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UNIVERSITE DU QUEBEC
MEMOIRE
PRESENTE À
L'UNIVERSITE DU QUEBEC À TROIS-RI VIÈRES
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MAîTRISE ÈS ARTS (PHILOSOPHIE)
PAR
GILLES GAUTHIER
BACHELIER ÈS ARTS (PHILOSOPHIE )
h~
PROBLEMATIQUE DE LA SIGNIFICATION
DANS LA THEORIE DES ACTES DE LANGAGE
DE JOHN R. SEARLE
SEPTEMBRE 1979
Université du Québec à Trois-Rivières
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autorisation.
•
LA PROBLEMATIQUE DE LA SIGNIFICATION DANS LA
THEORIE DES ACTES DE LANGAGE DE JOHN R . SEARLE
Mémoire de maîtrise ès Arts (Philosophie)
présenté par Gilles Gauthier
L'objectif du présent mémoire est de rendre compte, d'une façon
unifiée et systématique, de la conception de la signification linguistique qui peut être établi~ sur la base d e la théorie de s actes de langage de John R. Searle.
Ce développement théorique est appuyé -dans la première partie du
mémoire- sur un examen de l'hypothèse de base explicitement formulée par
Searle sur le langage, la détermination de la place qu'occupe son projet
en philosophie du langage, une étude des idées sur le l angage présentées
par J. L. Austin et de la théorie propreme nt dite des actes de langage
de Searle.
A la lumière de ces informations théoriques , je procède -dans la
seconde partie du mémoire- à une mise en place d es principaux constituants
d e la conception searlienne sur la signification:
la thèse de Searle sur
la signification (qui peut rec e voir une formulation générale et une f?rmu~
lation plus spécifique), le principe d'expr imabilité qu'il met de l'avant,
les deux théories de la signification linguistique qu'il adopte successivement ainsi qu'une caractérisation des rapports entre signification
et contexte d'énonciation.
Sauf en ce qui a trait
à un point relativement peu important de
la pensée de Searle -la défense de l'idée que certains actes complets de
langage n'ont pas de contenu propositionnel, idée que, pour ma part, je
conteste- la présentation que j'expose de sa conception de la signification tente de faire voir sa cohérence par rapport
à l'ensemble de sa phi-
losophie du langage.
·
-
~~~
Claude Panaccio
~
directeur de recherche
REMERCIEMENTS
Ce mémoire de maîtris e fut rédigé grâce à une bourse de la
Direction Générale de l'Enseignement Supérieur du ministère de
l'Education du Québec et dans le cadre d'un projet de recherches
portant sur la logique illocutionnaire dirigé par Monsieur Daniel
Vanderveken.
Je tiens·
à reme rcier chale ur e usement Monsieur Claude Panaccio
qui a bien voulu diriger ma r e che rche et m'éclairer de ses remarques
et suggestions toujours judicie uses.
Je suis également redevabl e à Madame Réjeanne Thibault d'avoir
pris en charge l'aspect de la présentation matérielle du mémoire.
A LolU!.>e
"L e ' mWeJt' de philo.6ophe JteM e.mbfe,
en en6e..t, pM c.~n..6 c.ôtu à. c.~lU
de J 0 UfLnaLLé,;(:e , plU.6 qu' i l ,{jnp0.6 e à.
C.e..tlU qlU f ' exeJtc.e f ' obLLga..-Uon de
.6 'exptUm eJt q uoticüenne.ment .6 UfL dei.>
.6uJe.t.6 poUfL lel.>quw i l ne pOMède
pM 6oJtc.ément le mi..rumum de c.ompétenc.e,
de c.onv~c.tion e..t d'exp~enc.e que l'on
euge.Jt~ dan..6 d' aubtel.> W.C.On..6tavl.c.eI.> . fI
Jacques Bouveresse
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
......••....... . ... . . . . . . . . . . . . . . .... . ...... . ... . .... . ...... page
l
PREMIERE PARTIE: LA THEORIE SEARLIENNE DES ACTES DE LANGAGE
CHAPITRE PREMIER: L ' HYPOTHESE DE BASE
9
A - Le statut épistémologique de l'hyp othèse de base, ..•.•......
9
l - La connai s sance sur l e lang age ... ... . .. . • . ..•....••.•.. .
10
2 - La place d'une théorie du l angage dans la
connaissance . ..............•• ... ..... . . . . . . . . . . . • . . . . . . .
13
B. - La teneur de l' hypothèse de b a s e . . . . . . . . . . . . . . .. ..• . , ... . .. .
15
- Les deux propositions de l'hypothèse de base . . . . . . . . . . . . .
15
2 - Trois concepts mis en évidence par l' hypothèse
d e base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . .
18
Notes .. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . ...... ..• . ... . ......... . . ...•. . ... . .. ..
21
l
CHAPITRE DEUXIEME : LA LOCALISATION THEORIQUE DU PROJET SEARLIEN
30
A - La distinction entre philosophie linguistique
et philosophi e du lang age .. .. .. ...... . . . . . . . . .. . . ... .. . ... . .
30
B - Les d e ux principales approch e s e n philosophie
du l angage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
33
C - Searle et la tradition "utiliste " de la philosophi e
du langage . . . . . . . . . . .. ... . . .... . .... ... . ... . . . . . . . . .... .. . . .
35
D - La caractérisation théoriqu e du proj e t
s e arlien ..... ....... .
36
Notes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
39
vi
CHAPITRE TROISIEME: SEARLE, CRITIQUE ET CONTINUATEUR THEORIQUE
D'AUSTIN
44
A - Austin: la mise en valeur de l'aspect "illocutionnaire"
du faire langagier .........•..••......•.•....•...•...••••..•
44
l - l'ébauche d'une théorie du faire langagier •....•.••.••••
a) Les performatifs .......................•..•.....•....
b) Une théorie de la force illocutionnaire .••.••.....•..
45
45
53
2 - La classification austinienne des forces
illocutionnaires •.................•.................... .
58
3 - Une thèse particulière d'Austin sur le langage;
'Pas de modification sans aberration' .........•.....••..
59
à l'égard d'Austin .•....•.•.•..•••...•
l - La critique de Searle à l'égard d e la distinction
63
austini e nne entre locutionnaire et illocutionnaire ..... .
64
2 - La critique de Searl e à l'égard d e la classification
austinienne d e s forc e s illocutionnaires .•...........•...
68
3 - La' critique de Searle à l'égard de la thèse
austinienne 'Pas d e modification sans abe rration'
72
B - La critique d e Se arle
Note s .•...............................•...••..•..••..•..••.••...
79
CHAPITRE QUATRIEME: LA THEORIE DES ACTES DE LANGAGE DE SEARLE
109
A - La répartition searlienne des actes de langage ••••.••••••..•
109
B - La distinction entre concenu propositionnel
et force illocutionnaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
116
C - La typologie s earlienne des actes de langage . . . . . . . . . . . . . . . .
118
l - Un réseau d e condition s relative s à la p er forman ce
illocutionnaire................................ ..•......
119
2 - Les principe s d e différe nc iation d e s types d'actes
illocutionnaire s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .•. . . • . . • . . . . . . • . . •
120
3 - Le s c a t é gori e s d'act e s illocutionnaires.............. . ..
126
Notes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . • . • . . • . .
131
vii
DEUXIEME PARTIE: LA CONCEPTION SEARLIENNE DE LA SIGNIFICATION
INTRODUCTION
150
CHAPITRE CINQUIEME: LA THESE DE SEARLE SUR LA SIGNIFICATION
155
A - La th~se g~n~ra l e de Searle ......... ... . •............ ... ... .
155
1 - La th~se g~n~rale d e Searle et son hypoth~se
de base sur le langage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . • . .
156
2 - La thèse g~n~rale de Searle et sa r~partition
des actes de l angage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . .
158
B - La distinction entre contenu propositionnel et force
illocutionnaire et la th~se sp~cifique d e Searle . . . . . . . . . . . .
159
C - La th~.se d e Searle sur la signification et sa pos ition
en philosophie du langage .... · ..... · .. ~ . -: . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
162
1 - L' eff et ~p ist ~ mologique d e la th èse de Searle sur
la signification : l'unification de son domaine d'~tud e .•
162
2 - L'effet m~tathéorique de la th~se de Searle sur la
signification: l'int ~ gration d es deux principales
approches en philosophie du langage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
163
3 - Le d~bat entre Searle et Hare à propos du rapport
entre acte de langage e t signification..................
167
Notes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . .
179
CHAPITRE SIXIEME : LE PRINCIPE SEARLIEN D'EXPRIMABILITE
185
A - La teneur du principe d'exprimabilité ...........•..........•
186
B - La plu rifonctionnalité th~orique du principe
d' exprimabili t~ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
188
viii
l - Le principe d'exprimabilité et l'hypothès e
searlienne d e base .... .. .... . .... .. .. .. .. ... ... .... . . ...
188
2 - Le principe d'exprimabilité et la théorie
searlienne des actes de langage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
191
C - Le principe d'exprimabilité et la thèse (généra l e )
de Searle sur la signification •.•.•......•.....• ,...........
193
Notes. . . . . . . • . . . . . • . • . • . . . . . • . . . . . . . • • . . . . . • • . . . . • • . . . • . . . . . • . • •
198
CHAPITRE SEPTIEME: LA THEORIE DE LA SIGNIFICATION DE SEARLE
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · . · . · · · · · · · · · · · · · · · . · . .. e·.·.· ........... . -
201
A - La première théorie searlienne d e la signification (Tl) .....
204
l - La théorie de la signification non~naturelle
de Gr i ce .......... .. ................ ...................... ~ ..... ......... ,
..
205
2 - La critique de Searle à l'égard de la théorie de
la signification non-naturelle de Grice •. , ••.••••......•
207
3 - Tl et la thèse générale de Searle sur la signification ..
210
B - La seconde théorie searlienne de la signification (T ) .••. , .
2
l - L'autocritique de Searle à l'égard de Tl •..•........•...
213
La teneur d e T 2' •.••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
217
a) La représentation, concept de la signification •......
b) T et la thèse de Searle sur la signification ....•..•
2
c) T et la problématique de ~a communication .......... .
2
218
220
226
t
2 -
.....
.
....
1:
....
...
213
C - T et les deux approches traditionne lles en philosophie
2
du langage ..........•...................••..•..•...........•
228
Note s .....................................•.••....•.• • ......•..•
231
CHAPITRE HUITIEME: LA SIGNIFICATION DANS LA THEORIE SEARLIENNE DES
ACTES DE LANGAGE ET LE CONTEXTE D'ENONCIATION
237
A - La théorie d e la signification littéra l e de Searle, ... • •. . ..
B
Les théories locales de Searle sur les cas complexes
d'énonciation significative ...........•........•..• . • ,......
241
247
ix
C
-
l
Les actes de l angage i nd irects................. ... .... ..
250
2
La métaphore................. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
254
La problématique du contexte d'énonciation et le point
de vue illocutionnaire de Searle sur la signification.......
263
l
2
-
La théorie de la signification de Searle et sa
thèse de la relativité de la signification littérale....
264
La théorie de la signification de Searle et ses
théories locales des Cas complexes d'énonciation
significative ............
~
~
~
~
t ~
•
'!
"
Il
~
..
'!
266
Il
....
!
....
Il
270
CONCLUSION .............•.•..••.....•••• • , ••.•...•• " • .. .•••.•._._. ...
275
Il
Il
Il
Note s ................ ......................... " .. . ......
Il
Il
Il
t
•
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Il
'! Il •
..
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.
.....
t
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Il
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t
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01.
"
..
'!:
'!.
....
Il
..
..
,
....
BIBLIOGRAPHIE
A - -Textes de Searle ...........•...• , ....•...... " . . . . . . . .... ...
278
B - Autres textes cités ....... , •...... ,...... .. . . . . . . . . . . . . . . . . .
283
INTRODUCTION
La problématique de la signification, ne serait-ce qu'en vertu de
la pluralité des constructions théoriques qu'elle a suscitée, constitue
une topique essentielle de la philosophie du langage.
Le développement, dans sa période contemporaine, de ce secteur de
la recherche philosophique est, par ailleurs, marqué, entre autres considérations, par un point de vue paradigmatique selon lequel le langage,
dans sa nature même, est c~nçu non plus seulement comme un système
sémiologique mais aussi et surtout comme une activité performative.
est généralement considéré que cette idée remonte
Il
à L. Wittgenstein
(Philosophical Investigations) et qu'elle a été, par la suite, développée,
dans ses aspects les plus intéressants, par J. L. Austin (How T.o D'o. T.hings
With .'-Yords).
Chose certaine, elle continue, de nos jours,
point de départ
à servir de
à la réflexion de nombreux philosophes parmi lesquels
figur e en bonne place John R. Searle.
Ce dernier, comparativement
à
ses prédécesseurs pour lesquels cela semble plus discutable, présente,
sur la base de l'intuition que le langage se caractérise essentiellement
par la performance de ses utilisateurs, une véritable théorie de l'activité langagière.
2
Le principal objectif du prés e nt mémoire consiste
à rendre compte
de la conception de la significati on qu i peut ê tr e d égagé e d e la théori e
des actes de langage de Searle (1).
Il s'agit, en d'autres termes, d'exa-
miner le traitement qu'il donne de cette question dans l'édification
de sa philosophie générale du langage.
Bien qu'il fournisse
de nombreuses indications, Searle n'a pas encore procédé
à cet égard
à une présenta-
tion systématique de ses idées sur la problématique de la signification.
C'est
à cette tâche ou plutôt à l'amorce de ce travail que sont consacrées
les pages qui suivent.
Nous tenterons donc d'exposer en une vue unifiée
et totalisante les diverses propositions searliennes relatives
à la signi-
fication langagière.
L'hypothèse sous-jacente qui motive et guide cette entreprise est
à l'effet que la spécificité de la théorie des actes de langage de Searle
conduit
à l'établissement d'une théorie tout aussi spécifique de la signi-
fication qui en constitue un prolongement obligé.
Il sera donc ici tenté
de cerner la cohérence du discours searljen sur la signification langagière
par rapport
à l'ensemble de son objet d'é tude.
Cette mise en perspectiv0 suivra un développement en deux temps.
La première partie du texte est entièrement consacrée
liènne des actes de langage.
duction
à la théorie s e ar-
Formant en quelque sorte une longue intro-
à notre principal sujet d'étude, elle comprend quatre chapitres:
l'examen de l'hypothèse de base de Searle sur le lang a ge, la localisation
de la position que son projet théorique occupe en philos ophie du langag~ ,
un compte rendu des vues principales d'Austin sur le faire langagier dans
3
lesquelles celles de Searle prennent racine et, fin alement , une analyse
de la théorie searlienn e proprement dite des actes de langage.
Le terrain ainsi préparé, il sera plus précisément question, dans
la deuxième partie du mémoire, d e la problématique de la signification
telle qu ' investiguée par Searle .
Seront alors discutés, à l'intérieur
de quatre autres chapitres , la thèse sur l a signification sous-jacente
à la théorie searlienne des actes de langage, le principe d'exprimabilité
qu'il met de l'avant, la théorie proprement dite de la signification de
Searle ainsi que la question du rapport entre cette théorie et la problématique du contexte de la production langagière.
Ces différents as-
pects constituent, à notre avis, l es points saillants de la conception
globale de la signification de Searle.
Alors qu e dans la-première partie du mémoire les textes de Searle
et des autres philosophes intervenant dans le débat sont suivis de très
près , une certaine latitude dans l ' interprétation et le mode de présentation des idées searliennes préside à la r~ daction des quatre derniers
chapitres.
C'est ainsi que le ton et l e style du mémoire , d'abord nette-
ment académique~ , prennent après coup une forme plus thétique.
Il importe, à cet égard, de souligner deux facteurs qui limitent
forcément la prétention du présent travail.
D'abord, la production tex-
tuelle d e Searle n'est pas encore -loin de là- achevée.
Celui-ci parti-
cipe toujours activement à la recherche philosophique contemporaine sur
l e langage .
Il est même à prévoir que sa contribution future sera plus
4
abondante et peut-être plus importante que ce qu'il a jusqu'à maintenant
publié.Sa réflexion s e mble, p ar ai l l e ur s, se dé ployer s u r de s cha mps
d'intérêt plus variés que ceux qu'il a jusqu'ici explorés.
Ainsi, sur
le point de faire paraître, en co-rédaction avec Daniel Vanderveken, un
ouvrage portant sur la logique illocutionnaire (Foundations of Illocutionary Logic), Searle pourrait bientôt signer un autre texte consacré
plus spécifiquement à la philosophie de l'esprit.
Le caractère incomplet
de l'oeuvre philosophique actuelle de Searle nous condamne à ne livrer
qu'une vision momentanée et provisoire de sa conception de la signification langagière.
Peut-être notre travail demandera- t-il également, dans
la mesure où Searle rendra public de nouveau x ré·sultats de sa ]cecherche,
à être complété sous certains aspects.
Cela pourrait être le cas, par
exemple, en ce qui a trait au concept d'intentionnalité que Searle a
déjà mis à contribution, comme nous allons en rendre compte, dans les
idées qu'il développe sur la problématique de la signification mais à
propos duquel il poursuit maintenant une réflexion plus serrée.
Nous
l'avons quant à nous, de ce fait, utilis é a vec une extrême prudence lui
donnant une valeur théorique la plus neutre possible afin que ce que
Searle en dira ultérieurement p~isse se greffer sans trop de difficulté
à notre prop os.
En second lieu, les écrits de Searle qui forment le corpus des textes qui ont été utilisés dans le cadre d e notre recherche ne doivent pas
tous être considérés d'égale valeur.
ensembles distincts.
Il s se d i vise nt en fait en deux
D'une part , le seul ouvrage complet rédigé par
5
Searle en philosophie du langage, Speech Acts, ainsi que ses articles
déjà parus ne présentent pas de problème majeur à une reconstruction
de sa pensée.
Il faut quand même noter que certains points ou certai-
nes positions qu'il y défend risquent dans le futur de subir d'importantes modifications.
D'autre part, ont aussi été ici examinés des
textes de Searle à l'état de rédaction préliminaire.
Ces inédits
projettent de précieux éclaircissements sur ses idées relatives à la
signification; il va cependant de soi que ces 'first drafts' doivent
faire l'objet d'une certaine réserve.
Surtout, on ne devra pas déduire
de leur utilisation dans le mémoire que leur teneur est déjà complètement endossée par Searle.
Il est, en effet, possible, que ce dernier
apporte des corrections à ces textes avant de les expédier sous presse.
Nous ne pouvions, pour notre part, étant donnée leur importance pour
notre propos, ne pas les faire intervenir dans l'exposition de la pensée
de Searle.
Sans prétendre contribuer très activement au foisonnement contemporain en philosophie du langage et plus particulièrement à l'orientation que Searle y représente, ce mémoire a, en somme, tout de même
l'ambition de fixer assez précisément sa position vis-à-vis la problématique de la signification.
Il est, à cet égard, consacré moins à la
défense d'une thèse particulière et originale qu'à une mise en place
organisée d'éléments disparates livrés par un philosophe contemporain
important relatifs à une question philosophique traditionnelle non
moins importante.
6
C'est dans cette perspective c entral e ,
à travers une articulation
mé thodologique alliant l e compte rendu à l'analyse critique, que seront,
au fil du mémoire, discutés des rapports théoriques entre Searle et
d'autres philosophes, indiquées les relations qu'entretient sa conception de la signification avec d'autres pans de son oeuvre, suggérés
certains développements que pourrait prendre sa pensée et même remises
en question quelques-unes de ses idées.
NOTES
(Introduction)
(1)
John R. Searle a poursuivi ses études à l'Université du Wisconsin
et à l'Université d'Oxford où il obtint un doctorat en philosophie
en 1959. De 1956 à 1959, il enseignait à Oxford; depuis 1959, il
est professeur à l'Université de Berkeley en Californie. Il fut
également professeur invité aux universités du Michigan et de
Washington en plus d'être boursier de l'American Council of
Learned Soc i eties au M. 1. T. et à Oxford.
PREMIERE PARTIE
LA THEORIE SEARLIENNE DES ACTES DE LANGAGE
CHAPITRE PREMIER
L'HYPOTHESE DE BASE
La théorie des actes d e langage de Searle repose sur un e hypothèse
heuristique explicite qu'il formule lui-même dans les termes suivants:
" Speaking a language is engaging in a (highly complex) rule-governed
form of behavior" (1).
Parce qu'elle conditionne l'approche théorique
de Searle ainsi que sa conception globale du phénomène langagie r, cette
hypothèse de base mérite d'être examinée de près.
Il importe à la fois
de déterminer, du moins à certains égards , son statut épistémologique
et d e spécifier son contenu conceptuel .
A - Le statut épistémologique d e l'hypothèse de base
La théor i e d es actes de langage de Searle pré t end livrer une connais sance sur l e langage.
L'hypothèse centrale sur laque lle e lle s 'appui e
fournit d es précisions relatives à la forme de ce savoir ainsi qu'à la
place qu'occupe la connaissance sur le langage d a ns le tableau des différ e nts champs d e savoir.
10
l - La conna is sance s ur
~
lan gage
Il impor t e d' abord de r e marquer que le point d e d é part théoriqu e
de Sea rl e est juste me nt un e hypothès e, c' es t-à-dire un e nse mble unifié
de propositions avancé dans le but d' e n d é duire les conséque nces logiques.
Searle ne tente don c pas d'immédiate me nt l a prouve r ma i ~ c h e rchera, au
moyen du travail de déduction qu'elle met en branle, à la tester (2).
L'hypothèse de base d e vrait ainsi permettre la mis e au jour d'un c e rtain
nombre d'aspects fonctionnels d e s éléme nts du langage e xprimés au moyen
de caractérisations linguistiques (3).
Comme nt cela peut- il se faire ?
Que lles sont les cons idérations é p i sté mologique s qui r e nde nt possible un e
sembl ab l e déma rche ?
Précisons cette problématique par la formulation de troi s que stions
différe ntes: 1) à que lle sorte d e connais sanc e s ur l e langage l'hyp othè se
de base conduit-elle?
2) les caractérisations linguistique s exprimant
cette connais s ance sont-elles sus c e ptibles d e recevoir un e confirmation (4)
empirique ?
3) l'hypothè s e s e arl ienne est-ell e e lle-même su sceptibl e d e
recevoir un e telle confirma tion ?
Searle tire d e son hyp oth8 s e de d épart d e ux con séque nce s théorique s
qui serve nt d e fact e urs d e résolution à c e s question s .
Si, comme l'entend
l'hypothè s e , apprendre e t maîtri ser une langu e c' es t appr e ndre et ma îtriser un système de règl e s
(5), alor s , pre mièrement, l e fait d e parl e r ré s ul-
te d'une faculté individue lle d'intériorisation d'un système d e règl e s et,
en ce qui a trait à notre pré s e nt propos, l e s carac t é risations linguisti~
ques n e porte nt pas s ur le comporte me nt v e rba l d'un e communa uté d'individus
11
parlant une l angue naturelle sup posée commune mais concerne nt exclusivement la maîtrise (d'un système d e r è gle s l angagières ) d e l'individu q ui
les formule (6) et, deuxièmement, ces caractérisations linguistiques
elles-mêmes, dans la mesure où el le s sont formulées dans la même langue
que les éléments sur lesquels elles portent, constituent des manifestations de la maîtrise du système de règles du langage en question.
"My knowl edge of how to speak the la."lguage involves
a mastery of a system of rules which renders my use
of the elements of that language regular and systematie" (7).
Simplement en examinant les régularités d'usage des éléments de son
langage, un locuteur
devie~t
en mesure d e proposer (pour son propre lan-
gage) des caractérisation s linguistiques dont la généralité est garantie
par le fait que ces éléments sont gouvernés par des règles (8) .
L'hypothèse searlienne implique donc la possibilité d'une connaissance (9) "directe" du langage par le locuteur (10), c'est-à-dire antérieure à la production de tout critère -extensionnel, formel, opérationnel ou behavioriste- d'application des caractérisations linguistiques (11)
et indépendante de toute généra~isation statistique à partir de données
empiriques.
La seule "justification" que puisse apporter un locuteur d'un
langage aux caractérisations exprimant sa c onna issance ("directe") sur ce
langage c'est qu'il en est utilisate ur, c'est-à-dire qu 'il en a maîtrisé,
en vertu d'une faculté d'intériorisation, le système de règles (12).
la même façon que la connaissance d'un jeu (13)
De
(plus précisément , la con-
12
naissance d e la manière dont un jeu se joue) ne dépend ni de critères
d'application de concepts pouvant se rapporter
à ce jeu ni de généralisa-
tions de données empiriquement observables mais résulte plutôt de l'intériorisation du système de règles spécifiques
à ce jeu, le langage
peut être cognitivement investi, au moyen de caractérisat ions linguistiques, sur la seule base de l'utilisation qu'en fait un locuteur puisque
cet usage est règlementé et que les règles qui lui sont sous-jacentes
doivent avoir préalablement été intériorisées par le locuteur.
Il est possible, en vertu de l'argumentation qui précède, de donner
réponses aux questions relatives au statut épistémologique de l'hypothèse
searlienne.
En premier lieu, il apparaît clair qu'elle peut donner lieu
à une connaissance sur le langage, une connaissance "directe" au sens
défini plus haut.
Considérer le langage cowme une forme de comportement
régie par des règles peut servir de base
à la formulation de caractérisa-
tions linguistiques qui auront la prétention de rendre compte de certains
aspects du fonctionnement du langage.
Deuxièmement, les caractérisations
linguistiques exprimant cette connaissance sont susceptibles de recevo ir
une confirmation empirique par le biais d'un recours
sujet parlant.
Ce recours
à l'intuition du
à l'intuition du locuteur constitue, en fait,
un procédé de confirmation au moyen duquel le sujet parlant reconnaît ou
rejette les caractérisations linguistiques qui peuvent être présentées
pour son propre langage.
Selon Searle, les caractérisations linguistique s
sont établies en vertu d e la règlementation sous-jacente au langage utilisé;
l'intuition du sujet parlant porte donc sur ces règles (14).
Reste la
13
question de savoir si l'hypothèse s e arlienne elle-même est susceptible
de recevoir une telle confirmation e mpir ique.
Il s e mbl e que oui, bien
que ce soit d'une façon autre que celle de la confirmation des caractérisations linguistique s.
Car, il est assez évident que, s'il est en me-
sure d'intuitionner les règles de son propre langage, un locuteur peut
ne pas avoir l'intuition que tout langage est régi par un système de
règl es .
La confirmation empirique de l'hypothèse searlienne devrait
être appuyée sur l'examen de tous les langages de façon
s'ils sont effectivement soumis
consisterait ici
à un système de règl es.
La procédure
à colliger l'intuition de tous les suj e ts parlants à
propos de leur propre langage, plus pré ci sément
mentativité "
à déterminer
(15) de leur langage.
à propo s d e la "règle-
Il serait ainsi possible de confir-
mer ou d'infirmer l'hypothèse searlienne.
Cette dernière d e meure donc
susceptible, en principe, de recevoir une confirmation empirique .
Son hypothèse de base lui ouvrant cette possibilité, Searle offrira,
dans sa théorie des actes de langage, un certain nombre de caractérisations linguistiques pour ensuite tenter d'expl i quer les données auxquelles
ces caractérisations s'appliquent en formulant leur s règles sous-jacentes (16) .
2 ., - La place d'une théorie du langage dans la connaissance
Il est assez remarquable que l'hypothèse centrale sur laquelle est
élaborée la théorie searlienne des actes de langage, dans les termes mêmes
où elle est formulée, porte sur l e fait de parler et non sur le langage
14
conçu en lui-même, indépe ndamme nt de son utilisation.
De fait, la préoc-
cupation de recherche de Searle prend racine moins dans une interrogation sur la nature du langage que dans un questionnement sur sa pratique
et les effets de cette dernière.
c'est dire que l'hypothèse searlienne
se situe d'emblée dans une perspective "pragmatique".
Cette considération est d'une importance théorique capitale: elle
indique et stipule la place d'une théorie du langage dans l'ensemble des
connaissances humaines, des divers types de sciences.
Aux yeux de Searle, ...
" ... a theory of language is part of a theory of
action, simply because speaking is a rule-governed form of behavior" (17).
En vertu d e l'hypothèse sur laque lle elle repose, la théorie des actes de langage d e Searle devra être considérée c~mme partie intégrante
d'une théorie de l'action, plus large,
à élaborer.
Bien plus, toujours
selon l'hypothèse considérant le fait de parler comme une forme de comportement régie par des règles, toute théorie complète du langage prend place,
explicitement ou implicitement, dans une théorie de l'action.
Reprenant
l'analogie avec l e jeu, Searle précise également que bien qu'il soit possible d'étudier le langage en tant que structure formelle, parce que le
comportement dans lequel il s'inscrit est systématiquement réglé, une telle .
étude demeure incomplète: le fait de parler, comme un jeu, constitue une
activité;
à ce titre, il ne peut être totalement investi par une approche
purement formelle (1 8).
15
B - La teneur de l ' hypothès e d e base
L ' hypothèse searlienne peut être prése ntée sous la forme de d e ux
propositions distinctes ; l ' examen de ces deux facettes théoriques permet,
par ailleurs , de mettre en évidence un réseau de trois concepts majeurs
de la théorie des actes de langage.
l - Les deux propositions de l ' hypothèse de base
Searle l ui-même précise que son hypothèse de base prend ~~e forme
b i naire .
Proposition - 1: le langage const itu e (avant tout) une activité:
" •. • speaking a language is performing speech acts ,
acts such as making stateme nts, giving commands,
asking questions , making promises, and so on; and
mo r e abstra cly , ac t s such as re f erring and pre dic ating . . . Il (1 9 )
Considérer le l angag e comme une forme particulière d ' activité comportementale implique d ' isoler, parmi toutes ses finalités virtuell es,
sa f onction communicative .
Ou plutôt , c'est lorsqu'il est considéré
conwe moyen d e communication que l e l angage pe u t être , le p l ~s a i sémen t,
assimilé
à
~De activité comportementale .
Les actes de langage consti-
tue~t, en fait, les unités de base de la communication linguistique ; la
production de signes dans la performance d'acte s de langage et non l es
signes eux-mêmes en est l ' instance fondamentale .
Les actes d e l angage
sont
à l a commu nication l inguist i que ce que les gestes (ou les mouvements )
sont
à un jeu.
16
Proposition 2
. l ' activité langagière es·t soumise à une règlementation:
" . •• secondly , .. . these acts are in general made
possible by and are performed in accordance with
certain rules for the use of linguistic elements . "
(20)
" . •. my use of linguistic elements is underlain by
certain rules." ( 21)
Afin d ' expliciter la réglementation spécifique aux actes de langage,
Searle développe deux distinctions: entre faits bruts et faits institutionnels, entre règles normatives et règles constitutives.
Les faits bruts se déroulent "naturelle me nt", c'est- à-dire paraissent se développer indépendamment de toute intervention, particuliè~ement
humaine, extérieure à l ' ordre des choses dans lequel ils s'inscrivent.
Parallèlement , un certain nombre d'autres faits peuvent être repérés qui,
contrairement à ceux du premier genre , ne sont pas réductibles à un ordre
naturel.
"They are indeed factsi but their existence, unlike
the existence of brute facts, presupposes the existence of certain human institutions". ( 22)
Ces faits institutionnels prennent place dans le cadre d'arrange men~s construits et s'appuient sur les conditions s pécifiées par les
institutions humaines qui les rendent possibles.
Les manifestations
culturelles (cérémonies , rites, jeux, etc) sont (ou tout au moins comportent des éléments qui sont)" de tels faits institutionnels ( 23) .
17
Dans la mesure où la différence entre les d e ux genres d e faits est
radicale e t que donc ils comportent d es régularités spécifiques à chacun,
il appar aît nécessair e de pos e r une seconde distinction entre les types
de règles qui les régissent.
Les règles normatives ( "regul ative rules" )
portent sur les faits bru ~s qui l e ur préexis t e nt de façon indépendante.
Les règles constitutives (" cons titutive rules" ), dont la part icularité
est de créer ou de définir de nouvelles formes de comportement, concernent l es faits institutionnels (24).
Les systèmes de règles constitutives sont , en fait, les conditions
de possibilité des faits institutionnels.
Ceux-ci ne pourraient être
établis sans la présence p~éalable de ceux-là.
i n stituti ons ,
En d'autre s termes , les
à l'intérieur desquelles s'inscrive nt les faits institu-
tio nnels , sont des systèmes de règles constitutives.
t iona l fact is underlain by a
as y in context C '."
"Eve ry institu-
(system of ) rule (s ) of the form ' X c ounts
(25 ) .
Searle propos e de cons idérer l es actes d e langage comme des faits
institutionnels .
Les règles sous-jace ntes aux actes d e langage appartien-
è r aient ainsi à l a catégorie constitutive: " . .. speech acts are facts characteristically performed by uttering expressions in accordance with . . .
sets of constitutive rules."
(26).
Cette spécification des r ègl es de
l angage affine l 'hypothèse searlienne : " .•. speaking a language is a matter
of performing speech acts according to systems of constitutive rules ." (27).
18
2 - Trois concepts mis en évide nc e par l'hypothès e de base
L'examen des d e ux propositions de l'hypothèse de base permet de
repérer trois notions importantes de la théorie searlienne des actes de
langage: l'intentionnalité, la conventionnalité et la contextualité.
En fait, l'hypothèse centrale ne livre pas explicitement ce réseau conceptuel; elle en suggère plutôt la mise au jour.
La présente mise en
évidence des trois concepts doit donc être consiréré e comme un discernement, en première approximation, de leur contenu qui demandera
à être
spécifié davantage (28).
L'intentionnalité.
La prop os ition - l de l' hypoth è se (' le langage
constitue une activité') considère le langage comme moyen de communication et les actes de langage comme les unités minimales de base de la
communication linguistique.
pas totalement réductible
Or, le processus de communication n'est
à des considérations d'ordre naturel; la com-
munication résulte, tout au moins en partie, d'intentions manifestées
par les agents qui désirent établir entre eux un tel rapport .
L'inten-
tionnalité constitue une instance capitale de la communication linguist~que et , partant, des actes de langage.
Cependant, étant donné que le
langage est un moyen vraiment spécifiqu e de communication, l'intentionnalité qui le traverse est d'un type particul i er (29).
La conventionnalité.
Dans la mesure où, comme conduit à l'envisager
l a proposition - 2 de l'hypothèse searl ienn e , les ac tes de langage sont
des faits institutionnels régis par des systèmes d e règles constitutives~
19
ils doivent prendre place
à l'intérieur d'institutions humaines.
Or il
semble bien, intuitivement, que la notion d'institutionnalité ait
avec celle de conventionnalité.
à faire
Une institution humaine n'est-elle pas
toujours la résultante de l'application de conventions?
Il est généralement admis, par ailleurs, que les différentes langues
naturelles sont, en grande partie, conventionnelles; c'est-à-dire que leurs
règles grammaticales n'ont pas toutes un caractère de nécessité.
L'hypo-
thèse searlienne n'équivaut évidemment pas à cette affirmation somme toute
assez triviale; elle concerne le langage et non les langues naturelles.
Elle permet toutefois d'endosser cette vue des choses.
Dans la
mesure, en effet, où les différentes langu e s naturelles servent
à l'expres-
sion de mêmes choses ou, selon une formulation plus searlienne,
à la per-
formance de mêmes actes de langage et qu'elles sont, de ce fait, intertraduisibles, on peut supposer qu'elles relèvent toutes ultimement de la
même règlementation:
"Different human languages, to the extent they
are inter-translatable, can be regarded as
different conventional realization of the
same underlying rules." (30).
Les règles constitutives, dont l'hypothèse de base spécifie qu'elles
régissent les actes de langage, sont actualisées, au moyen de conventions,
dans les langues naturelles qui les rendent concrètement opérantes.
Le
concept de conventionnalité entre donc en jeu au point charnière entre
langage et langues naturelles.
20
La contextualité.
cile
Le concept de contextualité deme ure plus diffi-
à dégager de l'hypothèse searlienne que c e ux d ' intentionnalité et de
conventionnalité .
présence
Il apparaît cependant possible d'au moins suggérer sa
à partir des deux propositions de l'hypothèse.
Premièrement,
l'activité langagière consiste en la performance d'actes de langage; or,
toute performance prend place dans une situation, dans un contexte donnés.
En second lieu, les règles sous-jacentes aux actes de langage portent sur
l'usage (" .•. my use of linguistic elements is underlain by certain
les. ") (31), sur l'utilisation de la structure linguistique.
ru~
Par ailleurs,
l'une des formes que peut prendre une règle constitutive est "X revient
à
y dans le contexte Cil.
Les règles d'usage du langage s'applique nt donc
dans des situations contextuelles.
Les deux propositions de Ilhypoth~se
searlienne renvoient ainsi, d'une manière fort large et ambigue, au con~
texte de la profération langagière.
Les concepts d'intentionnalité, de conventionnalité et contextualité,
dont la pertinence est simplement suggérée par l'hypothèse de base de
Searle, constituent -nous allons tenter plus loin de le démontrer avec
précision- des rouages importants de la théorie des actes de langage et,
plus particulièrement, de la théorie de la signification langagière.
NOTES
(Chapitre premier )
(1 )
Searle (1969a), p. 12.
(2 )
Searle, à propos de Speech Acts , nous dit : " In a sense this
entire book might be construed as an attempt to explore, to
spell out sorne of the implications of , and so to test that
hypothesis " . Searle (1969a) , p. 16 .
(3 )
"1 shall say, for example, that such and such an
expression is used to refer, or that such and such
a combination of words makes no sense, or that
such and such a proposition is analytic." Searle
(1969a), pp. 4-5.
Searle distingue, par ailleurs, les caractérisations linguistiques
des explications linguistique s qui c onstituent des ...
" . . • explanations of and generalizations from the
facts recorded in linguistic characterizations".
Searle (1969a) p . 5.
Les explications linguistiques s ' élaborent donc sur la base des
c aractérisat ions linguistiques. C ' est la raison pour laquelle
nous ne considérons que ces dernières dans l'examen du statut
épistémologique de l'hypothèse searlienne.
(4 )
Le terme "confirmation " semble, pour le présent propos, préférable
D' abord parce
que Searle l ui-même nous avise vouloir poursuivre sa recherche
" .. . without following certain orthodox paradigms of empirical
v erification ... " Searle (1969a ), p. 13. En second lieu, parce
que la "vérification " , entendue comme pl:océdé de recours à
l ' expérience empirique a fait l'objet de débats théoriques importants ; l' utilisation du terme exigerait donc, en toute rigueur,
u ne définition préalable de son concept. Nous pouvons, à ce
moment - ci , éviter cette démarche et nous contenter du terme plus
g l obal et sûrement plus ambigu de " confirmation".
à celui de " vérification " plus couramment employé.
22
(5)
"To learn and master a language is (inte r alia) to learn and to
have mastered ... rules".
Searle (1969a), p. 12. Cette phrase
suit immédiateme nt, dan s Spe e c h Acts, la première formulation
de l'hypothèse de bas e citée au tout début du pré sent chapitre.
(6)
Le langage est ici, pour les besoins de l'argumentation, réduit
Il s'agit, pour Searle, de faire ressortir le
fait que, étant donné une langue supposée commune à un groupe
d'individus, chacun d e ses utilisateurs a intériorisé un système
particulier de règles qui, en vertu de sa spécificité, constitue,
pour chacun, la base de son langage propre. Comme le souligne
Searle plus loin, "that my idiolect matches a given dialect group
is indeed an empirical hypothesis (for which l have a lifetime
of 'evidence') •.. ". Searle (1969a), p. 13. Il est nécessaire
de considérer le langage comme un idiolecte afin de faire voir
le type de connaissance impliqué dans les caractérisations linguistiques. Ceci dit, ce que l'on peut dire de tous les idiolectes doit, bien sûr, s'appliquer a u langage, tout au moins aux
langue s naturelles.
à un idiolecte.
(7)
Searle (1969a), p. Y3.
(8)
Cependant, les caractérisations linguistiques ne sont pas toutes
nécessairement vraies. En effet, les intuitions des locuteurs
sont faillibles; e lles peuvent être imprécises ou carrément
fausses.
La formulation des caractérisations linguistiques peut,
par ailleurs, être fort ambigue. Comme Searle lui-même le précise, ...
"There is also the general d ifficulty in correctly
formulating knowledge t hat one h a s prior to and
independent of any formulation; of converting
knowing how into knowing that." Searle (l969a), p. 14.
L'essentiel du propos de Searle vise à montrer la possibilité
d'une connaissance sur le langage au moyen de caractérisations
linguistiques.
(9)
En fait, l'hypothèse mise de l'avant par Searle sert principalement à dégager c e tte pos s ibilité :
23
"1 did not attempt to prove that hypothesis,
rather l offered it by way of explanation
of the fact that the sort of knowledge expressed in linguistic characterizations ...
is possible ." Searle (1969a), p. 16.
(la)
Cette sorte de connaissance correspond assez bien à ce que
Noam Chomsky appelle la compétence linguistique :
"Nous établissons ..• une distinction fondamentale
entre la compétence (la connaissance que le locuteur-auditeur a de sa langue) et la performance
(l' emploi effectif de la langue dans des situations concrètes).
( •.. )
(La compétence est) .,.
le système sous-jacent de règles qui a été maîtrisé par le locuteur-auditeur et qu'il met en
usage dans sa performance effective." Chomsky (19 65 ), p. 13
Halgré ce rapprochement, la connaissance "directe" du langage
impliquée dans l'hypothèse searlienne se distingue de la compétence
chomskienne en ce qu ' elle porte sur l'usage effectif des éléments
du langage.
Searle, à l'encontre de Chomsky, pense que la structure du langage et son usage sont régis par un seul et même système
de règles .
(11)
Non seulement la compréhension ("understanding", appelons ainsi
la connaissance dite "directe") exprimée par les caractérisations
lingui stiques et les concepts dans lesquels elles peuvent se condenser précède-t-elle leur application, selon de s critères quelconque s, à tel ou tel fait d e langage mais encore la production de
ceux-ci dépend de celle-là. La compréhension première précise les
considérations qui entrent en ligne de compte dans l'application
d es concepts; les critères d'application doivent s'appuyer sur
ces indications et être jugés à leurs résultats.
Cette dernière considération amène Searle à prendre position dans
le célèbre débat à propos de l'importance et de la pertinence du
c oncept d'analyticité dans le travail philosophique, débat auquel
ont participé, entre autres , Willard V. O. Quine, d ' une part,
Paul Grice et Peter F. Strawson, d'autre part .
Quine soutient
que:
" ... a boundary between analytic and synthetic
staternents sirnply has not been drawn.
That
there is su ch a distin ction to be drawn at
24
aIl is an unempirical dogma of empiricists,
a metaphysical article of faith". Quine (1951), p. 74
S'il n'existe pas de frontière claire entre les concepts d'analyticité et de synthéticité, et que donc on ne peut pas aisément
les différencier, on voit mal comment ils pourraient être appliqués à quoi que ce soit, en particulier à des propositions,
usage que n'ont pas manqué de faire les philosophes. Grice et
Strawson donnent la réplique à Quine dans les termes suivants:
"In short, 'analytic' and 'synthetic' have a
more or less established philosophical usei
and this seems to suggest that it is absurd,
even senseless, to say that there is no such
distinction.
For, in general, if a pair of
contrasting expressions are habitually and
generally used in application to the same
cases, where these cases do not form a closed
---------list, this is a sufficient condition for
saying that there are kinds of cases to which
the expressions applYi and nothing more is
needed for them to mark a distinction."
Grice et Strawson (1956), p. 83.
La position d e Grice et Strawson consiste à faire valoir le bien
fondé théorique du concept d'analyticité en vertu du fait qu'en
certains cas, ne formant pas une classe finie, il peut être employé en toute rigueur.
L'établissement de tels cas ne supposant
d'ailleurs pas que des cas autres ne fassent pas problème. Ce
n'est donc pas, selon Grice et Strawson, parce qu'on ne peut pas
spécifier logiquement la différence entre deux concepts, ni parce
qu'on ne parvient pas à fournir un critère unique pour tous les
cas d'application de ces concepts, que ces mêmes concepts perdent
toute valeur.
Searle adopte le point de vue défendu par Grice et Strawson.
Nous avons, d'après lui, une connaissance première des concepts,
antérieure à la production de tout critère de leur application.
Ce qui, d'ailleurs, nous permet de distinguer les cas clairs et
les cas problèmes d'application d'un concept: "we could not recognize borderline cas es of a concept as borderline cases if we
did not gra sp the concept to begin with." Searle (1969a), p. 8.
25
Reprenant, d'autre part, sensiblement la même argumentation que
Gric e et Strawson, Searle précise que:
" •. . our knowledge of the condition s of adequacy
on propased criteria for the concept analytic is
of a proj ective kind.
'Analytic' doe s not denote a
closed class of statements; it is not an abbreviation
for a li s t, but, as is characteristic of gp-neral
terms, it has the possibility of proj e ction. We
know how to apply it to new cases .
We test, then, any prop o sed criterion not merely
on i ts abili ty to classify c e rtain \ve ll worn
examples (e.g., 'AlI bachelors are unmarri e d')
but by checking that its projective power is the
same as 'analytic' , aIl of which, again( presup~
poses an understanding of the gen eral term
'analytic'." Searle (1969a ), pp. 7-8 .
c'est également à partir du pr incipe de l'indépendance e t d e
l'antériorité de la' compréhe nsion d'un concept à l'égard de la
production de tout critère à son application que Searle s'atta~
que à la thèse de N. Goodman soutenant que le concept de synonymie
est vide de sens. Nous ne reprendrons pas ici ce dernier débat;
contentons-nous de préciser qu e , bien qu'il d émontre la valeur
théorique des concepts d ' analyticité et de synonymie, Searle n ' en
admet pas moins leur très faible coefficient d'efficacité.
(1 2 )
"The 'justification' 1 have for my lingui stic
intuitions as expressed in my linguistic characterizations is simply tha t 1 am a native
speaker of a c e rtain diale ct of English and
conseque ntly have mastered the rules of that
dialect, which ma ~· tery is both partially d escribe d by and manifested in my linguistic
charac terizations of e l ements of that dialect."
Searle (1969a ), p. 13.
(13 )
L'ana logie est dé veloppée par Searle lui-même .
Searl e (1969a ), p. 14.
(14)
La position de Searle se démarque i c i de celle d e Chomsky qui considère que l'intuition du locute ur-audit e ur ne peut porter que sur
l a structure superficielle d es phrases générées par l es composan ts
d ' une grammaire à partir de structures profondes. En d'autres termes ,
tout ce qu'un locuteur peut dire de son langage (à part la reconnaissanc e du cas d e synonymi e , d'ambiguité, etc ) se limite à l'acceptabilité
26
de telle ou telle phrase. Or, l'acceptabilité est, selon
Chomsky, un concept de la performance. Selon lui, " ... il
est peu vrais e mblabl e qu'un critère opératoire nécessaire
et suffisant puisse être inventé pour la notion plus abstraite et plus importante de grammaticalité." Chomsky (1965),
p. 23.
Ce concept de grammaticalité relève de la compétence et, de
ce fait, s'applique aux règles sous-jacentes du langage. Ces
dernières demeureraient ainsi hors de la portée de l'intuition
du sujet parlant. D'accord avec Chomsky sur l'impossibilité
de trouver un critère opératoire, Searle pense tout de même
que les règles sous-jacentes au langage sont accessibles à
l'intuition du locuteur-auditeur en vertu non pas d'un tel
critère opératoire mais d'une connaissance "directe" du langage; sa compétence à performer est, selon lui, accessible
à l'appréhension du locuteur.
(15)
(16)
Ce néologisme, barbare peut-être, est de moi.
"The hypothes is on which l am proceeding is that
my use of linguistic elements is underlain by
certain rules.
l shall the refore offer linguistic characterizations and then explain the
data in those characterizations by formulating
the underlying rules ". Searle (1969a), p. 15.
(17)
Searle (1969a), p. 17.
(18)
Cette considération constitue l'un des points de divergence les
plus importants entre Searle et Chomsky.
(19)
Searle (1969a), p. 16.
(20)
Id., p. 16.
( 21 )
Id . , p. 15 .
(22)
Id. , p. 51.
27
(23)
La distinction ici avancée par Searle entre faits bruts et faits
institutionnels n'est pas sans receler d'importantes implications
épistémologiques; elle peut même servir à fonder une classification de divers types de connaissances scientifiques .
L'étude des faits bruts donne lieu à une connaissance "physicali ste" dont le modèle le plus achevé est celui des sciences
naturelles. Son mode de formulation repose simplement sur l'observation empirique regroupant les expériences sensibles. Les
faits institutionnels, quant à eux, ne se laissent pas totalement appréhendés par une analyse en termes d'éléments physiques.
Pour la simple raison qu ' ils reposent sur des conditions institutionnelles immatérielles.
Non seulement y a-t-il une différence fondamentale entre les
genres de connaissances auxquelles sont ouverts les deux sortes
de faits mais encore une certaine hiérarchie de leur pouvoir
d ' explication respectif. En effet, selon Searle, la connaissance des faits institutionne ls n'est pas réductible à la connaissance des faits bruts (les termes rendant compte de s faits
institutionnels ne sont pas réductibles à des termes physica~
listes). C'est plutôt le contraire qui lui semble possible:
la réductibilité de la connaissance "physicaliste" à la connaissance "institutionnelle":
the descriptions of the brute facts .•. can be
explained in terms of the institutional facts.
But the institutional facts can only be explained
in terms of the constitutive rules which underlie
them." Searle (1969a), p. 5~.
n •• •
Le procédé de traduction ou de transposition des termes d ' un type
de connaissance en terme du second type n'est concevable , selon
la thèse searlienne, qu'à l ' inverse de ce qui est généralement
reconnu être proposé par les tenants du positivisme. En ce sens,
la position de Searle est nettement anti-positiviste.
Relativement au langage , un certain nombre de régularités brutes
peuvent sûremen"t être mises au jour. La description de ces éléments
factuels ne peut tout de même pas prétendre rendre compte de la
totalité du phénomène langagier. Telle est la raison d e la position
anti-behavioriste (la thèse behavioriste consistant à défendre une
description du langage en t ermes de stimuli-réponses et à présenter
cette description comme une explication ultime des faits de langage )
28
de la thèse searlienne:
"The obvious explanation for the brute regularities
of l anguage (certain human made nois es tend to
occur in certain states of affairs or in the presence of certain stimuli) is that the speakers of
a language are engaging in a rule-governed form of
intentional b ehavior." Searl e (19 69a ), p. 53.
Il est à noter que l'hypothèse centrale que défend Searle lui
permet de récuser à la fois l'approche behaviori s te (comme nous
venons de l'indique r) et l'approche formali ste (voir p.14) du
langage .
(24)
En fait, Searle pr e clse que les règles normatives s'appliquent
à des "comportements" qui leur préexistent et les règles constitutives à de nouvelles for me s de "comporteme nts" qu' e lles
créent. Da ns la mesure où l es comportements préexistants sont
des faits bruts et où les comportemen ts créés sont des faits
institutionnels, il n'appa raît pas abusif de coupler, comme
nous le faisons ici, les faits bruts et les règles normatives ,
d'une part; et les faits institutionne l s et l es règles constitutives, d'autre part.
Searle décrit la différ ence entre règles normatives et règl es
constitutives de la façon suivante:
"Re gulative rules characteri stical l y have the
form or can be c omfortabl y paraphrased in the
form 'Do X' or'If Y do X'. Within systems of
constitutives rule s , sorne will have this form,
but sorne will have th e form 'X counts as Y', or
'X counts as Y in context C'." Searle (1 969a ), pp. 34-35.
(25 )
Searle (1969a), pp. 51-52.
(26)
Id., p. 37.
(27)
Id., p. 38.
29
(2 8 )
D'ailleurs, Searle lui-même n e d égage pas exp l i citement ces trois
concepts d e son hypothèse d e base bien que d ans l'étude qu'il en
fait il soit que s tion d'''int en tion s '' e t de " convent ions " sans que
jamai s toutefois le contexte n e soit pris en considé ration.
(29)
"Only certain kind of intentions are adequate for the behavior
l am calling speech acts." Searl e (196 9a ), p. 17. Tout comme
Sear le l e fait lors de la présentation d e son hypothèse, nous
remettons à plus tard l'étude des intentions particulières aux ·
actes de langage (voir le chapitre septième).
(30)
Sear le (1969a), p. 39.
(31)
Id., p. 15.
CHAPITRE DEUXIEME
LA LOCALISATION THEORIQUE DU PROJET SEARLIEN
Mettant à l'épreuve l'hypothèse à l 'effet que parler une langu e
c'est s ' engager dans une forme de c ompor tement régie par des règles, Searle
développe sa théorie des actes de langage.
A la lumière de l'examen qui
vient d'en être mené et d'indications fournies par Searle lui-même à cet
égard, il est déjà possible de situer assez précisément son projet théorique dans l'ensemble des recherches philosophiques poursuivies sur le
langage.
Cette délimitation servira principalement à faire voir l'impor-
tance à laquelle prétend atteindre la théorie searlienne des actes d e
langage.
A - La distinction entre philosophie linguistique et philosophie du
langage
Adhérant en cela à une estimation communément admise, Searle propose
de distinguer d e ux genres d'intérêts philosophiques à propos du langage
qui en fondent deux types spécifiques d'étud e s: la philosophie linguistique
et la philosophie du langage.
31
La philosophie linguistique consiste en ...
" ... the attempt to solve philosophical problems
by analysing the meanings of words, and by analysing logical relations between words in naturaI languages. This may be done in order to
solve such traditional philosophical problems
as those concerning deterrninism, scepticism,
and causation; or it may be done without special
regard to traditional problems but as an investigation of concepts for their own interest, as
an inquiry into certain aspects of the world
by scrutinizing the classifications and distinctions we make in the language we use to characterize or describe the world." (1)
La philosophie linguistique est d'abord une méthode:
dans le but
d'étudier des problématiques, indépendantes en elles-mêmes du langage,
elle a recours à une analyse de leur transcription verbale.
Ce travail
d'investigation analytique est rendu possible en vertu d'une prémisse
pré-théorique selon laquelle un certain nombre de problèmes philosophiques prennent forme dans le langage qui en est, de la sorte, le support
dont l'étude attentive peut faire avancer la solution de ces problèmes.
La philosophie du langage, quant à elle, constitue ...
