En routepour la grand- messe de l'immobilier professionnel àCannes
«Unévénementmajeur pour lesaffaires luxembourgeoises»
Explications et miseencontextepar celui qui connaît le mieux le Mipim au Luxembourg, VincentBechet(présidentLuxRealet«Managing Director» Inowai)
INTERVIEW:PIERRESORLUT
Avant de décoller pour Cannes et sa
grand-messe de l'immobilier, Vincent
Bechet areçu le «Luxemburger Wort»
dans les bureaux Inowai, la société
de conseil en immobilier qu'il dirige.
L'intéressé préside aussi depuis l'an-
née dernière l'association LuxReal,
défendant les intérêts des profes-
sionnels de l'immobilier luxembour-
geois, un secteur pesant plus de 10 %
du PIB (soit 6milliards d'euros par an
en comptant simplement le transac-
tionnel). Ses représentants se ren-
dront donc en masse sur la Croisette
où ils noueront de nombreuxparte-
nariats.
nMonsieur Bechet, le Luxembourg
de l'immobilier se déplace-t-il en
masse cette année àCannes?
Entre 350 et 400 personnes font le
déplacement. C'est incroyable. J'ai
la chance de fréquenter cette foire
depuis 1999. Al'époque, seule une
petite dizaine de «Luxembour-
geois» se déplaçaient. Des dévelop-
peurs et des agents immobiliers. Ce
n'était pas très connu. Il yavait à
l'époque 10.000 ou 12.000 partici-
pants. Puis, d'une crise àl'autre, de
celle de la bulle internet àcelle des
subprimes, l'immobilier s'est vul-
garisé. Les médias s'en sont fait écho.
nLa délégation luxembourgeoise
figure-t-elle parmi les principales?
Nous sommes 22.000. Alors... évi-
demment les mieux représentés sont
les Français puisque les grandes mé-
tropoles yont des stands. Le stand
de la ville de Paris couvre plusieurs
centaines de mètres carrés. Les
Russes sont venus en grand nombre
pendant l'âge d'or avant la crise, avec
des présentations de projets dingues
accompagnées de caviar, de cham-
pagne et d'hôtesses. Mais ils se font
plus discrets aujourd'hui.
nQuels métiers sont intéressés?
Al'intérieur de l'industrie luxem-
bourgeoise des fonds, on compte
plusieurs centaines de véhicules et
compartiments dédiés àl'immobi-
lier. Donc forcément tous les pres-
tataires liés àcesecteur marquent
le Mipim àl'agenda. On aainsi tou-
te une variété de métiers allant de
l'architecte qui dessine le projet au
juriste qui monte le SPV (Special
purpose vehicle, ndlr), en passant
par les évaluateurs, auditeurs, bu-
reaux techniques et fiscalistes qui
vont garantir que les valeurs indi-
quées sont les bonnes, que l’objet
correspond au cahier des charges et
que la structure est finalement op-
timale ou les property managers qui
vont faire en sorte que l'immeuble
soit géré de manière pérenne. S'est
rajoutée au fil des ans la probléma-
tique du développement durable
avec les labels. Puis il yabien en-
tendu tous les brokers ... et évi-
demment les banques.
nL'industriedes fonds présente tout
de même une spécificité...
Oui, au niveau des fonds, les profils
des Luxembourgeois sont plutôt as-
sociés àlapartie gestion adminis-
trative. Ce qu'il manque ce sont les
asset managers. On en aquelques-
uns localement, mais l'essentiel
vient des grandes métropoles eu-
ropéennes comme Paris, Bruxelles
ou Francfort. La décision dans le
processus d'acquisition se trouve
rarement au Luxembourg, mais les
choses commencent àchanger et de
plus en plus de fonds intègrent de
la substance au Grand-Duché de
Luxembourg.
nC'est donc devenu un événement
majeur, mais pourquoi?
C'est assez marrant. On peut avoir
des discussions assez décisives sur
un deal, mais essentiellement avec
d'autres acteurs luxembourgeois.
Pourquoi? Autre décor. Autre am-
biance. On atoute leur attention. La
communauté luxembourgeoise de
l'immobilier va se retrouver sur une
série de petits déjeuners, de lunchs
et de cocktails... et on retrouve ré-
gulièrement les mêmes.
nIl yacertainement d'autres inté-
rêts, sinon vous resteriez àLuxem-
bourg.
Bien sûr. Pour la partie des brokers,
on doit mettre àjour le profil des in-
vestisseurs. On enchaîne les ren-
dez-vous avec les équipes invest-
ment des différents fonds ou des fa-
mily offices puisqu'ils se déplacent
en nombre àCannes. On offre le
produit, si nous l'avons en porte-
feuille, que ce soit du bureau, du
retail ou de l'entrepôt... une classe
d'actif rare au Luxembourg. Les ar-
chitectes vont plutôt, quant àeux,
chercher les développeurs. Les ban-
quiers font le tour de leurs clients
développeurs pour le volet finan-
cement de projets. Ils rencontre-
ront aussi les fonds pour le lever-
age. Les avocats ne sont pas en reste.
