HITLER n'était pas prêt. L'URSS ne bougea pas façon de parler, car elle en profita pour envahir
les ETATS BALTES. Quant à HITLER, il envahit des pays neutres: DANEMARK, NORVEGE,
BELGIQUE, PAYS-BAS (HOLLANDE). Les Français croient (hum !) que la ligne MAGINOT,
forts construits par le général Maginot entre 27 et 36 sur les frontières Est et Nord-Est de la
FRANCE) les protège. Mais celle-ci ne se prolongeait pas le long de la frontière BELGE.
La ligne MAGINOT, qui coûte cher aux Français, ne servit strictement à rien: les Allemands
passèrent par la BELGIQUE, entrèrent en FRANCE par le Nord, ce qui était prévisible, même
par une 2e classe, comme on disait.
Le 12 mai 40, les divisions blindées allemandes s'engouffrèrent vers la Somme, isolent autour
de la poche de DUNKERQUE 25.000 Anglais, Belges et Français. Les Anglais seront très
prioritaires sur les bateaux de rapatriement venus d'ANGLETERRE. Le tri était fait sur la plage
même cf. « week-end à ZUYDCOTT» de je ne sais plus qui.
Paris est occupé le 14 juin. Le gouvernement français «(3 e République) l'ayant quitté le 10 juin.
Il sera à BORDEAUX, le 17 juin et nommera le maréchal PETAIN Président du Conseil (Vice
Président dès le 18 mai).
Il sollicite l'armistice (sauf les 80 !).
Déjà Henri FRENAY capitaine, premier résistant de FRANCE, essaie de l'organiser.
De GAULLE lance, de LONDRES, l'appel du 18 juin 1940.
L'Armistice est signé le 22 juin 1940,
à RETHONDES dans l'Oise, la même ville où l'armistice du 11 novembre 1914 fut signé.
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Ses conditions: une « zone occupée» par l'Allemagne: dans l'ensemble nord de la Loire,
Moulin (pour notre région d'Auvergne), le littoral atlantique.
Le reste du pays, le sud dans l'ensemble est administré « librement» par le gouvernement
français. Plus de 3e République. PETAIN institue un « Etat Français» c'est vague. Nouveau:
plus de « Liberté Egalité Fraternité» mais « Travail Famille Patrie» !
L'Alsace-Lorraine est annexée par l'ALLEMAGNE et le Nord interdit.
Ailleurs, la guerre continue
L'ESPAGNE reste neutre.
L'ITALIE: le 10 juin 1940, MUSSOLINI déclare la guerre à la FRANCE et à la GRANDEBRETAGNE.
Actions du général ROMMEL en avril 41 en LYBIE pour prendre L'AFRIQUE DU NORD (J'en
parle à cause du nom actuel du bateau sur la Baltique, ô Julian) HITLER alors envahit l'Union
Soviétique en 1941
ce qui change complètement l'attitude des communistes français, je dirai plus loin.
En décembre 1941, la VEHRMACHT est aux portes de MOSCOU.
Décembre 1941 : JAPON contre USA.
7 décembre :1941 désastre de PEARL HARBOR, ASIE, et la suite, exploitation systématique
des pays occupés.
Le 18 avril 1942.LAVAL est le chef du gouvernement de VICHY
Fin 1942 : Allemands et Japonais cessent de progresser.
Novembre 1942: débarquement américain et anglais en ALGERIE et au MAROC (encore
français).
Les Allemands ripostent:
Occupation de la « zone libre » en FRANCE dite « zone nono » (non occupée).
Le 11 novembre 1942
Novembre 1942: défaite de ROMMEL à EL ALAMEIN devant le maréchal MONTGOMMERY.
En 1943, les TROIS grandes défaites allemande:
en TUNISIE, capitulation 12 mai 1943
STALINGRAD: échec allemand le 31-01-1943
SICILE: débarquement allié, arrestation de MUSSOLINI juillet 1943.
6 juin 1944; débarquement anglo-américain sur les côtes de BASSE-NORMANDIE.
le 15 août 1944. Débarquement en PROVENCE de de LATTRE, avec américains,
avril 1945 - Alors HITLER ordonne la levée en masse des Allemands, y compris enfants. Les
armées anglo-américaines et soviétiques font leurs fonctions le 25 avril 1945 à TORGARI, sur
l'ELBE. Occupation de BERLIN 21 au 28 avril 1945.
30 avril 1945 : suicide de HITLER dans son bunker souterrain avec ses fidèles.
7 mai 1945: capitulation à REIMS de l'Allemagne.
8 mai 1945 : bis répétita, pour plaire aux Russes.
6 août 1945 : Japon: Bombes atomiques sur HIROSHIMA
9 août 1945 : sur NA GASAKI.
..
. ....
. ..... -
20
2 septembre 1945 - L'empereur HIROHITO et le JAPON capitulent.
« La guerre voulue par les nazis et que les démocrates n'avaient pas su (ou pu) empêcher a
coûté plus de 50 millions de vies humaines ».
Rôle de PETAIN dès 1940...
Ce fut un dictateur. Personne n'avait oublié la boucherie de VERDUN et l'action de PETAIN
contre les soldats révoltés de 1917.
Que des anciens combattants aient été fiers de son rôle en 1940, possible, mais quel était leur
nombre? La FRANCE profonde s'est tue en 1940.
D'autre part chacun savait qu'il fallait une tête de turc à la tête de la FRANCE, admise par les
Allemands maîtres et cependant tirant au mieux les marrons du feu de la France. PETAIN
donnait quelques garanties d'après son passé, mais il était âgé et surtout entouré d'une belle
clique, et fort rétrograde d'esprit
Tout le monde, j'entends les Français moyens, le savait et en attendait peu. Lisez dans « de
VICHY au M. MONCHET p. 33 et suivantes ». Pas plus rétrograde que lui, mais agissant.
Moi et les gens que je connaissais, parents, voisins, enseignants n'avons jamais été pro
pétainistes.
École: il était obligatoire dans les écoles d'afficher:
1.
1) le programme de PETAIN, que nous avions mis dans un lieu honorable, mais
où les élèves n'accédaient pas!
2.
2) une photo de PETAIN ! Comme les enseignants faisaient la sourde oreille, le
régime de VICHY avait envoyé une carte postale le représentant pour chaque classe. Il avait
fallu s'exécuter et elle était au mur, dans mon dos. Obligatoire dans chaque classe! (vous y
voyez CHIRAC maintenant?)
Mon inspecteur primaire du début de la guerre, de gauche, libre-penseur, peut-être francmaçon, s'était sauvé. Pendant toute la guerre, lui et sa femme ont été cachés et nourris. Ils
n'avaient pas de carte d'alimentation. Le second était juif, déjà parti de zone occupée, il a dû se
cacher lui aussi. Enfin est apparue une inspectrice VICHYSSOISE, oh la rosse! (Mademoiselle
CORNU). Elle est venue inspecter 8 instituteurs, institutrices en une journée, n'a pas tout vu
évidemment et a eu l'impudence sur mon rapport de mettre: travaux manuels médiocre,
dessin médiocre, elle n'en avait rien vu ! Quoique cela me soit toujours resté en travers de la
gorge, j'ai signé le procès-verbal: toujours ne pas se faire remarquer.
L'action de PETAIN a été rétrograde, mais a évité le pire contre Pierre LAVAL dont, bizarrement,
personne ne parle plus.
Rôle des communistes français
Toujours à la solde de l'URSS qui avait signé le pacte de non-agression germano-russe.
Au début de l'occupation, les communistes étaient pour PETAIN.
L'instituteur communiste du coin avait fait dessiner, tout autour de sa classe, une frise de
francisques (les francisques, on dirait maintenant le logo de PETAIN), étaient l'emblème de
l'Etat Français: une hache de guerre des germanos et des Francs!
Ils avaient bien déterré cela! Le manche était l'emblème du Maréchalat, bleu à bouts dorés,
avec des étoiles, combien, j'ai oublié. La hache proprement dite à double tranchant.
20
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Les Allemands envahissent la Russie:
changement à 360 0 (si on peut dire, ou à 180) des communistes français, qui deviennent à ce
moment les meilleurs résistants, les plus aguerris, sans jeu de mots, et les mieux organisés au
début.. ..
Exit la francisque
Rôle du Pape et de l'Episcopat français
On le dit, ce rôle, « controversé », moi je dis: pas du tout, très net. Le nombre de catholiques
ayant déjà baissé, trop belle occasion pour se remettre en selle. Le pape PIE XII a, je reste
modérée, été silencieux quant à l'extermination des juifs; il avait comme, disons organisatrice
de sa maison, une religieuse allemande, sœur dont j'ai oublié le nom, mais qui a eu beaucoup
d'influence, fait nommer des cardinaux et vite, très vite, été renvoyée à la mort de PieX11.
Le Quirinal, à sa décharge, est en territoire italien, alors sous MUSSOLINI. Mais PIE XII aurait
facilement pu être plus courageux, s'il l'avait vraiment voulu, comme l'est après tout le pape
actuel.
L'épiscopat français, protégé par PETAIN, a voulu reprendre toute son influence. Monseigneur
PIGUET, évêque de CLERMONT-FERRAND, a qualifié PETAIN de ({ providentiel» dès août 40.
Pour garder l'unité de la FRANCE ( !) etc, il le prône et en profite pour faire appliquer de
nouvelles règles.
l'Eglise et l'école:
Pendant l'occupation, les prêtres choisissaient leur lieu pour faire le catéchisme: dans une
commune voisine, l'instituteur était obligé de laisser ses gosses en plein après-midi, pour les
reprendre ensuite.
Quant à moi personnellement, mes élèves de cours moyen allaient au catéchisme après la
sortie de 4 heures. Je l'oubliais lorsque je punissais une élève après 4 heures.
Elle arrivait un peu en retard! Le curé se plaignit à Monseigneur, qui se plaignit à l'Inspecteur
d'Académie, bien embêté, qui me fit dire oralement, par ma directrice de ne plus recommencer.
Mais aucune note écrite, brave inspecteur bien gêné!
Je n'ai pas qublié ces exigences pour si peu, si près de rien du tout, histoire de pinailler
l'enseignement public.
Par contre le chanoine GRAVIER, de SAINT ELOY était un homme bon et très bien. Et dire que
Mgr PIGUET finit par être déporté: c'est un comble! Il en revint.
JEAN MOULIN
Né à BEZIERS en 1899 mort en 1943.
On a oublié les doutes et il redevient à la mode.
Peintre sous le nom de ROMANIN, il y eut une exposition au musée E. MICHELET à BRIVE en
1997.
Patriote français, un des chefs de la résistance, Préfet d'EURE et LOIRE en 1940. Contre les
décrets de PETAIN, il cherche à se trancher la gorge. Depuis, on le voit toujours en foulard. Il se
rallia à De GAULLE, en Angleterre, à LONDRES.
Politique, De GAULLE l'envoie en FRANCE, où il fonde ({ le Conseil National de la Résistance»
C.N.R. qu'il préside: il a ainsi pu unir tous les réseaux d'obédiences politiques fort différentes.
C'est là son grand mérite.
Il vint à MONTJOIE, j'ai bien dû le raconter, pour rencontrer le F.T.P.F. du coin, et il faillit y être
pris par les Allemands. Il a dormi à 20 mètres de mon école!
22
Il fut dénoncé, par qui? Grande controverse politique. On a dit qu'en fait c'était un communiste
caché, trop bien caché, je ne le pense pas.
Arrêté à CALUIRE près de LYON. Grosse affaire. Le 21 juin 43. Il mourut dans le train qui
l'emportait en ALLEMAGNE des suites des tortures qu'il avait endurées.
Ses cendres sont au PANTHEON, depuis 1964 ou 1965.
PIERRE LAVAL
Né à CHATELDON (PUY DE DOME) en 1883, mort à FRESNES fusillé en octobre 1945.
Il eut à mon avis une action bien supérieure à celle de PETAIN.
Président du Conseil 1931 - 1932, juin 1935, janvier 1936. Il s'efforça de rapprocher la FRANCE
de l'ITALIE fasciste. Après la défaite de juin 1940, il fut vice-président du conseil du cabinet
PETAIN et préconisa une politique de collaboration avec l'ALLEMAGNE. Il prépara l'entrevue
PETAIN - HITLER à MONTOIRE le 22 octobre 1940.
Révoqué et arrêté en décembre 1940 (par PETAI N), il fut libéré, sur l'injonction des Allemands
et remplaça DARLAN à la tête du gouvernement en avril 1942.
Souhaitant la victoire de l'Allemagne, LAVAL instaura le S.T.O. et la milice en 1943.
Il voulait un axe FRANCE - ALLEMAGNE contre l'ANGLETERRE. Il suivit la retraite Allemande.
Arrêté par les Américains à INNSBRUCK en mai 1945, il fut déféré devant la justice française
pour haute trahison, condamné à mort et fusillé en octobre 1945, après avoir tenté de se
suicider.
Ce que je n'ai jamais compris, c'est la haine contre PETAIN, plus tard, des Français alors que
ce fut LAVAL le plus grand « collaborateur ».
Sa fille, JOSEE DE CHAMBRUN, a survécu et habitait face au jardin du LUXEMBOURG. Les
avoirs de LAVAL avaient été confisqués, et, en partie sans doute, rendus à JOSEE de longues
années après.
la Résistance ailleurs en FRANCE
Je n'ai pas parlé de la guerre et de la Résistance ailleurs en FRANCE qu'en Auvergne, parce
que j'en ai toujours pratiquement tout ignoré, les journaux n'en disant rien par la force des
choses.
J'apprends seulement les faits corréziens depuis que j'y vis, encore que parfaitement occultés à
CHAUFFOUR, mises à part les actions de la division DAS REICH remontant (les quatre-routes
d'ALBUSSAC, TULLE, ORADOUR, etc).
L'ALSACE par exemple était « zone annexée» où l'on ne pénétrait pas. J'ai su seulement par
une jeune institutrice ce qui s'y était passé, à la libération.
Entre autres, l'université de STRASBOURG s'était repliée à CLERMONT-FERRAND elle aussi,
mais ils avaient dû en partir lorsque HITLER envahit la FRANCE. Elle aussi, était allée se
cacher à l'Ecole Normale de NICE. Rentrée en ALSACE, elle sut qu'une de ses sœurs avait été
emprisonnée et qu'on avait fait des expériences sur elle, il valait mieux qu'elle ne se marie pas;
quant aux petites sœurs, elles ne connaissaient pas le Français.
A ROUEN, j'ai
su qu'une institutrice vieille fille, personne de haute moralité, avait eu un amant
officier anglais, blessé au-dessus de ROUEN, qu'elle avait dû ramener à l'hôpital en voiture,
alors qu'elle n'avait jamais conduit, ce qui fut épique.
Dans l'ouest de la FRANCE, dans un port, fut raconté par MALRAUX qu'un certain
LAVEDRINE, homme simple y avait été un héros.
22
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23
Le maquis du VERCORS, bien sûr, mais détails un peu connus après la guerre! après aussi
avoir lu : « Le silence de la mer ». etc.
CLEMENTINE m'écrit vers septembre 1945.
« J'ai dû remplir une feuille qu'on m'a envoyée de CLERMONT certifiant que SIMONE n'est pas
« de parents juifs» pour l'établissement de son livret de caisse d'épargne.
La radio:
Radio officielle: Radio-Paris, toujours claire de son, mais on chantait: « Radio Paris ment,
Radio Paris ment, Radio Paris est allemand ». Ce qui était vrai, la propagande grossière .
.Radio-Londres qui était le plus souvent brouillée. J'ai encore dans les oreilles le son de la petite
chanson. Il était interdit de l'écouter, il ne fallait pas mettre le son fort. LONDRES nous en
apprenait de belles!
D'abord, l'appel du 18 juin 40, de de GAULLE, que peu de gens ont dû entendre.
Ensuite, beaucoup de phrases codées pour la Résistance, qui bien sûr semblaient idiotes, mais
signifiaient: parachutages de matériel, lieux etc.
La dernière phrase ayant été l'annonce du débarquement allié en Normandie le 6 juin 44 :
« Les sanglots longs des violons» que tout le monde attendait ...
..
. .".
-
-;-
24
À QUI LA FAUTE?
Réflexions de René HUGONNIER
quant à l'origine et au déroulement de la 2éme Guerre Mondiale.
Prologue
Le procès PAPON suscite des commentaires, discussions et polémiques.
Nos enfants ne doivent guère s'y retrouver s'ils ont la patience d'écouter des récits discordants.
Quant aux adultes qui, suivant leur âge, ont pris le train de l'histoire en marche, ils n'ont souvent
conservé que des vues partielles ou déformées.
Je sortais de l'adolescence dans les années qui précédèrent la guerre, à un âge où l'on commence à
être attentif aux grandes péripéties de la SOCIÉTÉ.
Pour mieux comprendre ce qui s'est passé, dans la période 1939 - 1945, il est sans doute nécessaire
de remonter plus haut. L'historien le fera sans doute volontiers en allant puiser en 1919 les raisons
d'une paix manquée. Je me contenterai d'évoquer ce que j'ai compris, de ce qui s'est passé autour
de moi, à partir des années 1936.
Malgré la grande crise économique de 1929, les sursauts de l'extrême droite, l'avenir du front
populaire, la FRANCE et la GRANDE BRETAGNE se disputaient la prééminence dans le monde.
Depuis VERDUN, l'armée française était réputée la première du monde. Sa flotte se classait
immédiatement derrière celle des Anglais. Notre Empire nous offrait des ressources inépuisables
pour l'avenir.
Mais des données nouvelles apparaissaient. Léon BLUM, en 1936, ouvraient les congés payés à
tous les salariés. C'était une mesure d'une portée considérable. Mes parents, comme la plupart des
gens, n'avaient jamais pris de vacances. Des centaines de milliers de français allaient découvrir la
FRANCE en bicyclette. Les jeunes envahissaient les auberges de jeunesse. Allons au-devant de la
vie, allons au-devant du bonheur... ". En 1938, tout un peuple découvrait en s'étonnant le bonheur de
vivre.
Il
Etait-ce génial? ou une triste et criminelle erreur, alors que les chars allemands s'amassaient sur
nos frontières?
Il est vrai que la révolution des loisirs" ne nous préparait guère à une nouvelle confrontation et
nous inclinait plutôt à tous les renoncements. Après l'annexion de l'AUTRICHE, nous abandonnions
la TCHECOSLOVAQUIE, notre alliée, à HITLER.
Il
Après avoir honteusement capitulé devant les exigences de ce dernier, DALADIER et
CHAMBERLAIN étaient accueillis par des foules enthousiastes, lorsqu'ils rentraient de MUNICH.
On croyait apaiser la soif de conquêtes du FUHRER et en fait chaque nouvel abandon l'encourageait
à aller plus loin. Il revendiquait désormais DANTZIG un couloir d'accès à la mer à et déjà nous
commencions à défiler dans les rues en refusant de mourir pour DANT ZIG ".
Il
De 1936 à 1939, j'ai le souvenir d'une grande confusion, de grandes inquiétudes et d'une aberrante
illusion comme si chacun voulait refuser l'évidence. Par des fêtes, l'Exposition Universelle, les
vacances, nous refusions la réalité.
Nous étions une oasis d'illusions qu'entouraient désormais les conquêtes allemandes, les menaces
de l'ITALIE de MUSSOLINI et de l'ESPAGNE de FRANCO. Devant une guerre inévitable et de plus
en plus imminente, jamais l'expression danser sur un volcan" ne fut plus justifiée.
Il
L'invasion de la POLOGNE déclencha la guerre. Le second été des congés payés fut ainsi
immédiatement suivi de la mobilisation générale de septembre.
24
..... - >' .. -, >:-... :
-----------------------------------
25
Dès lors, nous amassâmes nos troupes aux frontières de l'Est, et la FRANCE s'enferma dans 9 mois
de la "drôle de guerre" où il ne se passa rien.
La stratégie française était défensive. À l'abri de la ligne MAGINOT, nous étions invincibles.
Au fil des mois, le moral commença à se déliter dans l'incertitude d'une situation où il semblait que
nous ayons pour seule ligne de conduite la passivité.
Notre quiétude-inquiétude se berça des mythes et slogans de la propagande officielle
" Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts" ;
" L'armée française est la meilleure du monde ".
Plus tard, au moment où quelques bataillons de chasseurs embarqueront à NARVICK, résister un
moment à l'invasion de la NORVEGE, ce sera" La route du fer est coupée ... "
Des coups de mains aux avants postes, en avant de la ligne MAGINOT, alimentaient" les nouvelles
du front ". Un jeune officier, DARNAND, qui s'illustrera plus tard de tout autre façon, conquiert ainsi la
célébrité par une action commando qui ramène ... quelques prisonniers!
10 mai 1940, coup de tonnerre: l'armée allemande attaque sur tous les fronts.
À cinq heures du matin, à LYON, nous sommes réveillés par de sourdes explosions, les bombes qui
tombent sur l'aérodrome militaire de BRON, puis au bout d'un moment par les détonations sèches de
la D. C. A. et enfin les sirènes: leur retard atteste la surprise... d'un évènement attendu et annoncé
depuis des semaines.
Le lendemain, nous apprenons que la plupart de nos aérodromes ont été bombardés simultanément
et que les troupes allemandes envahissent les PAYS BAS et la BELGIQUE.
La ligne MAGINOT est invincible, mais pour respecter la susceptibilité de nos amis belges elle se
termine là où commence notre frontière commune avec la BELGIQUE.
Nul besoin d'être grand stratège pour prévoir que, dégarnissant la frontière fortifiée, les Allemands
lanceront toutes leurs forces sur la petite armée de BELGIQUE qui sera emportée comme un fétu de
paille.
L'entrée des avant-gardes allemandes en FRANCE est immédiate et le communiqué des Armées
annonce sereinement que c'est un piège" Nous les laissons s'enfoncer pour les prendre en tenailles
et les détruire ... ".
Las ... cette illusion et ce mensonge ne tiendront que quelques jours. Les craquements qui se
succèdent sur la ligne de front qui bientôt n'existe plus. La débandade de nos troupes est
commencée.
Les nouvelles de jour en jour signalent l'arrivée allemande toujours plus au sud. On se berce encore
d'illusions: " On a bien tenu sur la Marne en 1914... "et puis" On les arrêtera sur la Loire... ".
Mais déjà à LYON, nous apprenons qu'ils arrivaient à DIJON. PARIS est déclarée ville ouverte ...
C'est l'effondrement, l'exode et les images insupportables de toute cette population civile avec ses
colis, ses charlots, ses bicyclettes et ses voitures d'enfants fuyant sur les routes vers un asile
improbable; alors que fuient des colonnes de soldats désemparés, sans armes ou sans chefs.
C'est l'impossibilité à comprendre, l'invraisemblance de cette situation. Comment la meilleure armée
du monde a-t-elle pu s'effondrer, pulvérisée en quelques jours. "On nous a menti ". Ce n'est que la
première surprise de tout ce qui va suivre.
La propagande avait réveillé dans la drôle de guerre la mythologie de 1914. Les hordes germaniques
tuaient les enfants, violaient les femmes, achevaient les prisonniers ...
Et quand elles arrivent enfin, puisque rien ne les arrête, nous découvrons une armée disciplinée qui
respecte les populations et ne commet pas d'excès.
26
Une armée d'hommes jeunes, dynamiques, qui défilent en chantant, et le contraste est trop rude
avec l'image de nos pauvres troupes en désordre.
PETAIN
" la débâcle "... Ce mot rassemble tous les sentiments du peuple de FRANCE.
Tout ce qu'on vivait pensait, croyait, est balayé et rien ne semble plus pouvoir arrêter nos
envahisseurs dont on apprend qu'en SCANDANAVIE, ils pactisent avec la RUSSIE qui leur offre la
domination de l'Europe.
Rien ne semble plus devoir les arrêter; cependant un homme va le faire, au moins au plan des
symboles. Il se dresse et son prestige de vainqueur de VERDUN semble en imposer aux Allemands
et au FUHRER lui-même: l'armistice va stopper l'armée allemande. Alors que tout paraissait
possible aux vainqueurs, les conditions de l'armistice sont comme un immense soulagement.
La FRANCE qui se voyait déjà conquise ne sera occupée qu'en partie, sur une moitié environ de sa
surface.
L'armée allemande qui a, en fait atteint la MEDITE RANNEE et les PYRENEES va refluer chez elle,
en dehors de cette zone occupée. Sur le reste de la FRANCE, le gouvernement français conservera
son autorité.
En outre, ce qui alors paraît invraisemblable, la FRANCE garde ses colonies et sa marine militaire;
c'est presque inimaginable.
Dès lors, PETAIN apparaît aux yeux de tous, comme l'homme providentiel. La grande peur se
dissipe. Au désarroi et à l'angoisse succède comme un soulagement teinté d'une certaine lâcheté.
" Dieu merci, pour nous la guerre est finie "...
Les hommes qui ne sont pas prisonniers et une bonne partie des réfugiés regagnent leur foyer. La
vie reprend son cours, les ateliers et les bureaux s'ouvrent à nouveau.
Qu'importe si d'autres continuent le combat, si LONDRES est écrasée de bombes; bien sûr
l'armistice n'est pas encore la paix, mais celle-ci viendra bientôt. Rien ne peut résister à la
WERMARCHT.
Dans quelques mois, avant l'hiver, pense-t-on, les prisonniers libérés reviendront. Le cauchemar
sera terminé.
Cette illusion de guerre" bientôt finie" est telle, que dans les premières semaines qui suivent
l'armistice, des milliers de prisonniers se laissent embarquer pour l'ALLEMAGNE, sans résistance,
presque consentants.
En effet, nombre de prisonniers n'ont pas été capturés au moment des combats, mais dans la
débandade, à l'arrière et loin des lignes de feu.
Les Allemands se sont contentés de les parquer provisoirement en attendant d'avoir le temps et les
moyens de les transporter outre-Rhin.
-C'est ainsi qu'à LYON des centaines de soldats capturés
dans la région, loin de tout combat étaient rassemblés à la caserne de la PART-DIEU. J'ai vu un
matin, une longue colonne de prisonniers qui se dirigeait sur la gare de PERRACHE, pour partir en
ALLEMAGNE.
Il s'agissait donc, de traverser le centre de LYON, sur 3 ou 4 kilomètres, en partie le long des quais
du RHONE et un jour de marché. Les prisonniers défilaient par groupes de 150 à 200, encadrés
seulement de quelques gendarmes à l'avant et à l'arrière Les hommes bavardaient, échangeaient
des plaisanteries avec les badauds, criaient" A bientôt ".
Quelques hommes résolus, bondissant hors des rangs, auraient pu se disperser en quelques
minutes dans les rues transversales, entraînant peut-être l'éclatement de tout le groupe et échapper
aux quelques coups de feu des soldats dépassés.
26
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Cela ne s'est pas produit. Les hommes partaient ce jour-là presque volontairement, dans l'illusion
d'un proche retour. Peut-être certains d'entre eux, ont-ils tenté, deux ou trois ans plus tard, dans des
conditions autrement difficiles et dramatiques de s'évader. Et combien ont dû regretter de ne pas
avoir saisi l'occasion qui leur était donnée ce jour-là.
Voilà le tableau des premières semaines. Une FRANCE écrasée, éclatant en morceaux, s'attendant
au pire, et grâce au prestige d'un vieillard, elle retrouve une partie d'elle même et reprend espoir. La
FRANCE est alors effectivement pétainiste. Il ne semble guère qu'à l'échelle de ce pays abattu et
démoralisé il ait pu y avoir d'autres scénarios possibles.
Le départ de quelques hommes politiques au MAROC, pour continuer le combat en abandonnant la
population aux Allemands, est peu crédible. Il eut fallu pour cela des hommes d'envergure qui
précisément lui avaient manqué depuis le début.
Un seul s'installa à LONDRES, mais il lui fallait d'abord se faire entendre et se faire reconnaître.
Dans cette période de quelques années, de 1939 à 1944, quand on parle d'un homme ou d'une
situation, il faut se garder de jugements hâtifs, définitifs. Les Français ont dû faire une série de prises
de consciences dramatiques, successives, à mesure que l'histoire tournait ses pages.
Il est bien évident que suivre PETAIN en juillet 1940 n'avait pas du tout la même signification qu'en
juin 1941, en été 1942 ou en automne 1943....
Dans le deuxième semestre 1940 la FRANCE est pratiquement unanime derrière un maréchal qui
semble alors sauver l'essentiel. On ne peut alors parler de résistance sur le sol métropolitain. L'appel
du 18 juin est demeuré inconnu ou sans écho.
Les Partis sont muets, inexistants. Seules quelques individualités refusent l'armistice.
Quelques aristocrates (" on ne pactise pas avec l'ennemi "), Quelques Catholiques de gauche: à
Lyon notamment, le journal" 7 - Temps Présent ", qui publie quelques numéros avant d'entrer en
clandestinité.
Les communistes, abasourdis par l'alliance germano-russe, sont abasourdis, perdus ....
À QUI LA FAUTE?
" On nous a trompés" tel est le grand cri des français qui, faute de prévoir un avenir incertain, se
retourne vers leur passé si proche." Comment en est-on arrivé là ? " Qu'est devenu la glorieuse
armée française? " Que valaient ses chefs? " Qu'ont fait les hommes politiques dans les années
qui ont précédé la guerre? ".
Il
Il
Il
Le temps est venu de chercher les coupables, et de trouver, bien sûr, des boucs émissaires. Conflit
de générations: les jeunes accusent leurs parents, le monde des adultes, et je n'ai pas été tendre,
pour ma part, à leur égard. Vous n'avez pas su voir venir ... ". "Vous n'avez pas eu le courage ... ".
Il
Il Ya cinq ans HITLER était un tigre en carton. N'a-t-on pas révélé que dans les défilés militaires
impressionnants qui se succédaient outre-Rhin, une partie des chars était des façades en bois,
posées sur des châssis de camion.
L'indignation des adultes n'est pas moindre. Les anciens combattants de la guerre qui s'est achevée
quelque 20 ans plus tôt ont le sentiment qu'on leur a volé leur victoire, gâché leur sacrifice.
Une parodie va s'engager, traduisant devant une cour de justice quelques parlementaires. Mais on
essaie plutôt de détourner l'attention vers des boucs émissaires qui ont sapé depuis des années les
bases de la république ".
Il
Une sorte de mythologie du désastre va apparaître dessinant les racines qu'il faudra désormais
extirper.
+La ploutocratie ", mélange indéfini de milieux apatrides, liée à la haute finance, et qu'ont révélé
quelques scandales récents telle l'affaire STAVISKY
Il
28
" Les métèques sortis on ne sait d'où, sinon des Brigades Rouges espagnoles ou d'autres réfugiés
d'EUROPE centrale.
JI,
" La juiverie internationale car si le juif n'est pas nommément désigné, ce sont les organisations
juives, forcément anti-nationales et apatrides, qui détruisent les structures des nations. Enfin, plus
proche et plus explicite" la franc-maçonnerie" qui avait pénétré tous les mécanismes du pouvoir.
JI,
C'est en tout cas dans ce terreau que s'enracineront ultérieurement les axes d'une persécution de
plus en plus systématique.
Les thèmes simplistes de la propagande officielle évitent aux Français de se regarder eux-mêmes.
Comme beaucoup de jeunes à cette époque, j'ai cruellement souffert de l'irréalisme et de la passivité
de la population de notre pays. Passivité. Attente. Espérer que les choses vont s'arranger....
C'est ce qui a caractérisé nos dirigeants en 1938, tout aussi bien que les foules qui les acclamaient
au retour de MUNICH. Ce fut l'attitude de nos chefs militaires pendant les neufs mois de la " drôle de
guerre
JI.
Ce fut l'attitude de ces moutons en uniforme sur les quais du RHONE, suivant passivement,
docilement la première étape d'un itinéraire de quatre années de captivité. C'est la leçon essentielle
que j'ai tirée personnellement de cette période: le refus de demeurer passif dans une situation, ne
pas remettre notre sort en d'autres mains, ne pas attendre.
Dans les moments difficiles, ne pas trop réfléchir, agir quand le moment est venu ou surgit, comme le
cœur vous le dit.
28
...
.._<
29
La vie quotidienne pendant la guerre de 1939·1945
à Saint Eloy les Mines ...
de Clémentine LAVEDRINE, sa fille Michelle, sa petite-fille Simone.
Nous étions en grand deuil, papa était décédé en octobre 1939 et Paul de CASSAGNAC en
janvier 1940. Et notre Simone familiale était née entre les deux décès. Nous avions en tout loisir
d'acheter des vêtements noirs, des bas de soie noirs, etc, et un chapeau pour moi du moins,
avec un voile léger qui faisait écharpe.
J'avais inauguré, aidée par maman, en refusant le voile de crêpe gaufré, que l'on devait porter
trois mois. Maman le portait. Elle avait un carton plein des voiles adéquats que l'on ressortait à
chaque deuil, ce qui était fréquent dans sa génération à grande famille.
FITENE et ANY n'en portaient pas à PARIS, mais étaient « en noir» et ANY prit le même voile
que moi pour le décès du père de Jean MIALLE. J'avais une robe de lainage rose ample, assez
jolie et avec maman nous avons décidé de la teindre: catastrophe, elle rétrécit et il fallut la
border de partout de velours noir. Ce fut mon seul essai et je garde intacts les autres vêtements.
Bien m'en pris, car ainsi j'ai eu de quoi m'habiller pendant la guerre, alors qu'on ne trouvait plus
de tissus depuis longtemps. On dit: A quelque chose, malheur est bon, c'en fut l'illustration.
Mais Simone bébé ou très petite fille, n'appréciait pas du tout le noir et savait apprécier les
couleurs tendres que portait la petite bonne HELENE, je m'en sou viens parfaitement et par la
suite, j'ai été entièrement d'accord avec une inspectrice générale connue, peut-être, Me
MONTESSE, tellement que j'en ai oublié le nom, qui reprochait à une institutrice de l'école
maternelle ses habits sombres (alors qu'elle-même était en grand deuil).
La guerre, ce n'est pas du tout: « Mon Dieu que la guerre est jolie! » et pourtant dans
l'ensemble.
Le premier hiver, je me souviens que nous mangions des pommes de terre à la graisse de
bœuf! Bof, il y a meilleur! Et maman et moi avons réagi.
Il s'agissait de manger et de faire manger SIMONE, tout mon argent, mon traitement et celui de
maman veuve de retraité y passaient. Mais, je ne dois pas me plaindre en faisant des efforts,
car mémé avait au moins 66 ans, et nous avons quand même convenablement mangé.
Donc, mémé élevait Simone, et moi je faisais ce que je pouvais. J'arrivais à bicyclette le
mercredi soir, je repartais le vendredi matin, revenais le samedi soir et repartais le lundi matin.
En général, je faisais le repassage. En ai-je repassé, des bavoirs, des chemises, des dessus de
chemises, des draps, etc. A la fin, mémé avait un peu simplifié. Et le tout séchait l'hiver dans la
cuisine, bardée de cordes à linge. C'était pratiquement la seule pièce chauffée régulièrement.
En tant que veuve d'employé de mine, mémé recevait un contingent de charbon régulièrement,
dans un tombereau à cheval, mais il était déposé dans la rue, devant le soupirail. Je mettais les
gros morceaux dans la brouette que je roulais dans la cave et les plus petits étaient poussés par
le soupirail avec une pelle. Il me fallait bien le faire, d'ailleurs j'en faisais autant à MONTJOIE
avec du charbon que j'achetais, ainsi que de la poussière de charbon appelée SCHLAMM, non
contingentée.
L'exode
Dès juin 1940, il Y eut ce qu'on a appelé « l'exode» des belges, des français du nord, puis de la
région parisienne, puis de NORMANDIE, au fur et à mesure que les allemands avançaient, eux,
reculaient, en voiture, autocar, bicyclette, tous les moyens de transport possibles, avec en
général un matelas dessus; autant pour être sur de dormir dessus que pour protéger des
bombardements.
30
A ce moment, avant les vacances, j'étais à MONTJOIE où ne passait personne et ne pouvais
pas faire grand chose; mémé était occupée avec SIMONE. Mais une de mes amies, institutrices
et les professeurs de cours complémentaire, se trouvaient sur la N 143, sur le passage des
voitures et avaient organisé un accueil. Chaque fois qu'elles ôtaient les sous-vêtements des
bébés, il fallait les laver et les langer; trouver le rechange qui n'était pas jetable à l'époque.
Mémé avait fait don de ce qu'elle avait pu et les institutrices lavaient. Il faisait très chaud. Le
soir, les gens s'arrêtaient de part et d'autre du trottoir, il fallait avoir fait ses provisions avant, rien
ne restait aux étalages. Quand je dormais à SAINT ELOY, les jours de congé, la fenêtre de ma
chambre donnant sur la rue, j'entendais les gens ronfler.
Mais peu se sont arrêtés définitivement, en général ils essayaient d'aller davantage dans le sud, à la campagne, à
moins que d'avoir des amis ou de la proche famille. En cours de route, avant SAINT ELOY, ils avaient été souvent
bombardés, la route prise en enfilade par les avions. C'est d'ailleurs ainsi que monsieur CLAVEL, tout jeune homme,
a failli perdre une jambe.
La Résistance
La première manifestation de résistance pour moi fut au début de la vraie guerre, c'est à dire à
partir de juin 1940. J'entendis dans une librairie, une parisienne, née à SAINT ELOY, son père
fut secrétaire de mairie actif et socialiste actif monsieur FABIOT, sa fille donc dire: « Tant qu'à
être tuée par une bombe, j'aimerais mieux qu'elle soit anglaise qu'allemande », Ce qui me fit
réfléchir, on était si mal renseignés par les journaux qui n'en pouvaient.
Or le téléphone arabe circulait quand même, et ce fut une voisine, Madame GRAVIER veuve,
assez intelligente et au courant, qui apprit à mémé l'existence des camps de concentration et
ma directrice à MONTJOIE, Mademoiselle PEY NOT qui me raconta comment son cousin, dans
la police à CLERMONT FERRAND, développait des photos, dans les caves mêmes de la police,
bien cachées, pour le compte de la Résistance. Et puis Claude, avec Pierre et leurs enfants
allaient de RIOM à CERILLY régulièrement et en revenant passaient par SAINT ELOY pour voir
mémé.
