Discours de Marc-Olivier Strauss-Kahn, Directeur général, Études et Relations internationales, Banque de France 18e Journée du Livre d’économie - Paris, 14 décembre 2016 À mon tour de vous dire bonjour et bienvenue à la 18e Journée du Livre d’économie, parrainée aussi par la Banque de France que je représente ici. Cet évènement important de l’éducation économique fête ses 18 ans, sa majorité ! Tout en restant jeune, il devient adulte, comme beaucoup d’entre vous, déjà ou bientôt avec beaucoup de droits nouveaux mais aussi quelques devoirs plus contraignants. Est-ce alors une coïncidence si cette année est dédiée à trois termes : croissance, marché et régulation, assortis d’une question : comment trouver le bon équilibre ? Sans concurrencer les sessions qui suivent, je vais illustrer d’abord combien ces termes sont parfois confusément opposés ; ensuite comment ils se complètent ; enfin quel rôle joue la Banque de France en éducation économique pour dépasser ce risque de confusion. D’abord, quel risque de confusion ? Vous aurez, juste après moi, un résumé d’un sondage, démarche souvent décriée cette année. Il faut en effet prendre avec recul les résultats en niveau car la formulation des questions influence les réponses ; mieux vaut alors commenter dans le temps la variation de ces réponses à la hausse ou à la baisse. On peut aussi croiser les questions pour révéler des paradoxes. Ce fut le cas pour le sondage que j’ai commenté en novembre aux JECO, Journées de l’économie, à Lyon. En bref, les Français s’y déclarent majoritairement favorables (59 %) à une plus forte libéralisation de l’activité économique en France. Mais, après la Loi El Khomri, l’allégement des normes qui encadrent cette activité économique (droit du travail, etc.) oppose les Français en deux parts égales. Ce clivage et cette apparente contradiction témoignent du besoin d’explication sur ce qu’apportent telle ou telle réforme. Je vais donc illustrer ensuite comment croissance et marché, d’une part, régulation ou réglementation, d’autre part, qui sont parfois opposés, se complètent en réalité. La régulation est censée pallier les défaillances du marché. Quand ces dernières sont très limitées, une protection excessive peut nuire à la croissance. Ce peut être le cas des « métiers dits réglementés » justement, tel le notariat ou la conduite de taxis. Et selon une étude de la Banque de France, une série de réformes structurelles allégeant l’excès de réglementations sur les marchés des biens et du travail augmenterait la croissance du PIB par tête de 6 % sur le long terme. Mais le marché n’est pas une fin en soi ; c’est un outil qu’une régulation appropriée doit mettre au service d’une croissance inclusive ou, dit autrement, du bien commun dont nous parlera Jean Tirole. Définir le cœur de la régulation est clé pour l’action publique. Celle-ci doit focaliser sur la production de biens publics, notamment l’éducation, tout en corrigeant les iniquités produites par les dysfonctionnements du marché. Le système de redistribution joue ce rôle sans devoir être si lourd qu’il dissuade l’effort ou l’innovation. En finance aussi, une régulation de qualité conditionne une croissance forte et stable. Elle peut orienter l’épargne vers l’investissement innovant, incluant le numérique dont vous parlerez ce matin, et qui est risqué par nature ; elle doit cependant contribuer tout autant à la stabilité financière dont se préoccupe également une banque centrale. Une dernière illustration est l’investissement dans la qualité de l’éducation primaire et secondaire qui renforce la croissance et l’équité. La France est encore championne des inégalités scolaires selon la dernière vague des tests PISA publiée récemment. L’origine socio-économique explique 20 % du score contre 11 % en moyenne dans l’OCDE. Pour contribuer à réduire ces défaillances et ces risques, laissez-moi enfin donner quelques exemples du rôle concret que joue la Banque de France en éducation économique. Parmi ses multiples actions, je me concentre sur son projet de création d’une Cité de l'économie et de la monnaie, Citéco, vu ses liens avec les thèmes de cette Journée. En 2018, quand Citéco ouvrira à Paris comme musée pédagogique, ludique et interactif dédié à l'économie, vous pourrez découvrir plusieurs jeux et dispositifs liés aux notions de marché et de régulation. En particulier, un jeu de prise de décision collective en matière de politique monétaire ou de négociation climatique internationale. Mais, dès maintenant, le tout nouveau site internet citeco.fr met à disposition des professeurs, élèves, étudiants et du grand public toute une série d'outils pédagogiques. Pour ne citer que ce qui est privilégié ce matin : 3 vidéos amusantes sur la croissance, la concurrence, le marché du travail et sa régulation ; ou des visualisations interactives sur les indicateurs de croissance et de développement ; et bien d’autres choses. Vous pouvez aussi suivre les nouveautés de Citéco sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook et Youtube). Le fil Twitter @citedeleconomie signale d'ailleurs, ce matin, toutes les ressources pédagogiques que je n’ai pu citer. La Banque de France fait évidemment beaucoup plus, notamment en partenariat étroit avec divers économistes présents ce jour, comme Jean Tirole, ou en travaillant régulièrement avec des lycées en zones défavorisées, notamment grâce à son large réseau en France. Je vous invite donc à consulter son site internet banque-france.fr et son nouveau blog « Bloc-Notes Éco » d’autant que la Banque de France vient d'être désignée comme l’Opérateur de la Stratégie nationale d'éducation financière. Je conclus en souhaitant bon anniversaire à la Journée du Livre d’économie. Celle-ci est désormais libre de boire et conduire, ce qui n’est pas nécessairement compatible… sans un minimum de régulation !