Ils sont d'ailleurs très visibles puis-
qu'ils organisent des événements
rassemblant de 300 à500 per-
sonnes. On atoujours besoin d'un
avocat dans une transaction immo-
bilière.
nC'est un peu une vitrine. Pourles
cabinets luxembourgeoiségalement?
On yvoit surtout les cabinets in-
ternationaux. Des boites comme
Linklaters ou Clifford Chance. C'est
àlafois du networking et des
remerciements pour les clients. …
car souvent, ils facturent àlahau-
teur de la qualité de leurs presta-
tions. Il s'agit d'ailleurs sans doute
de l'événement qui rapporte le plus
àlaville de Cannes. Cela brasse
énormément d'argent. On parle là de
réceptions exceptionnelles organi-
sées par les sociétés événementiel-
les àlongueur de journée. La plage
de la Croisette étant recouverte de
chapiteaux.
nL'immobilier pèse lourd dans
l'économie nationale. Le Mipim
compte parmi les mustentermes
de foires commerciales.
Je ne connais pas toutes les foires
auxquelles le business luxembour-
geois participe. Est-ce qu'une autre
industrie fait déplacer 350 Luxem-
bourgeois? Si ce n'est pas l'évé-
nement le plus important pour la
communauté d'affaires luxembour-
geoise àl'étranger, il est certai-
nement dans le top trois.
nQuels sont les arguments de vente
du Luxembourgauprès des investis-
seurs étrangers?
Cette espèce d'écrin qui ressort de
la grisaille de la zone euro. Je tra-
vaille ici depuis 1990. On nous atou-
jours tirés dessus au fusil d'assaut.
C'est en train de changer, no-
tamment grâce au travail de Luxem-
bourg for Finance. Il font un super
boulot. LFF constitue un outil génial
pour toute l'industrie luxembour-
geoise. Après les épisodes de la fin
du secret bancaire, après LuxLeaks
ou d'autres casseroles qu'on apu
nousaccrocher, on areconstruit no-
tre image de marque. Les perfor-
mances économiques, lesquelles ne
sont pas toutes forcément ratta-
chées àlaplace financière, sont là.
nQuels sont concrètement lesar-
guments utilisés dans l'immobilier?
D’excellents agrégats économiques
constituent les meilleurs arguments
de vente. Nous évoquons aussi bien
sûr toujours la stabilité politique ou
la sécurité juridique. Nous avons
récemment organisé avec LuxReal et
ChinaLux une conférence sur les
fonds qui arrivent en Europe depuis
la Chine et inversement. Le Luxem-
bourg fait office d'entonnoir àdeux
sens. Un Chinois qui représente un
grand fonds basé en Suisse acon-
fessé ce jour qu'il utilisait des struc-
tures luxembourgeoises pour, jus-
tement, la stabilité juridique du pays
et sa stabilité politique. Parce qu'il
ne change pas d'opinion pour des
raisons obscures. Atout cela il faut
ajouter la fiscalité et une véritable in-
génierie financière. Les gens restent
pour ça. Toutes les grandes familles
qui avaient des grandes fortunes ici
ont organisé leur structuration de
fortune depuis le Luxembourg et ce
en toute transparence vis-à-vis des
autorités de leurs pays d'origine.
nEst-ce que la clientèle aévolué
dans l'immobilier de bureau?
Oui absolument. Nous étions dans
notre industrie, habitués àcroiser
des investisseurs belges, allemands
et bien entendu certains locaux,
plutôt des grandes familles ou des
assureurs. Depuis quelques années,
nous voyons arriver les Anglo-sa-
xons. En 2015, nous sommes à50-50
entre investisseurs UE et hors UE,
dans l'immobilier luxembourgeois.
Comme révélateurs de cette ten-
dance àl'international, nous pou-
vons citer Adia (Abu Dhabi invest-
ment authority) sur Hamilius.
Blackstone et Starwood sur des im-
meubles comme le dôme ou Ver-
tigo. Achaque fois des biens dont
la valeur excède 100 millions d'eu-
ros pièce.
J'aime bien l'exemple de Black-
stone. Nous sommes au début des
années 2000, ce mastodonte de l'in-
vestissement achète le portefeuille
immobilier de Deutsche Bank. Plus
d'un milliard de transactions àtra-
vers le monde. Al'intérieur, l'im-
meuble occupé et construit par
Deutsche Bank au Kirchberg.