Claude s'astreignait à être très « famille» et, sachant mémé un peu sourde, lui parlait très fort,
ce qui faisait un peu tourner la tête de mémé. Et elle nous faisait ses confidences de résistante,
. ajoutant toujours que ce qui lui faisait peur, c'était d'être torturée, par le supplice de la baignoire
et celui de la lampe se balançant tout près des yeux.
Les Maquis
J'ai connu par la suite l'existence d'un maquis de F.T.P., communiste, près de MONTJOIE, dont
faisaient partie les frères VILLET ; j'avais sa fille dans ma classe et elle m'apportait des cordons
de parachute, le premier Nylon que j'ai vue. Il y avait d'autres maquis dans les environs de
SAINT ELOY, tous ravitaillé et protégés par la population.
L'enterrement du maquisard
Un jour, une voiture de résistants rencontra une colonne d'allemands: manque de sang froid en
essayant de se sauver, ils laissèrent l'un d'eux mort sur place. Ma directrice Mademoiselle
VEYNOT reçut ses papiers à garder en attendant de les rendre aux parents. Et le lendemain eut
lieu l'inhumation au cimetière de SAINT ELOY: grande foule, parfaitement inconsciente, élèves
des cours complémentaires, etc.
Bien sûr, les allemands sont arrivés, grande débandade, une jeune institutrice du cours
complémentaire en voulant sauter le mur de clôture se fit une magnifique entorse. Mais je pense
que les Allemands voulaient simplement montrer leur force à la population, il n'y eut pas de tués
ce jour-là. Mais les Allemands entrèrent à l'école du bourg toute proche et passèrent les fusils
sous les tables, comme si des Résistants pouvaient s'y cacher!
C'était surtout une mise en garde aux habitants de SAINT ELOY, qu'ils savaient pro-résistants.
D'ailleurs, dès la fin de la guerre, quand on peut compulser à VICHY les archives allemandes:
une grande carte très explicite indiquait tous les environs de SAINT ELOY en rouge. Quoi qu'on
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"
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....
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veuille actuellement en 1998 prouver que les Français dans l'ensemble ont été plutôt
collaborateurs; c'est méconnaître la FRANCE de l'époque.
Évidemment personne ne voulait se suicider, il s'agissait de tenir en courbant l'échine
apparemment, heureusement tout le monde n'a pas fait partie activement de la Résistance,
sinon il n'y aurait plus de Français.
L'enlèvement des gendarmes
Le laborantin de Louis BALAGAYRIE, le « potard» comme on disait, laissa la pharmacie et alla
chef du M.U.R. dans les environs: ce fut lui qui claironna à SAINT ELOY à la libération. Mais il
avait commis bien des imprudences. Ils avaient eu une excellente idée: prendre les gendarmes
au nid, les embarquer, je les ai vus, dans une camionnette Oe crois bien qu'ils avaient leurs
fusils !) et les planquer pas très loin, avec leur accord bien sûr, sauf le plus âgé qui ne voulait
pas quitter sa femme, et qu'on embarqua de force.
Quant à leurs femmes et à leurs enfants, elles n'allèrent pas bien loin: dans la maison d'en
face, chez GRAVIER. Tout le monde était à l'abri des allemands, et tous les voisins complices.
Mémé ouvrit la porte du fond du jardin, habituellement fermée à clef, et tes gendarmes, par les
petites rues de la cité et les jardins, pouvaient tranquillement la nuit venir voir leurs femmes et
sans doute leur apporter du ravitaillement.
Les voisins JAMBRUN avaient loué à un couple de juifs, je n'ai jamais su qui, ce devait être des
intellectuels connus, un appartement qui avait deux issues possibles, les juifs avaient planqué
leur propre fils ailleurs. Tous les voisins furent discrets, même pas un bonjour. Puis ils partirent,
on m'a dit qu'ils avaient été exécutés par la suite; ils étaient attendrissants; dans la rue, ils
restaient serrés l'un contre l'autre, devinant ce qui les attendait.
Le café 5ANTARELLI
Le café, contre l'école, appartenait à Monsieur SANTARELLI, un corse marié à une auvergnate.
Ils avaient aussi la cabine téléphonique et une très grande salle de bal, cinéma, etc.
Au-dessus était une chambre indépendante, avec un escalier extérieur.
Quand un chef de la Résistance venait, il dormait là. Monsieur SANTARELLI était le type même
du résistant modeste. Et une nuit, Jean MOULIN, qui faisait alors, envoyé par De GAULLE, la
tournée des divers groupes pour les réunir, dormit là. Mais il était pisté, il put partir, mais
monsieur SANTARELLI fut arrêté, torturé, il ne dit rien. Quand, après la libération, son corps fut
retrouvé, il lui manquait tous les ongles des doigts, et le bout des doigts. Voilà un vrai héros, il a
ainsi sauvé beaucoup de vies, je ne suis pas sûre qu'il soit honoré comme il conviendrait à
MONTJOIE. Surtout quand on sait combien Jean MOULIN - ou plutôt sa mémoire - fut démolie
plus tard.
Les Collabos ...
Mais des collabos, dans la région, on pouvait les compter sur les doigts d'une main: à
MONTAIGUT un notaire d'extrême droite, à SAINT ELOY un commerçant qui s'en tira de
justesse; SIMONE a connu son fils qui est allé aux USA; un Égyptien, conducteur d'autobus,
qu'une inspectrice maria de force avec une institutrice enceinte.
Enfin à la libération, les résistants du coin dont « Le potard de Louis» (Henry DURON)
trouvèrent à grand peine quatre personnes, un homme et trois femmes, dont ils rasèrent les
cheveux. C'était le rituel. Je ne les connaissais pas. Ils leur firent faire à pied le tour de SAINT
ELOY, à partir de la gendarmerie qu'ils occupaient, et j'en fus malade, car c'étaient vraiment les
lampistes.
Le notaire et l'Égyptien furent exécutés, ce qui était la meilleure chose qui puisse arriver à
l'institutrice de ma promotion, qui s'appelle encore EL LABAN, et a pu élever sa fille en paix par
la suite. Elle était née Denise LEVADOUX et nous étions voisines de chambre à l'éducation
nationale.
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Une histoire de MONTJOIE:
Un couple de juifs, vraiment juifs, s'y étaient réfugiés, avec deux petites filles, dont l'aînée était
dans ma classe. La loi de PETAIN exigeait que la directrice fît la déclaration en détail de ses
élèves, signalant les juifs, ce qu'elle ne signala pas - ce qui était dangereux.
Un jour, l'inspecteur primaire vint inspecter ses huit instituteurs-trices, ce qui prenait la journée, il
mangeait au restaurant du coin. Eh bien! le père juif n'a rien trouvé de mieux que de venir se
plaindre à l'inspecteur! De quoi, je ne sais ... Par chance, notre inspecteur était anti-allemand.
D'ailleurs, ce juif fut arrêté quand même, il s'était fait remarquer au lieu de se faire tout petit, et
on n'a jamais eu de ses nouvelles. Femme et filles ont survécu à MONTJOIE.
L'école à MONTJOIE
Les inspecteurs d'Académie :
Parlons maintenant des inspecteurs primaires de la circonscription de RIOM dont MONTJOIE et
SAINT ELOY faisaient partie.
Le premier que j'ai connu était Jean VIDAL, apparence placide, dès 1937 jusqu'en 1940 ou
1941, (c'est l'inspecteur au juif). C'est lui qui me fit passer mon dernier examen sur place: « le
certificat d'aptitude pédagogique », avec deux directrices d'école. Cet examen avait cela
d'intéressant qu'il permettait d'être titularisé, je le fus donc au 1er janvier 1938 et nommée à titre
définitif. Monsieur VIDAL était homme de gauche, libre-penseur et peut être franc-maçon. Il
partit et se cacha pendant la guerre, sans cartes d'alimentation, sans argent, je sais qu'il fut aidé
par des instituteurs, on évitait d'en parler, et la première fois que je le revis était à l'inhumation
de Pierre VIRLOGEUX.
Ensuite ce fut, je crois, monsieur GERMONTY, puis un inspecteur juif, arrivé avec sa femme
sans rien, tout heureux qu'on lui offre ... une lessiveuse. Il dut partir aussi et se cacher, tout
comme Monsieur BARUCH à cause de son nom juif.
La Vichyssoise
Enfin arriva mademoiselle Madeleine CORNU, plus vichyssoise que les plus vichyssois, elle
avait été professeur d'histoire dans une école normale de garçons, qui l'avaient vue partir avec
le plus grand plaisir, le type même de la « tête à claques ». Elle vint, je peux dire quand: le
vendredi matin 15 mai 1942, et nous inspecta tous les huit, j'ai sous le nez son compte-rendu de
mon inspection. Oh la rosse!
C'est elle, la prétentieuse, qui, m'ordonnant d'envoyer les gosses en récréation, dit qu'il était
nécessaire qu'elles aillent « s'hématoser» ; on peut dire plus simplement « prendre l'air ». Mot
que je n'ai entendu que d'elle.
Je lis dans le compte rendu: participation aux oeuvres de propagande et de rénovation
nationales (CM des 25 septembre et 13 octobre 1941). Participation aux œuvres de propagande
(CM de 41) éducation de la loyauté: code d'honneur, ligue de loyauté. Un point c'est tout. Je ne
sais si cela voulait signifier que j'avais participé. À quoi donc? Ou si c'était une invitation à le
faire; ou si c'était pour tromper son propre chef pour montrer la valeur de son action.
Tenue de la classe etc: ordre et discipline. Éducation morale, civique et patriotique. Mêmes
remarques que tout à l'heure.
Activités etc ...
Dessin: illustration des C3 (centres d'intérêt) passable.
Travaux manuels: passable.
Alors là, elle exagérait; elle n'en avait strictement rien vu, nous n'en avions pas parlé.
Ce sont les deux seuls passable de ma carrière et que je n'ai pas encore digérés.
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Quant à la note qu'elle a pu me donner, je l'ignorerai toujours; elle était devenue confidentielle
sous Vichy.
Le ravitaillement en 1939 - 1945
ANY avait laissé SIMONE à SAINT ELOY pensant qu'elle y serait plus à l'abri, mais elle venait
la voir aussi souvent que possible, et après l'offensive allemande du 10 mai 1940 et
l'envahissement de la moitié de la FRANCE, il lui fallait un « aussweiss » qu'elle se débrouillait
pour obtenir.
Ainsi, elle arrivait avec des gâteries ou des vêtements pour SIMONE, suivant ce qu'elle arrivait à
se procurer. Ainsi vint-elle une fois avec une belle paire de chaussures de cuir blanche trop
grandes. Mémé les garda pour l'été suivant; elles étaient alors trop petites! et SIMONE ne les
porta jamais! ANNY les remporta pour faire un échange.
Une autre fois, elle vint avec une boîte ronde, de paille tressée et brodée remplie de chocolats;
pour avoir les chocolats, elle avait dû prendre aussi la boîte. Les chocolats étaient au beurre.
Mémé les économisa pour SIMONE, si bien qu'au moment de les déguster, ils étaient moisis et
immangeables. Mémé furieuse contre elle-même bien sûr, garda au moins la boîte pendant des
années.
Au début de la guerre, mémé prévoyant la pénurie, voulut me faire acheter des torchons pour
moi. A la « Grande Maison» près de la place de l'Hôtel de ville, on en vendait encore, mais pas
plus de deux à la fois.
Elle y alla, j'y allai, une amie institutrice y alla, nous y sommes retournées, et finalement je me
trouvai avec quantité de torchons, marqués M.L. soigneusement par mémé, et qui existent
encore en partie dans les placards de CHAUFFOUR.
On achetait, je ne sais plus quoi chez le coiffeur du quartier et j'allais régulièrement chez un
bazar de MONT"AIGUT, tenu par une femme âgée mais débrouillarde. On y trouvait de tout.
Entre autres pour moi douze verres à apéritif, pas un de plus, qui sont encore vivant au salon,
un seul cassé!
J'y ai aussi acheté les écheveaux de laine de couleur moutarde, douce et chaude et j'ai tricoté à
SIMONE une robe de laine et un gilet; la forme et le point employés étaient bien, mais la
couleur! Mémé fit cependant avec le bas de robe devenue trop petite un genre de jupon avec
un haut de tissu; SIMONE n'avait pas froid! Il n'empêche qu'on a parlé longtemps de la laine
moutarde, quoique douce!
En face de chez mémé était un café, sa patronne madame TRONCHERE, dont le mari était
prisonnier en Allemagne, trafiquait pas mal en se donnant beaucoup de peine d'ailleurs, et
n'avait pas peur de « payer de sa personne! » Elle nous avait trouvé de la laine brute, qu'elle a
fait carder dans un atelier le long de la SIOULE, dans un coin bien caché, propice au marché
noir, et j'ai pu tricoter chaussettes, gilets, moufles, même des gants pour mémé, qu'elle n'a pas
voulu porter, ils étaient plus écrus que blancs, et que TITENE a pris.
La recette du savon:
Toujours madame TRONCHERE nous a donné une formule pour faire du savon:
Fabrication de savon
• 1 litre de soude caustique
• 8 livres (c.à.d. 4 kg) de graisse
• 13 litres d'eau
• si possible sève de pin, base de térébenthine et sacrifier une bassine étamée. Car après
avoir servi trois ou quatre fois, elle était rongée et trouée!
Nous n'avons jamais trouvé de térébenthine, mais le boucher nous vendait la graisse de bœuf,
le marchand de couleurs - peintre voisin - (monsieur JAMBRUN, je crois) nous vendait la soude
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caustique quand il en avait. Avec mémé, on touillait cela dans la bassine chauffée, cela ne
sentait pas très bon, il ne fallait pas toucher avec les doigts. Une fois en pâte, on versait dans
une espèce de moule en bois comme un gros et long cake, on laissait sécher dans la cuisine
au-dessus du placard, on coupait en cubes et on laissait encore sécher. On obtenait un cube
racorni, on pouvait laver le gros linge avec, le savon ne moussait pas beaucoup, mais mémé et
moi en étions très fières, d'autant plus que fort néophytes!
Comme il y a eu très tôt des tickets de ravitaillement, il fallait bien s'organiser. Et mémé
parcourut la campagne, en promenant SIMONE et trouva une brave paysanne de
connaissance, chez PAUNET, où elle allait régulièrement, puis elle y envoya la petite bonne
HELENE avec SIMONE, ce qui faisait une grande promenade. SIMONE était ravie, la paysanne
lui donnait toujours quelque chose de bon à manger: fruit ou bonbon.
Et un jour où elles traversaient un champ pour raccourcir le chemin, elles furent chargées par un
taureau; jamais n'avaient couru si vite HELENE, SIMONE, le beurre et les fromages.
Les Polonais de MONTJOIE
Quant à moi, je trouvais du ravitaillement à MONTJOIE, peuplé de polonais. Les n'avaient pas
été requis pour la guerre, il n'y avait pas de prisonniers polonais, mais ils étaient requis dans la
mine.
Et comme ils étaient travailleurs et forts, après leur journée de mineur, ils allaient travailler dans
les campagnes environnantes, pour remplacer les paysans, qui eux étaient prisonniers. Et ils en
rapportaient entre autres, en bons polonais, des quartiers de cochons. C'est ainsi qu'une de
leurs filles une élève à moi m'en rapportait à un prix fort raisonnable.
Mais voilà; elle avait une plus jeune sœur qui normalement, à la rentrée suivante aurait dû
passer dans ma classe, mais que l'institutrice du cours en dessous, voulait faire redoubler. Par
élève interposée, le père me fait dire que si je prenais sa fille dans ma classe, il continuerait à
me fournir en porc.
Bien sûr, pas question de me laisser acheter à ce point; et voilà comment nous n'eûmes plus de
porc que celui des tickets!
La polonaise
Il faut dire que MONTJOIE était une cité dite « de polonais », qui n'étaient donc pas partis au
début de la guerre, pas de prisonniers, pas de résistants, mais sûrement parmi eux quelque « Se
colonne» comme on disait, c'est-à-dire quelques espions, difficile de distinguer entre allemands
et polonais-allemands, ceux qui venaient de l'Ouest de la Pologne.
Il y avait à SAINT ELOY une femme, certainement allemande, qui avait été recrutée par les
compagnies minières pour donner des cours de polonais aux enfants d'école primaire, d'ailleurs
dans les locaux d'école.
Cette femme était l'antipathie faite femme, des yeux d'acier, très style WEHRMARCH
(orthographe incertaine). Et l'on disait qu'elle était la maîtresse du directeur, célibataire, de la
vieille mine, monsieur IPOUSTEGUY. Elle était tout à fait capable de s'immiscer aux points
névralgiques, mais tout cela n'est peut-être que on-dit, elle faisait trop parfaite espionne. Et je ne
sais ce qu'elle est devenue, ni si elle a été inquiétée.
Donc Simone vit, tout bébé, chez mémé à SAINT ELOY, et je vais les voir deux fois par
semaine. Claude avait prêté la grande bercelonnette que j'avais garnie avec amour. Mais je
n'avais pas ôté tout autour de l'osier le bord molletonné qui y était, je l'avais simplement
recouvert.
Le boucher du quartier à SAINT ELOY
Par contre, le boucher du quartier à SAINT ELOY ravitaillait bien ses clients. Il payait les
amendes si nécessaire et continuait; il avait comme clientes les femmes des gendarmes! Mais
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il fallait entrer par la cuisine et le rideau de fer du magasin était baissé. Mémé connaissait
particulièrement bien le chemin de la cuisine du boucher et madame BALAGAYRIE
certainement aussi!
Le vélo de COMMENTRY
Lorsque Jean MIALLE était venu voir sa fille et sa femme lors de la naissance, il était allé à
COMMENTRY où il connaissait entre autres un marchand de bicyclettes. J'en avais ainsi acheté
une très solide, faite de bric et de broc, et pas chère.
Je n'étais pas très « argentée », pas question d'auto, naturellement: pas d'argent et pas
d'essence. Le vélo a fait merveille pendant la guerre. Je m'étais moi-même mise en chasse de
ravitaillement. Je connaissais une amie institutrice qui connaissait un jeune homme, prisonnier
de guerre, qui connaissait ... Non, mais avait des parents agriculteurs près de la BOULE. Enfin,
avec mon vélo, j'ai pu joindre ces agriculteurs. Et ainsi pendant toute la guerre, je partais de
MONTJOIE le jeudi, je faisais du cross en portant mon vélo, traversais la BOUBLE sur un pont
de bois inénarrable, grimpais la colline en face et là en haut, je monte sur le vélo, roule quelques
kilomètres.
J'arrive à la BOULE, je m'engage dans un chemin plein de boue même l'été. Je roule dans la
boue en priant pour ne pas être obligée de mettre pied-à-terre. J'arrive à la ferme. Là je
commence par offrir quatre litres de vin et plusieurs paquets de cigarettes, ma ration de tickets
et celle de mémé et j'achète à prix à peu près normal beurre, œufs, etc.
Et je repars dans ma boue. A la BOULE, je rejoins la route nationale N 143 qui me mène tout
droit chez mémé. Tout droit, façon de parler; une belle descente et pas mal de virages. Le tout
existe encore entre la BOULE et SAINT ELOY. Pas mal, aussi de bicyclistes tués.
Et, un jour où je descendais plutôt vite, me voilà prise dans une mer de gravillons, déposés là
gentiment par les ponts et chaussées sans avertissement, au moins dix centimètres de haut sur
toute la route.
J'en ai voulu à l'ingénieur qui était notre voisin. J'ai lâché les pédales, j'ai continué, freinée par le
gravier, je ne suis pas tombée; pas d'auto en vue, j'ai continué doucement et repris les pédales,
j'ai eu des réflexes et de la chance. Mémé n'a jamais su.
J'avais tout de même failli me tuer dans un double virage, parce qu'un ingénieur sot, quoique
très prétentieux, avait omis de poser le moindre panneau.
C'était lui, voisin à nous, qui ayant des poules dans un poulailler les tirait à la carabine pour les
manger! Pan! on entendait.
Les premiers Américains
Quelquefois des colonnes de soldats allemands passaient sur cette W 143, de MONTLUÇON à
CLERMONT en passant par RIOM. J'en ai vu dans SAINT ELOY, je faisais semblant de
regarder une vitrine et je les voyais ainsi en leur tournant le dos.
Mais les premiers Américains que j'ai vus étaient dans cette descente de la BOULE. J'ai cru tout
d'abord que c'étaient des Allemands, mais leurs voitures jaunes ramassées m'ont suffoquée.
J'ai arrêté le vélo, et vu toute la colonne défiler devant moi. Je n'oublierai jamais, ce
soulagement !
Les tickets
Les tickets de ravitaillement n'étaient pas les mêmes suivant âge et emploi. Les mineurs étaient
travailleurs de force, plutôt chouchoutés et les jeunes: bébés, J1, J2, J3. D'où le titre d'une
pièce de théâtre. Les J3 donc Simone avait droit à de la farine genre BLEDINE chez le
pharmacien pour bouillies de bébé.
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On savait que la phosphatine FALLIERES contenait le plus de sucre et de cacao. Mémé en
achetait donc chez Louis BALAGAYRIE, et confectionnait avec des petits gâteaux secs
délicieux. Simone aimait cela.
Enfin à la pâtisserie PAILLERET face à la mairie, il y avait des bonbons naturels au sucre de
raisin. Je n'en aimais pas tellement le goût, mais ils étaient pour Simone, et sans produits
chimiques.
Le jardinage
À MONTJOIE, j'avais un jardin, dont je ne m'occupais pas avant-guerre, mais pendant la guerre,
suivant les conseils de mémé, je l'ai cultivé. Et je n'étais pas peu fière de ramener à mémé de
grands sacs de toile - qu'on appelait des « boges » pleins de petits pois, mais oui; avec mémé,
on écossait, on mettait dans de simples bouteilles, on fermait bien, on mettait dans la lessiveuse
avec de linges autour, et à nous les conserves l'hiver.
De même, si tante Marguerite et oncle Auguste de RIOM nous envoyaient des fruits, par
l'autobus journalier, ou si des voisins nous donnaient de leurs poires, on les coupait menu, hop!
dans les bouteilles et dans la lessiveuse
De même, des haricots verts, mais il fallait bien les ranger, parfois on utilisait nos quelques
bocaux.
Mémé avait acheté un lapin pour manger; c'était une lapine qui avait des « espérances »,
comme on disait pour les femmes enceintes, et au bout de quelque temps, on se retrouva avec
toute une famille, dont un petit noir, des petits lapinos bien mignons, que nous prenions dans
nos bras - t'en souviens-tu Simone? Ce qui ne nous a pas empêchées de les manger par la
suite!
Mais il fallait les nourrir, gros problème! Le jardin de mémé n'était pas grand, et nous mangions
les légumes. Aussi, Hélène, la bonne, emmenait Simone en promenade « sur le carreau de la
mine », c'est-à-dire sur les grands terrains qui la jouxtaient, et où on pouvait tout cueillir
librement, et là, Hélène ramassait des feuilles de « pas d'âne », ce tussilage dont les lapins sont
friands. Moi-même, sur mon vélo, revenant de MONTJOIE, j'en avais repéré de beaux pieds.
En allant à SAINT ELOY, j'en cueillais dans une « boge » que je remplissais. On m'avait dit qu'il
y avait de beaux châtaigniers dans les bois du QUARTIER entre YOUX et MONTAIGUT. En
automne, j'y suis allée plusieurs fois, toujours avec ma « boge » que je remplissais de
châtaignes non décortiquées. Je mettais les « bogues» dans la « boge » et je ramenais le tout
sur mon vélo à SAINT ELOY.
Un jour, dans ces bois du QUARTIER, j'y ai rencontré une institutrice de MONTAIGUT avec son
mari et une charrette à bras, qui ramassaient du bois de chauffage. Mal habillés pour ces
travaux, nous avions vraiment l'air de miséreux. Mais enfin, mémé, Simone et moi, nous n'avons
pas eu faim, nous n'avons pas maigri et Simone était, bébé puis petite fille, fort solide, et toute
ronde.
Nous ne manquions pas d'entretenir le jardin que pépé avait laissé en bon état. Comme engrais,
on mettait. .. la litière des lapins et des poules, on enterrait aussi les plumes! Et on bêchait! Un
jour, le fils d'un gendarme nous vit de la fenêtre de sa mère, et vint bêcher. Il nous devait bien
cela, on faisait passer le gendarme, soi-disant enlevé par les F.F.I., par la porte du jardin.
La torture
Naturellement, comme la plupart des gens, nous avons vécu le temps de la guerre de 39-45
comme une attente, c'est le mot. Les vrais résistants de la famille, les VIRLOGEUX, les
MALFREYT, passaient à SAINT ELOY, nous faisaient quelques confidences, Claude avait peur
de la torture.
Et puis, Claude et Pierre ont été dénoncés, arrêtés, torturés, Pierre s'est suicidé, Claude et Jean
ont été déportés; monsieur MALFREYT et son gendre DELORME, capitaine et commandant,
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voient les attaques meurtrières au MONT MOUCHET dans le CANTAL, se replient sur
CHAUDES-AIGUES (Cantal) et sont tués le 25 juin 1944, au sud de SAINT FLOUR (Cantal).
Cette époque fut tragique et vécue comme telle.
Mon voisin le plus près de l'école à MONTJOI E, Monsieur SANTARELLI est arrêté, torturé et
tué. La gestapo investit, à MONTAIGUT, la maison du maire (et Docteur) André MICHEL. Il s'en
sauvera, mais son beau-frère instituteur, Henri JEUX, voulant se sauver, est tué. Il laisse une
veuve institutrice et une petite fille.
Toutes sortes d'évènements arrivent aussi. ALAPEYROUSE, un train de cochons destinés à
l'Allemagne est intercepté, saboté. Les Anglais bombardent MONTLUÇON et sa gare.
La famille PICOT reçoit des pruneaux dans les chambres, sans tués. Ernest PICOT avait
épousé Odette MICHARD, fille d'Angeline née LAVEDRINE, ma cousine germaine. Ils vivaient à
MONTLUÇON, gros marchands de vin et liqueurs. et avaient leur entreprise près de la gare,
avec une voie de chemin de fer particulière pour eux.
Depuis ce jour, jusqu'à la fin de la guerre, ils vont avec des amis dormir tous les soirs à NERIS
LES BAINS, à 5 km de MONTLUÇON, chez la mère Angéline qui y a une pension de famille
pour curistes.
La guerre continue ...
Et puis la guerre continua, de temps en temps
lorsque toute la FRANCE fut envahie. Dans la
réquisitionnés en FRANCE, qui étaient attelés
quel point ce défilé n'était pas pour la galerie;
on voyait passer une colonne d'allemands,
première, il y avait encore des chevaux,
à des affûts de canons! Je me demande jusqu'à
et naturellement les bonnes langues inventaient.
Il y avait à RIOM cent mille allemands cantonnés. Je me demande encore ce qu'ils y auraient
fait! Par contre, un jour, je vais à CLERMONT. Paule vient me chercher à la gare et me fait faire
un grand tour dans CLERMONT pour arriver chez elle.
Et CLERMONT sentait le roussi 1
Les voyageurs à la gare ignoraient tout. Des résistants avaient tué 37 allemands du côté de la
rue des GRAS, en montant à la cathédrale. Réaction immédiate: des maisons voisines brûlées,
des passants ramassés, 180 je crois, tués ou emmenés en ALLEMAGNE, qui n'y étaient pour
rien! Cela s'est passé, je crois plutôt vers la fin de la guerre.
Les Allemands n'ont jamais occupé SAINT ELOY,
ils étaient à RIOM et CLERMONT et MONTLUÇON, mais pas en très grand nombre. Assez pour
que les S.S. y fassent des ravages. Une certaine belle villa, 2 avenue de ROYAT, avait été
réquisitionnée, sans doute les propriétaires juifs en étaient partis, et là avaient lieu les
interrogatoires des résistants ramassés. Les voisins de la villa entendaient tellement crier qu'ils
avaient préféré déménager! Un jour, cependant, un jeune résistant put se sauver et se cacher
dans les vignes environnantes. Il y fut recueilli par des clermontois.
À Montluçon,
des résistants attaquèrent la prison et sauvèrent bien des gens, dont des frères VILLET, neveux
d'un cousin, Sylvain VILLET, par alliance. L'un deux était coiffeur, ils étaient communistes et
résistants F.T.P.F.
Le rôle des vrais communistes du coin:
à MONTJOIE était instituteur un des neveux de ces VILLET. Et dès 1940, lorsque HITLER eut
signé l'accord avec STALINE, les communistes.
entonnèrent les louanges de HITLER, LAVAL et PETAIN. Le symbole de PETAIN était la
francisque, c'est-à-dire l'épée des Francs à double tranchant; de même que celui de HITLER
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était la SVASTIKA, ou croix gammée, symbole religieux de l'Inde. Mais où étaient-ils aller
chercher cela, sous prétexte de grands aryens blonds!
Et cet instituteur VILLET avait dans sa classe, tout autour, en décoration, des dessins de
francisques! Il fallait le faire.
L'attaque de la poste:
Plus tard lorsque HITLER envahira l'U. R. S. S., l'attitude changera bien sûr, et la famille VILLET
se distinguera dans la Résistance de la région de SAINT ELOY. Ils campaient dans les bois
alentour, mais ils avaient besoin d'argent: chaque quinzaine, les mineurs étaient payés et
pendant la guerre, l'argent transitait par la poste. Un jour propice, les F.T.P.F. de SAINT ELOY
ont attaqué la poste,
Alors en face de chez mémé, je les ai vus, ils ont barré hâtivement la rue et sont repartis très
vite, avec l'argent. Je connaissais le chef, qui était de mon âge et du quartier. À cette époque,
les mines n'étaient pas nationalisées. Il y avait à SAINT ELOY deux mines à capitaux distincts:
« la vieille mine », compagnie CHATILLON-COMMENTRY, NEUVES MAISONS (dans l'Est de
la FRANCE)
et les mines de la BOUBLE ou « mines nouvelles », Les mineurs de la famille travaillaient tous à
la vieille mine sauf Sylvain VILLET employé aux mines nouvelles.
Les mineurs et le S.T.O.
Pendant les guerres, celle de 1914 et celle de 1939-1945, les mines du centre de la FRANCE
ont travaillé dare-dare, et à partir du milieu 1940, pour les allemands, je dis dare-dare, mais les
ouvriers n'y mettaient pas un zèle excessif, mais directeurs et ingénieurs étaient bien obligés de
faire tourner, d'ailleurs certains étaient « plutôt» pour PETAIN et les résistants étaient bien
heureux de leur jouer des tours ...
Ils avaient aussi pris à partie certains ingénieurs des mines nouvelles, peu sympathiques
(l'épouse de l'un d'entre eux m'avait reçue un jour dans sa cuisine, debout !) Les mineurs ont
été ainsi relativement protégés, non prisonniers, avec des tickets de ravitaillement de
« travailleurs de force », Évidemment, pas question de S.T.O. pour eux.
C'était le « Service de Travail Obligatoire », auquel surtout les jeunes Français étaient astreints.
Ils devaient aller travailler en ALLEMAGNE. ANY et Jean avaient ainsi vu partir leur valet de
chambre, René, qui dut partir à DRESDE, où il mourut sous un fameux bombardement allié.
C'est ainsi que tous les jeunes de la région de SAINT ELOY, ceux qui ne voulaient ou ne
pouvaient rejoindre les Résistants, s'engageaient dans les mines.
Directeur et ingénieurs ne voulaient pas voir qu'il n'y avait pas beaucoup de rendement avec
eux et les vrais mineurs se moquaient de leurs mains blanches, tout en les protégeant: c'étaient
leurs fils, leurs neveux ou leurs voisins !
Le bombardement de la BOSSE (! ?)
Et SAI NT ELOY ne fut jamais bombardée! Et pourtant! Un certain 14 juillet 1944 une grosse
escadrille de bombardiers passa au-dessus de nos têtes venant en principe d'ITALIE. C'était
surtout la grosse démonstration de force, ils dédaignaient le Sud et le centre de la FRANCE,
mais ceux qui étaient en dessous avaient eu une belle frousse.
Un avion s'est détaché au-dessus des mines de kaolin de la BOSSE; s'ils avaient voulu, ils
pouvaient tout ravager, je crois qu'ils ont bombardé les côtes de la MANCHE.
Ils voulaient être impressionnants; ils ont réussi! Et quel bruit; je l'ai encore dans ma tête, moi
qui n'ai jamais assisté à un bombardement, le passage suffisait.
(Tout cela est parfaitement faux. Mais, je le laisse, j'y ai cru pendant 50 ans! Je vais raconter ce
que j'ai lu et compris il y a peu en 1997.)
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Comme MONTJOIE était un centre de résistance, alors que Jean MOULIN venait d'y passer
une nuit, par bonheur il était déjà reparti, on passa la BOULE sur le petit pont de bois. Les
Allemands, un jeudi où j'étais à SAINT ELOY, investissent l'entrée du bourg, installent les
mitrailleuses devant l'école, vide en ce jour béni du jeudi, et font pan-pan, une personne est
blessée sur le pas de sa porte, bien innocente, (et monsieur SANTARELLI, qui avait accueilli
Jean MOULIN est arrêté, emmené, torturé et tué. J'ai déjà raconté.)
Les Résistants n'ont pas été trouvés.
Le voyage à PARIS:
Entre temps, ANY et Jean étaient venus prendre l'hôtel EDOUARD VI, à MONTPARNASSE,
face à l'ancienne gare. Quelle équipée, en pleine « occupation », D'abord, Any dut obtenir pour
elle même un laissez-passer, arriva à SAINT ELOY où elle resta quelques jours. Comme je
devais les accompagner pour habituer Simone à sa nouvelle vie, nous avons dû aller demander
un laissez-passer pour Simone et pour moi. Quelle affaire: train jusqu'à LAPEYROUSE,
changement, train jusqu'à LA MADELEINE, non je n'oublierai pas, banlieue de MOULIN
occupée par les Allemands.
LA MADELEINE était la « ligne de démarcation» avec Français d'une part et le fameux pont au
milieu, soldats et fonctionnaire allemands à côté mais pas dans les mêmes bureaux: il fallait
aller de l'un à l'autre; quelle pantomime, divin Maréchal PETAIN. On obtint facilement le laissezpasser de Simone, pour moi, pas si facile: ANY a raconté une histoire sans queue ni tête,
comme quoi mémé était très malade, qu'il fallait lui enlever Simone, qu'il fallait que je
l'accompagne: si les occupants avaient réfléchi deux minutes, il était invraisemblable que,
mémé très malade, ses deux filles la plaquent et partent en zone occupée.
Mais nous avons pleuré toutes deux et obtenu nos papiers. Mais il était tard, il fallait attendre le
lendemain matin pour repartir à SAINT ELOY. Pas question d'hôtels: tous étaient pleins, de
gens qui attendaient leurs laissez-passer, certains depuis huit ou quinze jours, dont une femme
bien enceinte. Je ne me souviens pas comment nous avons mangé mais pour dormir!
Heureusement, la CROIX- ROUGE était là, agissante: nous avons reçu un sac de couchage,
ou plutôt un drap de couchage, il faisait très chaud, et nous avons dormi dans un dortoir, auprès
de vieilles femmes, cela a du être l'unique expérience de dortoir de Mamy ! qui ne dormit pas,
son sac sous sa tête! Lever tôt le matin, toilette à la pompe d'eau froide et retour à SAINT
ELOY, quelle équipée pour 60 à 70 Km !
Donc retour à SAINT ELOY, valises mélangées de vêtements à ANY, SIMONE et MICHELLE,
provisions de bouche et embarquement pour PARIS, changements de train à LAPEYROUSE,
MONTLUÇON, VIERZON, zone occupée. Un grand Allemand dégingandé passe pour vérifier
les laissez-passer, les « Austers » si vous préférez, et là ! catastrophe: ANY avait tellement
traîné la patte à SAINT ELOY que son laissez-passer était périmé depuis un jour:
consternation, comment SIMONE et moi pourrions continuer seules? et ANY courir derrière un
papier? en plus nos valises sont mélangées!
Finalement, l'Allemand dégingandé nous laisse passer, c'est-à-dire rester assises dans le train
jusqu'à PARIS AUSTERLITZ. Le train avait du retard, impossible d'obtenir de la CROIX-ROUGE
une voiture pour l'hôtel, tout juste nous eûmes droit à un laissez-circuler après le couvre-feu, et
nous voilà parties à pied, Mamy ayant lié les valises avec une serviette, passée sur l'épaule:
elle en eut des « bleus », et mois je portai Simone toute mignonne et endormie, mais lourde!
Ainsi nous marchions au milieu de la rue, vide, pour bien montrer qu'on avait des papiers en
règle, jusqu'à l'hôtel, c'est-à-dire plus de deux kilomètres parait-il.
Un jour, tout le quartier de MONTPARNASSE fut arrosé de bombes anglaises: il parait que ce
fut par un avion chasseur qui rentrait sans avoir .... pu écouler sa marchandise et l'avait
déversée là ; je ne sais si c'est la vérité-vraie.
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Simone était très appliquée, et envoyait à ses parents à PARIS de magnifiques calligraphies, et
des dessins un peu incompréhensibles, de maison évidemment, sur les cartes réglementaires,
sans enveloppes, avec expéditeur et destinataire, qui seules parvenaient: je me suis toujours
demandée pourquoi le gouvernement de VICHY ne venait pas faire une enquête chez mémé ou
Any et Jean pour correspondance codée! ! !
Et la fin de la guerre arriva enfin. D'abord, la FRANCE fut petit à petit libérée. Mais quels
combats, surtout en NORMANDIE où débarquèrent les Alliés. ANY et Jean avaient, entre
autres, dans l'hôtel, des maquisards qui attendaient la libération de PARIS.