" ... the attempt to analyse certain general features
of language such as meaning, reference, truth, verification, speech acts, and logical necessity." (2)
Le sujet d'étude qu'elle représente est délimité par le langage luimême.
En d'autres termes, la philosophie du langage tente de solu-
tionner, d'un point de vue philosophique, des problèmes de langage.
Ce dernier n'est plus ici considéré COITill\e véhicule du questionnement
32
philosophique mais plutôt co~me son propre contenu.
La distinction entre philosophie linguistique et philosophie du
langage ne sert, de fait, qu ' à brosser à grands traits une classification théorique utile
à une représentation d'ensemble des recherches phi-
losophiques sur le langage; elle demeure, en cela, quelque peu factice.
Car , eu égard au langage, la méthode et le sujet d'étude sont intimement
liés.
D' une part, en effet, dans la mesure où elle se veut rationnelle
et empirique plutôt qu'apriorique et spéculative, la philosophie du
langage est forcée de prêter attention à la nature et
à la structuration
des mots et des phrases et, de la sorte, de compter avec le point de vue
méthodologique de la philo~ophie linguistique (3).
on voit mal comment elle pourrait conduire
Quant à cette dernière,
à des analyses méthodologiques
sans dépendre de conceptions générales sur le langage, donc sans être solidement ancrée dans la philosophie du langage (4).
La distinction entre les deux genres de travaux philosophiques sur
le langage doit être interprétée d'un point de vue strictement technique:
quand un philosophe cherche, dans un but "thérapeutique", à circonscrire
les usages d'un mot, il fait
d~
la philosophie linguistique; quand, par
ailleurs, ces analyses circonstantielles conduisent à des considérations
sur·' le phénomène langagier, alors c es inférence s théoriques prennent place
dans le champ d'investigation de la philosophie du langage.
Cette remarque
acquiert une importance toute particulière si l'on considère que la philosophie linguistique a donné lieu à l'une des principales orientations con~
temporaines de la philosophie du langage.
Ouvert par Wittgenstein
33
(l e "deuxième" Wittgenstein, celui d es Inve stigations Philosophiques) qui
lui-même oeuvrait en philosophie du l angage , l e mouvement de la philosophi e du langage ordinaire
(5), dont les tra vaux constituent la pratique
contemporaine de la philosophi e linguistique, considéré dans ses effets
théoriques, contribue en effet ,
à une approche spécifique de la philoso-
phie du langage.
Le projet théorique de Searle relève clairement de la philosophie
du langage.
Son hypothèse de ba se aborde le langage en tant que sujet
d'étude et ne donnerait sûrement que de faibl es indications sur la façon
de me ner
à bien une analyse linguistique.
B - Les d e ux principales approches d e la philosophie du langage
Tout en considérant que la philosophie du langage (ains i d'ailleurs
que la philosophie linguistique ) est aussi vieille que l'histoire de la
philosophie elle-même (6), Se arle en distingue deux courants modernes (7).
Une première approche dite "positiviste", regroupa nt G. Fre ge, le
Wittgenstei n du Tractatus et les membres du Cercle de Vienne, ...
" ..• as s ume that the only, at any rate the primary,
aim of language is to r epre sent and communicate
factual information, that the part of l a nguage
that r eally counts is the 'cognitive ' part,
The
aim of language , in short, is to communicat e what
can be true or fals e .
. .. (and) trea t the elements
of language -words, sentences, propositions~ as
things that represent or things that are true or
false, etc, apart from any act ions or in tention s
of spe akers and hearers." (8)
34
La seconde approche , "utiliste" pourrait-on dire (9), représentée
principale me nt par l e Wittgenste in des Inv e stiga tion s Philosophiques,
J. L. Austin et les philosophe s du langage ordinaire quand ils fournissent des considérations théoriques sur le langage, adopte le point de
vue selon lequel ...
" ..• stating facts is only one of the countless
jobs we do with language and ... the meaning of
elements lies not in any relationship they have
in the abstract but i n the use we make them.
(This approach) recasts the discu s sion of
many problems in the philosophy of language
into the larger context of the discussion of
human action and behaviour gen e rally." (la)
A première vue, le projet théorique de Searle semble s'inscrire
dans l'approche "utiliste" de la philosophie du langage.
En effet, les
deux propositions conte nues dans l'hypothèse searlienne de départ stipulent, premièrement, que parler est une activité multiforme et, deuxièmement, que la réglementation constitutive de l'usage langagier tend
l'identifier
à une institution humaine.
à
D'autre part, en cela en complet
accord avec les tenants de l'approche "utiliste ", Se arle adress e un
reproche majeur
à l'approche "positiviste" de la philosophie du langage:
celui d'en opérer une réduction illégitime
Liffilter le langage
à sa seule fonction cognitive.
à un simple compte rendu d es fa i ts a pour conséquence
d'en obnubiler les autres offices.
L'hypothèse searlienne se donne
d'ailleurs pour tâche d'explorer la plurifonctionnalité du phénomène
langagier.
35
Il ne faudrait cependant pas déduire de ce qui précède que le
projet théorique de Searle est mené en t oute conformité avec l'approche
"utiliste" de la philosophie du langage.
Bien au contraire, s'il demeure
évident que Searle adopte l e point de vue original de cette orientation,
c'est-à-dire une appréhension du langage conçu, avant tout, comme usage,
il est tout aussi vrai que son projet de recherches s'en démarque nette~
ment.
c -
Searle et la tradition "utiliste" d e la philosophie du langage
Aux tenants de l'approche "utiliste" de la philosophie du langage,
Searle adresse le reproche de ne pas avo ir rigoure usement théorisé leur
considération première sur le langage :
"There was a good deal of carelessness in the
way philosophers in this period talked about
the use of express ions and ... they did not
always distinguish among the different sorts
of 'use' to which expressions could be put." (11)
La notion d'usage, porteuse d'une fécondité virtuelle, er! ce qu'elle élargit l'appréhension du langage au-delà de son unique fonction cognitive,
n'aurait pas reçu de spécification conceptuel10 précise.
Sa caractérisa-
tion encore strictement intuitive demeurerait trop permissive; les relations
entre les mots et le monde ne pourraient ainsi être pensées que dans un
espace ouvert ma is vide (12).
L'approche "utiliste" de la philosophie du langage manque toujours
d'une véritable théorie cohérente du langage ; ce qui fait qu'elle s'est·
36
surtout fait valoir, jusqu'à maintenant, en philosophie linguistique où
elle a pu servir à certaines analyses circonstanciées, cependant qu'en
philosophie du langage proprement dite, elle n'a donné lieu qu'à la
formulation de "slogans" dont la carence théorique justement a entraîné
des erreurs qui se sont reflétées jusque dans les analyses de la philosophie linguistique.
Ce serait, par exemple le cas du mot d'ordre lancé
par Wittgenstein "la signification c'est l'emploi" ("meaning is use"),
dont l'intuition, juste en elle-même, ouvre
à des perspectives
intéres~
santes mais qui doit être muni d'un contenu conceptuel plus précis si on
veut lui faire jouer un rôle théorique de quelque importance (13).
D - La caractérisation théorique du projet searlien
L'objectif ultime du projet searlien consiste
complète et cohérente du langage.
fournir une véritable théorie
à fonder une théorie
Très précisément de la façon suivante:
à l'approche "utiliste" dans laquelle pour-
raient être conservés les acquis indéniables de l'approche "positiviste"
relatifs
à la fonction informative du langage.
Ouvrir, en somme, une
troisième approche en philosophie du langage qui serait un dépassement
synthétique des deux premières orientations:
"Practitioners of these two approaches sometimes
talk as if the y were inconsistent, and at least
sorne encouragement is given to the view that they
are inconsistent by the fa ct that historically
they have been associated with inconsistent views
about meaning.
Thus, for example, Wittgenstein's
early work, which falls within the second strand
contains views about meaning wnich are rejected
in his later work, which falls within the first
strand.
But although historically there have been
37
sharp di sagreements between practitioners of
these two approaches, it is important to r ealize that the two appr oaches, construed not as
theories but as approaches to investigation,
are complementary and not competing. A typical question in the second approach is, 'How
do the meanings of the eleme nts of a sentence
determine the meaning of the whole sentence ?'
A typical question in the first approach is ,
'Hhat are the different kinds of speech acts
speakers perform when they utter expressions?'
Ans\-lers to both questions are necessary to a
complete philosophy of language, and more
importantly , the two questions are necessarily
related. They are related because for every
possible speech act the re is a possible sentence or set of sentences the literal utterance.
of which in a particular context would consti ~
tute a performance of that speech act . " (14)
Il s'agit donc, pour ?earle, d'une part, de conceptualiser l'intuition sur l'usage mis e de l'avant par le Wittgenste in des Invest igations
Philosophiques e t mise en pratique par les t enants de la philosophie
du langage ordinaire (en d'autres termes d'opérer le passage
à la
théorie de l'approche "utiliste") et, d'autre part, d'insérer dans cette
nouve lle thé orie d'ensemble ce que l'approche "positiviste" a défin itivement mis au jour relativement
à la fonction cognitive du langage sans ,
bien sûr, en accepte r la réduction
à cette seule dime nsion.
La théorie
searlienne d es actes d e langage prétend ainsi effectuer l a synthèse intégrative d es deux approches contemporaine s de la ph ilosophie du langage .
.-
Son aspect r e strictif consiste
à limiter à son champ d'investigation
propre l'approche "po sitiviste " alor s que sa tâche constructive est de
chapeauter l'approche "utili s te" d 'une théorie systématique (15) .
38
C'est la rai s on p o u r laqu e lle l' e ntr e pri se s ea rli e nn e p e ut ê tre
considé r ée , d' un c e rta in po i nt d e vue , c o mme la tentative d ' achèv ement
du mouveme nt d e la philosop hie du lang ag e ordinaire.
Parmi les t e nants
de cette approche , J. L. Austin osa l e s ava ncé s conc e ptuels les plus
audaci e ux; Searle, en est, en un certain s e ns, le continua t e u r t héorique.
Sa théorie des actes de langage s'enracine dans l'oeuvre d'Austin (16).
NOTES
(Chapitre deuxième)
(1)
Searle (1971a), p. 1.
(2)
Id., p. 1.
(3)
"The philosophy of language ... is concerned only
incidentally with particular elements in a particular language; though its method of investigation, where empirical and rational rather than
~ priori and speculative will naturally force
it to pay strict attention to the facts of actuaI natural languages." Searle (1969a), p. 4.
(4)
" ... the methods linguistic philosophers employ
in conducting linguistic analyses depend crucially on their philosophy of language."
Searle (1971a), p. 1.
(5)
Le mouvement de la philosophie du langage ordinaire compte
dans ses rangs, entre autres, J. L. Austin, G. Ryle, p .. F.
Strawson, J. O. Urmson, N. Malcolm. Ces philosophes '"
hold that the language of every day discourse
is perfectly suitable for philosophical purposes
and that the mischief lies in deviating from ordinary language without providing any way to make
sense of the deviation.
( ... ) It is because
philosophers have departed from the ordinary uses
of .•. (certain terms ('Know', 'See', 'Free', 'Reason',
etc)) without putting anything intelligible in their
place that the y have become entangled in insoluble
puzzles over whether we can know whatother people
are thinking and feeling, whether we ever really see
physical objects, whether anyone ever does anything
freely, and whether we ever have any reason for supposing that one thing rather than another will happen
in the future.
The proper role of the philosopher is
that of a therapist.
He must help us, the perplexed,
to see the steps by which we have unwittingly slipped
from sense into nonsense; he must lead us back to the
ordinary use of these words, on which their intelligibility depends, thus relieving the conceptual cramps
into which we have fallen." Alston (1967), p. 387.
It • • •
40
(6)
"Though both the philosophy of language and
linguistic philosophy are pursued nowadays
with more self-consciousness than ever before,
both are in façt as old as philosophy. When
in the Euthyphro Plato asks what is piety, he
may be regarded as asking a question concerning the concept pious, and this, most contemporary philosophers would claim, may be
regarded as a question concerning the exact
meaning of the Greek word for pious, 'hosion',
and its synonyms in other languages. When in
the Phaedo he advances the theory that general terms get their meanings by standing for
the Forms he his advancing a thesis in the
philosophy of language, a thesis about how
words mean." Searle (1971a), pp. 1 ... 2.
(7)
Searle ne fait, ici encore, que reprendre une distinction maintes
fois exprimée, quoiqu'en des termes différents. Ainsi Alston,
dans l'article cité en note 5, présente les deux orientations
sous la forme de deux regroupements de philosophes qu'il place
sous le patronage de catégories académiques: 'ordinary language'
et 'philosophical reconstruction of language'. J. Katz pour sa
part, donne aux termes de la distinction des noms de doctrines:
'l'empirisme logique' et 'la philosophie du langage ordinaire'.
(Voir Katz (1966».
Searle cherche plutôt à caractériser théoriquement les deux courants de la philosophie du langage; c'est
pourquoi il les appelle des approches ou des orientations.
(8)
Searle (197la), p. 6.
(9)
C'est à défaut de trouver un terme moins insolite que nous nous
contentons de ce mot dérivé d'"utilisation".
(10)
Searle (1971a), p. 6.
(11)
Id., p. 6.
(12)
" ... seeing the relations between words and the world as something
existing in vacuo ... ". Searle (1971a), p. 7.
41
(13)
Wittge nstein prése ntait c e "slogan" d e la fa çon s ommaire suivante :
"Por a large c l ass of c ases -though not for all in which we employ the word 'me aning' it can be
d e fined thus: the me aning of word is its u se in
the language." Wittgenste in (1953), pp. 20-21 .
Searle, quant
à lui, nous en dit préci sément c e ci:
"As an escape route from traditional Platonic or
empiricist or Tractatus - like theories of me aning,
the slogan 'Meaning 1s Use' was quite b e neficial .
But as tool of analysis in i ts own right, the notion of use is so vague that in part it led to . .•
confusions ... " Searle (19 69a) , p. 146.
Selon Searle, en d'autres t ermes , s'il nFest p a s a ppuyé sur une
théorie complète et cohérente du langage, ce slogan ' Meaning 1s
Use' manque d'un pouvoir d'explication adéquat.
"
Searle relève, par ailleurs, trois e rreurs auxquelles aurait conduit
sa mise en application par trop intuitive.
(Ces erreurs sont appe lées
par Searle "the naturalistic fallacy fallacy", "the speech act fallacy",
"the assertion fallacY"j comme l'expression anglaise "the naturalistic
fallacy" est généralement traduite par "le sophisme naturaliste", je
donne aux trois erreurs soulignées par Searle les noms suivants: le
sophisme du sophisme natura l iste, le s o phisme de l'ac te de langage et
le sophisme de l'assertion). Le sophi sme d e l'as s e rtion consiste à
attribuer à certains mots (par exemple " savo ir ", "volontaire " ( etc ),
en vertu de leurs présuppositions conceptuelles, des conditions d'ap ~
plication relativement à une situation donnée alors que ces conditions
ontplutôt trait à l'acte d'assertion en général. Le sophisme de l'acte
de langage consiste à confondre la signification d'un mot (par exemple
"bon") avec l'acte générique de langage qu'il sert habituellement à
accomplir (dans le cas de nQtre exemple, l'acte d'approbation); ce
qui ne peut être l e cas puisqu'un même mot, con servant la même signi~
fication, peut être employé pour la performance d e plusieurs actes d e
langage différents (le mot "bon" peut ê tre employé pour faire une af ....·
firmation, une d e mand e , une promesse, e tc). Les enjeux théorique s
sous-jacents à ces deux "sophismes " seront longuement analysés au
chapitre troi sième et au chapitre cinquième.
42
Le sophisme du sophisme naturaliste consiste à poser l'impossibilité d e mettre en relation d'inférence logique des affirmations
descriptives et des affirmations é valuatives . Dans la mesure où
la signification des mots ne se confond pas avec les actes de
langage qu'ils servent à performer et que donc un acte descriptif
et un acte évaluatif peuvent avoir le même contenu propositionnel,
il semble au contraire très possible d'établir des liens logiques
entre une affirmation descriptive et une affirmation évaluative.
(14)
Searle (1969a), pp. 18-19. D'après Searle donc, c'est en vertu de
leur divergence de vues sur la signification que les deux approches
traditionnelles en philosophie du langage paraissent le plus radicalement incompatibles. Reportant à la deuxième partie de ce travail, l'analyse précise de cette problématique, nous ne la considérons pour le moment que comme l'enj eu principal de la tentative
searlienne de fonder une théorie du langage capable d'opérer une
synthèse intégrative des points de vue "positiviste" et "utiliste".
(15)
Le projet théorique de Searle échappe ainsi au reproche que
J. Katz formule à l'approche d e la philosophie du langage ordinaire:
"(qui) ..• eut beau exhumer d e nombreux détails minutieux de l'usage anglais, ... ne fit aucun effort
pour aller au-delà de ces faits particuliers vers
une théorie du langage qui révélerait leur structure systématique ... ". Katz (1966), p. 85.
La prétention de la reche rche sea rl ienne est précisément d'élaborer
une telle théorie.
D'une façon plus radicale, Katz considère, par ailleurs, que les
deux approches traditionne lles en philosophie du langage (l'empirisme logique et la philosophie du langage ordinaire)
" ••. étaient (guidées), dans leurs inférences du langage vers la philosophie, par une hypothèse sur la nature du langage qui les empêchait de développer une
connaissance philosophiquement productive de la structure des langues naturelles . Cette hypothèse, source
d'échecs, qui deme ura incontestée dans chacun de ces
mouvements, était que les langues naturelles sont des
43
conglomérats non structurés et non systématiques
de con structions verbales. Il Katz (196 6 ), p. 23.
La théorie searlienne d es actes d e langage r epose explicitement
sur l'hypothèse contraire suivant laquelle le langage est une
activité gouvernée par une réglementation sys"tématique d'usage.
(16)
Par ailleurs, d'un point de vue plus général ( Searle considère
que le tableau des approches en philosophie du langage doit au~
jourd'hui être élargi de façon à ce que puissent y prendre place
les travaux de grammaire générative de l'école chomskienne. I l
pense même que les développements les plus importants de ce secteur de la recherche philosophique viendront de l'unification de
cette dernière approche et de celle de la philosophie du langage
ordinaire.
"There are three main contemporary approaches to the
philosophy of language: the neo-positivist - symbolic
logic approach represented most ably by Quine, the
so-called 'ordinary language' approach of Wittgenstein
and Austin, and the generative grammar approach of
Chomsky and his followers.
l think ... that the future
development of the subject is like ly to come from )01ning the two latter approaches. " Searle (1971a), p. 12.
CHAPITRE
T RO I SIE~Œ
SEARLE, CRITIQUE ET CONTINUATEUR THEORIQUE D'AUSTIN
La théorie des actes de langage de Searle constitue l ' aboutissement critique d'un certain nombre d e considérations sur le langage
développées par J . L. Austin; l e projet searl ien s ' a ncr e orig i n e l lement
dans la philosophie austinienne tout en prétendant en corriger les défauts et les erreurs.
Il pourrait donc s'avérer profitable, sinon
indispensable, avant de procéder à l'analyse de la théorie proprement
dite des actes de langage de Searle, d'examiner son lieu d'émergence
théorique afin, d'une part, de mesurer sa distance par rapport
à sa
source austinienne et, d'autre part, de préciser son app ort p r opre e n
philosophie du langage .
Il s'agit, ce faisant, de rendre compte des
idées mises de J'avant par Austin et des rés e rves et critiques que
Searle formule
à leur égard.
A - Austin: la mise en valeur de l'aspect "illocutionnaire" du faire
langagier
Pour Austin, la méthode d e trava il e n philosophie et les résultats
théorique s auxque ls ell e p e ut conduire sont d' une é g a le importance.
Si
45
bien que l'attention prolongée sur d es aspects apparemment secondaires
d'une problématique et une extrême prudence d an s la formulation théorique
constituent la marque d e commerce de ses analyses (1).
pour laquelle la philosophie d'Austin garde,
leurs (2), un caractère programmatique.
C'est la raison
à ses propres yeux d'ail-
Cependant, il se dégage de
ses écrits l'ébauche d'une théorie du faire langagier sur laquelle
s'appuie, par ailleurs, une classification des catégories qui y sont
mises au jour.
Après avoir analysé ces deux aspects de la pensée
d'Austin, nous examinerons une thèse particulière
à laquelle il a été
amené par l'application de sa méthode d'investigation philosophique .
l - L'ébauche d'une théorie du faire langagier chez Austin
La philosophie des actes de langage d'Austin, dans sa dimension
théorique, prend l es formes successives d'une thèse faible
"performatifs" et d'une thèse plus forte relative
à propos des
à l'établissement d'une
typologie d es actes de langage dont l'élément central est constitué par
ce qu'Austin appelle la "force illoc utionnaire" de l'énonciation.
a) Les performatifs
Austin attire d'abord l'attention sur u n certain nombre d'énonciatio~s verbales qui n e semblent pas pouvoir être prises e n charge par la
conception traditionn ellement admise du langage considéré comme description de faits ou d'états de choses.
Ces énonciations d'un type particu-
lier (par exemple le "oui" prononcé lors d'un e cérémoni e de mariage,
46
l'expression "Je te baptise" employée au cours du rituel du baptême ou
encore l'expression "je (te) promets " ut ilisée couramment dans un cadre
à première vue moins institutionnel que les deux premiers exemples)
n'affirment ou ne décrivent rien; elles sont , en elles-mêmes, l'exécution d'une action (prendre mari ou
mettre quelque chose
fe~~e,
baptiser quelqu'uD, pro-
à quelqu'un):
"In these examples it seems clear that to utter
the sentence (in, of course, the appropriate
circumstances) is not to de scribe my doing of
what l should be said in so uttering to be doing
or to state that l am doing it: it is to do it." (3)
Austin propose d'appeler énonciations per f ormatives, ou plus brièvement performatifs, les énonciations dont la caractéristique est d O
, effectuer un acte.
chose sont,
Les énonciations qui affirment ou décrivent quelque
à l'opposé, appelées des énonciations constatives ou simple-
ment des constatifs.
Les constatifs et les performatifs forment ainsi
deux types distincts d'énonciations langagières.
La thèse faibl e d'Austin
à propos du fai re du langage consiste
précisément en l'établis sement d'une telle distinction et en la possibilité de rendre compte de la nature d es performatifs .
Il s'agit, pour
Austin, au moyen de ces deux catégories, d'élever au rang d'analyse
philosophique une considération intuitive qui veut que le langage ne se
limite pas
à une fonction informative mais prenne aussi place dans la
performance d'actes (4) .
47
Une première différence entre constatif et performatif apparaît
immédiatement
à la lumière de leur définition respective: ils tombent
sous l e coup d e catégories d'estimat ion différentes.
affirmation
Le con stat if,
à propos d'un fait ou d'un état de choses, est susceptible
d'être vrai ou faux; il s'évalue donc en fonction de sa valeur de vérité.
De façon distincte, le performatif, exécution d'une action, est
à
consi~
dérer en fonction de sa réalisation effective, heureuse ou malheureuse.
Il n'est donc jamais vrai ou faux; comme tout autre acte, il est soit
réussi, soit raté.
Afin d'expliciter davantage la différenc e entre constatif et performatif, Austin dégage deux caractéristiques général es de ce dernier.
En premier lieu, même si le performatif est bien la réalisation d'un
acte, on ne doit pas en déduire qu'il soit (toujours) nécessaire
à cette
action; en d'autres termes, "The action may be performed in ways other
than by a performative utterance ... " (5).
Le performatif se condense
dans l'acte qu'il constitue; la réciproque n'est pas nécessairement
vraie (6).
D'autre part, même quand un performatif participe
à la per-
formance d'un acte, il n'en est pas l'uniqu e constituant; il y est accompagné d'autres éléments qui lui sont concomitants:
"The uttering of the words is, inàeed usually a,
or even the, leading incident in the performance
of the act (of betting or what not) , the performance of which is also the object of the utterance,
but it is far from being usually, even if it is
ever, the sole thing necessary if the act is to be
deemed to have been performed. Speaking generally,
it is always necessary that the circumstances in
which the words are uttered should be in sorne way,
48
or ways, appropriate, and it is very commonly
necessary that either the speaker himself or
other persons should also perform certain other
actions, whether 'physical' or 'mental' actions
or even acts of uttering further words." (7)
De fait, cette seconde spécification découle en droite ligne de la première; parce que l'action (réalisée linguistiquement par le performatif,
si l'on peut s'exprimer ainsi) ne s'y épuise pas, ce dernier doit, pour
contribuer à la réalisation effective de l'acte auquel il participe,
s'appuyer sur un certain nombre de conditions:
des circonstances et
autres actions, qui peuvent être d'autres paroles, appropriées (8).
Ces
conditions en compagnie desquelles un performatif accomplit un acte spéci fient ses critères de satisfaction.
C'est-à-dire qu'elles déterminent
comment l'acte effectué par le performatif peut être réussi.
Les circonstances et autres actions concomitantes à un performatif
constituent donc, en quelque sorte, les points de repères de son estimation:
elles déterminent sa réussite ou son échec.
Or, ces élément accom-
pagnateurs du performatif C'-:mnent lieu à des affirmations qui, dans le cas
de la réussite de l'acte performé, doivent être vraies:
" ... certain conditions have' to be satisfied if
the utterance is to be happy -certain things
have to be so. And this, it seems clear, commits us to saying that for a certain performative utterance to be happy, certain statements
have to be true." (9)
Ce qui ne veut absolument pas dire que l'énonciation performative soit
une énonciation constative camouflée mais plutôt que de l'énonciation
49
d'un performatif peuvent être dégagées certaines affirmations constatives.
Cette considération étant faite, il n'en subsiste pas moins une différence
importante entre performatif et constatif quant à leur relation respective
au fait auquel ils se rapportent.
La vérité du constatif dépend du fait
qu'il énonce; par exemple le fait que quelqu'un court rend vraie l'affirmation constative à son égard "il court".
Au contraire, c'est la réussite
du performatif qui crée le fait dont il est l'objet; par exemple le fait
que je m'excuse dépend de la réussite du performatif "Je m'excuse"
(10).
Cependant, la réussite même de cette énonciation performative implique
l'énonciation constative "Il est vrai que je m'excuse".
Pour qu'un acte
soit performé dans le langage, certaines conditions doivent être respectées;
ces conditions font l'objet d'énonciations constatives.
Un performatif
réussi implique donc la vérité d'un ou de constatif(s).
Austin, d'autre part, découvre, en analysant diverses manières par
lesquelles une affirmation, prototype du constatif, implique la vérité
d'autres énoncés, qu'il est parfois possible de l'évaluer à la façon des
performatifs.
En fait, d'après Austin, il existe trois modes différents
d'implication:
l'implication stricte ("entails"), l'implication indirec-
te (laisser entendre "implies") et la présupposition ("presuPJ:.>oses").
Dans le premier cas, la relation entre une affirmation et un autre énoncé
est établie strictement en fonction de leur valeur de vérité; l'affirmation demeure alors sous le coup des catégories d'estimation du vrai
et du faux.
Il n'en va pas de même pour les deux autres modes d'implication.
50
Quand une affirmation implique indirectement un autre énoncé, la valeur
de vérité de ce dernier ne livre aucune information relative à la valeur
de vérité de l'affirmation.
Si bien qu'il n'est plus possible de l'éva-
luer en fonction des catégories d'estimation habituelles des constatifs.
Par exemple, en posant telle affirmation, je laisse entendre que je crois
ce qu'elle décrit; s'il s'avère, en fait, que je n'y crois pas, on ne
peut pas dire de mon affirmation qu'elle est vraie ou fausse mais plutôt
insincère, de la même façon que le performatif "Je promets . .• " est sujet
à l'insincérité, si je n'ai pas l'intention de remplir ma promesse.
Fina-
lement, une affirmation peut impliquer d'autres énoncés sous le mode de la
présupposition.
Par exemple, l'affirmation "Les enfants de Jean sont chau-
ves" ·présuppose que Jean a des enfants et donc la vérité de l'énoncé "Jean
a des
enfants~.
Si ce dernier est en fait faux, l'affirmation "Les enfants
de Jean sont chauves" n'est, selon Austin, ni vraie ni fausse; elle est
simplement impertinente (11).
Par les modes d'implication du laisser en-
tendre et de la présupposition , une affirmation, c'est-à-dire un constatif,
peut aussi être traitée d'une façon sembluble à celle des performatifs.
Ainsi donc, d'une part, des énonciations constatives peuvent être
dégagées d'une énonciation performative et , d'autre part, des énonciations
constatives peuvent, en certains cas, tomber sous le coup des catégories
d'estimation des performatifs.
Ce double constat n'est pas sans ébranler
la distinction qu 'Austin avait cru originellement saisir entre les deux
sortes d'énonciations.
51
Cepe ndant, l'intuition
à la b ase d e cette distinc tion virtuelle,
à savoir que pour certaines énonciations "there is something which is
at the moment of utt e ring b e ing done
b~
the person uttering"
(12), s emble
bien, par la conce ntration qu'elle impose sur le mode indicatif présent,
à
la voix active,
à la première personne, ouvrir la voie à l'établissement
d'un critère de reconnaissance des performatifs.
Austin considère qùe ce
ne peut être le cas i qu'il n'existe pas, d'une part, un tel critè.r e unique
et absolu d'ordre grammatical ou lexicologique et, d'autre part, qu'il
s'avère impossible de dress er une liste la moindrement exhaustive de tous
les critères possibles.
égard.
Trois difficulté s précises se manifestent
à c et
D'abord, une énonciation peut, selon les circonstances, être cons-
tative ou performative {"'I- class' or perhaps 'I hold' seems in a way one,
in a way the other.
Which is it, or is it both?" (13».
certain nombr e d'énonciation s
De uxi èmement , un
(par exempl e " J'af firme ") rencontrent les
critères grammaticaux de reconnaissance d es performatifs tout en ne paraissant pas,
il pas
tions?
dent
à d'autres égards, vraiment en être; les accepter n'équivaudrait-
à ouvrir la c lasse è.es performatifs à un trop grand nombre
d'énoncia~
Finalement, certains actes perfor més dans le langage ne correspon-
à auc un performatif explicite; par exemple j e puis insulter quelqu'un
au moyen du langa ge bien que le performatif "Je vous insulte" n'existe pas.
Il ~ aurait don c risque, en réservant d e façon r e strictive l 'appartenance
à
la classe d es performatifs aux énonc iations grammaticalement existantes et
acceptées, de laisser échapper des actes de (exécutés dans le) langage .
Or, l'étude sur les p erforma tif s consistait justement
à montrer ( de la façon
la plus complète possible, comme nt l e langage pouvait servir
acte s .
à réaliser des
52
Afin d e contourner c es difficult~s, Austin che rche ~ fond e r une
distinction d e d e uxième niveau entre performatifs expli c ites e t performatifs implicites ou primaires.
t~ristique de nomme r
c~
Un performatif explicite a pour carac-
l'acte qu'il sert ~ accomplir; par exemple l'~non­
"Je promets" est un performatif explicite de l'acte de la promesse.
Quant ~ lui, un performatif implicite, tout en accomplissant le même
acte, n'en exprime pas le nom; par exemple l'~noncé "Je ferai" est un
performatif implicite de l'acte de la promesse dont la formulation explicite serait l'énoncé "Je te promets de faire ••. ".
Le performatif
explicite exprime de façon plus claire et plus directe l'acte qu'il
effectue; la différence entre performatif explicite et performatif implicite en est donc une de foree d'énonciation (14).
Ainsi donc, des glissements sont op~ré s dans le langage qui, transformant plus ou moins radicalement les expressions, font voir une gradation de leur force d'énonciation.
Loin d'être réservé ~ la relation entre
performatifs explicites et performatifs implicites, ce processus de renvois
a probable ment trait ~ la quasi totalit~ des expressions langagières.
Des s~qu e nces ou chaînes de relation s peuvent de la sorte être décel~es
entre constatifs et performatifs dont le maillon central est d'une nature
mixte .
Par exemple la séquence d es expressions "Je me repens" - "Je suis
d~sol~" -
"Je m'excus e " dont la première est d'ordre constatif, la seconde
d'ordr e mixte et la dernière d'ordre performatif (15) .
53
Il semble alors que, bie n qu'elle d e me ure pleineme nt signifiant e
d'un point d e vue intuitif, la distin ction en tre performatif e t constatif,
parce qu'ils prennent place sur un même continuum, soit difficile
rer par analyse.
La thèse austinienne faible
à repé-
à propos" du faire langagier
affirmait la possibilité de ~arquer cette distinction.
Austin doit lui-
même reconnaître l'échec de sa tentative et (perdre une bataille n'est
pas perdre la guerre) cherchera
à aborder la même problématique d'un tout
autre point de vue.
b) Une théorie de la force illocutionnaire
Laissant de côté la distinction entre performatif et constatif,
Austin s'attarde aux circon~tances d'énoncia tion de façon
à examiner
en quel sens dire quelque chose, c'est faire quelque chose.
En premier lieu, parler c'est bien faire quelque chose plutôt que
ne rien faire: c'est l'acte de dire quelque chose, de produire des séries
de locutions.
Austin appelle locutionnaire ce premier acte de langage
dans l equel, par ailleurs , il décèle la présence de trois sous-actes:
l'acte phonétique, l a simple énon~iation de sons; l'acte phatique, l'emploi
de mots appartenant
à un vocabulaire e t agencés dans des phrases en vertu
de règles grammatical es ; l'acte rhé tique, l' emplo i de mots ayant un sens
et une référence, la réunion d e ces d e u x élément s constituant la signi- ,
fication.
Une énonciation est ainsi d'abord un acte parce qu'elle est
la production d e sons figurant dan s d es constructions ve rbales qui ont
une signification.
54
Ce qui est fait en disant quelque chose constitue la seconde instance du faire langagier.
Par la parole, en effet, les locuteurs du
langage effectuent divers actes: promettre, demander, ordonner, etc .
Austin appelle actes illocutionnaires ces diverses opérations qui peuvent être effectuées au moyen du langage.
selon Austin, sa forc e
(ou sa valeur)
L'acte illocutionnaire donne,
à l'énonciation; il détermine com-
ment elle doit être saisie.
Finalement, certains effets peuvent être atteints par le langage:
convaincre, persuader, surprendre, etc.
La production par l'énonciation
de telles suites est appelée par Austin un acte perlocutionnaire.
Faire quelque chose au moyen du langage peut donc être compris en
trois acceptions distinctes qui correspondent à trois sortes d'actes
différents, irréductibles, théoriquement parlant, l'un
à l'autre ..
de la production des énonciations conduit ainsi Austin
à la mise au jour
d'une typologie des actes de langage (16).
d'une perspective particulière et s'applique
L'étude
Chacun de ces actes dépend
à un domaine spécifique de
faits de langage; la typologie austinienne des actes de langage s'établit d e la sorte selon trois séquences précises:
Les actes de langage
Leur perspective
Leur domaine
locutionnaire
l'acte de dire quelque
chose en parlant
la signification
illocutionnaire
l'acte effectué en
parlant
la force d'énonciation
perlocutionnaire
l'acte effectué par le
fait de parler
les effets de langage
55
Les trois actes de langage d égagés par Austin constituent en fait
trois façons différentes par l esqu el l es l es locuteurs agissent au moyen
du langagei
à strictement parler, les trois actes langagiers ne sont que
des facettes d'un seul et unique processus praxéolog ique .
Par ailleurs,
une énonciation peut demeurer sans effetsi la réalisation d'un acte
perlocutionnaire est donc contingente.
Il ne compte donc pas, de façon
essentielle, dans la production du faire langagier.
est indispensable (de façon générale)
D'autre part, il
à toute énonciation de comprendre
à la fois une signification et une force énonciativei les acte s locutionnaire et illocutionnaire sont donc (la plupart du temp s, dans les situations normales d'énonciation) nécessai res
à l'activité d e langage.
Si, dans chaque énonciation, cohabitent les aspects locutionnaire
et illocutionnaire la distinction entre le faire et l e dire s'estompe
puisque l'acte locutionnaire est celui du dire et que l'acte illocutionnaire constitue celui du faire en disant.
Leur réunion sous la forme de
deux facettes d'une même production, remet donc en cause la distinction
entre performatif et constatif:
whenever l'say' anything (except perhaps a
roere exclamation like 'damn' or 'ouch') l shall
be performing both locutionary and i llocutionary acts, and these two kinds of acts seem to be
the v ery things which we tri ed to use, unde r the
names of 'doing' and ' saying ' , as a means of
distinguishing, performatives from constatives." (17)
H •••
Ains i, cons idérer qu'une énonciation est d ' ordre constatif résulte
d'une concentration trop exclusive sur sa facette locutionnaire (sur sa
56
signification) au détriment de sa force illocutionnairei
à l'inverse ,
faire relever une énonciation de la classe des performatifs provient
d'une concentration trop forte sur son aspect illocutionnaire accompagnée d'une négligence tout aussi importante
sant locutionnaire.
à l'égard de son compo-
Un acte de langage (complet ) comporte
à la fois les
aspects locutionnaire et illocutionnaire; vouloir ne privilégier qu'une
seule de ces dimensions hypothèque toute entreprise de compréhension
du faire langagier.
C'est la raison pour laquelle la distinction entre
performatif et constatif, tout de même riche en évocations intuitives,
doit être considérée comme une caractérisation partielle de l'activité
de langage qui demande
à être cornprise par une appréhension plus totale:
"The doctrine of the performative/constative
distinction stands to the doctrine of locu~
tionary and illocutionary acts in the total
speech acts as the special the ory to the
general theory." (18)
La thèse austinienne faible relative aux performatifs culmine donc
en une thèse plus forte
à rropos de la force illocutionnaire dont le pou-
voir explicatif est plus étendu que celui de la thèse faible.
Non seulement la théorie de la force illocutionnaire comprend-t-elle,
en en spécifiant la portée, la distinction entre performatif et constatif(
mais encore elle s'avère en mesure de montrer pourquoi celle-ci conduisait
à des impasses insurmontables.
La distinction entre performatif et cons-
tatif a été remise en question pour deux r aisons: d'une part, parce qU'une
énonciation performative peut donner lieu
à une ou des énonciation(s) consta-
tive(s) i d'autre part, parce qu'il est possible, en certains cas , d'évaluer une
57
énonciation constative selon des catégories d'estimation semblables
celles sous le coup d esque lles tombent l e s performatifs .
à
Si les actes
locutionnaire et illocutionnaire constituent deux aspects de l'énonciation, comme nous invite
à le penser la théorie, plus forte, de la force
illocutionnaire, alors ces deux phénomènes peuvent être expliqués.
Premièrement, l es dimensi.ons locutionnaire et illocutio:nnaire y
étant toutes deux présentes, "performatives are, of course, incidentally
saying something as weIl as doing something . .. .. (19),
Abstraction faite
de sa force illocutionnaire, du strict point de vue de sa signification,
un performatif peut donc impliquer certaines autres énonciations dont
les constituants ont le même sens et la mê me réfé rence que les siens
propres.
D'autre part, ...
"Once we realize that what we have to study is
not the sentence but the issuing of an utteran~
ce in a speech situation, there can hardly b e
any longer a ~ossibility of not seeing that
stating is performing a n ac t .• • it i s an act to
\<lhich, just as much as to other i l locutionnary
acts, it is essential to 's ecure uptake' •.• " (20)
Ce qui veut dire, premièrement , que l'énonciation affirmative, prototype du constatif, ne s e liluite pas
à ce qu 'elle dit mais consti-
tue en elle-même une performance langagière munie d'une force illocu~
tionnaire particulière et, en second lieu, qu'elle est sujette,
à ce
titre, aux mêmes catégories d'estimation que les performatifs.
D'oÙ
le parallélisme entre l'évaluation, en certains cas, d'une affirmation
et des performatifs en général.
58
Austin précise de plus que l'affirmation , n'étant qu'un type d'acte
illocutionnaire parmi d'autres, ne jouit pas d 'un statut privilégié ni
d'une position privilégiée quant
à la relation aux faits, dan s l es termes
des catégories vrai et faux:
" ••• truth and falsity are (except by an artifi~
cial abstraction which is always possible and
legitimate for certain purposes) not names for
relations, qualities, or what not , but for a
dimension of assessment -how the words stand
in respect of satisfactoriness to the facts,
events, situation etc , to which the y refer ." (21)
L'abandon de la distinction entre constatif et performatif n!implique
cependant pas le rejet de celle entre performatif explicite e t pe rformatif
implicite dont les termes situent les extrémités, pour employer une image
géométrique, de la dimens ion illocutionnaire de l'énonciation.
forte d'Austin relativement au faire langagier et
énonciation constitue ,
à
La thèse
à l'effet que toute
des degrés variables, une performance d'ordre
illocutionnaire qui doit être distinguée de sa signification (22),
2 - La classification austinienne des forces illocutionnaires
La théorie austinienne de la force illocutionnaire relègue dans
l'ombre la dichotomie performatif/constat if et, s'appuyant sur l'étude
de
~'acte
de langage total dans la situation de discours totale (23)
fait voir la pluralité fonctionnelle des énonciat ions.
r
Dire que tout
énoncé est, en partie, constitué d'une force illocutionnaire particulière,
c'est du même coup poser la question de la différence entre les diverses
forces illocutionnaires.
Il devrait être possible de regrouper ces
59
dernières sous des catégories générales .
Austin propose de classifier
la dimension illocutionnaire d'énonciation en cinq (5) familles:
- les verdictifs ("verdictives"): en parlant , un locuteur rend un
verdict (une estimation, une évaluation ).
- les exercitifs ("exercitives"): en parlant, un locuteur exerce
un droit (un pouvoir, une influence).
- les conunissifs ("commissives"): en parlant, un locuteur prend
position (contracte un engagement) .
- les comportatifs ("behabitives"): en parlant, u n locuteur
adopte une forme de comportement social (il s'excuse, félicite, reconunande, etc).
- les expositifs ("expositives "): en parlant, un locuteur répond,
argumente, concède, etc.
Dans l'esprit d'Austin, cette classification demeure préliminaire.
Elle n'est pas non plus étanchement tranchée; les cinq catégories illocutionnaires entretiennent des relations l es unes av e c l e s autres et
s'entrecoupent les unes les autres (24) .
Il peut a insi être mal a i s é
d'indiquer la famille illocutionnaire d'un e énonc iation donnée.
L'objec-
tif essentiel de la classification proposé e par Au s tin e st de faire voir
la d~fférence relative entre les d i v e rs e s for ces i llocutionnaire s .
3 - Une thèse particulière d'Austin sur le langage :
'Pas de modification sans abe rration'
L'intérêt d'Austin à l'égard du langage n'est pas qu'interne, clest~
à-dire qu'il ne le considère pas exclusivement comme un sujet d'étude.
60
Participant du mouvement de la philosophie du langage ordinaire, Austin
pense que les mots sont les outils de la r é fl e xion philosophique et qu'il
est salutaire d'en examiner les divers emplois afin de progresser dans
l'intelligence de la réalité.
Car, ...
"When we examine what we should say when, what
words we should use in what situations, we are
looking again not merely at words (or 'meanings'
whatever they may be) but also at the realities
we use the words to talk about: we are using a
sharpened awareness of words to sharpen our
perception of, though not as the fina l arbiter
of, the phenomena." (25)
Pour Austin, le langage ordinaire constitue la manière première de la
pensée et la "phénoménologie lingui s tiqu e"
(2 6) qU'il - met d e l ' a v ant a
pour tâche de mesurer la véritable dimension des problématiques philoso~
phiques telles qu'elles s'y expriment.
Ainsi, dans un article intitulé "A pIe a for excuses" A.ustin propose
de procéder
à une analyse des formulations d'excuses dans les situations
courante s de discours.
UnL telle étude,
à ses yeux, permettrait à la
recherche éthique d'éviter les écuei l s dange r e ux sur lesquels l'aurait
fait buter la phi_losophie traditionnelle, à savoir la réification de
l'action (27) et le trop haut niveau d'abstraction de ses concepts (28 ),
Afin de colliger les diverses situat ions de discours où des excuses
sont présentées et d'examiner les expressions qui y figurent
(2 9 ), Austin
mentionn e trois méthodes d'investigation complémentaires les unes des
autres (30): la référence au dictionnaire (passer en revue le volume au
61
complet en notant toutes les définition s d e mots p e rtinente s aux excuses
et/ou recherch e r dan s le s d é finitio ns d es terme s évide nts d'e xcu ses ,
préalablement sélectionnés, l es occurence s de tous les autres mots
afin de faire apparaître l e ur pare nt é avec les premiers); l'étude d e s
textes de loi (les fautes légal e s étant passibles d e sanctions pénales
et faisant l'objet d'excuses, de plaidoyers, etc); l'étude du langage
des sciences du comportement (dont la tâche est justement de décrire et
de tenter d'expliquer des actions
à propos desquell e s peuvent être
for ~
mulées des excuses).
En ce qui a trait aux excuses, l'étude du dictionnaire se révèle
particulièrement fécond ei on y découvr e en e ff et que dan s l es formula ~
Comme le re~
tions d'excuses sont souvent présents des adverbes (31).
marque Austin, cela n'a rien d e surpre nan t puisque
" .•. the tenor of so many excuses is that I did
it (une action) but only in ~ way, not just
flatly like that ~i.e, the verb (exprimant
l'action en question) n e eds modify ing." (32)
(La fo~ctiongrammaticale d'un adverbe c onsiste jus t e ment
une phrase (33».
duit Austin
à modifier
Cepe ndant, ce constat, en lui-même assez trivial, con-
à énonce r deux th è s es concernant la pre mi è r e l'éthique, la s e-
conde le langage .
C'e s t par ce que Searl e cri t iqu e sév èreme nt ce tte thèse
sur le langage -critique dont il s e ra plus loin r e ndu
examinée l'étude austinie nne d e s excuses.
compte ~
qu'est ici
62
Contrairement
à ce qui a souvent été supposé en philosophie éthique
traditionn e lle, l es actions ne peuvent être subsumées, d'après Austin,
sous des catégories univers elles et dichotomiques (bien/mali libre/non
libre; volontaire/involontaire, etc),
Car, d'une part, les adverbes
modifiant les verbes d'action figur ant dans les formulations d'excuses
ont un rang d'application spécifique (certains verbes seulement peuvent
être accompagnés de, par exemple, l'adverbe 'volontairement' et donc
certaines actions seulement peuvent être dites 'volontaires') et, d'autre
part, un adverbe peut s'opposer, selon les verbes qu'il peut accompagner,
à plusieurs autres adverbes (par exemple à l'adverbe "involontairement "
peut s'opposer aussi bien l'adverbe "délibérément " que l'adverbe "inconsciemment" (34».
L'étude dBS formulations d'excuses conduit de la sorte
à des distinctions catégoriel les relatives aux situations de discours dans
lesquelles elles apparaissent ainsi qu'à une classification multiforme des
actions.
La thèse éthique d'Austin consiste
à affirmer cette équivocité
des actions (35).
La thèse relative au langage que présente Austin après avoir entrepris
l'étude des diverses formulations d'excuses prend la forme d'un slogan:
'Pas de modification sans aberration'
(entre autres choses) adjoindre
(36).
Formuler une excuse, c'est
à un verbe exprimant une action un adverbe
quel'conque qui le modifie de quelque façon.
L'emploi du verbe seul sert
à exprimer une action normale (dans une situation normale) ; faire accompagner un verbe d'un adverbe revient à exprimer une act ion anormale par
rapport
à celle qu'exprime le même verbe non modifié.
Ainsi donc, l'emploi
d'un verbe n'exige ni même ne permet qu'il soi t modifié par un adverbe
63
(ou toute autre expression modificatrice) à moins que l'action (ou la
situation) qu'il exprime n e soit anormal e, abe rrante:
"The natural economy of language dictates that
for the standard case covered by any normal
verb •.. no modifying expression is required or
even permissible. Only if \'le do the action
named in sorne special way or circumstances,
different from those in which such an act is
naturally done (and of course both the normal
and the abnormal differ according to what verb
in particular is in question) is a modifying
expression called for, or even in order." (37)
La thèse ici défendue par Austin" implique que certains mots ou certaines expressions dont la fonction consis·t e à modifier un verbe ne
peuvent être employés quand le verbe est lui~même utilisé n ormale ment,
c'est-à-dire quand il exprime une action normale (dans une situation nor~
male).
L'emploi des éléments de langage qui entraînent une modification
exige que soient remplies un certain nOmPre de conditions relatives
l'aberration de l'action (ou de la situation)
à
(38).
B - La critique de Searle ~ l'égard d'Austin
La dette théorique de Searle à llégard d'Austin est d'une très
grande importance: la théorie searlienne des actes de langage se déploie
dans l'horizon de p e nsée ouvert par Austin .
L ' auteur de How To Do Things
With Words fut le premier à pousser aussi loin l'étude de la possibilité
que le langage soit un faire; Searle a poursuivi, et sûrement mieux théo~
risé qu'Austin, cette nouvell e voi e d'inves ti gat ion du phénomène langagier ,
64
Il n'est donc pas très surprenant de voir Searle, d'une part, se lancer
à la défense des idées maîtresses d'Au s tin (39) et, d' a utre part, c onsacrer une assez importante partie de sa recherche
Cependant , malgré son évidente filiation
à
à l eur approfondissement.
Austin, Searle n'en considère
pas moins l'héritage austinien d'un point d e vue fort critique.
Sur le
fond de leur accord se dressent un certain nombre d'oppositions qui correspondent aux trois points de la philosophie austinienne dont il vient
d'être rendu compte.
Searle remet en cause la distinction e ntre les di ~
mensions locutionnaire et illocutionnaire de la théorie austinienne, la
classification des actes illocutionnaires
A laquelle
ell e conduit ainsi
que la thèse relative au langa ge i mp l i qué e d ans l' étude d es e xcuses me né e
par Austin.
l - La critique de Searle ~ l'égard de ~ distinction aus tini e nne
entre locutionnaire et illocutionnair e
Searle rejette carrément la distinction entre acte locut;ionnaire
et acte illocutionnaire mi s e de l'avant par Austin
à la suite de son
étude des performatifs.
On se souviendra que cette distinction s 'établit
s e lon deux sé~
quences différentes: l'acte locutionnaire est c e lui de dire quelque
cho se et comprend les sous-actes phonétique , phatique et rhétique, ce
d ernier lui ouvrant l e domaine de la signification; l'acte ;illocutionnaire
est effectué en disant quelque cho se et porte l a force de l'énonciation.
La distinct ion locutionnaire/illocutionnaire met en jeu (et c'est ce qui .
65
la fonde, aux yeux d'Austin) une séparation radical e entre la signification d'un énoncé, relevant de l'acte locutionnaire et sa force d'énonciation, comprise dans l'acte illocutionnair e .
Or, fait remarquer Searle,
une telle séparation ne se retrouve justement pas dans les performatifs
"
ou:
'The meaning of the sentence determines an
illocutionary force of its utterances in
such a way that serious utterances of it
with · that literaI meaning will have that
particular force.
The description of the
act, since it involves the meaning of the
sentence , is already a description of the
illocutionary act, since a particular illocutionary act is determined by that
meaning." (40)
Paradoxalement, l'étude des performatifs qui avait amené Austin
à la
distinction entre acte locutionnaire et acte illocutionnaire met ellemême en cause, selon Searle, cette différence.
Cette dernière, en ce qui
a trait aux performatifs n'en est plus une que d'étiquettes puisque l'abstraction de leur signification constitue par l e fait même l'abstraction
simultanée de leur force illocutionna ire .
La distinction entre locution
et illocution manque ainsi
à une généralité totale;
forment s'interpénètrent.
Certains actes locutionnaires coîncident avec
les classes qu'elles
des actes illocutionnaire s.
Un e objection pourrait être formulée
de Searle,
à l'encontre de cette critique
à savoir que, la performance d'un acte illocutionnaire exigeant
que soient remplies certaines conditions, la distinction entre locution et
illocution serait maintenue si on ne la considère que comme la ·différence
66
entre la signification d'un énoncé et le succès de sa performance .
Searle di spos e d e cette contre-objection en alléguant qu'elle rédui~
rait la distinction entre acte locutionnair e et acte illocutionnaire
à une distinctlon entre essai et réussit e d e la p e rformance illocutionnaire.
Cette dernière étant déjà (du moins intuitivement) fondée, on
voit mal à quoi pourrait alors servir la première distinction entre
locution et illocution.
Poussant plus avant sa critique, Searle constate qu'en établissant
sa typologie des actes de langage Austin donne des exemples d'actes rhétiques et d'actes illocutionnaires en discours indirect alors que les
actes phonétiques et phatiques sont illu strés par des exemples en discours direct.
Ce fait peut se comprendre:
" ... it is not necessarily inconsista nt, because
since the locutionary act is defined as uttering
a sentence with a certain sense and reference
(meaning) then that sense and reference will de~
termine an appropriate indirect-speech form for
reporting the locutionary act. " (41 )
Cepe ndant, cela entraîne une identi fication de l 'acte rhétiqu e et
de l'acte illocutionnaire en ce qu'ils s'impliquent
mutu e llement~
"The point l am making now is that there is no
way to abstract a rhe tic ac t in the utterance
of a complete sentence which does not abstract
an illocutionary act as we Il, for a rhetic act
is always an illocutiona ry act of one kind or
another." (42)
67
Ce lien trop intime entre le sous-acte rhétique et la force illocutionnaire rend impossible, selon Searle, l'établis'sement d'une distinction claire entre acte locutionnaire et acte illocutionnaire, telle
qu'Austin la
p~oposait:
"The concepts locutionary act and illocutionary
act are ... different, just as the concepts terrier
and dog are different. But the conceptual diffe~
rence is not sufficient to establish a distinction
between separate classes of acts, because just as
every terrier is a dog, so every locutionary act
is an illocutionary act . " (43)
Plus fondamentalement, c'est la nature même du sous-acte rhétique
qui, aux yeux de Searle, bloque toute différentiation catégorielle entre
acte locutionnaire et acte illocutionnaire.
le sous-acte rhétique consiste
une signification.
Selon Austin, rappelons-le,
à proférer des mots et des phrases ayant
Or, d'après Searle, la signification d'un énoncé
n'est pas indépendante de sa force illocutionnaire:
" ... the locutionary meaning of sentences always contains sorne illocutionary . force-potential , and ..• the
locutionary meaning of utterances determines (at
least sorne) illocutionary for ce of utterance . " (44)
Austin, n'ayant pas aperçu cette interdépendance entre signification
et force illocutionnaire, aurait
à
tort supposé la distinction entre acte
~
locutionnaire et illocutionnaire.
