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Ouvrages d’Olivier Wieviorka
Aux mêmes éditions
Nous entrerons dans la carrière.
De la Résistance à l’exercice du pouvoir
« XXe siècle », 1994
Une certaine idée de la Résistance
Défense de la France. 1940-1949
« L’Univers historique », 1995 ; rééd., 2010
Les Orphelins de la République.
Destinées des députés et sénateurs français. 1940-1945
« L’Univers historique », 2001
Histoire du débarquement en Normandie
Des origines à la Libération de Paris (1941-1944)
« L’Univers historique », 2007 ; Points « Histoire », 2010
La Mémoire désunie
Le souvenir politique des années sombres,
de la Libération à nos jours
Seuil, 2010
Chez d’autres éditeurs
Les Libérations de la France
(en collaboration avec Jean-Pierre Azéma)
La Martinière, 1993
Vichy
1940-1944
(en collaboration avec Jean-Pierre Azéma)
Perrin, 1997, rééd. 2001 et 2004
Suviving Hitler and Mussolini
Daily Life in occupied Europe
(dirigé en collaboration avec Robert Gildea et Anette Warring)
Berg publishers, 2006
Ouvrages de Christophe Prochasson
Aux mêmes éditions
Les Intellectuels, le Socialisme et la Guerre
1900-1938
« L’Univers historique », 1993
Chez d’autres éditeurs
Images de 1917
(dirigé en collaboration avec Laurent Gervereau)
Éditions de la BDIC, 1987
Les Années électriques, 1880-1910
La Découverte, 1991
L’Affaire Dreyfus et le Tournant du siècle
(dirigé en collaboration avec Laurent Gervereau)
Éditions de la BDIC, 1994
Au nom de la patrie
Les intellectuels et la Première Guerre mondiale
1910-1919
(en collaboration avec Anne Rasmussen)
La Découverte, 1996
Les Intellectuels et le Socialisme
e
e
XIX -XX siècles
Plon, 1997
Paris 1900
Essai d’histoire culturelle
Calmann-Lévy, 1999
Introduction à l’histoire de la France au XXe siècle
La Découverte, 2000
Dictionnaire critique de la République
(dirigé en collaboration avec Vincent Duclert)
Flammarion, 2002
Il s’est passé quelque chose…
Le 21 avril 2002
(ouvrage dirigé en collaboration avec Vincent Duclert et Perrine Simon-Nahum)
Denoël, 2003
Du « vrai » et du « faux » dans la Grande Guerre
(dirigé en collaboration avec Anne Rasmussen)
La Découverte, 2004
Saint-Simon ou l’anti-Marx
Figures du saint-simonisme français (XIXe-XXe siècle)
Perrin, 2005
L’Empire des émotions
Les historiens dans la mêlée
Démopolis, 2008
14-18, retours d’expériences
Tallandier, 2008
Sortir de la Grande Guerre
Le monde et l’année 1918
(dirigé en collaboration avec Stéphane Audoin-Rouzeau)
Tallandier, 2008
Le Socialisme, une culture
Fondation Jean-Jaurès, « Les essais », 2009
La Grande Guerre
Histoire de la mémoire collective en France et en Roumanie
(dirigé en collaboration avec Florin Turcanu)
New Europe College/Institut d’études avancées, 2010
La gauche est-elle morale ?
Flammarion, 2010
La présente édition est augmentée d’une sélection
de documents couvrant les années 1995 à 2010.
ISBN
978-2-7578-2247-0
(ISBN 2-02-013224-9, 1re édition
e
ISBN 978-2-02-063236-2, 2 édition)
© Éditions du Seuil, 1994, 2004, 2011
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Cet ouvrage a été numérisé en partenariat avec le Centre National du Livre.