Il avait été entendu avec les Alliés, que PARIS serait délivré par des troupes françaises: Jean,
Any et un chef du maquis montèrent sur le toit de l'hôtel et entendirent le grondement des chars
du Général LECLERC. Ceux ci arrivaient de l'Ouest, par le boulevard MONTPARNASSE
justement, pour s'arrêter à la gare MONTPARNASSE où était le P.C., avec à l'hôtel des chefs
de la Résistance, dont un acteur connu, fils de Franc NOHAIN, frère de Jean NOHAIN, tellement
connu que j'en ai oublié le nom, et pourtant! J'ai trouvé: Claude DAUPHIN.
C'était le 25 août 1944. Les Allemands occupaient PARIS depuis le 14 juin 1940. Débarquement
allié en NORMANDIE: 6 juin 1944, transfert à PARIS du gouvernement d'ALGER: 31 août
1944.
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La résistance à SAINT ELOY et dans la région
par Michèle LAVEDRINE
SAINT ELOY LES MINES, petite ville minière (charbon) du bassin de COMMENTRY comptait à
l'époque quelque 5000 habitants dont beaucoup de réfugiés polonais. Elle est située à la limite
des COMBRAILLES au Nord du département du Puy de Dôme, à 35 Km de MONTLUÇON et
65 Km de CLERMONT-FERRAND.
La région était profondément anti-vichyssoise,
Parce que anti-bourgeoise, la population était formée d'ouvriers ou de petits paysans, plus ou
moins radicaux-socialistes, ou socialistes, très peu de communistes et sans doute quelques
« élites» votant à droite, en catimini, je pense aux ingénieurs, des « Mines-nouvelles»
notamment, P.S.F. : du parti social français de la ROCQUE, qui disparaîtra au début de la
guerre: de la ROCQUE lui-même, sera déporté en ALLEMAGNE.
Après 1940, tout le monde se fait tout petit, tout d'abord, chacun pense ce qu'il veut, mais ne le
dit pas; tout le monde est « en attente », Nous sommes vaincus et occupés, même la zone dite
libre, nous devons supporter.
L'hiver 1940 est dur: chacun s'organise: manger et s'habiller d'abord, c'est-à-dire: travailler
pour pouvoir vivre, faire vivre sa famille, vieux et jeunes; idem pour la famille BALAGAYRIE et
la famille LAVEDRINE.
Puis la résistance, sans majuscule, s'organise: extérieure, à LONDRES par FRENET puis De
GAULLE, qui a beaucoup compris et mal vécu et subi des humiliations: la FRANCE était à
conquérir par les américains qui avaient prévu, après leur victoire, d'y installer un gouvernement
à la solde américaine. Ce sera le mérite de de Gaulle, politique, de déjouer ce plan angloaméricain, tout en acceptant les aides. Les français ordinaires n'ont rien su de tout ça.
La Résistance s'organise:
Tous les « élevages» politiques s'y retrouvent, et s'y combattent. Tout, le contraire, de ce
qu'auraient voulu De GAULLE et Jean MOULIN. Le plus clair ce sera: socialiste contre
communistes manipulés. Aussi, à SAINT-ELOY, (me voilà repartie dans mes vieux dadas
démocrates-chrétiens) comme dans toute la France Ue connais maintenant le LOT, la
CORREZE et un peu TOULOUSE), des centres de résistance opposés vont se former. À
SAINT-ELOY, ils vivaient où, je n'ai jamais voulu le savoir:
Principal groupe: le groupe de gauche modérée, du « Potard de Louis» (ayant oublié son nom,
je suis obligée de l'appeler ainsi) (c'était Henry DURON), qui enleva les gendarmes, en 1944 ; la
gendarmerie restant vide pendant quelques mois ... (sans que rien, aucun vol ou autre, ne se
produise). Quand je vous dis que chacun retenait son souffle!
Un autre groupe, communiste,_avec à sa tête un garçon voisin, de mon âge, simple sinon
simplet, au nord de SAINT-ELOY
Un groupe communiste, au sud, près de MONTJOIE, avec les frères VILLET à la tête. Qu'ont
fait ces 3 groupes à SAINT-ELOY même, à part quelques excentricités cruelles à eux-mêmes, je
ne sais trop. Je ne veux pas extrapoler. Je connaissais l'existence d'un groupe dans les bois de
La BOSSE, dans l'ALLIER, plus ceux de RIOM, modérés, dont ma cousine CLAUDE fille de
MARGUERITE, sœur de tante L1NOU et de ma mère CLEMENTINE et son mari PIERRE
VIRLOGEUX étaient les chefs.
À CLERMONT, au moins le groupe dont faisait partie Monsieur MALFREYT, 2éme mari de ma
tante Louise, veuve d'Etienne MONTJOTIN (guerre de 14-18), frère de L1NOU, rejoindra le
maquis du CANTAL, qui a réuni une bonne part de ceux de l'ALLIER et du PUY DE DOME et
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d'ailleurs, et fut décimé. En tout cas, la région, dans les archives de VICHY, était classée rouge,
c'est-à-dire anti (allemande et vichyssoise).
J'ai d'ailleurs la nette impression que les paysans, neutres et attentifs dans l'ensemble, ont été
agissants et aidant beaucoup la résistance.
Coups « de chien» connus: (peut-être pas dans l'ordre chronologique exact)
A SAINT-ELOY,
une voiture de maquisards circulant sur la RN, rencontre une voiture
d'allemands, prend peur, s'enfuit. Fusillade. Un jeune maquisard venant de l'Allier est tué.
Inconscience totale des éloisiens : obsèques presque nationales. Naturellement les Allemands
sont prévenus (par qui? Peut-être un certain éloisien, marchand de vin) et viennent se
manifester fortement au cimetière. Ils devaient avoir la consigne, faire peur, mais ne tuer
personne, ce qu'ils réussirent. D'où venaient les Allemands? (ou autrichiens, ou alsaciens ou
OUZBEKS), sans doute de MONTLUÇON, ou RIOM, ou CLERMONT-FERRAND. Pas de
troupes allemandes à SAINT-ELOY, où ils ne sont jamais arrêtés.
A MONTAIGUT Commando d'allemands chez le docteur André MICHEL (socialiste). Lui et sa
femme s'en tirent, mais son beau-frère Henry JEUX est tué en voulant se sauver « parderrière» la maison. Instituteur, résistant, il laissait une femme et une fillette qui seront très
aidées par la suite.
AMONTJOIE Devant l'école de filles! Un jeudi où j'étais à SAINT ELOY 25 rue J JAURES. (Je
n'ai rien vu ! Mais on m'a largement raconté !) Les Allemands s'installent là, avec mitrailleuse,
visant non l'école, mais le café SANTARELLI tout proche, pour y cueillir Jean MOULIN, qui y
avait passé la nuit, ayant contacté le maquis communiste de MONTJOIE. Prévenus, les
maquisards ont fait partir Jean MOULIN par la vallée et le fameux petit pont de bois, grimpant
sur la route en face. Cette fois-ci Jean MOULIN était sauvé, mais les Allemands, pour se
dédommager, ont donné de la mitrailleuse qui a blessé au loin un curieux sur le pas de sa porte.
Et ont emmené Monsieur SANTARELLI, un brave homme, corse, qui n'a pas parlé quoique
martyrisé au point d'en mourir.
Dans les gorges de la SIOULE Non loin de MENAT, (L'attaque du Pont de MENAT « réf. Gilles
LEVY A nous Auvergne» ; la vérité sur la Résistance en Auvergne 1940 - 1944 Editions
Presses de la Cité 1981 »); dans ce bouquin, grand nombre de renseignements page 101.
Le 20 novembre 1943, dans une traction-avant pilotée par Louis ROSIER de CLERMONT
FERRAND, PRINCE revient des confins de la CREUSE et regagne le PC des SALLES, sous un
soleil magnifique. Après avoir franchi la vallée de la SIOULE au pont de MENAT, la voiture
monte les lacets de POUZOL, puis aborde la ligne droite de SAINT PARDOUX, au moment où
une voiture allemande immatriculé POL (abréviation de Polizei (police allemande) les croise à
60 km/ho
Quelques mots échangés et le souvenir très récent des dernières arrestations incitent PRINCE
et CHEMINANT (tous pseudos pendant la Résistance) à faire demi-tour et à prendre en chasse
la voiture ennemie. Alors qu'il ne se trouve plus qu'à une trentaine de mètres de la voiture
allemande, PRINCE vise la lunette arrière et tire: un commandant et un capitaine sont tués,
CHEMINANT accélère et PRINCE à la portière presque bord à bord avec l'autre voiture tire.
Mais, le voisin du chauffeur allemand en fait autant, le dernier laboure d'une rafale le bras
gauche de PRINCE. Suivi par la voiture allemande, CHEMINANT lance son véhicule dans la
périlleuse descente.
Voici le pont de MENAT: PRINCE qui perd son sang en abondance décide: « Le portail à
gauche... engouffre-toi là-dedans, c'est chez RAFFIN (le Georges RAPHANEL), chef du canton
de MENA T ». Pare-brise percé, banquette inondée de sang, la voiture stoppe et madame
RAPHANEL panse le blessé. Mais Georges, faisant le guet, rentre brusquement: « Les
Allemands arrivent ici... filez derrière, vite ». PRINCE et CHEMINANT gagnent les genêts
derrière la maison.
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Le rescapé allemand, accompagné du blessé, entre dans la pièce pour téléphoner. Mais
comment s'échapper de la souricière que tendent les Allemands, avec l'aide des miliciens et
GMR alertés, dont le PC s'installe chez RAPHANEL, alors que la traction avant abandonnée
derrière la maison constitue la preuve formelle de sa complicité avec les terroristes! J'ignore,
mais de buisson en buisson, PRINCE et CHEMINANT gagnent la SIOULE, qu'ils franchissent
en barque.
Un café ami les recueille et, après quelques instants, la marche épuisante reprend. PRINCE,
allongé dans une carriole sous la paille, fait un dernier effort pour rejoindre le gazogène d'un ami
sûr Jean VILLE-CHENON, chef de la Résistance dans le centre de l'Allier. Celui-ci, dont la
femme Simone s'affaire jour et nuit pour sauver le blessé, va chercher à MONTLUÇON le
docteur chirurgien CHAUMET. Ce dernier, par son dévouement et ses soins, permettra à
PRINCE de rejoindre en compagnie de Georges SIMON (Titin, Jojo) le Corps Franc dès le début
de 1944.
À 17 heures, le chef de bataillon OZIOL, commandant le détachement de liaison CLERMONT
FER-RAND, rend compte de « l'agression» au cabinet du général BRIDOUX à VICHY. Il
précise: « un capitaine allemand tué, un conseiller supérieur allemand tué, un chauffeur
grièvement blessé. Stop. Envoi immédiat forces de police pour procéder à opération. Fin », La
suite, je l'ignore.
Cet épisode annonce une évolution chez les résistants du maquis. Désormais, ils vont franchir le
cap qui permet de doubler l'action clandestine pour arriver à l'action ouverte « C'est l'escalade
de la violence» fin P. 102. (LEVY. À nous, Auvergne).
Le 14 juillet 1944
(Que je fasse un mea culpa, après 54 ans d'erreur 1Et quelle erreur 1)
J'ai raconté ces avions qui envahissaient le ciel de SAINT ELOY l'après midi, je crois, le jour du
14 juillet 1944. Et ce bruit que je n'oublierai jamais. Clémentine, ma mère, et moi regardions cela
par la fenêtre de la cuisine, d'où l'on a une vue très étendue.
Nous pensions, horrifiées que c'étaient des Allemands faisant une démonstration, les
commentaires allaient leur train ... On n'a vu d'ailleurs, tout gris, que les gros-porteurs, pas les
avions de chasse, qui les accompagnaient, je sais maintenant. Youpi !
C'étaient des avions ... américains!! qui venaient de faire d'énormes largages, en tout 96
forteresses volantes et 150 chasseurs « Mustang» sur tous les points possibles de FRANCE du
sud: a LOUBRESSAC, par exemple, non loin de CHAUFFOUR, où était un très grand point
d'atterrissage important sur le CAUSSE. De la relation que j'en avais déjà lue, je n'avais pas fait
le rapprochement.
Quelle bête, j'ai été! Il m'a fallu lire la même relation dans un coin du PUY DE DOME pour
comprendre. Les alliés ont lâché des tas de containers, une fois de plus, mais bien visibles,
contenant armes, munitions, armes lourdes, cigarettes, douceurs et... argent français, par
millions (anciens) avec un drapeau tricolore à chaque container, flottant en l'air avant
l'atterrissage, qui ont enthousiasmé les maquisards, mais aussi les paysans, venus avec tous
leurs moyens de locomotion possibles, mêmes tombereaux avec vaches, afin de tout récupérer
et emporter le plus vite possible et ranger dans granges, étables, ruines etc. Bien joué de la part
des américains et des Anglais - ceux-ci souvent sur place déjà
Et l'avion que j'avais vu se détacher à ma grande frayeur, mon Dieu, où allait-il bombarder?
Rien du tout, il allait ravitailler le maquis des bois de la BOSSE, le maquis des COLETTES !
Entre parenthèses, ils avaient bien dû faire aussi leur étalage au-dessus de CLERMONT. Et les
avions de la LUTWAFFE basés à AULNAT?
Ils étaient, ou réduits en petite ferraille, ou sur le front russe. Comme quoi, à se croire malin, on
n'est que bête, et ignorant. Personne, à SAINT ELOY ne m'a détrompée! ! ! Je n'en oublierai
pas moins jamais ce bruit grave, que je trouvais sinistre alors; et ces gros avions gris.
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Le milliard de la banque de France
Je me suis longtemps demandée, comment il pouvait y avoir autant d'argent français, pas faux
pourtant, dans les largages des alliés: le 9/02/1944, le commissaire militaire ROUGIER et 9
personnes attaquent un wagon en gare de CLERMONT, contenant environ 17 milliards (AF)
provenant de la fabrication de billets de CHAMALIERES ! Le butin, chargé dans une
camionnette RENAULT, se monte exactement à 1 003008540 Frs ! !
La police en retrouve 35 107 000 Frs, le reste va sans doute en Angleterre!
L'armée « terroriste» du centre
La R 6 dans LE PUY DE DOME ; la R 5 en CORREZE, etc. L'armée « terroriste» du centre est
évaluée à 50 000 personnes.
Formations du territoire: protections, en zones résistantes:
à MONTAIGUT: zone 13. Commandant PROUST (Lavenue) avec 2 compagnies.
MONTLUÇON: compagnie VILLECHENON. La R 6 évalue le maquis ALLIER PUY DE DOME à
3 500 hommes.
Dans le PUY DE DOME : PONGIBAUD 400 ;SAUXILLANGES 250 ;AMBERT 600 ;THIERS
150; GRAT 100 ;LAPEYROUSE 150; SAINT GERVAIS, SAINTE CHRISTINE 300; RIOM,
AIGUEPERSE 300. Dans l'ALLIER: LIVRAIS 150 ; EYGURANDE 150; BESSON 150;
VALLON 150; CERILLY 150; DENEUILLE 150; CHAZENAIS 300.
Conclusions:
1) Vichy L'hôtel du Parc; les allemands « enlèvent» Pétain le 20 août 1944.
2) La place du « R 6 » a été importante au sein d'une Résistance française, au sujet de laquelle
le général EISENHOWER reconnaissait qu'elle avait représenté l'efficacité de 15 divisions!
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La fête pétainiste à SAINT ELOY
Un épisode plutôt amusant, mais très minable, « Maréchal nous voilà» à SAINT ELOY:
Par commandement de Melle CARNU, divine inspectrice primaire Vichyssoise, nous avons dû
aller, sans échappatoire à une fête organisée à SAINT ELOY pour les scolaires, propagande
vichyssoise s'il en est.
Toutes nos élèves, et nous-mêmes, même le cours préparatoire, avons dû y aller, à pied bien
sûr, au moins 5 kms A-R, beaucoup pour les petites jambes.
Encore faisait-il très beau.
Entassées dans je ne sais plus quel local, peut-être une tente, toutes les classes du canton
étaient là, y compris et surtout les cours complémentaires. Je n'ai jamais vu spectacle aussi
minable.
L'organisatrice était une femme entre deux âges, qui se voulait coquette. Elle avait des bas!
Mais comme elle avait des chaussures très « été », elle avait carrément coupé le bout du pied
de ses bas! C'était très drôle, et nous riions beaucoup sous cape.
D'autant plus que, sachant PETAIN, quoique âgé, très vert et aimant beaucoup les femmes, on
en déduisait, en riant, qu'elle pouvait être sa maîtresse.
Naturellement les bas et le spectacle n'étaient qu'une mise en scène, sans jeu de mots.
Regardez comme nous souffrons, mais nous représentons l'honneur de la FRANCE dixit
PETAIN.
Le spectacle lui-même, sur quelques tréteaux, était absolument minable. Et la propagande
vichyssoise y puait.
Trois jeunes gens, genre scouts, représentaient « la jeune FRANCE », voir Milice, jeunes du S.
T. O., etc. Il devait y avoir une ou deux quelconques jeunes filles, j'ai oublié le jeu. Paroles
grandiloquentes (alors qu'on était bel et bien sous le joug allemand) et surtout chants
patriotiques, ou dits tels. Évidemment, la chanson « Maréchal nous voilà» qui remplaçait la
Marseillaise.
À MONTJOIE, maîtres et élèves l'ignoraient; heureusement, si on peut dire, les élèves des
cours complémentaires avaient dû l'apprendre, et faisaient le fonds du chant de l'auditoire. Moi,
j'étais bouche bée, parce que je l'entendais vraiment, et parce que des élèves la savaient. Par la
suite, la TSF la serinait tant que je l'ai su :
Maréchal, nous voilà, devant toi le sauveur de la France,
Maréchal, nous voilà, tu nous as redonné l'espérance
, La patrie reneître, Maréchal, Maréchal, nous voilà»
Plus des couplets ....
Il faut souligner que" l'éducation constituait la grande obsession du " Maréchal ", qui s'en
préoccupait au point d'avoir souhaité en 1934 être en même temps ministre de l'Éducation
nationale et de la Guerre. Sa politique scolaire, y compris dans sa dimension d'éviction des juifs
et des francs-maçons, ne devait rien à une pression des Allemands ......
....
'
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-,-.",-
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Le PELETIER D'AUNAY
Curé Doyen de MONTAIGUT.
Montaigut, le 17 septembre 1944
Mes frères,
Le 7 Août dernier, je partais à 6 heures du matin pour aller prendre le train à
LAPEYROUSSE, lorsque, à la sortie de MONTAIGUT, je rencontre un barrage d'Allemands
avec fusils et mitrailleuses; ils m'arrêtent en me retenant dans un pré le long de la route.
Le beau-père d'un des malheureux fusillés d'aujourd'hui se trouvait là aussi, avec sa
voiture et quelques personnes qui allaient également prendre le train: cheval, voitures,
cyclistes, passants, tous furent retenus, et bien gardés, ma foi, pendant plus d'une heure et
demie.
Les soldats allemands nous ont fait croire qu'ils attendaient un convoi qui passerait
bientôt, et qu'ensuite, nous serions libres. Nous étions loin de nous douter du drame qui se
jouait à quelque distance de nous. Effectivement, vers 7 heures 45, on nous dit de rentrer chez
nous, et c'est alors que nous apprîmes l'affreuse tragédie qu'avait accomplie la barbarie nazie.
Vous savez comment Henri JEUX, Instituteur, qui occupait ses loisirs de vacances à
servir les Forces Françaises de l'Intérieur, et dont nous célébrons l'Office de quarantaine
demain à 10 heures, en cette église, a été lâchement assassiné à la place de son beau-frère, le
docteur MICHEL.
Vous savez comment sept personnes, quatre femmes et trois hommes, ont été
emmenés en captivité ce jour-là. Les trois hommes ont été sauvagement martyrisés et fusillés
quelques jours après trente neuf de leurs camarades. Tous ont été victimes de leur devoir.
L'un, Eugène MEUNIER, n'avait pas voulu livrer aux affameurs de Français tout le bétail
qu'il prétendaient exiger, même au prix fort.
Jean CUBlAC avait passé la nuit à accomplir une mission, périlleuse pour la Résistance,
et à peine en avait-il rendu compte, qu'il repartait avec son camarade Raymond DECANNE pour
une autre mission. Ne sachant pas ce qui se passait à MONTAIGUT, insouciant du danger, ils
avaient, paraît-il, un revolver sur eux et ils tombaient malencontreusement sur des Allemands
qui les emmenaient et les massacraient quelques jours après.
Tous les quatre furent donc victimes de la fureur allemande, tout simplement parce qu'ils
avaient accompli leur devoir de français.
Aujourd'hui, nous les honorons comme des braves. Mais, nous prions surtout pour le
salut de leur âme. Puisse leur sacrifice n'avoir pas été vain.
Pour eux, d'abord, puisse dieu leur avoir fait miséricorde et leur avoir accordé dans le
ciel la paix à laquelle ils aspiraient, et qu'ils n'ont pas connue sur la terre.
Puisse leur sacrifice n'avoir pas été vain pour Nous, pour la FRANCE, pour l'Humanité;
et obtenir de Dieu pour les générations futures, une Paix basée sur la Justice, sur la Fraternité
et l'Amour des hommes entre eux.
Paix qui sera comme un avant goût de la Paix éternelle promise aux hommes de bonne
volonté.
Requiem aeternam dona eis, domine.
Seigneur, donnez-leur le repos et la paix éternelle,
AMEN.
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Souvenirs 1939 11945
de René HUGONNIER
Ce que je peux raconter est à l'image de ce que fut la vie quotidienne en cette période où se
mêlaient l'inattendu, le comique, l'anodin et le tragique.
C'est vrai que cinq années, c'est peu, mais ce fut une histoire tellement chargée où se
télescopaient des événements du bout du monde et de la cité voisine, la destruction massive de
villes anglaises ou allemandes et la fusillade de quelques voisins ou inconnus sur la place de la
mairie. Des périodes intenses après de longs mois d'attente....
Du début de la guerre de l'automne 39 au printemps 40, il n'y a pas grand chose à dire. Une
longue attente inquiète, car on ne sait pas ce qui va se passer. On redoute surtout le
bombardement sur les grandes villes.
A LYON, dès le mois d'Avril, les personnes non actives et les personnes âgées sont éloignées
de la ville pour être logées provisoirement dans de petites agglomérations à quelques dizaines
de kilomètres du centre. Ceci ne durera pas longtemps étant donnée la rapidité des événements
qui suivirent.
Donc, l'attente, l'incertitude, mais derrière tout cela une certaine confiance: nous avions la ligne
Maginot qui était imprenable, l'armée française qui était la meilleure Mais les premiers
événements devaient fissurer tout cela: l'invasion de la Pologne, de la Norvège.
Et puis le 10 Mai !..
Le 10 Mai, après coup, m'a terriblement marqué. Je l'ai ressenti comme si, en quelques heures,
notre monde occidental tel que nous l'avions connu, vécu, a commencé à s'effondrer, non pas
d'un coup, mais comme une fissure, qui n'en finit pas en s'élargissant, de détruire
progressivement l'édifice.
Qu'est ce que ce fut pour toi?
Ce matin là, à l'aube, de sourdes explosions. L'aviation allemande bombardait l'aéroport de
BRON à la périphérie de LYON. Les sirènes et la DCA se sont réveillées après coup, lorsque les
escadrilles prenaient déjà le chemin du retour. La guerre qui somnolait depuis le début des
hostilités en septembre 39, cette guerre venait de commencer.
La plupart des aérodromes militaires furent bombardés ce même jour à la même heure. Les
dégâts ne furent pas énormes, mais c'était clair: la guerre était là, les Allemands attaquaient.
Tout alla très vite dès lors. Nos défenses s'écroulèrent dans le flot des mensonges et des
illusions. La plus puissante armée du monde s'effondrait dans le désordre, et le peuple de
FRANCE se mit à fuir en colonnes misérables le long des routes. Nous avions espéré l'arrêt sur
la MARNE comme en 14, puis sur la LOIRE. Mais quand les avant-gardes allemandes furent
signalées au sud de DIJON, nous avons compris que tout était fini.
Qu'est ce que tu as fait alors?
J'avais 19 ans, je n'étais pas encore mobilisé. Début juin, une semaine avant l'arrivée des
troupes allemandes à LYON, des affiches placardées à la hâte appelaient les jeunes de ma
classe à rejoindre la caserne la plus proche. Je me suis donc présenté à la caserne à LYON, où
fort heureusement, après quelques heures, un colonel intelligent nous informa qu'il n'avait pas
les moyens de nous encadrer et aucun équipement à nous fournir. Il nous renvoyait donc" dans
nos foyers. "
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Ceci ne fut pas le cas des gars de la classe précédente, incorporés de la même façon quelques
heures plus tôt et qui malheureusement parqués dans les casernes, furent encerclés par les
Allemands à leur arrivée et emmenés plus tard comme prisonniers de guerre. Les pauvres
n'avaient jamais porté un fusil!
Tu as fait quoi à ce moment là ?
Lorsqu'il est apparu évident que les Allemands allaient arriver, dans une confusion générale,
quelques jeunes de mon âge eurent l'idée de partir vers ce qui pouvait être la voie possible de la
liberté; c'était BORDEAUX où l'on avait appris qu'il y avait des bateaux qui embarquaient sinon
pour l'ANGLETERRE du moins pour le MAROC.
Je suis donc parti avec 2 copains, équipés chacun d'un sac à dos et d'un masque à gaz; (on
avait la hantise de l'attaque par les gaz,) . Nous avons fait ainsi quelques 130 ou 150 kilomètres
en trouvant un accueil très sympathique dans les fermes et maisons où on s'arrêtait; pour finir
par rencontrer les Allemands quelque part dans le Massif Central et passer 3 journées cachés
dans la cave d'un brave charcutier, qui avait trois filles et d'excellents saucissons....
Es-tu rentré à LYON?
Oui, les nouvelles semblaient rassurantes: L'armistice était signé. Le gouvernement invitait les
populations à regagner leur domicile. J'ai deux images de ce retour à LYON.
Après le désordre de la déroute des soldats et des civils, c'est une ville calme que nous
retrouvons. Ce qui frappe c'est l'ordre et la discipline de l'armée allemande et sa correction.
Dans notre mémoire collective, alimentée par la propagande des premiers mois de guerre, nous
avions redouté l'arrivée des soudards germaniques de 1914 qui violent les femmes et égorgent
les enfants ...
Le spectacle qui nous est offert est tout à fait différent et manifestement l'armée a des consignes
très strictes pour donner d'elle la meilleure image. La comparaison avec les dernières photos de
presse de troupes françaises en débandade est terriblement cruelle.
La seconde image est celle que j'ai décrite dans la première partie :des centaines de prisonniers
se rendant docilement à la gare de PERRACHE, sous la garde de quelques soldats allemands,
pour être embarqués pour l'ALLEMAGNE. Ils croyaient la guerre finie et leur retour prochain. Ils
ne reviendront que quatre ans après .... et paieront cher leur inconscience et leur passivité.
Comment s'est passé la suite?
La période de la débâcle fut affreuse pour tous. Elle ne dura qu'un mois, mais fut un terrible
bouleversement de toute la vie du pays.
Ce fut ensuite comme une immense détente. La guerre était finie, pensait on avec une sorte de
soulagement. PETAIN nous avait sauvé d'un plus grand malheur.
La pauvre défense britannique n'allait pas durer longtemps et avec le retour des prisonniers, la
vie allait reprendre (comme avant, pouvaient espérer certains). On devrait accepter quelques
sacrifices, s'entendre avec les Allemands....
C'était une sorte de grande pause, alors qu'on avait redouté le pire. Comme un état de grâce ...
PETAIN, le vainqueur de la MARNE, nous avait sauvés une seconde fois. Nous n'avions pas eu
beaucoup de victimes dans cette guerre éclair. On allait bientôt signer la paix.
Combien de temps a duré cet état de grâce?
Quelque six mois, sans doute, jusqu'à un premier hiver qui s'avéra très rigoureux. Les Anglais
tenaient toujours, les prisonniers ne rentraient pas. Le ravitaillement devenait difficile. Nous
souffrions de la guerre, sans y participer et elle durait, peut-être allait elle durer longtemps?
De grandes ombres se profilaient: la RUSSIE, les ETATS UNIS. Un étonnant général s'agitait à
LONDRES et annonçait que ce n'était qu'une bataille perdue.
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Que faisais tu ?
Comme tout le monde, j'avais repris mon travail, dans la construction électrique. L'inertie du
monde économique faisait que les choses continuaient sur leur lancée. Le seul changement du
quotidien était l'apparition des tickets qui devenaient nécessaires pour acheter des rations de
pain, de matières grasses, de viande, rations qui allaient progressivement diminuer.
J'ai connu deux grandes périodes qui m'ont fait sortir de la vie quotidienne, me mettant en
dehors en quelque sorte des difficultés et des problèmes qu'allaient affronter la population.
Raconte?
Première période, les Chantiers de Jeunesse, Nés d'une initiative heureuse du gouvernement.
Des milliers de jeunes avaient fui le Nord, et l'Est et il n'était pas question pour eux de rentrer
chez eux, sinon pour se faire enrôler dans l'armée allemande.
Il fallait les occuper, ainsi que les classes d'âge de 19 à 21 ans qui auraient du faire leur service
militaire. Dans la zone sud de la FRANCE, coupée en deux, s'installèrent donc, le plus souvent
dans les régions pré-montagneuses et alpestres, des unités de jeunes dans un style mi-scout,
mi-militaire, milieux d'où venait l'encadrement: Groupement de 10 Unités de 100 jeunes en
général, en uniforme type chasseur alpin, sorte d'armée sans arme, mais qui de façon évidente
n'aspirait qu'à se préparer à de futurs combats. Un entraînement physique assez intense, des
activités utiles à la communauté, coupe de bois (pour les boulangeries), fabrication de charbon
de bois, construction de routes; style assez viril, défilés, chants, salut aux couleurs.
J'ai donc fait là mon service légal, 9 mois, inscrit sur mon livret militaire ... Transformé après un
court peloton de quelques semaines en chef d'équipe, équivalent approximatif d'un sergent,
chargé de 20 hommes. J'ai dirigé, aux risques d'une compétence discutable, une équipe de
bucheronnage sur les pentes de CHAMROUSSE, à 1500 mètres d'altitude, puis participé à la
construction de la première route qui allait devenir ce qui est aujourd'hui une de nos belles
stations de ski, proche de Grenoble, et qui manifestement nous doit quelque chose! ...
C'était la vraie montagne, nous avions 20 ans. Des animateurs venaient parfois organiser des
veillées, et nous parler de la FRANCE plus belle que nous allions reconstruire et débarrasser de
la politique et des puissances d'argent. Nous y croyions, et il y avait des étoiles dans le ciel. ..
Et après?
Après, ce fut un changement drastique. Quelques mois après les Chantiers un écroulement
physique en montagne m'amena à un diagnostic sans appel, j'étais tuberculeux.
y avait-il un lien de cause à effet avec les Chantiers de jeunesse?
Certainement. Il Yavait bien eu un cas de tuberculose dans ma famille. Mais plus encore, nous
avions passé deux hivers très rudes à LYON, du point de vue alimentaire. L'hiver suivant en
montagne fut particulièrement froid et enneigé.
Je chaussais du 46 ; au moment de mon incorporation en septembre, on m'avait donné une
bonne paire de brodequins, qui étaient bien à mon pied, mais lorsque vers fin décembre les
brodequins furent usés, on chercha en vain: il n'y avait plus de souliers à ma taille! Et alors que
nous avions plus de deux mètres de neige et qu'on nous livrait le vin gelé dans des sacs, on m'a
rendu mes souliers civils!. ..
J'ai passé la fin de l'hiver en souliers bas des semelles en carton et j'ai donc terminé à l'hôpital
militaire de la TRONCHE en accumulant bronchite sur bronchite et c'est quelques mois après
que je suis entré en sana. Donc ma tuberculose est due sans doute en grande partie à mes
grands pieds et à travers cela aux Chantiers de Jeunesse! ...
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Comment as-tu vécu cela ?
Ce serait trop long à aborder ici. Une plongée en désespoir pendant quelques semaines. Puis
une étape extraordinaire de ma vie. Le silence, la solitude, la montagne, une liberté d'esprit
étonnante. J'étais dans un sana de jeunes de 15 à 30 ans, à HAUTEVI LLE.
C'était quand?
En 1942 - 1943.
Et comment es-tu revenu à la vie normale?
Le plus brutalement du monde et ce fut sans doute excellent. En septembre 43, j'arrivais à la fin
de mon séjour en sana. J'étais en principe" guéri ': c'est-à-dire stabilisé et j'allais rentrer chez
mes parents à LYON.
J'ai pris le train vers 8 h 30 près d'AMBERIEU et j'arrivais à LYON vers 11 heures. Pour moi,
c'était la redécouverte de la ville, de la vie, de la liberté. Cela faisait quelques 13 mois que
j'avais quitté tout cela, enfermé dans un étrange univers. J'embrasse ma mère et je n'ai qu'une
idée: traverser le pont de la GUILLOTTIÈRE, aller place BELLECOUR, rue de la REPUBLIQUE
au cœur de LYON. C'est ce que je fais.
Vers midi, j'entre dans le hall du journal local, le Progrès, rue de la REPUBLIQUE. C'est plein de
gens, d'hommes, de femmes, je redécouvre la vie. Et, à ce moment là, coups de sifflets de tous
côtés et je vois arriver des hommes en uniforme. Nous sommes coincés dans le hall, dans un
cul-de-sac.
Tous les hommes jusqu'à 30 ans sont immédiatement arrêtés et embarqués dans des camions.
Un quart d'heure plus tard, terrorisé, je me retrouve au fond d'un camion ne sachant pas ce qui
m'arrive, désespéré. Je sors de sana et je me retrouve dans un camion militaire.
Ma situation est claire, je suis de la classe 41, c'est-à-dire que je devrais être au S.T.O.( Service
du Travail Obligatoire) en ALLEMAGNE depuis un an.
On nous débarque à l'Hôtel de Ville, place des TERREAUX, et nous descendons dans les soussols. Je suis tellement angoissé que je me suis réfugié au fond du camion, je sors le dernier et
prend la file au fond du couloir. Je ne sais pas ce qui m'attend.
Un par un, on passe à l'interrogatoire. Nous ignorons ce que deviennent ceux qui entrent, car ils
ne sortent pas de ce côté là. Vers 13 heures, j'entre enfin, le dernier, dans le bureau où se
trouvent deux policiers en civil. " Tes papiers ". Je donne mes papiers. Et alors immédiatement
ils commencent:
" Qu'est ce que tu fous là, pourquoi n'es-tu pas en Allemagne? "
A ce moment là, l'autre policier dit" Moi je commence à la sauter, je vais chercher les
sandwichs ". Et il sort.
Je reste en face d'un seul policier. Je lui raconte que je sors de sana; il éclate de rire et me dit
"Tu penses vraiment que je vais croire cette histoire? Chacun de ceux qui t'ont précédé m'en
ont raconté une, parfois meilleure et nous venons d'en envoyer 39 en Allemagne ". Un long
silence, il relève ma carte d'identité sur un registre, puis me rend mes papiers et me dit, un ton
plus bas, "Je te donne ta chance, et un bon conseil, ne reste pas à LYON. Si tu es arrêté de
nouveau, maintenant que tu es fiché, ce sera le départ immédiat en Allemagne ".
Je me retrouve dans la rue, presque aussi abasourdi qu'en rentrant là, il Y a plus d'une heure. Je
ne comprends pas très bien ce qui m'arrive. Plus tard, je réalisais que j'avais bénéficié de ce
double jeu épisodique de ces fonctionnaires et cela rappelle l'histoire PAPON à très petite
échelle. Il venait d'envoyer 39 gars en Allemagne et il venait de faire sa " Bonne Action" de la
journée.
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Je suis retourné embrasser ma mère; mon père était déjà reparti. J'ai suivi sans tarder les
conseils de ce policier qui me voulait du bien, c'est-à-dire que je repartis à la gare de
PERRACHE d'où j'étais arrivé quelques heures plus tôt. J'ai pris le train pour CHAMBERY. La
SAVOIE, c'était le maquis, cela représentait la seule solution possible pour les jeunes de mon
âge afin d'échapper au S.1.O ..
Qu'est ce que tu y as fait?
En arrivant dans cette ville inconnue, avec un imperméable, un peu d'argent en poche et mes
papiers, j'ai d'abord cherché une chambre que j'ai trouvée en quelques heures, c'était
relativement facile à l'époque. Puis, j'ai cherché du travail. Dieu merci, c'était également plus
facile que maintenant. J'avais fait un excellent apprentissage avec des diplômes d'ajusteur, de
dessinateur, un certificat d'outilleur. En tout cela j'avais été formé par un Suisse CARRARD qui
avait créé une nouvelle méthodologie de formation professionnelle qui a révolutionné
l'apprentissage à cette époque.
C'était, professionnellement, un excellent bagage. J'ai parcouru CHAMBERY, que je ne
connaissais pas, jusqu'à ce que je trouve un centre de formation professionnelle, des
Compagnons de France, une organisation assez proche des Chantiers de Jeunesse.
Je m'y suis présenté, j'ai fourni mes titres, et immédiatement, j'étais engagé comme moniteur.
En fait, dès l'automne 43, ces centres étaient dirigés dans la région RHONE ALPES par le
colonel de GALBERT qui, sous sa fonction officielle, était un patron de la Résistance.
L'encadrement des centres était composé à 50 % d'anciens cadres de l'armée. Ces centres de
formation professionnelle remplissaient un rôle social utile et représentaient aussi une
" couverture" pour camoufler un certain nombre d'anciens militaires et de résistants.
Les maquis, c'était quoi?
Des groupes autonomes le plus souvent, disséminés dans un environnement propice. Ils
relevaient de deux organisations: l'Armée Secrète, d'origine militaire, les F.T.P., (Francs-Tireurs
et Partisans), qui comptaient pour une bonne part d'anciens des cellules du Parti Communiste et
des réfugiés Espagnols.
Dans la région, deux gros points de fixation de la résistance ont été'le plateau des GLIERES et
le plateau du VERCORS, qui avaient l'avantage d'être des forteresses naturelles et qui
pouvaient permettre des parachutages relativement faciles à l'aviation anglaise.