Mais alors, ce qui dan s cette d istinc-
tion fait véritablement problème, c'est la caractérisation de la signifi~
cation langagière qui s'en dégage:
68
"One of the possible reasons why Austin neglected
the extent to which force was part of meaning is
that his use of the Fregean terminology of sense
and reference shifted the focus of emphasis away
from sorne of the most common elements in the mea~
ning of a sentence \vhich determine the illocutionary force-potential of the sentence ... lf one
thinks of sentential meaning as a matter of sense
and reference, and tacitly takes sense and refe~
renc e as properties of words and phrases, then
one is likely to neglect those elements of mea~
ning which are not matters of words and phrases,
and it is often precisely those elements which
in virtue of their meaning are such crucial determinants of illocutionary force." (45)
En récusant la distinction austinienne entre acte locutionnaire
et acte illocutionnaire, Searle cherche ultimement
penser autrement que le fai t l'auteur d' How
~
à être en mesure d e
Do Things Wi th
~vords
force illocutionnaire et la signification ainsi que leurs rapports.
la
(46)
2 - La critique de Searle ~ l'égard de la classification austinienne
des forces illocutionnaires
A la suite de la présentation de sa typologie des actes de langage,
Austin a proposé une classification p réliminair e des force s illocutionnaires en cinq famill es plus ou moins di stinctes .
formule
La critique que Searle
à l'égard de ce travail d e catégorisation origine de la mise en
cause antérieure qu'il effectue d e la di stinct ion austinienne entre les
dimensions locutionnaire et illocutionnaire de l'énonciation.
Plus pré ~
cisément, la caractérisation que donne Austin de l'illocutionnaire, pour
le distinguer du locutionnaire, apparaît par trop évasive
à Searle .
69
" ... the metaphor of the force in the expression
'illocutionary force' is misleading since it
suggests that different illocutionary forces
occupy different posit i ons on a s impl e conti ~
nuum of force."
(47)
Une connotation du terme "force" peut laisser faussement penser
que la dimension illocutionnaire est instituée selon une régularité
linéaire qui se donnerait d'emblée
à l'analyste pour qui il serait alors
possible, par voie de conséquence, d'intuitivement catégoriser les dif ~
férents types illocutionnaires.
Une telle vue des choses ne tient pas compte, selon Searle, de la
complexité du phénomène de la performance langagière où . ..
"The illocutionary forces of utterances may be more
or less indeterminate. Suppose l ask you to do
something for me. My utterance may be, for example,
a request or an entreaty or a plea." (48)
La conséquence méthodologique que Searle tire de cette virtuelle
impréci s i on illocutionnaire de l'énonciation est que tout travail de
classification portant sur cette dimension du faire langagier doit être
précédé d'une élucidation des différents critères d'identification des
actes illocutionnaires:
" ..• there are seve ral different princ iples of distinction for distinguishing differe nt types of
illocutionaryacts." (49).
"Any taxonomie al effort ... presupposes criteria
for distinguishing one (kind of) illocutionary
act from another." ( 50 )
70
A défaut d'avoir aperçu la possibilité d'indétermination de la
force illocutionnaire d'une énonciation (51) et négligeant d'adopter
des principes de différentiation entre les actes illocutionnaires,
Austin, quidé par la seule métaphore de la force, aurait commis, d'après
Searle, des fautes importantes dans l'établissement de sa classification
des forces illocutionnaires.
L'erreur la plus évidente de la tentative austinienne est qu'elle
confond les actes illocutionnaires de langage avec les verbes illocutionnaires de la langue anglaise:
"The first thing to notice about these lists is
that they are not classifications of illocutionary acts but o f English illocutionary verbs.
Austin seems to assume that a classification of
different verbs is eo ipso a classification of
kinds of illocutionary acts, that any two nonsynonymous verbs must mark different illocutionary acts. But there is no reason to suppose
that this is the case."
(52)
Sur la base de cette critique initiale, Searle adresse
à la classification
d'Austin les reproches plus précis qui suivent:
- certains verbes figurant dans les listes des catégories d'Austin
n'apparaissent pas être des verbes illocutionnaires (53),
parce que la classification d'Austin ne repose sur aucun principe
ou ensemble de principes clair(s) et consistant(s) de distinction,
ses différentes catégories, sauf celle des commissifs, ne reçoivent pas une définition précise ,
71
- les catégories de la classification s'entrecoupent les unes les
autreSi elles manquent donc de généralité différentielle (54),
- différentes sortes de verbes illocutionnaires figurent indûment
dans une seule et m~me catégorie (55),
- certains verbes compris dans une catégorie ne respectent pas la
définition (m~me très imprécise) de cette dernière (56).
Regroupant ces cinq reproches dérivés ' et la critique de b ase qu'il
formule
à l'égard de, la classification austinienne des forces illocutionr-,
naires, Searle leur donne la forme suivante:
" ••• there are (at least) the follo wing six related
difficulties with Austin's taxonomy. In ascending
order of importance, there isa persistent confusion
between verbs and actsi not aIl the verbs are illocutionary verbsi there is too much overlap of the
categoriesi there is too much heterogeneity within
the categoriesi many of the verbs listed in the
categories don't satisfy the definition given for
the categorYi and, most important, there is no
consistent principle of classification." (57)
La contestation searlienne de la c l a s sification des actes
illocu ~
tionnaires d'Austin repose sur l'absence dans cette dernière de critères
de différentiation.
On doit donc s'attendre
à ce que Searle appuie sa
propre typologie des act e s illocuti onnai re s sur un
e nseIT~le
de principes
d'identification qui auront comme effet de mieux caractériser le faire
langagier (voir le chapitre quatrième).
72
3 - La critique de Searle ~ l'égard de la thèse austinienne 'Pas
de modification sans aberration'
La troisième critique d'importance que Searle formule
d'Austin concerne la thèse sur le langage
parvenu
à l'égard
à laquelle ce dernier est
à la suite de son examen des formulations d'excuses, à savoir
que les expressions modificatrices du langage
les expressions s'appliquant
(plus particulièrement
à la description des actions) ne peuvent
être employées que si, de quelque faç on, la situation sur laquelle elles
portent est anormale, aberrante.
Le slogan austinien "No modification
without aberration" implique que des conditions contraignantes sont
im~
à l'application de certaines expressions l angagi ère s et donc des
posées
concepts qu'elles représentent.
En vue d'examiner le bien fondé et la portée théoriques de cette
thèse, Searle commence par attirer l~attention sur cinq aspects qu'il y
décèle.
Elle serait d'abord le prototype d'une certaine forme d'analyse
dans la philosophie contemporaine; en effet, chacun de leur côté, G. Ryle
à propos du mot 'volontaire ', B. S. Benjamin au sujet de 'remember ' et L.
Wittgenstein en ce qui a trait au verbe 'know'
sidérations similaires
(58) développent des con-
à celles de la thèse d'Austin:
"In each case the author claims that a certain
concept or range of concepts is inapplicable to
certain states of affairs because the states of
affairs fail to satisfy certain conditions which
the author says are presuppositions of the appli~
cability of the concepts." (59)
73
En second lieu, Se arle remarque que cette " conditionnalité" d'application d e s mots, loin d' ê tre limitée a u x t e rmes philosophiques, sembl e
plutôt être un trait caractéristique du langage et s'imposer ainsi à
toutes sortes de mots ou d'expressions usuels du langage.
Selon Searle,
par exemple, l'énonciation de la phrase ' the president is sober today'
n'est appropriée que dans certaines circonstances relatives
choses standard,
à un état de
à savoir que le président e st habituellement ivre.
Sous
l'éclairage de ces deux premières remarques de Searle, la thèse i mpliquée
par le slogan austinien acquiert une plus g rande portée : e lle s 'étend
d'une part, à une très grande quantité de mots du langage ordinaire et
constitue, d'autre part , un p a r adigme de l a réflexion philo s ophique contemporaine.
La troisième remarque de Searle a trait
à la négation des mots ou
expressions dont l'emploi exige des conditions relatives
de la situation qu'ils décrivent.
à l'aberration
Appelant 'A-word' de tels mot s , Searle
soutient que leur négation n e sont p as d e s ' A-word'; c' e st- à-dire que leur
emploi n'exige pas de conditions p a rticuliè res d'application ni même de
spécification quant
portent.
à leur particularité de la situation sur laquelle ils
Par exemple, le remplaceme nt dan s la p hrase considé rée plus haut,
du .~A-word'
'sober' par sa négation donne la no uve lle phrase suiv ante
'the preside nt is drunk today' dont l'expression n'exige pas, contrairement
à la première, la prise en considération de la spécificité de la situation
sur laquelle elle porte.
le 'A-word'
comparativement
à c e tte phrase, cell e qui comporte
'sober' fait référence à l'alcoolisme du président pour faire
voir le caractère exceptionnel (la situation anormale que cela représente)
74
du fait que le président soit à jeun aujour d'hui.
L' e mploi d e la négation
d'un 'A-word', contraireme nt à l' emp l oi de c elui -ci, n e d e meu re assuj e t ti
qu'à la vérité de son contenu.
Il y a donc asymétrie entre un 'A-word' et
sa négation:
"That is, to justify fully an utterance countaining
an A-word we need, first, evidence of an aberration
or of one of the other special conditions, and, secondly, evidence for the truth of the utterance .
But for the opposite or negative we need only evidence of the truth of t he utte rance.
( .. . ) for
every sentence which requires a n A-condition, the r e
is a negation or opposite s entence which doe s not
require an A-condition . " (60)
Searle fo r mul e sa q uatr i ème r e marque à propo s d e l ' aberrat ion s u r
la base de cette discordance entre un 'A-word' et sa négation.
la production d'une phrase comprenant un 'A~word' sert
Selon lui,
à marquer la vérité
de son contenu qui autrement (si la phrase n'avait pas été prononcée) aurait
été considéré comme faux, sa négation étant supposée vraie.
prendre notre exemple de tout
Si, pour re-
à l'he ure, le président est alcoolique, la
vérité de la phrase 'the president is drunk todayt est pré sumée; l'emploi
de la phrase avec 'A-word', 'the president is sober today', dont le conte nu
est habitue lle me :lt faux, est motivé par le fait qu'exceptionnellement il
est aujourd'hui vrai.
La phrase avec 'A-word ' contre donc la vérité de sa
n é g â tion:
"An abberration or A-con dition for a sentence is
in general a reason for supposing that the asser-·
tion made in uttering t he oppos ite or negation of
that sentence is or might have been true, or at
least might have been supposed by someone to be
true. An A-condition for a remark is just a reason
75
for supposing the remark might have been false
or might have been supposed by someone to be
false." (61)
Telle est, aux yeux de Searle, la véritable portée de la thèse austinienne:
"We are now in position to see that the thesis
'no modification without aberration' seems really
to mean something like 'no modification without
sorne reason for supposing the n e gation of the
modification might have been true' . " (62)
à propo s d e la
La cinquième et dernière remarque d e Searl e
d'Austin consiste
des 'A-word'.
th~ s e
à dégager l'impossibilité de dresser une liste exhaustive
Car, l'emploi d'un mot r e lativeme nt
à l ' ordre de l' a berrat ion ,
dépend de la phrase entière dans laquelle il figure et du contexte d'énonciation où cette dernière prend place ; par conséquent, tous les mots sont,
en principe, susceptibles d'être des 'A-words'.
En fait, c'est relativement
à sa négation que, par rapport à une situation donnée, un 'A-word' exige des
conditions particulières d'application .
Dans une situation tout
à fait con-
traire, il Y aurait interversion des d e u x terme s : c' es t la négation du 'Aword' qui alors serait soumis
à des conditions d'application.
Ainsi, dans
le cas où le président est d'une tempérance exemplaire, la phrase 'the
president is drunk today' a trait
vise
à une situation abe rrante .
Son emploi
à relever la fausseté inhabitue lle de s a négation.
A la lumière de ces considérations, la thèse d'Austin doit, selon
Searle, subir un important déplacement: e lle ne porte pas sur des mots
isolés mais sur les phrases relativement
à leurs contextes d' énoncia.tion';
76
"The thesis 'no modification
... seems not to be a thesis
sentences, and . • • it is only
a background of assumptions
and expectations." (63)
without aberration'
about words but about
a bout sentences given
about people's habi ts
Dans cette perspective, la double problématique de la modification et de
l'aberration est
à considérer de la façon suivante.
des situations sont normales, standards.
de spécifier qu'elles sont telles
Il est reconnu que
Selon Searle, il serait incongru
à moins de supposer qu'elles auraient pu
ne pas l'être:
"It does not in general make sense simply to assert
of a standard or normal situation that it is standard or normal unless there is sorne reason for supposing that it might have been n on-standard or abnormal, or that our audience might have so supposed, or
might have been supposed to so suppose." (64)
Relativement
à une situation donnée, toutes les phrases ont pour
fonction d'assurer la vérité de leur contenu qui aurait pu @tre supposé
faux.
A cet égard, l'ajout d'un élément modificateur dans une phrase est
sans effet: la phrase orig~nale et la phrase modifiée servent la même fin,
Searle en déduit que la thèse sur le langage impliquée dans le
slogan austinien 'No modification without abe rration' doit porter non pas,
comme le pensait Austin, sur de prétendues cond itions d'application de
mots ou d'expressions (ou de leur concept) mais plutôt sur l'énonciation
de toute assertion.
En d'autre s termes, l'introduction dans une phrase
de mots qui la modifient relève de s c onditions générales de la p roduction
de l'acte de langage d'assertion:
77
"Austin's slogan ' no modification without aberration'
ought to be rewritten 'no remark \",ithout remarkableness' or, to steal and redefine a term from Dewey,
'no assertion without assertibility'. " (6 5)
Cette conditionnallté de l'assertion , Searle l a décrit succinctement de
ia façon suivante:
"To make an assertion is to commit oneself: to
something ' s being the case as opposed to that
thing's not b ee ing the case. But if the possibility of its not being the case is not eyen
under consideration, or if its being the c ase
is one of the assumptions of the discourse,
then the remark that it is the case is just
pointless." (66)
Il est à remarquer que Searle ne nie pas que les concepts contien.,..,
nent des présuppositions et que donc ils ne s ' appliquent gu'à certaines
conditions; ces conditions d ' emploi des concepts n'ont cependant, selon
lui, rien à faire avec le caractère d'aberration de certaines situations:
"The characte~ of the mistake l am citing is that
it confuses conditions of assertabil ity with presuppositions of concepts .
( ... ) But the fact
that ... an ass e rtion is odd except in abnormal or
aberrant situations is not sufficient to show that
aberrance or abnormality is a presupposition of the
applicability of th e concept. ..
(67)
Il
En étudiant les formulations d'excuses, Austin avait relevé des
conditions d'énonciation qu'il aurait faussement identifiées à des conditions d'application de concepts; corrigeant Austin , Searle en fait d es
conditions de la production de l'assertion (68).
Le caractère aberrant .
78
d'une énonciation quelconque est l ' effet non des concepts qu'elle contient
(c'est-à-dire des mots e t expression s qui y figurent) mais du fait qu'e.lle
soit une assertion affirmée sans raison (69).
Faisant valoir sa dimension performative, Austin a jeté les bases
d'une nouvelle conception du langage,
En grande partie d'ordre intuitif,
comme beaucoup d'investigations originales, le travail d'Austin n'aurait
pas été sans comporter quelques erreurs.
C'est en corrigeant ces défauts
de la pensée austinienne que Searle développe sa propre théorie des actes
de langage dont il sera maintenant rendu compte.
NOTES
(1)
(Chapitre troisième )
Ainsi , par exemple, après avoir mené une investigation minutieuse
de certains faits de langage, Austin déclare:
"Many of you will be getting impatient at this
approach -and to some extent quite justifiably.
You will say 'Why not cut the cackle? ~'1hy go on
about lists available in ordinary talk of names
for things we do that have relations to s~ying,
and about formulas like the 'in' and 'by' for~
mulas? Why not get down to discussing the thing
bang off in terms of linguistics and psychology
in a straight-forward f ashion? Why be so de ~
vious?' WeIl, of course, l agree that this will
have to be done ~only l say after, not before,
seeing what we can screw out of ordinary lan-,
guage even if in what comes out there is a st;t;'ong
e lement of the undeniable . Otherwise we shal l
overlook things and go too fast." Austin (1962)(
p. 123.
(2)
"In these lectures, then, l have been doing two
things which l do not altogether like doing.
These are: (1) producing a programlue , th~t is,
saying what ought to be done rather than doing
something; (2) lecturing." Austin (1962), p. 164 ..
(3)
Id., p. 6 •
(4)
Austin adopte le point de vue 'utiliste' en philosophie du langage.
Il considère donc (attitude anti-positiviste, eu égard à la première
approche) que:
" •.. many traditional philosophi cal perplexities
have arisen through a mistake -the mistake of
taking as straightforward stat ements of fa ct
utterances which are either (in interesting nongrammatical ways) non-se nsical or else intented
as something quite different." Austin (1962), p . 3 .
(5 )
Id., p. 9.
80
(6)
Ainsi, un mariage peut être contracté par simpl e cohabitation,
sans que l e s "époux" n e se soient échangés un "oui" de conse ntement mutue l. C'est Austin lui-même qu i d o nn e cet exemp l e.
Austin (1962), p. 8.
(7)
Id., p. 8.
(8)
Austin établit un tableau schématique de ces conditions nécessaires
au fonctionnement d'un performatif, c'est-à-dire à la réalisation
effective d'une action par un performatif. Sans m'y attarder davantage, je reproduis simplement ici ce tableau;
"(A.I) There must e xist a n acc e pted c onve nt ional
procedure having a certai n conventional
effect, that procedure t o include the ut tering of certain words by c e rtain p e rson s
in certain circumstances, and further(
(A.2) t he particular p erson s a n d circumstan ces in
a given CClse must be appropriate for the in,-,
vocation of the particular p :x;ocedure invoked.,
(B.I) The procedure must be e xe cuted b y aIl p a rticipants both correctly and
(B.2) completely.
(r.l) Where, as often, the procedure is designed for
use by persons having c ert ain tho ughts or f e elings, 01. for the inauguration of certain consequentlal conduct o n t h e p art o f a n y p a rticipant, then a pers on participa ting in and so
invoking the procedure must in fact have those
thoughts or feelings, and the participants must
in tend so to conduct themselves, and further
.'
(9)
(r.2) must actually so condu c t the mselve s subseque ntly . " Austin (1962), pp. 14-15 •
Id., p. 45.
" ... if when, for examp le, l say' l apologize' l do aQ.ologiz e , so that we can now say, l or
he did d e finit e ly apolog i ze, then
81
(1) it is true a nd not f a ls e that l am d o ing
(have done ) some thing -ac tually nume rous
things, but in p a r ticul a r tha t l am apologi zing (ha v e a polog i zed )i
( 2)
it is true and not false that certain conditions do obtain, in par ticular thos e of
the kind specified in our Rules A. l and A.2 i
(3)
it is true and not false that c e rtain other
conditions obtain of our kind r, in particu~
lar that l am thinking something~ and
(4) it is true and not false that l am committed
to doing something subse qu e ntly ."
Id"
pp . 45 . . . 46.
(10)
Les exemples de la cour se et de l 'excuse s ont f ourni s p ar Austin
lui-même. Voir Austin (1962) , p p. 46-47 .
(11)
Le s exemple s d e la croya n ce et celui relatif aux enfants de Jean
sont également d'Austin . Voir Au s tin (1 9 62)/ pp . 48 ~5 0 .
(12 )
Austin (1962), p. 60.
(13 )
Id. , p. 69.
(14)
La distinction entre performatif e xp licite et pe rformatif implicite
amène Austin à envi ~ age r l'hypot h èse suivante r e lative a u dév e loppement historique du langage:
" Now, one thing that see ms at least a fair guess,
even from the elaboration of the linguistic cons~
truction , as also from its nature in the e xplicit
performative is thi s : that histor ically, from the
point of view o f the e volution of langu age , the
explicit performative must b e a later development
than certain more primary utteranc e s , many of which
at least are already implicit performative s, which
are include d in most or many e xp licit performatives
as parts of a whole.
( .. . ) The p l a u s ible view
(1 do not know e x actly how it would be es tablishe d)
would be that in primitive language s it would not
yet be clear, it would . not yet be p ossible ta dis-
82
tinguish, which of various things that (u sing
later distinctions) we might be doing we were
in fact doing.
( .• . ) It is also a plausible
view that explicitly distinguishing the different forces that .•. (a) utterance might have
is a later achievement of language, and a
considerable one .•• ". Austin (1962), pp. 71-72.
(15)
Cette séquence est tirée d'une serle d'exemples que donne
Austin. Voir Austin (1962), p. 79 ..
(16)
Je laisse de côté, parce qu'elles ne sont pas d1une trop grande
importance pour notre présent propos, les discussions menées par
Austin sur certains concepts des actes de langage; la convention ~
nalité dans l'acte illocutionnaire, l'intentionnalité et l'emploi
dans l'acte perlocutionnaire.
(17)
Austin (1962), p . 133 .
(18)
Id., p. 148.
(19)
Id., p. 140.
(20)
Id., p. 139.
(21)
Id., p. 149.
(22)
Les idées d'Austin sur le faire langagier occupent une place cen~
traIe dans la réflexion contemporai~e sur le langa,gei elles ont,
à ce titre, suscité de nombreuses et diverses réactions. Sans
vouloir les dénombrer toutes, je voudrais ici brièvement relever
celles qui semblent avoir sollicité le plus d'attention.
Parmi les linguistes, les travaux d'Austin ont particulièrement
été remarqués par Emile Benveniste qui, loin de suivre en tous
points le développement de la pensée du philosophe d'Oxford , se
montre au contraire très critique vis~à-vis son étape essentielle,
à savoir l'abandon de la distinction entre constatifs et perfor~
matifs et son remplacement par la théorie de la force illocution~
naire:
83
"Nous ne voyons ... pas de raison pour abandonner
la distinction entre performatif et constatif.
Nous la croyons justifiée et nécessaire, à con~
dition qu'on la maint i enn e d an s l e s conditions
strictes d'emploi qui l'autorisent sans faire
intervenir la considération du 'résultat obte~
nu' qui est source de confusion."
Benveniste (1963), p. 276.
D'après Benveniste, trois principaux critères servent à la recon-·
naissance d'un performatif; l'aptitude (ou l'autorité) du locuteur,
l'adéquation des circonstances d'énonciation et le caractère événe~
mentiel de la profération. Ces conditions conduisent •••
"... à reconnaître aU performatif une propriété
singulière, celle d'~tre sui-référen~ielf de
se référer à une réalité qu'il constitue lui~
m~me, du fait qu'il est effectivement énoncé
dans des conditions qui le font acte~"
Id., pp. 273-274 .
En vertu de cette caractérisation, la forme linguistique d'un performatif est, selon Benveniste, " •.. soumise à un modèle précis, celui
du verbe au présent à la première personne." (Id., p. 274.) A
l'opposé d'Austin donc, Benveniste considère qu'il est possible d'établir un critère grammatical de reconnaissance des performatifs. Pour
cette raison, il ne pourrait endosser la théorie austinienne de la
force illocutionnaire qui accorde à toute énonciation la caractéristique, d'abord reconnue aux seuls performatifs , d'~tre un faire l angagier.
Sur le plan proprement philosophique, c'est la distinction entre la
signification, d'ordre locutionnaire, et la force illocutionnaire qui, .
parmi les idées mises de l'avant par Aüstin, para~t susciter la plus
importante controverse. Cette distinction, pourtant très clairement
exprimée par l'auteur de How To Do Thinqs With Hords, n'a d'ailleurs
pas toujours été aperçue; ainsi, Paul Gochet affirme:
"Par 'force' il (Austin) désigne une dimension de
la signification qui jusqu'ici avait été ignorée
par d es théoriciens de la logique.
(
... )
84
Austin a cru nécessaire d'introduire une
nouvelle dimension de la signification: la
force de l'expression." Gochet (1 9 67) r p. 161 .
D'autres, qui ont correctement interprété Austin quant à sa position
relative à la différence entre signification et force illocutionnaire,
s'opposent à sa thèse forte sur le faire langagier en raison, juste~
ment, de cette distinction qu'il y défend.
L. Jonathan Cohen, par exemple, d'un point de vue pragmatique,
considère que la force illocutionnaire, telle que définie par
Austin, constitue une partie ou un aspect de la signification
de toute énonciation:
" •.. what Austin calls the illocutionary force
of an utterance is that aspect of its meaning
which is either conveyed by its explicitly
performative prefix, if it has one , o r might
have been so conveyed by the use of such a n
expression." . Cohen (1964), p. 125.
Cohen, en somme, radicalise, eu égard à la problématique de la signification, les vues d'Austin sur le faire langagier. Alors que ce
dernier cherchait à dégager une nouvelle dimension du langage en
marge des conceptions traditionnelles qui avaient jusqu'alors marqué
son investigation, Cohen prétend que cette mise au jour bouleverse
les idées reçues, particulièrement celles concernant la signification.
Selon lui, la thèse faible d'Austin, c' e st-à-dire l'établissement de
la distinction entre constatifs et performatifs, ~éussit mieux, bien
que ce soit encore d e façon imparfa ite, que sa t hèse forte d e la
force illocutionnaire, à opérer ce renve rsement thé orique:
"
.'
the merit of Austin's book lies in the insight it affords into the wealth and variety of .
performative meaning. This introduction of the
concept of illocutionary f orce achieves nothing
but to obscure the nature of this insight. We
need the term 'performative' but not the term
'illocutionary', and we must use 'performative'
as an adjective applicable to verbs, verb-uses,
particles, adverbs, phrases or me anings, but
not to whole utterances or to sentences qua sen ~·
tences.
'Performative' is thus co-ordinate
with 'predicative', 're fer e ntial' 1 etc., not
85
with 'statement - making' or 'constative '."
Cohe n (1964), p. 134.
Se plaçant dans une perspective plus austinie~~e, Richard M. Hare
n'en critique pas moins, lui aussi, la distinction entre signification et force illocutionnaire. C'est, à ses yeux, la séparation
étanche entre le sens du Cou dans le) sous-acte rhétique de l'acte
locutionnaire et la force illocutionnaire qu'Austin veut instaurer
qui fait principalement problème. Selon Hare, en effet, le sens
spécifie la force d'une énonciation et, par voie de conséquence,
la distinction entre acte locutionnaire et acte illocutionnaire
s'estompe:
" ..• the distinction between locutionary and illocutionary acts breaks doWD; for .•. even if the
locutionary act consists in no more than utt ering
words with a certain sense and reference, this
would have to include , in the sense •.• , a speci~
fication of wether it is a statement or a command(
etc.; but these are illocutionary acts.
So, ... one
cannot perform a locutionary act completely without
specifying (at any rate partly) the illocutionary
force which the act carries." Hare (1971), po. 108.
(23)
"The total speech act in the total speech situation is the only
actual phenomenon which, in last resort, we are engaged in elucidating." Austin (1962), p. 148.
(24)
" ... general families of related and overlapping s.;?eech acts • • , "
Austin (1962), p. 150.
(25)
Austin (1956-57), p. 182.
(26)
" ..• 'linguistic phenomenology' .... " (Austin (1956.,..5 7) ( p. 182) ..
Austin semble préférer ce t erme à celui de 'philo sophie linguistique'
qui est souvent utilisé pour décrir e la méthode de travail qu'il pratique.
(27)
C'est-à-dire l'intégration des actions
siques:
à de simples processus phy-
86
" ... we assimilate then one and aIl to the
supposedly most obvious and easy cases,
such as posting letters or moving fingers,
just as we assimilate a Il 'things' to
horses or beds." Austin (1956-57), p. 179.
(28)
Par exemple le concept de 'liberté' dont l'étude en dehors des
situations de discours n'a, aux yeux d'Austin, qu'un usage spéculatif:
"As 'truth' is not a name for a characteristic
of assertions, so 'freedom' is not a name for
a characteristic of actions, but the name of
a dimension in which actions are assessed.
In examining all the ways in which each action
may not be 'free', i.e. the cases in which it
will not do to say simply 'X did A', we may
hope to dispose of the problem of Freedom."
Austin (1956-57), p. 180.
(29)
"Our object is to imagine the varieties of situation in which we
make excuses, and to examine the expressions used in making them."
Austin (1956-57), p. 186.
(30)
Nous en rendons compte ici afin de faire voir quelque peu la méthodologie de recherche de type austinien en philosophie du langage.
(31)
En fait, la recherche d'Austin l' amène à d'autres découvertes qu'il
n'est pas nécessaire de considérer pour notre présent propos ; l'unique
étude des adverbes est suffisante pour faire voir la démarc h e d'Austin
et rendre compte des thèses qu'il défend.
(32)
Austin (1956-57), p. 187.
(33)
La Grammaire Larousse du français contemporain (Librairie Larousse,
Paris, 1964, p. 414) donne la définition suivante de l'adverbe :
"L'adverbe est un mot invariable dont le rôle
est d'apporter un élément complémentaire à:
- un verbe
Il
87
(34 )
Encore une fois , Austin fournit d ' autres arguments à la d éfense
de cette thèse; nous nous l imitons aux raisons les plus importantes qu ' il invoque .
(35 )
Cette thèse théorique en s uggère une autre d ' ordre méthodologique
relative au mode d ' analyse des actions: procéder d ' abord à l'in~
vestigation des actions anormal es (les excuses expr i ment de te l les
actions ) de façon à éc l airer (l ' anormalité faisant mieux voir la
normalité ) les cas plus normaux.
(36 )
"No modification \"ithout aberration. "
(37)
Id., p. 190.
(38 )
Analysant cette thèse d'Austin, Stanley Cavell ajoute une considéra~
tion suppl émentaire relative au, caractère a.berrant de la situation
exigé pour toute modification linguistique . L'aberration peut être,
selon lui, soit réelle, soit imaginée par les interlocuteurs:
Austin (1 956"..5 7), p. 189.
\
· " • . . the condition for applying the term ' voluntary'
holds quite generally ~viz., the condition that there
be something (real or imagined ) fishy about any per-·
f ormance intelligibly so characterized~ ••. "
Cavell (1958 ), p. 177 .
(39 )
J ' en voudrais donner pour exemple le compte rendu suivant d ' un débat
mettant aux prises Searle et le philosophe françajs Jacques Derrida
relativement à l'interprétation à donner à la philosophie austinienne.
Poursuivant son projet de déconstruction du logo centris me métaphysique
(e n trepris dans De l a Grammatologie , Editions de Minuit , coll . : ' Cri~
tique ', Paris , 1967-,-445 pages ), Derrida s ' est , en effet , l ivré à
que l ques réflexions sur la pensée d ' AusGin auxquelles Sear l e réagit .
Sur la base d ' une thèse plu s générale qui fonde l e l a ngage dans
l' écriture , Derrida cherche à démontrer que la communication ver~
baIe dépend , dans sa structure u ltime, de la communication écrite.
Récusant , par ailleurs , la définition dite traditionnelle de l'écri~
ture selon la séquence ordonnée sensation/ perception , représentation ,
expression , communication de sens, Derrida découvre d e ux dimensions
du signe écrit : l'absence des éléments constitutifs , disons globale~
ment , de l a réalité dont i l prétend tenir lieu (celui qui a écrit,
son ou ses destinataires , le contexte de production de l'écrit ) et
88
leur suppléance par d es trac es graphéma tiques dont les jeux de
différences constitue nt le seul horizon de l'écriture. Cette
matérialité de l'écriture, Derrida en voit l'indice dans son
itérabilité , c'est-à-dire sa possibilité de f aire l'objet de
manifestations répétitives. La structure "nucléaire " de l'écrit
ne comprendrait pas dans son champ d'éléments tels que ceux de
vouloir dire, de sens, d'interprétation et de contexte:
" ••• un signe écrit comporte une force de rupture
avec son contexte, c'est-à-dire l!enserr~le àes
présences qui organisent le moment de son ins~
cription. Cette force de rupture n'est pas un
prédicat accidentel mais la structure même de
l'écrit." Derrida (1973), p. 59.
Cette matérialité, questionne Derrida, dans la mesure oh le langage
et même toute la réalité sont subordonnés à l! écriture .....
"Ne (la) retrouve-t-on pas dans tout langage, par
exemple dans le langage parlé et à la limite dans
la totalité de l' 'expérience' en tant qu'elle ne se
sépare pas de ce champ de la marque, c'est-à,..dire,
dans la grille de l'espacement et de la différence (
d'unités d'itérabilité, d'unités séparables de leur
contexte interne ou externe et séparables d'elles~
mêmes en tant que l'itérabilité même qui constitue
leur identité ne leur permet jamais d' être une unité
d'identité à soi?" Id., p. 60.
L'itérabilité d'un signe en rend possible le prél~vement de son con~
texte de production et la "greffe citationnelle" en d 'autres lieux;
le signe ne se condense pas dans un contexte saturé. Cette itéra~
bilité du signe aurait échappé à Austin dont l'étude des performatifs
et des act e '; de langage se verrait, pour cette raison, du moins incomplète sinon carrément fausse:
.-
"Austin n'a pas pris en compte ce qui, dans la
structure de la locution (donc avant toute de,..,
termination illocutoire ou perlocutoire), com~
porte déjà ce système de prédicats que j'appelle .
graphématiques en général et brouille de ce fait
toutes les oppositions ultérieures dont Austin a
en vain cherché à fixer la pertinence, la pureté,
la rigueur." Id., p. 66.
89
Selon Derrida, cette omission de la matérialité
dans sa structure locutionnaire, aurait conduit
à donner une trop grande importa nc e a u conte x te
d'autre part, à un aveuglement de la citabilité
rendrait possible, toujours d'après Derrida, la
tive des performatifs:
du signe, inscrite
Austin, d'une part,
d'énon c iation e t,
du signe qui seule
réalisation effec-
"Un énoncé performatif pourrait-il réussir si.
sa formulation ne répétait pas un énoncé 'codé'
ou itérable, autrement dit si la formule que je
prononce pour ouvrir une séance, lancer un ba,...,
teau ou un mariage n'était pas identifiable comme
conforme à un modèle itérable, si donc elle n'était
pas identifiable en quelque sorte comme 'citation !. "
Id., p. 72.
Derrida donne comme preuve du rejet par Austin de lli térabilité et
de la citabilité du signe son refus de considérer les formes parasitaires de discours oU justement l es c i t a tions occ upent toute l a
place. Effectivement, dans sa recherche sur l es performatifs,
Austin exclut l'étude de leur production "anormale", par exemple
dans une pièce de thé~tre, un poème, etc. Austin aurait même, ' aux
yeux de Derrida, exclu le "non-sérieux" et l'''oratio obliqua" du
langage ordinaire sur lequel il désirait faire porter son intérêt,
Dans sa réplique à Derrida, Searle ne se contente pas de se porter
à la défense d'Austin mais met également en cause le point de vue
théorique à partir duquel Derrida aurait mécompris la pensée d'Austin.
Pour Searle, en effet, Austin e s l: rendu mécon n aissabl e par Il inte r.,prétation qu'en donne Derrida. contraire ment à ce qu'en pense ce
dernier, Austin aurait considéré, selon Searle, qu'un performatif
peut être effectué (et que la dimension illocutionnaire de l'énonciation peut être repérable) juste me nt parce que l'expre ssion ou
les expressions qui le (la) porte (nt) sont répétables:
"According to Derrida (and contrary to what he
supposes i5 Austin's ~i ew) a performative can
succeed if its formulation repeats a coded or
iterable utteranc e ,only if it i5 identifiable
in some way as a citati on. " Searle (1977a) ,
p. 204.
90
En d'autres t e rmes , Au s tin aurait , en vue d e procéder à l'étude
des p er formatifs et d e l'illocution, admis san s la discuter ou
supposé l'itérabilité du signe linguis tique lo gée d a ns l'act e
locutionnai r e . Comprise d ans cette perspective, la position
d'Austin à l'égard d e la forme parasitaire d e discours est tout
autre que cell e que lui attribue Derrida . C'est une raison heuristique, un élément d e sa stratégie de recherche , qui amène
Austin à ne pas considé rer la réalisation parasitaire d'un performatif et d'un acte illocutionnaire de langage. Les cas a nor~
maux de langage devraient, selon l'interprétation d'Austin que
défend Searle, être expliqués ~ partir des cas normaux. Loin
donc d'exclure la citabilité du langage ordinaire, Austin aurait
d'abord plutôt cherché à investiguer les circonstances normales
d'énonciation en supposant une relation logique entre les formes
normale et parasitaire de discours. L'exclu sion de cette d e rnière,
dans les travaux d'Austin, ne comporte aucune inc i d e nc e morale ou
métaphysique. La mésinterprétation d'Austin par Derrida tire s e s
origines, selon Searle, d'une série de c onfusions entret e nue s par
le philosophe français.
D'abord une identification entre la cita ~
bilité et la forme parasitaire de discours qui forment en fait deux
types d'instances langagières: une citation peut être employée à la
fois dans le discours parasitaire et dans l e discours normal ; la
citabilité constitue donc, par rapport à l'usage discursif , ~ne
sous-classe d'expressions. A défaut de comprendre cette distinction,
en amalgamant sous une seule catégorie l'itérabilité, la citabilité
et la forme parasitaire de discours, Derrida se condamne à ne ri en
comprendre en philosophie du l angage, tell e du moins qu'elle est
mise en oeuvre chez Austin. Plus fondamentaleme nt, Derrida manque,
toujours d'après Searle, à voir la véritable distinction entre
l'écrit et l'oral; ce qui le conduit à surévalue r le concept d'ité~
rabilité. Tous les éléments linguistiques, qu'ils appartiennent à
l'écriture ou au parler, sont susceptibles, dans une commune mesure,
d'être répétés; on ne doit donc pas chercher dans ce caractère leur
dissemblance. Ni d'ailleur s dans l'absence de l'émett eur e t du récepteur d'une communication linguist ique car il demeure possible que
deux interlocuteurs en présence l'un de l'autre puissent (et même, en
certaines circonstances doive nt) communiquer par écrit. La plus im~
portante différence entre l'écriture et la parole réside dans la
permanence relative de la première; il semble , en effe t, que l!écrit
se conserve mieux que l'oral. Ce q ui n'entraine pas, comme Derrida
l'affirme , l'ide ntification d e la permanence et de l'itérabilité:
" •.. the phenomenon of the survival of the text is
not the same as the phenomenon of repeatability;
the type- toke n distinction i s logically independent of the fact of the permanence of c ertain
tokens. One and the same tex t (toke n) can be
read by many different readers long after the
91
death of the author, and it is this phenomenon
of the permanence of the text that makes it
possible to separate the utterance from its
origin, and distinguishes the written from
the spoken word." Id., p. 200.
c'est parce qu'il confond la permanence (relativement plus importante
dans l'écrit que dans l'oral) et l'itérabilité (également possible
dans les deux formes que prend le langage) que Derrida peut en Qrriver à faire dépendre la communication verbale de la cowmQ~ication
écrite et, soutenant l'idée d'une prétendue matérialité significa~
tive du texte écrit, à penser fonder une "graphématologie" du lan~
gage où serait entièrement évacuée la notion d'intentionnalité,
alors que, selon Searle:
"The situation as regards intentionality is
exactly the same for the written word as it
is for the spoken: understanding the utterance consists in recognizing the illocutionary
intentions of the author and these intentions
may be more or less perfectly realized by the
words uttered , whether written or spoken."
Id., p. 202.
(40)
Searle (1968), p. 143.
(41)
Id., p. 147.
(42)
Id., p. 148.
(43)
Id., p. 149.
(44)
Id., p. 150 .
(45)
Id., p. 154. Effectivement, Austin conçoit la signification comme
l'amalgame imprécis du sens et de la dénotation:
"We may weIl suspect that the theory of !meaning l
as equivalent to 'sense and reference' will certainly require sorne wee ding-out and reformulating
92
in terms of the distinction between locutionary and illocutionary acts (if these notions
are sound: they are only adumbrated here).
l
admit that not enough h a s been done her e: 1
have taken the old ' sense and reference' on
the strenght of current views." Austin (1962)
(46)
1
p. 149.
Relativement à la distinction austinienne entre acte locutionnaire
et acte illocutionnaire dont le fondement consiste en la double
opération de l'intégration de la signification dans le locutionnaire et de la caractérisation par la force de l'illocutionnaire
(problématique qui, rappelons-le, a suscité les plus vives réactions d'ordre philosophique à la pensée d'Austin -voir la note
(22) du présent chapitre) Searle partage en tous points la position de Hare. Pour tous deux , la signification et la force d'une
énonciation sont à ce point liées qu'il s'avère impossibl~, sur la
base de leur disse~lance de fonder une distinction entre les dimensions locutionnaire et illocutionnaire du langage, telle qu'Austin l'établit. Nous verrons plus loin que surgissent cependant des désaccords entre Searle et Hare à propos de la signifi c ation, des actes
de langage et de leurs rapports.
Attardons-nous encore, pour le moment, à la remise en question
searlienne de la distinction d'Austin entre locutionnaire et illocutionnaire. Le traitement que Searle fait subir à la typologie
des actes de langage du philosophe d'Oxford est en effet critiqué
parL. W. Forguson qui soutient que peut et doit @tre maintenue la
distinction entre les deux dimensions de l'énonciation.
Pour ce faire, Forguson tente d'élucider les relat ions, implicites
selon lui chez Austin, entre les trois actes subordonnés de l'acte
locutionnaire. La distinction entre acte phonétique et acte phatique semble aisément repérable: étant donné que le premier se réduit
à une production sonore, la caractérisation du second résulte simplement de l'adjonction à ces sonorités de conventions de langage
("L-conventions" , i.e. le vocabulaire et la grammaire d'une langue)
et d'intentions de langage ("L-intentions", i.e. la volonté du locuteur de communique r au moyen du l a ngage):
"The intentions are the speaker's intentions to
produce noises which conform to ••• L-conventions
in a certain way: his intention to produce a
series of noises which counts as a s entence of
the language.
( .•. )
We may say, then, that a certain phonetic
act constitutes a certain phatic act if and
93
only if (~) the speaker intends to produce a
series of noises conforming to certain linguistic conventions, and (~) the series of noises
he produces actually does so conform , to a
certain minimum degree." Forguson (1 973 ), p. 162.
La distinction entre acte phatique et acte rhétique demande, quant
à elle, de plus subtiles considérations puisque, d'une part, l'acte
phatique relève de la structure de la langue dont une des caractéristiques principales est qu'elle porte la signification et, d'autre
part, qu'Austin a attribué la signification (comprise traditionnellement comme la somme du 'sens' et de la 'référence') à l'acte rhétique.
Forguson propose de qualifier différemment la signification selon
qu'elle est considérée dans l'acte phatique ou dans l'acte rhétique:
elle serait 'déterminable' ("determinable" ) dans le premier et 'déterminée' (determinate") dans le second. C' est-à-dire qu 'au "niveau
phatique, la signification est posée, compte tenu des contraintes
imposées par la structure du langage (le vocabulaire et la grammaire
d'une langue), dans sa virtualité, son extension eu égard aux 'sens'
et 'références' possibles. L'acte phatique contient déjà une détermination de la classe des pos sib ilités de signification de ce qui
est dit.
C'est ainsi qu'un auditeur peut comprendre ce dont . l(en ~
tretient un locuteur sans rien savoir des "réalités" dont les éléments du langage ti ennent lieu (vous me dites "elle est au cinéma"~
je comprends ce dont vous parlez sans avoir à conna:(tre l'individu
féminin qui est "ell e " ni à que l cinéma elle se trouve):
"Every pheme has a certain horizon of 'rhetic acb. .·
potential'. This horizon is determined by the
syntactic, semantic, and phonological character
of the pheme. That is to say, the horizon i s
constituted by the different possible referents
to which the referring express ion of expressions
in the pheme may be used to refer, and by the
different senses the other meaningful components
in the pheme may have; and these are restricted
by the phonological character of the phone which
is the vehicle of the phatic act," Id., p . 163.
Dans l'acte rhétique, le 'sens' et la 'référence' d'une séque nce
langagière sont spécifiés; la signification est alors déterminée.
Parmi toutes ses possibilités, une seule se réalise.
En ce qui a trait à la signification, la distinction entre acte
phatique et acte rhétique consiste en ce que le premier recense
94
des "types " et que le second assigne des "tokens ". La fonction de
l'acte rhétique est de désambiguiser la signification purement grammaticale:
"The rhetic act. .. disambiguates the meaning
of the pheme." Id., p. 164.
Un locuteur effectue, . par l'acte phatique, cette opération au moyen
d'intentions particulières que Forguson appelle, parce qu'elles
portent sur le 'sens' et la 'référence' , des "SR~intentions"; genre
d'intentions plus spécifiques, quant à l eur visée signifiante, que
les L-intentions de l'acte phatique. Forguson en arrive de la sorte
à donner la définition suivante de l'acte rhétique~
" ••. a certain phatic act constitutes a certain
rhetic act if and only if the speaker has certain
more or less definite SR-intentions, functioning
within the horizon constituted by the pheme . "
Id., p. 165.
Un acte phatique est donc le résultat d e l'association d'un acte
phonétique et de L-intentions alors qu'un acte rhétique est obte nu
par l'ajout à un acte phatique de SR-intentions. Tous ces actes
sont des abstractions de l'acte locutionnaire qui est lui-même une
abstraction de l'acte de langage total. Cependant , puisque les actes
constitutifs d e la locution sont subordonnés les uns aux autres dans
une série ordonnée (l'acte phonétique est nécessaire à l'acte phatique
qui est nécessaire à l'acte rhétique), l'acte rhétique est plus abstrait que les deux autres:
" ... the rhetic act is a pure abstraction in a
way the other two ancillary acts ~re not."
Id., p. 166.
.'
C'est en vertu de cette possibilité d'ab straire l'acte rhétique,
c'est-à-dire d e spécifie r la sign ification d'une séque nce de sono~
rités verbales, que Forguson maintient, fac e à Searle, la distinction
entre actes locutionnaire et illocutionnaire. L'objection de Searle
à l'encontre de cette distinction consistait à montrer qu'elle ne
peut être générale puisqu'il y a des cas (partic ulièrement d ans l'emploi des performatifs) où la signification locutionna ire déte rmine la
force illocutionnair e et que, par conséquent, les catégories locutionnaire/illocutionnaire s ' entrecoupent. Forguson réplique à cela que:
95
" ... even whe n meaning and force do not so obviously
'come apart', the distinction between the two speech
acts can still be made. For e ven if there are cas es
in which meaning comple tely determines force, it
isn't the same thing as force.
One can always abs~
tract the act of meaningfully saying '1 promise to
do it' as an ancillary act involved in the performance of the total speech act without having to
draw attention to the fact that saying these words
in the appropriate circumstances counts as the per~
formance of the act of promising to do whatever it
is. Therefore, although it is true that in man y
cases the distinction is a distinction at the level
of abstraction only -and Austi.n does say that 'to
perform a locutionary act is in general ••• also and
eo ipso to perform an illocutionary act' (p . 198)~
the generality of the distinction is not affected.
The distinction would lack generality only if it
were construed as being nothing other than, and
nothing more than, the distinction between the
meaning of an utterance and its for ce . Profe s sor
Searle's discussion of the distinction suggests
that he tends ·to construe the distinction in this
way. But this is surely a misrepresentation of
Austin's views." Id., pp. 172",173.
Plus loin , Forguson ajoute:
"The distinction between meaning and force r--between
the meaning of an utterance and the force of an
utterance- may indeed be less general th an ~he
distinction between locutionar y and illocutionary
acts. But that is a different distinction which
Austin used in order to draw attention ta the
distinction between the two kinds of act. " Id. , p. 174.
L ' argument qu'oppo se Forguson à la critique searlienne d'Austin
est double: première ment, il est possible, d'un point de vue stric.,-·
tement locutionnaire , c'est-à~dire sans tenir compte d e la force
illocutionnaire , d'extraire un acte rhétique d'un acte de langage
total; en second lie u, les distinctions entre actes locutionnaire
et illocutionnaire et entre signification et force ne correspondent
pas, dans la p e nsée d ' Austin , l'une à l'autre, la d e u x ième étant
utilisée pour simplement attirer l 'attention sur la première ,
96
La distinction entre acte locutionnaire et acte illocutionnaire peut
donc être maintenue i du moins Searle n' aura.i t pas réussi à l'ébranler
suffisamment pour qu'elle tombe en désuétude théorique .
Searle n'a pas, jusqu'à maintenant, répondu directement à cette
contre-objection de Forguson. Il semble, cepe ndant possible de
spéculer sur ce que pourrait être une réplique de type searlien.
En ce qui a trait, d'abord, à la bonne interprétation à donner à
la distinction d'Austin entre acte locutionnaire et acte illocutionnaire eu égard à celle entre signification et force, Searle pourrait
faire remarquer qu'en certains passages de How To Do Things With.
Words Austin, quand il cherche à montrer en quoY-les deux actes
diffèrent, en donne comme équivalence (et même comme définition)
la signification d'une part, et la force d'autre part:
"We first distinguished a group of things we do
in saying something, which together we $ummed up
by saying we perform a locutionary act, which is
roughly equiva-lent to uttering a certain sentence
with a certain sense and reference, which again i$
roughly equivalent to 'meaning' in the traditional
sense. Second, we said that we also perform illo,....
cutionary acts such as informing, ordering, warning,
undertaking, etc., i.e. utterance which have a cer~
tain (conventional) force." Austin (1962), p. 109.
Même si ce n'es·t, dans ce passage, que "grossièrement", la signifi '-.
cation est bien présentée par Austin comme équi va ~ . ente à l' acte . lo~
cutionnairei l'acte illocutionnaire est, pour sa part, identifié,
d'une façon plus nette, avec la force d'énonciation. Suivant cette
indication, la très grande majorité des commentateurs d'Austin, nous
l'avons déjà vu, ont d'ailleurs considéré que le fondement de la
distinction entre locutionnaire et illocutionnaire réside dans l'opposition qu'il présente entre la signification et la force d'énonciation.
Quoiqu'il en soit de cette question, Searle pourrait encore arguer
que, tout comme dans sa propre interprétation de la distinction aus~
tinienne, la signification continue de faire problème dans celle de
Forguson. Le vague dans lequel Austin maintient cette problématique,
peut-être légitimement en vertu de ses propres objectifs de rech erche,
manifeste assez bien la difficulté qu 'e lle pose. L'établissement d'une
dimension illocutionnaire de langage doit entraîner, selon Searle, une
conception spécifique de la signification; l'illocution ne demeure pas
97
neutre à l'égard de la problématique d e la signification. Afin de
faire avancer cette question, Searle pense qu'il vaut mieux abandonner la distinction locution na ire jill oc ut ion na ire et chercher à
fonder d'autres catégories du faire langagier. Mettre de côté cette
dichotomie n'équivaut pas à rejeter toutes les idées d'Austin sur ce
qu'il nomme l'acte illocutionnaire mais plutôt à mieux les carac~
tériser et à définir de façon plus précise les différents actes de
langage.
C'est dans cette perspective que Searle pourrait contrer l'argument
fondamental de Forguson; il est peut-être possible, formellement,
d'abstraire un acte locutionnaire rhétique; mais cette abstraction
ne nous apprend rien de nouveau à propos d~ la signification, par~
ticulièrement elle ne nous donne aucune indication relative aux
rapports (de quelque natur e qu'ils soient) entre s ignification et
force illocutionnaire.
(47)
Searle (1975a), p. 345.
(48)
Searle (1968), p. 15-1.
(49)
Id., p. 151.
(50)
Searle,
(51)
Cet aveuglement pourrait également, selon Searle , ~tre une des raisons
pour lesquelles Austin aurait posé la distinction controversée entre
acte locutionnaire et acte illocutionnaire:
(1975a), p. 344.
liA neglect of (the) point (:the illocutionary forces
of utterances may be more or less indeterminate) •.•
seems one possible explanation of why Austin dit not
s e e that the supposedly locutionary verb phrase
'tell someone to do something ', 'say that', lask
whether' are as much illocutionary verb phrases as
'state that', 'order someone toI, or 'promise some~
one that'. They are indeed more general, but that
makes their relation to the more specific verbs
that of g e nus term to species term or determinabl e
term to d e terminate t e rm.
It does not, as Aus tin
seems to suggest (on p. 95), make their d e notation
a different type of act altogethe r." Searle (1968), p. 153.
98
(52)
Searle (1975a), p. 351. Searl e poursuit en donnant l'exemple suivant
d'un verbe ne correspondant pas à un unique acte illocutionnaire:
" ... some verbs, for example, mark the manner in
which an illocutionary act is performed, e.g.,
'announce'. One may announce orders, promises,
and reports, but announcing is not on aIl fours
with ordering, promising, and reporting. Announcing ••. is not the name of a type of illocutionary
act, but of the way in which sorne illocutionary
act is performed. An announcement is never just
an announcement ... An announcement must also be
a statement, order, etc." Searle (1975a), pp. 351,..,352.
(53)
Par exemple le verbe 'intend' (qu 'Austin classe dans la catégorie
familiale des commissifs) (voir Austin (1962 )f p. 158.). Searle,.
quant à lui, nous dit à ce propos;
"Take 'intend': it is clearly not performative.
Saying 'I intend' is not intending~ nor in the
third person does it name an illocutiona.ry act,
'He intended ... ' does not report a speech act.
Of course there is an illocutionary act of ex-·
pressing an int~~tiont but the illocutionary
verb phrase is ' express an intention', not
'intend'. Intending is never a speech acti
expressing an intention usually, but not al~
ways, is." Searle Cl975al, p. 352,
(54)
" ••. there is a great d eal of overlap from on e category to another
and a great deal of heterogenei ty wi thin sorne of the categories .. "
Id., p. 352. Par exemple le verbe 'describe' figure à la fois dans
la liste des verdictifs et des expositifs (voir Austin (1962), pp.
153 et 162). Il est à noter que non seulement Austin est conscient
de l'hétérogénéité de sa classification mais aussi qu'il ne la con ~
çoit pas autrement: " . •. general families of related and overlapping
speech acts •.. " Austin (19 62 ), p. 150, Ce qui est en jeu dans la
présente critique de Searle c'est la possibilité même d'une distinc ,"",
tion catégorique des actes illocutionnaires de langage, c'est-à...,
dire l'établissement d'un degré minimum de différentiation entre
divers types d'actes. Ne concevoir que des "familles" d'actes et
donc admettre leurs entrecroisements, comme le fait Austin, équivaut,
selon Searle, à vider la classi fica tion de ses conséquences théoriques
les plus importantes et à diluer la dimension illocutionnaire de
l'énonciation dans une vague imprécision.