TABLE
DES MATIÈRES
Couverture
Ouvrages d’Olivier Wieviorka
Ouvrages de Christophe Prochasson
Copyright
Avant-propos
Documents
1870. La Défense nationale
1871. La Commune
1872. Discours de Grenoble prononcé par Léon Gambetta
1873. L’impossible restauration
1874. Degas vu par Edmond de Goncourt
1875. Le vote de la République
1876. L’Après-Midi d’un faune Églogue
1877. La crise du 16 mai
1877. Discours prononcé à Lille par Léon Gambetta
1877. Un discours positiviste sur la représentation du prolétariat au Parlement
1878. Le plan Freycinet
1879. La mort d’un prince
1879. Pour le droit de vote des femmes
1880. Le débat sur la gratuité de l’enseignement primaire
1880. Le débat sur la laïcité et l’obligation de l’enseignement
1881. Pour la colonisation
1882. Le krach financier
1883. La morale de l’école laïque vue par Jules Ferry
1883. Les conventions de chemins de fer
1884. La loi Waldeck-Rousseau
1885. Le débat colonial
1886. Le manifeste du symbolisme
1886. La France juive
1887. « Quel malheur d’avoir un gendre ou lamentation d’un beau-père »
1888. Le programme du général Boulanger
1889. Le triomphe du général Boulanger
1890. Le ralliement
1891. La doctrine sociale de l’Église
1891. Le débat sur le tarif Méline
1892. Le scandale de Panama
1893. Une victoire historique des socialistes
1894. Le bordereau Dreyfus
1895. La naissance de la CGT
1896. Le discours de Saint-Mandé
1896. Jacques Bertillon et la dépopulation de la France
1897. Choses parisiennes
1897. La nation selon Maurice Barrès
1898. « J’accuse »