Le maquis du VERCORS était encadré par des soldats et organisé de façon militaire. Ils ont
reçu des armes, alors que ceux des GLIERES étaient mal structurés et mal armés. Le relief
naturel de la montagne pouvait permettre d'espérer pouvoir tenir contre les assauts, ce qui a été
le cas d'ailleurs à plusieurs reprises.
Les Allemands échouèrent plusieurs fois en tentant d'arriver par la route. Finalement, ils
employèrent les grands moyens arrivant en planeurs et parachutes. Dans les deux cas, ces
maquis ont été anéantis, dans des conditions particulièrement pénibles: mauvaise interprétation
des messages reçus, instructions mal comprises et jusqu'au dernier moment, ils ont cru recevoir
des renforts et des armes. Ces deux expériences, dont on commémore aujourd'hui l'héroïsme,
ont été, à l'époque, des coups terribles pour la Résistance.
En dehors de ces grosses unités structurées, la Résistance était surtout composée de multiples
groupes s'ignorant les uns les autres en zone rurale ou en ville, sabotant des usines, faisant
sauter les voies ferrées et paralysant le trafic ferroviaire, conduisant des actions de commando
contre des centres allemands, assurant une grosse activité de renseignements transmis par
radio
Dans une ville comme CHAMBERY, la résistance était faite de péripéties diverses parfois
tragiques et toujours imprévues, où chaque jour, il fallait s'attendre à tout.
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Une de nos activités était d'alimenter la région en fausses cartes d'identité. Le service d'état civil
de la préfecture, dirigé par une femme remarquable, y excellait. Par délation, sans doute, les
Allemands connurent la filière, d'où une série d'arrestations et cette femme fut fusillée. André L.,
notre chef de réseau, avait un poste bidon à la préfecture et il fut arrêté en y arrivant.
Immédiatement conduit et enfermé dans les caves d'un immeuble tristement célèbre, rue
SAL TEUR, où officiait la Gestapo.
Il avait plusieurs cartes d'identité dans sa poche, toutes neuves, mais les Allemands distraits ou
débordés ne le fouillèrent pas à l'arrivée. Arrêté à 9 heures, il ne fut interrogé qu'en fin d'après
midi.
Tout seul dans son réduit, il se mit à fumer la pipe, à découper finement ses cartes et à bourrer
les morceaux dans sa pipe. Si bien que lorsqu'on le sortit de là, on ne trouva rien sur lui. Il
réussit à convaincre ses interlocuteurs qu'il ignorait tout de ce trafic, se décrivit en bon père de
famille (il est vrai qu'il avait cinq enfants) et en fin de journée, il était relâché à la surprise et au
soulagement tous
Et la délation, qu'est ce que tu peux en dire?
Pas grand-chose, car c'était évidemment un monde silencieux que nous découvrîmes en grande
partie à la libération. Il y avait des milieux connus dont on se méfiait, des groupes d'anciens
combattants qui par fidélité à PETAIN et à ses promesses, avaient suivis l'évolution de la
Révolution Nationale. Pour eux, les résistants étaient des" terroristes" alliés aux communistes,
repaires de voyous et de bons à rien.
La milice était redoutable, souvent plus agressive et dangereuse que les allemands et,
implantée localement, elle pouvait faire parler les gens. Il y avait aussi des imbéciles qui
voulaient se rendre importants, des envieux, des vengeances personnelles aussi ...
Je n'étais pas intégré dans la vie chambérienne et je n'ai en fait rien connu de tout cela. Dans
les petites villes, les villages il y eut parfois des histoires terribles: l'histoire des enfants d'IZIEU,
bien connue aujourd'hui en est l'une d'entre elles.
IZIEU est un village à quelques kilomètres de BELLEY, ville natale de MAGUY. Il y avait là des
enfants juifs dont les parents avaient été déportés et qu'une femme avait rassemblés et amenés
dans ce petit coin de FRANCE, ignoré des allemands qui n'y avaient jamais mis les pieds et où
ils semblaient être tout à fait à l'abri. Ce sont des voisins qui les ont dénoncés très peu de temps
avant la libération. Les allemands sont arrivés un matin, les ont embarqués, aucun n'en est
revenu. On se demande comment la population d'un village peut continuer à vivre après de
pareilles affaires.
On avait parfois de grandes alertes, le plus souvent injustifiées. Le Centre de l'Armée Secrète
était au cœur de CHAMBERY, au siège de la C.F.T.C., dans un bâtiment à "traboules"
permettant facilement de rentrer par une rue et de sortir par une autre. Nous assurions là, des
permanences; des informations y arrivaient, des instructions en repartaient, etc.
Un beau jour, très peu de temps après le débarquement de NORMANDIE, une jeune femme
entra dans les bureaux, quelque 20, 22 ans, toute printanière dans son corsage coloré et
demanda à parler, en l'appelant par son nom de guerre à Lucien ROSE qui allait être désigné
incessamment comme Commissaire de la République, représentant le général de GAULLE
dans le département de SAVOIE.
Nous lui demandâmes pour quoi, et elle nous dit: "je suis la secrétaire du général de
GALBERT". Nous savions que celui-ci, sous un autre nom évidemment, était le responsable de
la résistance armée dans la région. Lucien était là et il la fit entrer dans son bureau. Il en
ressortit quelques minutes après, bouleversé. Il nous raconta cette histoire invraisemblable: Le
débarquement allié changeait la nature de l'action de la Résistance. Le moment était venu de
" lever" l'armée secrète, jusque là clandestine et disséminée en de multiples lieux.
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Pour se faire de GALBERT avait établi des instructions qu'il adressait à tous les responsables
de l'armée secrète de SAVOIE. Les trains ne fonctionnaient pratiquement plus depuis LYON et
les routes étaient étroitement contrôlées. Aussi, avait-il confié à sa secrétaire ses instructions
pour les porter aux destinataires et provoquer les rassemblements prévus le plus rapidement
possible.
La secrétaire était partie tôt de LYON, ce matin-là, à bicyclette pour ce trajet d'une centaine de
kilomètres en utilisant des petites routes. Elle s'était munie, pour ne pas attirer l'attention, d'un
petit sac sur son porte-bagages, de légers vêtements et les précieux papiers dissimulés au fond.
Tout se passa très bien et jusqu'à ce qu'elle arriva au lac de d'AIGUEBELETTE petit lac
agréable, derrière la colline de L'EPINE. Il faisait chaud, le lac était désert, il n'y avait pas de
touristes à l'époque et l'eau était très tentante. Elle décida de souffler un peu et après avoir bien
examiné le paysage autour d'elle, se dévêtit pour prendre un bain rapide.
Elle reprit pied sur la berge, revient vers la bicyclette, et constata alors, avec horreur, que le petit
sac n'était plus sur le porte bagage. Affolée, elle regarda autour d'elle: personne! ... Elle resta un
long moment atterrée, et décida qu'il n'y avait qu'une solution, aller au bout de son périple.
Elle était là maintenant, les yeux rougis de larmes, ne disant rien, alors que les chefs
réfléchissaient à voix haute.
Ou bien elle était une indicatrice et avait livré ses listes à la police française ou allemande, ou
bien un paysan voisin ou un vagabond qui avait vu la baigneuse avait la liste entre ses mains.
Qu'allait-il en faire? L'avait-il déjà déposée dans une gendarmerie? De toute façon, il fallait agir
d'urgence et prévenir les destinataires, du moins ceux qui nous étaient connus. Un court
message fut élaboré, les informant d'un danger imminent et leur demandant de quitter leurs
domiciles connus dans les plus brefs délais.
Dans les liaisons habituelles, on pouvait espérer toucher la plus part dans la demi-journée.
Les présents se dispersèrent, il ne resta plus que Lucien et la jeune femme. Devant elle, il nous
dit: "elle ne doit voir personne et ne pas sortir d'ici. Si elle tente de s'enfuir, vous la
descendez. " Et il sortit.
C'est une des plus étranges scènes que j'ai vécu. Nous n'osions lui adresser la parole, comme
intimidés, et elle n'essaya pas de nous parler. Jusqu'au soir où deux camarades vinrent la
chercher pour l'emmener dans une ferme voisine.
Plus tard, Lucien nous apprit qu'après avoir réussi à toucher de GALBERT par un messager, il
l'avait fait relâcher. Les journées se suivirent et il ne se passa rien. On ne sut jamais ce qu'il était
advenu de ces listes. Ainsi, le pire n'est pas toujours assuré, mais cette brave fille, innocente et
courageuse, a du passer là un des pires moments de son existence.
En somme, il fallait s'attendre à tout?
Oui, le hasard, la chance ou la malchance, la providence, tout cela jouait au fil des jours. Des
petits incidents provoquant parfois des conséquences tout à fait imprévues.
Je fréquentais MAGUY depuis quelques temps, Comme nous pensions nous fiancer durant
l'été, je décidais d'aller à LYON pour la présenter à mes parents, que d'ailleurs je n'avais pas
revus depuis longtemps.
Un tel voyage était toujours aléatoire, car on risquait de se faire arrêter même avec des papiers,
des laissez-passer, et les choses pouvaient toujours mal tourner. Cependant, nous décidâmes
de tenter l'aventure et comme le ravitaillement était toujours difficile à LYON, je pensais leur
porter quelques victuailles et notamment des œufs. Je savais pouvoir en trouver chez des
paysans à quelques kilomètres de CHAMBERY.
J'étais encore au Centre d'Apprentissage, installé dans des baraques en bois, à la sortie de la
ville, et nous avions là quelque 80 adolescents avec un encadrement d'une quinzaine d'adultes.
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A ce moment-là, j'étais chef adjoint du centre, (les promotions étaient rapides et mon
prédécesseur avait eu un grave accident de moto en assurant une liaison en TARENTAISE.).
Je suis donc parti un matin, vers 10 heures, à vélo chercher des œufs dans les collines et je les
mis dans une sacoche et redescendis par une route assez rapide. Il y avait du gravier et dans
un virage, je me suis cassé la figure, mes œufs écrasés et mes genoux en sang. Il n'y avait plus
rien à faire pour les œufs, il fallait s'occuper de mes genoux. J'ai pensé que mes meurtrissures,
pleines de sang et de terre méritaient quelques soins et je suis passé à l'hôpital pour me faire
faire une piqûre antitétanique. Tout cela a pris du temps, et je suis revenu au Centre
d'Apprentissage au milieu de l'après-midi. En y arrivant, j'ai tout de suite senti qu'il y avait
quelque chose de bizarre.
Tout semblait étrangement calme et désert. Je suis rentré dans un café proche où le patron m'a
dit: "ne reste pas là, change-toi et disparais pour le moment. "11 Y avait eu une rafle pendant
que j'allais chercher ces œufs pour mes parents, œufs qu'ils n'ont jamais mangés!. .. La police
était venue faire une rafle et avait embarqué tous les adultes.
Tu as eu du " pot" !
Oui, mais çà ne s'est pas trop mal terminé pour mes camarades.
On pouvait avoir des problèmes avec les polices françaises ou allemandes ou la milice. Avec la
police française, on pouvait parfois s'arranger. On pouvait" rouler" les Allemands s'il n'y avait
pas des preuves évidentes de délit. C'était plus difficile avec la Gestapo et pratiquement
impossible avec la Milice que nous redoutions le plus. En l'occurrence, l'adjoint du préfet, qui
était de nos amis, réussit à arranger les choses, et après quelques jours, les camarades furent
relâchés.
Comment aviez-vous des armes ?
Difficilement. Des stocks avaient été constitués par l'armée au moment de l'armistice et
servaient notamment pour les unités regroupées dans des lieux tels que les GLIERES, le
VERCORS. Les parachutages étaient rares et parfois compromis par l'intervention des
Allemands.
En juin 44, pour équiper l'armée secrète un énorme parachutage fut préparé et particulièrement
réussi sur le large plateau du col des SAISIES près d'ALBERTVILLE. Il permit de ravitailler en
armes légères, un grand nombre de groupes et d'unités. Pour notre part, nous connûmes deux
péripéties. Les armes furent descendues dans la vallée, et nous eûmes à aller les chercher pour
notre groupe près d'ALBERTVILLE. André L, notre chef, et René L, partirent donc en
camionnette un beau matin. C'était un véhicule bâché à gazogène immatriculé comme véhicule
officiel de la préfecture avec toutes les étiquettes et attestations nécessaires.
Le retour fut épique. Les deux amis parvinrent jusqu'au carrefour du pont de MONTMELIAN à
une dizaine de kilomètres de CHAMBERY et durent s'arrêter à un barrage de gendarmerie. Les
allemands contrôlèrent les papiers et comme ils ajoutaient généralement foi à tout ce qui était
officiel, ils firent signe de reprendre la route sans problème.
Hélas, le gazogène en avait décidé autrement. Après quelques toussotements, il fut évident que
le démarreur n'y pouvait rien. Il restait une seule solution, pousser le véhicule au démarrage. Il
n'y avait pas d'autre bras que ceux des soldats allemands, mais fort heureusement, ils se
proposèrent de bon cœur et ils poussèrent le véhicule jusqu'à ce que le moteur se mit à ronfler à
nouveau. Un grand salut et la voiture repartit.
Dedans, sous quelques couvertures étalées, il y avait de quoi armer une cinquantaine
d'hommes et de la belle toile de parachute très appréciée par chacun. Il aurait suffi d'un coup
d'œil d'un de ces soldats pour que nos deux amis finissent leur voyage par un pénible
interrogatoire et une exécution sommaire dans les 48 heures.
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..
.
. .. . . .
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Ces armes dangereusement transportées ne nous furent d'ailleurs pas d'un grand usage. Elles
nous permirent quelques démonstrations et entraînements et en attendant d'être distribuées
individuellement, furent stockées dans une grange d'un paysan de MYANS, à quelques
kilomètres de CHAMBERY, gardées à tour de rôle par deux d'entre nous. Un matin, nous eûmes
la désagréable surprise de trouver les deux gars ligotés et les armes envolées. Un commando
F.T.P. les avait surpris pendant la nuit et avait fait main basse sur les armes.
C'était la guerre avec les F.T.P. ?
Pas tout à fait, mais cela pouvait le devenir à tout moment. Les deux organisations coexistaient
en s'ignorant, se jouant parfois des tours comme l'incident que je viens de rapporter. En
SAVOIE, l'A.S.,( armée secrète) s'était constituée assez facilement, l'encadrement des
bataillons de Chasseurs Alpins, ayant permis progressivement de structurer les Maquis.
Nous étions en position dominante par rapport aux FTP. Dans d'autres régions c'était l'inverse.
Nos buts n'étaient évidemment pas les mêmes. Au delà de la libération de la FRANCE, l'objectif
premier et commun étant de chasser les occupants, c'était ensuite que tout divergeait. Pour les
F.T.P. il s'agissait de prendre le pouvoir et d'installer une de ces démocraties de type
soviétiques telles que celle qui vit le jour ultérieurement en EUROPE CENTRALE.
Une période très critique, fut celle qui suivit immédiatement la libération où les F.T.P. et l'armée
secrète se trouvèrent face à face, prêts à tirer les uns sur les autres. Par une chance
extraordinaire, une grâce du ciel, cela ne s'est passé nulle part. Il aurait suffi d'un incident,
même localisé pour que l'affrontement se déclenche tel une traînée de poudre.
On doit sans doute cette guerre civile évitée à l'habileté de général de GAULLE qui sut enrôler
les communistes dès le départ dans les instances officielles de l'Etat.
Un incident très significatif se produisit à CHAMBERY au moment même où les allemands
durent abandonner la ville et se replier vers la montagne. Ne pouvant plus se déplacer vers le
NORD, il leur fallait essayer de gagner l'ITALIE par les cols de MAURIENNE et de
TARENTAISE.
C'était dès lors l'objectif évident de la résistance armée de les harceler dans ces routes
montagneuses et de leur causer les plus fortes pertes. Les Allemands quittèrent CHAMBERY
pendant la nuit et dés le début de la matinée tous les hommes des groupes de Résistance et de
la l'AS quittèrent CHAMBERY en utilisant tous les véhicules disponibles, à la poursuite des
Allemands.
Et au moment même où nous quittions CHAMBERY, nous avons vu arriver au contraire des
camions remplis de F.T.P. qui venaient envahir la ville, plus exactement s'installer dans la
préfecture, les mairies, les services publics partout où étaient les lieux du pouvoir de
l'administration et très vite, suivant un plan fort détaillé, ils affichaient des feuilles de nomination
de nouveaux fonctionnaires tirés de leur rang. Nous avons su après la très forte tension qui
exista pendant quelques heures entre Lucien ROSE, Commissaire de la République qui
représentait désormais le pouvoir officiel, mais qui n'avait pas encore les moyens de le faire
respecter, et ces nouveaux arrivants.
Tu as connu des bombardements?
Ils ont été pratiquement inconnus en zone Sud jusqu'à fin 43. Ils étaient surtout ciblés sur des
centres ferroviaires et industriels, les ports militaires. Ils n'étaient évidemment pas destinés aux
populations civiles, qu'ils frappaient cependant parfois cruellement..
En février 44 j'étais, dans le cadre de mon activité professionnelle, à CLERMONT-FERRAND
pour un stage psychopédagogique. L'Université de STRASBOURG s'était repliée dans cette
région, qu'elle avait enrichie d'un corps professoral très apprécié. Les cours avaient lieu dans un
Centre de Formation, au sein de l'usine MICHELIN. Nous étions logés dans des constructions
56
légères à l'intérieur de l'usine, en bordure d'un cimetière que nous ne découvrîmes que plus
tard ...
Presque chaque nuit nous étions réveillés par les sirènes et le ronronnement des bombardiers
alliés qui traçaient leur route vers leurs cibles italiennes: TURIN, MILAN, GENES ...
Parfois la DCA allemande venait ajouter quelques notes à ce concert nocturne; ou une
deuxième alerte dite de " danger immédiat" annonçait que les avions déviant de leur itinéraire
habituel, se rapprochant de la ville qu'ils allaient sans doute survoler.
Mais il ne se passait rien d'autre que ces perturbations bruyantes. Les Clermontois n'allaient pas
aux abris et dormaient tranquilles. La rumeur disait que la ville, malgré sa grosse usine de
pneumatiques, ne serait jamais bombardée, un des fils MICHELIN étant dans la R.A.F....
Donc une certaine nuit vers 23 heurs le scénario habituel se déclencha: sirènes,
ronronnement, "danger immédiat". Comme à l'habitude ... mais le ronronnement devint insistant;
puis tout proche et soudain le ciel sembla s'embraser.
Nous nous précipitâmes aux fenêtres: dans le vrombissement d'avions à basse altitude de
multiples fusées éclairantes tombaient du ciel, suspendues à des parachutes. A peine prenions
nous conscience que c'était bien Michelin qui était visée que les premières bombes éclataient.
Eberlués, mal réveillés nous sautâmes par les fenêtres, en caleçon pour la plupart! Dans les
détonations qui semblaient courir sur nous il fallait fuir, sauter le mur d'enceinte, qui
heureusement ne dépassait pas deux mètres. Nous aidant mutuellement nous passâmes de
l'autre côté et c'est alors que nous découvrîmes le cimetière.
On n'aurait pas pu rêver meilleur abri que ces grosses pierres tombales. Je m'allongeais le long
d'une d'entre elles, oubliant vite le froid, me recroquevillant un peu plus à chaque explosion. Je
ne changeas pas de position durant tout le bombardement.. Il dura quarante minutes,
remarquablement exécutés par ces avions anglais, à basse altitude, attaquant par balles
traçantes et chapelets de bombes légères. Quarante minutes, une éternité!
Puis le crépitement cessa, le grondement des moteurs faiblit; s'éloigna. Tout le ciel était
embrasé, mais cette fois par les énormes incendies qui grondaient autour de nous avec des
colonnes de fumée noire et une forte odeur de caoutchouc qui brûle.
Nous sortîmes de nos tombes...et nous retrouvâmes tous indemnes, quelque peu transis de
froid, dans notre semi nudité. Quelques bombes attardées éclataient encore sporadiquement.
Nous gagnâmes les premiers immeubles pour finir la nuit. Les gens nous fournirent des
boissons chaudes et quelques vêtements. Au matin nous explorâmes les débris de notre
habitation. Par chance l'incendie l'avait épargné. J'ai longtemps conservé ma montre fracassée
à l'heure de l'écroulement. ..
Le bombardement avait été d'une précision remarquable. Il n'y avait que peu d'ouvriers de nuit
et seules quelques bombes avaient touché les immeubles ouvriers qui jouxtaient l'usine en
quelques endroits. Il y eu certes des morts et des blessés mais la population rendit hommage en
quelque sorte aux Anglais, frémissant à l'idée de la catastrophe qu'aurait été un bombardement
américain.
Le bombardement américain nous l'avons connu quelques semaines plus tard à CHAMBERY.
Avant le débarquement du 6 Juin les alliés entreprirent en France des bombardements massifs
sur des centres de communication afin d'interdire aux allemands le transfert rapide de leurs
troupes. C'est ainsi que le 26 Mai furent sévèrement bombardés des objectifs ferroviaires,
notamment dans la vallée du Rhône et la région lyonnaise.
CHAMBERY était un nœud de communications important qui commandait notamment la seule
relation ferroviaire existante avec l'Italie. En une belle matinée de printemps l'aviation
américaine exécuta sa mission. A quelque quatre mille mètres d'altitude pour éviter la D.C.A.
trois vagues successives de bombardiers lâchèrent en quelques minutes trois" tapis" de
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-. .. . . . _
_... .
,
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bombes. Quel cruel euphémisme! Ce fut terrible. Après des heures d'affolement et de confusion
dans la fumée, les flammes et les décombres qui empêchaient toute circulation, on sût, le soir
tombant, à peu près ce qu'il en était: tout le centre était en ruines, le tiers de la ville brûlait ,on
comptait déjà une centaine de morts, d'innombrables blessés.
A la périphérie de la zone dévastée la gare, qui était l'objectif majeur, n'avait été que
légèrement touchée. Les équipes de déblaiement travaillèrent d'arrache pied et deux jours plus
tard les trains circulaient à nouveau vers l'Italie! ...
Cette journée fut longue. Les jeunes du Centre d'Apprentissage avaient pu gagner leurs abris
habituels. Je participais en équipe de Défense Passive aux opérations de secours et de
déblaiement. J'avais perdu tout contact avec MAGUY et dans cet univers de ruines, de fumée et
de poussière il était bien impossible de se retrouver.
Ce n'est que dans la soirée que nous pûmes nous rejoindre et que j'appris son odyssée. Elle
travaillait au siège de l'Electro-Chimie, en plein centre, au 2° étage d'un bel immeuble de
l'époque. Comme d'habitude elle n'avait pas répondu à l'appel des sirènes (qui saluaient
quotidiennement le passage des avions vers l'Italie) et n'était pas descendue aux abris fort
heureusement d'ailleurs
Elle n'eut pas le temps d'avoir peur. Dans le fracas des premières bombes l'immeuble
s'écroula ... et elle se retrouva projetée dans la rue, étourdie, blanche de poussière, indemne. Et
elle se joignit aux équipes de secours ....
Le lendemain on sut que les bombardements s'étaient déroulés dans les autres régions sur le
même scénario
avec la même approximation et leurs cortèges de ruines, de deuils, et de souffrances pour un
résultat stratégique à peu près nul.
A 10 Kms au nord de Chambéry la même voie ferrée franchissait l'Isère, précisément pour
gagner l'Italie. Quelques jours plus tard, à peu près à la même heure un avion britannique
apparut dans le ciel, trop isolé pour déclencher une alerte, ignora une DCA trop tardive, piqua
en rase motte sur le pont et y lâcha une unique bombe. Ce fut tout. Le pont détruit plus aucun
train ne passa jusqu'à la fin de la guerre. Il n'y eut pas de victime, pas de dégâts alentour.
C'était une autre façon de faire la guerre ...
Comment s'est passé la libération, il ya eu des femmes tondues?
Je ne l'ai pas vécu ayant quitté CHAMBERY dès le départ des Allemands. La riposte aux faits
de collaboration et de délations s'est faite très rapidement par des règlements de compte
individuels et la création de Comités d'épuration dont les procédures furent au départ souvent
sommaires. Il y eut bien sûr des femmes tondues qui s'étaient affichées de façon notoire avec
l'occupant et d'autres cas plus pénibles de vengeance personnelle.
Des jugements hâtifs et des exécutions rapides parfois totalement injustifiés laissent encore des
cicatrices. C'est ainsi que dans les environs d'ANNECY, on évoque difficilement et parfois
encore à voix basse certains épisodes douloureux qui ont, bien sûr, fait des morts et marqué
terriblement les survivants.
Il faut que je te raconte un intermède sur la libération de CHAMBERY qui illustre bien comment
des jeunes de 20 ans faisaient la guerre, avec leur foi et leur inexpérience ...
Dés mon arrivée dans cette ville, j'avais cherché une chambre et par hasard, je l'avais trouvé
dans une petite villa située en face du grand Séminaire, avenue du Maréchal PETAIN. Il faut
préciser que le grand Séminaire était le siège de la Kommandantur et était animé d'un continuel
mouvement de soldats allemands et de véhicules.
A mesure qu'approchait le moment où les Allemands allaient être obligés de décrocher et de
quitter CHAMBERY pour se replier vers les cols de montagne, il fallait que l'on soit prévenu le
,,;..
.
. ....
...
..
58
plus tôt possible de leur départ pour déclencher les opérations qui devaient contrecarrer et en
tout cas retarder leurs mouvements.
Tout naturellement, on pensa à moi pour cette mission puisqu'on ne pouvait être mieux placé
qu'en habitant une chambre à quelques mètres de l'occupant. Ma fenêtre, dont je n'osais plus
ouvrir les rideaux, donnait sur l'entrée où se trouvaient les sentinelles à quelques mètres de moi.
Il faut préciser que les Allemands étaient devenus très méfiants et qu'ils avaient demandé à tous
les propriétaires des villas qui longeaient l'avenue, d'afficher sur la porte le nom des occupants
avec leur date de naissance. Il est évident que si ces renseignements avaient figuré sur la porte
d'entrée, j'aurai été arrêté dans les heures qui suivaient. Ma propriétaire le comprit sans peine et
accepta de ne pas faire figurer mon nom. C'était le courage des gens simples qui ne faisait pas
de résistance, mais qui lorsque l'occasion venait à eux, choisissaient. Elle savait certainement
qu'elle risquait d'être fusillée.
Donc, chaque jour, matin et soir, je veillais attentivement à déceler d'éventuels signes de départ
chez mes encombrants voisins.
Chaque jour aussi, j'essayais de rencontrer MAGUY. Le temps passait et nos projets de
fiançailles se précisaient.
Elle ignorait une partie de mes activités clandestines et notamment ma tâche de surveillance de
la Kommandantur. Elle avait d'autres milieux de relations que le mien et participait davantage
que moi à la vie chambérienne.
Un soir, vers le 20 Août, elle me dit: "les Allemands vont partir cette nuit. "Je haussais les
épaules et pris un air entendu. Ce n'était pas l'affaire des femmes de savoir quand les
Allemands devaient partir! Rentré chez moi, par la porte de derrière, je vis à travers mes
rideaux, les sentinelles qui claquaient leurs bottes dans leur immuable rituel. Il était 11 heures
du soir et je suis allé dormir du sommeil profond d'un gars de 20 ans.
Le lendemain matin, à 6 heures j'écartais légèrement les rideaux. Comble de l'horreur, il n'y
avait plus un allemand, les portes étaient grandes ouvertes, ils étaient partis pendant la nuit. ..
Tout CHAMBERY le savait sans doute et je n'étais pas au courant! ... Inutile de dire la façon
dont j'ai été accueilli par les copains. Heureusement, l'armée germanique avait fait suffisamment
de bruit pour que tous nos responsables soient au courant et aient fait le nécessaire.
C'est à dire 1
C'est à dire faire converger nos groupes sur tous les points critiques de l'itinéraire menant aux
vallées de la MAURIENNE et de la TARENTAISE qui rejoignent l'ITALIE, pour tenter
d'intercepter l'ennemi dans les passages favorables. Le relief s'y prêtait souvent ainsi que les
passages des cours d'eau, mais la supériorité de l'armement allemand limitait beaucoup la
portée possible de nos actions.
Du moins avions nous commencé à parcourir les routes jusqu'ici strictement contrôlées en
utilisant les véhicules les plus divers. C'est ainsi que nous partîmes en groupe d'une vingtaine,
dans un camion pour rejoindre ALBERVILLE à une cinquantaine de kilomètres. Notre véhicule
était un camion découvert, à essence, nous permettant de rouler à grande vitesse. Sur la cabine
avant, nous avions installé un fusil mitrailleur dont le servant avait les yeux fixés sur la route,
prêt à réagir à toutes menaces éventuelles. C'était là un dispositif assez classique et les
allemands l'avaient adopté également sur leurs véhicules. Nous bavardions avec entrain,
heureux de rejoindre nos camarades qui étaient déjà passés au contact de l'ennemi, sous des
formes qui n'avaient plus rien à voir avec ce que nous avions vécu jusqu'ici.
J'avais à mes côtés, Louis GUIGARD, un solide savoyard des Bauges, entré en même temps
que moi au Centre d'Apprentissage et avec lequel j'avais tout de suite sympathisé. Nous
roulions bon train quand le tireur nous signala un camion qui arrivait en face de nous. Des
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copains sans doute qui allaient dans une autre direction, leur véhicule équipé également d'un
fusil mitrailleur.
Ce n'est qu'à une vingtaine de mètres que nous distinguâmes les casques allemands. Ce fut
brutalement le silence; on attendit quelque chose qui ne vint pas. Nous nous croisâmes à toute
allure, nous regardant les uns les autres. Les deux tireurs, pris au dépourvu, avaient eu le même
réflexe: ne pas tirer, sans que, après coup, le nôtre ait pu nous expliquer pourquoi. En tout cas,
cela aurait pu être un beau carnage et je n'aurai pas été là pour te raconter cette histoire! ... On a
arrosé çà le soir, en félicitant le camarade de son absence de réflexe ou de son remarquable
sang froid. Il disait qu'il avait ressentit comme une force le bloquant sur son arme.
J'ai du quitter le groupe deux ou trois jours après pour redescendre à CHAMBERY, convoqué
par Lucien ROSE pour examiner comment réagir au noyautage communiste de l'Enseignement
Technique.
C'est alors que j'appris que le premier contact de notre groupe avec les Allemands avait eu lieu
près d'AUSSOIS en Maurienne. Un obus de mortier avait tué trois de nos gars. Louis GUIGARD
avait reçu un éclat en pleine tête, à un endroit qui aurait dû être bien protégé par un casque,
mais nous n'avions qu'un casque pour quatre hommes et son béret de chasseur alpin était bien
mince. Les corps ont été redescendus à CHAMBERY et nous avons veillé les cercueils,
recouverts d'un drap tricolore, toute une nuit à la cathédrale de CHAMBERY.
Nous avions connu la Résistance comme une aventure, faite de coups, de péripéties,
d'initiatives individuelles et puis nous rencontrions maintenant la guerre, cette machine à tuer,
où la mort frappe le plus bêtement possible. L'heure de la résistance était finie. C'était la guerre,
il fallait prendre les armes et la terminer au plus tôt.
Pour la population, les choses n'ont pas changé du jour au lendemain?
(C'est MAGUY qui répond) Non le rationnement alimentaire a continué longtemps encore.
Toute l'année 44 fut difficile et la suivante encore. On avait droit à une allocation de points
textiles pour toute l'année. Que l'on ait une occasion exceptionnelle n'y changeait rien. Nous
avons acheté le costume de RENE pour notre mariage en décembre avec les points textiles de
toute la famille. Ce costume était en fibre et le jour du mariage, il était tout froissé. Ma mère
disait: "Ce n'est pas possible d'avoir un costume aussi froissé le jour de son mariage "...
Les tickets de rationnement étaient une rude épreuve, ce qui expliquait tout le trafic du marché
noir, surtout dans les grandes villes. Le plus terrible était les tickets de matière grasse. On avait
droit à un petit peu de beurre, un peu d'huile chaque mois, un peu de chocolat mais tellement
peu!... La viande aussi était rationnée et naturellement quand on avait un cousin ou des amis à
la campagne chacun tentait de se ravitailler sur place, en essayant de ne pas se faire prendre,
car que ce fut avant ou après la libération, les barrages de gendarmerie contrôlaient tout cela.
En 1945, quand RENÉ partit faire des études à PARIS, ma mère nous envoyait régulièrement
un colis par un transporteur de BELLEY avec du pain et parfois un rôti, ou une pâtisserie. Le
contenu en était toujours apprécié. Nous n'avions pas d'argent et le ravitaillement à PARIS était
particulièrement difficile. Les vraies chaussures avaient disparu depuis le début de la guerre, on
marchait avec des semelles de bois, on les faisait réparer avec des morceaux de pneu...
Quand on a commencé à pouvoir circuler librement, un gros problème s'est posé: les pneus de
bicyclette. Il fallait s'inscrire à l'avance en mairie, pour en avoir un, quelques mois plus tard. Les
tickets de carburant ont continué longtemps pour ceux qui avaient des voitures.
60
Finalement, aujourd'hui, quand je pense à toute cette période, à tout ce que tu as
vécu, comment vois-tu cela?
Une chance extraordinaire Tout en parlant, j'ai pensé à cette question depuis le début de notre
entretien. Si j'étais né deux ou trois ans plus tôt, j'aurai été mobilisé et certainement fait
prisonnier comme la plupart des jeunes de cet âge et j'aurai perdu quatre années à me
morfondre derrière les barbelés dans un camp en ALLEMAGNE.
Si j'étais né deux ou trois ans plus tard, j'aurai été en retrait de ces événements et j'aurai
émergé à la fin de mon adolescence sans tellement comprendre ce qui s'était passé.
Maintenant, quand je vois la triste atonie que vit notre jeunesse aujourd'hui, il est évident qu'à
mon âge ce fut une période exceptionnelle. Durant ces quatre années, j'ai vu s'effondrer notre
société par la trahison de ses élites.
Puis j'ai vécu huit mois de vie" virile" en montagne, puis une longue retraite en sana pour
déboucher dans l'aventure multiforme, un peu rocambolesque, de la Résistance où chaque jour
était vraiment un jour nouveau, dans le tissu chaleureux et l'amitié d'une bande de copains.
Oui, je suis heureux d'avoir démarré ma vie d'adulte dans ces cahots et ces péripéties: dans
l'aventure et l'incertitude une Etoile nous guidait.
Bien sûr après l'espérance et les illusions que nous portions en nous à l'époque, les années qui
suivirent amenèrent progressivement amertume et désillusion. Si la défaite avait été une terrible
leçon, celle-ci fut vite oubliée.
Ce fut à nouveau bien vite le règne des ambitions, de la médiocrité; des clans et des partis,
l'incapacité à construire ensemble. C'est sans doute cela la " condition humaine".
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La GUERRE des enfants!
Jean-Louls BALAGAYRIE
bien aidé par sa sœur Jeanne GAUTHIER.
Ces réminiscences furent provoquées par une question de CAROLINE, fille de JEAN-LOUIS,
qui, depuis CARACAS, lui demandait:
"Dis donc, papa, toi qui a connu PAPON, explique moi les à propos de son procès"
La réponse fut à l'origine de toute cette plaquette 111
Ah bien sûr que je n'ai pas connu PAPON : à la fin de la guerre, j'avais quatre ou cinq ans et
j'habitais le PUY de DOME.
A cette époque,
je ne connaissais même pas l'existence de la ville de BORDEAUX! Ta tante
JEANNE avec ses quatre ans de plus garde le souvenir du début. ..
La guerre? oui, nous avons des souvenirs précis et nous allons te les raconter ...
La débâcle
Ce que j'en ai vu à SAINT ELOY LES MINES c'était dans la grande rue, la seule, la rue JEAN
JAURES. Un défilé continuel de gens mal habillés descendait la rue en poussant des charrettes
qui des voitures d'enfants.
Certains trimbalaient simplement d'énormes valises. D'autres épuisés se réfugiaient chez
l'habitant; ainsi à la « belle maison» (domicile de mes grands-parents) avions nous hébergé un
couple de Belges et leur ... perroquet.
Le flot des réfugiés était ininterrompu et ma grand-mère MATHILDE toujours anxieuse m'avait
défendu de traverser la rue ... Cependant sur le trottoir d'en face un vieux, poussant une brouette
vendait des p'rons. (petites poires)
Ce soir-là mon père me fila deux fessées: une parce que j'avais traversé la rue; une autre
parce que j'avais volé trois sous pour m'acheter les fameux "p'rons" ... Tu vois que la guerre
commençait mal pour moi.
Le retour du père
Mon père était rentré du front, il y avait peu. Ma sœur raconte qu'il lui avait rapporté une poupée
à tête de porcelaine, et à moi un train. Je ne me souviens pas de son retour.
Il paraît que je ne l'ai pas reconnu et que j'ai mis longtemps à lui adresser la parole; pourtant,
ma mère GERMAINE racontait qu'elle avait honte parce que chaque fois qu'un militaire entrait à
la pharmacie, je l'appelai « papa ».
L'attaque de la colonne allemande
Les maquis attaquent
Une colonne allemande au grand complet remontait la rue JEAN-JAURES. Les rues étaient
désertes lorsque, à contresens, une « traction-avant» dévala de la côte du MOULIN PAROT
avec, couchés sur les ailes, deux maquisards armés de mitraillettes Ue les ai VUS). Ces cinq
héros de pacotille tiraillèrent sur la colonne formée de chars, d'auto mitrailleuses, de camions
1."
.:
-;
•
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traînant des canons, le tout servi par des centaines de soldats allemands ... L'un deux fut blessé,
la riposte fut vive et un des maquisards reçut une balle dans la tête.
La colonne s'arrêta et les ennuis commencèrent: le Commandant fit établir des barrages autour
de la ville et interdit d'en sortir. Il décida de tout faire brûler en représailles.
J'avais peur, et je n'étais pas le seul. ..je me souviens que nous étions dans la grande chambre
avec mes parents et que mon père regardait très discrètement à travers la fente d'un volet.