99
(55)
" ... Austin lists 'dare', 'defy', and 'challenge'
alongside 'thank', 'apologiz e ', 'deplore', and
'welcome' as b e habitive s. But 'dare', 'd e fy' (
and 'challenge' have to do with th e h earer's
subsequent actionsi the y belong with 'order',
'command', and 'forbid' both on syntactical
and semantic grounds...
But when we look
for the family that includes 'order'( 'com~
mand', and 'urge', we f ind these are li sted
as exercitives alongside 'veto', 'hire'( and
'demote'. But these ... are in two quite dis~
tinct categories." Searle (1975a), p, 353.
(56)
" • . . nominating, appointing, a nd excommunicati ngare not the 'giving of a d e cision in ~avor of
or against a certain course of action!, much
less are they 'advocating' it. Rathe r they
are, as Austin himself might have s aid, per for':'"'l
mances of these actions, not advocacies of
anything. " Id ., p. 353 .
(57)
Id., p. 354.
(58)
Searle renvoie aux textes suivants de c e s auteurs~ G. Ryle, The
concept of . Mindi Benjamin, B. S.( "Reme mbering" { Wittgenstei~ "
Philosophical Investigations.
(59)
Searle (1969b), p. 208. C'est c e t te thè se que Searle appelle l e
sophisme de l'assertion. Elle consiste à attr ibu·; r à des concepts
des présuppositions d'app lica tion relativ es à l a situ at i on s u r laquelle ils porte nt alor s que ces présupposi tion s a ur a ient plutôt
trait à l'acte d'assertion. Comme nous l ' avons déjà souligné, cette
erreur serait l'une des principales carences de l'approche 'utiliste'
de la philosophie du langage qui, à défaut d e reposer sur une théorie
cohérente, serait réduite à n e compter qu e s ur de s s log ans d'ordre
géné ral. Le sop hisme d e l'assert ion serait l e fruit d e l a considération non critique du slogan 'Mean ing I s Use;.
(60)
Searle (1969b), p. 210. On aura compris que, tout comme l A-word'
renvoie à un mot qui exige d e s conditions particulières d'application, l'expres sion 'A-condition' réf è re à un e conditio n de ce type .
100
(61)
Searle (1969b) , p. 210.
(62)
Id., p. 211.
(63)
Id., p. 211.
(64)
Id. , p. 212.
(65 )
Id., p. 212.
(66)
Id., p. 212.
(67)
Searle (1969a), pp. 145-146.
(68)
si les conditions examinées par Austin rel~v e b ien de l(acte
d ' assertion et non de l'application de concepts, le s cinq remarques préliminaires formulées par Searle à propos de la thèse
austinienne devraient pouvoir être explicitées. Searle fournit
effectivement une telle explicitation:
"(1 ) and ( 2) The point being about assertions
in general is not confined to a certain class
o f words or a certain subject matter or to assertions about a certain subject matter.
(3) Since the opposite of a standard condition
is non-standard, no A-condition is required for
t he utterance of the negation of an A-sentence .
A-sentences mark standard situations; their
negations do not e
(4) An A-condition is in general a reason for
supposing the negation of the A-sentence to be
true, because in general only where the re is
sorne reason for supposing a standard situation
might have been non-standard is there any point
to asserting that it is standard.
(5) Obviously, no s e t of words (except words
like ' standard') can invariably mark standard
conditions . For what is standard will depend
101
on variety of facts about people's culture
and habits as well as about their language.
It is possible to imagine a culture where
it is non-standard to buy cars v o luntarily ."
Searle (1969b), p. 213.
D'autre part, comme nous en avons déjà rendu compte, S. Cavell a
ajouté une dimension à la thèse d'Austin relative à la modifica~
tion et à l'aberration: cette derniére est soit réelle, soit imaginée par les interlocuteurs-auditeurs d'une situation de discours.
Searle croit qu'en faisant relever les conditions de l'acte d'assertion on devient en mesure d'expliquer ce double trait de l'aberration:
"We are now in a position to s ee the point of
Cavell's saying that the abe rration can be
real or imagined. An assertion will have a
point both in cases where there is a good
reason for supposing . it might have been false
and in cases where there i s no good reason,
but where peo~le merely believe there is a
good reason. Thus, to someone who thinks
l was dragged to the meeting there is a point
in saying, 'Searle came here of his own free
will', whether his reasons for thinking l was
dragged are good reasons or bad reasons."
Id., p. 213.
(69)
.'
Le traitement que donne Searle de la thèse sur le langage d'Austin
exprimée par le slogan 'No modification without aherration' est mis
en question par Allan R. White qu i s'interroge d'abord sur le statut
de la critique searlienne:
"In Searle's account it is not altugether clear
whether he wishes to argue (i) that Austin and
the others did inde ed hold Austin's Thesis,
but that, since it is a mi staken thesis, they
ought to have held Searle ' s Thesis, or (ii)
that the thesis which Austin and the others
held is really not what they thought it was
but is, indeed, the one held by Searle."
White (1969), p. 220.
102
Quoiqu'il en soit de cette question, White prétend, pour sa part,
que les thèses défendues par Austin et Searle sont complètement
différentes et que celle d'Austin demeure tout à fait correcte.
La thèse d'Austin relative à la conditionnalité d'application de s
concepts portés par des expressions linguistiques e t la thès e de
Searle à propos de la conditionnalité de l'énonciation assertive
porteraient sur la même dimension du langage, à savoir ce qui est
implicitement sous~entendu (sans être explicitement mentionné)
dans la profération d'une séquence langagière.
Cependant, aux
yeux de White, les deux thèses traiteraient de cette même matièr '2
de points de vue différents:
"Austin's Thesis and Searle's Thesis are two quite
distinct interpretations of 'mentioning the unmentionable' .
Searle 's is a pragmatic objection
to mentioning what is not worth mentioning; Austin's
is a logical objection to mentioning what cannot be
mentioned. Il Id., p. 219.
La différence entre les thèses d ' Aust in et de Searle serait ainsi
d'ordre épistémologique; présentées par White sous des points de
vue respectivement pragmatique et logique, lesquels demeurent
séparés par un fossé théorique infranchissable, les deux thèses
ne pourraient en aucune façon être mises en relation.
Il y aurait,
en effet, une différence entre •.•
" .•• saying (~) an applicability condition for a
remark is just a reason for supposing the remark
might (empirically) have been false and saying
(b) an applicability condition for a remark is
j~st a reason for supposing the remark could
(logically) have been false.
(~) is Searle' s
Thesis, while Austin's Thesis is (È.)."
Id., pp. 224-225.
Etablissant de la sorte une différence de portée entre les deux
thèses, \{hite en déduit que la tentative de Searle de subsumer
les conditions d'emploi découvertes par Austin à l 'occasion de
l'étude des formulations d'excuses sous la conditionnalité générale de la production de l'assertion est théoriquement illégitime
et ne réussit pas à ébranler la thèse austinienne qui demeure
correcte.
103
Ce qui, selon White, rend exacte la thèse d'Austin exprimée par le
slogan 'No modification without aberration' c'est son rapport à la
signification linguistique:
"Aust'i n' s Thesis is that it would not make sense
to use certain words when certain circumstances
do not obtain and, therefore, that by using them
we would not then say anything which ,.,as ei ther
true ~ faIse." · Id., p. 222.
Les conditions d'application d'un concept entretiennent une relation
logique avec la signification de ce concept; leur continuum logique
les fait se présupposer réciproquement. Une séquence langagière est
ainsi dite signifiante si les conditions d'application des concepts
qu'elle comporte sont respectées. Dans la perspective particulière
d'Austin, cela revient à dire, qu'à moins que ne soit opéré un déplacement de la normalité à l'aberration, il est impossible d'employer
de façon signifiante des expressions modifiant la séquence primitive
puisque le concept de telles expressions exige cette aberration.
D'après White, la concomitance entre les conditions d'application
d'un concept et sa signification relève de la nature même . du concept
qu'il définit comme étant l'ensemble des relations qu'il entretient
avec les autres concepts:
"The correctness of Austin's Thesis follows from
the nature of a concept. A particular concept is
what it is because it has certain relations to
other concepts and it has these relations because
it is what it is." Id., p. 222.
(Remarquons au passage l'analogie entre cette définition du concept
donnée par White et la définition saussurienne du signe linguistique.
Positivement, un concept, selon White, est l'ensemble de ses relations
avec les autres concepts; négativement, Saussure définit le signe par
ce qu'il n'est pas:
"Dans la langue, comme dans tout système sémiologique,
ce qui distingue un signe, voilà tout ce qui le constitue. C'est la différence qui fait le caractère,
comme elle fait la valeur et l'unité." Saussure (1916)
p. 168.
104
Tous les deux, dans un sens opposé, caractérisent, l'un le concept,
l'autre le signe lingui stique, exclusivement par le système d ans
lequel ils prennent place).
Si, donc, le contenu d'un concept est déterminé par ses relations
avec d'autres concepts, l'absence totale dans une phrase comprenant
un concept quelconque, d'expressions relatives à ses relations avec
d'autres concepts a pour conséquence que son emploi est indu et que
la phrase est non-signifiante. En d'autres termes, si dans une
phrase, sont joints deux concepts qui ne sont pas en relation l'un avec
l'autre, alors la séquence langagière n'a pas de signification. Par
exemple ...
" ••• in no circumstances would it mak2 sense to say,
nor would it be true or false, that someone knew
the date of the Battle of Waterloo, f ound a half~
crown, or became ill, carefully or careless l y, inadvertently or intentionally. The concepts of care,
intention, etc., can n e ver go with t he c oncepts of
knowledge, discovery, and becoming ill . Consequently
the very senténce 'He knew carefully the date of the
Battle of Waterloo' is meaningless .." White (1969), p. 222,
Ainsi, la signification d'une phrase dépend, selon White, principa~
lement des relations que les concepts qu'elle exprime entretiennent
les uns avec les autres.
(White ajoute d'autres considérations relatives à cette thèse qui sont impertinentes à notre présent propos;
pour cette raison, nous n'en rendons pas compte).
Il Y aurait ainsi impossibilité log ique de mentionner ce qui ne peut
être mentionné. C'est, de l'avis de White, précisément cette idée
qu'Austin aurait voulu défendre au moyen du slogan 'No modification
without aberration' et que Searle aurait mésinterprétée en la confondant avec la sienne propre relative aux conditions de production
de l'assertion.
Comme en ce qui a trait à la critique que formule Forguson à l'encontre de son opposition à l'égard de la distinction austinienne
entre locution et illocution, Searle n'a pas, jusqu 'à maintenant
du moins, présenté de réponse directe à l' obj ection que fai t ~fui te
à sa critique de la thèse mise d e l'avant par l e slogan austinien.
Il fournit cependant un certain nombre d'indicat ions sur ce que
pourrait être une telle réponse.
105
Il importe d'abord de rappe ler que Searle n e nie absolument pas
qu'il y ait de s conditions d'application des concepts :
" •.• 1 am not saying there are no conditions of
applicability at aIl for such terms as 'voluntary', 'intentional', 'of one's own free will',
etc., that any of these can be sensibly applied
to any action •.. " Searle (1969b), p. 215.
Ceci étant admis, la thèse que Searle défend, eu égard au slogan
d'Austin, est que les conditions relatives à la modification constituent non pas de telles conditions d'application de concepts
mais des conditions de l'énonciation assertive:
" ••• 1 am saying that the s orts of condition s ex~
pressed in Austin 's slogan 'no modification without
aberration' are not conditions of application of .• •
concepts, but rather are conditions for making as ~
sertions in general." I d ., p. 215.
La première remarque que White formule à l'égard de la position de
Searle consistant à demander si elle opère un virage théorique important par rapport à la thèse d'Austin ou si elle n'en est qu'une
traduction plus précise est donc sans objet.
Il ne fait pas de
doute, aux yeux de Searle, que sa thèse élimine et remplace la
thèse d'Austin:
"1 am only attempting to show he re that Aust i n' s
general statement -no modification without abe r~
ration- is in error, that other instances of the
same assertion fallacy -such as Ryle's- are in
error. •• " Searle tl969a), p. 150.
Très clairement donc, Searle considère que la thèse sur le langage
impliquée dans le slogan austinien (i.e. que la modification, eu
égard à l'aberration, relève des conditions d!application des con~
cepts) est fausse et que la sienne propre (i.e. que les conditions
de modification ont trait à la production d e l'assertion) est vraie.
Les deux thèses cherchent à rendre compte des mêmes données; celle
de Searle réussit où celle d'Austin a échoué parce qu'elle a de plus
grandes qualités explicatives qu e cette dernière:
106
"Both sides agree on the existence of certain
data, data of the form: It would be odd or
impermissible to say such and such except u nder certain condition s . But the r e i s a di sa greement about the explanation of the data.
l say the data are to be explained in terms
of what, in general, is involved in making
an assertion. The view l am attacking says
the data are to be explained in terms of the
applicability of certain concepts. So far
the claims l can make for my account are
greater simplicity, generality and perhaps
plausibility." Searle (1969b), p. 214.
Par ailleurs, cherchant à défendre le point d e vue du philosophe
d'Oxford, White caractérise les positions d'Austin et de Searle
d'une façon qu'il vaut la peine de souligner.
Selon White, la
thèse d'Austin relèverait d'un ordre logique et celle de Sea.rle
d'un ordre pragmatique. Ce dernier marquerait la contingence
" ••. mentioning what is not worth mentioning"." White (1969),
p. 219) et l'empiricité~ • • • a rea s o n for supposin g the remark
might (empirically ) 'have been false ••• " Id., p. 225 ) alors que
l'ordre logique serait celui de la contrainte l" •.. mentioning
what cannot be mentioned." Id., p. 217; " ••• a reason :f;or su,pposing the remark could (logically) have been false," Id., p. 225).
Cette double caractérisation peut laisser penser que la thèse de
Searle implique que l'assertion ne subit aucune contrainte ou
n'exige aucune condition de production. Ce n'est évidemment pas le
cas; la thèse de Searle stipule que les conditions relatives à la
modification sont des conditions de l'énonciation assertive.
En
anticipant quelque peu sur la théorie des actes de langage de
Searle, précisons immédiatement que, selon lui, l 'assertion est un
acte de langage dont la performance requiert que soient remplies
certaines conditions:
" ... just as l can only make a promise or issue a
warning under certain conditions, so l can only
make assertions under certain conditions. (. •. )
•.• 1 can only make an assertion i f there is sorne
reason for supposing the state of affairs asser ~
ted to obtain is worthy of note or in sorne respect
remarkable. " Searle (l969b), pp. 216-217.
Ces remarques préliminaires étant faites, il convient maintenant de
tenter de cerner l'enjeu théorique de la confrontation entre Whit~
et Searle relativement au slogan austinien. Dans ce débat, la
107
stratégie de white consiste, en s ' appuyant sur i'idée que la signification d'une phrase dépend du réseau des relations positives
que les concepts qu'elle comporte entretiennent, à fournir l ' exemple d'une phrase contenant un élément modificateur dont la carence
de signification est plus aisément explicable par la thèse d'Austin
que par celle de Searle.
Il semble, en effet, que ce qui fait problème dans la phrase "He knew carefully the date of the Battle of
Waterloo" relève des conditions d!application du concept exprimé
par l'adverbe 'carefully' qui l'empêcheraient d'être mis en rela.-·
tion avec le concept exprimé par 'knew'. Aux yeux de White, une
phrase semblable constitue donc un contre-exemple à la thès~ de
Searle et à sa critique de celle d'Austin.
La question qui alors se pose, nonobstant ce que Searle aurait à
dire à propos de la conception de la signification de White, est
de savoir comment il considérerait une telle phrase . Reconsidérons,
pour y répondre, une remarque que Searle avait formulé à l'égard de
la thèse austinienne. Selon lui, la négation des phrases comportant
des éléments modificateurs donnent lieu à de nouvelles phrases qui,
contrairement aux premières, n'ont pas trait à une situation aberrante , sont fausses et ont donc du sens. Searle déduit de cette
considération que lés phrases avec éléments modificateurs sont
elles-mêmes vraies et ont donc du sens:
"In standard or normal conditions there is nothinçr
nonsensical about such statements ('1 didn'tbuy
my car volontarily', '1 was forced to'; '1 don't
remember my own name'); they are just false, for
it is theirfalsity which renders the situation
standard or normal in the relevant respects.
But then, if they are false, are not their denials
true?" Searle (1969a), p . 145.
Bref, selon Searle, les phrases comportant des éléments modificateurs
n'en ont pas moins une signification. Au contraire, la phrase analysée par White n'a manifestement pas de signification. White admet
lui-même ce fait qui peut d'ailleurs être dégagé par le traitement
appliqué par Searle aux phrases contenant des expressions modificatrices. En effet, la négation de la phrase "He knew carefully the
date of the Battle of Waterloo" (qu'elle soit, comme dans les exemples de Searle, obtenue par la négation du verbe et soit ainsi "He
did not know carefully the date of the Battle of Waterloo" ou selon
la perspective de ~fuite, par la négation de l'adverbe et soit alors
"He knew carelessly the date of the Battle of Waterloo") ne peut pas,
relativement à une situation normale, être dite fausse; elle n'a donc
pas de signification. Contrairement donc aux exemples étudiés par
108
Searle, il s'avère impossible d'établir, au moyen de l'opération
portant sur la négation des phrases ayant un élément modificateur,
que la phrase de l'exemple de White a une signification.
En vertu de cette différence de nature entre ses propres exemples
et celui de White, Searle pourrait minimalement s outenir que leur
thèse respective n'ont pas le même objet et qu'ainsi celle de White
ne peut prétendre contrer la sienne propre. Car, ne considérant
que le cas d'une phrase comportant un modificateur qui n'a pas de
signification, White n'a rien à dire à propos des phrases du même
genre qui ont une signification, cas sur lequel porte la thèse
searlienne relative à des conditions de production de l'assertion.
De façon plus forte, Searle pourrait, d'autre part, éventuellement
prétendre que, la signification étant indispensable ~ une phrase
pour qu'elle soit dite modi f iée par rapport à une autre phrase,
l'exemple de White ne concerne en aucune façon la problématique de
la modification d'un verbe par une autre expression de langage .
Dans cette perspective, ce serait justement parce que l'adverbe
'carefully' ne modifie pas le verbe 'knew' mais lui est tout à
impertinent que la phrase 'He knew carefully • •• 11 n'a pas de si ...·
gnification. Searle admet que les concepts tombent sous le coup
de conditions particulières d'application; il pourrait ainsi être
d'accord avec l'analyse de White tout en affirmant qu'elle est
étrangère à la problématique de la modification .
Il Y aurait ainsi lieu de nettement distinguer deux problématiques;
celle de la signification déterminée par les relations que les con~
cepts entretiennent les uns avec les autres et celle de la modification. L'erreur d'Austin, répétée par White, consisterait à ne
pas concevoir cette distinction. La modification présuppose la
signification mais doit être ultimement expliquée par les conditions
de production de l'assertion .
CHAPITRE QUATRIEME
LA THEORIE DES ACTES DE LANGAGE DE SEARLE
La théorie des actes de langage de Searle comporte trois lign e s de
force ordonnées
à
l'hypothèse voulant que parler c'est adopter une forme
de comportement régie par des règles.
Comme il en a déjà été rendu comp te,
cette hypothèse telle qu'elle est examinée par Searle, prend la forme de
deux propositions.
conduit
à
La proposition l -le langage constitue une activité-
une répartition des différents actes de langage de laquelle est
déduite une distinction entre contenu propositionnel et force illocutionnaire.
à
Sur la base de la proposition 2 - l'activité langagière est soumise
une réglementation stricte- p e ut , par a ille urs, être établie une c a r a c-
térisation des conditions de performance des actes complets de langage qui
permet de dégager des critères de classification des actes illocutionnaires (1) .
.-
A - La répartition searlienne des actes de langage
En faisant valoir la possibilité et non la néc e s s ité d'ainsi procéder
et tout en reconnaissant les difficultés qui peuvent se poser dans l'éta~
110
blissement d'une telle répartition pour une séquence langagière donnée,
Searle propose de subdiviser les actes de langage en quatre catégories.
En parlant, un locuteur
a)
prononce des morphèmes, des mots, des suites de mots~ il performe
un acte d' énonciationi.
b)
réfère et prédique: il performe un acte propositionnel q
c)
affirme, ordonne, promet, etc . : il performe un acte illocutionnaire1
d)
peut produire certains effets (convaincre, effrayer, etc.); il performe
alors un acte perlocutionnaire (2).
Comparativement
à la typologie d'Austin, la répartition searlienne
des actes de langage fait passer leur nombre de trQis à quatre.
Malgré
cet ajout, les catégories illocutionnaire et perlocutionnaire conservent,
chez searle, la même détermination que l eur avait pr~tée Austin.
C'est-à-
dire que l'acte illocutionnaire consiste toujours en ce qui est fait en
parlant et l'acte perlocutionnaire e n c e qui est r éalisé ou atteint
par le fait de parler.
Eu égard
à la classification austinienne, Searle
introduit donc deux nouvelles catégories d'actes de langage: les actes
d'énonciation et les actes propositionnels.
On se souviendra que Searle
rejette la distinction austinienne entre a cte locutionnaire et acte illo-·
cutionnairei en conséquence de quoi il abandonne la catégorie des actes
locutionnaires.
Ces derniers, selon Austin, se divisaient en actes phoné-
tique, phatique et rhétique.
L'auteur d e How To ~ Things With : Words
111
donnait du sous-acte rhétique une définition intentionn e llement vague le
faisant correspondre
à ce qui était traditionnellement compris par les
termes de sens et référence.
C'est précisément la mise en cause de cette
détermination de la dimension rhétique qui amène Searle
locutionnaire austinien.
fait
à rejeter l'acte
L'acte d'énonciation de Searle correspond en
à l'acte locutionnaire d'Austin duquel serait exclu le sous-acte
rhétique.
Il demeure ainsi susceptible d'une subdivision en sous-acte
différents; Searle ne souligne,
à c et égard, que les sous-actes phonétique
et morphématique.
Searle élève, par ailleurs, au rang d'une catégorie spécifique
d'actes de langage la référence et la prédicatio n qui, selon lui, constituent des actes propositionne ls.
Une partie du sous-acte rhétique austi-
nien, la référence est ainsi prise en charge dans la répartition searlienne
des actes de langage.
Quant au deuxième constituant du sous-acte rhétique
austinien, . le sens, il n'est pas identifié, chez Searle,
à une catégorie
spécifique d'actes de langage.
Par rapport
à la typologie austinienne des actes de langage, la ré-
partition searlienne procède
à trois opérations successives: la conservation
intégrale des catégories illocutionnaire et perlocutionnaire; l'exclusion
du ~ous-acte rhétique de la dimension locutionnaire, dont les constituants
restants forment maintenant la catégorie des actes d'énonciation; la prise
en charge d'une partie du sous-acte rhétique austinien , la référence, qui,
accompagnée de la prédication constitue, la nouvelle catégorie des actes
112
propositionnels d e langage.
Visualisons, au moyen du schéma qui suit,
les rapport entre la typologie d'Austin et la répartition de Searle d e s
actes de langage.
Austin
Searle
acte locutionnaire .•...•.....•.•.......•... (abandonné)
- sous-acte phono log ique. . . . • . . . . . • . . .
d' '
..
.
: acte
enonc1.at1.on
- sous-acte phat1.que .•.•.•.......•....
- sous-acte rhétique •...•...••..•...• :une partie, la référence t la
prédication ~ acte propositionnel
acte illocutionnaire •••.•••••...•...••..•.. acte illocutionnaire
acte perlocutionnaire ....•.•.•.....•.•..•.. acte perlocutionnaire
C'est essentiellement afin de corriger l a distincti on erronée d'Austin
entre les actes locutionnaire et illocutionnaire que Searle propose cette
nouvelle répartition des différents aspects du faire langagier: le déplacement au sein d'une nouvelle catégorie (celle des actes propositionnels) de
ce qui (en partie tout au moins) faisait problème dans la caractérisation
austinienne du locutionnaire relativement à sa démarcation à l!égard de
l'illocutionnaire lui permet de mieux di s tinguer cette dernière catégorie
des autres dimensions de la performance langagière.
La répartition searlienne des actes de langage est articulée; c,està-dire que les différents types d'actes ne se démarquent pas isolément les
uns des autres mais s'organisent en une totalité structurée.
L'acte illo-
cutionnaire constitue le maillon central de cet arrangement systémique.
Ce qui implique que c'est sur la base de la détermination de l'acte illocutionnaire que les autres actes de langage ont à être caractérisés et que
113
peuvent être examinées les diverses relations entre les différents types
d'actes qui forment le système du faire langagier.
De façon générale, on
peut dire que la performance d'un acte illocutionnaire s'appuie sur la
production d'un acte d'énonciation, est facultativement (selon Searle)
accompagnée de la performance d'un acte propositionnel et constitue le
lieu d'implantation de l'excroissance perlocutionnaire.
Eu égard
à une situation de discours, l'acte perlocutionnaire se
particularise de deux façons.
Il a d'abord un caractère de contingence:
l'énonciation de séquences verbales n'entraîne pas nécessairement des
conséquences ou des effets spécifiques d'ordre perlocutionnaire propres
à
cette énonciation.
La production d'un acte illocutionnaire peut, dans
une visée intentionnelle, servir diverses fins perlocutionnaires; d'autre
part, ces effets demeurent incontrôlables et leur atteinte n'est jamais
assurée (un locuteur peut par exemple tenter, par une énonciation donnée,
d'effrayer son auditeur sans y parvenir; il peut, par ailleurs, arriver
que cet effet se produise sans que le locuteur l'ait recherché).
Deuxiè-
mement, l'acte perlocutionnaire n'est pas, totalement du moins, d'ordre
linguistique.
Searle nous dit qu'il a trait aux actions , aux pensées et
aux croyances des interlocuteurs (3), toutes choses qui sans être étrangères
au langage n'en sont pas d es constituants propres.
Un acte perlocutionnaire
trouve diverses voies de réalisation dont, entre autres, celle du langage.
Auquel cas, il se greffe, selon des modalités qui semblent très floues,
à
l'acte illocutionnaire de langage qui alors en constitue le milieu d'émergence (4).
114
Les rapports entre l'acte illocutionnaire et l'acte d'énonciation
sont de l'ordre de ceux qui peuvent être é tablis entre une opération e t
l'instrument "matériel" qui la sert.
L'acte d'énonciation constitue la
matière première avec laquelle ou sur la base de laquelle peut "être performé un acte illocutionnaire de langage; le premier est ainsi indispensable
à la production du second.
Searle souligne quatre aspects relatifs
à la liaison entre acte d'énonciation et acte illocutionnaire: effectuer
un acte illocutionnaire c'est par le fait même également produire un acte
d'énonciation (faire une promesse, c'est, entre autres choses , prononcer
un certain nombre de mots); la production d'un acte d'énonciation n'entraîne pas nécessairement la performance d'un acte illocutionnaire (il est pos~
sible de prononcer une sui~e d e morph~mes, de mots ou de phrases sans que
cela consiste
à effectuer une promesse ou tout autre acte illocutionnaire);
. un même acte illocutionnaire peut être produit au moyen de différents actes
d'énonciation (il est possible d'effectuer une promesse en prononçant différents mots et différentes phrases); un même acte d'énonciation peut servir
à la production d'actes illocutionnaires différents (par exemple, l ' énon-
ciation de la phrase "Je demande ... " peut être employée pour performer un
acte de demande, d'ordre, etc).
En somme, l'acte d'énonciation constitue
une condition n écessaire mais non suffisante
à la performance d'un acte
illocutionnaire de langage.
Exactement le même genre de relation peut être établi entre l'acte
d'énonciation et l'acte propositionnel .
produit, sans s'y réduire,
à
C'est dire que le second est
partir du premier.
Ainsi, effectuer un acte
115
propositionnel nécessite simultanément la production d'un acte d'énonciation; la production de ce dernier n'implique pas la performance d'un
acte propositionnel; un même acte propositionnel peut être produit par
différents actes d'énonciation; un même acte d'énonciation peut servir
à la performance de plusieurs actes propositionnels différents.
L'acte illocutionnaire et l'acte propositionnel entretiennent
donc des relations tout
à fait semblables avec l'acte d'énonciation.
Par ailleurs, on retrouve deux des quatre aspects de ce dernier rapport dan s celui qu'entretiennent entre eux l'acte illocutionnaire
et l'acte propositionnel.
Ainsi, d'après Searle, un même acte illo-
cutionnaire peut être performé par différents actes propositionnels
et un même acte propositionnel peut être commun à différents actes
illocutionnaires.
Cependant, contrairement à la possibilité-de produi-
re un acte d'énonciation sans que soit par le fait même performé un acte
propositionnel ou un acte illocutionnaire, il demeure tout à fait impossible de produire uniquement un acte propositionnel:
"Propositional acts cannot occur alone; that is
one cannot just refer and predicate without making an assertion or asking a question or performing sorne other illocutionary act." (5)
Les actes de référence et de prédication s'effectuent à l'intérieur
d'actes complets illocutionnaires de l angage ; produire un acte propositionnel, c'est toujours par le fait même simultanément performer un
acte illocutionnaire.
la difficulté suivante:
(Soulignons, relativement à cette thèse de Searle,
un locuteur peut ne pas réussir à performer avec
116
succès un acte illocutionnaire; en supposant que dans sa tentative il
réfère et prédique , que doit-on alors dire de la nécessité que son acte
propositionnel soit accompli dans la performance, ici non réussie, d'un
acte illocutionnaire?)
D'autre part, même si, toujours d'après Searle, un acte propositionnel accompagne, dans la plupart des cas, un acte illocutionnaire, le
premier n'est pas nécessaire
à la performance du second.
Il existerait,
en effet , des actes illocutionnaires n'ayant pas de contenu propositionnel:
"Of course not aIl illocutionary acts have a
propositional content, for example , an utterance of 'Hurrah' does not, nor does 'Ouch '."
(6)
Ainsi, la présence d'un acte propositionnel dans la performance illocutionnaire, bien que très souvent reconnu d'un point de vue contingent,
n'en serait pas un trait essentiel et nécessaire (7).
La théorie searlienne du faire langagier, négligeant les dimensions
énonciative et perlocutionnaire, accorde la plus grande importance aux
actes propositionnel et illocutionnaire; elle pose également une distinction tranchée entre la nature de la proposi.tion et celle de l'illocution.
B - La distinction entre contenu propositionnel et force illocutionnaire
Sur la base de sa répartition des actes de langage et plus spécifiquement du rapport entre les actes propositionnel et illocutionnaire, Searle
établit une distinction entre le contenu propositionnel et la force illocutionnaire des énonciations.
Deux actes illocutionnaires peuvent contenir
117
la même référence e t la même prédication - e t donc l e même ac te propositionn e l-; un e seule proposition est alors expr imée dans les deux performanc es illocutionnaires .
Il impqrte donc d e distinguer la proposition de
la forc e illocutionnaire dans laque lle elle es t exprimée.
Parmi les différents types d'actes illocutionnaires figurent l'asser~
tion et l'affirmation.
En vertu de la distinction générale entre contenu
propositionnel et force illocutionnaire, il faut di fférencier la proposition
de l'assertion et de l'affirmation :
" ... a proposition is to be sharply distinguished
from an assertion ~ statement of it, •.. stating
and asserting are acts, but proposi tions are not
acts. A proposition is what is asserted in the
act of asserting, what is stated in the act of
stating. The same point in a different way~ an
assertion is a (very special kind of) commitment
to the truth of a proposition." (8)
Une proposition, telle qu'ainsi caractérisée, ne constitue pas un acte
de langage; c'est plutôt l'expression de la proposition qui ,
ment parler, re.lève du faire langagier .
à propre-
~ earle fait , p ar ailleurs, remar-
quer que ce n'est pas une séquence langagière qui exprime une proposit ion;
l'acte d'expression d'une proposition est l'oeuvre d'un locuteur qui,
à
cette fin, énonce une suite de mots ou d e phrases.
Selon Searle, la distinction entre contenu propositionnel et force
illocutionnaire se réflète jusque dans la structure syntaxique d es énoncés
d'où peuvent être extraits un marqueur d e force illocutionnaire et un marqueur
propositionnel qu'il symbolise de la façon suivante: F(p).
La variable F
118
exprime une force illocutionnaire et sa place peut être occupée par
divers marqueurs de force illocutionnaire
(!-
question, ! pour la demande, etc); le
entre parenthèses symbolise,
p
pour l'assertion, ? pour la
quant à lui, les expressions qui peuvent tenir lieu de contenu propositionnel des actes de langage complets.
Cette distinction entre marqueur
de force illocutionnaire et marqueur propositionnel fait voir la différence
entre la négation illocutionnaire et la négation propositionnelle.~F(p)
représente la première ("Je ne promets pas de venir") alors que F(-p) représente la négation propositionnelle
naire ("Je promets de ne pas venir")
à l'intérieur d'un acte illocution(9).
C - La typologie searlienne des actes illocutionnaires
Tout comme Austin avait tenté de le faire, Searle cherche à classifier
en différents types les actes illocutionnaires de langage.
philosophe d'Oxford
Contrairement au
à qui il reproche de procéder trop intuitivement dans
cette entreprise, Searle fait reposer son projet classificatoire sur une
caractérisation différentielle de la dime~sion illocutionnaire.
2 de son hypothèse de base lui sert,
La proposition
à cet égard, de point de départ: si, en
effet, l'activité langagière est soumise
à une réglementation spécifique, il
devient possible de dégager les conditions de la performance illocutionnaire.
L'établissement de ces conditions permet, d'une part, d'extraire des règles
particulières d'emploi des différents marqueurs de force illocutionnaire et,
d'autre part, de mettre au jour une série de critères à partir desquels peut
être construite une typologie des actes illocutionnaires de langage (10).
119
l - Un réseau de conditions relatives ~ la performance illocutionnaire
Searle dégage cinq catégories de conditions régissant la performance
illocutionnaire.
a)
Des conditions d ' ordre général.
Communes
à tous les actes illocution-
naires , ces conditions concernent d'abord la situation de discours .
Elles
assurent , par exemple , que l es interlocuteurs sont en état physique normal
de communication et que cette dernière n'est pas feinte (comme dans une
o euvre de fiction ) mais bien "réelle".
également trait
Des conditions du même genre ont
à l ' association entre la" dimension sémantique de la langue
utilisée par les interlocuteurs et l'effet illocutionnaire produit par leur
emplo i de cet te même langue-.
(Comme ces conditions dérivent de la concep-
t ion searlienne de l a "signification linguistique et que leur étude n'est
pas indispensable au présent propos, nous reportons toute la question en
2) •
b)
Des conditions de contenu propositionnel.
Ces conditions d ' un deuxième
type établissent des spécifications quant au contenu propositionnel d ' un acte
illocu tionnaire d onné .
Par exemple , dans un acte de promesse , est prédiquée
une action futu re devant être effectuée par le locuteur ; dans le cas d ' un
acte de demande , l ' action future prédiquée est
à être accomplie par l'audi-
t eur .
c)
Des conditions préparatoires .
Par ces conditions , sont déterminées les
attitudes des interlocuteurs relativement à la pertinence de la performance
120
d ' un acte illocutionnaire.
Ainsi , dans un acte de promesse, il n ' est pas
évident pour les interlocuteurs que le locuteur accomplirait de toute façon l ' action qu ' il s ' engage
sement de cette action
à effectuer et l'auditeur préfère l ' accomplis-
à son non-accomplissement; dans le cas d'un acte de
poser une question, il n ' est pas évident pour les interlocuteurs que l'information fournie par la réponse serait livrée sans que la question soit
posée.
d)
Des conditions de sincé rité.
Ces conditions spécifient que les actes
illocutionnaires ne s'effectuent pas
à vide; elles font voir à la fois le s
raisons et motivations de leur performance et ce
à quoi ils introduisent.
En promettant, un locuteur a l'intention d 'accomplir l'action future qu'il
prédique
à son propre égard; en demandant quelque chose, un locuteur
mani~
feste son désir que l'auditeur effectue l'action qu!il prédique.
e)
Des conditions essentielles.
Ce dernier type de conditions a trait
à
l ' effet illocutionnaire de l ' emploi des énonciations; une promesse revient,
pour le locuteur ,
qu'il prédique
à contracter l'obligatic·n d'accomplir l'action future
à son égard; une demande revient, pour le locuteur, â tenter
de faire en sorte que l' auditeur effectue l ' action prédiquée.
2 - Les principes de différenciation des types d ' actes illocutionnaires
Searle recense douze facteurs susceptibles de faire apparaître des
différences plus ou moins importantes entre les actes illocutionnaires et
pouvant donc servir
à l'établissement d ' une classification typologique des
actes complets de langage. (11 ) .
1,21
A - Les critères fondamentaux.
- Les différences de but (" ... point (or purpose) .•. ") des actes
illocutionnaires.
(-1-)
En performant des actes illocutionnaires, un locuteur cherche
atteindre différents objectifs: au moyen d'un ordre
à
à faire exécuter
quelque action par son auditeur, par une promesse à se mettre dans l'obli~
gation d'effectuer lui-même quelque action, etc.
Ces différences entre
buts illocutionnaires correspondent aux conditions essentielles de performance des actes complets de langage.
Selon Searle, le but
illocution~
naire est l'élément le plus important de la force illocutionnaire.
- Les différences de correspondance entre les mots et le monde
dans la performance des actes illocutionnaires.
(-2~)
Les actes illocutionnaires, en vertu de leur but spécifique, font
correspondre différemment leur contenu propositionnel et la réalité extralinguistique: une assertion, par exemple, fait correspondre les mots au
monde ("word-to-world") alors qu'une promesse, au contraire, fait correspondre le monde aux mots ("world-to-word").
Ce rapport entre le contenu
propositionnel et la réalité extérieure peut, pour certains actes illocutionnaires, être bi-directionnel (par exemple, dans l'acte de donner une
définition) ou être vide (l'acte de féliciter quelqu'un).
- Les différences entre les états psychologiques exprimés par
les actes illocutionnaires.
(-3-)
122
Performer un acte illocutionnaire équivaut (souvent ) à exprimer un
certain état psychologique:
"In general, in the performance of any illo,..,
cutionary act \Vith a propositional content
the speaker expresses sorne attitude, state,
etc., to that propositional content." (12)
Ainsi, un acte d'assertion exprime une croyance, un acte de promesse une
intention, un acte d'ordre un désir, etc .
Les différents états psycholo-
giques de la sorte exprimés correspondent à la condition de sincérité d e
la performance des actes illocutionnaires dans lesquels ils se manifestent .
Ce pourquoi le s trois crit~r e s pré-cités constitue nt les aspects fon ~
damentaux de la différe nciation typologique d e s actes illocutionnaires est
aisé à comprendre: ils portent sur les caractéristiques les plus marquantes
d e la performance illocutionnaire, à savoir ses conditions essentielles et
ses conditions de sincérité qui donnent lieu aux règles du même nom.
Le but
illocutionnaire est ce en quoi consiste ou ce à quoi revient la performance
d'un acte complet de langage; la correspc.1dance entre son contenu propositionnel et la réalité extra-linguistique s ur laque lle il porte est une
conséquence d e l'atteinte du bl't illocutionnaire; quant à l'état psychologique exprimé par un acte illocutionnaire, il lui confère , pourrait~on dire,
son" mode (normal) d' Eànploi .
C'est sur la base d e s différences entre ces trois constituants
fonda~
mentaux d e s actes illocutionna ire s que Searl e pense être en mesure d e le s
regrouper en différentes classes:
123
"These three dimensions -illocutionary point ,
direction of fit, and sincerity conditionseem to me the most important,. and l will
build most of my taxonomy around them, but
there are several others that need remar king. Il (13)
Ces autres facteurs de classification peuvent être catégorisés de la
façon suivante.
B - Les critères relatifs au contexte discursif.
- Les différences entre le statut des interlocuteurs dans la performance illocutionnaire.
(-5-)
Par exemple, un acte d'ordre se distingue d'un acte de demande en
ce que dans l e premier le locuteur occupe une position hiérarchiquement
supérieure
à l'auditeur; ce qui n'est pas nécessairement le cas dans le
second.
- Les différences dans la façon dont l'énonciation est reliée aux
intérêts des locuteurs dans la peJ:formance illocutionnaire.
(-6-)
Ainsi, féliciter quelqu'un et lui offrir ses condoléances sont des
actes qui, similaires sous d'autres rapports , diffèrent en fonction des
préoccupations situationnelles des interlocuteurs .
Ce s d e u x principes d e d émarcation entre actes illocutionnaires correspondent aux conditions préliminaires de l eur production.
1 24
- Le s différences dans les relations qu'entretiennent les actes
illocutionnaires avec l'ensemb l e discursif dans leque l ils
prennent place.
(-7-)
Ainsi, un acte d ' assertion peut par exemple servir d'objection
une contre-assertion ou de complément
à u ne première énoncia tion.
Dans
à la
tota~
chacun de c es cas, l'acte illocutionnaire performé est relié
lité du discours produit.
à
Contrairement aux d e ux premiers facteurs de la
présente catégorie qui marquent des différences contextuelles externes, ce
dernier aspect de discordance illocutionnaire a trait
interne de l'énonciation complète.
à la configuration
Tous trois demeurent d es critères qui
différencient les actes illocutionnaires en vertu de leurs relations res~
pectives avec d ' autres éléments du contexte d e leur production.
C - Un critère d'ordre propositionnel.
- Les différences d e contenu propositionnel dans l es actes illocu~
tionnaires.
(-8 - )
La distinction entre d e ux actes illocutionnaires peut ê tre indiquée
par l e u r contenu propositi onnel re spec tif .
Ainsi , l ' acte de faire rapport
sur un événeme nt et l'acte d e prédire un événement appar tienn ent
à deux fa-
mil~es illocutionnaires distinctes en ce que dans le premier ca s
la prédi7
cation porte sur le passé ou l e présent a lor s que dans le deuxième cas
elle porte sur l e futur.
Ce critère corr espond aux conditions de contenu
propositionnel d e la performance illocutionnaire.
125
D - Les critères relatifs
à la facture de la performance illocutionnaire .
- Les différences d'inte nsité d es actes illocutionnaires.
(-4-)
Par exemple, les actes de suggérer et d'affirmer varient dans le
degré d ' engagement qu ' ils exigent de l a part du locuteur.
- Les différences de style de perfo rmance des actes i l locutionnaires .
(-12- )
Searle illustre ce critère très subtil de distinction entre actes
illocutionnaires en donnant les exemples d'annoncer ~Jelque chose
qu'un et de se confier
à
lui.
à quel-
Dans ces deux cas, la communication d'un
message se réalise dans des présentations rhétoriques diff é rentes .
E - Les critères relatifs
à
l a constitution du langage.
- Les différences entre actes propres de langage et actes incidents
de langage .
(-9 -)
Un certain nombre d'actes ne peuvent être performés qu'au moyen du
l angage (par exemple, promettre quelque chose) .
D'autres actes peuvent
être accomplis sans que l e locuteur ait recours au l angage bien qu ' il
puisse le faire; ainsi , il est possible d'évaluer quelque chose ou que lqu'un
sans parler et il est également pos s ible d' effec tu er le même acte en employant
l e langage.
126
- Les différences entre les actes de langage requérant des institutions extra-linguistiques et ceux dont la performance n'en
néc essi t e pas.
( ~lO- )
L'acte d'excommunication ne peut s'accomplir qu'à l'intérieur d'un
cadre institutionnel débordant
le langage alors que la performance de
l'acte de promesse ne nécessite pas une telle structure extra-linguistique.
Searle fait remarquer que pour un grand nombre d'actes du premier
genre, il importe généralement que les interlocuteurs soient dans un rapport positionnel hiérarchique (selon les lois canoniques de l'Eglise catholique, seul le pape peut excommunier que lqu'un).
Ajoutons que les actes
requérant une institution ~xtra-linguistique sont soumis à une réglementation relative à cette institution; ils sont donc régis par un double système
de règles.
- Les différences entre les actes illocutionnaires qui correspondent
ou non à des verbes performatifs des langues naturelles.
(-11- )
Les actes d e promettre ou d'ordonner peuvent être performés par
l'emploi des verbes performatifs français "prome ttre" et "ordonner"; ce
n'est pas le cas de l'acte d'insulter qui ne peut s 'effectuer par l'énonciation de "Je t'insulte".
3 - Les catégories d "actes illocutionnaires
Sur la base des trois critères fondamentaux qu'il a relev és , Searle
répartit les actes illocutionnaires de lan gage e n cinq catégories (14). '
127
1. Les repr ése ntatifs ("represen tatives ").
Les actes de langage membres de cette catégorie ont pour but illocutionnaire d'engager , à divers d egrés , le locu teur à l'égard de ce qui
est le cas, plus spécifiquement
propositionnel.
à l ' égard de la vérité de leur contenu
Le sens de la relation entre c e contenu propositionnel
et la réalité extra-linguistique fait correspondre les mots au monde et
l'état psychologique exprimé est la croyance.
Utilisant l e signe ~
pour
représ e nter le but illocutionnaire de la catégorie des représentatifs,
Searle la symbolise pa::::-" ~ B (p).
Les actes d' as s erter 1 de s uggérer, de
faire une hypothèse sont des exemples de représentatifs dont la particularité est de marquer le vrai ou le fa ux .
Tous les actes illocutionnai res
qui tombent sous le coup d ' une val e u r d e vérité s ont donc d es représentatifs.
Par ailleurs , l'application des autres critères de différ enciation
fait apparaître des sous-catégories d e l' ensemble de cette classe illocutionnairei ainsi, les actes d e conclure et de d éduire sont d es représentatifs d ' un genre particulier en ce qu'ils tombent sous l' ef fet du
facteur (-7-) différenciant les actes illocutionnaires q ui entretiennent
des relations av e c l ' ensemble discursif dans lequel ils figurent.
2. Les direc tifs ("directive s").
Les actes d e langage pecette catégorie ont pour but illocutionnaire
la tentative, plus ou moins fort e , du locuteur d'amener l~auditeur
complir que lque action.
Le ur contenu propositionnel est relié
à ac-
à la réalité
extra-linguistique dans l e sens de la correspondance du monde aux mots et
128
l'état p syc hologiqu e exprimé est celui du "vouloir" (dési r, d emande, etc).
Le point d ' exclamation servant d e signe au but illocutionnaire, l es actes
directifs sont symbolisés de la sorte:
! ~ W (H fait A).
Le contenu pro-"
positionnel exprimé consiste en la prédication d'une action future devant
être effectuée par l ' auditeur.
Searle donne comme exemples d'actes direc-
tifs ordonner, commander, demander, etc .
3. Les commissifs ("commissives").
Cette troisième classe regroup e les actes dont le but illocutionnaire
est que le locuteur s'engage,
future.
à des degrés divers, à exécuter une action
Leur contenu propositionnel est relié ~ la réalité dans le sens
de la correspondance du mortde aux mots .
d' intentionnali té.
Contrairement
Ils expriment l~état psychologique
Les commissifs peuvent être symbolisés par C T l
(S fait A).
à celui des directifs, le contenu propositionnel des commissifs
prédique une action devant être accomplie par le locute ur et non l'auditeur.
Promettre, donner sa parole sont des exemples d ' actes illocutionnaires commissifs.
4. Les expressifs (" expressives" ).
Les actes de langage dont le but illocutionnaire consiste
à expr imer
un état psychologique quelconque en le faisant porter sur le contenu propositionnel exprimé par leur énonciation sont appe lés, par Searle, des expressifs .
Reme rcier, féliciter sont des actes appartenant
à cette classe .
Dans de tels actes, aucun rapport n'est établi ent r e l e contenu propositionnel et la réalité extra-linguistique :
129
"Notice that in expressives there is no direction
of fit.
In performing an expressive, the speake~
is neither trying to g e t the world to match the
words nor the words to match the worldj rather the
truth of the expressed proposition is presupposed."
Searle symbolise le type des expressifs par E
~
(P)
(15)
(S/H propriété).
Le contenu propositionnel comprend une propriété quelconque, pas nécessairement une action, qui, reliant le locuteur
à l'auditeur, motive
la performance illocutionnaire .
5. Les actes de déclaration ("declarations").
..
Les actes de langage ainsi nommés par Searle se particularisent
en ce qu'ils ont le but illocutionnaire de faire correspondre leur contenu propositionnel et la réalité extra-linguistique sur laquelle ils
portent.
Par conséquent , le rapport entre ces derniers s'établit dans
les deux sens simultanément:
monde correspond aux mots.
les mots correspondent au monde et le
En vertu de leur caractère arbitraire, les
actes de déclaration n'expriment aucun état psychologique.
bolisation prend la forme suivante:
la nomination
Dt
~ (p).
Leur sym-
L'excommunication,
(à un poste, à une fonction quelconque) sont des exemples
d'actes de déclaration.
A l'exception de ceux qui sont propres au lan-
gage (donner une définition, une appellation, ètc) les actes de déclaration peuvent être isolés en fonction du critère (-10-) distinguant
les actes de langage dont la performance requiert des institutions
extra-linguistiques.
130
Searle fait, 'par ailleurs, remarquer que certains actes font à la
fois partie des représ e ntatifs et des déclarations.
Comme ces dernières,
ils font correspondre leur contenu propositionnel et la réalité extra~lin­
guistique dans les deux sensi contrairement aux déclarations, cependant,
ces actes de langage comportent l'expression d'un état psychologique, nommément la croyance à l'égard de cette identification.
L'acte de déclarer
quelqu'un coupable d'un méfait quelconqUe, par exemple, équivaut il le proclamer tel en engageant sa responsabilité à l'égard de la vérité de ce
fait.
Le but des actes illocutionnaires de la sous-classe des déclarations
représentatives ("representative declarations") consiste, pour le locJteur,
à se commettre dans la forme déclarative. (c' est-à,....dire de manière que la
performance de l'acte entra~ne une identification de son contenu proposi ,...
tionnel et de la réalité décrite) vis~à""vis de la vérité d'un état de choses.
Une croyance est donc ici exprimée.
La présence de cet état psychologique
dans l'acte de déclaration représentative a pour conséquence que, bien que
soit maintenue la co-correspondance entre les mots et le monde, le double
sens de cette relation doit, contrairemen t à l'acte de d é clara tion simple,
être séparé en deux éléments distincts .
Symboliquement, les actes illocu-
tionnaires mixtes de ce genre sont représentés comme suit: Dr ~ t B (p)
(16).
NOTES
(Ch ap itre quatri ème )
(1)
Searle n'a jamais, lui-mê me, p roposé une telle systématisation de
sa théorie des actes d e langage en ces trois éléments majeurs.
Il apparaît cependant légitime d'ainsi les isoler et d'en faire
les points saillants de sa reche rche dans la me sure où -ce qui me
semble être effectivement le cas- les positions théoriques de
Searle à l'égard d'autres ~roblématiques langagières s'y enracinent.
(2)
Ces noms des actes de langage sont proposés dans Searle (l969a)
"(a) Uttering words (morphe me s, sente n ces)
performing utterance acts.
(b) Referring and predicating _ performing
propositionals acts.
(c) Stating, que stioning , commanding, promising, etc. ~ p e rformi ng illoc utionary
acts.
(
=
... )
To these notions l now wish to add ...
(the) notion of perlocutionary act."
Searle (1969a), pp. 24-25.
Il est assez intéress a nt, d'un point de vue
que cette nomenclature d e s actes de langage.
celle que Searle avait mise de l'avant dans
dix ans plus tôt. Dans ce texte, en effet,
est répartip. de la façon suivante:
historique, de remarquer
diffère sensiblement de
sa thèse de doctorat
l'activité langagière
"Uttering words ~ W acts
Referring and predicating
RP acts
Ass ~ rting, que stioning, ordering, etc.,
(complete speech acts) ~ CS acts."
Searle (1959), p. 3.
=
Ces différences d a ns l e s noms des trois premiers actes d e langage
n'ont allcune cons é que nc e théorique puisque leur détermination respe ctive demeure stricte me nt la même dans les deux terminologies.
L'absence dans la nome n c lature de 1959 de l'acte perlocutionnaire
n' e st guère plus significative pour les raisons qui sont examinées
à la note 4.
132
Searle lui-même nous donne l' explication du changement qu'il a
opéré dans sa façon de nommer les actes d e langage. C'est parce que
son "CS act" correspond tout à fait à ce qu 'Austin appel l e un
"acte illocutionnaire" qu'il consent à lui donner ce nom. Ce
premier pas franchi, il lui faut bien trouver des noms complets
pour les autres actes de langage et intégrer l'acte perlocutionnaire à sa répartition.
Searle semble cependant avoir d'abord hésité à adopter la terminologie d'Austin. Dans sa thèse de doctorat, il précise, en
effet, qu'il puise la notion de ' speech acts' de conférences
données par Austin, sous le titre de "Words and Deeds", à Oxford
au cours des années 1952-54. Or, à propos de ces "lectures",
J. O. Urmson nous dit, dans la préface à la première édition de
HowTo Do Things With Words, qu'elles couvraient le même sujet
("th;-same ground~ue les conférences données par Austin en 1955
à partir desquelles l'ouvrage est publié. Il Y a donc lieu de penser que les termes de la nomenclature des ac tes de langage d'Austin
figuraient dans ses textes de 1952-54 et qu'ils étaient donc connus
de Searle qui, pourtant, préfè re au moins jusqu'en 1959 n e pas les
employer. Il le ferait, dix ans plus tard, probablement parce que
la publication, en 1965, de l'ouvrage posthume d'Austin, les 'aurait
assez fortement imposés. C'est d'ailleurs avec quelque réticence
que Searle, en 1969, se résout à parler d'actes illocutionnaires.
"1 employ the expression 'illocutionary act' with
sorne misgivings, since l do not accept Austin's
distinction between locutionary and illocutionary
acts." Searle (l969a), p. 23. (note 1)
(3)
(4)"
"Correlated with the notion of il locu t ionary acts
is the notion (perlocutionary act ) of the consequences or effects such acts have on the actions,
thoughts, or belie"!"s, etc., or hear ers ."
Searle (1969a), p. 25.