1898. Jean Jaurès : Les Preuves
1898. Fachoda
1899. Le Congrès de la salle Japy
1899. Psychologie du socialisme
1900. L’Exposition universelle
1901. La constitution du Parti radical
1902. Le raisonnement mathématique
1902. La critique moderniste
1903. Le premier Tour de France
1904. Le scandale des Fiches
1904. Maurice Barrès Ce que j’ai vu à Rennes
1905. La séparation des Églises et de l’État
1905. Sur le syndicalisme révolutionnaire
1906. La querelle des Inventaires
1906. La question marocaine
1906. La Charte d’Amiens
1907. La mutinerie du 17e
1908. Nationalisme et classe ouvrière
1909. Le ministère Briand
1909. La condition des instituteurs
1910. Les retraites ouvrières
1911. L’incident d’Agadir
1912. Un modèle colonial : Lyautey et le Maroc
1913. Charles Péguy et les « hussards noirs »
1913. Contre les trois ans
1914. L’assassinat de Jean Jaurès
1914. Le discours de Jouhaux devant le cercueil de Jaurès
1914. La déclaration de guerre
1914. La déclaration de guerre vue par un paysan français
1915. Le manifeste de Zimmerwald
1915. Au-dessus de la mêlée
1916. Verdun
1917. Les mutineries
1917. L’Union sacrée
1917. La révolution d’Octobre
1917. Rien que la guerre
1918. L’armistice
1919. Le Bloc national
1920. L’intervention de Blum à Tours
1920. Une intervention de Marcel Cachin au Congrès de Tours
1921. Les Réparations
1922. Les anciens combattants
1922. La Garçonne
1923. L’occupation de la Ruhr
1923. Le discours d’Évreux
1924. Les exigences du Cartel des gauches
1924. La guerre du Rif
1924. Le Manifeste du surréalisme
1925. Les déboires du Cartel des gauches
1926. Vers le sauvetage du franc
1926. Le briandisme
1927. Les valeurs de la Jeune République
1928. L’expérience Poincaré vue par Pierre Mendès France
1928. Classe contre classe
1929. La crise de 1929
1930. Le plan d’outillage national
1930. Le néo-socialisme
1931. L’Exposition coloniale
1932. Une revue des années 1930 : Esprit
1933. L’avènement d’Adolf Hitler
1934. L’affaire Stavisky
1934. Le 6 février
1934. Aux origines du CVIA
1935. La main tendue
1935. La déflation Laval
1935. Socialisme et liberté
1936. La remilitarisation de la Rhénanie
1936. La fin du libéralisme ?
1936. L’accord Matignon
1936. Il faut savoir terminer une grève
1936. Le discours de Luna-Park
1937. La pause
1938. Le lâche soulagement
1938. Les anti-munichois
1938. Un socialiste munichois
1938. Les décrets-lois Reynaud
1939. Mourir pour Dantzig ?
1940. Vers les pleins pouvoirs
1940. L’appel du 18 juin
1940. De l’armistice à la Révolution nationale
1940. La résistance intérieure en ses débuts
1941. Le corporatisme vichyste
1942. La collaboration vue par Pierre Laval
1942. Les Décombres
1943. Le giraudisme
1944. La conférence de Brazzaville
1944. Les collaborationnistes
1944. Le programme du CNR
1944. Les communistes et la libération de Paris
1944. Paris libéré
1945. La pétition Brasillach
1946. L’accord Sainteny-Hô Chi Minh
1946. Le programme communiste
1946. Le programme du MRP
1946. Les conceptions constitutionnelles du général de Gaulle
1947. Un discours de Benoît Frachon
1947. Le départ des ministres communistes
1947. L’aide Marshall
1947. La scission syndicale
1948. Le ministère Queuille
1949. Le Deuxième Sexe
1950. Vers la CECA
1951. La révolte selon Albert Camus
1952. Le programme économique d’Antoine Pinay
1953. La fin des prêtres-ouvriers
1954. L’investiture de Pierre Mendès France
1954. Le crime du 30 août
1955. L’Opium des intellectuels
1956. La formation du gouvernement Guy Mollet
1956. La loi-cadre Defferre
1956. Le cartiérisme
1957. La signature du traité de Rome
1957. Poujade et les intellectuels
1958. Le retour de De Gaulle
1958. La naissance du Parti socialiste autonome (PSA)
1958. Chronique algérienne
1959. Le droit des Algériens à l’autodétermination
1959. La loi Debré
1960. Le manifeste des 121
1961. Le putsch des généraux
1962. Pour Vatican II
1963. La grève des mineurs
1964. La mort de Maurice Thorez
1964. Le Coup d’État permanent
1965. La candidature de Jean Lecanuet
1965. La première candidature de François Mitterrand
1965. La campagne du général de Gaulle
1966. Le retrait de l’OTAN
1967. « Oui, mais… »