J'essayais de le, et de me rassurer: je lui courrais aux fesses en lui disant: « mais toi, avec ton
brassard de la Croix-Rouge (vestige de SA guerre que j'avais dégotté en « fregounant' dans
ses tiroirs) tu ne risques rien! » Ça l'énerva un peu plus et il m'envoya aux « pelotes»
Le parlementaire
Le fils BROCHET parlait parfaitement allemand puisqu'il avait fait l'école hôtelière à MUNICH. Il
demanda à être reçu par le Commandant qui accepta; il avait lui aussi fait l'école hôtelière et
ces messieurs sympathisèrent ou presque: BROCHET expliqua que les assaillants n'étaient
pas du pays mais venaient du plateau de MILLE VACHES ....
La décision de tout faire brûler fut remise ... merci les hôteliers ...
L'enterrement
Il eut lieu deux jours après. Bien peu de volontaires pour y assister les gens craignaient toujours
des représailles. Mon père n'était pas très chaud non plus, mais GEORGES PILANDON, le
coiffeur, vint le chercher et le décida.
Chacun entraînant l'autre, d'autres encore craignant d'être mal catalogués s'ils étaient les seuls
à rester chez eux, finalement il y eut beaucoup de monde.
Je garde l'image de ce corbillard à l'ancienne tiré par un cheval caparaçonné de noir, sans
aucune fioriture, ni fleur ni couronne, suivi par des dizaines d'hommes en rang d'oignon. Les
soldats allemands arrivèrent; ma sœur les vit la première et alerta ma mère qui, par téléphone,
prévint les gens d'en bas! Ils encadrèrent alors le convoi, qui poursuivit sa route entre deux
rangées de soldats allemands casqués et en arme. Pas une femme ne suivait l'enterrement: la
guerre c'est une affaire d'homme.
Ma grand-mère MATHILDE s'engueule copieusement avec sa bru, ma mère en disant' mais
enfin, vous GERMAINE vous auriez dû l'empêcher de suivre cet escogriffe de coiffeur; vous
aurez l'air fine maintenant s'il arrive quelque chose ... »
Le convoi disparaît vers la côte des bureaux, la ville est déserte ... la longue attente commence.
Vers 5 h 1/2 les premiers, de retour du cimetière, arrivent, effrayés et racontent: « au moment
de la mise en terre une fusillade a commencé sans qu'on sache très bien ni pourquoi, ni
comment. Certains se sont sauvés en escaladant le mur du haut et en s'enfuyant par le carreau
de la mine, BA LA GA YRIE et PILAN DON étaient de ceux-là ... » L'attente se poursuivit puis des
coups de feu retentirent, très proches: « ils tirent sur mon papa» s'écria ma sœur Jeanne entre
deux sanglots ...
Le retour des Héros
Un moment plus tard un voisin vint nous prévenir que mon père sain et sauf était chez le
Docteur ASTORGUE et qu'il réapparaîtrait à la tombée de la nuit. L'attente fut plus paisible, les
femmes même, s'étaient « raccommodées» dans la joie.
Mon père arriva plus tard, les traits un peu crispés et raconta: « aux premiers coups de feu tirés
par les Allemands nous nous sommes sauvés par la mine, en arrivant au bassin, une sentinelle
nous mit en joue et tira sans sommation sur PILANDON qui n'avait pas trouvé mieux que de
s'affubler d'un bleu de travail que les Allemands considéraient comme l'uniforme des
maquisards. Lui et moi firent à travers les bouchures un plongeon en contre bas dans le jardin
d'ASTORGUE, moi je me retrouvais dans les laitues, le GEORGES lui tomba directement dans
le puits ...Quelques minutes plus tard nous nous cachions chez le bon Docteur, mais les
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Allemands veillaient, ayant vu un homme rentrer dans la maison ... Heureusement cet aprèsmidi là, la bonne recevait son amant, et c'est lui qui est sorti, montrant son bras blessé aux
Allemands comme s'il sortait de prendre consultation ... les soldats changèrent d'objectif: nous
étions sauvés. Le GEORGES PILANDON était couvert d'excoriations, et ma grand mère
« enragée houspillait tout le monde »,
Dans l'affaire, il y eut une seule victime: une vieille dame sur le pas de sa porte au MOULIN
PAROT écopa d'une balle perdue en plein ciboulot!
Fin de l'épisode.
L'Occupant
En dehors des allemands « de passage », je n'ai pas souvenu de soldats en garnison chez
nous. Nous étions en zone libre. La ligne de démarcation passait à MOULI NS et nous
entendions des récits de passage et de passeur dont parait-il le boucher d'en face. « " a
l'habitude de manier le couteau disait mon père », j'en frémis encore ...
Les Maquisards
Mon père
L'armistice lui avait permis de regagner ses foyers et sans doute évité la captivité et la mort, il en
était reconnaissant (comme les autres) au Maréchal PÉTAIN.
Ma sœur aînée raconte que ma grand-mère MATHILDE lui faisait faire des dessins pour le
Maréchal et qu'on l'écoutait, le soir à la radio. En tout cas je ne vis jamais ni calendrier ni photo
à son effigie chez nous.
À mon niveau: quatre ans en 1942, j'ai souvenu de la fin de la guerre et donc d'un temps ou la
résistance (peut être celle de la dernière heure) s'organisait.
LOUIS ne fut pas un maquisard actif, il était trop occupé par son officine et n'aurait sûrement
pas pu « camper» dans les bois. Cependant il était, comme toute la gens médicale du coin,
favorable aux maquis. Il prit souvent le risque d'héberger des gens recherchés par les
allemands, faisant sans doute là preuve d'une fidèle amitié plutôt que d'un grand civisme.
En tout cas, ses copains étaient à ma connaissance du côté des résistants. Il fabriquait pour eux
des bonbonnes de pastis maison et une liqueur à l'estragon. Il continuait à payer son
préparateur Henry DURON qui lui était parti guerroyer.
Le hangar près du jardin regorgeait à la fin de la guerre des trésors des maquis: cigarettes,
conserves, pièces détachées automobiles etc ...
La garde des voies: les trains étant sabotés régulièrement l'occupant avait décidé de faire
garder les voies la nuit par les habitants qui devenaient responsables du tronçon qui leur était
alloué. Mon père, quand il était désigné, payait un mineur pour « garder» à sa place.
Cela m'embêtait bien, car mon rêve, c'était d'aller garder les voies avec lui!
J'avais une mitraillette en bois noir sur laquelle était peint: « Raoust 44 ». Cette date montre
bien que moi aussi j'étais un résistant ... de dernière heure!
Curieusement, dans les souvenirs que j'ai de cette époque, la personnalité de mon grand-père
ARCHIPPE BALAGAYRIE intervient très peu. C'était un homme discret, ancien militaire (Cf.
plaquette sur le TONKIN). Mon père s'inquiétait, parce qu'ARCHIPPE aurait été franc-maçon et
que les Allemands arrêtaient et déportaient, sur listes, systématiquement ces gens-là ...
Le Gaguelet
Les résistants étaient pour la plupart de joyeux drilles qui trouvaient là une occasion de faire la
fête entre copains et sans les femmes (les leurs en tout cas). La figure la plus marquante de ce
type de résistant était le GAGUELET, chef d'une escouade à MENAT qui trouva la mort en
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sautant par la fenêtre d'une chambre d'hôtel chez le DOUDOU pour échapper aux allemands ou
plutôt, pour échapper, dirent les mauvaises langues de l'époque ... à un mari jaloux.
Au pont de MENAT, il Y eut un jour une fusillade parce que les maquis, depuis le vieux pont
romain, avaient canardé un convoi qui passait le nouveau pont. Leurs actions effectuées, les
maquis se sauvaient dans les bois, et les braves autochtones tranquilles subissaient les
représailles! (Cf. le récit de Michelle LAVEDRINE)
Le Henri DURON
DURaN, dit le "potard", préparateur en Pharmacie, celui qui m'appelait' le petit con à la grande
veste» un jour prit le maquis. Il passait souvent nous voir et je me rappelle un repas à la
maison: il était harnaché en combattant et c'est « en arme» qu'il participa au repas: ma grandmère venait tâter les grenades qui pendaient à sa ceinture ...
Les autres
D'autres noms me viennent à l'esprit sans que je sache bien leur rôle: le GEORGES
RAPHANEL de MENAT par exemple.
Le petit PRAT
Je ne pense pas qu'il fût un grand résistant. Il tenait un « caboulot» au bourg, à gauche avant la
côte de la BOULE. C'était sûrement un mauvais sujet qui aura plus tard bien profité du Plan
MARSHALL.
Les TIXIER
Les TIXIER avaient vers le jardin de la rue des MASLES un garage. Ils avaient une entreprise
d'autobus: les CARS TIXIER, et c'est devant ce garage que leurs fils décortiquaient des balles
de fusil et jetaient la poudre dans le feu pour faire un feu d'artifice et aussi pour faire peur aux
gamins admiratifs du quartier. Ils y réussissaient parfaitement et je rentrais à la maison tout
tremblant.
Ceux de MONTAIGU
ANDRE MICHEL le médecin du coin et son beau-frère JEUX résistaient aussi. Ils furent
dénoncés par le notaire et poursuivis par les allemands. Leurs femmes, deux blondes
flamboyantes étaient du lot. Elles parvinrent à s'échapper et leurs cheveux blonds cachés par un
foulard, elles traversèrent le pays pour se réfugier chez ... mes parents. Ni LOUIS ni surtout
GERMAINE ne devaient être ravis, mais ils les protégèrent jusqu'au lendemain. Ce soir-là il y
eut de la carpe au dîner!
Les mineurs
Les mineurs étaient tranquilles parce que, par leur travail, ils contribuaient à l'effort de guerre. Ils
ne risquaient pas le S.T.O. en Allemagne. C'est pourquoi de nombreux jeunes entraient à la
mine.
Un jour on vit arriver l'Alfred BONNE étudiant séminariste, futur notaire, affublé de la tenue
complète du parfait mineur: il venait de « s'embaucher» à la mine pour éviter de partir en
Allemagne. Il tint quatre jours et démissionna tellement il avait peur au fond des galeries; il faut
dire que son père y était mort jadis! Il avait un copain militaire qui jouait merveilleusement de la
trompette.
Les Collabo...
Je n'ai entendu parler que de deux: le notaire de MONTAIGU, Maître N. qui prévenu s'échappa
en SUISSE avant d'être arrêté; et le garagiste, celui qui avait toujours des pneus malgré les
restrictions et qui lui fut fusillé.
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Les Juifs
À SAINT ELOY, pays de mine il y avait beaucoup de Polonais arrivé de SILESIE en 1937. Je
n'ai pas souvenir d'un seul juif dans la région; sans doute les auvergnats sont de trop bons
commerçants. En tout cas, on n'en parlait même pas.
La vie quotidienne
Le rationnement
La pénurie ne nous gênait guère, le TOINE, mon grand père maternel, faisait une fois par
semaine du pain qu'il pétrissait dans une grande caisse en bois posée entre deux chaises, on
tuait clandestinement un cochon et les conserves abondaient.
À SAINT ELOY, le TABET cultivait les légumes.
Les tickets
J'ai le souvenir d'être allé faire les commissions avec les « tickets» : on avait droit, par
personne, à quelques grammes de beurre et de fromage. L'épicerie voisine, à côté de la
B.N.C.1. était tenue par trois sœurs c'est pourquoi mon père l'appelait l'épicerie « des six
fesses» ! Les J3, catégories des adolescents avaient droit à des rations supplémentaires et
pour moi être J3 c'était le rêve!
Le marché noir
Les tickets ne nous faisaient pas "trop faute" :
ainsi, un jour, nous montâmes à SERVANT avec la 302, il Y avait un cochon à ramener, on le
plaça derrière et on m'assit dessus. Une fois à la cave à SAINT ELOY on dépeça la bête, je me
souviens de toutes ces bassines remplies de tripailles et du saloir. J'étais tellement fier que je
racontais l'aventure aux voisins! Ce pourquoi mon père fit la distribution de rôtis pour les faire
taire. Ce jour aussi j'eus droit aux félicitations ... À la cave, il y avait aussi un grand pot de grès
plein de silicate de chaux dans laquelle on conservait les ... œufs !
et parce que tous les mardi madame DURAND (qu'on appelait la mère DURAND en son
absence, je lui ai d'ailleurs rapporté) apportait œufs, fromages, beurre et volailles de sa
campagne. J'ai le souvenir d'un mignon petit lapin que je n'ai pu soustraire à la mijoteuse.
Depuis je crois n'en avoir jamais mangé ... Et pourtant j'ai eu une canadienne doublée en
podelapintin : j'ai compris bien plus tard que c'était de la peau-de-Iapin-teint.
Ah les habits! Ma grand-mère MATHI LDE filait une laine rêche et grattant à souhait. Elle
défaisait même les chaussettes pour en faire des tricots forcement bariolés ou des longs bas de
laine qui grattaient furieusement. Le pire c'est quand on m'obligeait à mettre des chemises ayant
appartenu à ma sœur. Le pire du pire, c'était cette gaine de fille toute rose qui devait me tenir le
ventre au chaud l'hiver.
Les planques
Au grenier à SAINT ELOY, un entrepôt avait été aménagé: cela sentait la boge et après la
guerre nous dûmes finir les provisions économisées en vue d'une longue disette: les macaronis
avaient les charançons, le chocolat blanchissait, le café que l'on brûlait nous-mêmes mélangé à
l'orge était moisi ...
Le vin enterré dans la cave
Ah oui nous prenions nos dispositions et, à la cave sous le tas de charbon, mon père avait fait
creuser un trou où il avait enterré ses bouteilles de vin.
Les revolvers dans le puits de ST-ELOY
De même pour les armes à feu qui devaient être remises à la gendarmerie: LOUIS jeta son
revolver au fond du puits de la cave. Il l'avait enduit de graisse et plié dans de la cellophane; si
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bien que, après la guerre, quand il fit descendre au fond du puits, un gros aimant au bout d'une
corde, il ne ramena que ... mon revolver à bouchon que j'avais du y jeter par mimétisme!
L'école
Les gâteaux du Maréchal
L'école fonctionnait toujours. Il n'y faisait pas chaud, mais on avait droit tous les jours à deux
gâteaux secs et un verre de lait de la part du MARECHAL. Les J3 eux avaient double ration!
Les dessins pour le Maréchal
Pour remercier ce bon MARECHAL on nous faisait faire des dessins qu'on lui envoyait
directement (comme au père Noël). Vous pensez si on en retirait une légitime fierté !.
Les promenades à Servant
SERVANT c'est un petit village de 300 habitants à l'époque, à quelques kilomètres de SAINT
ELOY, près de la BOSSE qui comme son nom l'indique est le point culminant de la région (950
m.). Donc on « montait» à SERVANT soit par la côte de la BOULE en empruntant la route de
CLERMONT, soit par la petite route de MOUREUILLE.
Là mon grand-père ANTOINE tenait un magasin, (grande surface de l'époque) où il vendait de
tout: depuis les billes et les bonbons à l'unité, la confiture au détail jusqu'aux cuisinières
ROZIERES monumentales. Ce qui expliquait nos voyages fréquents à SERVANT pour se
réapprovisionner. Dans l'arrière magasin, une grande malle contenait des remèdes et
représentait la succursale de la GRANDE PHARMACIE PRINCIPALE de SAINT ELOY.
Compte tenu de la pénurie d'essence, (alors que de grands bidons pleins d'essence étaient
dangereusement stockés au garage) mon père utilisait une moto 50 cm" TERROT qu'il fallait
pousser dans la côte. Il me plaçait devant lui, assis sur le réservoir et m'affublait d'un horrible
imperméable bleu foncé et qu'en plus on m'enfilait a l'envers: l'horreur! On montait par la côte
de MOUREUILLE, mais cette moto était tellement essoufflée qu'il fallait la pousser dans la côte!
Quand même, des fois le manque d'essence nous obligeait à faire le voyage dans la voiture à
âne du père BOUCHARDON. Mais cet âne en était un et refusait obstinément d'avancer sauf s'il
était conduit par le Marius RIVIERE! Le MARIUS, lui, en faisait tout ce qu'il voulait, et, en
douceur! MARIUS était un résistant à sa manière: il résistait à la société et ses nombreux
larcins firent qu'il passa plus de temps en prison qu'à SAINT ELOY. Il fut emprisonné une fois,
disait-il, parce qu'il avait volé une corde ... et il ajoutait avec son gentil sourire et comme en
s'excusant: « c'est pas ma faute s'il y avait un cheval au bout! » Il me fascinait d'autant plus
que quand «j'étais pas sage» ma grand mère MATHILDE me criait: «tu es un MARAMIAN, tu
finiras comme le MARIUS ou le petit PRAT! Et ta sœur, elle, elle finira comme la VOVONNE'
Le MARIUS? elle le connaissait bien, elle lui avait fait l'école; il lui obéissait au doigt et à l'œil. ..
chacun choisissait donc son « meneur », La VOVONNE en question habitait seule une petite
maison en face de chez mes grands-parents et, à la réflexion, je pense qu'elle avait l'humeur (et
l'amour) bien accueillante ...
À SERVANT, dans le hangar étaient entreposées deux voitures, l'une sous un tas de fagots que
l'occupant ne vit jamais, l'autre une CHENARD était sur cales de façon à éviter sa réquisition.
Pourtant, cette auto intéressait son monde puisque, tour à tour, allemands et maquisards
passaient vérifier sa présence.
Les maquisards, gens du pays, étaient à l'aise; les Allemands eux étaient sur le « qui vive ». Ils
affolaient les poules de ma grand-mère maternelle, la Marie PICAN qui les insultait sans
complexes. « Vous pourriez quand même faire attention à mes pichoux' leur criait-elle, et le
chef de groupe, un immense arien s'excusait avec un grand sourire.
Les fins de semaine toute la famille était à SERVANT. Les promenades se suivaient et se
ressemblaient: le bois de la GARENNE vers l'étang, là ou une vieille complètement édentée
passait ses journées à râper des pommes pour les mangers; à la statue de SAINTE
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RADEGONDE à la sortie du village; aux champs de mon grand-père sur la route des
BERTONS.
L'histoire du couteau
Là, on pique-niquait et figurez-vous, qu'un dimanche j'y perdis mon couteau: un gros couteau
pliant avec un manche en cuivre orné. Ce couteau, on le chercha partout... en vain; j'étais triste
et craignais les représailles ... Quinze jours plus tard, nouveau pique-nique au même endroit, et
en arrivant sur les lieux qu'est ce que je vois briller là dans l'herbe, à l'entrée du champ? ? ?
... et oui messieurs, mesdames le fameux couteau était miraculeusement retrouvé.
Cette histoire fut racontée des centaines de fois à mes enfants qui en redemandaient sans arrêt,
frémissant toujours à l'idée de cette perte monumentale alors qu'ils avaient cent fois entendu la
fin
« Dis, papa raconte-nous encore l'histoire du couteau! »
La MARIE PICAN était aveugle, c'était une maîtresse femme et elle activait sans arrêt son
TaiNE de mari, qui plus contemplatif ou plus sage avait tendance à se reposer.
Dès que la cloche de la porte du magasin tintait, elle criait en patois:
« Co Cu TaINE» ce qui signifiait bien sûr: « il y a quelqu'un ... TaINE» notre traduction plus
littérale nous amusait beaucoup et bien souvent le tintement de la cloche était de notre fait.
« Ca co chi gaman son enrragea » disait-elle quand elle nous « voyait» voler encore du
chocolat. J'ai mis longtemps à comprendre qu'elle avait entouré la réserve de chocolat avec du
papier d'argent et que c'est le bruissement du papier qui l'alertait. « Ne te fâche pas, c'est pour
porter à ma grand-mère de SAINT ELOY» se défendait Jeanne.
Le bombardement des mines de Wolfram de La Bosse
Un Dimanche de juillet, après midi, nous entendîmes un vombrissement sourd et continu venant
du ciel. Devant la porte du TOI NE, nous scrutions le ciel et nous vîmes apparaître des dizaines
d'avions à cocardes bleu blanc rouge qui survolèrent SERVANT volant en formation vers le
Nord-Est.
« C'est pour la BOSSE» dit mon grand-père ... Quelques minutes plus tard des explosions
lointaines nous confirmaient que ces Anglais bombardent les mines de WOLFRAM ou
TUNGSTENE de la BOSSE. Nous sûmes le lendemain que l'objectif avait été raté et que seul
un bouc y avait perdu une patte!
La retraite allemande
Et oui, un matin on les revit rue JEAN JAURES, mais dans l'autre sens: ils remontaient vers le
nord. Ce n'était plus la fringante colonne bien ordonnée et triomphante, mais de pauvres diables
sales et dépenaillés qui marchaient en désordre, en s'appuyant sur les rebords de voitures à
ânes qui étaient maintenant leurs seuls véhicules ou ... presque.
Le camion de foin
Un soir, un camion de foin stationna devant la pharmacie et le soldat qui le gardait perché sur le
chargement était juste à la hauteur de notre balcon. Sur ce balcon, un petit gamin lui souriait et
lui faisait des « mines ». Il me répondit d'un geste amical et c'est ma grand-mère qui me sauva
de cette tardive tentative de collaboration en me tirant par la chemise, m'obligeant à rentrer à la
salle à manger où j'eus (encore) droit « à la prière de l'âme» !
La tante Marie
La colonne avançait lentement, péniblement dans la côte, quand, au milieu de ces malheureux,
on vit apparaître une belle auto noire à l'intérieure de laquelle la tante Marie GERBE nous faisait
des signes! Ça y est ils embarquent la Tante Marie s'affolait grand mère. (Ah les pauvres, ils
auraient fait un beau chopin !). C'était une institutrice en retraite et d'école maternelle encore,
..:-.:-
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poilue, joufflue, molle et autoritaire, veuve du frère de Mathilde qui fut tué en 1914. Eh bien elle
avait trouvé une « occasion» pour monter de RIOM en voiture, mais ils avaient été coincés par
le flux de soldats et suivaient la colonne depuis plusieurs heures: c'est fatiguée mais saine et
sauve que nous avons eu la chance de la récupérer!
La libération
La libération bien sûr reste dans nos souvenirs ... Nous entendions au poste les progrès
effectués par "nos" alliés" et nous étions d'autant plus impatients que des représailles de
dernière heure étaient encore à craindre de la part des allemands ...
La libération de Paris
Une nuit, vers deux heures du matin, nous fumes réveillés par une joyeuse fanfare, juchée à
l'arrière d'une camionnette qui sillonnait les rues en jouant du clairon. "ça y est" dit mon père en
sautillant de joie dans son pijaveste ! Nous comprimes tout de suite et notre joie fut immense...
mais de courte durée, renseignements pris: ce n'était QUE la libération de PARIS. "Ces
imbéciles vont nous faire avoir des ennuis" dit mon père, "retournons nous coucher'.
Notre libération intervint quatre jours plus tard et fut fêtée par un bal populaire sur la place de
l'ancien Poids de Ville ......
Les femmes tondues
Les réjouissances terminées, on passa rapidement aux représailles. Dés le lendemain, rue des
MASLES, j'assistais à un défilé en fanfare au-devant duquel quelques femmes tondues
affrontaient la vindicte populaire. À SERVANT, on raconta que les fiers FFI torturaient les
collabos et avaient même piétiné les pieds d'une femme, une "roulure" avec leurs souliers
cloutés!
Les prisonniers allemands, la soupe et les petits mickeys
Les choses se calmèrent rapidement et au bout de quelques jours, les seuls stigmates de notre
victoire furent le passage matin et soir de la colonne de prisonniers allemands partant travailler à
la mine, dûment encadrés d'homme en armes, mais sans uniformes! Les seuls qui avaient l'air
martial c'était les prisonniers en treillis avec un gros P.G. peint dans leur dos!
Ils étaient parqués prés du puits numéro 6 derrière d'immenses barbelés hauts de trois ou
quatre mètres, et notre grand plaisir, à la sortie de l'école était d'aller traîner vers ces barbelés et
d'engager la conversation. Ils nous parlaient très aimablement, et nous proposaient même à
manger: "Feuille de Zoupe?" Et ils nous passaient un bol de soupe aux fayots, bien épaisse,
bien marron, que
personnellement je trouvais délicieuse. Bien sûr, dés qu'elle fut au courant, ma grand mère
m'interdit de telles fréquentations
.
Ces prisonniers fabriquaient des jouets en bois: un petit Mickey articulé qui descendait sur un
plan incliné, en dodelinant. Ils vendaient ça peu cher, et, à Noël, tous les petits Eloysiens eurent
droit au même cadeau! Le père Noël lui même "collaborait-il" ?
Les Américains
On en vit quelques-uns, à la fin bien sûr. D'abord à CLERMONT et ma sœur se souvient encore
d'un bel officier en uniforme bleu ...
Nous connûmes notre premier chewing-gum que nous partageâmes religieusement, cela nous
changeait de la gonacrine.
Les bananes réapparurent; un soir en rentrant de l'école, j'ai dit, parait-il: « ça sent la
banane! » alors que je n'en avais pas mangé depuis l'âge d'un an. « Cet arria ! quelle mémoire
il a » dit ma mère.
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Il Y eut aussi distribution de cigarettes, mais nous n'étions pas encore amateurs à l'époque ...
Mon père non-fumeur avant la guerre s'y mit pendant, parce que paradoxalement, alors que les
vrais fumeurs en manquaient, il avait beaucoup de tabac: le cousin Charles DEBORD
camionneur à la S.E.I.T.A. passait une fois par semaine avec son semi remorque et mangeait à
la maison; alors, fréquemment quelques cartouches de BAL Ta « tombaient» du camion!
Les souvenirs de JEANNE: Deux drames ont marqué mon enfance, parce qu'ils nous
touchaient de près.
D'abord, l'assassinat d'Henri JEUX sur la place de Montaigut. Je le connaissais bien. Le
dimanche avec les LEVADOU et MICHEL nous allions quelquefois dans la ferme de Madame
JEUX, mère, aux environs de MONTAIGUT. Là nous déjeunions ensemble des produits de la
ferme et nous rencontrions les résistants des environs.
Et l'arrestation de la famille VIRLOGEUX, Claude était la nièce de la tante UNaU, belle sœur de
ma grand-mère maternelle. C'était une femme brillante, elle avait fait Normal-Sup (SEVRES) et
son mari Pierre VIRLOGEUX, ingénieur chimiste, était un important industriel de RIOM, PUY de
DaME. Tous les deux étaient de grands résistants. Ils furent arrêtés par la Gestapo et
emprisonnés. Pierre VIRLOGEUX par peur sans doute de trahir les siens, sous la torture,
préféra se donner la mort, dans sa cellule. Mes parents disaient qu'il s'était ouvert les veines
avec ses verres de lunettes. Pour moi, c'était ça l'héroïsme. Claude, elle fut déportée et mourut
en déportation. Leur fils aîné Jean 15 ou 16 ans lors de leur arrestation fut également déporté,
mais survécut. En 1947, pensionnaire au collège de RIOM qui porte aujourd'hui le nom de
Claude VIRLOGEUX, j'allais souvent passer le dimanche chez les grands parents VIRLOGEUX.
Je garde en particulier un souvenir ému du grand père qui vivait son malheur avec une très
grande dignité. Chez eux, j'ai rencontré Jean au retour de sa déportation; il m'impressionnait
beau coup. Marc le plus jeune était lui aussi très marqué par ce drame épouvantable.
L'insouciance de la jeunesse, eux, ils n'avaient pas connu.
Michèle LAVEDRINE nous à fait l'insigne honneur de nous faire parvenir le Témoignage de
Jean VIRLOGEUX qui constituera un chapitre de cette plaquette!
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MOI, j'avais 16 ans en 1940...
dit Jean GAUTHIER,
Après la mort de mon père, pharmacien à RIOM-ES-MONTAGNE, décédé des suites de la
guerre de 1914, je vécus mon adolescence entre AURILLAC, où j'étais pensionnaire à SAINTEUGENE, RIOM-ES-MONTAGNE et BORT-LES-ORGUES.
En 1943, je partis faire mes études de médecine à CLERMONT FERRAND. Tous mes
souvenirs de la guerre 1940-1945 se situent dans cette partie de l'AUVERGNE.
Années 1940-1942
Début juin 1940
Un flot ininterrompu de réfugiés descendait de BELGIQUE et du Nord de la FRANCE pour
atteindre la zone libre. Puis, tout paru se calmer. Cependant, dans ce coin reculé d'AUVERGNE,
alors que personne n'avait encore aperçu un seul Allemand, cependant des rumeurs se mirent à
circuler: « Les Allemands approchent »,
Un jour, pendant une promenade à bicyclette, alors que nous nous reposions, assis sur un banc
de la place de CHAMPS sur TARENTAINE, nous entendîmes au loin le bruit d'une moto. Entre
les arbres de l'allée apparut un Allemand, seul, en pays ennemi. Il s'arrêta à quelques mètres de
nous, mis un pied-à-terre, tout en faisant ronfler son moteur. Il jeta un regard circulaire comme
pour étudier le comportement des habitants qui étaient présents et repartit comme il était venu.
Quelle surprise pour tout le monde: personne n'avait bronché. Cela avait quelque chose
d'irréel: un soldat seul, loin des troupes, sur des chemins communaux en dehors de toutes
routes à grande circulation. J'ai longtemps repensé à cet éclaireur qui ne manquait certes pas
de courage. Ce fut là ma première rencontre avec l'ennemi.
OCTOBRE 1940
La rentrée scolaire avait eu lieu.
J'étais pensionnaire à AURILLAC, chez les prêtres de SAINT EUGENE. Avant la guerre, la
nourriture y était épouvantable et notre situation ne s'était bien évidemment pas améliorée en
raison des tickets d'alimentation et des restrictions.
La vie du pensionnat n'avait pas été bouleversée et notre vie d'écolier se déroulait de manière
presque normale. Une partie des bâtiments avait pourtant été réquisitionnée par l'armée au
début de 1939 pour servir d'hôpital aux convalescents.
Le clergé était pratiquement dans son ensemble pour PETAIN qui rétablissait peu à peu les
pouvoirs de l'église. Les enseignants quant à eux tentaient pour la plupart de nous endoctriner.
Tous les matins il y avait le lever des couleurs accompagné de « Maréchal nous voilà ».
En 1941 PETAIN avait envoyé un livre destiné au meilleur élève de chaque classe. Un
exemplaire me fut donné, je l'ai toujours ...
À la maison, ma mère ne s'occupait pas de politique, élever ses quatre enfants était son seul
souci.
Ma tante, Marie Thérèse RABOISSON, elle, s'y est toujours intéressée. Elle écoutait Radio
LONDRES et vouait particulièrement un culte au Général De GAULLE. Plus tard, elle lui écrivit
et conservait pieusement, comme une relique, la réponse du Général qu'elle disait manuscrite.
En zone libre, nous ne courrions pas grand risque. On se réunissait avec des copains pour
écouter les émissions de LONDRES qui étaient souvent brouillées, mais nous n'entendîmes,
jamais, comme beaucoup, l'appel du Général De GAULLE.
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Ce ne fut que le lendemain, le 19 juin, alors que nous étions sur le foirail à RIOM ES
MONTAGNES, qu'un de nos amis est venu nous dire: « Hier j'ai écouté un message d'un
certain Général De GAULLE qui appelle à continuer la lutte ». Il semblait tout ignorer d'un
homme qui avait appartenu pourtant au dernier gouvernement et avait été l'auteur d'un livre sur
la guerre moderne...
Le seul fait marquant de la période qui a suivi l'Armistice fut la bataille des Faluches à
AURILLAC.
Certaines classes préparatoires aux grandes écoles avaient été repliées sur AURILLAC. Les
étudiants destinés à Polytechnique, les Mines agro, etc, se distinguaient par le port d'une
faluche ornée des insignes de leurs futurs corps.
Les externes des lycées et collèges privés, envieux, voulurent les imiter et chacun décida de se
faire confectionner sa propre faluche. Ce ne fut guère apprécié des futures élites. Au terme de
nombreux accrochages, les aurillacois durent capituler et abandonner la faluche.
1942
Les Allemands envahirent la zone libre.
En arrivant dans les villes, ils commençaient par disposer leurs propres panneaux indicateurs à
tous les coins de rue: l'image même de la ville occupée.
NOVEMBRE 1943
Après le baccalauréat dont les épreuves s'étaient déroulées normalement à l'exception des
oraux qui avaient du être supprimés en raison des difficultés de circulation, ce novembre 1943,
je partis à CLERMONT FERRAND pour suivre l'année préparatoire à la médecine (APM) qui
avait succédé au P.C.B.
La vie quotidienne d'un étudiant à CLERMONT FERRAND était peu influencée par l'occupation.
Il y avait le couvre feu qui était respecté ou pas. Dès 22 heures, il fallait rester chez soi. Toutes
les fenêtres des maisons devaient être occultées par des rideaux opaques et sombres, parfois
les vitres étaient simplement recouvertes de peinture. C'était « la défense passive », Il était
nécessaire d'enlever tous les repères lumineux afin d'empêcher les bombardements et en
particulier ceux des usines MICHELIN.
Les AMERICAINS bombardaient de nuit, à très haute altitude avec « leurs forteresses
volantes» et faisaient par conséquent d'énormes dégâts alentours. On redoutait moins les
ANGLAIS qui opéraient de jour, à moyenne altitude, et avaient des tirs plus précis.
La Gestapo avait son siège sur l'avenue de ROYAT et il était habituel de voir circuler des
tractions avants occupées par des hommes vêtus de manteau en cuir noir.
En 1943 les membres de la Gestapo et les militaires allemands investirent la cité universitaire et
la Faculté.
Au fur et à mesure que les étudiants arrivaient à la Faculté, ils étaient parqués dans les cours
intérieures et leurs identités systématiquement vérifiées.
Nous étions là, debout les bras en l'air avec interdiction de communiquer. Au bout de quelques
heures je réussis à échanger quelques mots avec mes voisins. Un fier officier juché sur une
petite butte se mit à m'apostropher en allemand, dégaina son revolver et me mit en joue. Ce fut
le silence.
La faculté de STRASBOURG repliée à CLERMONT FERRAND, la Gestapo traquait
méthodiquement les étudiants alsaciens qui auraient pu faire de la résistance. Une femme
connue sous le nom de « la Panthère» et qui devient, par la suite, tristement célèbre, était
présente et désignait souvent ceux qui devaient être arrêtés.
Les juifs quant à eux étaient peu nombreux en AUVERGNE. Je ne me souviens pas d'avoir vu
d'étoile jaune. Nous ne connaissions, ni ne pouvions imaginer l'existence des camps de la mort.
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Les déportations nous étaient connues, mais nous pensions que c'était à destination des camps
de travail.
Ce semblant de calme était seulement troublé par quelques attentats terroristes qui consistaient
le plus souvent en des plastiquages des bâtiments de la légion, de la milice ou de collaborateurs
notoires.
Quelques événements plus graves, comme ceux de l'assassinat de militaires allemands
entraînaient de violentes représailles. Un détachement d'allemands fut attaqué à la grenade, rue
MONTLOSIER et fut décimé, plusieurs officiers furent tués. Il s'en suivit une rafle monstre dans
tout le quartier et de nombreux otages furent arrêtés et déportés.
JUIN 1944· L'ARRESTATION
Le débarquement des alliés eut lieu le 6 juin 1944. La ville et l'armée allemande étaient en
effervescence.
Le 8 juin, alors que j'étais à la fenêtre de ma chambre, au rez-de-chaussée, tout près de l'Hôtel
Dieu et que je m'entretenais avec un autre étudiant, deux français s'approchèrent et me
demandèrent de les suivre.
L'un deux armé d'un revolver pénétra dans l'immeuble et entra chez moi. Ils me conduisirent
Place de LILLE dans un bâtiment réquisitionné par les allemands qui s'en servaient de prison.
J'appris plus tard que les deux homme qui m'avaient arrêté étaient membres du Parti de
Jacques DORIOT., Ancien militant des jeunesses socialistes et du Parti Communiste après la
scission de TOURS, puis exclu du P.C., fonda le Parti Populaire Français, « néo-socialiste» il
se ralliera aux hitlériens dès juin 1941.
Je fus conduit dans une pièce où se trouvaient déjà une vingtaine de prisonniers. On couchait à
même le sol, sans couverture, et deux fois par jour nous avions droit à une soupe servie par
deux prisonniers qui semblaient savoir se débrouiller et avec lesquels j'ai vite sympathisé. L'un
avait une trentaine d'années et il était originaire d'ISSOIRE, l'autre beaucoup plus âgé, la
cinquantaine environ, venait de la campagne.
Pendant notre détention, nous avons subi un examen médical à l'issu duquel un seul d'entre
nous fut reconnu inapte: le veinard, les Allemands redoutaient comme la peste les maladies
sexuelles, et il était atteint d'une chaudepisse.
Le 13juin.
On nous embarque, destination l'ALLEMAGNE.
Au préalable on nous avait demandé de nous faire apporter une valise avec quelques effets
personnels. Une étudiante en pharmacie originaire d'AURILLAC eut le courage et la gentillesse
de me l'apporter.
Transportés en cars jusqu'à la gare, nous prîmes un des derniers trains qui circulaient vers
PARIS. On savait que notre destination finale serait COLOGNE. Nous pûmes nous installer par
affinités dans les wagons et je me trouvais à côté de nos deux aides cuisiniers. Dès le départ, je
pensais que l'on pouvait peut-être tenter une évasion pendant le trajet de nuit.
Malheureusement, toujours bon dormeur, je m'assoupis dès le départ et ne me réveillais qu'à
l'aube. Il était trop tard pour sauter du train. Ce fut ma chance. L'un d'entre nous qui avait tenté
la belle s'était fait tirer comme un lapin par les gardes allemands.
Le voyage s'éternisa car de nombreuses voies étaient coupées ce qui arrêtait le train ou
l'obligeait à modifier son itinéraire.