La description qui vient d'être donnée d e l'acte perlocutionnaire
n'est pas explicitement présente dans les écrits de Searle; elle
y est cependant impliquée. En ce qui a trait d'abord au caractère aléatoire de l'acte perlocutionnaire, il est à remarquer que,
donnant des exemples, Searle emploie systématiquement le verbe
pouvoir quand il circonscrit la perspective d e produc tion de ce
type d'actes de langage:
133
" ... by arguing l may persuade or convince someone,
by warning him l may scare or alarm him, by making
a request l may get him to do something, by informing him l may convince him (e nlighten, edify,
inspire him~et him to œalize) ." Searle (1 969a) ,
p. 5.
"May" est souligné par moi, les autres soulignés sont de Searle.
Searle ne fait donc que soulever la possibilité imprécise de la
réalisation d'un acte perlocutionnairei ce qui laisse supposer
qu'il considère qu'une telle production demeure fortuite.
D'autre
part, en ce qui concerne la dimension extra-linguistique de l'acte
perlocutionnaire, il a déjà é~é fait remarquer que Searle fait
porter les effets de l'énonciation sur des entités non linguistiques (les actions, pensé~s et croyances des interlocuteurs).
L'acte perlocutionnaire n'app araît pas e ssentiel à la théorie
searlienne d es actes de langage. Il y est introduit, à titre
de catégorie distincte, pres que sub reptic ement: Searle le puise
directement et intégralement de la c lassification d'Austin, le
décrit en quelques fign es et n'y revient plus par la suite comme
s'il constituait une question définitivement réglée. D'ailleurs,
l'acte perlocutionnaire ne figure pas dans la première répartition
des actes d e langage établie par Searle dans sa thèse de doctorat
(voir note 1); cette absence n'entraînant ni imprécision ni changement important dan s sa théorie du langage.
Il semble bien que la catégorie perlocutionnaire, aussi bien pour
Searle que pour Austin, n'exerce qu'une fonct ion repoussoir: faire
en sorte que certains actes réalis ~ s incidemment au moyen du langage et qui échappent à toute régleme ntation systématique (conventionnelle ) ne soient pas comptés dans la catégorie des actes illotionnaires dont la particularité de meure précisément que l e ur réalisation est assujettie à d es pr escriptions strictes.
.,
Un esprit chicanier pourrait, par ailleurs, contester le concept
même d'acte perlocutionnaire . Par exemple, l e fait de convaincre
ou d' effrayer quelqu'un peut-il vraiment être considéré comme
l'accomp lissement d'une action? La réponse à cette question relève
de l'adh és ion à un e conception plus générale relative à ce que sont
les unités d'actes d'un comportement quelconque.
Une caractérisation restrictive à cet égard pourrai t conduire à l'éviction de la
perlocution hors du faire l angagier; une conception plus large et
tolérant e l'y ferait au contraite s'y maintenir. C'est cette
de uxième attitude que semble choisir Searle.
134
D'un point de vue plus radical, on pourrait aussi mettre en doute
l'appartenance au langage de la dimension perlocutionnaire. Si
cette dernière n'est constituée que d'effets extra-linguistiques
et que sa production n'obéit à aucune constitution systématique,
comment peut-on prétendre qu'elle est un acte de langage, l'utilisation duquel ,est sensée être, en vertu de l'hypothèse de base
searlienne, l'adoption d'une forme de comportement régie par des
règles? Ici encore, toute prise de position dépend du degré de
restriction qu'on veut donner aux critères d'identification de
ce qui relève du langage: d'un point de vue strict, les effets
d'une énonciation peuvent être écartés de la nature du langage;
dans une perspective plus ouverte, ils y seraient intégrés. La
nécessité du choix d'une position précise à ce propos ne se pose
pas, semble-t-il, à Searle puisque son intérêt est totalement
orie nté vers l'acte illocutionnaire et que, pour lui, l'acte perlocutionnaire ne sert qu'à préciser ce que n'est pas l'acte illocutionnaire. Peut-être Searle serait-il amené à nier que la perlocution constitue même un acte de langage en raison du fait qu'elle
n'est pas réalisé e de façon réglementaire. Même dans un tel cas,
sa théorie des actes de langage ne perdrait rien; il ne lui est
pas in~ispensable que la dime nsion perlocutionnaire se condense
en actes -elle peut fort bien, à cette fin, demeurer à l'état
diffus et imprécis d'une catégorie différente de l'illocutionpour mener à terme son étude du faire langagier.
(5)
Searle (1969a), p. 25.
(6)
Id., p. 30.
(7)
Cette idée de Searle me semble exposée de façon par trop intui ti "·"e.
En effet, elle n'est que factuellement appuyée par des exemples dont
Searle ne s'emploie pas à démontrer qu'ils sont effectivement des
actes complets de langage et surtout en quoi ils n'ont pas de contenu propositionnel.
Par ailleurs, cette admission, par Searle, que des actes illocutionnaires puissent être propositionnelleme nt vides pourrait poser une
certaine difficulté, comme nous le verrons dans la seconde partie
du présent mémoire , à la conception de la signification qu'il met
de l'avant.
Pour cette rai son , je voudrais immédiatement faire valoir l'idée
contraire qu'un contenu propositionnel est toujours présent dans
la performance illocutionnaire . A l'encontre d e Searle, je suggère donc, pour le mome nt à titr e d e simple hyp othèse, que tout
135
acte complet de langage, c'est-à-dire, en vertu de la philosophie
searlienne du langage, tout comportement langagier muni d'une force illocutionnaire, exprime par le fait même une proposition. En
d'autres termes, un acte propositionnel serait nécessairement compris dans toute performance d'un acte illocutionnaire. Cette contestation, sur un aspect précis, de la théorie des actes de langage de Searle, quoique peut-être lourde de conséquences importantes,
demeure en elle-même, somme toute fort mineure. Ainsi, elle n'a
pas pour effet d'opérer de changement essentiel à la caractérisation des différents actes de langage répertoriés par Searle; admettre qu'un acte propositionnel soit toujours simultanément accompli dans la performance d'un acte illocutionnaire n'empêche pas de
les clairement distinguer de la façon dont, quant au reste, Searle
le fait.
La défense de l'hypothèse à l'effet qu'un contenu propositionnel
est nécessairement présent dans un acte complet de langage pourrait
prendre la forme suivante. Il s 'agirait d'abord de recenser le plus
grand nombre possible des expressions qui ne semblent pas respecter
cette exigence; ensuite, au moyen d'une ou de plusieurs hypothèse(s)
auxiliaire(s), de faire voir que l'absence en leur sein d'un contenu
propositionnel n'est qu'apparent. Quant à lui, Searle attire l'attention, en deux occasions, sur des énonciations langagières qui à
ses yeux, ne recèlent pas d'acte propositionnel mais qu'il considère
tout de même comme des actes complets de langage. Il nous dit, en
premier lieu -nous l'avons déjà rapporté-, que des énonciations
comme 'hurrah' et 'ouch' n'ont pas de contenu propositionnel. Plus
loin, il donne un autre exemple d'un cas semblable:
"In the utterance of 'Hello', there is no propositional content. .. " Searle (1969a), p. 64.
Il serait relativement aisé de repérer, par simple intuition, une
quanti té assez impressior.nante de tels exemples à propos desquels
on pourrait avoir quelque réticence à prétendre qu'ils ont un contenu propositionnel. En laissant ouverte la question de savoir si
tous les exemples que nous pourrions trouVer sont d'un seul et unique type ou si, au contraire, ils peuvent être catégorisés en différents genres, c'est-à-dire en diverses façons ou différents aspects
par lesquels ils semblent manquer de contenu propositionnel, que
pouvons-nous en dire?
Admettons d'abord, comme Searle l e fait, que leur énonciation constitue bien la performance d'actes complets de langage. Il semble,
en e ffet, qu ' elle revienne à faire quelque chose en parlant.
136
Il est également à remarquer que, d'un point de vue lexicologique,
ce que le s mots des exemples à étudier expriment n'est pas d'une
quelconque indifférence. Ainsi, ' aie ' (seul exemple , à partir de
maintenant , sur lequel portera mon analyse) exprime spécifiquement
de la douleur ou de la souffrance et non pas de la joie. Il peut
de la sorte être mis en corrélation avec des expressions comme
'Que je souffre!', 'j e souffre!', etc. Bien sûr, 'ai e ' a une connotation expressive plus forte que ces dernières locutions mais,
et c ' est le point important à relever, le mot est corrélatif à ces
expressions qui ont un contenu propositionnel et non pas à d'autres
expressions (particulièrement leurs expressions contraires, par
exemple , 'Que je me sens bien!' ou ' Que je suis (physiquement )
bien! '). N'y aurait-il pas lieu, cela étant, de penser que 'aie'
se rapporte bien à un contenu propositionnel précis, rapport rendu
difficilement perceptible par la très forte connotation expressive
du mot? Finalement, pourquoi faudrait-il déduire de celle -là que
celui-ci n'est qu 'une forme d'expression sans contenu? On pourrait,
dans une autre perspective, considérer que 'aie' est le fruit d'un
procédé elliptique qui, par convention linguistico-culturelle, lui
fait représenter le même état de choses que les expressions 'Que je
souffre! " ' Je souffre!' ave c lesquel le s il peut ê tre mis en corrélation. Par .cela,
'aie' serait bien muni , malgré l'apparence
contraire , d'un contenu prop~sitionnel. C'est dire que la performance illocutionnaire constituée par sa profération comporterait la
production simultanée d'un acte propositionnel.
L'élaboration de l'hypothèse affirmant que tout acte d e langage complet comporte un contenu propositionnel pourrait reposer sur l'hypothès e auxiliaire à l'effe t que les mots ou expressions apparaissant
en être des contre-exemples sont obtenus par un procédé elliptique
qui accentue leur connotation expressive et masque en quelque sorte
leur contenu propositionnel. Dans l'éventualité où il y aurait diverses façons par le squelles les mots ou les expressions semblent
ne pas avoir de contenu propositionnel, en d'autres t e rmes si le s
exemples de c ette sorte recensés pourraient être catégorisés en différents types , il faudrait repérer autant de procédés elliptiques
par lesque ls ils arrivent à apparaître propositionnellement vides.
Notre hypothèse auxiliaire devrait alors faire l'objet de subtils
raffinements.
Sous réserves du développement d'une investigation plus serrée de
cette vue des choses , on peut déjà entrevoir que, bien qu'elle n'ait
qu'un effet mineur sur l'ensembl e de la théorie sear li enne des actes
de l angage , elle éliminerait, comme nous allons p lus loin (voi r au
chapitre cinquième l a note 12 et au chap i tre septième la note 46 )
en rendre compte , un certain embarras relatif à sa thèse sur la signification et une certaine difficulté de sa théorie de la signification.
137
(8)
Searle (1 969a ), p . 29. Assez curieusement, Searl e n ' explici t e pas
davantage dans Speech Acts , la distinction entre la proposition et
l'assertion. Il y est seulement suggéré, et dans le seul passage
que nous v e nons de citer -d'une f a çon d'ailleurs indire cte, sinon
imprécise-, que seule la propo sition p e ut être vraie (ou fausse)
et qu'à l'assertion ne peut être attribuée une valeur de vérité .
Dans sa thèse de doctorat, Searle avait longuement développé cette
thèse en spécifiant que seul un emploi abusif des mots 'vrai' et
' faux ' permettait de leur faire qualifier l'assertion:
"Propositions can be true or false. Assertions,
being acts, cannot strictly spea~ing be true of
false -or rather, to say of someone that h e made
a true assertion is to say that he committed
himself to the truth of a proposition which was
in fact true. Thus ' true ' and 'false' as applied
to assertions are parasitic upon, derived from,
the use of these terms as app lied to propositions .
Propositions are the primary e ntities whi c h can
be true or false." Searle (1 959 ), pp. 11-12.
Searle avance même que cette inflation sémantique des noms des
deux val e urs de vérité pourrait être à l'origine de l'aveuglement philosophique à l'égard de la distinction entre proposition
et assertion ainsi que de confusions à propos du concept de
v érité:
"The distinction betwe en prop:1sitions and assertions, and hence betwe en prop o s itions and aIl
CS acts, is so crucial a nd once grasped so obvious that one wonders how philosophers could
so frequently have overlooked it. One (only
one) of the factors which has led them to
overlook it is that we use the predicate s 'true'
and ' false ' in ordinary spee ch of both assertions
and propositions, and this has l e d th e m to s uppose that both assertions and propositions were
more alike than the y in fact are; and this in its
turn, by a kind of feed-back, has led to confusions about the concept o f truth." Searle (1 959 ),
p. 13.
138
La raison pour laquel l e Searle établit plus clairement dans sa
thèse de doctorat que dans son ouvrage postérieur la distinction
entre proposition et assertion, eu égard à la problématique de
la vérité, s'explique peut-être , en partie, par le fait que le
premier des deux écrits se situe carrément dans une perspective
frégéenne.
Searle nous précise à cet égard que ...
"The theory of reference here presented is 2n
extension and refinement of Frege ' s theory of
the sense and reference of Eigennamen."
Searle (1 959 ), p . ii ( abstract ).
Or, quand Frege développe des considérations sur la proposition
et l'assertion, lesquelles peuvent être rapprochées des conceptions searliennes, c'est à partir d'une interrogation portant
sur le concept de vérité. Dans Speech Acts, Searle cherche moins
à faire voir l es incidences de sa distinction entre proposition
et assertion sur la prOblématique de la vérité qu'à développer,
dans une perspective plus large, une théorie des actes de langage
qui ne comprend pas, à titre d'instanc e fondamentale , une détermination de la vérité.
.
(9)
Au moins à deux reprises, Searle situe la distinction qu'il présente
entre contenu propositionnel et force illocutionnaire dans une cert aine tradition philosophique:
"The reader familiar wi th th e li terature will
recognize this as a variation of an old distinction which has been marked by authors as
diverse as Frege, Sheffer, Lewis, Reichenbach
and Hare, to mention only a f ew.
Searle
(1 969a ), p . 30.
Il
" This distinction , in various forms, is by
now common in philosophy and can be found
in philosophers as divers e as Frege, Hare ,
Lewis and Meinong ." Searle (1 968 ), p. 155.
Je voudrais ici examiner comment la distinction searlienne entre
contenu propositionnel et force illocutionnaire peut être mise en
relation avec certaines idées présentées par Frege dans son article célèbre " Der Gedanke ".
139
Frege, dans ce texte, cherche à déterminer ce que peut être la
vérité logique. A cet égard, il ...
"
appelle pensée (Gedanke) ce dont on
peut demander s'il est vrai ou faux."
Frege (1918-19), p. 173.
Après avoir reconnu que les pensées ne peuvent être appréhendées
par la perception sensible, il se demande si elles ne sont pas
assimilables à des représentations. Comme ces dernières constituent un monde intérieur, elles se particularisent par le fait
qu'elles n'ont qu'un seul porteur. Frege se voit alors forcer
d'admettre qu'une pensée n'est pas une représentation puisque, si
tel était le cas, elle ne consisterait qu'en un contenu de conscience et ne serait pas, par conséquent, susceptible d'être vraie
ou fausse:
"
les pensées ne sont ni des choses du monde
extérieur ni des représentations.
Il faut admettre un troisième domaine. Ce
qu'il enferme s'accorde avec les représentations
en ce qu'il ne peut pas être perçu par les sens,
mais aussi avec les choses en ce qu'il n'a pas
besoin d'un porteur dont il serait le contenu de
conscience." Id., p. 184.
Afin de consolider sa thèse du troisième monde des pensées, Frege
se d0it de lever un dernier obstacle: le solipsisme.
Il le réfute
en montrant que, les représentations ayant besoin d'un porteur, la
connaissance ne peut être limitée aux représentations:
"
il y a quelque chose qui n'est pas ma représentation et qui cependant peut être objet
de mon examen, de ma pensée, et je suis de cette sorte." Id., p. 188.
Une fois admise la reconnaissance par un porteur de représentations
de sa propre existence, la reconnaissance de l'existence probable
des autres va de soi:
140
"
tout ce qui peut être objet de ma connaissance n ' est pas représentation. Je ne suis pas
moi-même, en tant que porteur de représentations,
une représentation. Rien ne s'oppose à ce que je
reconnaisse d'autres honunes, porteurs de représentations conune je le suis." Id., p. 190.
L'existence de plusieurs porteurs d e représentations ainsi supposée,
Frege en conclut qu'existent les pensées, de nature autre que celle
des représentations:
"Tout n'est pas représentation. Ainsi je peux
admettre qu'une pensée est indépendante de moi,
et d'autres hommes pourront la saisir aussi bien
que moi." Id., p. 190.
Le monde des pensées, contrairement à celui des représentations, n'a
pas besoin d'un porteur: elles demeurent ontologiquement indépendantes de l'appréhension que je peux en faire. C'est ainsi que, selon
Frege, ...
"Penser ce n'est pas produire les pensées mais
les saisir.
( ... ) Le travail de la science
ne consiste pas en une création mais en une
découverte de pensées vraies." Id., p. 191.
Je saisis (ou pense) les pensées alors que j'ai des représentations:
"La saisie d'une pensée suppose quelqu'un qui
la saisisse, quelqu ' .un qui la pense. Ce quelqu'un est alors porteur de l'acte de penser,
non de la pensée." Id., p. 191.
Une pensée est en elle-même vraie (ou fausse); la dire vraie (ou
fausse) ne lui ajoute rien et en ce sens la vérité n'est pas une
propriété et deme ur e indéfinissable.
Il importe donc, d'après
Frege, de distinguer la saisie d'une pensée, la reconnaissance de
sa vérité et la manifestation de cette reconnaissance. Car, tout
en demeurant intrinsèquement indépendante de toute connaissance,
une pensée peut être saisie dans ou par son incarnation dans une
proposition grammaticale (tout au long de ce texte, ce qui, par la
.. . .........
141
traduction française de Frege , est appelée une proposition c'est
une phrase ou une partie de phrase ; en vertu donc de cette traduction n'est pas donnée au terme 'proposition' le même sens qui va
lui être par la suite attribué par la tradition analytique) =
"
j'appelle penpée (Gedanke) ce dont on peut
demander s'il est vrai ou faux.
( ... ) Je dirai:
la pensée est le sens d'une proposition, sans
affirmer pour autant que le sens de toute proposition soit une pensée. La pensée, en ellemême inaccessible au sens, revêt l'habit sensible
de la proposition et devient ainsi plus saisissable. Nous disons que la proposition exprime
une pensée." Id., p. 173.
Pour les fins de son analyse . de l'expression des pensées, Frege
n'examine que les propositions affirmatives et interrogatives.
Dans chacun de ces types de propo~itions doivent être distinguées
la pensée et la reconnaissance de sa vérité, dans le cas d'une
proposition affirmative, ou la requête de sa vérité, dans le cas
de la proposition interrogative:
"Les propositions interrogatives et les affirmatives contiennent la même pensée, mais la proposition affirmative contient quelque chose en plus:
l'affirmation. La proposition interrogative contient elle aussi quelque chose en plus: la demande.
Dans une proposition affirmative, il faut distinguer
deux choses: le contenu qu'elle partage avec l'interrogative corrpspondante et l'affirmation. Le premier
est la pensée ou pour le moins contient la pensée.
Il est donc possible d'exprimer une pensée sans la
poser comme vraie. Dans une proposition affirmative
les deux éléments sont si étroitement liés qu'ils
rislluent d'échapper à l'analyse." Id., p. 175.
Par ailleurs, Frege prend aussi la peine de préciser que la forme
matérielle que prend une proposition dans le langage écrit ou verbal ne modifie pas la pensée exprimée par la proposition; et, qu'ainsi,
une proposition peut manquer à l'expression d'une pensée ou encore
surajouter à l'expression d'une pensée:
142
"(Les) indications insérées dans le discours n'introduisent ... aucune différence dans la pensée.
On peut transformer une proposition en faisant
passer le verbe de la forme active à la forme
passive tandis que l'objet de l'accusatif devient
sujet. On peut aussi changer le cas datif en nominatifet remplacer en même temps 'donner' par
, recevoir'. Bien sûr, ces transforma.t ions ne sont
pas équivalentes à tous égards, mais ellesn'affec~ '
tent pas la pensée; elles n'affectent pas ce qui
est vrai ou faux." Id., p. 177 .
.,
n'est-il pas rare que le contenu d'une proposition dépasse la pensée qui y est exprimée. Mais
l'inverse se produit tout aussi bien; il arrive que
le simple énoncé verbal, ce que ,f ixent l'écriture '
et le phonographe, ne suffise pas à l'expression
de la pensée." Id., p. 178.
La distinction searlienne entre force illocutionnaire et contenu
propositionnel se rapproche de certaines considérations livrées
par Frege.
Il importe cependant, afin de cerner la nature de ce
rapprochement, de bien voir la différence des points de vue qu'ils
adoptent. Alors que Frege s'intéresse au ' rapport entre pensée et
proposition grammaticale en ce qu'il éclaire ce que ne peut être
la recherche logique et, partant, plus positivement comment doit
être investigué le problème de la vérité, Searle pour sa part,
construit une théorie des actes de langage capable de rendre compte de la dimension illocutionnaire et de sa démarcation à l'égard
du contenu propositionnel de l'énonciation. Au delà de ces points
de départ différents et du sens distinct que Searle et (la traduction française de) Frege donnent au terme 'proposition', ils
parviennent à une certaine communauté de vue relativement à certaines facettes du phénomène langagier.
Disons d'abord que ce que Frege appelle une 'pensée' correspond précisément à ce qui est nommé 'contenu propositionnel' par Searle (sans
que ce dernier ait à prendre position sur la question du 'troisième
monde' des pensées de Frege). En cela, l'imperméabilité soulignée
par Frege d'une pensée exprimée par une proposition à la transformation grammaticale de cette dernière équivaut , dans la perspective
searlienne, à l'indépendance de l'acte propositionnel à l' ~gard de
143
l'acte d'énonciation. Ainsi, de la même façon que ce que Frege
appelle la forme d'une proposition peut aussi bien contenir plus
que l'expression d'une pensée ou ne pas du tout exprimer une
pensée, l'acte d'énonciation, chez Searle, n'affecte pas forcément un acte propositionnel qu'il contient (un même acte propositionnel peut être produit au moyen de différents actes d'énonciation) pas plus qu'il ne donne nécessairement lieu à un acte
propositionnel.
Le contenu propositionnel searlien correspond, dans la perspective frégéenne, à l'élément pensée d'une proposition. Frege,
contrairement à Searle, ne présente cependant pas une théorie
de la force illocutionnaire.
Il est toutefois légitime de penser
que le second élément qu 'il distingue dans une proposition correspond implicitement à ce que Searle appelle une force illocu~
tionnaire.
L'élément demande d'une proposition interrogative et
l'élément affirmation d'une proposition affirmative déterminent
en effet, dans les termes de Searle, l'acte complet de langage
qu'elles servent à performer; l'élément demande et l'élément affirmation pourraient ainsi être identiques, sur le plan syntaxique, respective ment aux marqueurs de force illocutionnaire ? et
~.
Une autre précision fournie par Frege amène à considérer
que l'élément accompagnant une pensée dans une proposition peut
être assimilé à une force illocutionnaire: le fait qu'une pensée
puisse ' être commune à des propositions différentes marquées par
un second élément distinct tout comme chez Searle, un même contenu propositionnel peut être commun à diverses forces illocutionnaires.
La correspondance entre les théories de Frege et Searle fait,
par ailleurs, apparaître leur ident.ité de vue quant à la nature de l'assertion. Elle consiste, pour les deux philosophes,
en l'acte de reconnaissance de la vérité d'une entité plus abstraite, la pensée pour Frege et le contenu propositionnel pour
Searle. Frege et Searle réservent la question de la vérité au
contenu des expressions, non aux expressions e lles-mêmes.
(la)
Cette typologie des actes illocutionnaires de langage est
présentée dans Searle (1975a); les critères de cette classification y sont également pour la première fois, passés en
revue.
Dans Searle (1969a), ce travail de catégorisation des
actes illocutionnaires n'avait pas été mené; soulignant la
difficulté de l'entreprise, Searle s'interrogeait sur sa nature même:
144
liA crucially important but difficult question
is this: Are th ere sorne basic illocutionary
acts to which all or most of the others are
reducible? Or alternatively: What are
the basic species of illocutionary acts, and
within ea~h species what is the principle of
unit y of the species? Part of the difficulty in answering such questions is that the
principles of distinction which le ad us to
say in the first place that such and such
is a different kind of illocutionary act
from such and such other act are quite various ... " Searle (1969a), p. 69.
Le texte de 1975 constitue donc une contribution majeure à la
théorie des actes de langage. Cet ajout se situe toutefois dans
une perspective déjà ouverte dans Speech Acts.
En effet, les
principes de classification mis, après coup, de l'avant par
Searle, sont l'aboutiss emen t de que lques considérations qu'il
offrait à la réflexion dès 1969. Ces suggestions étaient livrées sous forme d'hypothèses générales dégagées à la suite
de l'étude des conditions nécessaires à la performance de
l'acte illocutionnaire de promesse, laquelle avait mené à l'établissement de la régl ementation relative à l'emploi du marqueur de force illocutionnaire (pr) de la promesse (voir Searle
(1969a), chapitre 3, The Structure of illocutionary acts, pp.
54-71). Je ne m'attarderai pas ici-Sur ces hypothèses ouvertes
dans Searle (1969a) relatives aux principes de la classification illocutionnaireni aux règles de performance de l'acte ne
promesse qui y sont formulées.
Je m'attaque plutôt directement
aux critères qu'il propose dans son article de 1975.
(11)
Searle prend, par ailleurs, la peine de noter qu'au moins ces
critères peuvent être retenus:
"It seems to me there are (at least) twelve
signifiant dimensions of variation in which
illocutionary acts differ one from another
and l shall -all too briskly- list them ... "
Searle (1975a), p. 345.
(C'est moi qui souligne) .
145
Ce qui implique qu'à ses propres yeux, cette liste de critères
n'est pas nécessairement exhaustive; ces principes de classification sont donc nécessaires mais peut-être pas suffisants
à l'établissement d'une typologie des actes illocutionnaires
de langage.
Je voudrais, quant à moi, proposer un certain raffinement, tout
au moins dans leur présentation, de ces critères de différenciation.
Il me semble, en effet, qu'ils peuvent eux-mêmes être
classés en diverses catégories. En d'autres termes, je présente
l'hypothèse d'une classification des principes de classification
des actes illocutionnaires. Je rends donc compte des critères
proposés par Searle selon une énumération quelque peu différente
de la sienne en les regroupant sous des genres spécifiques.
(J'indique ces catégories par une lettre majuscule; le chiffre
apparaissant après chacun des critères renvoie à la place qu'il
occupe dans l'énumération de Searle).
(12)
Searle (1975a), p. 347.
(13)
Id., p. 348.
(14)
Afin de leur donner une représentation formelle, Searle assigne
des symboles aux différents éléments mis en cause par les critères de différenciation. Cette notation est évidemment arbitraire. Quelques-uns des signes employés par Searle sont
les initiales des mots anglais exprimant les éléments de distinction. De façon à éviter toute ambiguité, je conserve ici
la notation intégrale de Searle. En voici, sauf pn ce qui a
trait aux symboles des buts illocutionnaires, un lexique complet.
- La correspondance entre le contenu prupositionnel exprimé dans
un acte de langage et la réalité extérieure sera notée par:
•
dans le cas de la correspondance des mots au monde
t
dans le cas de la correspondance du monde aux mots
; dans
.t dans
0
",'
;
' .
le cas de la co-correspondance stricte
le cas d e la co-correspondance distinctive
dans le cas de l'absence de correspondance
• ''l'' '''"ti!l" ::" ••
.....
~
. ......
''O
"'-
-.,."...
146
Les états psychologiques exprimés par les actes de langage
sont représentés par les symboles suivants :
B
pour la croyance (belief)
W pour le "vouloir" (want)
l
pour l'intentionnalité (intention )
(P) veut dire:
~
pour tout état psychologique pouvant
être exprimé par l'acte illocutionnaire
pour l'absence d'expression d'un état psychologique
- Les éléments du contenu p r opositio nnel sont exprimés par:
S
Le locuteur (speaker)
H
l'auditeur (hearer)
(p)
pour tout contenu p roposi t ionn el p o ss ible .
Les buts illocutionnaires sont symbolisés par un signe ou une
lettre et sont toujours le premier élément de la notation représentant les catégories d'actes illocutionnaires.
(15 )
Searle (1975a), pp. 356-357.
(16)
Il semble bien que la tentative se~rlienne ci-haut décrite de
classification des actes illocutionnaires doive être considérée
comme un premier et intuitif essai taxonomique. En effet, dans
Searle et Vanderveken (inédit: F.I.L.) est maintenant mis de
l'avant le projet d'une logique illocutionnaire dont l'un des
principaux objectifs eSL d'établir des critères plus formels
de classification des actes illocutionnaires. A cet égard ,
l'idée de base des auteurs consiste à déterminer les notions
sémantiques primitives adéquate s à u n e définition d e l d forc e
illocutionnaire . Selon eux • ..
.'
"The six primitive semantic notions of
illocutionary point, mode of achievement
of the illocutionary point, degree of
147
strenght, propositionalcontent conditions, preparatory conditions and sincerity conditions permit u s to define
the notion of illocutionary force .. . "
Searle et Vanderveken (inédit: F.I.L.),
p. 1-2l.
(Donnons, à l'aide d'exemples, une brève description de chacune
de ces notions.
(a) Le but illocutionnair e est l'objectif qu'un
locuteur cherche à atteindre par la performance illocutionnaire;
promettre, par exemple, c'est se me ttre dans l'obligation de faire
la chose promise. Toutes les forces illocutionnaires ont un but
illocutionnaire.
(b) Certaines forces illocutionnaires requièrent un mode caractéristique d'atteinte de leur but illocutionnaire; par exemple, un locuteur peut atteindre le but illocutionna ire de l'ordre en invoquant une position d'autorité à l'égard
de son auditeur.
(c) Certains buts illocutionnaires sont atteints avec différents degrés d e force; ainsi, un locuteur effectue une tentative de faire faire quelque chose à un a uditeur
avec beaucoup plus de force dans le cas d'un ordre que dans le
cas d'une demande.
(d) Certaines forces illocutionnaires tombent sous le coup de conditions de contenu propositionnel; par
exemple, le contenu propositionnel d'une prédication est toujours futur par rapport au moment de l'énonci at ion.
(e) Certaines forces illocutionnaires exigent que soient remplies des
conditions préparatoires; par exemple, une condition préparatoire de l'assertion est que le locuteur a des raisons pour supposer la vérité de son contenu propositionnel.
(f) Certaines
forces illocutionnaires exigent que le locuteur ait bien l'état
psychologique exprimé par sa performance illocutionnaire; par
exemple, en promettant, un locuteur doit avoir l'intention de
faire ce qu'il promet de faire).
.'
Sur la base de cette définition de la force illocutionnaire et
en acceptant l'hypothèse dite de la constructibilité (qui prétend 1) qu'il y a des forces illocutionnaires primitives dont
le butillocutionnaire est de base (i. e.: irréductible à
d'autres buts illocutionnaires), qui n'ont pas de mode caractéristique d'atteinte de ce but, q ui ont un degré de force
moyen et seulement des conditions de contenu propositionnel,
des conditions préparatoires et des conditions de sincérité
générales 2) que toutes les forces illocutionnaires peuvent
être obtenues au moyen d'un nombre restreint d'opérations
portant sur les différents constituants de la définition de
la force illocutionnaire à partir des forces illocutionnaires
148
primitives), il est possible, selon Searle et Vanderveken, de
donner une définition récursive d e toutes l es forces illocutionnaires des langues naturelles .
Ce qui ouvre la possibilité de classifier logiquement les actes
illocutionnaires. L'élément principal de cette entreprise taxonomique sera évidemment le but illocutionnaire puisqu'il est l'aspect le plus important de la définition de la force illocutionnaire.
Or, les buts illocutionnaires .sont des modes de xeprésentations.
Plus précisément, ...
"The illocutionary point of an utterance always
relates in a determined way the propositional
content of the illocutionary act with the world
of utterance." Id., p. III-S.
Les buts illocutionnaires correspondent ainsi à des directions
d'ajustement ("directions of fit") de la relation langage/monde.
Tenant compte de ce facteur, la taxonomi e illocutionnaire pourra
être développée selon cinq critères:
"(We use) ... five paterns of illocutionary acts ...
in our taxonomy: illocutionary point, direction
of fit, degree of strength, preparatory conditions and their role in the mode of achievement
of the illocutionary point, and sincerity conditions . " Id., p. IV-l.
L'application de ces critères conduit à l'établissement de cinq
catégories illocutionnaires: assertive~ commissive, directive,
déclarative et expressive. En tout point semblable à la classification intuitive de Searle, cette taxonomie formelle des forces
et des actes illocutionndires présente le grand avantage d'être
congruente à un ensemble de lois logiques.
DEUXIEME PARTIE
LA CONCEPTION SEARLIENNE DE LA SIGNIFICATION
.'
INTRODUCTION
Il serait tout
à fait téméraire de tenter de fournir une définition
à la fois complète et succinte de ce qui peut génériquement être appelée
la problématique de la signification.
Le concept même d e signification
est chargé d'une pluralité de sens qui oblige à une s aisie en grande
partie intuitive de son contenu idée l
(1) .
Dans u n autre ordre d'idées,
il n'est, par ailleurs, pas évident que les thèses qui
à travers l'his-
toire d e la pensée s e sont, explicitement ou implicite me nt, pré s e nté es
comme des théories de la signification fassent référence au même champ
d'investigation intellectuelle (2).
Chose c ertaine, elles pre nnent place
dans des réseaux conceptuels différents et complexes dont aucun ne semble ,
à première vue, en mesure d'épuiser ou de réduire à soi la notion de signification.
Il importe donc de l'utili s er
à partir de considérations
théoriques avouées.
Dans cette perspective, l'objectif de la seconde partie du présent
mémoire consistera
à dégager et à ana lyser la conception de la
significa~
tio4 langagière que Searle d é velopp e sur la base de s a t héori e , plus large ,
des actes de langage.
La problématique de la signification e st d ' e ntrée de jeu considérée
dans l'entreprise searliennei décrite alors, de façon très globale, comme
151
un trait caractéristique du langage, elle est dite constituée un sujet
d'étude de la philosophie du langage:
"The philosophy of language is the attempt to
give philosophically illuminating descriptions
of certain general features of language, such
as reference, truth, meaning, and necessity ... " (3)
La signification est aussi, selon Searle, prise en considération en philosophie linguistique mais, pouvons-nous dire, de façon plus restrictive,
le sens de certains mots faisant ici l'objet d e recherches:
"Linguistic philosophy consists in the attempt
to solve philosophical problems by analysing
the meanings of words ... " (4)
ciest en tant que problématique que la signification intéresse Searle
puisque son projet théorique prend place, selon ses dires, en philosophie du langage.
A cet égard , Searle formule, en première approximation, une série
de questions relatives
.>
à la signif i cation c onsidé rée comme sujet d'étude:
"How is it possible that when a speaker stands
before a hearer and emits an acoustic blast
such remarkable things occur as: the speaker
means somethingi the sounds he emits mean somethingi the hearer understands what is meant ... ?
How is it possible, for exampl e, that when .1 say
'Jones went home', which afte r aIl is in one way
just a string of noises, what l mean is: Jones
went home. What is the difference between saying
something and meaning it and saying it without
meaning it? And ",hat is involved in meaning
just one particular thing and not sorne other
thing? For example, how does it happen that
when people say, 'Jones went home' they almost
always mean Jones went home and not, say, Brown
went to the party or Green got drunk. And what
152
is the relation between what l mean when l
say something and what it means whether anybody says it or not?
( ... ) What is the difference between a meaningful string of words
and a meaningless one?" (5).
C'est en partie afin de donner réponse
à ce genre de questions que
Searle élabore sa théorie des actes de langage, qui éclaire donc, d'une
façon spécifique, la problématique de la signification.
Notre examen de
la conception searlienne de la signification suivra un développement en .
quatre temps: une analyse de la thèse qu 'il présente sur cette problématique; un compte rendu du principe d'exprimabilité qu'il met de l'avant ;
une analyse de sa théorie proprernent .qite de la signification et une étude
du rapport de cette théorie avec la question du contexte d'énonciation.
NOTES
(Deuxième partie - Introduction)
(1)
S'ajoute à cette difficulté d 'i soler la détermination preClse du
concept de signification celle, non moins ardue, posée par les
différences de sens justement entre les mots des langues naturelles
qui l'expriment. Il faut dire, à ce propos, qu'en ce qui nous concernera ici, le mot anglais ' meaning ' que Searle emploie correspond ,
grosso modo, au mot français 'signification'. Avec toutefois cette
restriction que 'meaning' est intimement associé, en anglais , au
verbe 'to mean' dont la traduction française peut être soit 'signifier', soit 'vouloir dire'. Le verbe anglais combine donc les
deux aspects, sémantique et pragmatique, que la langue française
disjoint en deux verbes différents.
(2)
Remarquons, au passage, la très grande fascinatio n que la probléma~
tique de la signification, comprise dans un sens très large, a tou~
jours semblé exercer en philosophie. A cet égard, Searle lui-même,
,la cite nommément quand il avance l'idée que la préoccupation intel~
lectuelle sur le langage est aussi vieille que la réflexion philosophique:
.'
"Though both the philosophy of language and
linguistic philosophy are pursued nowadays
with more self-consciousness than ever before, both are in fact as old as philosophy.
When in the Euthyphro Plato asks what is
piety, he may be regarded as asking a question concerning the concept pious, and this,
most contemporary philosophers would claim,
may be regarded as a question concerning the
exact meaning of the Greek word for pious ,
'hosion', and its synony~s in other languages. When in the Phaedo he advances the
theory that general terms get their meaning
by standing for the Forms he is advancing a
thesis in the philosophy of lan~Jage, a thesis about how words mean." Searle (197la),
pp. 1-2.
"Heaning" et "mean" s ont soulignés
par moi; les autres soulignés sont de Searle .
La signification pourrait ainsi être considérée comme candidate
au titre de problématique par excellence de l'entreprise philosophique à travers toute son histoi re. On comprendra, étant donné
154
la dispersion dans laquelle apparaissent s ' être développées les
différentes doctrines philosophiques , l'embarras à en donner une
définition précise.
(3)
Searle (1 969a ), p . 4.
(4)
Searle (1971a ), p. 1.
(5)
Searle (1969a), p. 3.
C'est moi qui souligne.
CHAPITRE CINQUIEME
LA THESE DE SEARLE SUR LA SIGNIFICATION
Searle énonce explicitement une thèse de portée très générale sur la
signification qui est inférée de son hypothèse de base et que précise la
répartition catégorielle d~s actes de langag~, premier constituant qe sa
théorie du même nom.
Mise en relation avec la distinction entre contenu
propositionnel et force illocutionnaire, deuxième ligne de force du système
searlien de la performance langagi ère , cette première avancée thétique peut
recevoir une formulation plus spécifique.
Il s'agit, dans le présent cha~
pitre, de rendre compte d e ce réseau de connexion s e ntre l'hypothèse de
base de Searle, sa théorie des actes de langage e t la problématique de la
signification en faisant ressortir, eu égard
à l'état actuel d es recherches
philosophiques sur le langage, l'originalité de ses positions sur le pouvoir
d'e~pression
significative du langage .
A - La thèse générale de Searle
Relativement
à la dimension sémantique des langues naturelles, Searle
défend la thèse générale d'une association intime entre la signification"
156
d'une séquence langagière et l'acte de langage qu'elle sert à performer:
"The speech act or acts performed in the utterance of a sentence are in general a function
of the meaning of the sentence." (1)
Le rapprochement ainsi opéré entre la constitution interne du langage et
son utilisation n'est pas que d'ordre relationnel; dans l'esprit de Searle,
les concepts même de signification et d'acte de langage s'entrepén~trent
mutuellement.
Leur association est donc bilatérale:
" ••. it is part of our notion of meaning of a
sentence that a literaI utterance of that sen,...·
tence with tha t meaning in a certain context
would be the performance of a p articular speech
act, ..• it is part of our notion of a speech
act that theré is a possible sentence (or sentences) the utterance of which in a certain
context would in virtue of its (or their) meaning constitute a performance of that speech
act." (2)
Cette thèse générale "associationniste" de Searle relative à la
signification doit être comprise à la lumière de son hypothèse de base
sur le langage.
l - La thèse générale de Searle et son hypothèse de base sur le langage
Searle présente l'hypothèse que parle r c'est s ' engager dans une forme
+
de comportement régie par des règles de la façon explicite suivante:
"The form that this hypothesis will take is
that speaking a language is performing speech
acts, acts such as making statements, giving
cornrnands, asking questions, makirig promises,
and so on; and more abstractly, acts such as
157
referring and predicating, and, s e condly,
that these acts are in g e n e ral made po s sible
by and are performe d in accordance with certain rules for the us e o f linguistic e l e ments. "
(3)
L'hypothèse searlienne de base, telle qu'ainsi spécifiée, établit une
correspondance entre la performance d'actes de langage et le ma niement
effectif d'un système linguistique quelconque auquel on attribue, entre
autres choses, un pouvoir de signification.
lité de procéder
Elle ouvre ainsi la possibi-
à une analyse des a cte s de l anga ge au moyen de la double
opération du repérage de leurs conditions de performance et d e l'extraction de ces dernières de règles sémantiques d'usage des éléments linguistiques:
"The procedure which l shall follow is to state
a set of necessary and sufficient conditions
for the performance of particular kinds of speech
acts and then extract from those conditions sets
of semantic rules for the use of the linguistic
devices which mark the utterances as speech acts
of those kinds." (4 )
L'association entre la signification d'une s équence verbal e e t l'acte d e
langage qu'elle sert
à accomplir est donc le penda nt du rapport reliant
les actes et le s règles de langage que Searle avait déjà proposé dans
son hypothèse de base.
Dire que la sign ification et la production
~
d'actes de langage sont fonctions l'une d e l'aut re c'est exprimer, en
d'autres termes et sous un aspect p a rticuli e r, la relation entre la performance langagière et sa réglementation .
158
Si tel est le cas, l'établissement de la correspondance entre les
conditions de performance des actes de langage et les règles sémantiques
régissant l'emploi des éléments linguistiques exerce un effet théorique
de rétroaction sur l'hypothèse searlienne de base dont la formulation
peut de la sorte être affinée:
"The form this hypothesis will take is that
the semantic structure of a language may be
regarded as a conventional realization of a
series of sets of underlying constitutive
rules, and that speech acts are acts characteristically performed by uttering expressions
in accordance with these sets of constitutive
rules." (5)
2 - La thèse générale de Searle et sa répartition des actes de langage
Dans la .répartition des actes de langage proposée par Searle, seul
l'acte illocutionnaire est qualifié d'acte complet de langage.
Quand
donc, dans la description de la procédure d'analyse de la performance
langagière de Searle et de son hypothèse de base, l'expression 'acte
de langage' est , dans sa g[néralité, employée, il faut comprendre que
référence est alors faite à la dimension illocutionnaire du langage
la lire 'acte ilJocutionnaire de langage'.
Cette précision notation-
nelle est d'ailleurs fournie par Searle lui-même:
"
et
stating a set of necessary and sufficient
condition s for the performance of particular
kind of illocutionary act, and extracting
from it a set of semantical rules for the
use of the expression (or syntatic device)
159
which marks the utterance as an illocutionary act of that kind." (6 )
"The hypothesis ... is that the semantics of
a language can be regarded as a series of
systems of constitutive rules and that il~
locutionary acts are acts performed in accordance with these sets of constitutive
rules." (7)
De la même façon, il doit être précisé que, selon la thèse
searlienne, c'est
à un acte illocutionnaire qu'est associée la signi-
fication d'une séquence verbale.
(Il importe alors de faire remarquer
que la thèse générale de Searle ne consiste pas en une définition de
la signification et que sa portée reste floue.
mes se posent
Au moins deux problè-
à l'association entre la signification d'une séquence
verbale et un . acte de langage :
le premier a trait
à la possibilité
que différ ents actes illocutionnaires puissent être accomplis par ·
l'énonciation d'un même énoncé et le second au fait qu'un acte illocutionnaire puisse ne pas être performé avec succès.
La thèse géné-
raIe de Searle ne nous apprend pas comment, dans de tels cas, doit
être considérée la signification de la séquence langagière proférée.)
B - La distinction entre contenu propositionnel et force illocutionnaire
et la thèse spécifique de Searle
La thèse de Searle sur la signification peut être spécifiée, avonsnous précédemment prétendu, à la lumièr e du deuxième constituant de sa
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•
_."
160
théorie des actes de langage .
De fait, la distinction entre contenu propo-
sitionnel et force illocutionnaire relève, selon Searle lui-même, de consi dérations sémantiques (8); elle devrait donc apporter quelque lumière quant
à la nature de l'association entre la signification d'une séquence langagière et l'acte qu'elle sert
à performer.
Searle déduit de la distinction entre force illocutionnaire et contenu
propositionnel (laquelle se manifeste le plus clairement par le fait que
plusieurs actes illocutionnaires puissent recéler la m@me proposition)
la possibilité méthodologique de mener des analyses distinctes de la pro~
position et des actes illocutionnaires.
Cela implique une différence de
nature entre les règles s'appliquant aux actes propositionnel et illocution~
nàire:
"Since the same proposition can be common to
different kinds of illocutionary acts, we can
separate our analysis of the proposition from
our analysis of kinds of illocutionary acts.
There are rules for expressing propositions,
rules for su ch things as ref8rence and predi,..·
cating, but l think that those rules can be
discussed independently of the rules for il~
locutionary force indicating ... .. (9)
Dans la performance d'un acte complet de langage où est exprilné un contenu
provositionnel, un locuteur effectue simultanément un acte illocutionnaire
et un acte propositionnel.
Il met alors en application deux systèmes pa~
rallèles de règles dont la réunion combinatoire dans l'énonciation consti~
tue la législation sous le coup de laquelle tombe sa performance langagière.
161
Or, cette dernière est associée, en vertu de la thèse générale searlienne
sur la signification, à la structure sémantique de la séquence verbale à
J
laquelle le locuteur a recours.
Dans un acte de langage où un contenu
propositionnel est exprimé dans le cadre d'une force illocutionnaire la
signification de l'énoncé est donc relative à ces deux dimensions du faire
langagier.
La thèse générale associant les éléments sémantiques d'une langue
naturelle aux actes de langage performés par l'emploi de séquences verbales de cette langue peut ainsi être reformulée sous la forme de la thèse
spécifique suivante:
la signification est fonction de la force illocu-
tionnaire et du contenu propositionnel de l'énonciation (10).
La thèse spécifique de Searle sur la signification fournit un critère d'identification sémantique:
deux énoncés, peu importe leurs différen-
ces lexicologiques ou syntaxiques, seront dits avoir la même signification
si leur marqueur de force illocutionnaire et leur marqueur propositionnel
expriment respectivement la même force illocutionnaire et la même proposition, leur différence de signification peut, d'autre part, être expliquée
1
par une dissemblance soit illocutionnaire, soit propositionnelle, soit à la
fois illocutionnaire et propositionnelle (11).
Eu égard à sa formulation générale, la thèse spécifique de Searle
sur la signification, tout comme, d'ailleurs, sa théorie des actes de langage par rapport à son hypothèse de base, marque, pourrait-on dire, le passage de ses idées sur le langage de l'état de simple conjecture à celui de
la systématisation thétique (12).
162
C - La thèse de Searle sur la signification et sa position en philosophie
du langage
La thèse de Searle sur la signification qui l'associe
à la perfor-
mance d'actes de langage recèle d'importantes conséquences d'ordres épistémologique et métathéorique (13) qui lui font occuper une position relativement originale en philosophie du langage.
l - L'effet épistémologique de la thèse de Searle sur la signification:
l'unifièation de son domaine d'étude
Relativement
à la question du découpage du savoir sur le langage en
différents sujets d'étude, la thèse générale de Se arle sur la signification
unifie le champ de la sémantique.
intrinsèque
Pour Searle, en effet, la signification
à la structure du langage et la "signification d'usage" ne
forment qu'une seule et même problématique:
"There are .•. not two irreducibly distinct semantic
studies, one a study of the meanings of sentences
and one a study of the perfcrmances of speech acts.
(
... )
••• a study of the meaning of sentences is not in
principle distinct from a study of speech acts.
Properly construed, the y are the same study." (14)
Cette intégration de toutes les questions relatives
à la signification
dans un seul champ d'investigation est rendue possible par la correspondance
associative de la signification des éléments linguistiques et de l'activité
langagière.
En d'autres termes, chercher
à déte rminer la signification
d'une séquence verbale ou l'acte de langage performé
à l'occasion de son-
163
énonciation, c'est tenter de donner réponse
à une seule e t même question:
"Since every meaningful sentence in virtue of
its meaning can be used to perform a particular speech act (or range of speech acts) , and
since every possible speech act can in principle be given an exact formulation in a sentence or sentences (assuming an appropriate
context of utterance ), the study of the meanings of sentences and the study of speech
acts are not two independent studies but one
study from two different points of view." (15)
Ainsi, l'effet épistémologique de la thèse générale de Searle sur
la signification ne consiste par
à récuser totalement les études restrein-
tes de la signification interne des séquences verbales et des actes de langage mais plutôt
à faire voir leur caractère partie l et leur nécessaire
complémentarité (16).
2 - L'effet métathéorique de la thèse de Searle . ~ la signification:
l'intégration des deux principales approches ~ philosophie du
L'effet métathéorique de la thèse spécifique de Searle sur la signification consiste
à ouvrir la possibilité d'une synthèse intégrative des
deux principales orientations de recherches en philosophie du langage.
L'une des prétentions de l'entreprise searlienne est, en effet , de fonder une théorie complète et cohérente du langage capabl e de tenir compte
et d'intégrer les acquis respectifs des approches 'positiviste' et
liste'.
Or, c'est précisément
à propos de la problématique de la
luti~
signi~
fication que ces deux directions de recherches se séparent le plus radi~
calement :
164
"It is possible to distinguish at least two
strands in conte mporary work in the philosophy of language -one which concentrates
on the uses of expressions in speech situations and one which concentrates on the
meaning of sentences. Practitioners of
these two approaches sometimes talR as if
they were inconsistent, and at least sorne
encouragement is given to the view that
they are inconsistent by the fact that
historically they have been associated with
inconsistent views about meaning. Thus,
for example, Wittgenstein's early work,
which falls within the second strand, contains views about meaning which are rejected in his later work, which falls within
the first strand." (17)
Les deux approches en philosophie du langage, telles qu'ainsi caractérisées, correspondent aux deux études sur la signification que la thèse
générale de Searle vise
à unifier.
Défendre l'idée d'une association
entre la signification et les actes de langage revient donc,
métathéorique,
à concilier ces deux orientations centrales:
"But although historically there have been
sharp disagreements between practioners of
these two approaches, it is important to realize that the two approaches, construed not as
theories but as approaches to investigation,
. are complementary and not competing. A ty~
pical question in the second approach is,
'How do the meaning of the elements of a
sentence determine the meaning of the whole
sentence?' A typical question in the first
approach is, 'What are the different kinds
of speech acts speakers perform when they
utter expressions? ' Answers to both questions
are necessary to a complete philosophy of language , and more importantly, the two questions
are necessarily related.
They are relat e d
because for every possible speech act there is
a possible sentenc e or set of sentenc es the
literal utte ranc e of which in a particular context would constitute a pe rformanc e of that
speech act." (18)
à un niveau
165
Searle cherche donc
à ouvrir en philosophie du langage une troisième
approche qui serait un dépass ement synthétique des deux orientations tra ditionnelles.
L'enjeu de ce projet théorique, parce qu'il origine de la
thèse searlienne sur la signification, d emeure une détermination de cette
même problématique.
A cet égard, la thèse spécifique de Searle sur la si-
gnification s'oppose aux vues correspondantes respectives des deux approches historiquement dominantes en philosophie du langage.
Les tenants de. l'approche 'positiviste' mettent de l'avant une conception assez étroite de la signification: étant donné qu'à leurs yeux
le langage sert principalement
à communiquer de l'information factuelle,
ils défendent l'idée que la signification des éléments linguistiques est
.
totalement réductible
où ils figurent (19).
.
à l'attribution d'une valeur d e vérité aux énoncés
Autrement dit, dans les termes de la thèse spécifique
de Searle, la signification, selon l'approche 'positiviste', s'épuise dans
le contenu propositionnel alors que la force illocutionnaire de l'énonciation d emeure tout
à
fait impertinente à sa détermination.
qu'il accorde autant d'importànce
Searle, parce
à ces deux constituants dans la définition
du sens d'une séquence langagière, récuse une telle équivalence ëntre la
signification et l'attribution d e v aleurs de vérité
à d es propositions.
Les catégories du vrai et du faux ne révèlent, selon lui, qu'une partie
~
(relative au conte nu propositionnel) de la signification langagière qui
demande, afin d'être saisie dans sa totalité, la p rise en considération
de la force illocutionnaire de l'é nonc iation .
166
A l'approche 'utiliste' en philosophie du langage, Sea rle adresse le
reproche de manque r d e véritables assises théoriques.
D'après lui, cette
deuxième orientation, principalement exploitée en philosophie linguistique
(en raison précisément de sa carence théorique) n'a pas encore merié
l'établissement de thèses cohérentes en phi losop hie du langage.
vement
à
Relati-
à la problématique de la signification, les tenants de l'approche
'utiliste ' se seraient ainsi, toujours selon Searle, contentés de mots
d'ordre non critiques:
"Linguistic philosophers ... had no general
theory of language on which to base th eir
particular analyses. What they had in
place of a general theory were a few slo ~
gans, the most prominent of which was the
slogan, 'Meanîng 1s Use'. This slogan
embodied the belief that the meaning of
a word is not to be found by looking for
sorne associated mental entity in an introspective realm, nor by looking for
sorne entity for which it stands, whether
abstract or concrete, mental or .physical,
particular or gene ral, but rather by ca~
refully examining how the word is actually used in the language. As an e s cape
route from traditional Platonic or e mpiricist or Tractatus -like the ories of
meaning, the slogan 'Heaning 1s Use' was
quite beneficial. But as a tool of ana~
lysis in its own right, the notion of us e
is so vague that in part it led to •.• con~
fusions ... " (20)
Dans la mesure où la force illocutionnaire d'une énonciation consiste
en ce
à quoi revient son emploi (comment elle doit être prise), llapproc he
'utiliste', guidée par le slogan 'la signification c'est l'usage ' r peu
importe la portée théorique effective de ce dernier, concentre l'attention
167
sur la dimension illocutionnaire d'une séquence langagière.
par ailleurs, tout
Elle demeure,
à fait inapte à prendre en considération, dans la dé-
termination de la signification, le contenu propositionnel de la même
énonciation.