Blackstone assure le mandat, mais
n'a aucune envie de garder cet im-
meuble. Pourquoi ?Luxembourg est
inconnu ou jugé pas significatif. Le
mouton noir. L'actif est donc re-
vendu. En 2014, revue de stratégie.
Blackstone revient au Luxembourg,
car elle yvoit un fort potentiel. Et
ils viennent racheter le Dôme.
nQu'est-ce qui différencie le Mipim
de Cannes àl'Expo Real de Munich?
AMunich, la foire se tient àl'exté-
rieur de la ville et àplusieurs di-
zaines de kilomètres de l'aéroport,
le tout dans une organisation mili-
taire. Ce sont les mêmes thèmes,
quasiment les mêmes visiteurs et
l'ont fait probablement autant de
business àMunich qu'à Cannes.
Mais àMunich, on rentre àl'hôtel
une fois la journée terminée. ACan-
nes, la fête s'impose presque ànous.
En plus des chapiteaux sur la plage,
il yacertainement une bonne cin-
quantaine de yachts disposés en face
du palais des festivals.
nDes investisseurs du Golfe sont là.
Les Qataris par exemple?
Les acteurs du Golfe sont effecti-
vement bien représentés. Ils ont des
stands. On peut acheter des tours à
Abu Dhabi, àDubaï ou àDoha. Les
Qataris sont là aussi, mais ils sont
plus discrets.
nPour revenir au marché luxem-
bourgeois, le conseiller que vous êtes
a-t-il une vue sur l'évolutiondes prix
de l'immobilier de bureau au Luxem-
bourg. N'approche-t-on pas du pla-
fond?
Tant que les taux restent bas, que
la croissance économique et démo-
graphique est là, non, nous ne
sommes pas au sommet. Le prime
yield (rendement, ndlr) sur un ob-
jet de bonne qualité en centre-ville
loué àlong terme en bureau se
situe aux alentours de 4,3%. On se
refinance àdes taux autour de 1%.
La marge est donc grande et l'im-
mobilier reste ainsi une alternative
alléchante.
nMais la place en ville est limitée...
Il yaeneffet beaucoup plus de de-
mande que d'offre, les prix aug-
mentent alors naturellement. Cela
s’explique par un facteur démogra-
phique. La Ville de Luxembourg
reste toujours très prisée par les em-
ployés travaillant dans le secteur,
mais également par les personnes
fortunées àlarecherche d’un cadre
fiscal de qualité et des excellents
conseils que la place prodigue. Le
LISER étudie les variables. C'est
cher, mais il yades explications à
cela. Il faut simplement veiller au
point de rupture entre le salaire mé-
dian et la capacité de financement
(qui yest attachée). C'est la raison
pour laquelle le résidentiel pourrait
un petit peu plafonner..
nQuel est l'impactdutramwaysur
l'immobilier local?
Le tram va tout changer. Le rési-
dentiel proche de la ligne prend de
la valeur. Ce transport va faciliter
la vie pour ceux qui l'utilisent. Aller
àl'école deviendra plus simple. Les
cols blancs prendront le tram. Au-
jourd'hui, ils prennent leur berline
ou SUV de marque allemande. Per-
sonne ne prend le bus aujourd'hui.
Le tram, une ligne. On attend cinq
minutes. Et c'est parti.
nAu niveaudes bureaux, est-ce
qu'on se dirige vers une déconcen-
tration?Les big 4parlent de bureaux
décentralisés...
On voudrait le beurre et l'argent du
beurre. Etre en ville présente
l'avantage de bénéficier des trans-
ports
en commun les plus développés:
avions, trains, bus, vélos et bientôt
tramway le problème est donc qu'on
ne trouve pas forcément la surface
disponible àl'endroit où l'on veut.
Certains se posent donc la question
de créer des antennes proches des
frontières. Cela paraît plein de bon
sens. Mais quand on passe àl'exé-
cution, cela devient plus difficile.
Les départements concernés par un
éventuel déménagement ne sont pas
homogènes du point de vue de l'ori-
gine de leurs membres. Si l'on rai-
sonne ensuite par pays de rési-
dence, cela risque de créer un cer-
tain désordre dans le fonction-
nement desdits départements. Cela
semble plus facile quand toute une
boîte déménage. Puis si l'on veut al-
ler au bout de la démarche, il faut
se mettre le long des lignes de
transport public. Vont d'ailleurs se
développer, grâce àune meilleure
coopération entre autorités, des P+R
aux gares de départ vers le Luxem-
bourg. Ils seront mieux organisés,
mieux ciblés. Idem pour les solu-
tions de covoiturages :ondevrait
voir naître des zones bien organi-
sées avec un poteau par quartier.
nJustement, le thème du Mipim,
«Housingthe world», fait la part belle
aux bâtiments intelligents.