Arrivés à PARIS, encadrés par les Allemands, nous sortîmes de la gare et je me souviens qu'un
cheminot s'est approché de nous et nous a dit: « Les gars ne vous inquiétez pas bientôt un
soulèvement aura lieu, ce ne sera pas long »,
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C'était la première fois que je voyais PARIS et je le découvris des autobus à plate-forme
réquisitionnés pour l'occasion. On nous conduisit à la caserne de la PEPINIERE où nous étions
gardés par des allemands d'un certain âge qui auraient facilement sympathisé avec nous. La
seule alimentation était des haricots blancs farcis de charançons, l'on ne voyait que des points
noirs, mais nous ne faisions pas les difficiles.
Mes deux compagnons s'occupaient toujours de la cuisine, j'expliquais au plus jeune qu'il fallait
tout tenter pour ne pas partir à COLOGNE. Notre seule chance était de rester à PARIS. Il était
d'accord pour essayer quelque chose.
Deux jours plus tard
Il me glissa à l'oreille: « Ca y est, il y a un espoir. J'ai demandé à l'un de nos gardes français la
permission d'aller faire quelques emplettes avant notre départ pour l'ALLEMAGNE, et que nous
le récompenserions ».
Le lendemain il me confirma qu'il avait réussi à faire soudoyer le gardien allemand qui était à la
porte et que nous allions pouvoir sortir tous les trois accompagné d'un brave boche.
Après quelques achats, nous décidâmes de faire la tournée des bistros et grâce au ciel ce
n'était pas un jour sans alcool. Nous fîmes boire notre accompagnant ce qui le rendit fort gai et
inattentif. À un angle de rue nous nous échappâmes et n'eûment aucun mal à le distancer,
empêtré qu'il était par son fusil, dont il ne voulait pas se servir. Alors que nous reprenions notre
souffle quelques centaines de mètres plus loin nous tombâmes nez à nez avec un des deux
hommes qui m'avait ramassé à CLERMONT FERRAND. Il ne m'a pas reconnu, mais moi, si !
Nous voilà à PARIS en fuite. Heureusement le plus âgé de mes compagnons avait un membre
de sa famille qui tenait un bistrot à côté de La VILETTE. Nous fûmes bien accueillis et l'on nous
restaura.
Là je cherchais dans mes connaissances parisiennes celle qui pourrait m'offrir l'hospitalité. Je
pensais à un auvergnat originaire de RIOM ES MONTAGNES, ferrailleur à PARIS. Je lui
téléphonais et lui expliquais, à mots couverts, ma situation. Il m'assura qu'il allait trouver une
solution. Comme la plupart des ferrailleurs de l'époque il avait travaillé avec les Allemands et
sentant que la fin approchait, il était ravi de pouvoir héberger et secourir « un évadé »,
Il m'installa dans une chambre de bonne sous les combles et je prenais mes repas avec sa
famille. Au bout de deux ou trois jours j'allais revoir mon compagnon à La VILETTE. Nous
décidâmes, en bons auvergnats, de récupérer nos valises toujours à la caserne de la
PEPINIERE.
Dans le bistrot, un vieillard nous affirma qu'il ne risquait pas grand-chose et qu'il était d'accord
pour tenter le coup.
Pendant des heures, nous vécûmes dans l'angoisse, imaginant le retour de notre bienfaiteur
encadré par deux allemands. Un nouveau miracle se produisit, il déboucha triomphant, une
valise au bout de chaque bras.
Il nous exposa son stratagème: il avait expliqué à la sentinelle que deux de ses amis déportés
en ALLEMAGNE avait oublié leurs bagages dans l'émotion du départ. Ils l'avaient chargé de les
récupérer. La sentinelle l'envoya à la consigne voir s'il trouvait les fameuses valises et voilà!
Au bout de quelques jours j'ai pu joindre mon frère Albert qui était à TOURS, pharmacien aux
laboratoires METADIER. Il vint me chercher avec une camionnette de livraison de médicaments
et je quittais mes bienfaiteurs, qui en outre, avaient réussi à me procurer une fausse carte
d'identité.
Je suis resté à TOURS avec mon frère dans une pension de famille jusqu'à la libération.
74
Vers le 20 août,
On disait que les troupes alliées étaient de l'autre côté de la LOIRE. Effectivement, un jour que
je me promenais sur les quais, je vis une voiture, type amphibie, qui venait de passer entre les
chicanes du pont. Au volant, un Anglais tirait sur les soldats allemands avec un revolver. Il
réussit à s'échapper dans les rues étroites et gagna paraît-il la banlieue où il fut caché jusqu'au
départ des occupants.
La libération
Le 25 août, jour de mon anniversaire! !
Je descendis dans la rue et constatais avec étonnement que les Allemands étaient partis. Je
gagnais la place de l'Hôtel de Ville où une foule énorme dansait, chantait et fêtait: c'était la
libération.
Les Allemands étaient partis dans la nuit, sans un coup de feu.
La seule ombre au tableau qui m'attrista fut un groupe de femmes, plus ou moins jeunes, que
j'aperçus cernée d'une foule éméchée. Les soit disant résistants qui les accompagnaient
décidèrent qu'il fallait les tondre pour leur infliger un début de punition. Elles furent poussées sur
une estrade au milieu de la foule et un courageux exécuteur armé d'une grosse tondeuse leur
rasa le crâne en un tour de main. C'était plutôt ignoble.
Le retour ...
Peu de jours après la libération, je décidais de rentrer en AUVERGNE. Aucun train ne circulait.
Je dus prendre des cars et, par sauts de puces, je me rapprochais de chez moi.
Parfois nous étions arrêtés par des barrages installés par des résistants. Ils inspectaient les
voyageurs et demandaient les papiers. Je traversais POITIERS, puis LIMOGES et enfin
j'arrivais à BORT LES ORGUES pour la plus grande joie de ma mère. Les plus étonnés furent
tous ceux qui me connaissaient car tous m'avaient enterré.
En effet lors de mon départ pour PARIS j'avais, à mon réveil, écrit une lettre à ma mère qu'un
complaisant voyageur, à un arrêt du train, avait accepté de lui faire parvenir. Dans cette lettre, je
la tranquillisais sur mon sort et l'assurais que nous nous reverrions bientôt. Je craignais
cependant les représailles et lui recommandais de dire que, sans nouvelle de moi, elle me
pensait mort. Elle joua si bien la comédie que tout le monde la crut.
Je repris mes études de médecine au mois de novembre et j'occupais la chambre où j'avais été
arrêté six mois plus tôt.
Dans le courant du mois, on me porta le journal « La MONTAGNE », En première page, un
article informait les lecteurs qu'un condamné à mort serait exécuté le lendemain, le journaliste
expliquait que cet homme avait organisé des rafles pendant l'occupation et citait notamment le
cas d'un étudiant « GAUTHIER Jean» parti en ALLEMAGNE ...
De nombreux miliciens, plus d'une douzaine, furent exécutés à BORT LES ORGUES.
Ce fut, pour un grand nombre, une époque particulièrement horrible.
Mais, lorsqu'on a 20 ans, l'âge de l'aventure, il est plus facile de s'adapter à toutes les situations
et quand tout finit bien la vie reprend vite le dessus.
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Marguerite ... ou la collaboration horizontale
Marguerite, quel âge aviez-vous en 1940 ?
J'avais 17 ans.
Vous habitiez où ?
J'habitais du côté de TOURNY à BORDEAUX.
Mes parents venaient de se séparer, je vivais le drame du divorce qui à cette époque était un
événement dramatique. J'étais malmenée par l'existence ...
Cela s'est répercuté dans ma vie de lycéenne où, élève brillante, je suis devenue un cancre
parce que je me suis sentie rejetée.
Vos premiers souvenirs de vos contacts avec la guerre?
C'était en 1939, maman travaillait comme personnel civil, à l'intendance militaire à la caserne
XANTRAILLES.
Du fait de la guerre et de l'arrivée des Allemands, en tant que personnel militaire, nous sommes
partis à PAU au château.
C'était au service de quels militaires?
De l'armée française. Nous sommes partis avec le personnel civil, des officiers de l'armée
française. Et là, maman a continué à faire son travail.
Nous mangions tous à la même table, civils, officiers et soldats.
Et j'avais même amené mon chat. Ma mère avait demandé à son intendant militaire:
« Ecoutez, je suis toute seule, je veux bien partir à PAU; mais j'ai une fille et j'ai un chat'
, Emmenez tout» Voilà ce que lui a dit l'intendant militaire et nous sommes partis en train
jusqu'à PAU avec halte à AIRE sur ADOUR.
Ce séjour de six mois à PAU; c'était juste au moment de mon baccalauréat. C'était la vie de
château.
À notre retour à BORDEAUX, la Caserne militaire XANTRAILLES était occupée par les
allemands. Je n'avais jamais vu d'allemands de ma vie. Les services militaires de l'armée
française très réduits étaient déplacés. Maman a continué son travail; moi j'ai repris mes études
avec beaucoup d'orgueil et de distance vis-à-vis des allemands.
Et puis, il y a eu MERS EL-KÉBIR
MERS EL-KÉBIR ça a été le sabotage par les anglais de la flotte française; et ça a été le
renversement d'opinion: les bordelais germanophobes sont devenus anglophobes. Le point de
départ de collaboration, pour beaucoup, est venu de là.
Nous avions appris aussi qu'en Angleterre une grosse partie de la flotte française qui était
réfugiée dans les ports anglais, (même jusque dans les rivières) a été complètement investie,
sabordée, pillée, volée par les anglais. Les Anglais auraient attaqué par traîtrise avec des
pinasses camouflées en bateaux de la CROIX-ROUGE.
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Puis il Y a eu le discours du Maréchal PETAIN qui avait été avant. Alors là, j'ai pleuré comme
une madeleine: pour moi c'était le sauveur, je l'ai vénéré.
De GAULLE, on ne l'a jamais entendu, de toute façon, il était inexistant.
Bien peu de gens avaient écouté son appel du 18 juin.
Inexistant à BORDEAUX?
Pas pour tout le monde, puisque mon père allait chercher les officiers américains qui étaient
parachutés dans le MEDOC; il les ramenait chez lui, les cachait dans sa cave et il les faisait
partir vers l'Espagne. Je ne savais pas qu'il faisait cela; un jour il m'en a parlé et il a déchiré
devant moi la photo du Maréchal PETAIN. Je lui ai dit que je ne remettrai plus les pieds chez
lui. ..
Je le voyais en dehors de chez lui, je savais qu'il avait une cache d'armes assez importante. Il a
été dénoncé avec tout son groupe qui était, je crois le groupe GISELE ; je n'en ai jamais trouvé
trace nulle part.
Il est allé former un groupe de résistants dans le LOT et GARONNE. Il avait des camions de
transports de vins; il est parti avec une SAMSON, sa voiture personnelle. A la libération, on lui
avait tout pris ...
Et vous, à l'époque?
A l'époque, je n'étais pas germanophile du tout, alors que je l'étais littérairement; j'aimais cette
culture-là.
Et puis j'ai rencontré un officier allemand qui avait 3 ou 4 ans de plus que moi. Je promenais
mon chien. J'avais un chien loup qu'on m'avait donné en garde. Je le promenais sur les
QUINCONCES. Un homme m'a abordé. D'abord je ne lui ai pas répondu. Tous les soirs, j'allais
promener mon chien et tous les soirs il venait.
A la fin, on a commencé à discuter.
Il m'a dit qu'il était sur un dragueur de mines, qui était en
cale sèche parce qu'il avait été touché.
HANS habitait HAMBOURG. Il m'a parlé de sa famille, et nous avons sympathisé. Il était très
jeune, il était très beau ... Nous nous sommes fiancés.
Vous voyez la difficulté pour ma mère qui le recevait, puisque nous étions fiancés et qu'elle
correspondait avec mes beaux-parents allemands. Elle le recevait toujours en civil. Nous allions
au théâtre, nous allions partout, je ne l'avais jamais vu en uniforme. Je ne l'ai vu qu'en 1944 au
moment de la débâcle.
Mon mari était très francophile, beaucoup plus francophile que moi et la FRANCE c'était le
paradis pour lui. Il m'a initié à la musique, à beaucoup de choses, ça a été un grand formateur.
Je suis parti dans sa famille à HAMBOURG où j'ai été accueilli comme le MESSIE en 1942. Je
suis restée pendant huit mois dans ma belle famille en ALLEMAGNE. Je m'ennuyais de la
FRANCE, je m'ennuyais surtout de ma maman.
J'ai subi les bombardements de HAMBOURG qui ont été horribles: 70.000 personnes qui ont
été tuées dans une nuit en 1942.
C'étaient les premiers bombardements. Les gens volaient sur l'alsphate, c'était l'horreur. Ça, je
l'ai vu. D'ailleurs, il y a eu beaucoup de morts, car comme il n'y avait pas eu encore de
bombardements, les gens ne sont pas descendus dans les abris.
Bombardements par les anglais ou les Américains, je ne sais pas exactement. Je pense que
c'était plus les Américains, mais je ne suis pas allé voir les cocardes sur les avions!
Au bout de huit mois, je suis revenue en FRANCE et à BORDEAUX.
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Et vous êtes revenus avec lui?
Non, il était déjà reparti en FRANCE. En 1943 je me suis mariée à La ROCHELLE sur un
croiseur allemand. Le commandant de bord avait droit de marier les gens. Je suis revenue à
BORDEAUX. J'ai très peu vu mon mari, parce qu'il a beaucoup navigué à cette époque. En cinq
ans, je l'ai peut-être vu six mois. J'allais prendre le thé dans un salon de thé qui s'appelait « La
marquise de SEVIGNE» . Un jour j'y ai fait une rencontre: deux tables plus loin il y avait une
jeune femme que j'ai trouvée charmante, qui était très grande. De la façon dont elle s'adressait
à la serveuse, je me suis bien doutée qu'elle ne comprenait pas un mot de français; et comme
je parlais allemand, je lui ai proposé de l'aider et on s'est assise à la même table.
Cette rencontre a pratiquement changée ma vie: elle était la secrétaire d'un capitaine à la base
sous-marine au commandement des torpilles.
La base sous-marine est un immense bâtiment de onze box qui a été construit par l'organisation
STOT. On dit que les travailleurs étaient des prisonniers, c'est possible, mais tous ceux que j'ai
connus, étaient des Espagnols qui gagnaient bien leur vie et qui étaient ravis de faire ce travail.
Mon amie allemande, fille du plus grand architecte de KHIEL. me proposa de travailler avec elle.
J'acceptais ...
Elle était logée obligatoirement au château du VIGEAN à EYSINES. Elle n'y rentrait jamais; elle
couchait chez moi. Et le matin, nous allions travailler ensemble. On prenait un tramway qui était
réservé aux Allemands. On le prenait à la place TOURNY et on allait à la base. Je travaillais
dans un service qui s'occupait uniquement de commander les camions pour aller d'EYSINES à
la base sous-marine. C'est tout ce que je faisais.
Cette base sous-marine m'a beaucoup plu: c'était une rencontre de vie et de mort. La vie était
présente par le grouillement; il Y avait des milliers de personnes. C'était tous des civils.
Il y avait onze box avec accès direct à la rivière pour les sous-marins. Les chantiers étaient
occupés par des civils employés de grandes firmes comme SIEMENS. C'était très surveillé. Il
fallait un laisser passer.
Le premier box était le box médical. Le médecin était un homme charmant qui donnait des
concerts de musique avec quelques-uns de ses collègues; dans sa famille (il avait cinq
garçons) chacun jouait d'un instrument et ils avaient formé un orchestre. C'était un homme
raffiné; J'avais sympathisé avec lui, nous allions le voir souvent avec mon amie. À la fin de la
guerre, il s'est pendu dans le MEDOC.
Le dernier box était le 11 , c'est-à-dire l'inverse, l'entrée et la sortie; le mien, c'était le
commandement des torpilles et également un box militaire. Mon amie était réquisitionnée, en
tant que personnel civil comme était ma mère dans l'armée française.
Mon amie?
MAGDALENA et moi, nous nous retrouvions le soir, chez moi. Elle portait son BRISTING, parce
qu'il faut croire que le BRISTING faisait très riche ... On avait deux sandwichs; un au jambon et
l'autre au fromage, c'est tout ce qu'on avait à manger le soir.
Il ne faut pas croire que les Allemands mangeaient à leur faim! Oh bien sur... Les officiers
supérieurs ...
Le marché noir allait bon train. Au HAILLAN où j'habite actuellement, les gens ont fait du marché
noir à tour de bras et n'ont jamais manqué de rien. Nous à BORDEAUX, on crevait de faim.
À la libération de BORDEAUX en 1944, il a fallu partir. Tout le monde m'a conseillé de ne pas
rester à BORDEAUX.
Je suis partie en août 1944, je ne dis pas la vraie date pour des raisons que je vous parlerai
après. MAGDALENA est partie en avion. J'étais la seule à ne pas vouloir partir en avion;
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d'ailleurs c'était très drôle parce qu'un des avions a été détourné par les anglais et ils ont été
faits prisonniers jusqu'à la fin de la guerre en Angleterre, l'autre avec MAGDALENA est parti
vers HAMBOURG. Le siège des commandements des torpilles était à XXX, à côté
d'HAMBOURG sur la Baltique. Les employés de la base de BORDEAUX sont tous revenus
travailler là.
Moi, je suis partie seule, j'étais dans la rue, je ne savais pas ce que j'allais faire. J'ai rencontré
deux gars, c'était des miliciens, je ne le savais pas et je leur ai parlé. Ils m'ont dit «, 'vous allez
rester là, il ne faut pas que vous restiez, vous allez être tué ». D'ailleurs, on m'avait déjà tiré
dessus une fois. Au même moment, j'ai été abordée par des officiers de la WERMACHT ; deux
officiers et une ordonnance. Ils me disent « nous cherchons une voiture ». Ils ont trouvé une
voiture en cambriolant la banque de FRANCE. Ils m'ont demandé «, 'vous voulez partir avec
nous? » Comme je ne voulais pas partir en avion, je n'avais pas d'autre solution, j'ai dit « oui »,
Je suis tombée sur des gens d'une éducation extraordinaire; je n'ai jamais trouvé ça chez les
français, je m'excuse. Jamais on ne m'a fait des propositions malhonnêtes, ils ne m'ont jamais
demandé de coucher avec eux; ça tenait peut-être d'une espèce d'auréole d'innocence que
j'avais à l'époque et que j'ai perdu depuis longtemps.
Nous sommes partis.
Ils venaient de TULLE. Il Y avait eu des massacres à TULLE. Ils avaient vu sur la route les
restes de jeunes femmes qui avaient été brûlées vive par les maquisards à l'essence, par
représailles, parce qu'elles avaient certainement dues flirter ou coucher avec des allemands.
C'étaient des collaborateurs comme on les appelait à l'époque; quand ils m'ont vu là et que je
leur ai expliqué que j'étais la femme d'un officier allemand. Ils ont dit: « il faut partir, on vous
emmène »,
L'arrière de la voiture était complètement rempli de bouteilles d'IZARA ; ils avaient piqué ça je
ne sais où. C'était une espèce de voiture allemande découverte.
Nous sommes partis, nous avons essuyé un coup de feu sur RUFFEC. Là, des maquisards qui
nous ont attaqués parce qu'il y avait un groupe de miliciens qui était passé avant nous.
Plus loin, nous sommes après raccrochés à des groupes allemands qui remontaient dare dare.
Et j'ai toujours été traitée avec ... gentillesse, j'étais la mascotte du régiment si on peut dire!
On a continué à monter. On ne roulait plus que la nuit; parce que le jour on était bombardé
continuellement par les avions anglais. C'était normal, c'était la fin de la guerre. Ils poursuivaient
l'occupant qui s'en allait, l'ennemi qui partait. Je me souviens qu'une fois nous étions
descendus, pour satisfaire des besoins naturels. Il y avait une petite maison, nous avons tourné
pendant 1/4 d'heure autour de cette maison, parce qu'aviateur anglais nous tirait dessus comme
on tire des lapins ... pour s'amuser! Il s'amusait, mais pour nous aussi c'était une sorte
d'amusement, certainement pas la guerre.
Là où j'ai commencé à réaliser, c'est quand j'ai vu la peur qu'éprouvaient les soldats allemands
quand il y avait un bombardement de la colonne; ils sautaient des camions en marche. Il y en a
beaucoup qui se sont fait écraser par les camions suivants, tués non pas par la guerre, mais par
la peur.
C'était quand même en général des gens assez âgés parce que tous les combattants jeunes et
valides étaient remontés vers la NORMANDIE. Ceux-ci avaient la cinquantaine. Il y avait très
peu de jeunes, à part cet officier de l'aviation qui était au repos, parce qu'il avait été à
STALINGRAD. Il avait fait la bataille de STALINGRAD et il était atteint du paludisme. On l'avait
envoyé en FRANCE pour se soigner.
Nous sommes remontés sur BELFORT. À BELFORT, on s'est retrouvé pris entre les américains
et les Allemands. Les Américains remontaient. là, ils m'ont fichu dans un panzer. Ils m'ont dit,
c'est le seul moyen de vous sauver. J'étais toute seule, les autres ont continué sur BELFORT
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avec la voiture. C'était magnifique. Si ça n'avait pas été la guerre, ces tirs et ces échanges de
D.C.A. formaient un feu d'artifice grandiose. Je n'en verrai jamais plus dans ma vie de si
grandiose. Je mourrais de trouille, (parce que j'ai oublié de vous dire que j'étais la femme la plus
trouillarde de la terre). Dès qu'on est sorti de ce brasier, à STRASBOURG ou à METZ, je ne
peux pas savoir, j'ai fêté mes 21 ans toute seule dans une chambre. J'ai eu un peu de vague à
l'âme.
Ce qui est paradoxal, c'est que je n'avais pas envie de partir chez mes beaux-parents. J'avais
deux endroits à aller: chez mes beaux-parents allemands où j'aurais été reçu adorablement; à
la base de KUNFURT où j'aurais été reçu comme chez moi. J'avais envie d'aventure. Jusqu'à
maintenant, « je vivais normalement dans l'anomalie ». Je crois que ce sont les panzers qui
m'ont donné cette envie. Il faut dire aussi que le petit aviateur qui m'avait emmené était
viennois, il m'avait dit: « pourquoi ne partez-vous pas à VIENNE, vous irez dans ma famille, ils
vous recevront bien et là, vous ferez ce que vous voudrez », (j'ai toujours rêvé de VIENNE)
Alors, je suis partie à VIENNE en passant par STRASBOURG, j'étais avec une jeune femme
allemande qui a été tuée à côté de moi par une balle au phosphore, tirée d'un avion qui nous
survolait, on parlait depuis deux minutes et elle est tombée sur mon épaule, morte! Cela m'a
énormément frappée. Cela aurait pu être moi.
À VIENNE, la première des choses que j'ai faîte le soir même en arrivant c'est d'aller au château
de SCHONBRUNN. J'en mourais d'envie, de toute ma vie ... J'ai été bien déçue!
De retour à VIENNE je suis allée me présenter à un poste de la CROIX-ROUGE. Il fallait bien
que je mange, que je dorme; et je n'avais rien, je n'avais plus d'habits. Tout avait été jeté sur la
route ... et l'IZARRA aussi
Le service social de la CROIX-ROUGE m'a trouvé un billet de logement à un endroit à VIENNE
qui s'appelle « EMGRAD ». Je ne sais plus où c'est du tout; Je suppose que cela existe encore.
C'était une grande rue; c'est tout ce que je sais.
À la CROIX-ROUGE, ils m'ont dit: « qu'est ce que vous voudriez faire» Je ne sais pas. On m'a
proposé de passer les messages de prisonniers à la radio de VIENNE. Je suis allée m'y
présenter et j'ai passé les messages de prisonniers français pour leur famille pendant à peu
près 3 mois. Puis, à la CROIX-ROUGE, étant donné ma situation, ils m'ont dit que je ne devais
pas rester comme ça :' fini l'amusement, il faut que vous commenciez à prendre les choses au
sérieux: il faut que vous fassiez quelque chose qui soit valable pour votre vie, pour les gens qui
se battent sous tous les fronts et partout », Je leur ai dit « qu'est ce que vous me trouvez? »
« La CROIX-ROUGE internationale »,
Et ... Je suis rentrée dans la CROIX-ROUGE internationale. On m'a envoyé à BERLIN; c'était
les studios de LUFA en fin 1944. J'ai pris l'uniforme de la CROIX-ROUGE internationale; c'està-dire que c'était l'uniforme allemand d'infirmière, avec « Aide CROIX-ROUGE internationale»
et le macaron bleu blanc rouge pour nous situer.
J'avais vécu trois mois à VIENNE quand je suis partie à BERLIN pour y passer mon examen; à
Noël 1944, je me trouvais à BERLIN. C'était horrible, on ne peut pas imaginer, il ne restait plus
rien. Je me demande comment ils ont fait, avec cet amoncellement de ruines, comment ils ont
pu reconstruire. Ceux qui ont vu BERLIN à plat, c'était un tas de briques, et les gens y vivaient
comme des rats dans des caves.
Et là, j'ai rencontré un tas de prisonniers français qui m'ont dit qu'ils avaient passé les quatre
ans de guerre emprisonnés. On a discuté, on s'est promené. Totalement inconscient et pourtant
il n'y avait pas d'alcool. Je ne buvais pas du tout. Les bombes tombaient de tous les côtés, on
blaguait. J'ai été invité par un officier supérieur français dans le plus grand hôtel de BERLIN, où
nous avons dîné puis je suis revenue à la CROIX-ROUGE où m'attendait mon ordre de marche:
j'ai été envoyée dans un hôpital de BREME.
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BREME était pour moi célèbre, parce que quand je suis arrivée de FRANCE, à mon premier
voyage chez mes beaux-parents, c'est à BREME que j'avais subi tous les bombardements: ça
avait été atroce. On se demande comment on est rescapé.
À BREME, ça ne m'a pas plu du tout, je suis repartie sur HAMBOURG qui était la ville la plus
proche. Je suis allée saluer mes beaux-parents puis je suis repartie à la CROIX-ROUGE, il Y
avait des agences partout.
Là, il m'est arrivé un autre roman. Dans l'escalier de la CROIX-ROUGE, j'étais assise sur les
marches, très décontractée et un monsieur de 45 ans passe, U'avais 21 ans). Il m'appelle et me
dit «, je vois que vous êtes de /a CROIX-ROUGE, est-ce que vous voudriez venir avec moi, je
vais faire un échange de prisonniers à /a frontière hollandaise. » Je lui ai dit pourquoi pas, et il
m'a emmenée.
1
On a convoyé des prisonniers, je ne me souviens plus de quelle nationalité, hollandais
sûrement, et on a fait échange à la frontière avec des prisonniers allemands. Au retour ... Il m'a
demandé en mariage! Je ne lui avais pas dit que j'étais mariée, j'avais très peu parlé avec lui et
tout de suite, il m'a demandé en mariage. C'était le grand patron de la CROIX-ROUGE
allemande, il avait des haras du côté de HAMBOURG. Je me suis dit « ce vieux qui ose me
demander en mariage ». Je l'ai planté là et je lui ai dit « je crois monsieur que vous vous êtes
trompé de personne ». Je dois dire qu'il était petit et vilain.
Pendant ce temps qu'était devenu votre mari?
Je ne le sais pas, je ne l'ai pas su pendant un an. Je revins à la base de la Croix Rouge à
HAMBOURG et on me donna un ordre de marche pour un petit village dont je ne me souviens
pas le nom.
Là, je suis restée très peu de temps, c'est là où « /a petite fille» est morte et je n'ai pas pu le
supporter. La petite fille, qui était une réfugiée, est morte du typhus. Dans ce petit village où il y
avait un grand hôpital et où j'ai soigné des enfants réfugiés qui venaient poussés par les
russes; ils avaient subi des choses atroces dont je ne parlerai pas ... La petite fille était atteinte
du typhus, je l'ai soignée nuit et jour et au bout de huit jours, on m'a obligé à aller me reposer.
Quand je suis revenue le lendemain matin, elle était morte. Je n'ai pas pu le supporter et j'ai
redemandé ma mutation. J'ai eu une mutation pour un hôpital de tuberculeux osseux qui est à
10 kilomètres de HAMBOURG. Dans le train, j'ai été prise de tremblements convulsifs, j'avais le
typhus. Je suis arrivée à l'hôpital, la chef du personnel de l'hôpital était une Protestante qui m'a
très bien accueillie. On m'a mise au lit, j'avais l'impression d'être deux personnes dans ce lit :
moi, mon corps vivant je pense, et mon corps mort. On ne m'a pas soigné du tout et je m'en suis
sortie.
J'ai repris mon service. J'étais avec des tuberculeux qui étaient placés dans des coquilles.
J'avais fait des études de stagiaire infirmière pendant deux mois dans le HART qui était une
école d'infirmières de la croix rouge internationale où je suis sortie première de ma promotion.
L'élève infirmière là-bas porte le bonnet comme toutes les autres et il n'y a pas la croix rouge
devant; c'est la seule différence.
Donc, j'ai travaillé avec ces enfants tuberculeux, je me suis énormément attachée à eux; même
mes jours de congé, je les passais avec eux. La nuit, on les descendait dans des bunkers, les
malades qui ne pouvaient pas se déplacer eux-mêmes, c'est-à-dire les miens étaient
transportés dans leurs lits. C'était au sein d'une immense colline et on descendait les lits en
pente et on les plaçait dans les alvéoles. On les descendait tous les soirs et çà bombardait tous
les soirs. Non cela ne bombardait pas, mais les avions passaient tous les soirs.
Situez- moi géographiquement cet endroit?
SALUMBOURG, c'est un petit village sur la mer baltique qui ressemble un petit peu au bassin
d'ARCACHON; près de CUXHAVEN. L'île qui est en face, ALEVELENT est une île avec des
rochers rouges. Donc, j'ai travaillé. Toutes les nuits on ne dormait pas, on tenait au rhum,
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uniquement à l'alcool, sinon, on n'aurait pas tenu. Car à ce rythme-là, ce n'était pas possible.
J'ai fait ça pendant presque 4 mois de 1945.
Donc la guerre était finie?
Non, elle était finie en FRANCE, mais elle n'était pas finie là-bas. Là-bas, ils continuaient à
combattre. J'avais lié connaissance. On sortait quelquefois, il y avait des Suédoises, des
Norvégiennes, des hollandaises, une Française, des Italiennes, des Espagnoles; nous étions
de toutes les nationalités, mais aussi des létonniennes et des Estoniennes qui, entre deux
maux, avaient préféré le mal allemand au mal russe. On était très amies. Moi, j'étais très amie
avec une hollandaise rousse. On allait quelquefois faire du bateau en pleine nuit, sous les
avions. et allaient à ALEVELENT se promener sur des petits bateaux des vedettes (munies de
petits canons tout de même).
Notre doctoresse en chef venait de mourir de la tuberculose osseuse et nous étions très
attristées parce que c'était une femme charmante et qu'elle nous avait appris cet honneur et
cette rigueur de la CROIX-ROUGE internationale. « Quand vous êtes sur le front, vous devez
soigner celui qui est le plus blessé et vous ne regardez jamais l'uniforme », Cela m'est resté et
me restera jusqu'à ma mort.
En mai 1945, un soir au moment de nous coucher, on apprit que la guerre était finie. Dans la
nuit, on nous fit appeler. Quatre officiers anglais venaient nous chercher. Je me suis demandé
pourquoi? On a désigné une représentante de chaque nationalité, moi en tant que française. Je
parlais, ayant fait six ans d'anglais au lycée, je baragouinais un peu.... Ils avaient leur
commandantur, je ne sais pas comment on dit en anglais, leur lieu de séjour à BREME à 10
kilomètres. Ils nous ont emmené en Jeep, je n'étais jamais monté dans une Jeep et je me suis
demandé ce qui nous attendait.
J'avais demandé à notre infirmière chef: « comment on s'habille? en civil ou en uniforme? » Il
ne nous restait très peu de vêtements civils, elle nous a dit « partez en uniforme et restez ce que
vous êtes. Vous êtes Croix Rouge International, ne l'oubliez jamais ».
Nous sommes donc partis, nous étions quatre ou cinq. Les Anglais nous ont très bien accueilli,
très fair-play, et nous ont dit: « on va vous condamner à mort. » Mais avant, vous allez partager
ce repas avec nous.
On a passé le repas ensemble, et des liens de sympathie se sont établis très vite; nous étions
des gamines, c'était des hommes qui avaient fait la guerre, c'était aussi des « panzers », Ils
nous ont demandé si on voulait être rapatriées; moi, j'ai dit non, j'ai ma famille en ALLEMAGNE.
Je reste en ALLEMAGNE.
Ils ne nous ont pas fusillés; ils ont dû comprendre ce qu'on était, et ont respecté notre uniforme.
Ils sont venus plusieurs fois nous voir. Un jour, ils étaient accompagnés d'un officier de la
marine française qui venait voir son ressortissant. Il m'a demandé: « pourquoi ne voulez-vous
pas rentrer? » Je lui ai répondu: « j'ai ma famille ici, j'ai ma situation ici, je serai infirmière
puisque je continue mes études. » « mais n'avez-vous pas de famille en FRANCE? » « Si j'ai
ma mère, » mais je n'avais aucune idée de ce qui s'était passé et de ce qu'elle était devenue. Il
me dit: « vous savez que BORDEAUX a été rasé et que le pont de Pierre est coupé, il n'y a plus
rien. »
Je me suis dit, ma mère est morte. Ça a été la panique. Alors, j'ai décidé de partir. Bon, dit-il, je
vous envoie d'abord dans un camp de transit. Ce camp était gardé par des noirs. Je n'avais
jamais vu de noirs de ma vie. J'ai eu une trouille énorme, je n'avais pas peur d'eux, mais je me
suis dit s'ils ont bu, qu'est ce qu'ils vont nous faire? Je n'avais jamais été violée par personne;
alors que des Polonais, on nous avait dit de nous en méfier comme de la peste.
Là, j'ai commis peut-être la seule mauvaise action de ma vie: il y avait là un officier français, un
grand dadais, qui ressemblait physiquement à De GAULLE. Je lui ai raconté des histoires: que
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j'avais fait l'école d'infirmière de GENEVE (et non pas l'école en ALLEMAGNE). Il m'a fait
rapatrier tout de suite, il m'a donné un laisser-passer. Il a été dégradé à la fin de la guerre.
J'ai pris le train pour la FRANCE.
A ALSERBRUCK, (dans la banlieue de LILLE) au passage de la frontière belge à la frontière
française, on a fait descendre tout le monde; on passait dans un grand bâtiment, pour faire voir
nos papiers, il y avait plein de gens. Les Français m'ont fait promener à poil alors que j'étais de
la croix rouge internationale! Ça a été la plus grande humiliation de ma vie, humiliée pour la
croix rouge; moi, j'étais quand même très naïve à cette époque-là. Pour moi, c'était un
spectacle intérieur horrible.
J'ai repris mes papiers, j'ai repris mon uniforme et je suis rentrée sur BORDEAUX. J'avais
enlevé ma coiffe d'infirmière pour ne pas me faire remarquer quand même. Je n'avais que le
manteau d'infirmière qui était gris, une tenue ordinaire.
Dans le train qui me ramenait sur PARIS, il Y avait plein de prisonniers français, ils étaient tous
très sympathiques. J'étais toujours en uniforme. Lui avait fait DUNKERQUE, c'était un soldat
français, un adjudant, je crois. Il m'a dit, « j'ai vu la moitié des copains qui s'accrochaient aux
bateaux qui ont eu les mains coupées par les anglais. » Il avait vécu tous les bombardements. Il
n'avait pas été tellement malheureux, mais surtout matraqué par les bombardements. C'était
terrible, au moins chaque nuit c'était des milliers de morts. Il y en a eu 250 000 à BREME.
Quand je suis arrivée à PARIS, il m'a dit, vous voulez venir chez moi avant de prendre votre
train pour BORDEAUX. Il m'a amené chez ses parents qui m'ont très bien reçue. Puis il m'a mis
dans le train de BORDEAUX et je suis arrivée à BORDEAUX le 10 mai 1945. Je suis rentrée à
la maison tout de suite, maman était là.
Elle m'a dit que mon père était maintenant commandant dans l'armée canadienne. Quand son
groupe de résistants avait été repéré, ils étaient partis avec un groupe de juifs vers
CASABLANCA. Ils ont fait un séjour au camp de MIRANDA en ESPAGNE et ils ont continué sur
CASABLANCA. Les juifs voulaient leur donner tout ce qu'ils avaient sur eux. Leurs vêtements
étaient cousus d'or. C'était quand même un homme, il n'a pas toujours été d'une honnêteté
intégrale, mais là, il a été idéaliste et a refusé. A CASABLANCA, il n'a pas trouvé un hôtel pour
coucher; les juifs, bien arrivés ont refusé de le loger, alors qu'eux avaient les plus grands
hôtels.
De CASABLANCA, il est parti au CANADA pour s'engager dans l'armée canadienne, parce qu'il
détestait De GAULLE. Il faisait partie du groupe du Général GIRAUD. Ceux de GIRAUD, au lieu
de partir en ANGLETERRE étaient partis sur le CANADA. Il venait de rentrer du CANADA, il Y
avait une quinzaine de jours. Maman m'a dit: « ton père m'a demandé où tu étais et m'a dit si
elle rentre tu lui dis qu'elle vienne tout de suite à MIRAMONT. »
Je suis partie à MIRAMONT dans le LOT et GARONNE. Mon père avait une petite maison où on
tuait le cochon chaque année. Sur le quai de la gare de MARMANDE, j'ai vu mon voisin d'en
face de la rue LOTTE. Tiens, je me suis dit qu'est ce qu'il fait là celui-là. Il m'a regardé, ne m'a
pas salué, moi non plus.
Papa était à la gare, c'était vers le 15 mai et le soir même, un certain CASALET qui était
l'ordonnance de mon père vint me chercher et dit: « mon capitaine, je dois l'amener », mon
père répondit: « ça lui fera une bonne leçon, vous pouvez l'amener. »
Je suis arrivée à BORDEAUX le jour même vers 9 heures du soir, dans un commissariat. Ils
m'ont traité, je vous passe de quels noms. Mais c'était normal, je considère que quand on a fait
une action, il est normal d'en assumer tout ce que les autres peuvent penser. Quelqu'un aurait
fait ça, peut-être que j'aurais agi pareil. Ils m'ont traité de putain, de traître surtout, que j'avais
été complice de l'ennemi, que j'avais épousé un Allemand. Pour eux c'était l'horreur, la barbarie.