En cela, elle manque
à la condition de complétude d'une
véritable théorie de la signification.
3 - Le débat entre Searle et Hare ~ propos du rapport entre acte de
langage et signification
L'une des confusions auxquelles aurait mené l'emploi théoriquement
vague du slogan ' Meaning 1s Use' a consisté, selon Searle,
à expliquer la
signification, tout au moins partielle , d e c e rtains mots par l'acte que
leur emploi sert
à accomplir.
Appelant sophisme de l'acte de langage
("the speech act fallacy") cette inférence indue, il l'attribue
à quel",,"
ques-unes des figures marquantes de la philosophie linguistique contemporaine: Hare, Strawson, Austin, Toulmin, etc.
mis en cause, Richard M. Hare, a daigné réagir
(21).
Un des philosophes ainsi
à la critique de Searle
Parce qu'il est plus malaisé de con pre ndre la position de Searl e
à l'égard de l'approche 'utiliste' q u' e nvers l'orientation dite fpositiviste' et aussi parce que leur confrontation porte explicitement sur la
problématique de la signification , il vaut la peine de r e ndre compte, as~
sez~longuement,
de ce débat entre Searle e t Hare .
Dans son attaque du sophisme de l'acte de langage (Hare aurait
com~
mis cette erreur en expliquant la signification du mot 'bon' par le fait
que son emploi revient souvent
à effectuer un acte d'approbation),
Searl~
commence par mettre de l'avant un critère d'adéquation, qu'à ses yeux,
168
toute thèse portant sur la signification des éléments linguistiques se doit
de rencontrer:
"Any analysis of the meaning of a word (or
morpheme) must be consistent with the fact
that the same word (or morpheme) can mean
the same thing in aIl the grammatically
different kinds of sentences in which it
can occur." (22).
Cette condition préliminaire vise à préserver la détermination de la signification des mots des fluctuations qu 'entraînent les transformations
syntaxiques des phrases dans lesquelles ils figurent.
Ainsi, un mot doit
conserver la même signification quel que soit le mode grammatical de la
phrase où il apparaît.
Or, selon Searle, l'analyse par l'acte de langage ("speech act analysis") qui fait dépendre la signification de mots des actes performés par
leur énonciation ne respecte manifestement pas ce critère.
C'est-à-dire
qu'elle ne donne pas aux mots une signification qui leur serait conservée dans
les dive rses constructions gram..rna ticales ('ù i ls peuvent prendre place.
Sauf e n ce qui concerne les verbes performatifs, il es t e n effe t possible
de produire des séquences langaqières où figure un mot, dont la signification
aurait préalablement été définie en fonction de l'acte qu'il sert quelques
fois à accomplir, qui n'ont plus aucun rapport avec cet acte..
Par exemple,
le mot 'bon, peut apparaître dans une phrase conditionnelle ("Si cette chose
est bonne, nous devrions l'acheter") où, de façon très évidente, aucun acte
d'approbation ou aucun autre acte semblable n'est effectué.
169
Sur la base de Gontre-exemples de ce genre, Searle déduit que ...
"Calling something good is characteristically
prâising or commending or recommending it, etc.
But it is a fallacy to infer from this that the
meaning of 'good' is explained by saying it is
used to perform the act of cOIllillendation." (23)
En d'autres termes, le sophisme de l'acte de langage origine, d'après
Searle, du fait qu'ayant déterminé l'acte illocutionna ire d'un e énonciation on croit avoir, ipso facto, isolé la signification d'un mot qu'elle
contient.
La raison de cette déduction erronée est une identification de
la signification du mot et de son emploi.
c'est à cette méprise qu'en veut principalement Searle; ce qui ne
l'empêche, par ailleurs, pas de reconnaître l'importante valeur suggestive
des études sur le langage que, malgré son caractère non-critique, le slogan
'Meaning Is Use' a permis de développer:
"The speech act analysis correctly saw that calling
something 'good' is characteristically commending
(or praising, or expressing approval of, etc) iti
but this observation, which might form t he starting
point of an analysis of the word ' good', was treated as if it were itself an analysis. And it is
very easy to demonstrate that it is not an adequate
analysis by showing aIl sorts of sentences containing the word 'good' utterances of which are not
analysable in terms of commendation (or praise,
etc) ." (24)
"As a tool of analysis, the use t heory of meaning
can provide us only with certain data , i.e., raw
material for philosophical analysis .. . How such
data are systematically analysed, explained, or
accounted for will depend on what other views or
theories about language we bring to bear on such
data, for the use theory does not by itself pro-
170
vide us with the tools for su ch an analysis ... " (25)
La théorie des actes de langage de Searle, sa thèse générale et sa thèse
spécifique sur la signification forment une telle armature conceptuelle
à caractère explicatif global susceptible, selon lui, de rendre compte
des données mises au jour par les praticiens de la philosophie linguistique.
Hare développe une très intéressante réponse
à l'égard de sa propre analyse du mot 'bon'.
à la critique de Searle
Il y présente d'abord, de
façon précise, la thèse qu'il défend:
" ... (1) claim that the meaning of a certain
word can be explained, or partly explained,
by saying that, when incorporated in an appropriate sentence in an appropriate place,
it gives to that whole sentence the proper~
ty that an utterance of it would be, in the
appropriate context, a performance, of a
certain kind of speech act. Il (26)
Par ailleurs tout
à fait d'accord avec le critère d'adéquation proposé
par Searle (i.e.: la signification d'un mot doit demeurer constante dans
toutes les phrases grammaticalement différentes où il figure), Hare admet
également qu'un mot puisse apparaître dans une séquence langagière sans que
soit performé l'acte de langage auquel il est habituellement lié.
possibilité ne contredit cependant pas,
fication ci-haut décrite.
Cette
à ses yeux, sa thèse sur la
signi~
Bref, tout en endossant les remarques de Searle,
Hare conteste la conclusion qu'en tire l'auteur de Speech Acts:
" ... the appearance of a word in interrogatives,
negatives, and conditional clauses provides no
general argument against explaining its meaning
in terms of the speech act standardly performed
in categorial affirmative utterances containing
it; ... once we understand the transformations
ln
which turn simple sentences into these more
complex forms, we understand also how the
words in them have meaning, even though the
spe~ch acts in terms of which their meaning
was explained are no longer being performed." (27)
Cette prétention théorique à la non-contradiction entre la détermination de la signification d'un mot par l'acte de langage qu'il sert à
performer quand il apparaît dans une phrase au mode indicatif et l'emploi
du même mot dans des phrases à d'autres modes, en l'absence de performance
de l'acte -ainsi que la procédure de transformation des formes d'énoncia~
tion ou des phrases sur laquelle nous ne nous attardons pas ici-, Hare
l'appuie sur une tripartition catégorielle des éléments d'une énonciation.
Selon lui, en effet, trois éléments de la séquence verbale ont à être distingués.
Il Y a déjà longtemps, Hare avait, à l'occasion du développement de
sa théorie éthique prescriptiviste, présenté une division de l'énonciation
en deux termes auxquels il avait donné les noms techniques de neustique
("neustic ") et de phrastiq\.~ e ("phrastic ").
Cherchant alors
à différencier
les phrases impératives et indicatives, Hare avait ainsi caractérisé ces
deux éléments:
"I shall calI the 'part of the sentence that is
common to bath moods ... the phrastic; and the
part that is different in the case of commands
and statements ... the neustic.
( ... )
'Phrastic'
is derived from a Greek word meaning 'to point
out or indicate', and 'neustic' from a word
meaning 'to nod assent'.
Both words are used
indifferently of imperative and indicative speech.
172
The utterance of a sente nce containing phrastic
and n e ustic might be dramatized as follow: (1)
the speaker points out or indicates what he is
going to state to be the case, or command ta be
make the case; (2) He nods, as if to say 'It is
the case', or 'Do it'." (28)
Dans cette première version de distinction des éléme nts de l'énonciation , le phrastique consiste en ce qui est exprimé et le neustique en
la façon dont ce contenu propositionnel est considéré.
à
Hare raffine maintenant sa distinction d e base qui passe de deux
trois éléments.
En fait, c'est le neustique qui est disjoint afin que
soit vue la différenc e entre la forme de l'énonciation et le fait qu'un
locuteur souscrive
à l'acte de langage performé a u moyen de cette
énonc ia~
tion:
"1 now think that, in the supposed interests of
simplicity, l sinned against the light by blur~
ring the distinction bebleen sign of mood and
sign of subscription. The commonly used ex~
presêion 'assertion sign' can easily lead us
ta ignore this distinction, and also that bebween assertion (whose content can be negative)
and affirmation. For t his sin l will now try
to atone by using the term 'neustic' more narrowly for the sign of subscription to an asser ~
tion or other speech act, and inventing a new
term 'tropic' (from the Greek word for 'mood')
for the sign of mood." (2 9 )
~
La distinction des éléments de l'énonciation de Hare comprend doné trois
facteurs: le phrastique corr espond toujours au contenu propositionnel
ex~
primé, le tropique qui représente son mode grammatical et le neustique, signe
de l'adhésion du locuteur
à l'égard de l'acte de langage performé.
173
A l'aide de cette différenciation, Hare croit être en mesure d'expliquer le fait qu'un acte de langage en fonction duquel est habituellement
donnée la signification d'un mot n'est pas performé dans une séquence
verbale donnée où figure ce même mot.
Dans une proposition (entendue
ici au sens grammatical du terme) conditionnelle, par exemple, sont bien
présents un phrastique et un tropique mais manque un neustique (un neustique
sera cependant présent dans la phrase entière où prend place la conditionnelle).
Rien dans une telle proposition (et dans d'autres genres de pro-
positions) ne représente une adhésion du locuteur.
Or, une proposition
doit comprendre un neustique pour qu'elle soit u tilisée
à la performance
d'un acte de langage:
" ••. to be used to perform the speech acts, the
clause in which the words appear would have a
neustic, and this is lacking in theconditional clause." (30)
Il n'est, par con~~quent, pas étonnant qu'un mot figurant dans une proposition conditionnelle ne serve pas, dans ce cas,
acte de langage.
à l'accomplissement ·d'un
D'après Hare, cependant, la d é termination de la signi-
fication de ce mot n'en demeure pas moins étroitement liée
à l'acte qui est
pçrformé, dans les énonciations admettant un neustique, par l'utilisation
de ce mot.
Hare soutient de plus que l'absence de neustique dans certains
..
genres de propositions grammaticales n ' affecte pas la potentialité des mots
qu'elles contiennent
à p e rformer des actes.
Ainsi, malgré la possibilité
d'apparition d'un mot dans une séquence langagière où aucun acte n'est accompli, la thèse faisant dépendre la signification de ce mot de l'acte qp'il
sert habituellement
à effectuer est préservée, selon Hare, de toute contra-
174
diction:
"I am making only the defensive point that the
fact that other tropics may figure in the analysis of thi s complex word (good) besides the
indicative tropic, and that therefor~ senten~
ces containing it cannot be described without
qualification as assertions, but have to be
explained in terms of the more complex speech
act of commending, is no bar to the appe aran~
ce of the word in contexts where commending
is not taking place, provided that the rela~
tion of these contexts to those in which it
is taking place can be explained." (31)
A l'encontre de Searle donc, Hare continue de soutenir que l'anal yse
par l'acte de langage constitue la base de la détermination de la signification d'un mot même s'il arrive que ce mot puis se figurer dans une propov
sition où n'est pas performé l'acte de langage.
Qu'en est-il exactement des enjeux de la confrontation entre Searle
et Hare
à propos de la signification?
relativement
Il importe d'abord de remarquer que,
à une distinction des points de vue fondamentaux sur la question,
elle demeur0. d'une dimension fort re stre inte.
effet sur le cadre théorique
Searle et Hare s'accordent en
à partir duquel doit être envisagée la
tique de la signification: tous deux cherchent
de la performance langagière.
à la caractériser en fonction
Un examen des thèses générale et spécifique de
Searle l'a fait, en ce qui le concerne, clairement voir.
présente la position opposée
probléma ~
Quant
à Hare, il
à la sienne dans des termes que, pour faire de
même, Searle pourrait reprendre
à son propre compte:
175
"In the bolder form, the criticism would say that
illocutionary force is something differ e nt from
meaning, and that therefore no account of the illocutionary force of an utterance tell us anything
about the meaning of the utterance or of any word
us ed in it. Il (32)
A contrario tout au moins, Searle et Hare établissent l eur position sur
la problématique de la signification dans une perspective semblable: il
s'agit pour eux de rendre compte de la contribution de la dimension illocutionnaire dans la détermination de la signification des éléments de
l'énonciation.
Il Y a donc lieu de s'interroger sur la nature même de leur divergence.
Il apparaît , en premier lieu, que la thèse sur la signification des
mots que Searle attribue
à
Hare ne correspond plus tout
que ce dernier en présente dans son texte de réplique.
à
à
la version
à l'acte que son
cette thèse des précisions res-
trictives relativement au genre de phrases où le mot figure,
y occupe et
à
Bien sûr, Hare con-
tinue de soutenir que la signification d'un mot est reliée
énonciation performe; il apporte cependant
fait
à
la place qu'il
à son contexte d'énonciation (" ... in an appropriate sentence in
an appropriate place ..• in an appropriate context ... " op. cit. p. 170).
Alnsi formulée, la thèse de Hare semble échapper entièrement
à la critique
de Searle qui repose sur le fait qu'un mot puisse apparaître dans une cons-
.
truction grammaticale que justement Hare jugerait inappropriée.
Plus pré-
cisément, en fournissant une explication raisonnée au fait que ne soit
pas performé dans c ertains types de propositions grammaticales l'acte de
langage en fonction duquel peut être éclairée la signification d'un mot
176
qui y figure, laquelle explication est congruente à la fois av e c le principe d'adéquation proposée par Searle et la thèse de Hare, ce dernier désamorce la critique searlienne en l'amputant de son caractère "contreexemplaire".
Deuxièmement, en procédant comme il le fait, Hare est exo-
néré du blâme majeur que Searle adresse aux praticiens de la philosophie
linguistique.
Ce que l'auteur de Speech
~
veut, en è ffet, illustrer,
par sa démonstration du sophisme de l'acte de langage; c'est l'inadéquation d'une forme d'analyse des éléments linguistiques qui prétend se passer
d'un support théorique explicite.
Or , très manifes t e ment , Hare ne déve lop-
pe pas sa thèse sur la signification sous l'impulsion intuitive du slogan
'Meaning Is Use'.
Il l'appuie, au contraire, sur des considérations
théo~
riques, certes différentes-de celles de Searle, mais qui ne se réduisent
tout de même pas à une simple estimation non-critique de "données".
La
tripartition de Hare, phrastiquejneustique jtrop ique , constitu e llessentiel
de l'appareillage théorique à la lumière duquel il cherche à expliquer les
phénomènes linguistiques, y compris ceux qui semblent mettre en éehec la
thèse sur l
è.
signification que Searle lui i mpute .
Ceci étant dit, reste à voir, le plus précisément possible, on se
sltue la controverse entre Searle et Hare à propos de la problématique de
la signification.
La prise en considération d'une distinction entre la
i>
signification des phrases et la signification de s mots, est, à cet égard,
fort éclairante.
Il semble, en effet, possible de carac tériser les thè ses
respectives de Searle et Hare relative s au rapport entre acte de langage et
signification selon les termes de cette distinction.
L'idée que Searle met
de l ' avant quand, entre autres endroits, il s'attaque au sophisme de l'acte
177
de langage, èst que la dime nsion illocutionnaire (c'est-à-dire, fondamentalement, cela qui fait qu'une
énonciation constitue la performance d'un
acte complet de langage) détermine la signification des phrases proférées
par un locuteur.
Hare, pour sa part, établit plutôt une liaison entre
l'acte de langage produit et la signification des mots.
Relativement à la problématique de la signification des phrases, Hare
partage les vues de Searle.
Pour ce dernier, un acte de langage est perfor-
mé par l'énonciation non pas de mots particuliers mais de phrases:
" ... the unit of the speech act is not the word
but the sentence." (33).
Hare semble parvenir à la même conclusion quand, montrant la différence
entre une proposition grammaticale conditionnelle et la phrase entière
dans laquelle elle s'insère, il affirme que pour être employée à la performance d'un acte de langage une séquence verbale doit comporter un neustique:
" ... a neustic has to be prese:1t or understood
before a sente nce can be used to make an assertion or perform any other speech act ••• " (34)
Pour qu'il y ait acte de langage, il faut que l'adhésion du locuteur soit
manifeste.
Or, dans toute phrase complète est bien exprimée une telle
souscription alors que ce n'est pas le cas dans une phrase incomplète,
entre autres, dans une proposition conditionnelle.
En d'autres termes,
le n e ustique , élément indispensab le à la performance d'un acte de langage,
doit également être présent dans une phrase pour qu'elle soit dite être
complète.
Sur la bas e de cette identification des actes de langage
à des
178
phrases complètes , Hare ne peut qu'être d'accord ave c Searle sur le fait
que la signification des phrases est fo nction des actes de langage qu'elles
servent
à performer.
Toutefois, Hare va plus loin en prétendant que dire que la signification d'une phrase comportant un certain mot est fonction de tel acte
de langage revient par le fait même
moins partielle,
à ce mot.
à donner une signification, tout au
En d'autres termes, d'après Hare, la signi-
fication d'un mot est en partie fonction de l'acte de langage performé
par l'énonciation des phrases complètes où il apparaît et le mot conserve
cet élément de signification même s'il figure dans une phrase ou une proposition où n'est pas acco~pli l'acte de langage e n question.
Contrairement
à Hare, Searle ne s'intéresse pas du tout à la signi-
fication des mots mais exclusivement
à la signification d es phrases.
Une fois la thèse de Hare sur la signification des mots épurée des carences flagrantes soulignées par Searle, ce dernier ne peut plus guère la
mettre en Cduse en vertu de ce qu'il appelle le sophisme de l'acte de langage.
Il est aussi difficile d'imaginer comment il pourrait autrement
l'attaquer.
En somme, telle que Hare la reformule sa thèse sur la signification
des mots constitue un prolongement direct mais non obligé d e la thèse de
Searle sur la signification des phrases.
tene ur, contester c e lle-là.
Celle-ci ne peut, par sa seule
NOTES
(Chapi tre cinquième )
(1)
Searle (1 969a ), p. 18
(2)
Id., pp. 17-1 8 . Les notions d ' expression littérale et de contexte
qui apparaissent dans la citation sont impertinentes à notre présent
propos. Les prob12matiques auxquelles elles donnent lieu seront
analysées au chapitre huitième.
(3)
Searle (1969a), p. 16.
(4)
Id., p. 22.
( 5)
Id., p. 3 7 .
(6)
Searle (1971b), p . 40.
(7)
Id., p. 42. C'est égaleme nt moi qui souligne. Il est à remarque r
que les deux dermières citations sont tiré es de Searle (l971b).
Il ne faudrait pas en déduire que, re lative ment aux précisions
dont il est ici question, ce texte constitue un apport théorique
maj eur par rapport à Speech Acts . En fait, quand d ans. ce ' d ernier
livre , Searle emploie l' expr ession ' actes d e langage' (voir l es
citations 4 et 5), il sous-entend que l'activité langagiè re dont
il s'agit est d'ordre illocutionnai re . La raison pour l~quelle
c e qv~ lifi catif ne figure pas dans l'expression est tout simplement
q u'au moment où Searle explique sa procédure d'analyse des actes de
langage et explici te son hypothèse d e base, il n'a pas encore prRsenté sa répartition d es actes d e langage . Ce qui veut dire que
le s précisions à leur égard dont nous faison s état n'ont aucune espèce d'incidence chronologique; elles demeurent d'ordre exc lusiv emen t théo rique.
( 8)
C'est moi qui souligne.
" ... 1 am distinguishing betwee n the illoc u tionary act
and the propositional content of the illocutionary act.
(
... )
From this semantical point of view ...
(
... )
... thi s semantic distinction .. . "
Searle (1969a), p. 30.
180
(9)
(10)
Id . , p . 31.
Searle ne formule pas, d e façon explicite, dans Speech Acts,
cette d es cription de ce que nous appelons sa "thèse spécifique"
sur la signification. Cependant , elle semble bien faire partie
du système conceptuel qu'il y développe -j'en donne des indices
~ la note 16-. Par ailleurs , Searle expose indirectement, en au
moins une occasion, l ' idée que nous lui attribuons ici sous la
forme notationnelle d'une thèse spécifique:
" .•. 1 wish to claim, the intended effect of meaning
something is that the hearer should knO\v the illocutionary force and propositional conten t of the
utterance ... " Searle (1971a), p. 8 .
(11)
Ainsi, par exemple, les énoncés "Pierre est venu" et "Il est venu"
ont , si 'pierre' et 'Il' dénotent le même individu, la même signification parce qu ' alors leur contenu propositionnel et leur force
illocutionnaire sont en tous points semblables. Une différence d e
contenu propositionnel entre deux énoncés ayant par ailleurs la même
force illocutionnaire explique la différence de signification entre
" Pierre est venu " et "Paul est venu". Une différence de force illocutionnaire, alors qu'ils ont le même contenu propositionnel, fait
de même pour les énoncés "Pie rre est venu " et "Pierre est-il venu?".
Une différence ~ la fois de contenu propositionnel et de force ill ocutionnaire explique la différence radicale de signification entre
l es énoncés "pierre est venu" et "Pau l est- il parti?" .
(12)
Je v ' ludrais faire remarquer qu ' il est possible de donner deux interprétations ~ la thèse spécifique d e Searle sur la signification selon la position qu'on adopte r e lative ment ~ la possibilité d e performer un acte illocutionnaire sans contenu propositionnel.
Searle , on s'en souviendra, reconnaît explicitement que des actes
complets de langage puiss e nt être propositionnellement vides. Sa
thèse spécifique fait, par ai lleurs, dépendre la signification du
couplage de la force illocutionnaire e t du contenu propositionnel.
Searle devrait, dans ces conditions , logiquement admettre que la signification d'une énonciation manquant de contenu propositionnel est
totalement déterminée par sa force illocutionnaire. Cette dernière
déterminerait donc partiellement la signification de certains énoncés
et entièrement celle de certains autres énoncés . Outre le caractère insolite des résultats théoriques d e cette sorte auxquels elle.
mène, l ' admission q~e des actes complets de langage puissent ne pas
181
avoir de contenu propositionnel exige que soit précisée en un
certain sens la thèse spécifique de Searle sur la signification.
On doit, en effet, considérer que la signification est, de façon
générale la résultante de la combinaison du contenu propositionnel et de la force illocutionnairei c'est-à-dire quand l'énonciation exprime des propositions. La thèse spécifique de Searle se
lirait donc à peu près comme suit: la s 'ignification d'un énoncé
servant à la performance d'un acte complet de langage est donné~,
quand 'cet acte a un contenu propositionnel, par la force illocutionnaire et le contenu propositionnel.
L'embarras qu'on peut ressentir vis-à-vis cette restriction de la
portée de la thèse de Searle sur la signification s'estompe si,
contrairement à ce que lui-même en pense, est défendue l'idée que
tout acte complet de langage comprend bien un contenu propositionnel.
(Nous avons, au ch~pitre quatrième, note 7, mis de l'avant
cette façon de voir les choses et proposé un début d'explication
au fait que certaines énonciations semblent ne pas recéler de contenu propositionnel). Si tel est le cas, la thèse spécifique de
Searle sur la signification retrouve le caractère d'universalité
dont elle paraissait être pourvue au moment de son exposition par
Searle: comme tout acte complet de langage a nécessairement un
contenu propositionnel, la signification d'un énoncé servant à
la performance de cet acte est livrée par le couplage de sa force
illocutionnaire et de son contenu propositionnel.
Quoiqu'il en soit exactement de cette question peut-être un peu
byzantine, elle n'atteint pas, bien sûr, l'objet essentiel de la
thèse spécifique de Searle qui est de faire valoir l'importance à
la fois de la force illocutionnaire et du contenu propositionnel
dans la détermination de la signification langagière.
(13)
Je donne ici à ces termes les acceptions particulières suivantes.
J'entends par ordre épist.émologique la préoccupation de répartition du savoir, dans le présent cas sur le langage, en différentes
disciplines ou différents secteurs délimitatifs. J'appelle métathéorique un questionnement portant sur des théories constituées
relatives à une problématique, ici la signification.
(14)
Searle (1969a), pp. 17-18.
(15)
Id., p. 18.
182
(16)
Par ailleurs, toujours d'un point de vue épistémologique , la thèse
spécifique de Searle sur la signification qui accorde une aussi
grande importance au contenu propositionnel et à la force illocutionnaire dans la détermination de la signification des énonciation s langagières est peut-être à l'origine de l'absence assez remarquable, dans ses écrits, de considérations relatives à une
c ertaine division, communément utilisé e de nos jours , des domaines
d'étude sur le langage qui en di s tingue les aspects syntaxique,
sémantique et pragmatique. En fait, Searle ne fait référence à
cette répartition tridimensionne lle que pour manifester sa réserve
à l'égard d e l'octroi d'un statut théorique privilégié à la pragmatique:
" ... 1 have never found this distinction, between
pragmatic:s on the one hand and syntax and semantics on the other, very useful , as it seems to
presuppose a particular theory in the philosophy
of language, and thus beg several questions a t
the outset." Searle (l969b), p. 217.
La distinction entré pragmatique et sémantique (pour les fin s dl.l
présent propos, la syntaxe peut être laissée de côté) est généralement attribuée à Charles Morris pour qui ...
"One may study the relations of signs to the objects
to which the signs are applicable. This r e lation
will b e called the semantical dimension ... ; the
study of this dime nsion will be call ed semantics.
Or the subject of study may b e the relation of
signs to interpreters. Tnis relation will be
called the pragmatical dimension . .. and the study
of this dimension wiil be named pragmatic:s."
Morris (1938), p. 84.
~
Relativement à la prob18matique de la signification -d'un point de
vue très général- , dans la perspective morissienne, une thèse sera
dite sémantique si elle exprime la signification d e s phrases par l a
relation de l e urs signes constituants aux objets auxquels ils s'appliquent; une thèse qui, autrement, fait dépendre la signification
des séquences verbal es de la relation des signes aux individus qui
les utilisent pourra être qualifiée de pragmatique. Selon Searle,
la relation des signe s l ingu istique s à d es obj e ts constitue l'aspect
propositionne l d'une énonciation; pour lui, en effet, la référence
et la prédication sont des actes de langage accomplis au moyen de l' expression de propositions. Quant à l a relation entre les signes
183
et l e urs utilisateurs, elle fait partie, touj ou rs d'après Searle,
du cadre illoc utionnair e du langage ; un acte illocutionnaire consiste en ce à quoi revient l' énonciation par un locuteur, éventuelleme nt à l'égard d'un audite ur, d'une s é quence langagière donnée.
Or, la thès e spécifique d e Searle sur la signification pose que
la signification d'une telle séquence verbal e est fonction à la
fois d e son contenu propositionnel et de la force illocutionna ire
de son énonciation . Searl e défend donc une thèse sur la signification qui, eu égard à la distinction de Morris, combine l es
dimensions sémantiqùe et pragmatique. On peut comprendre pourquoi
il ne trouve pas très éc lairante la distinction en question.
(17 )
Searle (1 969a), p. 18.
(l8)
Id., pp. 18-19.
(19 )
Cette description d e la position d e l'approche dite 'posi tiviste'
est de Searle lui-même q ui nous d it que ses tenants: ...
" ... all assume that the only , at any rate the
primary, aim of language is to represent and
communicate factual information , that the part
of language that really counts is the 'cognitive ' part." Searle (1971a ), p. 6 .
D ' aucuns pourraient prétendre que, bien qu ' ils étaient surtout intéress é s par l e langage d e la science , les philosophes d'orientation 'positiviste' n e défendaient pas cette idée qui leur es t attribué e par Searle.
(20 )
Searle (1969a ), p. 146.
(21 )
La critique du sophisme d e l'acte de langage est menée dans Searle
(1962) e t est reprise dans Speech Acts . La réplique à Searle est
fait e dans Hare (1970).
I l e st à remarquer que l es d e ux textes
porte nt le même titr e : "Me aning and Speech Acts" .
( 22)
Searle (19 69a ), p. 137.
184
( 23 )
Id ., p . 139 .
( 24)
Id. , p. 139.
( 25 )
Id., pp . 148-149.
( 26)
Hare (1970) , p. 75.
(27)
Id., p. 89.
( 28)
Hare (1952), p. 18.
( 29)
Hare (1970), p. 90.
(30)
Id . , p. 93.
(31)
Id., p. 93 .
(3 2 )
Id. , p . 76.
(33)
Searle (1 962 ) , p. 429.
(34)
Hare (1970), p. 92 .
CHAPITRE SIXIEME
LE PRINCIPE SEARLIEN D ' EXPRIMABILITE
Prospectant le filon spéculatif ouvert par son hypothèse de base,
Sear l e élabore une théorie des actes de langage et, de la conjonction de
ces deux fondements d'intellection du phénomène langagier, développe une
thèse relative à la signification .
Cett e dernière n'explique pas la cons-
titution ou l e fonctionnement du sens linguistiquei de façon plus abstraite ,
elle met en perspective un mode d'enquêt e sur la problématique de la signification.
Dans la philosophie searlienne , la tâche de précisément rendre
compte du pouvoir d'expression signifiante du langage revient à une 1:héorie
de la signification (dont l'analyse sera menée au chapitre septième) qui
évidemme nt de vra adopter l e point d e vue d'ensemble de l a thès e associant
la signification des énoncés linguistiques aux actes de langage performés
à l'occasion de leur énonciation.
~
Le passage de la thès e à la théorie de la signification s'opère , dans
la pensée de Searle , au moyen de la prise en considération d ' une disposition essentielle du langage ; introduit sous l e vocabl e de principe d'exprimabilité (" principle of expressibility ") , ce postulat théoriq'.le est à
l' effet que " ... whatever can be meant can be said . .. "
(1).
Non seulement
186
le principe d'exprimabilité occupe -t-il une place charnière dans l'établissement de la position de Searle sur la signification mais il soustend de plus l' ensemble de son entrepr ise d'investigation du langage.
Cette congruence
à l'égard du projet théorique searlien lui confère,
dans le développement de ce dernier, un statut
à la fois privilégié et
multiforme.
A - La teneur du principe d'exprimabilité
Searle développe son principe d'exprimabilité relativement
à un
trait caractéristique de l'énonci ation: il s'avère possible d'utiliser
les éléme nts du langage de façon sémantiquement détournée.
Plus précisé-
men t, un locuteur peut sig~ifier, au sens de vouloir dire, autre chose
que ce que les mots et/ou les phrases qui figurent dans l'énoncé qu'il
profère signifient habituellement.
nettemen t distinguer d e ux niveaux de
éléments linguistiques et la
Il importe donc, d'après Searle, de
signifi~ation:
signifi~ation
le sens propre des
de leur expression par un 10-
cuteur:
..
De façon
"The ... meaning of a sentence needs to be sharply
distingui shed from what a speaker means by the
sentence when he utters it to perform a speech
act, for the speaker's utterance meaning may
d epart from the ... senten ce meaning in a variety
of ways." (2)
(L.M., p. ).)
à pouvoir réutiliser les termes de cette distinction , Searle
leur assigne des noms particuliers:
187
"To have a brief way of distinguishing wh a t a
spe aker me ans by utte ying words , s e nt e n ces ,
and expr e ssions on th e on e hand, and what th e
words, s e nten ces and e xpre ssions mean on the
other, l will calI th e forme r utt e rance meaning, and the latter, word or sentenc e me aning." (3)
Le principe d'exprimabilité affirme la possibilité
qu'~
tout u. m.
puisse correspondre une expression de langage dont le s . m. soit l'expression tout
à fait juste.
Se arle donne
à c e p x incipe la fo rmulatio n
suivante :
"We might express this p rinciple b y s a ying tha t
for any meaning X and any speaker S whene v e r
S me ans (intends to convey, wish e s to communicate in an utterance , etc) X then it is pos sible that there is sorne expression E such that
E is an exact expression of or formulation of
X. Symbolically: (S) (X) (S me ans X ~ P (a E)
(E is an exact expression of X) ." (4)
Ainsi donc, le principe searlien d'exprimabilité, étant admis le fait
contingent que les locuteurs de langage puissent vouloir dire autre chose
(plus ou moLls) que ce qu'ils disent, établit la possibilité p e rmane nte
pour ces mê mes locuteurs d' exprimer exactement ce qu'ils v e ul e n t signifi e r .
Le principe d ' exprimabilité a trait
contexte d ' énonciation et
à la fois, d'après Se arle, au
à la structure d es langues nature lle s.
d'une part, toujours possible
Il e st,
à un locute ur d'exprimer exacteme nt c e qu'il
veut signifier après avoir d'abord lais s é place dans son énon c iation, les
circonstance s di s curs ive s s 'y prêta nt , à un e ce rtain e é quivo ci t é.
part , en vue d'exprimer de façon précise c e qu'il cherche
O'aütre
à signifi e r, un
1 88
locuteur peut , eu égard à la langue naturelle qu ' à cette fin il utilise,
soit en améliorer sa connaissance , soit en perfe ctionner la constitution
même :
if the exis ting l angu age or existing lang u ages
an:! not adeqlJate to the task, if they simply lack
the resources for saying V/hat l mean, l can in
principle at l east enrich th e l anguage by introducing n ew terms or othe r d e vic es into it. Any language pro'lide us with a fin ite set of words and
syntactical forms for saying what we mean , but
where there is in given language or in any language
an upper bound on the expressible, where there are
thoughts that cannot be expressed in a given language, it is a contingent fact and not a necessary
truth. " (5)
tI • • •
Le principe d'exprimabilit~, mis en rapport avec la possibilité de transformer l es langues naturelles, fait donc ressortir l e caractère conventionn el de ces dernières,
B - La pl urifonctionnalité th éorique du principe d'exprimabilité
D8 l'~veu même d e Searle,
le pri ncipe d'exprimabi lité est, eu égard
à son inves.tigation t.héorique du phénomène langagier , d'une importance à
la foi s
fonda~enta l e
e t polyvalente (6).
Fil d'Ariane de l' architechtoni-
que searlienne, il y exerce, relativement à ses principaux cons tituants ,
des fonctions diverses .
~
l - Le principe d ' exprimabilité et l'hypothè se searlie nne d e base
L'hypothèse spécifiant que p arler, c'e st adopter une forme de
comportemen t régie par d e s règles amène à poser les actes de langag e
189
comme les unités d e base de la communication lingui s tiqu e .
C ' est cette con-
sidération heuri st i.que qui fonde l ' entreprise d'analyse d es actes de langage , telle que Searl e la poursuit.
Cette seule motivation théorique ne
me ttrait c epe ndant pas le projet searlien à l ' abri d ' une critique p ercutante qui, s ' appuyant sur la distin c tion saussurienne, l e réduirait à
une étude d e la "parole" (c'est-à-dire de l'appropriation effective mais
acc es soire et accidentelle d ' une langue par un individu) et non pas de.
la "langue".
Searle par e c e tte objection et défend le point de vue se lon lequel
une étude des actes d e langage constitue bien une étude de la "langue"
en ayant recours -c'est d'ailleurs la première fois où il est invoqué e t
formulé- au principe d ' exprimabilité:
"I t still might se e m t hat my approach is simply ,
in Saussurian terms , a study of ' parole ' rather
than ' langue' .
1 am arguing , however, that an
adequate study of speech acts is a study of
lang 11e .
There . is an i mportant reason why this
is true which goes b Ay ond th e c laim that communication necessarily involves speech acts.
l
take it to b e an ana ly tic truth about language
that whateve r can b e meant can be s a id. A
given language may not have a syntax or a vocabulary rich enough for me to say what l mean in
that language but there are no barriers in principle to suppleme nting the impoverished langu a g e
or saying what l mean in a ri c h er one." (7)
L ' étude des acte s d e langage es t
importante parce que , tel que l e
pose la thès e générale de Searle sur la signification , ils sont fon c tions ,
et réciproqu e me nt , d e la signification d es phrases dont l ' expression const itue leur accomplissement.
Or , comme le u . m. peut être autr e que le s. m.,
190
il peut n'être pas possible de déterminer,
à partir de ce dernier, l'acte
de langage pyoduit par l'énonciation de la phrase:
"The meaning of a sentence does not in aIl cases
uniquely deteymine what speech act is performed
in a given utterance of that sentence, for a
speaker may mean more than what he actually says ... "
(8)
Cependant, comme, en vertu du principe d'exprimabilité, il est toujours
possible
à un locuteur de dire exactement ce qu'il veut signifier, tout
acte de langage possible peut être mis en correspondance avec une phrase
dont le s. m. exprime exactement le u. m. du locuteur:
" ... it is in principle possible for every speech
act one performs or could perform to be uniquely
determined by a given sentence (or set of sentences), given the assumptions that the speaker is
speaking literally and that the context is appropriate." (9)
En cela, l'étude des actes de langage ne se distingue pas de l'étude de la
signification des phrases et en est bien une de la "langue", au sens saussurien du terme, et non de la "parole".
Eu égard au point de départ théorique de Searle, le principe d'exprimabilité a ainsi pour fonction d'assigner son domaine
base.
Elle porte bien sur la "langue".
Il est
à l'hypothèse de
à remarquer que c'est en
relation serrée avec la thèse générale de Searle sur la signification que
le principe d'exprimabilité éclaire de la sorte la portée de son hypothèse
de base.
_ . _ - _ ...... '
- ... _-<--......__ o:"-..
~
.'--....-..M.,..,...
191
2 - Le principe d'exprimabilité et la théorie s e arlienne des actes
de langage
A partir de son hypothèse de base, Searle développe sa théorie des
actes de langage.
La procédure d'analyse qu'à cette fin il met en place
consiste en la double opération du repérage d e s conditions de performance
des actes (illocutionnaires) de langage et de l'extraction de ces dernières
de règles (sémantiques) d'usage des éléments linguistiques.
Aux yeux de Searle, cette procédure d'exame n est autorisée e t suggérée par le principe d'exprimabilité i c e se rait même l'une de ses conséquences théoriques les plus importante s :
" . . . most important .. it enables us to equate rules for
performing speech acts with rules for uttering certain linguistic elements, since for any possible
speech act there is a possible linguistic element the
meaning of which (given the context of the utterance)
is suffi cie nt to determine that its literaI utterance
is a performance of precisely that speech act. Il (10)
Le principe d' e xprimabilité, en v er tu duq u e l tout u. m. p e ut être exactement exprimé par un s.m., joint à la thè se g é n é rale de Searl e sur la sigilification qui l'associe à la performance d ' un acte de langage , accrédite
l'idée d'une équivalence entre les règle s d'énonciation des éléme nts lin~
guistiques et les conditions de p e rformanc e d e s actes de langage .
De ce fait , le principe d'exp rimabilité a pour fonction de légitimer
la procédure d'analyse d e l'activi té langagi è r e qui conduit
ment de la théorie des actes de langag e .
à l 'é tablisse-
192
L'un des principaux constituants de cette théorie est une répartition catégorielle des actes de langage dont les principes de distinction
à la dimension
font en sorte qu'est accordée une stature particulière
illocutionnaire de l'énonciation.
Seul l'acte illocutionnaire, en effet,
constitue un acte complet d e langage; qui,
à ce titre, détermine les
autres actes (d'énonciation, propositionnel et perlocutionnaire) performés au moyen du langage.
à la pours uite de
Il est donc indispensable
l'étude des énoncés, particulièrement en ce qui a trait
à leur significa-
tion, que leur force illocutionnaire particulière soit isolée .
Or, il
arrive, en raison de la complexité de la constitution (syntaxique ou grammaticale) des langues naturelles, que la force il locutionnaire d'un énoncé
ne se donne pas d e façon immé diate
à l'attention des interlocuteurs et
même de l'analyste.
En vertu cependan t du principe d'exprimahilité, il est toujours virtuellement possible, selon Searle, de repérer précisément la force illocutionnaire de toute énonciation:
..
"Whenever the illocutionary Doree of an utterance
is not explicit it can be made explicit.
This is
an instance of th e principle of expressibility,
stating that whatever can be meant can be said.
Of course , a given langu age may not be rich enough
to enable speakers to say everything they mean,
but there are no barriers in principle to enriching i t.
(ll)
Il
Tout ce qui peut être signifié peut, selon le principe d'exprimabilité, être exactement exprimé.
La signification d'un énoncé est détermi-
né e par sa force illocutionnaire (et , le cas échéant, par son contenu propositionnel).
Tout e force illocutionnaire peut donc,
à la suite, être
193
exactemen t exprimée; il est ainsi possible d'expliciter la force illocutionnaire d ' une énonciation qui aurait d' aborn pu êtye exprimée avec plus
ou moins d'ambiguité.
Comme c ' est le cas pour la procédure d ' analyse des actes de langage,
le principe d'exprimabilité est une condition de possibilité du démarcage
exact de toute force illocutionnaire .
Il exerce ces deux fonctions théo-
riques en étroite collaboration avec la thèse générale de Searle sur la
signification (12).
C - Le principe d'exprimabilité et la thèse (générale) de Searle sur la
signification
Le principe d ' exprimabilité de Searle est donc théoriquement lié
son hypothèse de base et
à sa théorie des actes de langage.
à
De telle
façon , cependant , que dans l ' explicitation ou le compte rendu du réseau
de relations qu ' il entretient avec ces autres aspects de l'entreprise de
Searle doit être invoquée sa thèse génér i3.1e s ur la signification .
Il im-
porte donc de comprendre comment précisément sont emboîtés l'un dans
l' autre le principe d ' exprimabilité et la thèse associant la performance
des actes de langage
apparaît,
..
à la signification des énoncés linguistiques.
Il
à cet égard, que le principe d'exprimabilité, constitue une
garantie théorique du bien fondé d e la · thèse searlienne de la signification .
Cette dernière, rappelons-le,. a ff irme qu'un acte de langage et l a
signification de la phras e qui sert
à le performer sont fonctions l ' un
194
de l'autre.
Or, comme le constate Searle lui-même, le u. m. d'une énon-
ciation ne coïncide pas toujours avec le s. m. propre de la phrase.
On ne
voit plus très bien alors comment l'acte de langage, performé au moyen
de l'énonciation, pourrait être fonction de la signification d'une phrase.
A moins de supposer qu'à tout u. m. puisse correspondre une phrase dont
le s. m. soit l'expression exacte.
C'est, comme nous l'avons vu, préci-
sément ce que prétend le principe d'exprimabilité.
Mais alors, un acte
de langage possible peut toujours être associé au s. m. d'une séquence
langagière; dans les cas de non-identité entre le u. m. et le s. m.,
l'acte de langage est fonction du s. m. d'une autre phrase qui exprime
exactement le u. m.:
"For just as it is part of our notion of meaning
of a sent:ence that a literaI utterance of that
sentence wi th that meaning in a certain context
would be the performance of a particular speech
act, so it is part of our notion of a speech act
that there is a possible sentence (or sentences)
the utterance of which in a certain context would
in virtue of its (or their) meaning constitute a
performance of that speech act." (13)
Le principe d'exprimabilité a donc pour effet de préserver l'intégrité de la
thèse générale de Searle sur la signification
à l'égard oe présumés contre-
exemples pouvant être produits à la lumière de la distinction entre s. m.
et u. m.
Bien sûr, il faudra lui donner une application différente selon
que dans l'énonciation le s. m. et le u. m. coïncident ou non.
Dans la
première éventualité, l'acte de langage est associé à la signification de
la phrase qui fait effectivement l'objet de l'énonciation; dans le cas
contraire, il est fonction de la signification d'une autre phrase , non
... -..- --. . -.''::'' ~
... -_.«
195
proférée, dont le s. m. ne coïncide pas moins avec le u. m. de l'énonciation.
Manifest~ment,
le traitement de ces cas d'énonciation où l'acte
de langage performé est associé à la signification d'une phrase dont
l'absence est comblée par une autre séquence langagière est plus complexe
que celui des cas où coïncident le s. m. et le u. m. -nous en rendrons
compte au chapitre huitième-.
Outre la garantie théorique qu'il fourni.t à la thèse générale sur
la signification, le principe d'exprimabilité contribue, avec cette même
thèse et l'hypoth8se searlienne de base, à l'établissement d'une configuration d'ensemble du phénomène langagier relativement à la problématique de
la signification, configuration sur la base de laquelle il semble possible
d'exposer une théorie typiqueme nt searlienne de la signification.
L'hypo-
thèse de base avait déjà fait valoir la relation entre l'énonciation et la performance d'actes de langage; et, par le fait même, rendu possible l'élaboration d'une théorie de ces actes de langage; la thèse sur la signification a, pour sa part, mis en relation les actes de langage et la signification des phrases.
Le principe d'exprimabilité, en ouvrant la possibi-
lité permanente de l'intégration de la signification dans un énoncé
boucle cette boucle théorique.
L'ensemble de ce réseau de relations peut
être schématisé de la façon suivante:
la signification
le principe
d'exprimabilité
la thèse sur la
signification
~
l'hypothèsell-______
) l'acte de langage
de base
(la théorie d es actes
de langage)
196
C'est sur la base des éléments conceptuels et relationnels de ce schéma
que Searle élabore sa théorie de la signification:
"The hypothesis that the speech act is the basic
unit of communication, taken together with the
principle of expressibility, suggests that there
are a series of analytic connections between the
notion of speech acts, what the speaker means,
what the sentence (or other linguistic elements)
uttered means, what the speaker intends, what the
hearer understands, and what the rules governing
the linguis tic elements are." (14)
La problématique de la signification comporte, entr~ autres, les différents
aspects ici mentionnés par Searle de façon tout intuitive.
Sa théorie de
la signification aura pour tâche de faire voir comment ils sont systématiquement agencés.
Il est déjà possible de repérer deux concepts dont on peut présumer
qu'ils auront un rôle à jouer dans la théorie de la signification de Searle: l'intentionnalité et la conventionnalité.
L'hypothèse de base, la
th80rie des actes de langage et la thèse générale sur la signification font
toutes valoir, à des degrés divers, l'importance des actes de langage dans
l'analyse philosophique de la communication linguistique.
Or, ...
"When l take a noise or mark on a piece of paper to
be an instance of linguistic communication, as a
message, one of the things l must assume is that
the noise or mark was produced by a being qr beings
more or less like myself and produced with certain
kinds of intentions. If l regard the noise or mark
as q. natural phenomenon like the wind in the trees or
a stain on the paper, l exclude it from the class of
linguistic communication, even though the noise or
mark may be indistinguishable from spoken or written words. Furthermore~ not only must l assume
',..:.:'
_..... -
- '..
~
,...--
197
the noise or mark to have b een produced as a
result of intentional behavior, but l must
also assume that the intentions are of a very
spec ial kind peculiar to speech acts." (15)
Le concept d'intentio~nalité, déjà attenant à celui d'actes de langage ,
lequel est associé, selon la thèse générale de Searle,
dès phrases, aura vraisemblablement
à la signification
à prendre part à l'élaboration de la
théorie searlienne de la signification.
Par ailleurs, comme nous l'avons
déjà noté, le principe d'exprimabilité fait ressortir le caractère conventionnel des langues naturelles.
Il y a ainsi fort
à parier que le concept
de conventionnalité devra également être retenu dans la théorie de la si~
gnification de Searle.
NOTES
(Chap itre sixième)
(1)
Searle (196 9a ), p. 19.
(2)
Searl e
(3)
Searle (inédit: M.), p. 2.
(1978a ), p. 207.
Les formules "utterance meaning" et "sentenc e meaning" demeurent
assez difficiles à traduire en fra nçais par des expressions aussi
concises et suggestives . C'est la ra ison pour l aque ll e , voulant
suivre du plus près possible le sens premier de la pensée de
Searle, nous choisissons d ' en r endre compte par des abbréviations
arbitraires: nous utiliserons l es lettres u. m. pour " utterance
meaning" et s. m. pour "se ntence me an ing " .
Notons immédiatement, par ailleu rs, que l'importance de la dis~
tinction entre c es termes n e se l imite pas, chez Searle, à là
présentation du principe d'exprimabilité. C'est égalemen t sur
la base de cette différ ence entre le s . m. et le u. m. qu'il dé~
veloppe, comme nous l e v errons au chapitre huitième , sa théorie de
la significat ion litté r a l e et ses théories de ce que nous appelle~
rons de s cas complexes d'énonciation.
(4)
Searl e
(5)
Id., pp. 19-20.
(6)
(7)..
(196 9a), p . 20.
"This principle has wide consequ ences and r a0
mifications ." Id., p. 20.
Id., p . 17. Afin de bien faire saisir la prétention de Searle quant
au fait qu'une analyse des actes de langage relève de l'étude de la
langue et non de celle d e la parole , voici comment Saussure é tabli ssait la distinction entre c es deux termes (ce que Searle, inc idemment,
n e prend pas la peine de rapporter) :
"
En séparant la langue de la parole , on sépare
"
du meme
coup: l e ce qu~. est socia l d e ce q ui est
199
e
individuel; 2
ce qui est essentiel de ce qui
est accessoire et plus ou moins accidentel.
La langue n'est pas une fonction du sujet
parlant, elle est le produit que l'individu
enregistre passivement; elle ne suppose jamais de préméditation, et la réflexion n'y
intervient que pour l'activité de classement ..•
La parole est au contraire un acte individuel
d e volonté et d'intelligence, dans lequel il convient de distinguer: les combinaisons par lesquelles le sujet parlant utilise le code de la
langue ... (ect) . Il Saussure (1916), pp. 30-31.
(8)
Searle (1969a), p. 18.
(9)
Id., p. 18.
(10)
Id., pp. 20-21.
(11)
Id., p. 68.
(12)
L'importance du principe d'exprimabilit é ne se limite pas à ce que
nous venons d'en dire; il peut servir d e base, selon Searle, à
l'analyse de plusieurs traits généraux du langage. Appliqué, par
exemple, à la problématique d e la référence (définie ), il permet
de raffiner la thèse présentée par Frege dans sa distinction entre
sens et référence. Searle lui-même a mené cette entreprise de la
façon suivante. Du principe d'exprimabilité, il infère d'abord
un principe d'identification qui impose au locuteur proférant une
énonciation où figure un acte référentiel l'obligation d'être en
mesure de fournir une d escript ion identifiante de l'objet auquel
il veut référer :
" ... the principle of expressibility says; whatever
can be meant can be said. Applied to the present
case of definite reference that amounts to saying
that whenever it is true that a speaker means a
particular object (in this case, 'means ' =" '~nt ends
to refer to') it must also be true that he can say
exactly which object it is that he means ... the
principle of identification ... states that a nec essary condition of definite reference is the
200
ability to provide an identifying description,
and it is the identifying d escription which
provides the vehicle for saying what i s meant
in the reference ." Searle (196 9a ), p. 88.
Ce principe d'identification a pour conséquence, d'après Searle,
qu'il importe de distinguer le sens et la proposition dans une
expression référentielle:
"\'Je need to distinguish, as Frege failed to do,
the sense of a referring expression from the
proposition communicated by its utterance. The
sense of such an expression is given by the d es 7
criptive general terms contained in or implied
by that expression ; but in man y cases the sense
of the expression is not by itself sufficient
to communicate a proposition, rather the utteran ce of the expression in ~ certain context
communicates a proposition. Thus, for exampl e,
in an utterance of 'the man' the only descriptive content éarried by the expression is given
by the simple term 'man', but· if the reference
is consummated the speaker must have communicated a uniquely existential proposition (or f act ) 1
e.g., 'There is one and only one man on the
speaker' s l eft by the window in the field of
vision of the speaker and the hearer', By thus
distinguishing the sense of an expression from
the proposition communicated by its utterance
we are enable d to see how two utterances of the
same expression with the same sense can refer to
two different objects.
'The man' can be used to
refer to many men, but it is not the reby homony~
mous." Id., pp. 92~93.
(13)
Id., pp. 17-18 .
.
\
(14)
Id., p. 21.
(15)
Id., pp. 16-17.
CHAPITRE SEPTIEME
LA THEORIE DE LA SIGNIFICATION DE SEARLE
Parler, dans la pleine acception du terme, consiste, en vertu de
l'hypothèse searlienne de bas e et de sa théorie des actes de langage, à
accomplir des actes illocutionnaires, à fair e donc davantage que simplement proférer des sons et des morphèmes.
Ce supplément de l'illocution par
--
rapport à la simple énonciation réside, partiellement tout au moins, dans
le fait que dans sa performance le langage est dit muni de signification:
"Illocutionary acts are characteristically performed in the utterance of sounds or the making
of marks. What is the difference between just
uttering sounds or making marks and performing
an illocutionary act? One difference is that
sounds or marks one makes in the performance of
an illocutionary act are characteristically said
to have meaning, and a second related difference
is that one is characteristically said to mean
something by the utterance of those sounds or
marks. Characteristically, when one speaks one
means some thing by what one saysi and what one
says, the string of sounds that one emits, is
characteristically said to have a meaning." (1)
Une théorie du faire langagier, du type d e c e lle que Searle déve loppe, se
doit donc d'envisager la question d e la d é termination ou de la caractérisation de la signification qui peut simplement être posée de la façon suivante:
202
"
what is it for one to mean something by
what one says, and what is it for something
to have a meaning?" (2)
Plus précisément, et relativement à l'activité langagière, il importe de
spécifier la teneur du passage de l'énonciation brute à l'illocutioni en
d'autres termes, d'indiquer ce qui s'ajoute à la simple profération sonore
pour qu'il y. ait performance d'actes complets de langage:
"People perform illocutionary acts: they make
statements, give orders, ask questions, etc.
In so doing they make noises, or. marks on
paperj they draw pictures, or wave their arms
about, etc. Now my problem is: what must be
added to these noises, marks, etc, in order
that they should be statements, orders, etc.
\Vhat, so to speak, must be added to the physics to get to the semantics? For short,
that question can be posed as the question,
'.what is it for a speaker to mean something
by an utterance ... " (3)
C'est, au delà des thèses épistémiques qui peuvent être à ce propos formulées, à une théorie de la signification que revient la tâche de répondre
à cette ques·:ion.