Les bureaux d'études, présents au
Mipim, travaillent énormément en
ce moment sur le développement
durable. Et je comprends en ce
moment que les régulations natio-
nales ont été dépassées par les cer-
tifications comme Breeam, issues du
privé. Le grand enjeu pour l'avenir,
c'est l'immobilier existant qui n'est
pas encore certifié. Est-ce que le lé-
gislateur poussera le curseur jus-
qu'à obliger les propriétaires àmet-
tre leurs bâtiments aux normes en-
vironnementales? Ce serait un peu
dur. Les bureaux d'études sont au-
jourd'hui àl'œuvre pour trouver les
techniques de régulation entre lu-
mière et stabilité thermique. Au-
jourd'hui, les bâtiments intelligents
visent avant tout le contrôle de la
consommation d'énergie. Les bu-
reaux partagés aussi abordent cette
problématique. Mais ce n'est pas
possible pour tout le monde. On as-
siste àune révolution. Acôté, on a
quand même des tendances encore
très classiques, comme les avocats
ou les institutionnels européens.
Qu'est-ce que le Mipim?
Il s'agit du sigle désignant le marché in-
ternational des professionnels de l'im-
mobilier, une foire commerciale orga-
nisée tous les ans au Palais des festi-
vals àCannes (France).
«Cette espèce
d'écrin qui ressort de
la grisaille de la zone
euro.
Je travaille ici
depuis 1990. On
nous atoujours tiré
dessus au fusil
d'assaut. C'est en
train de changer,
notamment grâce au
travail de Luxem-
bourg for Finance»,
explique Vincent
Bechet.
(PHOTO:
CHRISTOPHE KARABA)
La journée et la soirée
luxembourgeoises
Tous les ans, la Chambre de commerce
chapeaute la «Journée luxembour-
geoise» avec notamment une confé-
rence et la visite d'un ministre. Cette an-
née, Etienne Schneider, ministre de
l'Economie, fera ànouveau le dépla-
cement. Il sera suivi àlatribune par Ly-
die Polfer, bourgmestre de Luxem-
bourg, et Paul Dühr, ambassadeur du
Luxembourg en France.
Tous les ans également, Inowai (an-
ciennement Property Partners) orga-
nise la soirée luxembourgeoise avec un
walking dinner et un keynote speaker.
Après avoir accueilli bon nombre d'émi-
nents représentants du Grand-Duché
(Xavier Bettel, Etienne Schneider, Jean-
not Krecké, Pierre Gramegna ou encore
Henri Grethen), l'agent immobilier a
choisi cette année de faire valoir le
tramway luxembourgeois avec une in-
tervention d'André von der Marck, pré-
sident de Luxtram. (pso)
Le Mipim de Cannes en chiffres
Nombre de participants en 2015:
21.400
Coût de l'accès: 1.775 euros
Editions: 28
Dates de l'événement: 15-18 mars
Pays participant: 89
Sociétés exposant: 2.445
Zone d'exposition: 19.000 m²
Investisseurs: 4.800
«
Ta nt que les taux restent bas,
que la croissanceéconomique et
démographique est là, non, nous ne
sommes pas au sommet niveau prix».
Vincent Bechet, LuxReal et Inowai
Sommaire
Et si on cultivait
sur le toit?
L'agriculture urbaine, une idée
fructueuse de l'urbanisme 4
Lohnendes
Umweltbewusstsein
Die Nachhaltigkeitszertifikate
erleben einen Boom 6
«Nousvendons les atouts
du Luxembourg»
Drees &Sommer sur le stand
luxembourgeois du Mipim 7
2015, année record pour
l'immobilier de bureaux
Les prises en occupation ont
dépassé 300.000 m28-9
Louboutinrejoint Dior
rue Philippe II
L'immobiliercommercial
boosté par le luxe 10
Un géant «absent»
du Luxembourg
La fusion Cushman &Wake-
field /DTZ en discussion 11
Kirchberg: un quartier
décidément prisé
Cartographie des arrivants et
futurs arrivants 12-13
Ces fonds immobiliers
qui ont la cote
Les gérants investissent dans
la variété 14
Le charme
de la «pierre-papier»
Investir dans l’immobilier
se fait aussi en Bourse 15
Impressum
Ce document«Real Estate
2016»est un supplément
du Luxemburger Wort,pu-
blié le 15 mars 2016.
Coordination:
Linda Cortey
Rédaction:
Linda Cortey, Nadia di Pillo,
Gérard Karas, Thierry Labro,
Daniel Pechon, Laurent
Schmit, Pierre Sorlut
Infographies:
Tania Schmartz
Layout:
Michel Rottigni
Publicité:
www.regie.lu
ESTATE
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1
Real Mardi, le 15 mars2016
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