1967. La légalisation de la contraception
1968. Mai 68, côté gaulliste
1968. Mai 68, côté gauchiste
1968. La CGT face au gauchisme
1969. Le référendum de 1969, une erreur ?
1969. Le départ du général de Gaulle
1969. La candidature Poher
1969. La Nouvelle Société
1969. Industrialiser la France
1970. Le gauchisme
1970. Les établis
1971. Le manifeste des 343
1971. Le Congrès d’Épinay
1972. Le Programme commun
1973. Le programme de Provins
1974. La candidature de Valéry Giscard d’Estaing
1974. La légalisation de l’avortement
1975. La dénonciation du Goulag
1976. L’abandon de la dictature du prolétariat
1977. Le gouvernement Barre II
1977. La dégradation des relations PC-PS
1978. Le « bon choix » de Valéry Giscard d’Estaing
1978. La défaite de la gauche
1978. Jacques Chirac et « le parti de l’étranger »
1979. La rupture avec le capitalisme
1979. Edmond Maire et le « recentrage » de la CFDT
1980. La mort de Jean-Paul Sartre
1981. La victoire de François Mitterrand
1981. Le PCF réclame des ministres
1981. Le dialogue Nord-Sud
1982. La mort de Pierre Mendès France vue par Michel Rocard
1982. La rigueur
1983. La fin de l’état de grâce ?
1984. Le conflit de l’école privée
1985. L’idéologie sécuritaire
1986. La victoire de la droite
1986. Le libéralisme à la française
1986. La cohabitation
1986. Le terrorisme d’extrême gauche
1987. Le Front national
1988. Lettre aux Français
1988. La réélection de François Mitterrand
1988. Le drame néo-calédonien
1989. Les dix de Billancourt
1989. Le « niveau » de l’éducation baisse-t-il ?
1989. Le pouvoir et les affaires
1989. Le bicentenaire de la Révolution française
1989. L’écologisme
1990. La droite classique et le Front national
1990. Le manifeste de SOS Racisme
1991. La guerre du Golfe
1991. Les oppositions à la guerre du Golfe
1992. Le débat sur Maastricht
1993. Le SIDA
1993. Édouard Balladur
1994. Les intellectuels français face à la guerre dans l’ex-Yougoslavie
1995. Le plan Juppé
1996. Hommage de J. Chirac pour la mort de François Mitterrand
1997. La dissolution de l’Assemblée nationale
1998. La victoire de la France à la Coupe du Monde de football
1999. Le PACS
2000. L’imbroglio corse et la démission de Jean-Pierre Chevènement
2001. Le débat autour de la mondialisation
2002. La défaite de Lionel Jospin
2003. La réforme des retraites
2004. Des entreprises aux couleurs de la France ?
2005. Les émeutes urbaines
2006. Le Contrat première embauche (CPE)
2007. Nicolas Sarkozy remporte la victoire à l’élection présidentielle
2008. Le dopage et le Tour de France
2009. Le mouvement universitaire contre la « LRU »
2010. Le débat sur le voile intégral
Index
Avant-propos
Le recueil de documents ne constitue pas, on le sait, un genre particulièrement original.
Circonstance aggravante, lés choix qui fondent la sélection des textes sont par définition
subjectifs et éveillent de ce fait le soupçon. Et l’inévitable mais inégale ventilation entre les
différents domaines — politiques, économiques, sociaux ou culturels — transforme le
soupçon en suspicion légitime. Pourquoi, au vrai, accorder le primat aux événements
politiques alors que les forces économiques scandent la marche du siècle ? Pourquoi minorer
la part du culturel dans une histoire générale, alors que ce champ, aujourd’hui, est l’un des
domaines les plus féconds de la recherche ?
Nous avons, certes, été conscients de ces obstacles qui limitent l’objet même de
l’ouvrage, mais nous n’avons pas cru bon de renoncer. L’éparpillement des sources comme
l’incertitude sur la fiabilité de certains documents nous ont incités à proposer à tous ceux que
l’histoire intéresse quelques « grands textes », aussi fréquemment cités que difficiles d’accès.
La sélection des documents a donc obéi à un principe simple. Dans le grand siècle qui
unit 1870 à 2002, nous avons retenu un texte important par année — quitte à excéder ce
quota lorsque l’importance des événements le justifiait. Par exemple, en 1906, entre la
querelle des Inventaires et la Charte d’Amiens, il était périlleux de trancher… Si les textes
majeurs — en raison de leurs effets immédiats — ont d’emblée bénéficié d’un traitement
préférentiel (on songe ici au « toast » de Lavigerie comme au discours d’Évreux d’Alexandre
Millerand), les documents révélateurs d’une époque (le premier Tour de France, La
Garçonne…) ou reflet d’une période (la révolution de 1917 vue par un journal
conservateur…) ont également été sélectionnés. Nous avons aussi veillé, dans la mesure du
possible, à couvrir l’ensemble des domaines (social, économique, culturel…), même si le
politique se taille la part du lion.
Certaines règles simples ont été par ailleurs respectées. Nous avons toujours tenté de
nous reporter à la source originale (articles, débats parlementaires…) en refusant de nous fier
à des ouvrages de seconde main. De plus, nous nous sommes efforcés de limiter les coupes
pour présenter les documents dans leur intégralité. Les textes sont toujours précédés d’une
brève introduction destinée à resituer le document dans son contexte. Et sans le moins du
monde prétendre à une édition critique des sources, nous avons tenté, par des notes, outre
celles des auteurs, d’apporter une information factuelle (et jamais interprétative) destinée à
éclairer le sens littéral de discours parfois obscurs. Nous avons, enfin, respecté l’orthographe
employée par les auteurs, malgré les archaïsmes parfois utilisés.