Dans la perspective searlienne donc, une théorie de la
signification a trait au "utterance meaning"j elle cherche à éclairer non
ce qui fait que quelque chose a une signification mais plutôt comment un
locuteur signifie quelque chose au mOyEm du langage.
Il se trouve que Searle propose successivement deux telles théories
de la signification (4).
Ces deux constructions théorétiques de Searle
relatives à la signification prennent racine dans l'agencement des concepts d'énonciation et d'acte de langage mis en rapport par l'hypothèse
. -.-
~-'-'--_.
_.,-"
----=-~~-~-
203
de base, la théorie d es actes de langage, le principe d'exprimabilité et
la thèse d e Searle sur l a signification (e n d'autre s mots, les théories
searliennes de la signification s'appuient sur le réseau de relations mises
au jour dans le schéma précédemment présenté au chapitre sixième).
Sa
thèse générale sur la signification conduit Searle à l'établissement de
Tl; la formulation spécifique de cette thèse ouvre, pour sa part, la voie
à l'élaboration de T
2
qui, relativement à Tl' constitue une révision radi-
cale qui oblige à l'abandon définitif de cette dernière.
Tl et T
2
ne se
situent donc pas dans une même continuité spéculative; le passage de la
première à la seconde marque plutôt une certaine rupture dans le développement des idées sur le langag e d e l'auteur de Speech Acts (5).
Leur incompatibilité fondamentale se manifeste par le recours qui y
est fait à deux notions différentes , bien que hiér~rchiquement liées, en
vue de donner une description adéquate de la signification.
en effet, T
1
Pour ce faire,
exploite le concept de communication alors que dans T le
.
2
concept de représentation est plutôt mis en valeur.
,
Le passage de Tl a
T , et donc le remplacement d e la communication par la représentation com2
me concept clé de l'explication de la signification, entraîne, par ailleurs,
une complexification de la notion d'intentionnalité dont la conception
searlienne du faire langagier exige la prise en considération.
Après avoir successivement r e ndu compte de Tl et T 2 , il restera
à
.
examiner comment elles peuvent être mises en rapport avec sa prétention
d e synthèse d es d e u x approches phi losophiques traditionn e lles du langage .
204
A - La première théorie searlienne de la signification (Tl)
La thèse générale de Searle sur la signification l'associe à la
performance d'actes illocutionnaires de langage.
Or, en vertu de l'hy-
pothèse de base (plus précisément de la proposition - 1 de l'hypothèse
de base: le langage constitue (avant tout) une activité comportementale),
ces actes de langage sont reconnus comme les unités minimales de la communication linguistique.
Chercher à thématiser la signification langagière
en adoptant comme point de départ la thèse générale associationniste implique donc la reconnaissance immédiate du concept de communication.
Searle développe effectivement Tl en prenant appui sur le phénomène de
la communication linguistique dont certains constituants demeurent assez
trivialement repérables:
"In speaking l attempt to communicate certain
things ta my hearer by getting him to recognize my intention to communicate just those
things. l achieve the - intend~d effect o~ ihe
hearer by getting him to recognize my intention to achieve that effect, and as soon as
the hearer recognizes what it is my intention to achieve, it is in general achieved.
He understands what l am saying as soon as
he recognizes my intention in uttering what
lutter as an intention to say that thing." (6)
Dans un processus de communication, un locuteur manifeste une ou des intentions qu'il tente de faire reconnaître par son auditeur; cette reconnaissance pourvoit à l'accord des interlocuteurs quant à la nature des
intentions exprimées par le locuteur et, par le fait même , assure la compréhension de l'audite ur.
L'intent ion et la reconnaissance d'intention
205
constituent ainsi les notions clés d'une théorie de la signification
articulée autour du concept de communication.
Elles devront donc fi-
gurer dans Tl que Searle élabore, par ailleurs, en reprenant et corrigeant la théorie de la signification proposée par Paul Grice.
l - La théorie de la signification non-naturelle de Grice.
Le point de départ de l'analyse que mène Grice (7) consiste à remarquer une différence entre deux types de phrases où il est dit que quelque chose a une signification.
Pour un premier groupe de phrases, un 10-
cuteur, quand il les énonce, est engagé vis-à-vis leur contenu de signification:
" ... 1 cannot say, 'The recent budget means that
· we shall have a hard year, but we shan't have'.
That is to say, in case like above, x meant that
E. and x · means that E. entails E.'" (8)
Au contraire, ce qui est signifié dans les phrases du second type ne nécessite pas un tel engagement de la part d'un locuteur.
après avoir dit:
Par exemple,
"Those three rings on the bell (of the bus) means that
the "bus is full".' , ...
"I can .•. <Jo on to say, 'But it isn't in fact full
-the conductor has made a mistake' ... That is to
say, here ~ means that E. and x meant that E. do not
entail E.'" (9)
Sans prétendre que toute s les phrases où figure le terme "signifie"
("a la signification que", etc) puissent facilement être rapportés à l'une
ou l'autre de ces deux catégories, Grice n'en pense pas moins que leur
différence suffit
à les caractériser:
206
"When the expressions 'means', 'means something',
'means that' ar e used in the kind of way in which
the y are used in the first set of sentences, l
shall speak of the sense, or senses, in which they
are used, as the natural sense, or senses, of the
expressions in question. When the expressions are
used in the kind of way in which they are used in
the second s et of sentences, l shall speak of the
sense, or s e nses , in which they are used, as the
nonnatural sense, or senses, of the expressions
in question." (10)
C'est cette signification non-naturelle que Grice cherche après coup
à élucider.
Elle comporte, selon lui, deux aspects.
Si ce qui est signifié
de façon non-naturelle n'exige pas l'engagement du locuteur, il faut
qu'en soit donnée une autre motivation.
D'après Grice, l'intention du
locuteur de produire un effet sur son auditeur remplit cet office:
"
~ was intended by its utterer to induce a
belief (ou un autre effet) in some 'audience'." (11)
L'intention du locuteur de produire un effet ne suffit cependant pas
rendre compte totalement de la signification non-naturelle.
Il importe
de plus que le locuteur ait l'intention de raire reconnaître, par son
auditeur, sa première intention de produire cet effet:
"Clearly we must at least add that, for x to have
meant
anything, not merely must it have been
nn
'uttered ' with the intention of inducing a certain
belief but also the utterer must have intended an
'audience ' to recognize the intention behind the
utterance." (12)
.
'".:-
à
207
Ainsi donc, l'intention d'un locute ur d e produire un effet sur un auditeur
se double d'une intention qu e l'auditeur saisisse bien cette tentative.
C'est sur la base d e ces deux constituants que Grice donne une définition de la signification non-naturelle:
"'A meant
nn
something by x' is (roughly) equi-
valent to 'A intented the utterance of x to
produce sorne effect in an audience by means
of the recognition of this intention'; and
we may add that to ask what A meant is ta
ask for a spe cification of the intented effect ... " (13)
La théorie de la signification non-naturelle de Grice s'appuie sur
le processus de la communication; elle a non s e ul e me nt recours aux interlocuteurs afin d'explique r l a signification non-naturelle mais elle la situe
au 'point de rèncontre de l'inte ntion du locuteur e t de la reconnaissance
par l'auditeur de cette intention de produire un effet.
2 - La critique d e Searle ~ l'égard d e la théori e de la signification
non-nRturelle de Gric e
Bien qu'il accepte d'aborder la problématique de la signification
s~r
la base de la relation entre l'intention du locuteur de produire un
effet et la reconnaissance de cette intention par l'auditeur, Searle considère que la théorie de la signification non-naturelle d e Grice manque
expliquer clairement, sous au moins deux aspects, la structure de la
munication linguistique .
à
com~
208
Elle ne rend pas compte , d ' abord, d e l'organisation systémique des
langues naturelles qui, bien qu'utilisées comme moyen de communication,
n'en d e meurent pas moins régi es par des règl es , conventionnelles c ertes
mais aussi contraignantes, qui doivent joue r quelque rôle dans la détermination d e la signification linguistique:
" . .• what we can mean is at least sometimes a
function of what we are saying. Heaning i5
more than a matter of intention, it is also
at least sometimes a matter of convention," (14)
Faire dép endre tota lement la signification de l'inte ntion, comme Grice
le propose, équivaut
à
gage et, de ce fait,
à investir complètement la signification dans une
sorte d'arbitraire du
ignorer, sinon
vouloir~dire.
de compre ndre la signification
co~~e
à
nier, la conventionnalité du lan-
Il importe, au contraire, selon Searle,
une combinaison des aspects
int ent ion~
nel et conventionnel:
" . . . we must capture both the intentional a.nd
the conventional aspects and especi a lly the
relationship between them. " (15)
Chercher
à déterminer de cette façon la signification, c'est tenter non
pas de répudier l ' idée centrale de la théorie de Grice mais plutôt d'en
faire valoir la pleine val e ur en la metta nt en relation avec la
.
tion réglementée du langage:
"We must ... reformulate th e Gricean account of
meaning in such a way as to make it clear that
one's meaning something when on e utters a sen~
tence is more than jus t randomly related to
what the sentence mea.ns in the language one is
constitu~
209
speaking.
( ... ) In the performance of an
illocutionary act in the literal utterance
of a sentence, the speaker intends to produce a certain effect by me ans of getting
the hearer to recognize his intention to
produce that effect; and furthermore, if he
is using words literally, he intends this
recognition to be achived in virtue of the
fact that the rules for using the expressions
he utters associate the expression with the
production of that effect." (16)
Le deuxième reproche que Searle adresse
la signification non-naturelle a trait
à la théorie gricienne de
à la nature de l'effet que le 10-
cuteur aurait l'intention de produire sur son auditeur.
Il semble
à Searle
que Grice, faute de distinguer acte illocutionnaire et acte perlocutionnaire, donne de l'efficace visée au moyen du langage une caractérisation
trop large.
De la façon dont Grice conçoit l'effet que cherche
à atteindre
le locuteur, ùne réponse (17) est exigée de l'auditeur dans sa reconnaissance de l'intention de celui qui parle.
Or, d'après Searle, une telle réac-
tion est d'ordre perlocutionnaire et donc facultative; dans certains cas,
un auditeur n'a pas
à fournir une réponse et se contente simplement de
comprendre ce que .lui dit un locuteur:
"When l say 'Hello' and mean it, l do not necessarily intend to produce or elich. any state or
action in my hearer other than the knowledge that
he is being greeted. But that knowledge is simply
understanding what l said, it is not an additional
response or effect." (18)
La définition de l'effet intentionné impliquée dans la théorie de la signification non-naturelle de Grice la rend inapte, selon Searle,
à rendre compte
210
des cas d'énonciation dont la seu l e visée est d'être comprise par l'auditeur.
Grice aurait e n fait confondu l es dime nsions illocutionnaire et
perlocutionnaire du langage; manquant cette distinction, il se trGuverait
forcé de définir les effets que le locuteur a l'intention de produire et
par suite la signification linguistique en fonction d'éléments extrinsèques au langage:
"Put crudely, Grice in effect defines meaning in
terms of intending to perform a perlocutionary
act, but saying something and meaning it is a
matter of intending to perform an illocutionary,
not necessarily a perlocutionary act." (19)
Ce n'est qu'une fois faite cette distinction entre actes illocutionnaire
et perlocutionnaire qu'il devient possible, selon Searle, de donner de la
signification langagière une d escription qui, contrairement
à celle de
Grice, soit précise et général e .
3 - Tl et la thèse générale de Sear le sur la signification
Bien qu'il en rejett~ la teneur, Searle considère que la théorie de
la signification non-naturell e de Grice a tout au moins le mérite de poser
adéquatement le ,n roblème de la signification langagière en tentant de l'expliquer par référence
à l'intention du locuteur et à la reconnaissance par
l'auditeur de cette intention.
Tl reposera également sur cette structura-
tion du phénomène de la communication linguistique.
Elle ne constitue, en
fait, qu'une reformulation de la théorie gricienne où sont corrigés les
deux défauts majeurs de cette dernière.
211
Une théorie correcte de la signification doit, en effet, tenir
compte de la distinction entre acte
cutionnaire
i
illocutionnaire
et acte
perlo-
plus précisément, elle doit spécifier que l'effet que le
locuteur a l'intention de produire est d'ordre illocutionnaire.
Elle
doit de plus être en mesure d'indiquer comment l'intention est reliée
à la réglementation conventionnelle du langage.
C'est en ayant recours à sa thèse générale sur la signification
que Searle pense réussir à intégrer ces deux nécessités théoriques au
modèle d'analyse de Grice.
Dans sa formulation générale, la thêse
lienne établit une association entre la production d'actes
sear~
illocutionnai~
res et la signification des énoncés servant à leur performance en faisant
ressortir le fait que les règles sémantiques d'une langue spécifient à
la fois les conditions d e leur utili sation et ce à quoi revient leur
emploi .
La même législation régit donc, en vertu de la thèse dite géné~
rale de Searle sur la signification, la structure sémantique du langage et
la performance illocutionnaire de l 'énonc iation.
Si tel est le cas ,
l'in ~
tentionnalité et la conventionnalité des langues na turelles se rencontrent
en un point commun: celui de leur
sous~bassement
l égis latif.
Il devient
alors possible, en faisant appel à la. réglementation du langage, d'éviter
les écueils sur lesquels achoppe la théori.e de la signification
..
non,",natu~
relle de Gricei c'est-à-dire d ' intégrer à la structure communicative formée
de l'intention du . locuteur et de la reconnaissance de cette intention par
l'auditeur l e rapport entre intentions e t conve ntions ainsi que la dime nsion
212
proprement illocutionnaire du langage.
C'est ce que réalise Tl à laquelle
Searle donne la formulation suivante:
"
S utters sentence T and means it (i.e., means
literally what he says) =
S utters T and
(a) S intends (i-l) the utterance U of T to
produce in
the knowledge (recognition,
awareness) that the states of affairs
specified by (certain of) the rules of
T obtain.
(CalI this effect the illocutionary effect, lE)
(b) S intends U to produce lE by means of the
recognition of i-l.
(c) S intends that I-l will be recognized in
virtue of (by means of) H's knowledge of
(certain of) the rules governing (the
elements of) T." (20)
H
A la double intentionnalité de Grice, Searle ajoute un troisième élément:
en plus d'avoir l'intention de produire un effet · sur son auditeur et d'avoir
l'intention que cette première intention soit reconnue, le locuteur manifeste
une intention plus générale à l'effet que cette reconnaissance se fasse au
moyen de la connaissance par l'auditeur des règles gouvernant l'énonciation
qu'il profère.
Ces règles déterminent
à la fois l'utilisation des éléments
linguistiques et ce à quoi revient l'énonciation, c'est-à-dire la performance d'un acte spécifique de langage.
La série d'intentions présentes dans
l'énonciation restreignent l'effet que le locuteur cherche à produire; il
s'agit de la compréhension par l'auditeur de ce qui est dit:
"1 (argue) that meaning intentions (are) intentions
to produce understanding in the hearer and that
understanding consists in the knowledge of the conditions on the speech act being performed by the
speaker." (21)
213
L'effet de compréhension que le locuteur a l'intention de produire à
l'égard de son auditeur est un effet proprement illocutionnaire.
n'exige pas, contrairement
Il
à la conception de la communication langa-
gière de -Grice, une réponse de la part de l'auditeur.
De la sorte, Tl rend compte de la signification dans tous les
cas de la communication entre interlocuteurs.
La théorie de la signi-
fication non-naturelle de Grice ne pouvait, quant
signification que des cas conversationnels.
à elle, expliquer la
La théorie de Searle lui
est donc supérieure en ce qu'elle couvre un nombre plus important de cas
d'énonciation.
B -
La seconde théorie searlienne de la signification (T )
2
Tl est élaborée sur la base du concept de communication et découle
de la thèse générale de Searle sur la signification
à laquelle l'avait
conduit son hypothèse de base et sa théorie des actes de langage.
Searle
rejette aujourd'hui -et de façon aussi forte qu'il a refusé la théorie de
la signi fi cation non-naturelle de Grice~ cette première explication ou description de la signification des énoncés linguistiques.
Il en défend main-
tenant une toute nouvelle conception qui, contrairement
à Tl' est articulée
autour du concept de représentation.
Il semble bien que cette T
2
dérive
de sa thèse spécifique su~ la signification.
1 - L'autocritique de Searle à l'égard de Tl
A l'encontre de l'analyse de Grice, Searle avait fait valoir le
-
,
.
- _.---:---:._- ~ -,
- .... '="'"'7~- ..':"..:::;;."7:-:::..-"----'" __ .....
~---.--.
214
fait qu'une énonciation n'entraîne pas nécessairement une réponse de la
part de l'auditeur qui, en certains cas, peut simplement se contenter de
comprendre ce dont l'entretient un locuteur.
Tout comme Grice cependant,
Searle, ce faisant, explique la signification par la production d'intentions dans une situation de communication.
En vertu de cette considération
aprioriste, Tl rend compte du sens d'un soliloque en ne le démarquant pas
essentiellement de la communication:
" ... The soliloquy case is simply the limiting case
of communication, where the speaker (S) is identi~
cal with the hearer (H).
Soliloquy on this account
is in principle not different from any other form
of discourse. It differs only in the fact that S
and H are identical." (22)
Pour assurer le bien fondé de Tl' Searle se trouve donc obligé d'admettre que toutes les formes d'énonciation pouvant avoir du sens relèvent
du phénomène de la communication (23).
La non évidence de cette thèse
pré-critique l'amène à s'interroger sur la nature même du processus de
communication.
Que se passe-t-il, demande Searle, quand un locuteur cherche
tt
communiquer quelque chose à un auditeur quel que soit le mOyE..1
qu'à cette fin il utilise (24)?
Il semble que le point de départ d'un
tel processus consiste en la représentation, par le locuteur, d'un état
de chose ("state of affairs") sur lequel il cherche
de l'auditeur.
à attirer l'attention
C'est cette représentation qui fait l'objet de la communi~
cation et non l'état de choses lui-même:
--_._.....,...--- -'-
.~--
--:-----------_._-------:
215
" ... notice that what is r epresented is not quite
the same as what is communicated. What is represented is a state of affairs, but what is
communicated is not a state of affairs, but one
might say, the representation of that state of
affairs." (25)
L'analyse du processus de communication en dégage ainsi un constituant
de base, la représentation,qui tout en contribuant, de façon essentielle,
à la communication ne s'y réduit pas.
Car, dès lors que sont distinguées
la communication de la représentation d'un état de choses et la représentation elle-même, il apparaît que celle~ci peut être effectuée sans être
communiquée:
" ... one can represent whithout communicating, or
without any intention to communicate." (26)
Le concept de représentation acquiert ainsi une importance théorique beau~
coup plus élevée que le concept d e communication dont il constitue, en
quelque sorte, un fondement h e uristique;
" •.. representation is both pr .~or to and inde~
pendent of communication.
It is independent
in the sense that one may represent without
any intention to communicate and it is prior
to in the sense th~t what one communicates is
dependent on th ere beirig a representation
which is communicated,
One can represent without communicating but one cannot
communicate without representation," (27)
Ce qui implique que toute analyse d e la communication doit non seulement
tenir comp t e d e ,mais encore reposer sur l'étude du concept d e représentation.
Eu égard à la problématique de la signification, dans la mesure où on tente
216
d'en expliquer la nature en fonction du processus de communication , il
importe alors d e reporter le fondement de l' investigation théorique jusqu'au niveau du concept d e représentation puisqu'il s ' avère que, sans
ce d ernier, une analyse d e la communication d emeure incomplète .
En
d'autres termes, en vertu de l a structuration même de la communication,
une théorie de la signification doit ultimemen t faire référence
présentation d' é tats d e choses .
à la re-
A d é f aut d'ainsi approfondir la qu estion
d e s rapports entre signification et communication, se présen t e le risque
de le s interpréter incorrectement en i denti fiant leur intentionnalité
respective:
"The mistake (is) to suppose that the speaker's
communication 'intention s and speaker meaning
(are) ide ntical." (28)
Parce que la représentat ion d 'un état d e choses est nécessaire
â sa
communication, l'int e ntion d e signification (même et surtout si e lle a
à
être expliquée en fonction du processus communicationnel) doit ê tr e
comprise
à la lumière de cette r eprésentation.
Ce ll e~ci deme ure, par
ailleurs, indépendante de sa communication; l'intention de signifi cation
est donc irréductible au processus de commun ication .
Il devien t alors
possible de considérer qu'une énonciation puisse être significative sans
être co~~uniquée.
Ainsi , contrairement
à ce qui a été mis d e llavant
d ans Tl' la communication n e rend pas compte d e la signification langav
gière mais est plutôt expliquée par cette dernière ;
"Like most speech act theorists l have analysed
meaning in t erms of communicati on.
The inten ~
tions tha t are the essence of meaning are in~
t entions to produce effects on hearers i,e. they
are intent ions to communicate . But it now seems
217
to me ... that communication is d e rived from
meaning rather than constitutive of meaning.
Communication, one might say, is a consequence of meaning but meaning exists independently
of the intention to communicate that meaning." (29)
Tl faisait dépendre la signification de la communication; la prise
en considération du concept de représentation qui opère un renversement
des rapports entre signification et communication oblige donc Searle ~
~dmettre l'inadéquation de sa première tentative théorique de rendre
çompte de la signification des énoncés linguistiques.
Non seulement Tl
est-elle incorrecte mais elle ne constitue même pas, comme toute entreprise
qui cherche
à expliquer ulti mement la signification par la communication,
à proprement parler une théorie de la signification:
"We might say that Grice and l (in different ways)
analysed communication but that we did not yet
analyse meaning." (30)
T , que Searl e élabore autour du concept de représentation, constitue,
2
eu égard
à Tl' une reconstruction conceptuelle complète de la problématique
de la signification langagière.
2 - La teneur de T
2
Searle développe T
2
en procédant
à une analyse serrée du concept de
~eF~ésentation d'états de choses et en ayant recours
sur la signification.
T
2
sert, par ailleurs, de base
à sa thèse spécifique
à une description
appropriée du processus de la communication langagière.
218
a ) La représentation, concept clé de ~ signification
Le fait qu'une entité quelconque (un représ e ntant) puisse représenter un état de choses (un représenté) ne dépend pas, selon Searle,
d ' une propriété physique du représentant pas plus que d'une relation de
ressemblance entre le représentant et le représenté.
Ces deux critères
demeurent , à ses yeux, en deçà de la précision et de la généralité requises
pour une explication adéquate de la représentation.
Searle rend plutôt
compte de cette dernière par l'intentionnalité de celui qui la produit.
A un premier niveau, il importe que quelqu'un ait l'intention que le
re~
présentant représente un état de choses:
" .• . in order that an entity X represents. sorne state
of affairs A, it must b e the case that there is
sorne person S such that S intends that X repre~
sents A.
(31)
Il
De plus , étant donné la nature de tout comportement intentionnel qui
meure sujet
de~
à la réussite ou à l'échec, il importe qu'un locuteur qui a
l'intention de représenter un é tat de choses ait également l'intention que
soient remplies les conditions nécessaires à l a réussite de son énonciation r e pré sentative:
"My intention to r epr esent can be analysed as the
intention that certain condit ions b e satisfi ed ,
and these conditions are conditions of success
of the utteranc e.
(32)
Il
Ainsi,
à peu près d e la même façon que dans l'ana lyse de l a signification
non-naturelle de Grice et d ans Tl' l'intention de produire un effet se .
219
doublait d e l'int e ntion de faire reconnaître par l'auditeur cette première
intention, le concept d e représ entation tel q u'analysé par Searle comprend
deux niveaux d' in-tentionnali té: l'intention proprement dite de représentation et l'intention que soient satisfaites certaines conditions indispensables
à
la représentation.
Une des conditions, d'ordre général, de succès
de la représentation es-t que l e représenté existe indépendamment d e l'expression représentative:
" ... in general we may say that whenever S produces
X \Vith the intention that it represents
must be the case that S produces X with
tion that a criterion of success of his
be that A obtains, independently of the
T
2
A then it
th e inten.-action should
utterance," (33)
adopte le point de vue selon lequel la signification doit être essen-
tiellement caractérisée au moyen du concept d e représentation; elle identifie donc les intentions de signification aux intentions de représentation.
Elle peut, en première approximation( être décrite de la façon suivante:
au moyen d'une énonciation, un locuteur signifie quelque chose s'il a
l'intention que son énonc iation repré sente un état de choses et s'il a
l'intention qu'une spécification re lative
condition du succès de son énonciation .
à cet état de choses soit une
Searle, tenant compte de la condi v
tion d'ordre général du succès de la représ entation , schématis e dans ses
grandes lignes T
Il
2
de la façon suivante:
1.
In Q. (utteranc e ) of !' ~ mea.ns that~,
is equivalent to
2.
In Q. of !' S intends that ! represents
the state of affairs that A.
which entails
3 . In Q. of !' S intends ~ ~ criterion
220
of suc cess of U of X will be that the
----------s.o.a. that ~ obtains, independently of
U."
Comparativement
(3 4 )
à Tl' T2 n'implique pas que le locuteur d'une énon-
ciation ait l'intention de produire un effet de compréhension sur son auditeur.
Elle peut donc rendre compte du soliloque sans avoir
dérer comme une forme particulière de communication.
générale, T
à le consi-
De façon encore plus
est en mesure d'expliquer la signification dé cas d'énoncia-
2
tion qui ne sont pas produits dans un processus de communication.
même façon que Tl était supérieure
De la
à la théorie de la signification non-na-
turelle de Grice en ce qu'elle rendait compte de la signification d'un plus
grand nombre de , cas d'énonciation parce qu'elle n'exigeait pas une réponse de
l'auditeur, T
2
est supérieure
à Tl parce que, n'ayant pas recours au processus
de communication, elle peut expliquer la signification de toute énonciation.
b) T
T
2
2
et la th~se de Searle sur la signification
ne doit évidemment pas, de façon
à ce que soit préservée la cohé-
rence de l'entreprise philosophique de Searle, entrer en contradiction avec
sa théorie, plus générale, des actes de langage.
Searle affirme d'ailleurs
à cet égard:
"The project ... of analysing meaning in terms of
representation instead of communication does not
involve a rejection of the theory of speech acts.
That theory can simply be imported into this
analysis." ( 35 )
La congruence de T
2
à l'égard de la théorie searlienne des actes de langage
peut être mise en évidence par l'établissement des rapports qu'elle entretient avec les deux formulations de sa thèse sur la signification.
Ce que
221
nous avons appelé la thèse générale de Searle et sa thèse spécifique sur
la signification découlent, en effet, de son hypothèse de base et de sa
théorie des actes de langage.
La thèse générale de Searle sur la signification associe la signification des phrases aux actes de langage performés par leur énonciation;
elle pose qu'un même ensemble de règles régit la performance illocutionnaire et l'utilisation des éléments linguistiques de l'énonciation.
à elle, T
2
Quant
identifie la signification à la double intention du locuteur de
représenter un état de chose et que soient remplies les conditions nécessaires à la réussite de son énonciation.
T
2
Télescopées l'une dans l'autre,
et la thèse générale associationniste font ainsi correspondre les rè~
gles déterminant l'état de choses qu'un locuteur a l'intention de représenter et les règles gouvernant les éléments linguistiques qu'à cette fin il
utilise dans son énonciation.
La signification langagière peut de la sorte
être exposée de la façon informelle suivante:
..
(1) ... saying something and meaning it is a
matter of uttering a sentence with the intention
that it represents a certain state of affairs,
which state of affairs will be determined by the
rul :~s governing the elements of the sentence utte",",
red...
.
(2) The intention that it represents a certain
state of affairs is at least in part the intention that certain conditions are conditions of
success of the utterance." (36)
L'unicité des règles déterminant l'état de chose représenté et gouvernant les éléments linguistiques de l'énonciation assure la congruence de T
à l'égard de la thèse générale sur la signification de Searle; l'acte de
2
222
langage , au moyen duquel un l ocuteur manifeste son intention de r eprésenter
un état de choses , est assoc i é par un e législation commune à l'utili sation
d es é l éments linguistiques.
Cette convergence entre T
2
et l a thèse géné-
r a l e peut, j usqu ' à un certain point, étonner puisque la thèse associationnist e avait donné li eu
à l' établissement de Tl qui réduisait incorrectement la
signification au processus de la communication et qui est radicalement
férent e d e T .
2
Il importe,
dif~
à ce propos, de bien voir que l ' inadéquation de
Tl n'entraîne pas le r e jet de la thèse génér a l e.
En termes plus précis, ce
n 'e st pas parce qu'il n'est pas valable de définir l a signification par
l'intenti on d 'un locuteur de produire un ef fet de compréhension sur son
auditeur et son intention de lui faire reconnaître son intention premi~re
au moyen d e leur connaissance commune de la même l angue qu'il faut . conclure
à l'inexac titude d e l'idée d'une association entre la signification et l a
performanc e d'actes de langage .
tion à l'err eur d 'inférence de Tl
Searle fou r nit, par ai lleurs , une explica-
à partir d e la thèse générale :
"1 believe that the di st inction b etween represen-
tation and communication was disguis ed by the
concentration on speech acts ..• for in th e stan~
dard speech situation the utterance both repre ~
sents and communicates , and it is tempting (and
in general correct ) to construe a failur e to
communi cate as a failure of the speech act .. . " (3 7)
Parce que , d'une part, le concept d'acte de langage est intuitivement très
près de celui d e communication et que, d'autre part , le langage prése nte,
eu égard à d'autres systèmes de communication , cette particularité de faire
co ï ncider le moment de la r eprésentation et de la co~munication proprement
dite , il est relativement facile de commettre l a ~aute théorique d'occulter
223
la première et d'expliquer entièrement la signification en fonction de la
seconde.
C'est l e piège dans lequel Searle lui-même serait tombé dans
l'établissement de Tl.
T
2
générale.
évite c ette difficulté tout en respectant la teneur de la thèse
Identifier la signification
à l'intention de représentation d'un
locuteur ainsi qu ' à son intention que certaines conditions relatives
à
l'état de choses qu ' il veut représenter soient des conditions de succès
de son énonciation n' affec·te pas l ' idée que l'acte de langage et la signification d'une phrase dont l'énonciation sert
à la performance soient
fonctions l'un de l'autre.
Toutefois, si T
2
n'entre pas en contradiction avec la thèse générale
de Searle sur la signification, c ' est avec sa formulation spécifique qu'elle
est le plus congruente.
Celle-ci fait dépendre la signification du couple
formé d e la force illocutionnaire et du contenu propositionnel.
T , de
2
son côté , donne une description de la signification en fonction du concept de représentation.
Or, une r e présentation a une forme et un cont 0 nu.
Il apparaft légitime de penser que le contenu de la représentation équivaut
a u contenu propositionnel de l'énonciation et que la forme de représentation se confond avec sa force illocutionnaire..
Searle lui-même défend im,....
pli,citement ce dernier point:
" ... different kinds of il l ocutionary acts , in so
far as they have propositional contents , can be
regarded as different modes in which utterances
represent reality •..
(38)
Il
224
La force illocutionnaire d éterminerait, entre autres choses , la forme ou
le mode de r eprésen·tation .
Or , toujours d ' après Searle , ...
" ..• (the ) modes of representation will in
turn be analysable as conditions on the
success of utterances ." ( 39 )
Ce qui implique qùe les conditions, relatives au succès de son énonciation,
dont le locuteur a l ' intention qu ' elles soient r emplies ne sont pas d ' un
seul et même type .
Searle les différencie en vertu de sa classification
des actes illocutionnaires:
"
1.
S uttered X and meant U of X as an Assertive
that p has aS ... condition that
In U of X, S intended that a criterion of
success of U of X will be that there exists
a state of affairs such that p , which is
causally independent of U of X" (40)
"
2.
S uttered X and meant it as a Directive to
H to do A ha.s as • . • condition that
In U of X, S inte nded that a criterion of
success of U of X will be that H does A ,
at least in part because of the recognition
by H that S intends U of X as a reason for
doing A." (41)
"
3.
S uttered X and meant it as a Commissive to
do act A has as . .. coùdition that
In U of X, S i ntended that a criterion of
success of the utterance will be that S does
A, at least in part because S intends that U
of X functions as a r easo n for doing A." (42)
"
4.
S uttered X and meant it as an Expressive of a
state E about p has as ... condition that
In U of X, S intended that U of X be an expression of E, presupposing p. " (43)
.
225
"
5.
S uttered X and meant it as a Declaration that
p has aS ... conditions
In U of X, S intend that sorne new state affairs
p be brought about solely in virtue of U of X.
In U of X, S intended to invoke the constitutive
rules of sorne institution within which heis
acting." ( 44 )
La thèse générale de Searle sur la signification ne pouvait pas
spécifier l es conditions dont le lo c ut eur avait l'intention qu'elles soient
remplies; sa thèse spécifique, adjointe
à la classification illocutionnaire,
y parvient. (Il est aussi ~ remarquer que ces conditions mises de l' avant
par T
2
diffèrent, pour ce qui est des quatre dernières catégories de la
classification des actes de langage, de la condition générale de la repré~
sentation relevée par Searle,
à
savoir que l'état de chose doit exister
indépendamment de l'énonciation; cette condition n'est valide que pour les
assertions) .
De façon globale , la thèse spécifique de Searle sur la signification
et T
2
font valoir l'idée qu ' il exprime de la façon suivante:
"l .•. argue that a speaker's uttering something and
meaning something by it consists in the speaker 's
uttering something with the intention that his
utterance should represent reality in one or more
of the possible illocutionary modes •. ," (45)
Dans Tl' l'effet illocutionnaire seyant
à la signification d'un énoncé
était confondu avec l'intention du locuteur de produire. la compréhension
chez son auditeur.
Tout autrement, l'intention de signification est plu-
tôt identifiée, dans T ,
2
( 46 ) •
à son intention de représenter un état de choses
226
c) T
T
2
2
et la problématique d e l a
contrairement
communication
à Tl' n e cherche pas à expliquer la signification
langagière en fonction du processus d e communication .
Elle ne doit ce-
pendant pas être complèteme nt impertinen t e à ce dernier puisque le l anga g e , en vertu de l'hypothèse searlie~~e de base , est essentiellement un
moyen de communication, l es actes de l angage y étant définis comme l es
unités de base de l a co~~unication linguistique.
rélation entre T
2
et son hypothèse de base en identifiant le langage et
les langu es naturelles
ce fait, servent
Searle établit une cor~
à des sys tèmes p ublics de représentation qui, de
à la communication:
" Notice ... that (our) account of me aning and
communication is in no way inconsistent with
the vi e \., tha t the fundamental purpose of lan ...
guag e is communication . Language provides u s
with public systems of representation , and
thereby allows us r epresentations to be
r ead i ly communicate d from on e speaker.-hearer
to another in virtue of their common knowl edge of the rules of language." (47 )
Il importe , d ans cette perspective , d e montrer en quoi représentation et
communic a tion se distinguent l'une de l ' autre mais aussi comment elles
s ' emboîte nt l'un e dans l'autre .
Pour ce f a ire , Searle procède à une strati-
fic~tion, encore plus poussée que dans T , d e l'intentionnalité.
2
La signi-
ficati on et l a communication d épenden t toutes d e ux d e l'inte ntion du lo ~
cuteur i dans la mesure , cependant , où la signification est expliquée e n
fonction non pas de la communication mais bien de la r eprésentat ion, il
importe d e distinguer entre intention de signification e t
communication :
intention de
227
"A meaning intention is an intention to represent;
a communication intention is an intention that the
hearer should know the representing intentions." (48)
L'intention de communication consiste donc à faire reconnaître une
intention plus profonde de représentation.
Cette distinction
hiérarchique entre les deux types d'intentions permet de situer correctement certains traits qu'avaient relevés la théorie de la signification
non-naturelle de Grice et la Tl de Searle en cherchant à la définir en
fonction de la communication, à savoir l'intention d'un locuteur de produire un effet et la reconnaissance par l'auditeur de cette intention.
A la lumière de T , ces deux composantes n'ont en aucune façon trait à
2
la signification mais relèvent bien de la communication:
"S's intention to communicate ... is the intention
that H should recognize the (utterance) as a
representation of (a) state of affairs.
( ..• )
•.. the intention to communicate is the intention to produce in H the knowledge that the
picture represents a certain state of affairs,
by means of H's recognition of S's intention
that it should represent that state of affairs." (49)
Searle schématise c e processus de la façon suivante:
"
In
!:!.
that
of
~,
~,
§.. intends
1
and §.. intends
2
H recoqnizes intention
that
that
2
~
represents the §... Q... 9...
~
recognizes intention
i
and thereby he recoqnizes
intention ." (50)
l
Ainsi, c'est parce qu'il saisit d'abord l'intention de communication d e
son interlocuteur qu'un auditeur est en mesure de comprendre la signification de la séquence verbale que profère le locuteur .
Dans la chrono-
logie factu e lle, la communication sert à remonter jusqu'à la signification;
228
analytiquement, elle s'appuie sur cette dernière:
" ... as soon as H recognizes a communication
intention (that is, the intention that he
should know a meaning intention) h e will
know the meaning intention, hence communication is derivative from meaning and not
conversely." (51)
C - T
2
et les deux approches traditionn e lles en philosophie du langage
On se souviendra que l'une des principales ambitions de la théorie
à unifier en un ensemble
des actes de langage d e Searle consiste
concep~
tuel cohérent les deux principales approches, 'positiviste' et 'utiliste',
en philosophie du langage.
Plus p a rticulièrement, sa thèse sur la signi-
fication prétend être en m~sure d'intégrer les acquis de ces orientations
traditionnelles sur la question.
Chacune d'elles défend une théorie pré-
cise de la signification: l'approche 'posi.tiviste' l'identifie
à l'attri-
bution d ' une valeur de vérité; l ' approche 'utiliste' la détermine plut8t
en fonction de l'usage et de l'intention d es locuteurs.
que T
2
réussisse
Quant
Il semble bien
à atteindre l'obj ectif de les unifier.
à elle, T , appartient carrément à l'approche 'utiliste'
l
cherche , en effet
.
à définir la signification en fonction du processus de
communication, donc sur la base d e l'usage qui est fait du langage.
..
ce fait, elle est tout
De
à fait étrangère à la conception de l!approche
'posit: iviste ' qui assujettit la sisrnification
de vérité.
elle
i
à l'attribution d'une valeur
Dire que la signification d ' un énoncé dépend de l'intention
d'un locuteur d e produire un effet de compréhension chez son auditeur,
229
de son intention que la première intention soit reconnue et de son intention que cette reconnaissance se fasse au moyen de la connaissance qu'a
l'auditeur des règles d'énonciation déterminant
d es éléments linguistiques et ce
ne strictement rien dire
à la fois l'utilisation
à quoi revient leur emploi équivaut à
à propos des conditions de vérité de l'énon-
/
ce.
Pour sa part, T
2
identifie la signification
à une intention de repré -
sentation qui se double d'une intention que soient remplies des conditions
relatives
à l'état de choses représenté qui sont également des conditions
d e succès de l'énonciation.
Elle se situe fondamentalement d ans la m@me
perspective que l'approche 'utiliste' p uisqu 'elle explique la signification
par l'intentionnalité .
Cependant , el l e s'en démarque par le ~ait qu'elle
ne réduit pas la signification au processus de communication mais cherche
plutôt
à l'éclairer en ayant recours au concept de représentation.
faisant, T
2
rejoint, relativement
Ce
à l'une des fonctions du l angage, le
point de vue de l 'approche ., posi ti viste ' .
La représentation d'un état de choses dans le langage peut être réa lisé
d e diverses façons.
En v er tu de T , différent es conditions de succès d'énon~
2
ciat i on déterminent diverses intentions de représentation de la réalité. En
ce qui concerne l'assertion, un e d e ces conditions est que l'état d e choses
représenté (plu s précisément l ' étât de choses que le loc uteur a l' intention
de représenter) existe indépendamment de l'énonciation; en d'autres mots,
qu'on puisse attribuer un e valeur de v éri té
à ce qui est dit.
Tel l e est
230
également la théorie de la signification que d é f endent , s e lon Searle , les
tenants de l ' approche ' pos itivi s t e ' pour qui ...
" .. . to know the meaning of a statement is to
know under what conditions it is true or
f alse ." (52 )
Cependant , comme les con ditions du succès de l!énonciation ne sont pas
toujours l es mêmes , que l es utilisateurs du langage ne performent pas
q ue d es assertions , l ' attribution d ' une valeur d e vérité ne peut être
l'unique constituant de la signification:
" .. . t he meaning of a statemen t is somehO\v given
by its truth conditions, the meaning of a com~
mand is given b y it s obedience conditions, th e
meaning of a promise is giv e n by its fulfillme nt
c onditions , etc ." (53 )
L'approche 'positi viste ' aurait réu ss i à déterminer la signification d1un
nombre restreint d ' énoncés d ' un c ertain type , à savoir l es énoncés assertif s .
L ' approche 'uti l iste ' aurait , de son c ôté , mis au jour l ' import'ance
f o ndame ntale de l'intentionnalité da n s la signification.
En suivant L _ voi e
"
" par cette d
tracee
ernlere,
Sear I e, d ans T , est amene" a, conSl'd"e r er cowme
2
part ielleme nt va l able l a conception d e l a signification de l' approche
' pos i tiviste' .
T
2
opère ainsi une sorte de synthèse entre l es d e u x orien~
tat~ons traditionn e llemen t
opposées de la ph ilosophie du langage.
231
NOTES
(Chapitre septième )
(1 )
Searle (1969a ), pp. 42-43.
(2 )
Id. , p . 43.
(3 )
Searle (inédit: M.C.R. ) , p . 1.
(4 )
Pour une raison de commodité dans l' exposition de leur contenu,
afin particul ièrement d ' éviter les redites inutiles, les deux
théories de la signification de Searle seront , dans la suite de
l ' exposé, simplement appelées Tl et T .
2
(5 )
Tl est présentée dans Searle (1969a), pp. -42-50.
fait l'objet
2
d e Searle (inédit : M. C . R .). Ce texte est encore à l'état d ' une
rédaction préliminaire et n'a donc pas encore été publié. Etant
donné son importanc~ manife s te , le traiteme nt que nous en donnons
d oit demeurer sous réserve des modifications que Searle lui-m@me
pourrait y apporter .
(6 )
Searl e
(7)
La théorie de la signification non-naturelle est exposée dans
Grice (1957).
(8 )
Grice (1957), p. 53.
(9 )
Id ., p . 53.
(10)
Id., p. 54.
(11 )
Ce sont les exemples retenus par Grice qui l'a.mènent
Cela se répétera dans des citations subséquentes i il faut généraliser et com~
prendre que l'essentiel du p r opos de Gr i ce consiste à attire r l'at~
tention sur l es effets recherchés .
T
(1969a ), p . 43 .
Id ., p. 54.
à parler de la croyance. en tant qu 1 effet recherché,
232
(1 2 )
Id., p. 56 .
ou ' mean
nn
Les l ettres ' nn ' dans les expressions ' meaning
nn
' sont une abréviation pour 'non-naturelle '.
(1 3)
Id., p. 58.
(14)
Searle (1 969a ), p. 45.
(1 5)
Id., p . 45.
(16)
Id., p . 45.
(17)
C'est Searle qui caractérise ainsi l'effet que, d'après Grice,
le locuteur a l'intention de produire: " ... Grice argued that
meaning intentions were intentions to produce a response in
a hearer." Searle (inédit: M,C.R..), p. 3.
(18)
Searle (1 969a ), p. 46.
(19)
Id., p. 44.
(20)
Id. , pp.49-50 .
Il
Searle présente ailleurs de façon plus simple Tl:
(a) the intention to produce a certain
illocutionary effect in the hearer
(b) the intention to produce this effect
by getting the hear er to recognize the intention to produce the effect
(c)
nition
of the
Searle
(21)
Id., p . 3
(22)
Id., p. 4 .
the intention to produce the recog~
by means of the hearer's knowledge
rules governin g the sentence ."
(inédit: M.C.R.), p. 2.
233
(2 3 )
La communication/ telle que Searle l' envisage / est ainsi d'une
généralité très grande . On ne sera pas sans l e lui reproche r:
"J' aChlle ts ... avec Searl e qu'il Y a un lie n
essentiel entre le langage et la communic at ion/ si l'on pre nd 'communication ' au
sens l arge -ce qui me paraît être une ini~
tiative malencontreuse, car la notion de
'communication' est alors vidée de son
caractère essentiel et intéressant."
Chomsky (1975) , pp . 73~74.
(24 )
En fait/ Searle mène cette analyse du processus de communication à
partir d'un exemple dans lequel l e média utilisé est l'image. Etant
donné qu 'il ne nous importe ici que d e relever / dans leur généralité ,
les traits saillants de l a communication, nous ne rendrons pas compte
de tous les détails de l'analyse de Searle.
(25 )
Searle (inédit: M.C.R.), p. 6.
( 26 )
Id. , p. 7.
(27 )
Id. , p. 7.
(28)
Id . , p . 10.
(29)
Id. , pp. 4-5.
(30)
Id. , p. 10.
(31)
Id. , p . 8.
i>
(32)
Id. , p. 9
(3 3 )
Id. , p. 9.
(3 4 )
Id., p . Il.
Il n o u s faut immédiatement preClser que l e dernier
élément (# 3 ) d e c e tte présentation fera l'obj e t de modifications
subséquentes.
234
( 35 )
Id ., p . 21.
( 36 )
Id. , p . 13. Le schéma précédemment présenté qui fait voir la
double intentionnalité de représentation de la signification
n' est pas' spécif i que au l angage i il s'applique à tout moyen
d'expression muni de signification .
( 37 )
Id. , p. I l .
(38 )
Id. , p . 14.
( 39 1
Id . , p. 1 4 .
(4 0)
Id. , p . 17.
(4 1 )
Id. , p . 17 .
(42)
Id. , pp . 17-18 .
(4 3 )
Id. , p . 1 9 .
(44 )
Id . , pp. 1 9 - 20 .
(45 )
Id. , p. 5.
(46 )
Je voudrais c onfronter Tl e t T
~
n ous
a v ec
note
gage
à l ' idée que défend Searl e Cet q u e
2
avons contestée au chapitre quatrième , note 7 et mise en rapport
sa thèse spécifique s u r la s i gnification au chapitre cinquième,
1 2 ) v oulant qu ' i l soit possible que des actes complets de lanpuissent être dépourvus de contenu propositionnel.
Articulée autour du concept de communication , Tl dé t ermine la signif i c ation par l ' intention d u locuteur de produire chez son audi t eur l a
c ompréhension que l' état de choses spécifié par les règles régissant
l' é noncé qu ' i l pro fère est réalisé , son intention d e produire cet effe t par l a reconnaissance de la première intention et son i ntention
235
que cette reconnaissance soit faite en vertu dela connaissance
par l'auditeur des règl e s gouvernant l'énoncé proféré par le locuteur. Dans Tl' la signification est donc fondamentalement déterminée par une intention du locuteur de produire chez l'auditeur une connaissance relative à un état de choses. Or, ce qui
dans l'énonciation exprime un état de choses, indépendamment de
la façon dont il est exprimé, c'est le contenu propositionnel. A
en croire Searle, certains énoncés peuvent ne pas avoir de contenu propositionnel; ils n'expriment donc pas un état de choses. Et,
par voie de conséquence, on ne peut en déterminer la signification
selon ce que Tl nous dit de cette dernière. En d'autres termes,
il est malaisé de voir comment un énoncé qui est propositionnellement vide et qui donc n'exprime pas un état de choses pourrait être
muni d'une signification, c'.est-à-dire comment le locuteur qui le
profère aurait l'intention de produire chez son auditeur la connaissance d'un état de choses. Sans contenu propositionnel, pas d'expression d'état de choses; sans expression d'état de choses, pas
d'intention de produire une connaissance relative à un état de choses, pas de signification. Or, en reconnaissant que des énoncés
sans contenu propositionnel soient tout de même des actes complets
de langage, Searle se voit forcé d'admettre qu'ils aient une signification. Ce qui est, par ailleurs, dénié par Tl. L'idée que des
actes complets de langage soient propositionnellement vides n'est
donc pas comptatible avec Tl. Malgré ce que Searle a déjà pu penser,
il faut rejeter l'une ou l'autre. Comme Searle a maintenant, pour
des raisons autres, abandonné Tl,il n'a plus à faire face à ce dilemme.
Cependant, Searle rencontre aujourd'hui avec T la même difficulté.
2
Il semble, en effet, que l'idé~ voulant que des actes complets de
langage n'aient pas de contenu p ropositionnel soit encore moins
compatible avec T qu'avec Tl. T détermine la signification en
2
2
fonction de l'intention du locuteur de représenter un état de choses.
En vertu de cette spécialisation, on voit mal comment un énoncé
servant à la performance d'un acte de langage sans contenu propositionnel pourrait avoir une signification puisque, comme nous l'avons
plus haut noté, c'est pr~cisément s'il a un contenu propositionnel
qu'un énoncé peut exprimer un état de choses. T , parce qu'articulée
2
non pas autour du concept de communication mais ae celui de représentation impose de façon plus forte que Tl l'exigence aux énoncés
d'avoir un contenu propositionnel pour pouvoir être dits munis
de signification. Or, encore une fois, d'après Searle, certains énoncés sans contenu propositionnel n'en constituent pas moins des
actes complets de langage et ont donc une signification. Cette idée
est en oppo s ition radicale avec T et Searle manifeste une certaine
2
incohérence à les soutenir toutes les deux.
Il lui serait, à première vue, théorique me nt plus logique de maintenir T et, comme nous
2
236
avons entrepris de le faire, d'abandonner l'idée que certains
actes complets de langage n'aient pas de contenu propositionnel
tout en tentant de rendre compte des cas où cela ne semble pas
évident.
(47)
Searle (inédit:
(48)
Id. , p. I l .
(49)
Id. , p. 10.
(50)
Id. , p. I l .
(51)
Id. , p. 20.
(52)
Id. , p. 23.
(53)
Id. , pp. 16-17.
M.
c.
R. ) , p. 14.
CHAPITRE HUITIEME
LA SIGNIFICATION DANS LA THEORIE SEARLIENNE
DES ACTES DE LANGAGE ET LE CONTEXTE D'ENONCIATION
La théorie searlienne d es actes de langage concentre
principalement l'attention sur les dimensions illocutionnaire
et propositionne lle de l'activité l angagière .
Ainsi, la thèse et
la théorie de la signification de Searle reposent-elles fondamentaleme nt sur les notions d e force illocutionnaire et d e contenu
propositionnel.
Il est cependant un autre trait caractéristique
de la performance langagière qui, jusqu'à maintenant passé sous
silence, doit faire l'objet d 'une intégration quelconque à la
conception globale d e la signification de l'auteur de Speech Acts .
Il résulte de la répartition des actes de langage de la
théorie du même nom que les actes illocutionnalres et propositionnels sont toujours performés par le recours à des actes d'énonciation, lesquels n e constituent que la profération de sonorités
verbales.
L'acte d' énonciation se distingue de l'acte illocution-
naire et de l'acte propositionnel en ce qu'il appartient
à la
23 8
mat ~ rialit~ du l a ngage .
Ainsi, alors que l es actes illocutionnai-
re s e t propositionnels portent sur des
ent it~ s
abstraites ,
nomm~-
me nt la f o rce illocutionnaire e t l e co ntenu proposition n e l -c ' es tà-dire l es propositions-, l'acte d ' énonciation es t directementli~
au context e d e son accomplissement:
f~ration de mots ou d e phrases,
produire un t e l acte , la pro-
s e fait toujours dans une certaine
situation, dans un certain contexte .
La
th~orie
du langage d e
Searle, en vertu du fait que s es constituan ts centraux, l'illocution
e t la proposition, sont toujours adjoints à un acte d'~nonciati on ,
est donc confrontée à la question du contexte de la perfo r mance
langagière (1).
Est ainsi ouverte la probl~matique suivante:
comment th éoriquement rendre compte de la ou des relations (s ), de
fait po s ~e(s) via l'acte d'~nonciation, entre , d'une part , les
actes illo cutionnaires et propositionnels et , d'autre part , la
dime nsion contextue ll e de la prof~r a tion l angagière?
Cette p roblématique n ' est pas impertinente ou é tra ngère à
celle d e la s ignification te lle qu ' abord~ e par Searl e .
T , en
2
effet , définit la signification en fonction de l ' intention du
locute ur de
repr~se nter
un
~tat
de choses .
Or, comme nous
l' ~ vons
indiqué au chapitre septième , la fo rme d ' une repr~sentation et son
..
contenu sont co-extensibles respectiveme nt à l a force illocutionnaire et au contenu propositionnel.
L ' éclairci ssement de la problé-
matiqu e du context e d'énonciation, c'est-à-di re la mi se au jour de
sa fonction dans l' activité l a ngagiè re eu égard à la forc e
239
illocutionnaire et au contenu propositionne l , pourrait ainsi avoir
quelque effet sur la théorie s e arli e nn e d e la signification.
Chose
certaine, la question du contexte d' é nonciation est d'une grande
importance pour la problématique de la communication linguistique
envisagée du point de vue de la théorie des actes de langage .
a été souligné,
Il
dans la répartition de ces actes, la possibilité
qu ' un même acte d ' énonciation puisse servir à la performance de
différents actes illocutionnaires et propositionnels.
En effet,
au moyen d ' une unique séquence verbale, son locuteur p e ut performer
des actes de référence et de prédication relativement à des entités
diverses et ce à quoi revient l'énonciation de la phrase n' e st
pas nécessairement univoque:
Par exemple , l' énoncé ' Demandez-lui
de venir ' peut servir à autant d ' actes propositionnels que d ' ind ividus à qui ' lui ' peut se rapporter et la phrase peut consis t er soit en u n ordre , soit en une demande .
La force illocution-
naire et le contenu propositionnel de cette séquence langagière
ne sont donc pas livrés par sa seule appréhension.
Sur le plan
de la communication linguistique , le locuteur de la phrase et
son auditeur doivent , pour les saisir de façon précise , > tenir
c ompte d ' informations relatives au contexte d'énonciation.
Ainsi ,
l ' auàiteur comprendra ce dont l'entr etient le locuteur dans la
mesure où il sait déjà, en vertu du déroulement antérieur de la
conversation, à qui 'lui' fait réfé r ence e t pre ndra la phrase
comme un ordre ou u ne demande selon le rapport hiérarchique le
240
liant au locuteur .