C'étaient des agents. Ils ne m'ont pas mal traité du tout.
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Ils m'ont envoyé à la prison rue BOUDET. Maintenant c'est un musée. Je suis entrée là, on m'a
donné à manger. J'ai mangé dans une boîte à sardines. Là, il n'y avait que des prostituées, on
couchait sur des bat-flanc pleins de bêtes. Elles ont été avec moi des véritables mamans:
« mais mon petit, toi tu t'en sortiras, mais nous regarde nous, toute notre vie on sera comme
ça ». Je suis restée trois jours, adulée par les prostituées.
Un jour, j'ai été appelé par le commandant de la place de BORDEAUX, c'était rue VITALCARLES. J'y suis allée, je lui ai raconté mon histoire, pourquoi j'avais été arrêtée. Il me dit «, 'je
vous fais une proposition: vous êtes tout de suite libre, je vous demanderai d'aller à
FRANCFORT pour aller espionner. » Je lui ai dit « non, je suis accusée d'avoir trahi, alors que je
n'en ai jamais eu conscience, (peut être à tort, je n'en sais rien). Je n'ai jamais trahi ce côté-là,
je ne trahirai pas l'autre; je ne trahirai personne. » Ce n'était pas mon tempérament. J'ai été
ramené au camp rue BOUDET et ensuite j'ai été envoyé au camp d'EYSINES.
C'était un camp où il y avait des femmes. Alors là, c'était l'enthousiasme, une nouvelle qui
arrivait, en plus! mon père était le commandant du camp et je ne le savais pas.
Il m'a dit que je mangerai de la vache enragée tous les jours. Pourtant, il me faisait porter des
foies gras, des confits ... 11 n'y avait pas grand-chose à manger sur place, c'était sûrement
comme les camps de prisonniers ou comme les goulags. Mais là, comme tout le monde était
archi gâté, on partageait tout et nous avons fait la « nouba », Au début, nous étions gardées par
des marocains et ensuite par des noirs qui étaient sympathiques. Ils avaient dévalisé les vignes
autour d'EYSINES, à tel point qu'une plainte avait été posée à la préfecture; les vendanges,
c'est nous qui les avions mangées ...
Un jour, on m'a dit que j'allais passer en jugement. Mon père m'avait offert un avocat que j'ai vu
très peu. J'ai raconté que j'avais été mariée avec un allemand, je ne sais même pas si j'ai dit
que j'avais travaillé à la base sous-marine; je pense que je ne l'ai dit à personne; que j'avais eu
des amis allemands, que j'avais de la famille en ALLEMAGNE, que j'étais dans la Croix-Rouge.
J'avais raconté le global.
J'ai été jugée à BEGLES par les poissardes de BEGLES, il Yavait surtout des femmes. Alors là,
elles m'en ont envoyé. J'avais une morgue que je n'aurai pas maintenant, je me dis, c'est d'un
orgueil démesuré. Je les ai regardés de toute ma hauteur, je n'ai jamais répondu; j'ai été
condamné à l'indignité nationale à vie. Je voulais faire le professorat, j'ai été arrêté dans tout, je
n'ai pas pu continuer. Ça a été gâché de ce côté-là, mais j'ai eu des compensations.
J'ai vécu là jusqu'en novembre 1945, c'était la prison. J'ai été une des dernières sorties, on était
quatre ou cinq. J'ai été condamnée à rester dans ce camp jusqu'à la fermeture ... et l'indignité en
plus.
C'était exactement la même chose que le camp de MERIGNAC dont on parle tant, mais c'était
pour les femmes à EYSINES; pour les hommes, c'était à MERIGNAC.
Là, j'ai fait des rencontres sensationnelles; la femme d'un grand notaire de BORDEAUX qui
avait été la maîtresse de Monsieur DAUZE, le chef de la Gestapo à BORDEAUX. J'ai fait la
connaissance de la baronne BRANDE de CAUSTINE, qui était d'une noblesse d'empire ... et
une emmerdeuse à souhait; elle avait eu un enfant d'un officier allemand et avait accouché à
l'hôpital militaire.
Une fois, je me suis trouvée avec une gale galopante, j'en avais partout, sur les bras, sur la
poitrine; c'était horrible. Je ne savais plus mon nom, amnésie totale. Ils m'ont emmené à
l'hôpital et j'ai été soignée au soufre, par des religieuses qui ont été fort sympathiques. Les
exilés politiques étaient mélangés aux prisonniers de droit commun. Là j'ai fait la connaissance
de l'abbé BERGER, qui était lui aussi emprisonné pour collaboration.
Je suis revenue au camp, c'était « folklorique» notre camp J'y ai vu des « pensionnaires partir
dans de grandes embrassades. Je m'y suis de très bonnes relations et j'en ai gardé quelques-
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unes: l'une d'elles actuellement vient de perdre son mari; elle avait été à la citadelle de BLAYE
violée par un ami de son père son compagnon de la guerre de 1914.
Parmi les prisonniers, il y avait des amis qui avaient tué à REIGNAC des F. T. P. francs tireurs
communistes, qui avaient assassiné là sans jugement ni rien, liquidés carrément de nombreux
français; et il yen a eu des masses dans le BLAYAIS, le MEDOC.
J'ai eu un copains finlandais aussi. À BORDEAUX, il Y avait une pâtisserie finlandaise avant la
guerre et j'avais un camarade de piscine qui était un peu plus jeune que moi, YOURI, dont les
parents tenaient cette pâtisserie finlandaise rue des piliers de tutelle. Vers la fin de la guerre, la
FINLANDE s'étant ralliée à l'ALLEMAGNE, il avait dû se cacher lui aussi; mais il était resté
dans les environs et à la libération, il est revenu chez ses parents. Il a été pris par les F. T. P. à
CADAUJAC et il a été enterré vivant, seule la tête dépassait; toujours les F. T. P. communistes.
Il n'y avait jamais eu de problèmes avec les F. F. 1. Ils ont sauvé des vies, il y a eu des
échanges. Tout le monde a été solidaire, pas toujours en s'estimant. Les F. T. P., pour moi, ce
sont des criminels de droit commun. Les F. F. 1., tous les autres; c'était des gens qui avaient
choisi un camp, qui s'y tenaient; ils ont raflé dans les campagnes, mais il fallait manger. Ils ont
été corrects.
Vous êtes resté combien de temps à EYSINES?
Cinq mois. Ensuite, j'ai été libérée, je suis revenue chez moi. J'ai travaillé, puisque je ne pouvais
plus continuer mes études. J'ai travaillé dans une maison de bois, parce que je connaissais très
bien le directeur qui avait fait son service militaire dans les services de maman. Elle m'a
pistonné, je suis rentrée là.
Dans quelles conditions avez-vous été relevée de l'indignité nationale?
Cinq ans après, par une ordonnance de De GAULLE. Il a fait des lois d'amnistie générale.
Qu'est devenu cet officier allemand, votre mari?
Il était prisonnier au camp de LUDA. Il était commandant de l'île de RÉ. Avec le curé de l'île de
RÉ avec qui il était très ami, il a fait partir tous les enfants à La ROCHELLE. On avait prévu un
énorme bombardement de l'île de RÉ où il y avait énormément de munitions. Donc sachant
cela; il a envoyé tous les enfants sur la ROCHELLE; lui est resté sur l'île. Il a été obligé de se
rendre parce qu'il aurait crevé de faim. Au camp de LUDA, il mourait 10.000 prisonniers par jour
du typhus.
Il est venu à BORDEAUX un seul jour et là, je suis tombée enceinte. C'était mon jour de chance.
C'était pas chez maman parce que c'était trop dangereux; c'était chez la baronne de BRAND de
COSTOULE qui m'avait reçue. Il est reparti le lendemain et il est mort au camp de LUDA en
1946.
Avez-vous connu PAPON ? En avez-vous entendu parler?
Jamais, je n'ai jamais connu un juif. Je ne savais pas ce que c'était un juif. Il a fallu que j'arrive
en camp de concentration à EYSINES, parce que c'était quand même un camp de concentration
même si c'était bien arrangé. Il y avait des barbelés, des miradors aux quatre coins.
Il n'y avait pas de juifs dans ce camp?
Non. J'ai entendu parler des juifs, parce qu'il y avait là des gens qui avaient fait de la
collaboration et qui avaient acheté des commerces à des juifs. Ce n'était pas une spoliation
totale, ils avaient peut-être acheté un peu trop bon marché.
C'est comme ça que je savais qu'il y avait des juifs et qu'ils avaient été spoliés. Je n'ai jamais
appris qu'un juif ait été déporté. Je n'ai jamais su qu'il y avait un camp de concentration, j'ai
vécu quand même plusieurs mois en ALLEMAGNE d'affilée. Ma famille allemande n'a jamais
entendu parler de camp de concentration. Quand j'étais à l'école d'infirmière et qu'on a été
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libérées par les anglais, on a appris le jour même qu'il y avait un camp de concentration dans le
nord de l'ALLEMAGNE.
Toutes les diaconesses protestantes sont partis pour les soigner, elles n'avaient jamais entendu
parler de ça. Nous avons été horrifié; nous ne croyions pas que cela pouvait être possible avec
des gens que moi j'avais connus hyper civilisés, hypercorrects. Ça a été la chute libre.
Je n'ai pas pu croire que ces gens que j'ai côtoyés, avec lesquels j'ai quand même pratiquement
vécu, plus avec des Allemands qui étaient des bons patrons, des officiers allemands; dans la
base sous-marine il rentrait et sortait tous les jours des sous-marins.
Dans ces camps de concentration, il y avait aussi des Allemands?
Très peu. Il ya eu quelques droits communs, des homosexuels, des communistes. Mais je l'ai
su après tout ça. Quand j'en ai parlé à ma belle famille après, elle m'a dit, on n'était pas
inquiété, on pouvait avoir notre religion comme on voulait. Je suis allée à la messe tous les
dimanches en ALLEMAGNE chez les luthériens, parce qu'il n'y avait pratiquement pas de
messe catholique dans le nord de l'ALLEMAGNE.
Mais je n'ai pas connu d'allemands qui ont été inquiétés. La seule chose, c'est que dans notre
famille, il y avait un jeune qui avait à l'époque 14 ou 15 ans. On se méfiait, il faisait partie des
HITLERIONDES, la jeunesse hitlérienne.
Quand même, on ne parlait pas devant lui. Ce garçon à la fin de la guerre, est devenu pasteur
en Australie.
Une idée au sujet du comportement de PAPON de l'époque?
Aucune idée. Cela paraît invraisemblable qu'il ait reçu de tels ordres, j'en suis sûre. Mais j'ai su
après que la loi était qu'on sacrifiait les juifs étrangers pour sauver les juifs français. C'est
toujours ce que j'ai entendu; ce qui m'a été dit par mon père qui était au faîte de la question
puisqu'il a refait de la politique après la guerre.
On voulait sauver les juifs français et il n'yen a pas eu à la pelle. C'étaient des juifs étrangers,
mais qui n'étaient pas nationalisés, c'était des communistes qui revenaient d'Espagne. C'étaient
les brigades internationales. Les F. T. P., les trois quarts faisaient partie des brigades
internationales. Si vous avez lu le livre d'HEMINGWAY, « Pour qui sonne le glas» et que vous
voyez le problème des brigades internationales du côté franquiste et du côté communiste, c'est
tout aussi atroce.
Tous les dimanches, j'allais quand même communier. Je suis restée une bonne Chrétienne tout
le temps ...
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Témoignage
d'un jeune résistant
déporté
8 février 1944 - 2 mars 1945,
à RIOM dès le 1er juillet environ.
Exemplaire donné par l'auteur lui-même:
Jean VIRLOGEUX
né le 4 janvier 1927,
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15 MOIS AUX MAINS DE LA GESTAPO ET DES « S.S. »
TEMOIGNAGE DE JEAN VIRLOGEUX DEPORTE RESISTANT D'AUVERGNE
Chevalier de la légion d'honneur,
Médaille militaire, croix de guerre 1939 - 1945 avec palme,
Combattant volontaire de la résistance.
Par ces quelques lignes, mon désir est de faire connaître mon expérience de jeune
résistant, arrêté par la Gestapo et déporté dans un camp de concentration Nazi durant la
dernière guerre mondiale de 1939 -1945.
Pour situer les événements, début 1941, mon père Pierre VIRLOGEUX, Commandant
VERNIER dans la résistance, fonde avec quelques amis sûrs, un réseau de renseignement
dans la région de RIOM (Puy de Dôme) où il était industriel, réseau travaillant avec les Anglais,
et qui à partir de fin 1942 sera intégré aux M. U. R. d'Auvergne, dont il deviendra un des
principaux responsables.
En janvier 1942, alors que je viens d'avoir 15 ans et à ma demande, mon père me prend avec
lui comme agent de liaison, pensant que mes activités scoutes et sportives peuvent me
permettre de rendre service à la résistance. Puis à partir de juin 1943, je participe aux options
organisées dans la région de RIOM, parachutages, coups de mains contre les dépôts allemands
et des chantiers de jeunesse pour approvisionner les maquis, sabotages de voies ferrées et de
lignes électriques. Je continue également mon activité de liaison avec un réseau de l'Allier, où
mon père avait une propriété près de la forêt de Tronçais où se trouvait un camp de chantier de
jeunesse (CERILLY) et où il avait aidé à la constitution d'un réseau de résistants et de maquis.
Jusqu'à la fin de 1943, tout se passe relativement bien, malgré quelques réactions des
Allemands, en particulier de la Gestapo dont le quartier général pour l'Auvergne était installé à
VICHY à trente kms de RIOM et dont le chef, GEISSLER avait déjà mené quelques opérations
contre la résistance dans la région de CLERMONT-FERRAND avec de nombreuses arrestations
à l'appui. Cependant, malgré ces alertes, nous continuions notre activité. Mais début 1944, la
Gestapo devient plus active; un commando ayant été installé à CLERMONT-FERRAND fin
1943 après la grande rafle de l'université de STRASBOURG qui était installée à CLERMONTFERRAND depuis 1940.
L'arrestation
Et le mardi 8 février 1944, alors que je dors tranquillement dans ma chambre au deuxième étage
de la maison de mes parents, je suis brusquement réveillé à 6 heures du matin, par une jeune
femme avec un fort accent allemand qui, pistolet au poing, me fit lever, habiller et descendre au
premier étage. Là, je trouvais mon père encadré par deux agents de la Gestapo, mitraillette
braquée sur lui, tandis que dans la chambre de mes parents, ma mère finissait de s'habiller sous
la menace de celui qui menait les opérations, un Français, ancien de SAINT CYR, devenu chef
de la Gestapo pour la région de CLERMONT-FERRAND, MATHIEU qui avait été instructeur
dans les maquis d'Auvergne.
Nous avons été rapidement transférés en voiture à la caserne principale de RIOM aujourd'hui
lycée Claude et Pierre VIRLOGEUX, et placés dans les cellules du quartier disciplinaire. Je pus
communiquer avec mon père qui se trouvait dans la cellule à côté de la mienne et il me
..-.-
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recommanda alors de jouer l'innocent, lui se chargeant de dire à la Gestapo qu'il était le seul de
la famille à faire partie du réseau et que nous n'étions pas au courant de son activité. La
Gestapo avait également arrêté la bonne de mes parents ainsi que mes grands-parents
maternels et mon frère alors âgé de onze ans, lesquels habitaient dans une villa située à une
cinquantaine de mètres de la maison de mes parents, ce qui laisse penser que la Gestapo était
très bien renseignée sur la disposition des lieux.
Ce jour-là, la Gestapo arrêta quarante-trois personnes à RIOM, étant très bien renseignée grâce
à des documents tombés entre ses mains quelque temps plus tôt.
En fin d'après-midi, je fus emmené dans un bâtiment où la Gestapo s'était installée pour
procéder aux premiers interrogatoires. En arrivant dans le couloir, je croisais mon père, traîné
par deux soldats allemands, il ne pouvait plus marcher et avait la figure en sang. C'était la
dernière fois que je devais le voir et je n'ai jamais su s'il m'avait reconnu. J'eus droit à un
premier interrogatoire, mené par MATHIEU et par l'allemande qui m'avait sorti du lit, Ursula
BRANDT, dite la PANTHERE à cause du manteau de fourrure qu'elle ne quittait jamais et aussi
de sa cruauté au cours des interrogatoires.
Ils étaient secondés par un autre allemand nommé BLUMENKAMPF qui, je l'appris plus tard,
était boucher avant la guerre, c'est lui qui était plus particulièrement chargé de cogner, il ne
parlait pratiquement pas français. Malgré les gifles, les coups de poings, les cabriolets qui me
serraient les poignets et un coup de crosse en pleine mâchoire qui me cassa plusieurs dents, je
niais. Comme il avait été entendu avec mon père le matin, mais j'avoue que j'ai crié sous les
coups et que j'ai eu peur, de plus j'eus l'impression que mes tortionnaires ne me croyaient
guère, je devais m'en rendre compte plus tard.
Puis, comme il se faisait tard, la nuit étant tombée depuis longtemps, on me ramena non pas
dans ma cellule mais dans une pièce située au-dessus du corps de garde de la caserne. Là je
vis dans une pièce attenante ma mère, ma grand mère, mon frère et la bonne ainsi que deux
autres femmes inconnues.
Dans une autre pièce, se trouvaient le capitaine de gendarmerie de RIOM et le curé de
BOULANGES une commune lorraine se trouvant en zone annexée par le Reich qui avait été
évacuée sur RIOM et dont mon père employait plusieurs personnes dans son entreprise. Les
soldats allemands du corps de garde qui nous surveillaient nous empêchaient de communiquer,
mais nous apportèrent à chacun une gamelle de soupe et un morceau de pain. Nous n'avions
pas mangé depuis le lundi soir.
Le lendemain matin, ma mère et moi nous fûmes transférés avec d'autres résistants arrêté le
mardi, à la prison militaire de CLERMONT-FERRAND, les autres membres de la famille et la
bonne étant relâchés. J'appris à mon retour d'Allemagne, que, dans la nuit, mon père, pour être
sûr de ne pas parler sous la torture, s'était donné la mort dans sa cellule, ce qui avait désorienté
la Gestapo qui comptait bien obtenir de lui des renseignements sur la résistance en Auvergne,
compte tenu de son rang dans celle-ci.
À mon arrivée à la prison,
je fus placé dans une cellule au secret pendant une dizaine de jours, au cours desquels je fus
emmené plusieurs fois au quartier général de la Gestapo à CHAMALIERES, 2 avenue de Royat,
pour des interrogatoires suffisamment musclés pour qu'un jour, ramené à la prison, ma mère
amenée dans ma cellule ne me reconnut pas. MATHIEU qui dirigeait les opérations m'emmena
même à RIOM dans l'usine paternelle où il voulait que je lui indique les emplacements de
dépôts d'armes qu'il savait exister.
Mais malgré les coups et les menaces, je continuais à jouer celui qui n'était au courant de rien,
prétextant ma jeunesse et mes études pour justifier le fait que mon père ne m'avait pas mis au
courant de son activité, ce que, visiblement, il n'avait pas l'air de croire. Nous passâmes
pourtant plusieurs fois dessus sans que la Gestapo ne s'en rende compte.
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Après ce dernier interrogatoire, je fus placé dans une cellule au deuxième étage de la prison
avec cinq autres prisonniers que je ne connaissais pas, mais c'était moins dur que le secret.
Tous les jours, nous sortions dans la cour pour une promenade de dix à quinze minutes, ce qui
me permettait de voir ma mère qui était dans une salle de femmes dont la fenêtre donnait sur la
cour et de communiquer par gestes avec elle.
En cette période de 1944, l'hiver fut très froid et la prison n'était pas chauffée. D'autre part, la
nourriture était très insuffisante, mais comme nous ne bougions guère, nous ne perdions pas
trop de poids. Nous avions droit à un colis de linge en principe une fois par semaine et mes
grands parents arrivaient à me faire passer, malgré les fouilles qui n'étaient pas très efficaces
car effectuées par des soldats de la WERMARCHT qui se laissaient plus ou moins acheter, un
peu de nourriture qui complétait un peu les rations, ainsi que des messages cachés dans les
cols de chemises ou les ourlets des vêtements.
J'eus la chance qu'ils ne soient jamais découverts, sinon j'aurais été privé de colis. Les
gardiens, notamment l'adjudant qui commandait la garde n'étaient pas trop durs, sauf lorsque la
Gestapo ou les officiers étaient dans la prison, ils faisaient alors du zèle car, ils avaient peur
d'être expédiés sur le front Russe
Début mars, nous apprîmes un jour que nous avions été jugés par le tribunal militaire allemand
de CLERMONT-FERRAND et condamnés à mort pour terrorisme, mais il n'y eut que cinq
exécutions qui eurent lieu à la suite d'un attentat contre un détachement allemand dans une rue
de CLERMONT-FERRAND qui fit plusieurs morts et de nombreux blessés. En représailles, les
Allemands fusillèrent cinq membres du réseau et des otages pris au hasard dans les rues de
CLERMONT-FERRAND.
Le soir du 19 avril l'adjudant commandant la prison vint me chercher pour me conduire dire au
revoir à ma mère et nous eûmes quelques minutes pour nous parler, elle était comme moi sans
nouvelles de mon père et pensait que la Gestapo l'avait emmené à VICHY où se trouvait le
grand patron GEISSLER. C'était la dernière fois que je pouvais l'embrasser, car, le lendemain,
je partais pour COMPIEGNE. Quant à ma mère, au mois de mai, elle partait pour
ROMAINVILLE et de là au mois de juillet pour RAVENSBRUCK où elle devait mourir
d'épuisement le dix novembre 1944.
La déportation
Le 20 avril au petit matin avec une cinquantaine de détenus, j'étais transféré en camions bâchés
et sous bonne escorte à la gare de marchandises de CLERMONT-FERRAND et nous fûmes
répartis dans deux wagons à bestiaux, environ 25 par wagon avec six Feldgendarmes dans
chaque wagon. Nous restâmes à quai jusqu'au milieu de l'après-midi, puis les wagons
accrochés à un train de marchandise avec un wagon voyageur pour la garde, nous partîmes en
direction de PARIS. Vers cinq heures du soir, nous arrivâmes à MOULINS où une douzaine de
prisonniers venant de la prison de MOULINS montèrent dans notre wagon.
Nous étions assis sur nos bagages sans pouvoir bouger, les Feldgendarmes occupant tout le
milieu du wagon. Nous avons roulé une partie de la nuit et nous pouvions suivre notre trajet, une
porte étant ouverte à cause de la chaleur. Peu après FONTAINEBLEAU, le train s'arrêta à
cause d'une alerte. Brusquement, nous eûmes l'impression d'un tremblement de terre, les
Anglais commençaient à bombarder la gare de VILLENEUVE SAINT GEORGES à quelques
kilomètres de nous.
Les Allemands morts de peur nous enfermèrent dans les wagons et s'éloignèrent de la voie tout
en surveillant les wagons, prêts à tirer en cas de tentative d'évasion. Après plus d'une heure de
bombardements, le train repartit pour s'arrêter peu après, les voies étant coupées. Après une
longue attente, nos wagons furent détachés du train, une locomotive nous prit en charge et,
contournant PARIS, nous arrivâmes à COMPIEGNE le 21 avril au soir.
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Nous avons alors fait le trajet de la gare au camp de ROYALLIEU à pied, portant nos bagages,
en traversant la ville, encadrés par de nombreux soldats commandés par un officier SS. Nous
arrivâmes au camp à la nuit et fûmes enfermés dans une baraque avec une paillasse, une
gamelle de soupe et un morceau de pain.
Le lendemain nous fûmes inscrits sur les registres du camp et immatriculés; j'avais le numéro
32.930 et j'étais affecté à la baraque n 3 chambre 7 du camp A.
Comme il faisait beau, nous pouvions passer la journée, entre les appels du matin et du soir,
dehors; le camp très étendu avait de grandes surfaces d'herbe où nous pouvions rester la
journée avec des livres pris à la bibliothèque, cela nous changeait de la prison de CLERMONTFERRAND.
Le 26 avril, je fus appelé avec 150 détenus sur la place d'appel. Ordre nous fut donné de faire
nos bagages car nous devions partir le lendemain en commando. Nous reprîmes le train dans
de vieux wagons voyageurs, bien gardés et l'après-midi, nous sommes arrivés à la gare du nord
à PARIS. De là, des bus parisiens nous conduirent au Fort de l'Est où nous fûmes installés dans
une ancienne soute à munitions qui avait été aménagée en dortoir avec de la paille et des
couvertures.
Le lendemain matin, après l'appel à cinq heures du matin, on nous répartit par équipe de six,
gardée chacune par six soldats de la Wermarcht et des autobus nous transportèrent à la gare
de NOISY LE SEC, bombardée quelques jours auparavant. On nous expliqua que nous devions
rechercher les bombes non explosées en terre pour les désamorcer et les évacuer. Il y avait
déjà des équipes de juifs venant de DRANCY qui travaillaient là depuis le bombardement et
plusieurs avaient déjà sauté avec la bombe recherchée. Autant dire que ce travail était
dangereux, mais peu importait aux Allemands que nous sautions puisque nous étions des
condamnés.
J'eus la chance de ne pas sauter. Il y eut des évasions, notamment dans mon équipe où un
camarade réussit à sauter dans un train qui passait le long du quai où nous étions en train de
creuser à la recherche d'une bombe. Ce qui faillit m'être fatal, car le lieutenant SS qui
commandait le commando voulait fusiller le reste de l'équipe, mais le commandant du Fort, un
officier de la WERMARCHT réussit à s'y opposer, mais la nuit fut longue car nous avions été
séparés du commando et mis dans un cachot du Fort en attendant le matin où nous devions
être exécutés.
Le 11 mai, nous étions de retour à COMPIEGNE. En arrivant à ma baraque, je trouvais la
plupart des Riomois arrêtés avec moi en février. Le lendemain, ils partaient pour BUCHENVALD
et à mon retour en France je devais n'en retrouver qu'un.
Le 20 mai, ce fut à mon tour d'être transféré au camp C et le 21 mai au lever du jour, 1986
prisonniers partaient à travers COMPIEGNE sous couvre-feu et désert, pour embarquer à 100
par wagon dans les wagons à bestiaux « HOMMES 40 CHEVAUX 8 EN LONG ».
En partant du camp, nous avions reçu chacun une boule de pain et une de pâté, nous avions
avec nous nos bagages que l'on nous avait bien recommandé d'emporter. Dans chaque wagon,
il y avait un tonneau pour nous soulager et les ouvertures étaient garnies de fil de fer barbelé.
Lorsque les wagons furent pleins, les portes furent fermées et plombées et le train partit
aussitôt. Il avait fallu moins d'une heure pour effectuer le chargement.
Dans mon wagon, nous étions debout, mais rapidement la chaleur monta et quelques détenus
organisèrent un tour pour que chacun puisse aller respirer aux ouvertures; malgré cela,
quelques-uns, malades, s'allongèrent par terre au risque d'être piétinés. Au cours de la première
nuit, neuf déportés s'évadèrent d'un wagon durant la traversée des Ardennes. Le train s'arrêta
et ceux qui restaient dans le wagon furent répartis à coups de schlague dans les autres wagons,
ce qui diminua encore la place disponible.
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Le 22 mai, le train passe par TREVES, COBLENTZ, LUNEBOURG, EBRENACH, la deuxième
nuit arrive et amène un peu de fraîcheur, car le jour le soleil chauffe le toit et transforme le
wagon en véritable four et beaucoup d'entre nous ont des malaises. Le 23 d'autres gares,
ERFURT et nous arrivons à WEIMAR. Là, le train se partage en deux et une moitié repart de la
gare, je suis dans celle-ci. Après avoir roulé au milieu des bois, nous arrivons devant le camp de
BUCHENVALD, nous nous croyons arrivés.
Non, le train repart en arrière, raccroche les wagons laissés à WEIMAR et nous repartons à
travers l'Allemagne en allant vers le nord par HALL, BERLIN, WITTENBERG, LUNEBOURG à
nouveau. Dans le wagon, il y a déjà deux morts et deux ou trois déportés devenus fous. Nous
sommes le 24 mai, nous avons déjà passé quatre jours ettrois nuits dans le wagon, nous
sommes tous exténués, beaucoup sont malades et nous mourons de soif, car durant le voyage
nous n'avons pu boire qu'une seule fois lors de notre passage à LUNEBOURG où le chef du
convoi a quand même arrêté le train et a fait distribuer de l'eau prise à la fontaine d'alimentation
des locomotives.
En fin de soirée, nous arrivons à HAMBOURG; par les ouvertures, nous voyons que la ville est
en grande partie détruite mais nous n'avons même pas la force de nous en réjouir, car nous
sommes à bout et ne pourrons plus tenir encore longtemps.
Le premier camp de concentration
Enfin le 24 mai, à la tombée de la nuit, le train arrive au camp de concentration de HAMBURGNEUENGAMME et c'est presque avec soulagement que nous quittons les wagons malgré les
SS qui frappent et les chiens qui mordent, nous faisons nos premiers pas dans l'enfer
concentrationnaire NAZI.
Le 25 mai, après une nuit passée dans la cave d'un grand bâtiment en briques et abandonné
tout ce que nous avions sur nous, nos bagages et même les alliances pour ceux qui étaient
mariés, nous passons à la douche, au rasage intégral, au désinfectant. Nous sommes habillés
avec de vieux vêtements: une chemise, un caleçon, un pantalon et une veste d'uniforme de
soldat russe avec de grandes croix jaunes peintes dans le dos et sur les jambes de pantalon. En
même temps, on nous donne à chacun deux bandes de tissus avec notre numéro matricule, une
plaque gravée à notre numéro et deux triangles rouges marqués d'un F, signe des déportés
résistants et politiques Français.
Nous sommes inscrits sur les registres du camp et nous devons donner notre date de
naissance, nationalité et notre profession. Comme me l'avait recommandé un commissaire de
police alsacien en prison avec moi à CLERMONT-FERRAND, je ne me déclarais pas étudiant,
mais me prétendais électricien. J'avais le numéro 31.392 et il me fallut apprendre ce numéro en
allemand par cœur car les appels étaient faits en allemand et il fallait être capable de le dire en
allemand à chaque demande de la part d'un SS ou d'un KAPO ou chef de BLOCK.
Nous fûmes affectés à un block de quarantaine avec une demi-paillasse pour chacun et nous
avons reçu notre première louche de soupe aux rutabagas et notre premier morceau de pain
noir. Le chef de block, prisonnier de droit commun allemand, régnait sur ses pensionnaires à
grands coups de matraque et nous prîmes alors conscience de l'univers où nous avions
débarqué.
Nous n'avions pas le droit de rentrer dans le block entre l'appel du matin et celui du soir et nous
devions rester debout toute la journée, confinés dans un espace qui nous permettait tout juste
de tourner en rond.
Le 28 mai, nouveau changement, nouvelle douche et nouvelle tenue, le pyjama rayé gris clair et
bleu, l'uniforme de tous les KONZNTRATIONLAGER du III ème REICH. Nous touchons chacun
un pyjama rayé de toile, une chemise et caleçon, une paire de galoches à semelle de bois et
dessus en toile, une petite cuvette émaillée pour la soupe et une cuillère, pas de fourchette ni de
couteau, c'est interdit, et sévèrement puni. Nous devons coudre nos numéros et nos triangles
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rouges sur notre veste et notre pantalon, ce qui n'est pas évident car nous n'avons rien pour le
faire, il faut se débrouiller.
Nous sommes ensuite mis à part et devons constituer le Commando « FALLERSLEBEN » qui
comprend environ 750 déportés dont 400 français, le reste étant des Russes, polonais,
espagnols, belges, hollandais, etc., et surtout une trentaine de droits communs allemands qui
vont devenir les KAPOS, FORARBEITS et CHEFS DE BLOCK de notre Commando. Le soir du
29 mai, nous sommes chargés dans des wagons à bestiaux, 80 par wagon et nous allons créer
un nouveau Commando dépendant des usines HERMANN GOERING, STADT DEN VAGEN K.
D. F. au sud-est de BRUNSWICHK, où nous arrivons le lendemain en fin d'après-midi.
LecampdeFALLERSLEBEN
Nous arrivons à la gare de FALLERSLEBEN et nous devons gagner à pied le camp qui se
trouve sur une colline à environ 4 kilomètres de la gare. Le camp est à peine installé, il
comprend quatre blocks de huit chambres chacun et dans chaque chambre 24 lits sur deux
étages avec une paillasse et une couverture. Le camp est entouré de fils de fer barbelés sur une
hauteur de trois mètres et il y passe un courant de 20.000 volts.
E haut des poteaux, de petits projecteurs éclairent le chemin qui suit les barbelés autour du
camp. Un grand mirador situé en face de la porte d'entrée au milieu du camp, équipé de deux
mitrailleuses et de deux puissants projecteurs permet de surveiller le camp nuit et jour. D'autres
miradors plus petits se trouvent à' chaque coin du camp qui n'est pas très grand, environ 500 sur
50 mètres. Il se trouve en bordure d'un bois de chênes.
À l'arrivée, nous sommes répartis au hasard dans les blocks et comme il y a plusieurs
nationalités, cela ne se passe pas très bien, les uns se méfiant des autres, les Russes et les
Polonais essayant de dominer les autres.
Aussi à la demande des Français, majoritaires et après plusieurs jours de discussions avec les
SS, le chef de camp intérieur, un prisonnier politique allemand fermé depuis dix ans, obtient que
les Français soient regroupés dans les mêmes blocks, ce qui nous facilita par la suite beaucoup
la vie et permit certainement de sauver la vie de plusieurs d'entre nous. J'en profitais pour
retrouver quelques jeunes déportés, anciens scouts comme moi, et nous réussîmes à nous
loger dans la même chambre et à rester tout au long de notre captivité à FALLERSLEBEN
ensemble, ce qui nous permis de nous soutenir.
Lorsque l'un de SS ivrogne et sadique tout de suite surnommé « Pied de vigne» et un médecin
SS aux capacités et aux mœurs douteuses avec sous leurs ordres une trentaine de SS dont
quelques-uns se distinguèrent par leur brutalité notamment un surnommé « Mitraillette» car il
avait la détente facile et le ROTTENFUHRER CALLESSEN dit « Peau de vache» qui se montra
jusqu'à la fin digne de son surnom et qui, arrêté quelques années après la libération, fut jugé et
pendu.
À l'intérieur du camp, les SS avaient confié la surveillance et la discipline à des KAPOS, des
condamnés de droit, criminels pour la plupart et tout heureux de pouvoir se venger sur nous.
Heureusement le chef intérieur du camp, interné politique anti-nazi avec un triangle rouge
comme nous, ainsi que le Kapo du REVIER également un politique, calmèrent un peu ces
brutes et parfois évitèrent le pire à certains de nos compagnons de misère.
À la tête de chaque block, un chef de block également droit commun, qui faisait régner la loi à
sa manière et à la tête du client. Avec mes jeunes camarades, nous craignions particulièrement
notre chef de block, HOFF MAN grande gueule homosexuelle qui essayait de nous attirer dans
sa chambre.
La première journée fut consacrée après l'appel du matin à constituer les colonnes de travail qui
vont être chargées de construire une cité ouvrière pour le compte de l'usine VOLKSWAGEN
« voiture du peuple ». Il y aura les terrassiers, les maçons, les charpentiers, les transporteurs,
les électriciens dont je serai et d'autres colonnes diverses, mais finalement le travail se fera au
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gré de la fantaisie des SS et des ingénieurs civils de la DEUTCH BAU entreprise chargée de
construire la cité pour VOLKSWAGEN.
Quelques déportés parmi les plus âgés seront affectés à l'entretien du camp sous les ordres des
chefs de block et du chef intérieur qui essayait d'aider ceux qui étaient en difficulté. Un jeune
étudiant en médecine, français, avec de très faibles moyens et la complicité du Kapo du "revier",
politique comme nous, tentera de soulager les souffrances de ses camarades tout au long de
notre séjour à FAALERSLEBEN.
Voilà le décor planté et pendant onze mois nous allons vivre dans ce camp fou au rythme
imposé par le jour solaire, car il n'est pas question d'aller sur les chantiers la nuit à cause des
risques d'évasion. Pour vivre, le matin un quart d'eau chaude baptisée café, à midi et le soir un
litre de soupe claire aux rutabagas avec en plus le soir un morceau de pain de 250 grammes
environ, un morceau de margarine gros comme le pouce et une petite rondelle de saucisson
dont nous n'avons jamais pu déterminer la composition.
La vie du camp était ainsi rythmée: le matin: réveil une heure avant le lever du soleil, quelque
temps qu'il fasse, puis rassemblement sur la place d'appel pour le comptage et l'inspection SS.
Là ceux qui étaient malades ou blessés essayaient de se faire admettre à l'infirmerie, mais rares
étaient ceux acceptés, travail d'abord et les SS se moquaient bien de perdre quelques
« STUCK », d'autres les remplaceraient. Puis formation des colonnes de travail et départ sur les
chantiers qui s'étendent sur plusieurs hectares mais qui sont surveillés depuis des miradors
mobiles tout autour et par des SS qui patrouillent avec des chiens.
Je ne décrirai pas la vie de ce commando jour par jour pendant cette période passée à
FALLERSLENBEN, il faudrait au moins autant de pages que de jours car tous ont été différents,
mais quelques-uns des moments qui ont le plus marqué mon séjour dans ce bagne au service
forcé du GRAND REICH.
Le jour du débarquement en Normandie.
Premier épisode tragique, le jour du débarquement en Normandie. Malgré l'isolement, les SS et
les barbelés, la nouvelle est rapidement connue, le 6 juin et le comportement des SS, ce jour-là
aurait suffi à nous faire comprendre qu'il se passait quelque chose d'important.