C. P.
o. w.
DOCUMENTS
1870. La Défense nationale
Le 19 juillet 1870, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse, mais les défaites françaises
s’additionnent jusqu’à la capitulation de l’empereur à Sedan (2 septembre 1870). Un gouvernement
de la Défense nationale se constitue aussitôt. Léon Gambetta (1838-1882) — ministre de
l’Intérieur —, Adolphe Crémieux (1796-1880) — ministre de la Justice — et Alexandre GlaisBizoin (1800-1877) — également membre du gouvernement — essaient depuis Tours d’organiser la
contre-offensive.
FRANÇAIS,
Élevez vos âmes et vos résolutions à la hauteur des effroyables périls qui fondent sur la
patrie.
Il dépend encore de nous de lasser la mauvaise fortune et de montrer à l’univers ce
qu’est un grand peuple qui ne veut pas périr, et dont le courage s’exalte au sein même des
catastrophes.
Metz a capitulé.
Un général sur qui la France comptait, même après le Mexique, vient d’enlever à la
patrie en danger plus de deux cent mille de ses défenseurs.
Le maréchal Bazaine 1 a trahi !
Il s’est fait l’agent de l’homme de Sedan, le complice de l’envahisseur ; et, au mépris de
l’honneur de l’armée dont il avait la garde, il a livré, sans même essayer un suprême effort,
cent vingt mille combattants, vingt mille blessés, ses fusils, ses canons, ses drapeaux, et la
plus forte citadelle de la France, Metz, vierge jusqu’à lui des souillures de l’étranger.
Un tel crime est au-dessus même des châtiments de la justice.
Et maintenant, Français, mesurez la profondeur de l’abîme où vous a précipités
l’Empire : Vingt ans la France a subi ce pouvoir corrupteur, qui tarissait en elle toutes les
sources de la grandeur et de la vie.
L’armée de la France, dépouillée de son caractère national, devenue sans le savoir un
instrument de règne et de servitude, est engloutie, malgré l’héroïsme des soldats, par la
trahison des chefs, dans les désastres de la patrie. En moins de deux mois, deux cent vingtcinq mille hommes ont été livrés à l’ennemi : sinistre épilogue du coup de main militaire de
Décembre !
Il est temps de nous ressaisir, citoyens, et, sous l’égide de la République que nous
sommes décidés à ne laisser capituler ni au-dedans ni au-dehors, de puiser dans l’étendue
même de nos malheurs le rajeunissement de notre moralité et de notre virilité politique et
sociale. Oui, quelle que soit l’étendue du désastre, il ne nous trouve ni consternés ni hésitants.
Nous sommes prêts aux derniers sacrifices, et, en face d’ennemis que tout favorise, nous
jurons de ne jamais nous rendre. Tant qu’il restera un pouce du sol sacré sous nos semelles,
nous tiendrons ferme le glorieux drapeau de la Révolution française.
Notre cause est celle de la justice et du droit : l’Europe le voit, l’Europe le sent ; devant
tant de malheurs immérités, spontanément, sans avoir reçu de nous ni invitation, ni adhésion,
elle s’est émue, elle s’agite. Pas d’illusions ! Ne nous laissons ni alanguir ni énerver, et
prouvons par des actes que nous voulons, que nous pouvons tenir de nous-mêmes l’honneur,
l’indépendance, l’intégrité, tout ce qui fait la patrie libre et fière.
Vive la France ! Vive la République une et indivisible !
A. Crémieux, A. Glais-Bizoin, L. Gambetta, « Proclamation au peuple français », Tours,
30 octobre 1870, cité in Dépêches, Circulaires, Décrets, Proclamations et Discours de Léon
Gambetta, Paris, Charpentier et Cie, 1886, p. 48-49.
1. Après avoir dirigé l’expédition mexicaine, Achille Bazaine (1811-1888) commande en chef les armées en 1870. Replié
sur Metz, il finit par capituler le 27 octobre, livrant 180 000 hommes et plus de 1 500 canons.