Searle aborde la questi.on du contexte d'énonciation par le
biais de la distinction entre la signific ation propre de la phrase
(s .m.) et la signification de son expression par un locut e ur
(u.m.).
Il s'était avéré nécessaire , on s ' en souviendra , de po-
ser une telle distinction
à l a suite du constat qu 'un lo cut eur
pouvait (vouloir) signifier autre chose que c e que les mots et/ou
les phrases figurant dans l'énoncé qu'il profère signifi e nt habitue llement.
Sur la base de la di stinction entre s.m . et u.m. , il est
possible de démarquer , rel ative me nt à la signification langagière ,
deux modèles g é néraux d'énoncia tion.
Pour un premier groupe d ' é -
noncés , le u. m. correspond au s .m.; sur l a suggestion de Searle ,
appelons-les des cas simples d e signification:
" The simplest cases of meaning are those
in which the speaker utters a sentence
and means exact ly and lite rally what he
says." (2)
Dans l' autre forme d'énonc.i_ation, "
what th e speaker means i s
not identical wi th what th e sentence means ... "
( 3 ).
re.i_l,.s cas complexe;:; d'énonciation significa tive ,
Dans de pa-
(par exemple ,
l'acte de l angage indirect et la métaphore qui seront plus loin
étudiés)
leu.m. déborde de quelque façon le s.m.
· Se produ i t alors le
phénomène de dé·tournement sémantique constaté plus haut.
241
Une vue intuitive et précritique , s'appuyant sur la distinction entre les d e ux types d ' énonciation , pourrait amener à penser
que le contexte joue un rôle de premier plan dans les cas complexes
d'énonciation en raison de la non-coYncidence qui y est décelée
entre les
d~ux
niveaux de signification alors que sa fonction se-
r a it à peu près, sinon tout à fait , nulle dans l es cas simp l es de
signification où se confondent le u.m. et le s.m.
C'est précisé-
men -t en questionnant cette double p e rspective que Sear l e développe
ses réflexions sur le contexte d'énonciation qui prennent les
formes d ' une théorie de la signification littérale et d'une série
de théories locales sur divers cas complexes d'énonciation signif i c ative .
Ces ajouts théo;i ques doivent évidemment , de quelque
façon , être conformes ou congruents à T , c ' est-à-dire à la déter2
mination de l a signification par l ' intention de représentation
d'un état de choses , qui relève de sa thèse sur la signification
dégagée de sa théorie des actes de langage.
A - La théorie de la signification littérale de Searle
Par l a distinction entre s . m. et u. m., i l est supposé q ·.le
toute phrase , dans l a mesure, pourrait-on ajouter, où sont respectées les règles de vocabulaire et de syntaxe, est munie d'une signification de quelque façon constante, invariable.
qu'une phrase a une signification l ittérale.
On dira donc
(En ce sens , on
d ira également que dans les cas simp l es d ' énonciation , c ' est- àdire quant le u . m. coïncide avec l e s .m., un locuteur signifie
242
ou veut dir e littéraleme nt ce que la phrase qu'il profère signifie.)
L'opinion traditionne llement reçue
à propos de la signification
littérale d es éléments linguistiques consiste
à la caractériser
comme étant complètement indépendante de tout contexte d'énonciation:
"
the view tha t for every sentence the
literal meaning of G~e sentence can be
construed as the meaning it has independently of any context whatever." (4)
Cette façon de considérer la signification littérale ne manque pas
d'él égance théorique; elle permet, entre autres choses, de penser
très clairement de manière dichotomique la différence entre les
cas simples et les cas complexes d'énonciation significative: dans
ceux-ci, la non-coïncidence entre le u.m. et le s.m . serait l'effet de l'intervention d'aspects conte xtue ls qui, par ailleurs,
seraient tout
à fait absents du premier typ e d'énonciation.
D'a-
près cette vue des choses, le langage serait intrinsèquement muni
d'une structure de signification inaltérable qui formerait la base
de son emploi effectif dans tout contexte possible d'énonciation.
D'un point de vue épistémologique, c'est sur cette idé e que repos e
le projet des recherches dites sémantiques:
isoler et mettre au
jour les éléments systémiques inte:çnes au la ng age en accord avec
,-
lesque l s l es énoncés font sens.
En cela, l'adhésion
de l'indépendance de la signification littérale
te xte réduirait beaucoup (si ce n'e s t
pOL~èse
à la thèse
à l'égard du con-
à néant) la portée de l'hy-
searlienne d e base prétendant que l e langage se particularise
d'abord comme une activité et , par voie de conséquence, l'impor t ance
243
de la force illocutionnaire dans la d é termination d e la signification d ' une séquence verbale.
Car, si un énoncé est déjà intrinsè-
que ment significatif , toute considération relative à sa fonction
d ' ac t e de langage n ' ajoute rien d ' essentiel à propos de cette
signification et, chose certaine , on ne peut pas, comme l e fait
T , d éterminer fondamentalement la signification en fonction de
2
l ' i ntention du locuteur d e représenter un état de choses.
Searle se retrouve ainsi d evant la difficulté théorique suiv ante:
penser la dimension littérale de s.m. de telle façon
q u' e lle ne soit pas posée indépendamment de l'utilisation du langage e t donc de tout aspect contextuel et que soit préservée la
distin ction entre s . m. et u . m . . Cela lui est nécessaire à la fois
pour maintenir l 'intégrité de son projet L~éorique et pour rendre
compt e des cas c owplexes d ' énonciation significative .
Re l ativement
à l a signification littérale du langage , Searle
défend la thèse qu ' elle est établie s ur un arrière-plan d ' ordre
con textue 1:
" 1 ... argue that in general the notion
of the l iteral meaning of a sentence
only has application relative to a set
of contextual or back groun d assumptions
and . .. that as far as our semantic comp e tence is concerne d we unde rstand the
~eaning of . .. sentences only against a
set of background assumptions about the
contexts in which the sentence could be
appropriate l y uttered ." (5 )
Cette t hèse , que Searl e lui-même appelle de la relativité de la
244
signification (6) , spécifie que l es ' baçkground assumptions ', sur
la base d esque l s l es éléme nts linguistiques sont munis d 'une signification littérale, ne sont pas intégrés ni intégrables à l a structure
sémantique de la langue
"
à l aque ll e ces éléments appartiennent.
(the ) b ackground a ss umptions are not
ail and cou Id not ail b e r ealized in the
semantic structure of the s e ntence in
the way that presuppositions and indexically depend en t e lemen t s of the se ntence ' s
truth conditions are r ealize d in the semantic structure of the sentence." (7)
Ainsi, l e langage comprendrait bien une structure sémantique; el l e
ne serait cependant pas assez forte pour déte rminer la signification littérale des mots et d es phrases et n'imp osera i e nt que d e
larges ou globales re s tri c tion s
à l'interpré t ation d e l a signi-
fication d e ces éléments linguistiques .
La signification littérale,
déterminée par l es 'background assumptions', n'est, de la sorte,
pas intrinsèque au langage .
Se lon Searle; il n'existe pas un sens
apriorique d es mots e t d es phrases qui pourrait être isolé sans
aucun égard al] contexte d ' énonciation dan s l e quel ils sont proférés .
Cette signi fic ation littéra l e es t toujours r elative à un enser.ble
de considérations prérequises
à son application.
La th èse searlienne faisant dépendre la sign i fica tion litté raI e d e 'background assumptions' offre du sens des éléments linguis tiques une v ue relativiste e n r a ison de l a conception de la
natur e des prémisses contextuelles qu'elle recè l e.
Pour Searle,
en effet , l es 'b ackground assumptions' se particu l aris e nt par
245
:Leur "indénombrabilité " et par l e ur renvoi incessant les uns aux autres:
"
th e assumptions are not specifiable
as p a rt of the semantic content of the
sentence , or as presuppositions of the
applicability ofthat semantic conte nt,
for at least two reasons.
First, they
are not fix e d and d e finite in number .. .
And second, each spec i fication of an
assl~ption t e nds to bring in other assumptions, those that d etermine the
applicability of the l itera I meaning of
the sentence used in the specification. "
(8 )
L'impossibilité de spécifier total eme nt et préciséme nt les 'background assumptions ' fondànt l a sign ification li ttéra l e d'un mot
ou d'une phrase est ainsi liée à une régress ion linguistique à
l'infini qui rend fort problématique l e u r investigation théorique.
Dans l' esprit d e Searle, l es ' background assumptions' sont en fait
assimilables aux croyances et connaissances sur le monde du ou
d es lo cute urs.
En c e la, ils constituent une partie tout au moins
de la réalité psychologique du contexte.
Les 'background assump -
tions' sont d e l a sorte suj e t s à des transformations e t
"
...
there is no constant set of assumptions that dete rmine th e applicabili ty
of the notion of lite raI meaning ... " (9 )
Différe ntes configurations de 'ba ckground assumptions ' d é t e rmin e nt
donc différe nte s significations littérales.
Cette p luralité des
points de d épart de l a d étermi n ati on d e la signification implique
qu'à proprement p ar l e r
la théo rie s e arlie nne en est une des (e t
non pas de la) significations littérales d es éléments linguistiques .
246
Il Y a , en effet, fort
à parier que l es ensemb l es de ' background
assumptions ' co-extensifs
à la très grande majorité des mots des
langues naturelles n'ont pas touj ours été identiques pour tous
leurs locute urs.
La signification littérale est donc relative
de 'background assumptions ' qui appartiennent
à un ensemble
à l'ordre contextuel.
Il n'en demeure pas moins vrai que le sens d'un énoncé a trait
des conditions particulières:
à
conditions de vérité pour Q~e asser-
tion, conditions d'obéissance pour un ordre, conditions d'acceptation pour une demande, etc.
Ces conditions, dans la perspective
de la thèse searlienne de la signification littérale , deviennent
simplement relatives aux ' background assumptions' :
"
the thesis of the relativity of
meaning has the consequence that the
sentence may determine one set of ...
conditions relative to one set of
assumptions and another set relative
to another set of assumptions ... " (10)
La théorie searlienne de la signification littérale et son
constituant central, la thèse des ' background assumptions ', ont
pour objet de démontrer que le contexte d ' énonciation exerce une
..
fonction qui n'est pas négligeable relativement
langagière.
à la signification
Les implications épistémologiques de cette théorie
seront examinées plus loin.
Elle comporte, par ailleurs , sur le
plan heuristique , un aspect fort important:
tinction entre s . m. et u.m.
le maintien de la dis-
Car, même si e lle est relative à un
247
ensemble de ' background assumptions' , la signification propre d'un
mot ou d'une phrase demeure bien une signification littérale.
Searle ,
à cet égard, affirme:
"
when l say that the literal meaning
of a sentence only has application relative
to the coordinate syste m of our background
assumptions, l am not denying that sentences have literal meanings . Literal meaning ,
though relative, is still literal meaning." (11)
Dans les cas simples d'énonciation significative, le u.m. du locuteur coîncide avec le s.m. littéral; en d'autres termes, le locuteur signifie alors littéralement , relativement
à tel ensemble de
'background assumptions' ,ce. que les mots et l es phrases qu'il
profère signifient.
Il n ' en va pas de même dans les cas complexes
d ' énonciation significative .
Cow~e il a été précéde~~ent annoncé ,
c ' est sur la base de la distinction entre les deux niveaux de signification que Searle aborde ces cas complexes .
B - Les théories loca les de Searle sur les cas complexes
d'énon c iation significative
Dans les cas complexes d'énonci at ion significative , rapp e lonsdébor de ou se détache de quelque faç on du s.m. des
le, l e u .m .
"
éléments linguistiques alors employés.
Un tel phénomène est produit
au moyen d e certaine s tournures stylistiques e t/ou rhétoriques
autorisées par tout au moins c e rtaines l a ngues nature lles :
"
In hints , insinuations, irony, and
248
metaphor -to mention a few examp l es- th e
speaker's utterance meaning and th e sentence me aning come apart in various ways. "
S'ajoute
(1 2 )
à c ette liste, dont la production vise d ' ail l eurs à l'en
distinguer , le cas de l'acte d e langage indirect qui avec celui
de la métaphore a, jusqu' à maintenant, fait l ' objet de l'attention
de Searle .
Ce dernier propose , 'en ,' effet , quant à leur dimension
sémantique , une théorie d e l ' acte de langage indirect e t un e théorie de l a métaphore et ne fait qu'esquisser le début d'une théorie
de l'utilisation ironique du langage.
En tant que cas complexes d'énonciation , c'est-à-dire comparativeme nt au cas simple de signification où coïncident l e u.m.
et le s.m., l ' acte d e lang age indirect e t
u ne similitude générale:
la métaphore présentent
ici , le l ocute ur ne signifie pas exac-
teme nt ce que l es mots et les phrases qu ' il profère signifient;
le u.m. ne coïncide pas totalemen t au s.m.
Quelque chose au nivea u
de l ' expression inte rvient q ui entr aîne une déviation d e la signification littérale .
Le context e d' é nonci ation semble alors d éter-
miner de façon essentielle l e contenu sémantique de ce qui es ':':'
dit.
Comme en ce qui a tr ait à l a problématique de la significa-
tion# littéra l e , l e problème de Searle, r elativeme nt aux cas comple xes
d ' énonciation sig nificative, consiste
à rendre compte du rôle qu'y
joue nt les éléments d'ordre contextue l tout e n préservant sa th é orie
des actes d e langage et particulière me nt la théori e de l a signification
qui s'en dégage.
Son idée ce ntra le est,
à cet égard , que l es
24 9
interlocuteurs se comprennent, quand le u.m. déborde le s . m. , en combinant, au moyen de c e rtains princip es d' i nfére nce , l e ur connaissance
du langage et les informations qu'ils pos s èdent relatives à la
réalité extra-linguistique.
C'est en ayant recours à cet appareil-
lage concep~uel constitué de la théorie des actes de langage, des
principes d ' inférence et d es informations factuelles, que Searle
explique la signification à la fois de l'acte de langage indirect
et de la métaphore.
Vraisemblablement, le même modèle d'analyse
pourrait, d'après Searle, être mis en place pour traiter tous les
cas complexes d'énonciation significative.
Sa fonction précise
consiste à décrire les différentes é tape s d u p roces sus au moyen
duquel un auditeur repère, au-delà de la signification littérale
des mots et phrases que profère le locuteur, la s ignification de
leur expression par ce locuteur .
Il s ' agit
d 0i1C ,
pour Sear le,
d'effectuer la reconstruction rationn elle du mécanisme de déplacement de sens sous-jacent aux cas complexes d'énonciation significative.
C ' est cette reconstruction qui forme les théories
searliennes de l'acte de langage indirect e t de la métaphore .
Dan s ces deux cas, la di stanciation du u . m. à l'égard du s.m.
ne se
fait pas exa ctement de la même façon.
,l
En cela , bien qu'ils
puissent être analysés au moyen du même appareillage conceptuel,
l'acte d e langage indirect et la métaphore donnent prise à une
investigation qui leur est, pour chacun , particulière .
Il Y a
donc lieu, en ce qui les concerne, de parler de théories locales
de cas complexes d ' énonciation significative.
250
l - Les actes de langage indirec t s
Les actes de langage indj.r e cts sont des c as ...
"
in which the speaker may utte r a sentence and me an what he says and also mean
another illocution with a diffe rent propositional content. For example , a speaker
may utter the s en tence Can you reach the
salt? and mean it not merely as a
question but as a request to pass the salt ".
(13)
Dans un acte de langage indirect donc, le u.m . n e correspond ce rtes pas au s.m. mais ce dernie r n'est pas pour autan t éliminé;
le locuteur signifie bien c e qu'il dit mais il signifie aussi que lque chose de plus.
En d'autres termes, dans un tel type d'énoncia-
tion, l e locuteur performe de ux actes de langage distincts:
l'un
par l'expression litté rale de la sign i fic ati on littérale des mots
qu'il profère, l'autre par leur expressj.on non-littérale.
Appelant
respectiveme nt acte illocutionnaire primaire ("pr imary illocutionary
act") l'acte performé par l'expression non-li ·ttéra l e e t acte illocutionnaire secondaire
("secondary illocution a ry act ") celui qui est
accompli par l'expression littérale , Se arle réduit la problématique
de l'acte d e langage indire ct à la question suivan te:
.'
"
How does (the h ear er ) understand t h e
nonliteral primary illocutionary act from
unde rstanding th e lite ra I secondary illocutiona ry act? And that question is part
of th e larger ques tion , how is it possible
for (the speaker ) to me an the prima r y illocution when he only utte rs a s en tence that
means the secondary illocution . .. "
(14)
251
L'hypothèse d e Searle est que l a réponse
à cette question
peut être fournie par le modèle d'an a lys e tripartite plus haut
décrit:
"The hypothesis I wish to defend is simply
this:
in indirect speech acts the speaker
communicates to the hearer more than he
actually says by way of relying on their
mutually shared background information,
both linguistic and nonlinguistic, togeth er
with the general powers of rationality and
iriference on the part of the h earer . To
be more specific, the apparatus necessary
to explain this indirect part of indirect
speech acts includes a theory of speech
acts, certain general princi ples of cooperative conversation ... , and mutually
s hared factual background in formation of
the speaker and the hearer , together with
an ability on the part of th e hearer to
make inferences."
(15)
Prenant l ' exemple de l'acte de langage indirect performé par l'énonciation de la phrase 'Can yùu pass th e salt? ' et faisant intervenir les notions de condition préparatoire et de but illocutionnaire
de sa théorie des acte s de langage, Searle, se mettant pour ce faire
dans la peau de l'auditeur , décrit le process us par lequel il parvient
à comprendre un acte illoc utionnaire primaire masqué sous
un acte illocutionnaire secondaire par les la étapes suivantes:
.
"Step 1: ~ has asked me ~ question ~ to
whether ! have the abili ty to pass the
salt (fact about the conversation).
Step 2:
~ assume that he is cooperating
in the conversation ~nd that therefore
his~tterance has some-aim or point (prinëIPles of conversatIOnal cooperation).
Step 3 :-'Ihe conver sational setting is not
252
such as to indicate a theoretical interest
in mysalt-pass ing ability (factua l background
information;.
Step 4:
Furthermo r e , he probab ly already
knows that th e answer to the_ question is yes
(factu~l backg round information) .
(This step
facili tates the move to step ~ but is not
essential . )
Step 5:
'lliere fore, hi s utterance is probab~
not just ~ question. It probablv has sorne
ulterior illocutionary point (inference from
steps II 0 1.., and 1). hlhat can it be?
Step 6:
~ preparatory condition for ~
directive illocutionary act is the abili ty
of ~ (the hearer) to p e rform the act predicated in the propositional content condition
(theory of speech acts).
Step 7: 'i'h e refore
has asked me ~ question
the affirmative answer to whi ch would entail
that the prepara tory condition for reque sti ng
me to pass the salt is satisfied (i nference
from steps l and §).
Step 8: hie aré now at dinnerand people normally use salt at dinnerj they pass it back
and forth, try to g e t others to pass · i t back
and forth, . etc. (b ackground info rma tion).
Step 9:
He has therefore alluded to the
satisfaction of ~ preparatory condition for
~request whose obedience conditions it is
qui te likely he wants ~ to bring about
(inference from steps "Z- and §) .
Step 10: Thefefore, in the absence ofany
other plausible illocutionary point, he is
probably regues ting me to pass him the salt
(infere nce from steps 2.. and 9) . "
(16)
-;-'!:...
Les aspects d e cette description détaillé e peuvent être mis sur
deux plans différents:
l'auditeur doit d'abord être en mesure de
reconnaître qu'un acte illocutionnaire primaire est camouflé sous
l'acte illocutionnaire secondairej il do i t , en second lieu , pouvoir
identifier ce t acte illocutionnaire prima ire.
articulation dont rend compte
C' est d e cette double
l'apparei ll age conceptuel formé de la
théorie des actes d e langage, des p~incipes d'inférence et des
253
informations relatives à la réalité extra-linguistique :
.
two features ... are crucial ...
first, a strategy for establishing the
existence of an ulterior illocutionary
point beyond the illocutionary point contained in the meaning of the sentence, and
second, a dev.i.ce for finding out what the
ulterior illocutionary point is. The first
is established by the principles of conversation operating on the information of the hearer and the
speaker, and the second is derived from
the theory of speech acts together with
background information."
(17)
Le point saillant de la description searlienne de la compréhension par un audite ur d'un acte de langage indirect e s t la mise
au jour d'une liaison, via une condition de performance, entre l'acte
illocutionnaire secondaire et l'acte .i.llocutionnaire primaire.
(Dans
l' exemple étudié par Searle, cette condition en est une préparatoire;
s e lon lui, tous les autres types de conditions de
performa~ce
illo-
cutionnaire, c'est-à-dire les conditions de contenu propositionnel,
les conditions de sincérité et les conditions essentielles peuvent
ainsi remplir le même office).
Cela jette quelque lumière sur la
structure de l'acte de langage indirect.
Par ce dernier, a-t-.i.l
été déjà spécifié, un locute ur signifie à la fois ce que les mots
signifient et par surcroît quelque chose de plus; il performe alors
deux actes de langage.
L' enchâssement l'un dans l'autre de l'acte
illocutionnaire primaire et de l'acte illocutionnaire s econdaire
par le fait que le second dé crit une condition de p erformance du
premier explique ce phénomène qui, en égard aux autre s cas complexes
d ,'énonciation significative , constitue la caractéristique majeure
254
de l'acte de langage indirect (1 8 ).
2 - La métaphore
Le c~s complexe d'énonciation significative de la métaphore
présentp. une forme autre que celle de l'acte d e l a ngage indire ct;
il doit donc être investigué d'une autre façon.
Searle le carac-
térise globalement comme suit:
"The general form of .. • me t aphorical utte rances is that the speake~ utters a se nte nce
of the form 's is P' and means that S is R."
(19)
Au moye n d'une métaphore, un locute ur signi f ie quel qu e chose de
différent de ce qu'il dit.
·Dans .l'acte de langage indirect, un
acte illocutionnaire est accompli pa~ l'intermédiaire de la performan ce d'un autre acte illocutionnaire; le u.m. s'ajoute au s .m.
qui est conservé.
métaphore.
La situation est tout autre dans le cas de la
Ici, en effet, l e u.m. déborde le s.m. de telle façon
que celui-ci est éliminé:
le locuteur ne ci igni f ie ab s olument pas
ce que les mo t s qu'il uti l i se sign if i ent mais quelqu e c ho se d' au tre.
Searle fait,
à cet égard, :::emarC!'ler que la coupure radicale, d ans
la métaphore, entre le u.m. et l e s.m. ne dériv e pas d'un changement~ou d'un déplace me nt d e la sign ifica t ion li ttéral e de s élé me nts
linguistique s utili s és:
"The metaphorical utter ance does indee d me an
something different from the meaning of the
words and sentences, but that is not because
there has been any change in the se lexical
255
meanings, but becaus e the speaker means some thing
different by them; speake~ meaning does not coincide wi th sentence or word me aning."
(20)
Les éléments linguistiques peuve nt certes,
à travers l'histoire de
leur utilisation, changer de signification littérale (en vertu, entre autres choses, d'une transformation des 'background assumptions'
qui la fonde); ce n'est cependant pas un tel processus qui régit la
métaphore.
Le problème qù'elle pos e peut être p.xprimé de la façon suivantp. :
"In its simplest form, the problem of metaphor
is to try to get a characterization of the
relations b e tween the three sets S, P and R ..•
that will explain how it is possible to utter
~S is P' and me an S is Rand how it is possible to communicate that me aning from spe aker
to h e arer."
(21)
Plus s p écifiquement, t e lle qüe Se arle l'envisage, -et de façon similaire
à son approche de
]~
problématique de l'acte de langage
indirect- la question qui se p ose relative me nt
à la métaphore en
est une de compréhension communicative entre interlocuteurs:
"The question we are trying to answer is how
is it po s sible for th e spe ake r to say 's is
P' and me an 's is R' whe n "P" plainly do e s
not me an "R"; and how is it possible for th e
hearer who h e ars the utte rance "S is pli to
know th a t th e s p e ake r me ans liS is R"?"
(22)
L'hyp othè s e que Se arl e formule, en vue d e donne r répons e
à
256
cette question, requie rt le même appareillage conceptuel auquel il a
eu recours pour traiter l'acte d e langage indirect:
"In order to understand (the metaphorical) utterance, the hearer requires something more than
his knowledge of the language. He must have
sorne other principles, or sorne other factual
information, or sorne combination of principles
and information that enable him to figure out
that when the speaker say S is P, he means S
is R."
(23)
Un même modèle d'analyse, constitué de la théorie des actes de
langage , de principes d'inférence et de l'information factuelle que
possèdent les interlocuteurs, est en mesure de rendre compte, selon
Searle,
à la fois des actes de langage indirect et de la métaphore.
Cependant, contrairemen t
à ce qui se passe dans le premier cas com-
plexe d'énonciation significative où un c ertain lien est établi
entre l'acte illocutionnaire primaire et l'acte illocutionnaire secondaire, par le biais d'une condition commune de leur performance,
qui en restreint l'interprétation sémantique possible, une seule
et unique métaphore peut receler plusieurs significations différentes.
En d'autres termes, dans l'expression métaphorique
fiant
's
is R',
's
is pt, signi-
'R' est ou peut être multiforme et, partant, la
signification de 'P' n'est pas nécessairement univoque.
Pour cette
raison, le processus d'inférence que suit un auditeur pour parvenir
à comprendre la signification d'une métaphore est plus lâche et
plus complexe que celui qui lui permet de localiser l'unique acte
illocutionnaire primaire masqu é dans un acte de langage indirect.
Cette différence se reflète particulièrement au niveau d es principes
257
d'inféx-ence de l'appareillage th é orique mis
pour r e ndre comp te de la métaphore .
en place par Searle
Dans ce cas comp l exe d' énon -
ciation significative, les px-incip es ne son t pas exclusivement de
conversation coopérative ; ils ont un caractère plus général et
sont, de ce fait, plus variés.
Donnant ainsi , e n première appro-
ximation, une r2ponse à la ques tion relative à la possibilité de
dire
's is P'
"
pou~
signifie r S is R, Searle a ffirme :
the short answer t o that is that the
utterance of "p" calls to mind the me aning
(of) R. But that answer is un informative
until we knm., what are th e p rincip les accarding to which it calls to mind and until we
can stat e these principles in a way which
does nor rely on me taphorical expressions
like "calls to' mind". l believe there is
no single principle on which metaphor works
other than this very vague and general state ment l have just made." (24)
Il n'en demeure cependant pas moins possible, toujours selon
Searle, de donne r, à l'aide des trois constituants du modèle d'analyse qu'il propose , une description aSSLZ juste de la façon dont
un audite ur pe ut comprendre la s ignifi cation d'une expre ssion métaphorique.
En conséquence de r.e qui vient d'en être dit, les
principes qui figurent dans c e schéma d'inférence demeurent de
l'ordre de la suggestion; Searle ne préte nd pas en fournir une
liste exha ustive et fi n ie.
Quand lui est proférée une e xpre s si on mé t aphorique, un auditeur, de manière à comprendre ce qu'on l Ul dit, s uit l a démarche
en trois étapes suivantes:
il doit d'abord détermine r s' il lui
258
faut donner de l'énonciation une interprétation (non-littérale )
métaphorique; il doit, en second lieu, cal culer les di fférentes
significations possibles que la phrase peut prendre; final e ment;
il a ~ restreindre ces valeurs sémantiques en un seul groupe assez
homogène de façon
à déterminer, avec un d egré de précis ion raison-
nable, la signification véhiculée par la métaphore.
dra que l es :différentes étapes qu 'un auditeur a
On se souvien-
à franchir dans
la compréhension d'un acte de langage indirect, peuvent ê tre subsurnées sous deux séries distinctes:
celle de la reconnaissance de
l'existence , sous l'acte illocutionnaire secondaire, d'un acte illocutionnaire primaire e t ce lle d e l'identification d e ce derni er.
Dans le cas de la métaphore: l'identification du sens caché s'effectue en deux mome nts non-confondus:
l ' établissement de la tota-
lité des valeurs sémantiques possibles et la détermination d'un
rang plus restreint parmi toutes ces possibilités.
rence est bien évidemment due
Cette diffé-
à la non-saturation sémantique de
la métaphore qui la distingue radicalement d e l'ac te de langage
indirect marqué par l'unicité de sens .
A la première étape de la reconnaissance du caractère métaphorique d'une énonciation intervient l e principe suivant:
Jo
"Where the utterance is defective if taken
literaUY, look for an utterance meaning
that differs from s e ntence meaning."
( 25)
Ce principe découle de la distinction entre s.m. et u.m.
Par sou-
259
ci de simplicité, un auditeur cherche d'abord
à comprendre une phrase
en vertu de sa signification littérale; si cette interprétation
s'avère être défectueuse, il tente alors de lui substituer un autre
contenu sémantique.
La caractéristique de l'énonciation métaphorique
consiste précisément en ce que le s.m. est totalement évacué au
profit du u.m.
Cela représente, pour l'auditeur , une défectuosité
par rapport à. son utilisation "normale" du langage:
"The defects which cue the hearer may be
obvious falsehood, semantic nonsense,
violations of the rules of speech acts,
or violations of conversational principles
of communication."
(26)
à la base de la reconnaissance d'une expression méta-
Le principe
phorique, qui demande
d'explore~
d es avenues autres que celle de
la signification littérale, est donc mis en jeu eu égard, entre autres choses,
à la connaissance par l'auditeur des règles des actes
de langage et des principes conversationnels.
C'est donc dès la
première étape de la reconstruction ration:lelle du processus de
compréhension de la métaphore que Searle fait intervenir sa théorie
des actes de langage qui ne
cont~ibue,
dans son analyse des actes
de langage indirects,qu'à. l'identification de l'acte illocutionnaire
primaire .
Il est aussi à remarque r que les principes conversationnels,
dans l'explication d e la signification de la métaphore, occupent une
position secondaire comparativement
à la fonction centrale qu'ils
remplissent, ?ux côtés d e la th éorie des actes de langag e et de
l'informat ion factu e lle , dans l e compte r e ndu searlie n de la
260
signification de l ' acte de langage indirect.
Dans un deuxième temps, en vue de compcenclre une métaphore,
un auditeur recense les diverse s significations possibles que l'énoncé peut porter en suivant le principe suivant:
"Try interpreting "S is pif to mean "s·· is like
"'Pï'and to f i n · in tJ:le"-respects inwhicn S . is
bei;g-a~e;ted tobe like ~ looklng for .. saTIen.t,
weIl. known and · distinctive · features of p things."
(27)
Ayant récusé la signification littérale d'un énoncé, l'auditeur ch e rche
à
en déterminer la signification de son expression par le locu-
teur.
A cette fin, il passe en revue les différents aspects
(ou
propriétés) de l ' élément littéraleme nt prédicatif, le P, de l'énoncé.
A ce stade, intervient l'information factuelle dont est muni l'auditeur .
C'est , en effet, sur la base de sa connaissance antérieure
de P que l'auditeur établit la liste de ses traits caractéristiques
domt la somme constitue l'ensemble des va leurs sémantiques possibles de R.
A la troisième étape de s~ démarche de compréhension de la
métaphore, l'auditeur en restreint le nombre de significations possiblès.
Pour ce faire, il élimine les aspe cts de P qui ne peuvent
être attribués
à S et pour l esquels , par conséquent , R ne peut tenir
lieu dans' S is R'.
Le principe suivi est alors le suivant:
"Go back tothe S term and see which of the
manycandIdates-for th e valUes of R are-~ly or even p-;S-Sihle proprieUes of S."
(28)
261
L'information factue ll e que possède l'auditeur est ici encore mise
à contribution; il doit préalablement connaître S pour déterminer
lesquels de ses aspects correspondent
à ceux de P.
En bref, la métaphore se présente sous la forme de "s is P"
mais signifie "s is R".
rique est
La signification de l'expression métapho-
à dégager de la correspondance entre P et R.
C'est cette
dernière qui constitue l'élément clé de la problématique du cas complexe d'énonciation significative de la métaphore; elle peut être
établie au moyen d e différe nts principes.
Sans prétendre
à l'exhaus-
tivité, Searle fournit une liste de tels principes (où P est mis en
relation avec R, compris comme un aspect de S):
"1. (say) there (are) a variety of principles
for computing R, given P, that is, a variety
of princip les according to which the utterance
of P can calI to mind the meaning R. l am
sure l don't know aIl of the principles that
do this, but here are some half a dozen for a
start.
1.
Things which are Pare by definition R
(
2.
Things which are Pare contingently R.
(
3.
... )
... )
Things which are Pare often said or believed to b e R, even where both speaker.
and hearer know that this is false.
(
... )
.-.. -
-
'--'-~-'
~
....- - --
-
__ __ _--_._ ---
... -. _.
._.
.,. ":!::.! "...
...
....
---:-(f'....
-"'t'!,...
.....
-._
_ -=-.:-.~
262
4.
Things which are Pare n o t R, nor ar e
they lik e R things , nor are they believed
to b e R, nonetheless it is a fact about
our sensibility, whether culturally or
naturally d e terrnined, that we just
perceive a connection, so that utterance
of "P" reminds us of R properties.
(
5.
... )
P things are not like R things, and are
not believed to be like R things, nonetheless the conditions of being P is like the
condition of being R.
(
. .. )
6.
There are cases where P and R are the same
or similar in me aning but ,oJhere one 1 usually
P, is restricted in its application, and
does not"literally apply to S.
7.
P and R may b e associated by such relations as the part whole relation, the
container and thing contained relation, and
even the clothing and the ,wearer relation.
In each case, the thing denoted by the P
terrn must be distinctively connected with
the thing denote d by th e R term .
( ..• )
Un auditeur réussit
(29)
à repérer la signification des cas c'Jm-
plexes d ' énonciation de l'acte de langage indirect et de la métaphore eA mettant en branle un semb lable processus d'inférence.
point d e vue théorique, Searle rend donc
cation par un mê me modèle d'analyse .
D'un
compte de l e ur s ignifi-
C'est l e même appareillage
théorique qui, d'après lui, peut aussi expliquer la signification
de l'expression ironique dont il apparente la forme à celle d e la
263
métaphore parce que dans les deux cas, le locuteur ne signifie en
aucune façon ce que les mots signifi e nt littéra l e me nt:
"Stated very crude ly, the mechanism by which
irony works is that the utterance, if taken
literally, is obviously inappropriate to the
situation. Since it is grossly inappropriate,
the hearer is compelled to reinterpret in such
a way as to render it appropriate, and the
most natural way to interpret i t is as meaning
the opposite of its litteral form."
(30)
C - La problématique du contexte d'énonciation et le point de vue
illo8utionnaire de Searle sur la signification
La présence d'un acte d'énonciation dans l a répartition d e
sa théorie des actes de langage amène Searle
à développer des consi- -
dérations sur le contexte de production ou de profération du langage.
Il arrive que les questions abordées
à ce propos concernent directement
la problématique de la signification; relativement
à l'ordre contex-
tuel, Searle présente une théorie de la significatiOn littérale et
des théories locales sur des cas complexes d'énonciation significative.
Par ailleurs, une a nalyse de s acte s i llocuti onna ire
nel
l'avait conduit
e t proposition-
à défendre une théorie de la signification con-
çue comme intention de représentation d'un état de choses.
Une ques-
tion "vient alors immédiateme nt
à l' espri t:
la ou les relation(s) entre T
et la théorie d e la signification litté-
2
comment faut-il comprendre
raie et les théories locales des cas complexes d'énonciation significative?
Cette question se déploie sur le fond plus large de la
problématique du rapport entre signification et contexte.
264
l - La théorie d e la signification de Searle et sa th èse
de la relativité de la signification littérale
Outre la prise de position philosophique qu'en elle-même
elle représente, la thèse de la relativité de la signification littérale de Searle exerce une fonction épistémologique e u égard à sa
théorie des actes de langage en général et à T
2
en particulier.
En faisant valoir 'l'importance fondamentale de la dimension
illocutionnaire dans la détermination de la signification langagière,
Searle récuse, par le fait même, toute forme d'e sse ntialisme du sens,
idée généralement défendue dans les théories traditionnelle s
de la signification .
Par ailleurs , la conception très forte qu'il
a de la dimension illocutionnaire oblige Searle
à considérer que la
signification doit de que l que façon être assez cons istante et , par
là, échapper
à un anti-ess en tialisme radical qui prétendrait que la
signification est toute relative au contexte d ' énonciation et qu 'il
n'existe pas de littéralité du sens.
Une semblable thèse accorderait
aux mots, aux phrases e t aux énoncés autant de significations , différentes que l e nombre de contextes dans l esquels ils sont prc.férés.
La thèse des 'background assumptions' a pour e ffet de permettre
à Searle de reconnaître une signification littérale aux éléments
linguistiques en y faisant jouer un rôle au contexte qui n e soit
pas surévalué.
Les 'background assumptions' sont, en effet , déter-
minés de telle manière qu'ils ne sont . jamais précisément e t définitivement
265
spécifiables.
De ce fait, le contexte intervient bien dans la
détermination de la signification littérale des expressions langagières mais de façon théoriquement nulle; c'est-à-dire qu'il s'avère
impossible de dire plus, à son propos, que ce que Searle nous dit
des 'background assumptions':
le contexte est réduit à une connaissance
indéterminée et indéterminable du monde.
Une fois l'ordre contextuel ainsi écarté, il devient possible
de déterminer la signification principalement par la dimension illocutionnaire, plus précisément par le couplage de la force illocutionnaire et du contenu propositionnel dont l'examen mène Searle à sa
théorie de la signification la définissant par l'intention de représentation d'un état de choses.
La consistance de la signification lui
est ainsi conférée par la dimension illocutionnaire, non par la nature
des mots ni par le contexte.
La thèse des 'background assumptions'
exerce en fait une fonction repoussoir à double sens qui crée une
ouverture théorique que Searle s'empresse de faire occuper par la
dimension illocutionnaire du langage.
Eu égard à la théorie searlienne de la signification littérale,
T
2
peut prendre la forme suivante:
sur la base de la signification
littérale des éléments linguistiques fournie par les éléments d'ordre
contextuel que sont les 'background assumptions', un locuteur a l'intention de représenter, selon divers modes illocutionnaires, u n état
de choses.
266
2 - La théorie de la signification de Searl e et ses théories
local es des ~ complexes d'énonciation s i gnifi cati v e
Il s e mble que Searle distingue deux dimensions ou niveaux de
l'ordre contextuel qui, relativement à la signification, aSSU;Tlent
deux _fonctions différentes.
Il y aurait, d'un
côté , les 'background
assumptions' qui fondent la signification littérale mais ne peuvent
faire l'objet d'une sys~ématisation théorique et, de l'autre, un
deuxième ensemble d'éléments contextuels qui contribuent au débordement du u.m. relativement au s.m. et qui, de ce fait, s'appliquent aux
cas complexes d'énonciation significative.
Searle se montre particuliè-
rement laconique quand il p~ésente cette distinction à propos de laquelle il dit simplement:
.
in the account of how context plays
a role in the production and comprehension
of metaphorical utterances , indirect speech
acts, ironical utterances , and conversational
implications , we will need to distinguish the
special role of the context of utterance in
these cases from the role that background
assumptions play in th e interpretation of
litteral me aning."
(31)
Dans l es cas simples d'énonciation, c'e s t-à-dire quand le u.m.
coïncide avec le s .m., les 'backgroun d assumptions ' sont le s se uls
..
aspects d'ordre contex tuel à i nterv en ir; dans les cas complexes
d'énonciation significative, s'ajoute la deuxième dime nsion contextue lle.
Or, cet ensemble d'éléme nt s r ela t ifs à la s itua tion d'énoncia-
tion est , dans les compte rendus searl iens de l'acte d e langage indirect
267
et de la métaphore , théoriquement pris en charge par le modèle
d ' analyse où ils sont représentés par les constituants de l ' information que possèdent les interlocuteurs et les principes conversationnels qu ' ils observent .
Contrairement donc à son premier niveau des
' background assumptions ' , le contexte relativement aux cas complexes
d 'énonciation significative ne fait pas l'objet d'un constat d ' échec
théorique.
Par ailleurs, les théories de l'acte de langage indirect e t
de la métaphore de Searle consistent en des descriptions de processus
de communication qui éclairent la non-coincidence du u.m. et du s.m.
Or , en vertu de T , le phén9mène de la communication n'est pas es sentiel
2
à l a détermination de la signification dont le concept fondamental est
la représentation.
Si cela est, on peut penser que les théories loca-
l es de l ' acte de langage indirect et de la métaphore de Searle , et , par
extension , toute théorie semblable portant sur un cas complexe d'énonciation significative, ne constituent p as des thé ories au sens strict de la
signification .
Elles ont plutôt pour objectif de montrer comment peut
être opéré un déto urnement sémantique d ' une séquence verbale dont la
signification de base est déjà déterminée et comment les interlocute urs
en saisissent les effets.
~
En ce sens, les théories locales des cas com-
plexes d ' énonciation' peuvent être considérées, en égard à T
2
qui est une
théorie de la détermination de la signification, comme des théories de
la compréhension de la signification.
Evidemment, les deux types de théorie, de la détermination de la
signification et de sa compréhension , sont complémentaires:
au compte
268
rendu de la nature de la signification peut et doit être adjointe,
de façon à ce que soit fait le tour de la question, une description
de la manière dont elle est appréhendée dans la relation communicative.
Loin donc de se contredire ou même d'être développées parallèlement, T
2
et les théories searliennes locales de cas complexes d'énonciation
significative sont complémentaires:
il est à la fois concevable que
la détermination de la signification de l'acte de langage indirect et
de la métaphore relève de l'intention du locuteur de représenter un
état de choses et que la compréhension de cette signification dépende
du processus d'inférence suivi par l'auditeur constitué de sa connaissance du langage, de certains principes et de l'information qu'il possède relativement au contexte d'énonciation.
Le compte rendu qui précède de la configuration des rapports entre
T et les relations de Searle de la signification littérale et des cas
2
complexes d'énonciation significative force au constat suivant:
pour
Searle, le contexte d'énonciation relativement à une systématisation
théorique complète a bien quelque chose à voir avec. la problématique de
la signification, mais principalement dans sa compréhension et non pas
dans sa détermination.
Une première dimension de l'ordre contextuel,
formée des 'background assumptions', intervient dans la signification
littérale des éléments linguistiques; elle ne peut cependant faire l'objet d'une investigation conceptuelle complète.
Il est, par ailleurs,
possible de mener une analyse théorique du rôle que jouent les aspects
._ _ .. ·c· _ .. _
or#'- - ...... _
_
.......
----_.--.-.
269
contextuels d'un deuxième niveau dans les cas complexes d'énonciation
significative; la question alors étudiée n'est pas relative au problème
de la nature de la signification langagière mais plutôt
compréhension communicative.
(32)
à celui de la
NOTES
(1)
(Chapitre huitième )
La n écessaire correspondance entre acte d'énonciation et contexte de l a performance langagière n'est pas expl icitement
relevée dans Speech Acts ni dans les autres textes d e Searle
qui sont ici analysé~Elle est cependant très clairement
exprimée d ans Searle et Vanderveke n (i nédit= F .I .L. ):
"
the U1::l:erance in different contexts of
u se of the same sentence can constitute the
performance of illocutionary acts of different forces and different proposi tional " contents. 'In that case, only the uttered
expression is the same. Consider for example,
different utterances of the English sentence ... .
'1 shall come back in fi ve minutes. 1 In on e
context of use of English, the utterance of
th at sentence can constitute an assertion, in
another context of us e, it can be a promise. "
Searle , Vanderveken, (inédit : P.I.L .), p. 1, 12 .
(2)
Searle (l975b),
p.59.
(3)
Searle (inédit :
M.), p . 1.
(4)
Searle (197 8a ),
p. 207.
(5)
Id., p. 207. Searle manifeste une très grande prudence dans
la démonstration de sa théorie de la signification littérale;
il prend constamment l a peine de noter qu ' el l e v au t t out au
moins généraleme nt. C' est ainsi qu'il ne l' app lique qu'aux
seul s exemples dont il poursuit l'analys e. La portée de
cette thèse vise quand même à l'universalité; ce n'est que
par précaution heuristique que Searle n'ose pas , à ce stade
de sa recherche, étendre son application à toute é nonciation
langagière. Il lui suffi't, en fait, que dans quelques cas
seulemen t elle soit vérifiée pour que soit admise son importan ce théorique et qu ' elle lui serve à développer des cons idérations r e latives au contexte d' énonciation qui soient
conformes ou congruentes à sa théorie illocutionnaire . C' est
l a raison pour l aquelle , sans nous attarder aux exemp l es
analysés par Sear l e , nous rendons ici compte , dans sa
g énéra l ité,. de sa théorie de la signification li ttérale
~
2 71
et de sa thèse des ' background assumptions ' .
Cette dernière expression présente des difficultés de
traduction française très importante s; afin d ' en préserver
i ntégralement le sens , nous ne chercherons pas à e n donner
u ne version qui ne pourrait être qu'approximative et l'utiliserons donc elle - même.
(6 )
t he thes i s o f the re l ati vi t y of meaning
Searl e (1 9 78a ) p . 220 .
(7)
Id . , p. 21 0 .
(8)
Id., pp . 214-2 1 5.
(9)
Id ., p. 21 4.
(10)
I d . , p . 220 .
(11 )
Id., p . 220 .
(1 2 )
Searl e
(13 )
I d ., pp . 59-60 .
(1 4 )
Id. , p . 62 .
(1 5 )
I d ., pp. 60- 6 1-
It
"
(1 9 75 - b ) , p. 59 .
..
(1 6 )
Id. , pp. 73-74.
(17 )
I d. , p . 74.
(18 )
Dans son analyse de l' acte de langage indirect , Searle ajoute cer- ·
272
taines considérations qui , bien qu'impertinentes à notre
présent propos, valent la peine d'être simplement soulignées.
Ainsi, il explique l'utili sa tion des actes de
l angage indirects en partie par un so uci de politesse:
"The chief motivation -though not the only
motivation- for using these indirect forms
is politeness. Notice that, in the example
just given, the Can you form is polite in
at l east two respects. Firstly, X (the speaker)
does not presume to know about Y's (the hearer)
abilities, as he would if he issued an imperative sentence; and, secondly, the form gives
-or at least appears to give- y the
option of refusing, since a yes-no question
allows no as a possible answer . Hence, compliance can be made to appear a f r ee act ra ther
th an, obeying a command." Searle (l975b) pp . 74 -75.
Par ailleurs, Searle note également que le sch éma d'inférence
que suit l'auditeur ~n vue de repérer l'acte illocutionnaire ·
primaire présenté sous la forme de l'acte illocutionnaire
secondaire ne l e conduit pas à une interprétation absolument
sûre:
"Notice, also, that the conclusion is probabilistic.
It is and ought to be." pp. 63-64.
(19)
Searle (inédit :
(20 )
Id. , p. 13.
(21 )
Id. , p. 7.
(22 )
..
Id. , p . 20.
(23)
Id. , p. 8.
(24 )
Id. , pp. 20-2l.
(25)
Id. , p. 22.
M. ) , p.
6.
273
(26)
Id. , p. 22.
(27)
Id. , p. 22 .
(2 8 )
Id. , p. 23.
(29)
Id. , pp. 24-26.
(30)
Id., pp. 28-29.
(31)
Searle (1978a) , p. 221.
(32)
On pourrait penser qu'en vertu de l'importance théorique que
Searle accorde au èontexte d 'énonciation les thèses qu'il
défend sur l e langage et la si gnification se situent dans
un prétendu courant pragmatique opposé à une perspective
d ite sémantique. Nous avons, par contre, déjà fait écho
à la r éticen ce de Searle à l' égard de l a distinction morissienne en ces deux termes de s domaines d'étude sur le langage .
D'un point de vue extrêmement général , si, allant de soi que
la recherche que Searle poursuit n e prend pas place d ans l e
sillage de l a sémantique traditionnelle, 'pragmatique ' est
un t erme par l equ e l on v e ut simplement désigner une visée
autre , les théori es searliennes des actes de langage et de
la s ignification appartienn en t bien évidemment à la 'pragmatique' . Searle admet lui-même, qu'en ce sens tout négatif
du mot, il participe à l' orien tati c' .1 qu'il dénote; ainsi , à
propos de sa théorie de la métaphore, il affirme que les
principes qui en font partie ...
"
are not included, o r at least not en tirely included, within a theory of semantic
competence as traditionally c onceived. l
1. In that sense the princip l es are 'pragmatic ' . "
Searle (inédit: M.), p. 3.
On remarquera l'emploi prudent des gui lle mets dans l'endossement que Searle fait du terme qualifiant les principes
d ' inférence. Presqu'à chaque fois
274
qu'il utilise le mot 'pragmatique', Searle le fait ainsi
accompagner de ce signe orthographique.
(En voici un second exemple:
traitant de la connaissance du langage, il
en distingue deux dimensions:
" ... we use independently
motived semantic and 'pragmatic' knowledge ... " Searle
(1975c), p. 31.). Ce qui laisse supposer que le sens du
mot est alors pour lui imprécis ou indéterminé.
Quand, d'autre part, Searle réfère à une 'théorie pragmatique', expression qui, malgré la permanence du recours
aux guillemets, semble être munie d'un sens plus restreint
et précis, c'est pour nettement en démarquer ses idées sur
le langage. Ainsi, relativement à sa théorie de la signification littérale, il nous dit de la variation possible
des 'background assumptions' qu'elle ...
Il
has nothing to do with vagueness, indexicality, presupposition, ambiguity, or any other
stocks in trade of contemporary 'semantic' and
'pragmatic' theory as these notions are traditionally conceived." Searle (1978a), p. 213.
Dans la mesure donc où 'pragmatique ' tend à acquérir un
sens autre que celui de son opposition à la sémantique,
dans la mesure où le mot exprime une visée positive consistante, Searle manifeste une réserve certaine à lui
faire qualifier sa philosophie du langage.
Il apparaît que, eu égard à la proLlématique de la signification, la distance que Searle instaure, de façon déclarée, entre ses propres conceptions et un point de vue
pragmatique dépend de son traitement du contexte d'énonciation. Une thèse pra~atique relativement forte ferait
valoir l'importance de l'ordre contextuel relativement à
la signification des séquences langagières; elle reposerait
sur la possibilité de donner une description, théoriquement
complète, de l'implication d'éléments du contexte non seulement dans la compréhension mais aussi .dans la détermination
de la signification. Or, la position de Séarle à propos de
l'ordre contextuel a justement pour effet de nier cette
possibilité; pour lui, dans la détermination du sens, le
contexte ne peut faire l'objet d'une analyse théorique
exhaustive.
CONCLUSION
Mettant de l'avant l'hypothèse que parler une langùe c'est adopter
une fornle de comportement régie par des règles constitutives, Searle
développe une théorie des actes de langage qui se veut aussi complète
et cohérente que possible.
semble du langage l'amène
L'établissement de cette conception d'en-
à adopter des vues toutes part iculiêres sur
la problématique 'de la signification.
D'un point de vue historique, le proj e t théorique searlien slancre
dans celui d'Austin dont il cherche , du reste ,
à corrige r le s erreurs .
Dans une perspective plus proprement théorique, l'entreprise de Searle
ambitionne d ' opé rer un dépassement synthétique des orientations I positi~
viste ' et ' utiliste ' qui, en opposition constante, se sont jusqu'à maintenant partagées les faveurs des philosopr.es du langage..
Relativement
à
la problématique de la signification, cette présentation a pour objet
d ' unifier le champ de savoir qu'elle constitue: bien que ce soit sous
des points de vue différents, il revient au même , d'aprês Searle, de
che~her
à déterminer la signification d'une séquence verbale
de langage que son utilisation sert
où l'acte
à performer.
Il apparaît que la p osition searlienne
à propos de la signification
puisse être exposée sous la doubl e forme d'une thèse et d'une théorie.
276
De portée principalement heuristique, la thèse de Searle sur la signification peut être exprimée d e deux façons.
Da ns une pre mière for~ulation,
tr~s générale, il est spécifié que la signification d'une phrase et l'acte
de langage qu'un locuteur performe au moyen de son énonciation sont intimement associés; qu'ils sont, en d'autres t e rmes, fonctions l'un de l'autre.
De façon beaucoup plus précise, la formulation spécifique de la thèse
searlienne affirme que la signification d'un énoncé est donnée par le couplage de sa force illocutionnaire et de son contenu propositionnel.
Quant
à e lle, l a t héori e de la s ign i f i catio n a pour tâche de donne r
une description conceptuelle de son objet.
Après l'avoir fait dépendre,
dans une première analyse (Tl)' de l ' i ntenti on du locuteur de produire
un effet de compréhension chez son auditeur, Se arl e la détermine mainte~
nant (T ) p ar l' inte ntion du locuteur de rep r ésenter u n éta t d e cho se s.
2
Nonobstant la difficulté posée par l'admission faite par Searle que
des actes complets de langage peuvent ne pas avoir de contenu propositionnel qui conduit
à un c e rtain embarr as r l ,· tiveme n t à s a concept ion globa l e
de l a signification, i l s e mbl e b ien que le c o up le f ormé d e s a thè se et d e
sa théorie soit
à la fois congruent avec sa théorie des actes de langage
et en lui-même fécond en écla ircisse ment s s u r di f férents autres a s pects
de la problématique d e l a significa tion .
C'est, en tout cas, e n y prenant
appui que ' Searle explore les probl è mes de la signification littérale et d e s
cas complexes d'énonciation significative que constituent l'acte de langage
indirect et la métaphore .
277
~n
tenant compte de la complexité de la problématique de la signi-
fication et de la quantité assez imp ressionnante d'études monographiques
que semble exiger son élucidation, il serait peut-être prudent de considérer que la thèse et la théorie de Searle sur la question constituent
des prolégomènes à son investigation total e plutôt qu'un système achevé.
Il resterait, en effet, à examiner comment elles traiteraient certains
autres aspects de la problématique de la signification langagière, par
exemple, celui de l'opacité référentielle.
Quant à lui, Searle cherche à l 'heure actuelle, parallè lement à la
poursuite de sa réflexion restreinte sur le langage, à jauger l'importance du concept d'intentionnalité, mis au jour dans s on analyse de la signi fication, dans une théorie de l'action.
Ce faisant, il contribue déjà à
ce à quoi appelait initialement son hypothèse de base s ur le langage:
fonder la théorie du langage dans la théorie de l'action.
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