Cela se passa dans une folie indescriptible, chaque SS, ne redoublant d'ardeur pour cogner
alors que les déportés essayaient de manifester leur joie et leur espoir de voir arriver rapidement
la libération, on se voyait déjà à Noël à la maison, nous avions beaucoup d'illusions. Pendant
plusieurs jours, les SS très excités profitaient du moindre prétexte pour taper et tirer.
Ce fut au cours de cette période qu'eut lieu un incident qui renforça notre crainte des violentes
réactions des SS. Un jeune Russe qui travaillait à une tranchée d'adduction d'eau dans les bois
proche du camp tenta de s'évader. Il fut vite retrouvé par les chiens des SS et abattu d'un coup
de fusil qui lui fit sauter la boîte crânienne. Il fut ramené au camp et étalé nu sur la place d'appel
avec le cerveau sur le ventre.
A notre
retour du travail, L'OBERSCHARFUHRER « Pied de vigne» et les sous-officiers nous
obligèrent à défiler devant le corps de notre camarade et à lui cracher dessus, celui qui
n'obtempérait pas était gratifié d'une volée de coups de nerf de bœuf et devait repasser devant
et s'exécuter.
L'ignoble était à son comble et après un long appel du soir plein de menaces et privés de soupe
et de pain nous rentrâmes dans les chambres avec cette vision de cauchemar qui pour ma part
ne s'est jamais effacée.
A côté de cette folie
meurtrière, les SS se montraient parfois généreux.
Le dimanche était jour de repos, mais c'était aussi le jour de nettoyage, nous-même d'abord
avec séance de rasage barbe et crâne, douche et changement de chemise et de caleçon qui
passaient au lavage et à la désinfection.
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La direction du camp et de l'usine avait une peur obsessionnelle des poux qui risquaient de
répandre le typhus, maladie à l'époque mortelle, car il n'y avait pas de traitement connu en
Allemagne.
Comme nous étions en contact avec des civils ou des travailleurs libres sur le chantier, il ne
fallait pas courir le risque d'une épidémie. Il arrivait aussi que le dimanche, l'usine envoie un
supplément de nourriture et s'il y en avait suffisamment nous avions droit à une distribution, car
les premiers à se servir étaient les Kapos et les Chefs de block en vertu de leur position dont ils
profitaient largement.
Nous avions droit aussi chaque semaine à un paquet de mauvaises cigarettes russes données
par l'usine en guise de paye. Elles servaient de monnaie d'échange et pour ma part, je les
troquais contre du pain ou toute autre nourriture car la faim n'était jamais calmée.
Le bombardement de l'usine VOLKSWAGEN
Autre épisode dramatique, au cours de l'été, l'usine VOLKSWAGEN est bombardée. Une
première vague de nuit fait trembler les baraques, la D. C. A. très forte autour de l'usine est
déchaînée, un avion est abattu en flammes près du camp et les culots d'obus qui retombent,
traversent les toitures très minces, nous sommes obligés de nous mettre sous les lits. Deuxième
vague, le matin, pendant que nous sommes sur le chantier, les SS nus rassemblent dans une
bordure du bois et nous assistons au pilonnage de l'usine par une cinquantaine de bombardiers
L1BERATOR volant à très haute altitude.
La D. C. A. ne les atteint pas. Heureusement nous sommes à cinq kilomètres de l'usine car
toutes les bombes n'atteignent pas leur but et il y aura des morts parmi les prisonniers de guerre
et tous les travailleurs étrangers qui travaillent à l'usine et autour.
Tous les camps situés près de l'usine rassemblent des dizaines de milliers de personnes et
beaucoup seront touchés par des bombes.
Le travail au camp
Pour nous, le reste de la journée fut l'enfer. Les SS furieux entreprirent de nous faire transporter
depuis la gare de FALLERSLEBEN située à trois kilomètres du chantier, de gros moellons en
ciment qui pesaient une trentaine de kilos. Nous devions parcourir le trajet en courant et les SS
et les Kapos répartis le long du parcours nous harcelaient à coup de schlague, aidés des chiens
qui mordaient. Celui qui tombait était battu jusqu'à ce qu'il se relève et reparte avec sa charge.
Arrivé au chantier, on posait le moellon et l'on courait en chercher un autre. Cela dura jusqu'à la
nuit, c'est-à-dire très tard, car nous étions fin juin à la période des jours les plus longs. Après
cette séance, il y eu plusieurs morts, beaucoup de déportés épuisés et blessés et nombreux
d'entre-nous ne s'en remirent pas.
En principe j'étais électricien, mais notre principal travail était d'assurer le service d'une centrale
à béton où l'on maniait surtout la pelle et les sacs de ciment. C'était très dur pour des sousalimentés pratiquement sans repos, mais c'était un poste très recherché car lorsque le chantier
n'avait pas besoin de béton, il arrivait que notre Kapo qui bien que gueulard n'était pas trop
mauvais, nous laissait à la centrale quand elle ne tournait pas, nous en profitions pour ne rien
faire et nous reposer.
C'était alors le jeu du chat et de la souris, il ne fallait pas se faire prendre par un SS ou un Kapo,
l'un de nous faisait le guet pendant que les autres se reposaient ou bricolaient avec les outils de
la centrale. Nous avions entrepris de fabriquer des couteaux avec l'acier des pelles car nous
nous étions aperçus que c'était une excellente monnaie d'échange dans le camp, les couteaux
étant interdits.
Le tout était de ne pas se faire prendre; ce qui arriva, j'ai encore un couteau pliant que je
m'étais fabriqué dans un morceau de pelle avec un simple burin et un marteau et la roue en fer
de la bétonnière comme enclume.
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C'était très dangereux, mais cela valait la peine, car on peut difficilement se passer d'un couteau
qui sert à tout, et en échange, nous pouvions nous procurer pas mal de nourriture, ce qui pour
nous était notre principale préoccupation, sans ces appoints, nous ne pouvions pas résister
longtemps au régime du camp.
Vers le mois d'octobre, les jours raccourcissant et un froid intense s'installant, l'activité sur le
chantier de construction diminua.
Alors les 55 nous employèrent à des travaux de terrassement, c'était très dur, nous souffrions
énormément du froid, car nous n'étions pas plus couverts qu'en été et les rations alimentaires
diminuaient en même temps que la situation de l'Allemagne se dégradait devant l'avance des
alliés à l'est et à l'ouest et sous l'effet des bombardements qui devenaient de plus en plus
destructeurs et notre espoir de sortir vivants de cet enfer diminuait aussi de jour en jour.
L'usine souterraine
C'est à ce moment que j'ai bien cru que c'était fini pour moi. Les 55 emmenaient tous les jours
une centaine d'entre nous en train à environ trois quart d'heure de voyage pour aider des
prisonniers de guerre russes à la construction d'une usine souterraine.
C'était une profonde carrière creusée dans une colline rocheuse qui était recouverte d'une
épaisse dalle de béton, au fur et à mesure qu'elle avançait. Les prisonniers russes creusaient
des trous de mines et après les explosions, nous devions charger les blocs de pierre dans des
wagonnets que nous allions vider dans un ravin. C'était très pénible, mais nous avions décidé
dans mon équipe de saboter le travail et nous avons envoyé notre wagonnet avec les pierres et
nos outils au fond du ravin.
Malgré toutes les précautions prises, nous nous sommes fait prendre, et nous avons pensé que
les 55 allaient nous abattre. Ils ne l'ont pas fait. Mais le soir à notre retour au camp nous avons
eu droit aux fameux « FUNF UND ZWANZIG » les 25 coups de schlague sur le bas du dos,
appliqués devant tout le camp et les 55 sur la place d'appel par un KAPO trop heureux de faire
du zèle devant ces derniers.
C'est là que j'appréciais d'avoir de bons camarades pour m'aider, car je restais plus d'une
semaine sans pouvoir ni m'asseoir, ni me coucher sur le dos tout en continuant de travailler et
sans eux je ne sais pas ce que je serais devenu, cinquante ans après, j'en ressens encore les
séquelles.
Le froid et la neige
Le temps passe, le mois de décembre arrive avec un froid de plus en plus intense, le
thermomètre descend régulièrement en dessous de moins vingt-cinq.
Pour nous protéger du froid, nous utilisons des sacs de ciment vides qui servent à faire des
gilets que nous mettons sous la veste, à nous envelopper les pieds et la tête, nous n'avons plus
la tête rasée mais une croix faite à la tondeuse sur le dessus de la tête, nous essayons d'en rire,
mais l'utilisation des sacs de ciment amène des coups quand un 55 s'en aperçoit.
Heureusement ils sortent moins de leurs baraques à cause du froid. Cependant malgré tout, il
commence à y avoir des pieds gelés et l'infirmerie est constamment prise d'assaut et notre
jeune camarade-médecin fait tout ce qu'il peut pour soulager ses camarades, mais il n'a
pratiquement rien pour soigner et les morts se font de plus en plus nombreux.
Beaucoup d'entre nous reviendrons avec des traces de cet hiver 1944 -1945 et aujourd'hui
encore, cinquante ans après, je ressens encore les conséquences de gelures aux pieds et aux
mains.
Vers le dix décembre, la neige arrive et aggrave la situation, car nous n'avons rien pour nous
protéger et nous marchons pratiquement pieds nus, ce qui ne dérange guère les Russes qui
sont beaucoup plus habitués que nous au froid.
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Mais nous ne sortons plus quelques heures par jour, car les nuits sont longues et avec les
alertes presque permanentes, il n'est pas question de nous faire travailler à la lueur des
projecteurs.
Dans les chambres, il fait très froid car si nous avons un petit poêle, nous n'avons rien à mettre
dedans si ce n'est que les quelques morceaux de planches subtilisés sur le chantier et rentrés
au camp dans les jambes de pantalon en essayant de ne pas être pris.
Quelques jours avant Noël, un camarade alsacien réussit à s'évader, connaissant parfaitement
l'Allemand, ayant à franchir la ligne de gardes SS surveillant le chantier en plein jour et ce n'est
qu'à l'appel du soir que l'on s'aperçoit de sa disparition.
Le froid et la neige ne facilitent pas les recherches et à onze heures du soir les SS décident que
tous les Français passeront la nuit sur la place d'appel. Le thermomètre est en dessous de
moins vingt-cinq et il neige.
Nous nous resserrons les uns contre les autres pour ne former qu'un seul bloc et à tour de rôle
nous passons au centre pour nous réchauffer, mais ce n'est pas très efficace et lorsque au petit
jour nous pouvons enfin rentrer dans les blocks, nous laissons sur place plusieurs de nos
camarades morts de froid et d'épuisement.
Le temps de boire notre quart de prétendu café et nous repartons sur le chantier, la journée fut
particulièrement pénible et cet épisode tragique laissera beaucoup de traces sur la plupart
d'entre nous.
C'est au même moment que nous apprîmes la contre-attaque des Allemands sur BASTOGNE et
les Allemands annonçaient une grande victoire et qu'ils allaient repousser les alliés jusqu'à la
côte. Nous ne savions pas trop quelle était la part de vérité et celle de propagande, mais pour
nous c'était de mauvaises nouvelles, car cela voulait dire que notre calvaire allait se prolonger.
Heureusement cette alerte fut de courte durée, mais il est certain que cela retarda notre
libération de quelques semaines et ne remonta pas le moral des déportés qui n'était déjà pas
bien bon.
Le jour de Noël, nous avons droit au repos, il faut dire que les SS ont fait la fête toute la nuit,
ragaillardis par les nouvelles venant du front de l'ouest, et ils ne sont guère en état de nous faire
sortir, il n'y aura même pas d'appel.
Cependant nous commencions à désespérer de voir arriver la fin de ce cauchemar, le moral de
beaucoup d'entre nous baissait de jour en jour et certains parmi les plus faibles abandonnaient
et se laissaient mourir sans réaction.
Les mois de janvier et février 1945 passèrent et nous étions toujours là, mais déjà près du tiers
des 400 Français arrivés fin mai 1944 ont disparu. Fin février, le froid devenant moins intense et
les jours rallongeant, nous reprenons le travail de construction, alors que les alliés ont passé le
Rhin; les SS croient toujours en la victoire finale mais ils deviennent de plus en plus nerveux et
les ouvriers civils commencent à nous parler pour nous faire comprendre que ce serait bientôt
fini.
L'évacuation
Le 31 mars un Commando de NEUENGAMME venant de MUNDEN plus à l'ouest que nous, est
évacué vers notre camp devant l'avance américaine et nous nous retrouvons à plus de 1200
déportés dans un camp prévu pour 750.
À partir de ce moment, tout fut désorganisé et le chantier arrêté. Deux jours plus tard, un
deuxième Commando venant de PORTA nous rejoint, les déportés de ce camp sont très faibles
et envahis par les poux qui se répandent dans le camp, propageant e même temps le typhus
dont ils sont porteurs.
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Le 7 avril, les SS décident de nous évacuer car on entend déjà les canons américains. En fin de
soirée, dans une pagaille indescriptible, nous quittons le camp. Avec quelques camarades de
chambre, nous avions bien envie de nous cacher et d'attendre l'arrivée des Américains, mais la
peur d'être découvert par les SS avec leurs chiens étant la plus forte, nous partons aussi.
C'est le début d'une longue marche qui en deux jours nous conduira jusqu'à une gare à 60
kilomètres du camp, celle de FALLERSLEBEN étant hors service, les voies étant coupées. Les
SS qui nous accompagnent sont devenus enragés et ont récupéré pour les aider des jeunes des
HITLER-JUNGEN encore plus fanatiques.
Tout au long du parcours, nous sommes constamment harcelés, battus, nous n'avons rien à
manger ni à boire. C'est une marche vers la mort pour cette colonne qui s'étire sur plus d'un
kilomètre, nombreux sont ceux qui s'écroulent sur le bord de la route et les jeunes des
Jeunesses Hitlériennes n'hésitent pas à les achever avec une arme empruntée à un SS.
Le soir du deuxième jour nous arrivons enfin à une gare, mais plus d'une centaine de déportés
sont restés sur le bord de la route et nous sommes à bout de forces.
Nous croyons que notre épreuve est terminée, ce n'était que le commencement. Le train dans
lequel nous montons est composé de wagons disparates, wagons à bestiaux, wagons
tombereau à charbon, wagons à deux étages pour le transport des porcs ou des moutons avec
des parois à claire-voie.
J'ai la chance de monter dans un wagon couvert car il gèle encore fort la nuit mais j'ai perdu la
plupart de mes camarades et je me retrouve seul au milieu de russes et de polonais, en plus
dans la bousculade pour monter dans le wagon mes lunettes que j'avais réussies à garder
jusque-là ont été cassées et je ne vois plus très clair. Finalement je réussis à m'installer dans
ma couverture pendue dans un coin du wagon et n'en bouge plus, complètement épuisé. Le
train démarre et commence une longue errance à travers l'Allemagne.
Les SS veulent d'abord nous ramener à NEUEGAMME où nous arrivons au bout de trois jours,
car la circulation est difficile, les voies étant coupées en de nombreux endroits et les alertes
fréquentes. Nous sommes à bout, nous n'avons ni mangé ni bu depuis notre départ et des
bagarres éclatent dans le wagon, c'est chacun pour soi. J'ai réussi à retrouver quelques
Français et nous essayons de nous protéger des accrochages entre Russes et Polonais.
Après trois jours de voyage, il y a plusieurs morts, dans le wagon où nous sommes au moins
une centaine. Les SS ont fermé toutes les ouvertures et l'air est irrespirable, nous sommes
dévorés par les toux et il n'y a pas de tinette.
À l'arrivée à NEUENGAMME, les portes sont ouvertes, nous pouvons évacuer les morts sur le
bord de la voie et avec mes camarades français nous en profitons pour remonter dans un
wagon où les Français sont en majorité. Le camp ayant déjà été évacué sur LUBECK, les
Anglais n'étant plus très loin, nous repartons vers l'est. En cours de route, le train s'arrête
souvent dans les bois car les avions alliés attaquent tout ce qui roule et les SS ne veuillent pas
nous laisser. Nous ne comprenons pas, c'est la débâcle, mais ils continuent à nous évacuer.
Au cours d'un arrêt, nous devons sortir les morts des wagons et dans un wagon à deux étages,
je trouve le corps du père d'un de mes camarades, un mineur de MONTCEAU LES MINES,
nous le déposons sur le bord de la voie avec sa plaque matricule bien en vue avec l'espoir
qu'on le retrouverait un jour.
Ce jour-là, on nous distribue un peu de pain et de l'eau ainsi que des biscuits provenant d'un
train de marchandises qui a été pillé. Enfin le 15 avril, après avoir roulé pendant sept jours, nous
arrivons près d'un camp à WOBELIN à côté de LUDVIGSLUST à une soixantaine de kilomètres
de la mer Baltique et à trente kilomètres à l'est de l'Elbe où se sont arrêtées les troupes
américaines en vertu des accords de YALTA. Dans ce camp aucune organisation, ni
administrative, ni matérielle, un seul point d'eau avec une pompe à bras pour plusieurs milliers
de déportés (le nombre exact ne sera jamais connu) car les Commandos d'autres camps de
".-: >.' .... ,
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concentration ont été évacués sur ce camp prévu à l'origine pour loger des prisonniers de
guerre russes.
Il en vient de toute l'Allemagne et de Pologne, des femmes de RAVENSBRUCK, des juifs
d'AUSCHWITZ, des déportés de Commandos de DACHAU et de BUCHENVALD. Tous les jours
il y a des centaines de morts qu'il faut évacuer dans des fosses communes creusées dans le
sable des bois près du camp, nous devons nous mettre à quatre pour porter un corps qui n'est
plus qu'un squelette, c'est la pire des choses que j'aie jamais faite.
Je ne tiendrai que quelques jours, car la nourriture étant pratiquement inexistante, je m'affaiblis
de jour en jour et le 23 avril, je me couche sur le sol d'une baraque réservée aux malades. Je
n'ai plus la force de me lever, j'ai le typhus et la dysenterie.
L'arrivée des Américains
Le 1er mai dans le camp, c'est l'affolement général, les SS veulent évacuer le camp, un train qui
stationne près du camp est rempli de déportés valides, mais repérés par des avions anglais qui
ont vu des hommes en pyjama rayé dans des wagons découverts. Ceux-ci coupent la voie
ferrée avec quelques bombes bloquant le train.
Le soir de ce 1er mai, les déportés sont ramenés dans les SS sont très agités. Tout le monde
croit qu'ils vont nous liquider à la mitrailleuse car plusieurs sont en batterie à l'entrée du camp.
Ils ne pénètrent pas dans le camp, car ils ont peur du typhus et la nuit tombée on ne les entend
plus.
Le matin du 2 mai, une surprise nous attend, les SS sont partis et à partir de ce moment tout va
aller très vite. Les déportés encore valides se regroupent près de l'entrée du camp, mais
personne n'ose sortir de peur que les SS soient postés dans le bois qui entoure le camp prêts à
tirer.
Mais brusquement à 14 heures 15 une patrouille américaine en jeep arrive à l'entrée. Les portes
s'ouvrent et c'est une immense clameur dans le camp « LES AMERICAINS ARRIVENT ».
Je trouve la force de me lever pour voir les premiers soldats U S qui rentrent dans le camp, mais
rapidement je retombe au milieu des corps entassés sur le sol. À côté de moi un jeune prêtre du
DOUBS qui était dans notre groupe de jeunes depuis notre arrivée à NEUENGAMME meurt
quelque instant plus tard, il avait été pour nous celui qui avait le plus contribué au maintien de la
cohésion de notre groupe et sa disparition me marqua profondément.
Rapidement les services sanitaires américains sont sur place, mais ils sont débordés par
l'ampleur du désastre.
Plusieurs milliers de déportés sont encore en vie, mais la plupart d'entre eux ont le typhus à un
état plus ou moins avancé et il en meurt à chaque instant. Mais les médecins, les infirmiers et
soldats U S organisent le transfert des malades dans un hôpital rapidement installé dans une
ancienne caserne de cavalerie de LUDVIGSLUST à une dizaine de kilomètres de WOBBELIN.
Le soir je me retrouve pour la première fois depuis mon arrestation dans un lit avec des draps
après avoir été débarrassé de mon pyjama, épouillé et lavé, car depuis plusieurs jours, je me
vidais dans mon pantalon ne pouvant plus bouger.
L'Hôpital Américain
Pour moi l'enfer était terminé, mais je n'étais pas encore sorti d'affaire, le typhus progressait et
ce n'est que grâce à la patience et au traitement énergique des médecins américains aidés par
des médecins français libérés d'un camp de prisonniers que je survécus.
Je restais à l'hôpital jusqu'au 24 juin et après avoir passé plusieurs jours dans un semi-coma, je
refis surface et à partir de ce moment, je repris l'espoir de rentrer chez moi.
Pendant ce temps, l'Allemagne avait capitulé.
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À l'hôpital, parlant l'anglais, j'ai pu apprendre les circonstances de notre libération. Les troupesaméricaines arrivées sur le bord de l'ELBE appartenaient à la 82ème division aéroportée déjà
libératrice de deux camps de concentration; prévenues le 30 avril, de la présence à trente
kilomètres devant eux d'un camp où se trouvaient des milliers de déportés en train de mourir
d'épuisement et de maladies.
Elles franchirent l'ELBE sur un pont de bateaux dans la nuit du 1er au 2 mai et arrivèrent à 14
heures devant le camp que les SS avaient abandonné dans la nuit. La zone où se trouvait le
camp devait être occupé par les Russes mais un accord intervint entre le général GAVIN qui
commandait la 82e AIRBRONE et les Russes qui permit aux services sanitaires américains de
prendre en charge la totalité des déportés et d'installer un hôpital sur place car un grand nombre
d'entre eux étaient intransportables comme moi.
Pendant que nous étions à l'hôpital, les Américains réquisitionnent tous les civils de
LUDVIGSLUST et WOBBELIN et leur font vider les fosses communes des corps qui y étaient
entassés et les font inhumer dans des tombes individuelles dans le parc du château de
LUDVGSLUST où se trouve aujourd'hui le cimetière des déportés de WOBBELIN.
Le 24 juin, nous sommes transportés en ambulance par les américains jusqu'à LUNEBOURG,
car les Russes veulent voir les troupes américaines évacuer leur zone d'occupation.
Le retour en France
Le 26 juin, un avion des forces aériennes US me ramène avec plusieurs déportés au
BOURGET. Pour moi ce sera un des plus beaux jours de ma vie, car il est vrai que dans les
derniers jours de captivité, je ne croyais plus guère m'en sortir. Ce fut vraiment un miracle car,
vingt-quatre heures plus tard, j'aurais vraisemblablement succombé au typhus.
À PARIS, je passais d'abord par le centre de rapatriement d'IVRY où je subis d'abord un
examen médical approfondi, suivi d'un interrogatoire qui se prolongea tard dans la nuit car les
services secrets français craignaient que parmi nous se trouvent des collaborateurs ou des
miliciens, ou même des allemands nazis qui essayaient de fuir.
À mon arrivée au centre, j'avais pu faire prévenir la famille que j'étais à PARIS par un jeune
scout qui assurait le service en lui donnant un numéro de téléphone que j'avais gardé en
mémoire, celui de papy et mamy ; ce qui leur permit de me récupérer à mon arrivée à l'hôtel
LUTETIA par où passaient tous les déportés rapatriés. C'est là que j'appris la mort volontaire de
mon père et celle de ma mère qui mourut d'épuisement à RAVENSBRUCK le 10 novembre
1944.
À mon retour à PARIS, je ne pesais pas quarante kilos et au moment de ma libération, la fiche
médicale établie par les américains indiquait vingt-huit kilos à pleine plus que le poids du
squelette d'un adulte et presque trois fois moins que lors de mon arrestation.
Voilà comment j'ai passé les derniers mois de la deuxième guerre mondiale, période qui m'a
profondément marqué et que je ne pourrais jamais oublier, même si avec le temps les souvenirs
se sont un peu atténués.
Si j'ai écrit ces quelques pages qui sont loin de contenir tout ce que j'ai subi et vu durant ce
terrible séjour aux mains de la Gestapo et des SS, c'est pour que ceux qui les liront n'oublient
pas que la nature humaine est capable de tous les excès, des meilleurs comme des plus
ignobles, et qu'il faut se préserver par tous les moyens possibles des régimes totalitaires quels
qu'ils soient.
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100
Des Aurès à la plaine du PÔ
Tribulations guerrières d'un jeune Africain du Nord
d'origine juive.
par Rolland ELBAZ
En 1940, j'avais 18 ans ...
J'habitais KHENCHELA, petite ville de 2.000 habitants dont des musulmans bien sûr prés de
CONSTANTINE, dans les AURES. Par la suite les musulmans des douars sont venus habiter
KHENCHELA qui compte maintenant peut être 100.000 habitants.
Mon père était correspondant de Banques (Banque d'Algérie, Banque de France, Crédit
Lyonnais, etc ... ) Le soir en revenant de l'école, on l'aidait à compter les billets de 5 francs dans
une corbeille à linge en osier, on faisait des liasses "en famille".
Il était en même temps agriculteur, "colon" comme on les appelait là-bas et nous avions trois
fermes.
La première conséquence de la guerre fut pour nous l'arrêt des approvisionnements depuis la
métropole; je garde l'exemple du manque de jute pour fabriquer les sacs. Ma première
contribution à la pénurie fut la confection de sacs à charbon.
Les sacs d'alpha
Il avait donc des chariots pour transporter les récoltes, ces charrettes avaient des piquages
(claies). J'ai récupéré ces chevrons et les ai montés en métiers à tisser, comme ceux que j'avais
vus sur le dictionnaire LARROUSSE.
Avec des plants d'alpha que l'on laissait "pourrir" pour en récupérer la fibre, on fabriquait une
sorte de ficelle. Une fois tissée on obtenait comme un genre de grillage, en pliant deux mètres
de ce tissu, cela constituait un sac de toile rustique à larges mailles que, avec mon père, j'allais
présenter à administrateur de la commune mixte et directeur de la mine de charbon de
BOUAMAMA.
Quand M. LOSSEL nous vit arriver avec nos sacs percés, il se mit à rire ... Mais quand on lui a
dit:
" M. LOSSEL, quand vous achetez du charbon, vous préférez payer de la poussière ou des
cailloux de charbon ?"
Il a claqué dans ses mains et dit:
" Vous avez raison messieurs, je vous en commande 100.000, mais il me les faut rapidement,
puisqu'on ne reçoit plus de jute depuis la France l".
Monsieur ZELATI, le contremaître nous aida et nous avons fabriqué de nouveaux métiers. Tout
le monde s'est mis à fabriquer des sacs; la veille de mon départ à la guerre, j'ai eu le plaisir et la
joie du cœur comme on dit de voir passer le camion de mon cousin M. STORA Bertrand avec un
chargement de trois mètres de haut qui partait livrer les premiers sacs en alpha.
En 1943, la mobilisation
Je fus mobilisé le 26 février 1943, affecté au troisième Régiment de Zouaves puis à la 251 éme
compagnie de travailleurs israélites là nous avons été les pionniers cantonnés à SOUCARRAS
puis à GAMBETTA, tout prés de la frontière Tunisienne. On était sous les ordres des anglais (et
100
---------------------------------du Général GIRAUD ?) qui nous prenaient pour des nègres et ne nous ménageaient pas,
101
pensant qu'ils étaient supérieurs à nous. On faisait des routes, comme les chantiers de jeunesse
en France. Routes qui permettraient éventuellement l'arrivée des Allemands ???
Affecté le 28 mai au 25 éme Train des Equipages à CONSTANTINE.
En mer du 11 avril 1944 au 18 avril.
La traversée dura dix jours et onze nuits!
Un contingent de bateaux américains, des "liberty-ship" sur lesquels étaient répartis tous les
militaires français qui devaient rejoindre l'Italie.
Or nous sommes partis donc d'ORAN et dès que nous sommes sortis du port, nous avons été
détournés plusieurs fois parce que les sous-marins Allemands nous attendaient en pleine mer. Ils
nous ont suivis comme ça jusqu'en Italie.
Arrivés au large d'ALGER, quelques heures après notre départ, des MESSERCHMIDT nous ont
attaqués. Il y avait sur notre bateau un jeune Américain de dix-sept ans qui tenait la mitrailleuse
anti aérienne et qui s'est mis à viser un avion qui piquait sur nous, il l'a touché et cet avion est
allé percuter la colline dans les environs de THIZY OUZOU, à côté de PORT GUEDON où
habitait ma sœur. Effectivement, après la guerre, j'ai interrogé ma sœur qui m'a confirmé que,
un soir de Pâques un avion s'était écrasé dans le coin.
Sur le bateau, il y avait des Français d'Algérie de toute origine: nous quittions un département
français pour aller combattre pour la France comme l'avaient fait nos pères en 1914.
On devait débarquer en SICILE, mais, on revenait, à droite, à gauche ... Et finalement on a
débarqué à NAPLES où l'on a campé quelque temps puis nous avons commencé à remonter.
À Naples
Nous devions ravitailler un poste dans la montagne où nos artilleurs étaient face à une autre
montagne occupée par des artilleurs allemands. Le capitaine MERZEAU, du génie, avait fait
construire un passage avec des ponts constitués seulement de poutres en fer à "U" où roulait
chaque roue de camion au-dessus du vide.
On roulait de nuit, dans des camions bourrés de munitions, sans éclairage avec tout juste les
"yeux de chats". A chaque fois on était canardés par l'artillerie. On partait à dix heures du soir et
on revenait à six heures du matin.
Un matin, de retour épuisé au cantonnement, je m'apprête à dormir, mais l'adjudant-chef vient
me chercher et me nomme tête de file du prochain convoi! je suis bien obligé d'obéir et j'y
retourne! le lendemain pareil vers dix-huit heure, il m'oblige à repartir une troisième fois! le
surlendemain, complètement épuisé, je me mis en colère et refusais. Il me menaça du conseil
de guerre ... Je suis allé à mon camion chercher mon fusil (un 86/93), et si les copains Roger
ATTAU et Armand HAUMI ne m'avaient pas retenu, je crois que je l'aurais descendu ... Je n'en
pouvais plus!
Castel Forte
Là, régnait une odeur pestilentielle nous étreignait, tellement il y avait de cadavres!
Un soir, j'avançais avec mon camion dans la nuit et j'ai senti quelque chose de mou sous mes
roues arrière: c'était le cadavre d'un allemand sur lequel était passé mon camion; ça m'a fait
quelque chose!
La nuit était tombée sur le champ de bataille et des milliers de lucioles étincelaient dans le ciel;
j'ai pensé que c'étaient les âmes des morts qui s'en allaient. ..
Un jour, je suivais le camion d'un copain qui ramenait des fantassins du combat. Je le doublais
pour le prévenir que derrière, dans son camion, tous les types étaient morts.
-. <'.. ,'
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En revenant de la plaine de TIVOU, avec mes six camions, j'étais en tête de la colonne, tout
d'un coup, j'entends quelqu'un qui m'appelle depuis le bord de la route: c'était mon cousin
germain! Extraordinaire il était dans les F.F.L., on s'est arrêté, on s'est embrassé! ! Il s'est fait
tuer à OBERNAI par un tireur allemand perché sur un arbre. Son corps fut transporté à
CONSTANTINE, puis en métropole après 1962.
Un matin, prés de VITERBO des soldats français, des fantassins, des infirmiers, des soldats de
toutes sortes, avançaient en colonne, les camions, les voitures étaient "cul à cul". Les
Allemands nous prirent en enfilade, nous canardant avec des obus qui nous canonnaient. Vingt
ans après, je suis repassé à cet endroit où fut édifié un immense cimetière militaire, j'ai retrouvé
la tombe d'un cousin, le Dr Roger ATTAL ; là, j'ai pleuré ...
La bataille de Monte Casino
Les Américains étaient au pied du MONTE CASINO depuis plus de six mois, ils n'arrivaient pas
à en déloger les Allemands, surtout parce qu'ils n'engageaient pas leur troupe; leur objectif
premier était: "zéro" morts dans leur troupe.
Ils canardaient, ils bombardaient jusqu'à ce qu'il n'y ait plus âmes qui vivent, mais les Allemands
se mettaient à l'abri dans leurs casemates et ressortaient après le pilonnage; et on
recommençait.
Nous étions dans la 3 éme D.I.A. commandée par le Général JUIN, le Général de
MONTSABERT qui est mort à BORDEAUX (30 ans plus tard). Nous avons sorti les Allemands
vite fait parce que le 6 juin 1944 vers 10 heures du matin, nous étions déjà de retour dans les
environs de Rome dans la plaine de TIVOU.
L'assaut même du MONT CASSIN aurait fait des milliers de morts, je n'ai pas vécu l'assaut luimême: nous étions dans le "train" : le matin nous emmenions des gars à la bataille, on les
déposaient, et on revenait les chercher le soir pour les ramener au campement où on mangeait
et on passait la nuit avec eux.
Pendant la journée, durant la bataille, on attendait dans nos camions, plus en arrière, stationnés
derrière un monticule et si possible à l'ombre. Les fantassins du R.T.M. (régiment de TABOR
marocain) étaient des combattants redoutables qui partaient à l'assaut le couteau entre les
dents. Ils donnaient l'assaut directement et pénétraient dans les casemates pour les "nettoyer"
sans beaucoup de préparation d'artillerie.
Les anciens combattants marocains racontent tous la même histoire: on était par groupe de12,
on nous déposait au front, on donnait l'assaut, et on revenait ou on était évacués en cas de
blessure. C'est tout ce que vécurent ces Africains du nord de leur bataille du MONT CASSIN!
La plaine de Tivoli
J'étais là avec plusieurs camions et le sergent BELAïcH, un caporal-chef qui était musulman
d'ailleurs et qui s'appelait de BABECHE et avec d'autres copains de CONSTANTINE et de
BONE, que j'avais connus aux camps israélites en ALGERIE, au début de la guerre.
Ils conduisaient chacun un camion: Roger ATTAU, Armand HAUMI, Pierre SEBHA. Nous
avions déposé les fantassins pour qu'ils se battent et nous étions mis à l'abri sous les arbres.
Nous avons cantonné et là on s'est fait repérer par un "piper" allemand qui a signalé notre
position à l'artillerie de campagne ennemie qui a commencé à nous bombarder. .. Nous
recevions des obus de tous les cotés.
Un obus est tombé à un mètre cinquante du Caporal de BABECHE qui a été projeté en l'air à
trois ou quatre mètres sans être blessé l'obus n'ayant pas explosé! J'étais assis sur le marche
pied de mon camion, en short, torse nu, j'écrivais à mes parents et leur racontait la scène que je
voyais ...
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Les trois quarts des camarades qui étaient avec nous, en plein mois de juin, en pleine "cagna"
se sont tous mis à trembler de peur et de froid; ils passèrent même la tenue d'hiver et la capote.
Le Caporal de BABECHE quand il est retombé de son saut, il a fallu que je lui mette une paire
de "baigne" pour le remettre d'aplomb; il m'a alors embrassé et remercié ... Le sergent, lui, était
complètement perdu.
Mon œil
Le dix juillet 1944, au col D'IVADELLA, à la hauteur de FLORENCE, un bouchon allumeur de
grenade a explosé (heureusement pas la grenade, ni la pleine caisse à côté) et je me suis
retrouvé avec l'œil droit qui pendait sur ma joue; d'un geste de la main, je replaçais le globe
oculaire dans son orbite et on me fit un pansement.
Je continuais tout de même à conduire mon camion. On est allé quand même livrer les
munitions et le sergent CLERGEAU celui qui nous avait préparé un petit cochon à la broche m'a
accompagné à l'infirmerie avancée. D'infirmerie avancée en hôpital de campagne, je me suis
retrouvé à l'hôpital américain de ROME, à 150 Km. j'y suis resté une dizaine de jours; C'est
terminé dit le docteur votre œil est perdu, il n'y a pas d'opération possible!
Comme j'étais valide, je donnais un coup de main aux infirmières américaines Il y en avait là,
une bien belle qui m'avait tapé dans l'œil (l'autre) !
Le retour
Le 27/07/1944 j'embarquais pour ORAN, deux jours de traversée sans problème, le train jusqu'à
ALGER, puis CONSTANTINE où je suis resté dans le service auxiliaire jusqu'à ma
démobilisation en 1945.
.
-. ".
"-
;.'-:
104
Conclusion provisoire
Et oui, vous venez d'accompagner dans leurs tribulations guerrières de nombreux personnages
d'époque!
Une institutrice du Puy de Dôme, un étudiant d'Annecy, un étudiant en médecine du Cantal,
deux enfants de Saint Eloy les Mines, un séminariste bordelais, l'épouse d'un officier Allemand,
un adolescent déporté de Riom, un jeune Juif d'Algérie ...
Chacun vous a raconté son "quotidien" pendant la guerre de 1940.
Le témoignage de Jean Virlogeux nous a été confié en 1998, celui de Rolland Elbaz en
2000.
Des amis bretons s'apprêtent à nous confier leur histoire quotidienne bientôt vous
connaîtrez le destin du pauvre Bicot, chat de gouttière Nantais; l'aventure du banquier breton
parti avec la caisse etc ....
Nous comptons sur vous et vos amis pour "enrichir" encore cette plaquette avec vos récits de
"votre" vie de tous les jours à l'époque; avec les documents originaux que vous connaîtriez et
qui pourraient ajouter des petites lettres au dernier chapitre: n, 0, p, q, ...
Vos critiques sont aussi les bienvenues (à dose homéopathique, bien sûr)
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Sondage du Journal le Point n° 2405 du 1/11/1997.
La période de Vichy, vue par ceux qui avaient 20 ans en 1940
d'après Michel WINOCK.
300 personnes interrogés selon la méthode des quotas.
La position de l'administration française
Compromise avec les allemands:
34 %
A tenté de résister:
28 %
Ni l'un, ni l'autre:
10 %
Sans avis:
28 %.
Dans votre entourage
Plus de gaullistes que de pétainistes :
44%
Plus de pétainistes que de gaullistes:
16 %
Autant:
9%
Sans avis:
31 %.
Quand avez-vous appris l'existence des camps de concentration?
Pendant la guerre:
37 %
Après la guerre:
39 %
Plus tard:
18 %
Sans avis:
6%.
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