1871. La Commune
La France avait déclaré la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870. Très vite, elle accumula les défaites.
Le 2 septembre, celle de Sedan mit n à l’Empire remplacé dans la nuit du 3 au 4 septembre par un
« gouvernement de la Défense nationale » républicain. En dépit des e orts, les armées françaises ne
parvinrent pas à débloquer Paris encerclé d’où le gouvernement capitula le 28 janvier 1871. Le
18 mars 1871, Adolphe Thiers, alors « chef du pouvoir exécutif de la République française »,
provoqua l’insurrection des Parisiens en tentant de récupérer les canons de la garde nationale sur la
butte Montmartre. Paris, qui n’élisait pas son maire, prit son destin en main. Le Comité, qui
regroupait des représentants des vingt arrondissements, t le 22 mars la déclaration suivante au
Journal officiel, en vue des prochaines élections.
Vous êtes appelés à élire votre assemblée communale (le conseil municipal de la ville de
Paris).
Pour la première fois depuis le 4 septembre, la République est affranchie du
gouvernement de ses ennemis.
Conformément au droit républicain, vous vous convoquez vous-mêmes, par l’organe de
votre Comité, pour donner à des hommes que vous-mêmes aurez élus un mandat que vousmêmes aurez défini.
Votre souveraineté vous est rendue tout entière, vous vous appartenez complètement :
profitez de cette heure précieuse, unique peut-être, pour ressaisir les libertés communales
dont jouissent ailleurs les plus humbles villages, et dont vous êtes depuis si longtemps privés.
En donnant à votre ville une forte organisation communale, vous y jetterez les premières
assises de votre droit, indestructible base de vos institutions républicaines.
Le droit de la cité est aussi imprescriptible que celui de la nation ; la cité doit avoir,
comme la nation, son assemblée, qui s’appelle indistinctement assemblée municipale ou
communale, ou commune.
C’est cette assemblée qui, récemment, aurait pu faire la force et le succès de la défense
nationale, et, aujourd’hui, peut faire la force et le salut de la République.
Cette assemblée fonde l’ordre véritable, le seul durable, en l’appuyant sur le
consentement souvent renouvelé d’une majorité souvent consultée, et supprime toute cause
de conflit, de guerre civile et de révolution, en supprimant tout antagonisme contre l’opinion
politique de Paris et le pouvoir exécutif central.
Elle sauvegarde à la fois le droit de la cité et le droit de la nation, celui de la capitale et
celui de la province, fait leur juste part aux deux influences, et réconcilie les deux esprits.
Enfin, elle donne à la cité une milice nationale qui défend les citoyens contre le pouvoir,
au lieu d’une armée permanente qui défend le pouvoir contre les citoyens, et une police
municipale qui poursuit les malfaiteurs, au lieu d’une police politique qui poursuit les
honnêtes gens.
Cette assemblée nomme dans son sein des comités spéciaux qui se partagent ses
attributions diverses (instruction, travail, finances, assistance, garde nationale, police, etc.).
Les membres de l’assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par
l’opinion, sont révocables, comptables et responsables ; c’est une telle assemblée, la ville libre
dans le pays libre, que vous allez fonder.
Citoyens, vous tiendrez à honneur de contribuer par votre vote à cette fondation. Vous
voudrez conquérir à Paris la gloire d’avoir posé la première pierre du nouvel édifice social,
d’avoir élu le premier sa commune républicaine.
Citoyens,
Paris ne veut pas régner, mais il veut être libre ; il n’ambitionne pas d’autre dictature
que celle de l’exemple ; il ne prétend ni imposer ni abdiquer sa volonté ; il ne se soucie pas
plus de lancer des décrets que de subir des plébiscites ; il démontre le mouvement en
marchant lui-même, et prépare la liberté des autres en fondant la sienne. Il ne pousse
personne violemment dans les voies de la République ; il est content d’y entrer le premier.
Jacques Rougerie, Paris libre, 1871, Paris, Éd. du Seuil, 1971, p. 125-126.
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